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Full text of "Traité des désinfectants et de la désinfection"

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COLUMBIA   UNIVERSITY 

MEDICAL    LIBRARY 

IN  MEMORY  or  CECILIA  C.  METTLER 


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TOUS     DROITS     RESERVES 


TRAITE 


DES 


DÉSIN 


ET 


DE   LA   DÉ 


PAR 


E.    VALLIN 

Médecin  principal  de  1'°  classe  de  l'armée, 

Professeur  d'hygiène  à  l'école  de  médecine  militaire   du  Val-de-Grâce, 

Secrétaire  du  Comité  consul latif  d'hygiène  publique  de  France, 

Rédacteur  on  chef  de  la  Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  etc. 


AVEC  27  FIGURES  DANS  LE  TEXTE 


PARIS 
G.   MASSON,   ÉDITEUR 

LIBRAIRE     DE     l'ACADÉMIE     DE     MÉDECINE 

Boulevard    Saint-Germain    et    rue    do    l'Éperon 

EN     FACE    DE     L'ÉCOLE     DE    MÉDECINE 

1882 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

Open  Knowledge  Gommons 


http://www.archive.org/details/traitdesdsinOOvall 


PREFACE 


Un  livre  comme  celui-ci  n'a  pas  besoin  de  préface;  son 
utilité  est  évidente  ;  reste  à  savoir  si  la  matière  en  a  été 
bien  remplie.  Un  courant,  auquel  il  ne  faut  pas  s'aban- 
donner trop  complètement,  nous  entraîne  de  plus  en  plus 
vers  cette  idée  qu'un  grand  nombre  de  nos  maladies  résul- 
tent de  la  souillure  de  l'organisme  par  des  principes  infec- 
tieux, figurés  ou  non,  contenus  dans  l'air  que  nous  respi- 
rons, dans  le  sol,  les  aliments,  les  boissons. 

Si  cette  conception  est  justifiée,  c'est  le  triomphe  dans 
un  temps  prochain  de  la  prophylaxie  et  de  l'hygiène  ;  la 
classe  des  maladies  évitables  s'accroît  chaque  jour,  et  la 
médecine  préventive  tient  sa  place  à  côté  de  la  médecine 
curative  ou  thérapeutique. 

Jusqu'à  ces  dernières  années,  la  question  des  désinfec- 
tants était  complètement  négligée,  à  tel  point  que  dans  les 
traités  classiques  d'hygiène  publiés  avant  1880,  on  ne 
trouve  point  de  chapitre  consacré  à  la  désinfection  ;  il  n'en 
est  question  qu'incidemment  :  parfois  même  le  mot  ne  se 
trouve  pas  à  la  table  des  matières.  Le  Traité  des  désin- 
fectants publié  en  1862  par  Chevallier  n'est  qu'une  édi- 
tion amplifiée  d'un  ancien  mémoire  sur  le  chlore  et  les 
chlorures.  En  outre,  le  jugement  porté  sur  la  valeur  des 
diverses  substances  désinfectantes  manquait  d'une  base 
positive;  on  s'appuyait  sur  le  résultat  obtenu  dans  cer- 


I  PRÉFACE. 

laines  maladies  épidémiques,  et  l'on  sait  combien  il  est 
difficile,  dans  les  maladies  populaires,  de  faire  la  part  des 
influences,  de  rattacher  à  leurs  vraies  causes  les  oscilla- 
tions décroissantes  et  les  exacerbations  d'une  épidé- 
mie; souvent  on  induisait  l'efficacité  des  désinfectants 
exclusivement  de  leur  composition  chimique. 

Depuis  les  dernières  études  sur  les  virus,  cette  question 
est  entrée  dans  une  voie  nouvelle  ;  c'est  à  l'expérimen- 
tation qu'on  demande  des  preuves  de  la  valeur  respective 
des  désinfectants  ;  on  mêle  un  virus  en  certaines  propor- 
tions avec  l'agent  dont  on  veut  contrôler  la  valeur,  on 
inocule  le  mélange,  et  le  résultat  donne  la  mesure  de  l'ef- 
ficacité de  la  substance  expérimentée.  Les  travaux  de 
Baxter,  Davaine,  Dougall,  Sternberg,  Arloing,  Cornevin 
et  Thomas,  ont  jeté  une  vive  lumière  sur  cette  difficile 
question  ;  il  en  est  de  même  des  cultures  des  bactéries  et 
des  spores  dans  des  liquides  additionnés  de  substances 
neutralisantes,  en  particulier  des  recherches  de  Kùhne, 
Wernich,  Jalan  de  La  Croix,  Koch  et  Wolffhiigel,  etc.  Ce 
sont  ces  travaux  que  nous  nous  sommes  proposé  d'ex- 
poser, de  coordonner,  de  critiquer.  La  question  est  telle- 
ment opportune,  elle  excite  depuis  moins  d'un  an  un 
tel  intérêt,  les  travaux  sur  ce  sujet  se  multiplient  avec 
une  telle  rapidité,  que  pendant  l'impression  de  ce  volume 
nous  avons  été  souvent  obligé  d'intercaler  à  la  dernière 
heure  les  résultats  importants  que  venaient  de  publier  les 
auteurs. 

L'impulsion  est  aujourd'hui  donnée  ;  elle  ne  s'arrêtera 
plus.  Dans  presque  tous  les  pays,  les  municipahtés,  sinon 
les  gouvernements,  s'efforcent  d'imposer  la  désinfection 


PRÉFACE.  m 

obligatoire  à  la  suite  des  maladies  contagieuses;  partout 
l'on  construit  des  étuves,  des  lazarets  de  désinfection.  Les 
accoucheurs  et  les  chirurgiens  ont  fait  cesser  en  grande 
partie  les  désastres  qui  ravageaient  jadis  les  hôpitaux,  en 
introduisant  le  pansement  antiseptique,  la  purification 
absolue  des  locaux,  des  objets  d'habillement  et  de  panse- 
ment, des  mains  des  opérateurs.  Aucun  exemple  ne  montre 
mieux  la  toute-puissance  des  pratiques  de  la  désinfection, 
que  les  résultats  obtenus  dans  leurs  services  par  MM.  Tar- 
nier,  Siredey,  Lucas-Championnière,  et  par  tous  les  chirur- 
giens qui  emploient  soigneusement  la  méthode  antisep- 
tique. 

Le  public,  qui  d'ordinaire  reste  si  indifférent  à  ce  qui 
concerne  l'hygiène  collective,  commenceàs'intéresser  à  ce? 
questions,  et  nous  avons  vu  récemment  quelle  part  il  a 
prise  à  la  campagne  contre  l'infection  par  les  égouts,  les 
vidanges,  les  fabriques  de  sels  ammoniacaux. 

Il  nous  a  semblé  nécessaire  de  réunir  dans  un  livre 
les  renseignements  nombreux,  mais  très  disséminés  sur  cet 
important  sujet;  pour  juger,  il  faut  pouvoir  comparer  et 
trouver  sous  la  main  toutes  les  ressources  qui  ont  été  pro- 
posées ou  employées  dans  un  cas  particulier. 

Nous  nous  sommes  efforcé  de  rendre  ce  livre  pratique; 
puisse-t-il  contribuer  au  progrès  d'une  question  que  nous 
considérons  comme  la  plus  importante  peut-être  de  l'hy- 
giène. 

Paris,  le  1"  septembre  1882. 

E.  Vallin. 


TABLE  DBS  MATIERES 


Préface  i 

Table  des  matières v 


NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 


définition 1 

Historique 6 

Plan 12 


LIVRE  PREMIER 

DES    DÉSINFECTANTS 


CHAPITRE  PREMIER.  —  Moyens  MÉcvMQUES 23 

Enlèvement  direct  des  matières  infectantes,  lavage,  ventilation  .  23 

CHAPITRE  II.  —  Absorbants,  désodorams 31 

Article  premier.  —  Absorbants  physiques 33 

Charbon,  33.  ~  Poussières  sèches,  41.  —  Terre  sèche,   4o,   — 

Cendres  .   .   .    v   *   ■   .   ,    ,    . 55 


VI  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Art.  n.  —  Absorbants  chimiques 56 

Sels  métalliques  en  général 56 

Sulfate   de  fer,    62.  —  Sulfate  de  zinc,  64.  —  Perchlorure   de 

fer,  64.  Chlorure  de  zinc,  66.  —  Azotate  de  plomb, 66 

Chaux  vive  ou  éteinte,  eau  et  lait  de  chaux 69 

Sous-nitrate  de  bismuth 13 


CHAPITRE  m.  -  Des  antiseptiques 74 

Article  premier.  —  Des  conditions  antiseptiques 76 

Soustraction  de  l'humidité,  76.  —  Froid,  81.  —  Soustraction  du 
contact  de  l'air 90 

Art.  II.  —  Des  antiseptiques  en  général 91 

Expériences  sur  la  valeur  comparée  des  antiseptiques 92 

Art.  III.  — Des  antiseptiques  EN  particulier. . 115 

Bichlorure  de  mercure  ou  sublimé,  115.  —  Chlore,  123.  — Chlo- 
rure de  sodium,  123.  —  Chlorure  de  zinc,  123.  —  Choral,  129. 
—  Chloralum  ou  chlorure  d'aluminium,  132.  —  Acétate  d'a- 
lumine, 133.  —  Acide  sulfurique,  135.  —  Acide  sulfureux, 
136.  —  Acide  arsénieux,  138.  —  Acide  borique  et  bo- 
rate de  soude,  139.  —  Silicate  de  soude,  151.  —  Acide 
pyrogallique,  153.  —  Acide  acétique,  155.  —  Acide  picrique 
ou  carbo-azotique,  156.  —  Acido  phénique,  158.  —  Goudron, 
169.  —  Huiles  lourdes  de  houille,  172.  —  Acide  pyroligneux, 
174.  —  Créosote,  174.  —  Crésol,  175.  —  Naphtaline,  176.  — 
Térébène,  176. —  Acide  Ihymique  ou  thymol,  178. — Menthol, 
179.  —  Acide  salicylique,  181.  —  Essence  de  Wintergreen  ou 
de  gaulthéria,  194.  —  Eucalyptol,  195.  —  Résorcine,  196.  -- 
Acide  benzoïque  et  benzoates,  199. —  Tannin,  202.  —  Alcool, 
203.  —  Chloroforme,  205.  —  Ether  azoteux  ou  azotiife  d'éthyle,   .     206 


CHAPITRE  IV.  —  Neutralisants 216 

Article  premier.  —  Des  neutralisants  en  général 216 

Expériences  sur  la  valeur  comparée  des  neutralisants 216 

Atténuation  des  \irus  par  les  désinfectants 222 

Art.  II.  —  Des  neutralisants  en  particulier 226 

Chaleur,  226. —  Acides  sulfurique,  nitrique,  chromique,  238.  — 
Acide  sulfureux,  243.  —  Fumigations  d'acide  nitrique,  265.  — 
Fumigations  nitreuses  et  d'acide  hypoazotique,  269.  —  Fu- 
migations d'acide  chlorhydrique,  275.  —  Chlore  et  chlorures, 


TABLE  DES  MATIÈRES.  vir 

:279.  —  Iode  et  brome,  29o.  —  Oxygène,  302.  —  Eau  oxy- 
génée, .309.  —  Ozone,  313.  —  Permanganate  de  potasse,  .323. 
—  Acide  phénique,  328.  —  Suc  de  feuilles  de  noyer,  etc.    .    .   .     33 i 


LIVRE  DEUXIEME 
DE    LA    DÉSINFECTION. 

CHAPITRE  PREMIER.  —  Désinfection  xosocomiale 338 

Article  puemier.  —  Désinfection  des  plaies  ou  de  la  LÉiioN.    .  338 
Méthode  de  Lister,    339.    —   Plaies    gangreneuses,   cancéreuses, 

ozène, .    .    .  3iO 

Haleine,  lochies  fétides,  lavage  des  plèvres,  .    , 346 

Art.  II.  —  Plaies  venimeuses  ou  virulentes .349 

Piqûres  ou  morsures  venimeuses 350 

Plaies,  inoculations,  morsures  virulentes,  333.  —  Pourriture  d'hô- 
pital,      357 

Art.  III.  —  Désinfection  du  malade    , 359 

Désinfection  externe 339 

Désinfection  interne 361 

Putridité  intestinale,  361 .  —  Traitement  interne  des  maladies  zy- 

motiques  par  les  sulfites,   l'acide  borique,  l'acide  phonique,  etc.  .363 

Désinfection  des  sécrétions,  des  selles  des  malades 3"9 

Vases  de  nuit,  tables  de  nuit, 380 

Aht.  IV.  —  Désinfection  des  locaux , 386 

A.  —  Locaux  non  habités 386 

Évacuation  et  chômage,    383.    —  Blanchiment,  389.  —  La- 
vage des  parois,  390.  —  Fumigations  nitreuses,  391;  —  chlo- 

rhydriques,  39.3;  —  sulfureuses,   397.   —  Chlore, iOO 

B.  —  Locaux  non  incessamment  habités -^03 

Évacuations    partielles,    dissémination,  ventilation  perma- 
nente, 40,0.  Pulvérisation  et  lavage  des  parois, 406 


Min  TABLE  DES  MATIÈRES. 

C.  —  Locaux  incessamment  occupés 408 

Ventilation,  409.  — Dégagement  artificiel  d'oxygène,  409;  — 
d'ozone,  410.  —  Azotite  d'éthyle,  411  ;  —  Acide  sulfureux  et 
bougies  soufrées,  413.  —  Fumigations  d'acides  azotique  et 
chlorhyJrique, 414 

Art.  V.  —  Désinfection  des  vêtements 421 

^.i.— Chaleur 423 

Action  destructive  de  la  chaleur  sur  les  germes  ;  expériences, 
427.  —  Action  sur  les  tissus  de  laine,  de  coton, 428 

A.  —  Description  et  critique  des  appareils  à  air  chaud  et  ètuves.     433 

Étuves  sèches  à  feu  nu  :  Conditions  générales,  435.  — 
Thermo-régulateurs  divers,  436.  —  Étuve  de  Ransom,    440. 

—  Four  Léoni,  445.  —  Chambre  désinfectante  de  Scott, 
446.  —   Appareil  de  Nelson    et  Somer,  448.  —  do    Fraser, 

—  Éluve  d'Amersfoort,  450;  —  de  l'hôpital  Saint-Louis,  430. 

—  Chambre  à  air  chaud  de  M.  Herscher 454 

Etuves  chauffées  par  les  parois  :  Appareils  de  Esse,  de 
Berlin,  460;  —  de  l'hôpital  Moabit,  462.  —  Four  de  Chris- 
tiansand, 467 

B.  —  Désinfection  par  la  vapeur 467 

Expériences  de  Koch,  Gaffky  et  Lœffler,  467.   —  Appareils 

de  Washington  Lyon,  de  Bâte, 469 

C.  —  Appareils  mobiles 472 

Étuves  ambulantes  de  Fraser,  Stoobs  and  Seagrave,  etc., 
475.  —  D'Albenois  de  31arseiile, 475 

D.  —  Lazarets  de  dédnfection 476 

Corporation  disinfecting  stations,  477. —  Lazaret  de  M.  Hers- 
cher, 472  ;  —  de  Pétruschky,  de  Stettin, 480 

g  2. — Acide  sulfureux 482 

Action  de   l'acide  sulfureux  sur  la  couleur  et  la   résistance 

des  tissus,  482.  —  Action  sur  les  bactéries,  les  spores   .   .     487 

^,S.— Chlore,  chlorures,  elc 488- 

Action  du  chlore  sur  la  couleur  et  la  résistance  des  tissus.     490 

^,i!.— Pratique  des  opérations  de  désinfection 493 

Vêtements,  493.  — Linge  sale  et  linge  à  pansements,  495.  — 
Matelas,  literie, 497 

Art.  VI.  — Désinfection   du   matériel   chirurgical 508 

Art.  VII.  —  Désinfection   du  personnel  médicai 510 

Art.  VIII.  —  Désinfection  des  véhicules 522 


TABLE  DES  MATIÈRES.  ix 

Art.   IX.   —  DÉS1NFECTI0>'    OBLIGATOIRE   DES  MALADES 525 

Marseille,  527.  —  Le  Havre,  529.  —  Paris,  53L  —  Pays-Bas, 
333.—  Belgique,  538.  —  Turin,  542.  —  Angleterre,  543.  États- 
Unis,  545.  —  Suisse,  532.  —  Norwcge,  553.  —  Danemark,  Alle- 
magne    534 

CHAPITRE  IL  —   Désinfection    yiARANTEXAiRE 556 

Règlement  sanitaire  maritime  de  1806,  536.  —  Chiffons,  539.  — 
Cuirs,  cornes,  crins  et  laines,  367.  —  Vêtements,  colis  postaux, 
570.   —  Les  personnes,  371.  —  La  cargaison,  371.  —  Le  navire.     573 

CHAPITRE  m.  —  Désinfection  vétérinaire 587 

Loi  sur  la  police  sanitaire  des  animaux,  587.  —  Wagons  et  voi- 
tures de  transport,  589.  —  Cadavres  d'animaux,  391.  —  Écuries, 
litières,  394.  —  Expériences  sur  la  destruction  du  virus  du 
charbon  symptomatique, 596 

CHAPITRE  IV.  —  Désinfection    des  aliments  et  des  boissons  .   .     599 
Viandes  altérées,  trichinées,  suspectes,  399.  —  Poisson,   601.  — 
Vins  et  bières,   eau,  alcools  de  mauvais   goùl, 602 

CHAPITRE  V.  —  Désinfection   des   habitations   collectives  .   .   .     003 

Article  premier.  —  Locaux  d'habitation 603 

Dortoirs  et  chambrées,  603.  —  Purification  des  murailles,  des 
parquets, 607 

Art.  II.  — .Destruction  des   parasites 613 

Art.  III.  —  Éviers,  tuyaux  de  conduite  des  eaux  ménagères.    .     614 

Art.  IV.  —  Résidus    de   cuisine 616 

Art.  V.  —  Latrines 617 

Principes  généraux,  617.  —  A.  —  Le  cabinet,  617.  —  B.  —  La 
fosse,  623.  —  Sels  métalliques,  623.  —  Chlorures,  628.  — 
Huile  lourde  de  houille,  629.  —  Acide  phénique,  632.  —  Su- 
blimé, 635.  —  Acide  sulfurique,  633.  —  Désodorant  de  Sii- 
vern,636.  —  Cheminées  d'appel,  639.  —  Closet  Marino,  644. 
—  Acide  sulfo-nitreux.  Appareils  de  MM.  Pabst  et  Girard, 
645.  —  Terre  sèche,  earth-system,  645.  —  Système  Goux- 
Thulasne  , 652 

CHAPITRE  VI.  —  Désinfection  industrielle "657 

Article  premier.  —  Émanations  industrielles,  dégagements.  .        657 


X  TABLE  DES  MATIÈRES. 

Condensation  des  vapeurs  et  des  gaz  par  l'eau,  638.  —  Com-r 
bastion  des  buées  et  fumées  sous  les  foyers,  639.  —  Neutra- 
lisation chimique  des  dégagements,  662.  —  Appareils  protec- 
teurs et  masques, 663 

Art.  il  —  Désinfection  kt  épuration  des  eaux  industrielles.  .    665 
Lois  et  arrêtés 666 

gl. —  Clarification 668 

Précipitation  spontanée,  669.  —  Précipitation  par  réactifs 
chimiques,  669.  —  Épuration  par  la  chaux,  671.  —  Trai- 
tement des  vinasses,  673.  —  Procédé  ABC,  675.  —  Adjonction 
des  sels  de  fer,  de  manganèse  à  la  chaux,  675.  —  Laves 
calciques,    678.  -—  Sulfate  d'alumine  ferrugineux 679 

12.~ Épuration  par  le  sol 683 

Irrigation  intermittente   sur  un  sol  drainé  .   , 684 

§3. —  Neutralisation  chimique 687 

Saturation  des  acides 688 

§4. —  Évaporation  et  destruction  des  résidus  par  le  feu  ....     690 

^5.— Puisards 691 

Art.  III.  —  Désinfection  des  résidus  solides 692 

Engrais,  composts,  débris  d'équarrissage  et  d'abattoirs,  fu- 
miers     695 

CHAPITRE  VIL  —  Désinfection   municipale 696 

Article  premier.  —  Désinfection  de  la  voie  publique 696 

Immondices  et  boues,  697.  —  Désinfectants  adoptés  par  la  villa 
de  Paris  pour  la  voie  publique,  701.  —  Désinfection  de  l'eau 
des  bains   sulfureux »« 702 

Art.  il  —  Désinfection  des  ports  de  mer 703 

Art.  III.  —  Désinfection  des  halles  et  marchés 704 

•  Art.  IV.  —  Morgues,  amphithéâtres  de  dissection,  abattoirs.   .    706 
Morgues,  706.  —    Amphithéâtres,   7M.    —   Abattoirs,    ....     723 

Art.  V.  —  Inhumations,  exhumations,  cimetières 724 

Inhumations,  724.  —  Exhumations. „     728 

Art.  VI.  —  Désinfection  des  égouts 732 

1°  Lavage  intermittent  à  grande  eau,  732.  —  2°  Curage  des 
égouts,  734.  —  3°  Établissement  des  pentes,  733.  —  4°  Imper- 
méabilité des  conduits,  736.  —  S"  Ventilation  des  égouts,  736  ; 
ventilateurs-ûltres  à  charbon,  741  ;  occlusion  hydraulique, 
7i5.  —  6°  Désinfection  chimique  des  égouts 746 


TABLE  DES  MATIÈRES.  xi 

Art.  vil  —  Vidanges 750 

Ordonnances  concornant  la  desinfection  des  fosses,  "32.  —  Emploi 
du  sulfate  do  fer,  734.  —  Desinfection  chimique  des  gaz  des 
tonnes,  762.  —  Brûlage  des  gaz,  763.  —  Désinfection  préven- 
tive des  tinettes  mobiles,  766.  —  Désinfection  dans  les  fabriques 
do  sels  ammoniacaux,  768.    —   Désinfection    et  épuration   des 

matières  de  vidanges  par  le  sol 771 

CHAPITRE  VIII.   —  DÉSINFECTION  DU  SOL 773 

Art.  premier.  —  Terrains  marécageux 773 

Art.  II.  -—  Assainissement  des  champs  de  bataille 779 

Prix  approximatif  des  substances  désinfectantes 789 

Table  des  figures 791 

Table  alphabétique 793 

Errata .  799 


TRAITÉ 

DES  DÉSINFECTANTS 


ET 


DE  LA  DÉSINFECTION 


NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 


DEFINITION. 

La  désinfection  est  la  suppression  de  l'infection.  Mal- 
heureusement, les  acceptions  si  diverses  qu'a  subies  le 
mot  infection  depuis  un  grand  nombre  d'années,  empê- 
chent de  trouver  dans  cette  antithèse  d'expression  et 
d'idée  la  base  d'une  définition  rigoureuse.  L'on  ne  saurait 
nier,  toutefois,  que  le  mot  infection  implique  surtout 
l'idée  de  souillure,  ce  qui  est  conforme  à  l'étymologie  : 
infîcere,  souiller.  On  pourrait  donc  dire  que  désinfecter, 
c'est  supprimer  la  souillure  des  milieux  ou  des  matières 
qui  peuvent  agir  d'une  manière  fâcheuse  sur  les  sens  ou 
sur  la  santé  de  l'homme  et  des  animaux. 

Il  est  en  effet  difficile  de  ne  pas  tenir  compte  à  la  fois 
du  sens  vulgaire  et  du  sens  scientifique  qu'on  donne  habi- 
tuellement au  mot  désinfecter.  Ce  mot  retient  quelque 
chose  des  deux  acceptions  de  son  radical  :   infect,  toute 

Valli.n.  —  Désixfectams.  1 


2  NOTIONS  PRELIMINAIRES. 

chose  qui  a  mauvaise  odeur;  infectieux,  qui  souille  par 
des  principes  morbifîques,  effluves,  miasmes,  germes, 
contages,  parasites,  etc.  A  ce  point  de  vue,  désinfection  a 
une  signification  bien  plus  étendue  qu'infection.  Dans  le 
langage  médical,  l'infection  est  une  cause  et  un  mode  de 
développement  de  maladies  ;  on  l'a  souvent  opposée  à  la 
contagion,  et  cependant  un  mot  unique,  désinfection,  s'em- 
ploie pour  exprimer  la  destruction  des  propriétés  à  la  fois 
infectieuses  et  contagieuses  de  l'air  ou  d'un  foyer.  On  dit 
désinfecter  les  égouts,  les  fosses  de  vidanges  contenant  du 
sulfhydrate  d'ammoniaque,  désinfecter  un  navire  en  pa- 
tente brute  de  fièvre  jaune,  aussi  bien  que  désinfecter  une 
salle  qui  a  reçu  des  varioleux  ;  on  dit  même  désinfecter  les 
habits  d'un  galeux. 

On  ne  saurait  le  nier,  le  mot  désinfecter  implique  : 
1°  une  action  sur  certains  principes  volatils,  sur  des  éma- 
nations dont  l'existence  matérielle  se  traduit  par  des  réac- 
tions chimiques  ou  par  des  propriétés  organoleptiques; 
2°  une  action  sur  des  principes  morbides  de  nature  mal 
déterminée,  variable  ou  ne  se  traduisant  le  plus  souvent 
que  par  leurs  effets  sur  l'organisme,  germes  spécifiques 
ou  contages. 

Au  point  de  vue  scientifique,  il  y  a  peut-être  quelque 
inconvénient  à  introduire  dans  l'idée  de  désinfection  la 
suppression  des  odeurs  qui  blessent  l'odorat.  La  mauvaise 
odeur  n'est  pas  nuisible  par  elle-même  ;  c'est  un  épiphé- 
nomène  qui  ne  donne  pas  nécessairement  la  mesure  des 
propriétés  nocives  de  l'air  ou  d'une  substance  quelconque. 
Le  public ,  étranger  à  la  médecine,  a  précisément  une 
tendance  fâcheuse  à'  juger  de  l'insalubrité  par  la  mauvaise 
odeur  ;  fabsence  de  celle-ci  lui  donne  une  sécurité  trompeuse  ; 
en  la  masquant  par  des  artifices  divers,  il  croit  d'ordinaire 
avoir  fait  disparaître  tout  le  danger.  Toutefois,  il  faut  évi- 
ter ici  de  violenter  le  sens  ordinaire  des  mots  :  une  atmos- 
phère qui  ne  blesse  en  rien  l'odorat  peut  certainement  être 


DEFINITION.  3 

insalubre  et  engendrer  les  maladies  les  plus  graves;  mais 
les  odeurs  fétides  ou  désagréables  sont  un  témoin  révéla- 
teur qui  implique  la  présence  de  principes  nuisibles,  de 
gaz  toxiques,  ou  de  matières  organiques  en  décomposition; 
il  ne  faut  pas  trop  en  diminuer  l'importance  aux  yeux  du 
public,  pour  qui,  à  juste  titre,  tout  ce  qui  sent  mauvais 
est  suspect. 

Sans  doute,  au  point  de  vue  de  l'hygiène,  la  désinfec- 
tion n'est  vraiment  nécessaire  que  lorsque  les  émanations 
mal  odorantes,  infectes,  sont  capables  de  compromettre  la 
santé  des  êtres  vivants;  mais,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  il  est 
rare  qu'une  odeur  vraiment  infecte  blesse  longtemps  le 
sens  olfactif  sans  qu'il  y  ait  en  même  temps  quelque  dan- 
ger pour  la  santé  de  l'homme.  M.  Chevreul,  qui  a  fait  de 
longues  études  pour  s'efforcer  de  réduire  les  odeurs  à  des 
éléments  chimiques  saisissables,  croit  pouvoir  les  ratta- 
cher à  l'ammoniaque,  à  l'acide  butyrique,  caproïque,  etc., 
toutes  substances  qui  sont  pour  la  plupart  de  véritables 
poisons  pour  l'organisme.  On  peut  dire  avec  raison  que 
toute  mauvaise  odeur  rend  la  désinfection  nécessaire;  mais 
il  n'en  suit  nullement  que  la  désinfection  soit  inutile  quand 
il  n'existe  aucune  émanation  appréciable  par  l'odorat. 
d'est  pour  cela  qu'il  nous  est  impossible  d'accepter  la  défi- 
nition donnée  par  Littré  dans  son  Dictionnaire  de  la  lan- 
gue française  :  «  Désinfectants,  substances  qui  détruisent 
chimiquement  les  mauvaises  odeurs .   » 

La  décomposition  des  matières  organiques,  la  présence 
des  produits  de  la  fermentation  putride,  etc.  sont  cer- 
tainement une  cause  très  commune  de  cette  souillure  des 
milieux  que  la  désinfection  s'efforce  de  détruire  ;  mais  il 
est  impossible  de  limiter  à  cet  ordre  de  causes  l'action  des 
désinfectants.  C'est  aussi  ce  qui  nous  empêche  d'accepter 
la  définition  de  Fleury  qui,  dans  son  Cours  cVhijgiène,  a 
longuement  discuté  la  signification  qu'il  fallait  attribuer  à 
■ce  mot.  «  La  ventilation  et  la  désinfection,  dit-il,  sont  les 


4  NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

moyens  que  l'on  met  en  usage  pour  prévenir  et  pour  neu- 
traliser les  émanations  animales  putrides.  »  Dans  tout  le 
chapitre,  il  n'est  question  que  de  ces  émanations  putrides; 
pour  lui,  la  désinfection  semble  ne  pas  s'appliquer  aux 
germes  morbides,  il  paraît  oublier  que  la  désinfection, 
comprise  dans  ce  dernier  sens,  est  mentionnée  à  chaque 
page  de  nos  règlements  sanitaires  et  des  prescriptions 
quarantenaires.  Aussi,  sommes-nous  étonné  de  voir  en- 
core M.  Rabuteau  (1)  définir  les  désinfectants  :  «  Lesagents 
qui  détruisent  les  mauvaises  odeurs  développées  pendant 
la  fermentation  putride;  »  il  est  vrai  qu'il  ajoute  :  «  ou 
produites  par  une  autre  cause.  » 

A  ces  définitions  trop  limitées,  nous  préférerions  celle 
de  Tardieii  (2)  :  «  On  donne  le  nom  de  désinfection  à  l'opé- 
ration à  l'aide  de  laquelle  on  cherche  à  détruire  les  quahtés 
nuisibles  de  l'air.  »  Mais  à  quelle  Umite  s'arrêter?  L'ex- 
trême sécheresse,  l'extrême  chaleur,  le  refroidissement 
excessif,  sont  assurément  f?es  qualités  nuisibles  de  l'air; 
il  est  impossible  de  faire  rentrer  dans  la  désinfection  la 
suppression  de  ces  conditions  fâcheuses.  En  outre,  la  désin- 
fection ne  s'applique  pas  seulement  à  l'air  :  on  désinfecte 
les  plaies  aussi  bien  pour  empêcher  la  souillure  de  l'air, 
que  pour  prévenir  la  résorption  de  Hquides  putrides  ;  on 
désinfecte  des  objets  matériels,  des  vêtements,  la  literie, 
les  parois  intérieures  d'un  navire;  on  désinfecte  les  eaux 
industrielles,  les  égouts,  les  selles  d'un  cholérique,  etc. 

Tandis  que  les  uns  limitent  la  désinfection  aux  émana- 
tions putrides,  que  les  autres  retendent  à  tout  ce  qui  peut 
nuire,  Parkes  (3)  au  contraire  la  restreint  exclusivement  à 
ce  qui  empêche  l'extension  des  maladies  infectio-conta- 

(1)  Rabutenu  ,  Manuel  de  thérapeutique;  désinfectants. 

(2)  A.  ïuidicu  ,  Dictionnaire  d'hygiène  publique  et  de  salubrité,  2»  édi- 
tion, 1862  ;  t.  1,   p.  688.    " 

(3)  Parkes,  A  Manual  of  practical  hygiène,  5^  édition  by  F.  do  Chau- 
mont,  London,  J.  et  A.  Ghurcbill,  1818  ,  p.  508. 


DEFINITION.  5 

gieuses,  en  détruisant  leurs  poisons  spécifiques.  Dans  son 
Traité  d'Iiiigiène,  la  désinfection  ne  s'applique  qu'aux 
contages,  aux  virus,  aux  germes  morbides,  aux  parasites; 
à  la  rigueur  il  y  rattacherait  la  destruction  des  entozoaires, 
les  Isenifuges,  etc.  Le  terme  général  de  purificateurs  de 
l'air  est  donné  par  lui  aux  agents,  quels  qu'ils  soient, 
qui  peuvent  nettoyer  (to  cleanse)  l'air,  et  la  désinfection 
n'est  qu'une  forme  particulière  de  cette  purification.  Le 
traitement  hygiénique  des  égouts,  des  vidanges,  etc., 
rentre  dans  l'étude  des  air  purifier  s,  non  pas  dans  celle 
des  désinfectants.  A  tout  médecin  français,  cette  concep- 
tion paraîtra  arbitraire  et  trop  restreinte  :  dans  notre  pays 
au  moins,  le  désaccord  serait  trop  grand  entre  le  langage 
courant,  l'acception  usuelle,  et  une  acception  scientifique 
aussi  rigoureuse;  nous  n'oserions  affirmer  qu'il  en  soit 
ainsi  dans  la  langue  anglaise. 

Nous  disions  en  commençant  que,  grammaticalement, 
désinfection  était  la  suppression  de  l'infection;  on  voit  que 
Parkes  n'a  pas  reculé  devant  cette  donnée,  et  qu'il  a  pris 
pour  point  de  départ  le  sens  moderne,  spécial,  très  limité 
du  mot  infection.  Nous  sommes  bien  loin  de  l'époque  oîi 
Rochoux  {Dictionnaire  de  médecine,  1823  et  1835)  con- 
cluait, avec  Arejula,  que  «  les  fumigations  désinfectantes 
étaient  sinon  nuisibles,  tout  au  moins  inutiles  contre  les 
maladies  infectieuses  ». 

Chalvet  (1),  dans  le  mémoire  que  l'Académie  de  médecine 
a  couronné  en  1863,  a  donné  une  définition  qui  nous  pa- 
raît très  complète,  et  qui  serait  irréprochable  si  elle  n'était 
trop  longue  et  trop  compliquée;  elle  s'applique,  il  est  vrai, 
plutôt  aux  désinfectants  qu'à  la  désinfection  :  «  Un 
«  corps  est  dit  désinfectant,  lorsqu'il  possède  la  pro- 
«  priété  d'enlever  à  l'air  ou  à  une  matière  quelconque, 

11)  Chalvet.  Des  désinfectants  et  de  leurs  applications  à  la  thérapeu- 
tique et  à  l'hygiène.  (Mémoires  de  l'Académie  de  médecine,  1863,  tome 
XXVI,  p.  473.) 


6  NOTIONS  PRELIMINAIRES. 

«  des  qualités  nuisibles  contractées  par  l'imprégnation  de 
«  substances  fort  tenaces  et  de  diverse  nature,  appelées 
«  miasmes,  émanations,  effluves;  ou  bien  d'anéantir  les 
«  éléments  fétides  qui  naissent  sous  l'influence  de  la  dé- 
«  composition  partielle  des  corps  organiques  privés  de  vie.  » 
Nous  aimerions  mieux  dire  avec  lui,  d'une  façon  -plus 
concise,  que  les  désinfectants  sont  Us  substances  capa- 
bles de  neutraliser  les  principes  morbifiques,  virus,  ger- 
mes, miasmes,  ou  de  décomposer  les  particules  fétides  et 
les  gaz  qui  se  dégagent  des  matières  en  putréfaction. 

Il  est  assez  curieux  de  constater  que  cette  définition  se 
rapproche  plus  que  toutes  les  autres  de  celle  qui  était 
donnée  par  Halle  et  Nysten  dans  le  Dictionnaire  des  scien- 
ces médicales  en  1814,  et  qui  aujourd'hui  encore  nous 
paraît  excellente,  si  on  la  limite  à  ce  premier  membre  de 
phrase  :  «  La  désinfection  s'entend  spécialement  de  la 
destruction  des  émanations  malfaisantes  qui  peuvent  agir 
sur  nos  corps ...» 

Il  est  inutile  d'ailleurs  de  poursuivre  outre  mesure  une 
définition  rigoureuse  et  complète  ;  le  temps  est  passé  de 
ces  formules  scolastiques  et  un  peu  pédantesques.  Nos 
connaissances  sur  la  nature  des  maladies  dites  infectieuses 
sont  en  voie  de  se  transformer;  ce  qui  serait  vrai  dans 
l'état  actuel  de  la  science,  courrait  risque  de  ne  plus  l'être 
demain.  Il  importe  moins  de  limiter  rigoureusement 
le  sujet,  que  de  tracer  ici  un  cadre  dans  lequel  viendront 
se  ranger,  dans  un  ordre  raisonnable  et  commode,  toutes 
les  notions  ayant  trait  à  la  désinfection  et  aux  désinfec- 
tants. 

HISTORIQUE. 

La  répugnance  instinctive  qu'inspirent  les  mauvaises 
odeurs,  a  conduit  l'homme  dans  les  temps  les  plus  re- 
culés à  les  masquer  par  des  aromates,  et  ceux-ci  ont  été 


HISTORIQUE.  7 

le  plus  souvent  associés  aux  désinfectants  proprement  dits. 

Les  cérémonies  religieuses  n'allaient  point,  même  dans 
l'origine,  sans  qu'on  brulàL  des  parfums;  cette  apération 
entraînait  une  pensée  de  purification  et  de  désinfection,  à 
tel  point  que  le  mot  parfums  est  resté  dmis  nos  vieilles 
pratiques  quarantenaires,  pour  désigner  ces  mélanges 
d'une  odeur  forte^  composés  de  goudron,  de  genièvre,  de 
poudre  à  canon,  de  soufre,  dont  on  se  servait  dans  les  laza- 
rets et  les  navires  pour  désinfecter  les  personnes  et  les 
choses.  Pendant  de  longs  siècles,  et  même  jusqu'à  nos 
jours,  la  désinfection  a  souvent  consisté  à  masquer  les 
mauvaises  odeurs  par  d'autres  odeurs  fortes  ou  aromatiques, 
sans  efficacité  réelle  au  point  de  vue  de  l'hygiène.  Cepen- 
dant le  soufre,  dès  la  plus  haute  antiquité,  était  employé 
dans  les  rites  religieux  ;  on  en  trouve  la  preuve  dans  le 
passage  suivant  d'Homère.  Ulysse  vient  de  massacrer  les 
prétendants  ;  Télémaque  vient  de  faire  pendre  les  esclaves 
infidèles  ;  les  pasteurs  ont  coupé  à  Mélanthe  le  nez  et  les 
oreilles.  Alors,  s'adressant  à  sa  nourrice  chérie  :  «  Vieille, 
«  dit  Ulysse,  apporte-moi  du  soufre  et  du  feu,  pour  que  ie 
«  dégage  l'air  de  ses  poisons  et  purifie  ce  palais.  Eury- 
«  clée  obéit,  elle  apporte  le  feu  et  le  soufre;  un  parfum 
«  s'élève  par  les  soins  du  héros,  et  se  répand  dans  la  salle, 
«  le  portique,  la  cour  et  tout  le  palais  (1).  » 

Sans  doute,  Ulysse  fait  brider  du  soufre  dans  le  palais, 
non  pas  seulement  pour  faire  disparaître  les  odeurs  que 
laissent  les  cadavres,  mais  encore  pour  accomplir  un  rite 
religieux  ;  l'emploi  de  ces  fumigations  paraît  avoir  été 
usuel  à  l'époque  d'Homère.  Du  temps  d'Hippocrate,  le 
soufre  était  décoré  de  l'épithète  :  anUloïmique,  c'est-à- 
dire  anti-pestilentiel,  de  Xotaoç,  peste. 

Les  bergers  de  l'antiquité  employaient  le  soufre  à  la 
fois  pour  blanchir  la  laine  des  toisons  et  pour  purifier  les 
moutons,  atteints  souvent  de  maladies  contagieuses. 

(1)  Odyssée,  chant  XXII,  vers  492,  traduction  de  Bitaubé. 


8  NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

Dans  les  Fastes  où  Ovide  décrit,  parmi  beaucoup  de 
choses,  les  cérémonies  religieuses  et  les  coutumes  domes- 
tiques, il  dit  :  livre  IV,  vers  135  : 

Pastor,  oves  saturas  ad  prima  crepusciila  lustra  ; 
Cserulei  liant  vivo  de  sulphure  fumi  ; 
Tacta  que  fumanti  sulphure  balet  ovis. 

«  Berger,  répands  l'eau  lustrale  sur  tes  brebis  repues;... 
que  le  soufre  vierge  jette  une  flamme  azurée;  que  la  fumée 
arrivant  jusqu'à  la  brebis,  provoque  ses  bêlements.   » 

L'emploi  des  antiseptiques  dans  les  embaumements 
remonte  aux  temps  les  plus  reculés  de  l'histoire  ;  l'usage 
du  goudron,  des  résines,  de  la  poix,  s'est  transmis  d'âge 
en  âge  jusqu'à  une  époque  récente.  Parmi  les  produits  de 
la  distillation  du  bois,  employés  par  les  Égyptiens  pour 
la  préparation  de  leurs  momies,  se  trouvaient  l'acide  pyro- 
ligneux, la  créosote,  dont  l'action  antiseptique  est  très 
énergique.  Pline  raconte  que  les  embaumeurs  égyptiens 
faisaient  usage  des  produits  de  la  distillation  du  goudron; 
la  substance  désignée  par  eux  sous  le  nom  de  -KiGnù-àiov 
huile  de  poix,  représente  sans  doute  nos  huiles  lourdes  de 
goudron,  l'anthracène,  le  chrysène,  le  pyrène,  des  chi- 
mistes modernes,  et  aussi  l'acide  phénique. 

Pendant  la  peste  d'Athènes,  le  médecin  Acron  se  rendit 
célèbre  en  faisant  allumer  de  grands  feux  au  milieu  des 
places  publiques  et  dans  les  rues  remplies  de*  cadavres. 
Au  dire  de  Plutarque,  on  attribua  à  ce  moyen  le  mérite 
d'avoir  purifié  la  ville  et  d'avoir  arrêté  l'épidémie. 

Tout  le  monde  connaît  les  mesures  sévères  et  parfois 
étranges  de  purification  que  la  loi  mosaïque  inspirait  aux 
Hébreux . 

Les  grandes  épidémies  qui  ont  fait  tant  de  ravages  au 
moyen  âge  et  jusqu'aux  premiers  siècles  de  l'ère  moderne  , 
la  terreur  qu'inspiraient  des  maladies  contagieuses  ou 
réputées  telles,  la  peste,  la  lèpre,  et  tant  de  ces  épidé- 
mies disparues  dont  Anglada    nous  a   retracé  l'histoire, 


HISTORIQUE.  9 

conduisirent  à  des  pratiques  de  désinfection  et  de  qua- 
rantaines qui  se  sont  perpétuées  dans  nos  lazarets  jusqu'à 
la  fin  du  XVIII*  siècle,  comme  les  vestiges  attardés  et  ridi- 
cules d'une  civilisation  barbare.  A  cette  époque,  les  idées 
théoriques  sur  les  esprits  animaux,  sur  l'iatrochimie, 
dirigeaient  seules  le  choix  et  l'invention  des  agents  répu- 
tés désinfectants  ;  c'est  le  règne  des  préjugés  les  plus  gros- 
siers, de  l'empirisme  le  plus  aveugle;  c'est  le  chaos. 

Pringle,  l'illustre  auteur  des  Observations  sur  les  ma- 
ladies des  armées,  est  un  des  premiers  qui  aient  introduit 
l'expérimentation  directe  et  méthodique  dans  l'étude  des 
désinfectants.  Dans  son  Mémoire  sur  les  substances  septi- 
ques  et  aidiseptiques,  lu  en  1750,  au  milieu  d'idées  doc- 
trinaires qui  ne  sont  plus  acceptables,  on  trouve  48  expé- 
riences, dont  plusieurs  peuvent  encore  aujourd'hui  être 
considérées  comme  très  correctes.  Il  plaçait  des  morceaux 
de  viande  fraîche  en  contact  avec  des  doses  variées  des  sub- 
stances en  expérience,  dans  des  flacons  bouchés  et  soumis 
à  l'étuve,  et  notait  jusqu'à  quel  moment  la  putréfaction 
était  retardée.  Il  prit  pour  point  de  départ  et  de  compa- 
raison, pour  unité,  l'action  antiseptique  de  60  grains  de  sel 
marin  sur  2  grammes  de  viande  de  bœuf  plongée  dans 
2  onces  d'eau  de  citerne,  maintenue  à  38"  centigrades  ;  le 
mélange  se  maintint  en  bon  état,  sans  odeur  de  corrup- 
tion, pendant  plus  de  trente  heures.  Pringle  a  résumé  ses 
expériences  dans  le  tableau  suivant,  que  nous  avons  com- 
plété en  y  joignant  les  résultats  indiqués  dans  les  autres 
chapitres  de  son  mémoire. 

Table  des  vertus  relatives  des  sels  pour  résister 
à  la  putréfaction  : 

Sel  marin 1 

Tarlre  vitriolé .   .    • ' 

Esprit  do  Mindererus  (Acétate  d'ammoniaque  liquide).  / 

Sel  diurétique  (acétate  de  potasse) i 

Tartre  vitriolé.    .   , ) 

(1)  Pringle,    Observations   sur    les  maladies   des  armées,  etc.,   édition 
Perler,  1863,  p.  144. 


10  NOTIONS  PRELIMINAIRES. 

Sel  ammoniac ^  v 3 

Nitre ) 

Sel  de  corne  de  cerf (  4 

Sel  d'absinthe    (sous-carbonale  de  potasse) ) 

Borax 12à20elplus. 

Sel  de  succin  (acide  succinique)    ....        20 

Alun 30 

Myrrhe j  ^^ 

Aloès,  assa  fœtida,  cachou ) 

Fleurs  de  camoniilo )  .^^ 

Serpentaire  de  Virginie \ 

Camphre 60  à  300. 

L'on  trouve  dans  ce  mémoire  de  curieuses  observations, 
qu'il  serait  intéressant  de  contrôler.  Les  fleurs  de  camo- 
mille, soit  en  infusion,  soit  en  poudre,  sont  pour  Pringle 
un  puissant  antiseptique.  En  saupoudrant  des  tranches  de 
viande  fraîche  avec  de  la  poudre  de  quinquina,  de  serpen- 
taire de  Virginie,  ou  de  camomille,  il  trouva  que  la  putré- 
faction était  retardée  dans  l'ordre  ci-dessus  ;  la  camomille 
surtout  rendait  la  viande  sèche,  dure,  en  apparence  incor- 
ruptible, bien  qu'on  fût  en  plein  été.  Il  faut  sans  doute 
faire  la  part  de  la  forme  pulvérulente  qui  favorisait  la  dessic- 
cation ;  cependant  le  même  effet  se  produisit  avec  l'infusion 
de  camomille  qui  empêchait  la  putréfaction  de  la  viande  ou 
du  jaune  d'œuf  (Exp.  VII  et  XVII).  Bien  plus  un  morceau 
de  viande  en  pleine  putréfaction,  qui  était  devenu  mol- 
lasse et  gonflé  de  gaz,  perdit  toute  fétidité,  resta  frais  et 
garda  sa  contexture  ferme  pendant  plus  d'un  -an,  dans  une 
infusion  de  fleurs  de  camomille  (Obs.  XIII).  Voilà  un  fait 
qu'il  serait  intéressant  d'examiner  de  nouveau. 

C'est  de  la  création  de  la  chimie  moderne,  c'est  des 
dernières  années  du  xvnf  siècle,  que  datent  les  premiers 
travaux  sérieux  sur  les  désinfectants  proprement  dits.  A 
l'empirisme  encore  grossier,  aux  théories  humorales,  à 
l'alchimie,  succèdent  les  grandes  découvertes  de  Priestley, 
de  Lavoisier,  de  Scheele,  de  Gay-Lussac,  etc.,  faisant  con- 
naître la  véritable  nature  de  l'oxygène,  de  l'eau,  de  l'air, 
du  chlore,  etc.  A  cette  époque  se  rattachent  les  travaux  de 


HISTORIQUE.  If 

Carmiehael  Smith,  Giiytoii-Morveaii,  Fourcroy,  Halle, 
Cruikshank,  sur  les  fumigations  d'acide  nitreux,  d'acide 
chlorhydrique,  de  chlore,  etc.  Mais  on  n'appréciait  encore 
la  valeur  des  désinfectants  que  par  leur  action  sur  les  éma- 
nations odorantes  ;  on  connaissait  trop  mal  la  distinction 
entre  les  gaz  de  la  putréfaction,  les  miasmes  et  les  virus, 
pour  distinguer  les  manières  différentes  d'agir  des  désin- 
fectants. Cette  étude  est  toute  moderne  :  elle  a  été  la  con- 
séquence des  progrès  réalisés  en  pathologie  générale,  en 
physiologie  pathologique,  en  pathologie  comparée.  Il  ne 
faut  donc  pas  s'étonner  si  elle  n'a  commencé  qu'en  ces- 
dernières  années.  Renault  d'Alfort  (1)  est  entré  l'un  des 
premiers  dans  cette  voie  :  étant  reconnu  que  certaines  ma- 
ladies donnent  des  produits  inoculables  qui  reproduisent 
presque  certainement  l'affection  primitive,  Renault  a  sou- 
mis ces  liquides  virulents  à  l'action  des  agents  réputés  dé- 
sinfectants, il  les  a  ensuite  inoculés,  et  le  résultat  obtenu 
indiquait  la  valeur  réelle  du  désinfectant.  Baxter  (2),  Da- 
vaine  (3),  Sternberg  (4),  en  ces  quinze  dernières  années, 
ont  soumis  à  ce  contrôle  un  grand  nombre  de  substances,  et 
nous  ont  fourni  une  base  scientifique  pour  l'appréciation  et 
le  classement  de  ces  médicaments.  Malgré  les  progrès  ac- 
complis, la  question  n'est  qu'ébauchée  :  nous  sommes  en- 
core ignorants  ou  incertains  sur  la  valeur  réelle  d'agents 

(1)  Nouveau  dictionnaire  de  médecine  et  de  chirurgie  vétérinaires  do 
Bouley  et  Reyiial.  —  Désinfection  par  Reynal. 

(2)  Baxter,  Report  on  an  expérimental  study  of  certain  disinfectants 
(appendice  lo  iho  Report  of  the  médical  officer  of  the  Privy  Council,  1876, 
T.  VI,  p.  216à  236). 

(3)  Davaine  ,  Recherches  relatives  à  l'action  de  la  chaleur  sur  le  virus 
charbonneux.  [Académie  des  sciences,  29  septembre  1873.)  —  Recherches 
relatives  à  l'action  des  substances  antiseptiques  sur  le  virus  de  la  sep- 
ticémie. [Gaz.  méd.,  1874.)  —  Recherches  sur  quelques  conditions  qui  fa- 
vorisent ou  qui  empêchent  le  développement  de  la  septicémie.  (Acad.  de 
médecine,  18  février  1879.) 

(4)  Slernberg  W.  ,  Experiments  designed  to  test  the  value  of  certains 
(jaseuus  and  volatil  disinfeclants,  {National  Board  of  health,lVashington 
1880,  T.  I,  n"  29  à  37  el  Revue  d'hygiène,  18SQ,  p.  810.) 


12  NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

qui  jouissent  d'une  réputation  peut-être  mal  justifiée  ;  une 
substance  qui  neutralise  immédiatement  tel  virus  peut  être 
sans  action  appréciable  sur  un  autre  virus.  Nos  connaissances 
sur  l'action  des  désinfectants  marchent  d'un  pas  égal  avec 
nos  connaissances  sur  la  nature  intime  des  infections,  des 
ferments,  des  virus,  des  germes  parasitaires,  des  produits 
inoculables  et  transmissibles.  Les  travaux  de  Pasteur  sur  les 
fermentations  ont  conduit  à  la  méthode  antiseptique,  au  pro- 
cédé de  Lister,  comme  aux  pansements  par  occlusion  à  l'aide 
de  la  ouate  (A.  Guérin),  c'est-à-dire  à  ce  que  beaucoup  consi- 
dèrent comme  l'un  des  plus  grands  progrès  que  la  chirurgie 
ait  réalisés  depuis  un  siècle.  Les  découvertes  de  Davaine 
sur  la  nature  du  charbon  et  de  la  septicémie  l'ont  conduit 
à  expérimenter  l'action  des  antivirulents. 

Nous  ne  savons  ce  que  l'avenir  nous  réserve,  mais  il 
n'est  pas  douteux  que  l'emploi  raisonné  des  désinfectants 
tend  chaque  jour  à  prendre  une  place  plus  importante  au 
point  de  vue  de  l'hygiène  et  de  la  thérapeutique.  La  désin- 
fection, c'est  la  prophylaxie,  c'est  la  médecine  préventive, 
c'est  la  suppression  d'une  cause  incessante  d'aggravation 
des  maladies  confirmées,  et  de  l'éclosion  de  maladies  nou- 
velles, c'est  par  conséquent  un  progrès  qui  ne  s'arrêtera 
pas. 

PLAN. 

Avant  de  faire  connaître  l'ordre,  d'ailleurs  un  peu  arbi- 
traire ,  dans  lequel  nous  allons  présenter  les  notions 
actuelles  sur  les  désinfectants,  et  pour  justifier  le  plan 
que  nous  avons  adopté,  nous  croyons  utile  de  passer  en 
revue  et  de  soumettre  à  la  critique  le  plan  suivi  par  quel- 
ques-uns des  auteurs  dont  nous  avons  consulté  les  ou- 
vrages. 

Dans  beaucoup  de  traités  et  même  de  mémoires,  l'étude 
des  désinfectants  est  précédée  d'un  long  chapitre  sur  les 


PLAN.  13 

fermentations,  la  putréfaction,  les  miasmes,  les  virus,  les 
contagcs,  etc  ;  dans  certains  mémoires  mêmes,  ces  géné- 
ralités ont  pris  tant  de  place,  qu'il  n'en  reste  presque  plus 
pour  décrire  les  agents  et  les  procédés  de  désinfection. 
De  pareilles  digressions  sont  inopportunes  ;  elles  ne  ren- 
trent pas  nécessairement  dans  le  sujet.  La  question  est  d'ail- 
leurs à  l'ordre  du  jour,  et  il  se  pourrait  que  telle  page, 
au  courant  de  la  science  la  plus  moderne  au  moment  où 
elle  a  été  écrite,  se  trouvât  très  arriérée  lorsqu'elle  sera 
imprimée  dans  ce  volume.  Donc,  tout  en  appréciant  la 
valeur  des  considérations  générales  sur  la  nature  de  l'in- 
fection, contenues  dans  le  chapitre  du  Traité  dliygiène  de 
MM.  Roth  et  Lex  (1),  ou  dans  le  mémoire  couronné  de 
Chalvet,  nous  croyons  devoir  nous  abstenir  ici  de  ce 
préambule  un  peu  trop  doctrinaire. 

C'est  surtout  en  ce  qui  concerne  la  classification  des 
agents  désinfectants,  que  les  auteurs  se  sont  donné  libre 
carrière.  Le  plus  souvent,  il  est  facile  de  voir  que  certains  arti- 
cles ont  été  écrits  par  des  chimistes,  non  par  des  hygié- 
nistes. Il  nous  est  impossible,  par  exemple,  de  suivre  le  plan 
adopté  par  0.  Réveil  (2)  dans  le  mémoire  qu'il  a  présenté 
au  concours  institué  par  l'Académie  de  médecine  en  1860 
sur  la  question  des  désinfectants  et  de  leurs  applications  à  la 
thérapeutique,  et  reproduit  en  partie  dans  les  Archives  de 
médecine  de  1863. 

Le  but  de  la  désinfection  est  ainsi  défini  par  0.  Réveil  : 
1°  détruire  les  odeurs  incommodes  ;  2"  rendre  aux  tissus  la 
vitalité  nécessaire  à  leur  reconstitution  et  à  la  cicatrisation; 
3°  s'opposer  à  la  formation  du  pus,  ou  changer  le  pus  de 
mauvaise  nature  en  pus  de  bonne  nature  ;  4"  surtout  et  par- 
dessus tout,  détruire  les  miasmes,  les  émanations,  et  em- 
pêcher qu'ils  ne  portent  autour  d'eux  leurs  ravages. 

(1)  Rolh  und  Lcx,  Handbuch  der  militar-Gesundheilspflege,  Berlin,  1872, 
T.  I,  p.  502. 

(2)  0.  Réveil,   Mémoire  sur  les  désinfectants.  [Archives  génér.  de  méd. 
1863  cl  Formulaire  raisonné  des  médicaments  nouveaux,  2e  édilion  1S63.) 


14  NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

Réveil  divise  les  désinfectants  de  la  façon  suivante  : 

lo  Agents  physiques  :  ventilation,  soustraction  au  con- 
tact de  l'air,  élévation  ou  abaissement  de  température; 

2°  Agents  mécaniques  :  corps  poreux. 

3"  Agents  chimiques  purs  :  ce  sont  les  plus  nombreux; 

4°  Agents  mixtes  :  association  de  plusieurs  moyens  ou 
mélange  de  plusieurs  substances. 

Nous  oserions  dire  qu'un  tel  plan  est  l'erreur  d'un 
esprit  très  distingué  ;  car  rendre  la  vitalité  aux  tissus  est 
une  tâche  obscure  et  difficile,  qui  n'a  rien  à  faire  avec  le 
but  que  poursuit  la  désinfection,  etc.  Ces  distinctions  sont 
beaucoup  trop  théoriques.  La  division  des  désinfectants 
en  métalliques,  par  oxidation  chimique,  ah&orhants  et  an- 
tiseptiques, adoptée  par  M.  Roussin  dans  l'article  Désinfec- 
tants du  D/(?iw)i?ia/re  de  Jaccoud,  est  déjà  beaucoup  meil- 
leure, mais  elle  eyt  encore  un  peu  chimique. 

P.  Chalvet  dans  son  mémoire  sur  les  désinfectants, 
distingue  trois  classes  d'agents  :  la  première  classe 
est  la  désinfection  chimique,  la  seconde  est  celle  par  mo- 
dification de  la  vitalité  ;  la  troisième,  enfin,  est  obtenue 
par  des  moyens  purement  physiques.  «  Cette  division, 
dit-il,  nous  paraît  plus  pratique.  Les  désinfectants  par 
modification  de  la  vitalité  sont  les  divers  topiques  em- 
ployés pour  changer  l'aspect  et  le  mode  de,  suppuration 
des  plaies,  tels  que  les  caustiques,  en  général,  les  vési- 
cants,  etc,  » 

Il  nous  est  impossible  d'admettre  cette  troisième  catégorie 
de  désinfectants  ;  il  semble  qu'à  cette  époque  les  médecins, 
—  et  les  pharmaciens  —  aient  obéi  à  une  sorte  de  mot 
d'ordre.  On  croirait  qu'un  maître,  un  haut  baron  de  la  mé- 
decine ou  de  la  chirurgie,  comme  on  disait  alors,  a  ex- 
primé cette  opinion,  et  que  tout  le  monde  se  soit  cru  obligé 
de  s'y  conformer.  Aujourd'hui,  plus  indépendants,  nous  ne 
pouvons  y  souscrire,  et  personne  ne  consentirait  plus  à 
ranger  les  vésicants  parmi  les  désinfectants. 


PLAN.  15 

Gubler  et  Bordier  (1) ,  limitant  d'ailleurs  leur  étude  aux 
-antiputrides  et  aux  antifermentescibles,  ont  adopté  une 
classification  qui  est  plus  doctrinale  que  pratique.  Ils  dis- 
tinguent les  agents  qui  agissent  directement  sur  le  ferment 
et  ceux  qui  n'agissent  sur  ceux-ci  qu'indirectement,  en 
modifiant  les  milieux  dans  lequels  ils  sont  destinés  à  vivre 
et  à  se  développer.  A.  Action  sur  le  ferment  :  1°  agents 
coagulants  (chaleur,  acide  phénique,  créosote,  tannin,  iode, 
perchlorure  de  fer,  sublimé,  nitrate  d'argent  et  de  mercure, 
acides  azotique,  chlorhydrique,  alcool,  sulfate  de  fer)  ; 
2°  action  toxique  sur  les  ferments  (soufre,  goudron,  sulfate 
de  quinine,  acide  cyanhydrique,  acides  aromatiques)  ;  3"  ac- 
tion incrustante  sur  les  germes  ou  ferments  (silicate  de 
soude).  B.  Action  sur  les  milieux  où  vit  le  ferment  : 
r  agents  qui  détruisent  ou  empêchent  la  production  du  fer- 
ment, en  rendant  le  milieu  acide  (pernicieux  pour  les 
ferments  animaux),  ou  alcalin  (nuisible  pour  les  pro- 
torganismes  végétaux)  ;  2°  dessiccation  du  milieu  (privation 
d'eau,  alun  calciné,  poudres  absorbantes)  ;  3°  substances  à 
grande  affinité  pour  l'hydrogène  (chlore);  4"  substances 
oxydantes  (hypochlorites,  phosphores);  5"  substances  réduc- 
trices (sulfites). 

Ce  plan  est  ingénieux,  assurément,  mais  il  est  aussi  trop 
théorique,  et  n'est  pas  d'une  application  facile  dans  la  pra- 
tique journalière  de  la  désinfection, 

Kletzinsky  distingue  les  désinfectants  en  deux  clfesses: 
1°  ceux  qui  détruisent  les  miasmes,  —  a,  par  oxydation: 
térébène,  chlore,  oi^one,  hypochlorites,  fumigations  de  ni- 
trate  de  potasse,   hijpermanganates  alcalins,  etc.  ;   — 

b,  par  absorption  :  corps  poreux,  charbon,  terre  sèche  — 

c,  par  précipitation  :  sulfates  et  chlorures  métalliques, 
acide  sulfureux,  etc.  2"  ceux  qui  détruisent  les  contages: 
—  d,  lavage,  froid,  chaleur;  — e,  par  coagulation  de  l'al- 

(1)  Gubler  et  Bordier,  Des  substances  antiputrides  et  antifenne.itesci- 
bles.  {BuUetin  de  thérapeutique,  1873.  T.  84'',  p.  233.) 


16  NOTIONS   PRÉLIMINAIRES. 

bumine  des  ferments  :  alcool,  créosote,  acide  phénique. 
siihlimé ,  arsenic;  — f,  par  destruction  chimique  des 
cellules  :  lessives  alcalines,  acides  fortement  oxydants, 
—  ^,  par  soustraction  de  l'eau  :  carbonisation  par  V acide 
sulfurique,  par  le  feu. 

Nous  voyons  trop,  dans  ce  groupement  ingénieux,  la 
part  faite  à  la  théorie ,  pas  assez  celle  qui  doit  être  réser- 
vée à  la  commodité  de  l'application. 

Hoffmann  est  entrédans  une  meilleure  voie,en  distinguant 
parmi  les  désinfectants  :  les  agents  fixateurs,  antiseptiques, 
oxydants.  On  voit  qu'il  s'est  placé  au  point  de  vue  du  but  à  at- 
teindre, et  sous  des  désignations  qui  sont  encore  un  peu 
trop  chimiques,  on  reconnaît  que  sa  classification  est  au- 
jourd'hui même  l'une  des  plus  acceptables.  C'est  toutefois 
encore  le  chimiste  qui  prédomine. 

Dans  une  conférence,  d'ailleurs  très  riche  de  faits,  don- 
née par  M.  Jeanael  (1),  en  1870,  à  l'École  d'apphcation  de 
l'artillerie  et  du  génie,  dans  Metz  assiégée  par  l'armée 
allemande,  M.  Jeannel  divise  ainsi  les  désinfectants  : 
1"  agents  co?nburants,  qui  détruisent  les  gaz  fétides  ou  les 
miasmes  en  les  brûlant  par  l'oxygène  :  ozone,  air  atmos- 
phérique, permanganate  de  potasse,  acide  hypoazotique; 
:2°  déshydrogénants :  chlore,  hypochlorites,  iode,  brome; 
3"  désoxydants  :  acide  sulfureux,  sulfites,  hyposulfites  ; 
4"  désuif iirants  et  coagulants  des  matières  protéiques  : 
chaux,  sels  d'albumine,  sels  de  fer  (sulfate,  persulfate, 
perchlorure),  sels  de  zinc  (sulfate,  chlorure,  etc.  ;  '&'  agents 
antisepticiues,  qui  détruisent  ou  paralysent  les  germes  des 
fermentations  :  acides  phénique  et  thymique ,  créosote, 
goudron  de  bois,  goudron  de  houille  ou  coaltar,  suie  de 
cheminée;  chloroforme,  éther,  sulfure  de  carbone,  carbures 


(1)  Jeanne],  Conférence  sur  les  désinfectants,  faite  à  l'École  d'applica- 
tion du  génie  et  de  l'artillerie  de  Metz,  le  24  septembre  1870.  {Union 
médicale,  14  septembre  1871. 


PLAN.  n 

d'hydrogène  liquides,  acide  cyanhydrique,  essence  d'a- 
mandes amères,  essence  de  laurier  cerise  ;  6°  agents  ab- 
sorbants :  charbon  animal. 

On  ne  peut  méconnaître  que  M.  .Teannel  a  formé  de  la 
sorte  certains  groupements  qui  séduisent  au  premier  abord  ; 
ces  groupes  sont  naturels  ;  en  effet,  ils  rapprochent  des 
choses  comparables ,  mais  comparables  seulement  au  point 
de  vue  de  la  théorie  chimique.  Il  importe  au  contraire 
assez  peu  à  l'hygiéniste  de  savoir  que  le  brome  désinfecte 
en  enlevant  de  l'hydrogène,  l'acide  sulfureux  en  enlevant 
de  l'oxygène,  l'acide  hypoazotique  ou  les  permanganates 
en  apportant  de  l'oxygène  ;  ce  qui  lui  importe,  c'est  de 
ne  pas  confondre  le  sulfate  de  fer,  qui  absorbe  simplement 
les  produits  sulfurés  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  se  dégagent, 
avec  l'acide  sulfureux  qui  détruit  radicalement  toute  vie 
et  toute  virulence  dans  les  milieux  suspects. 

A.  Wernich(l),  dans  son  livre  très  récent  sur  la  désin- 
fection, s'est  placé  presque  exclusivement  au  point  de 
vue  de  l'hypothèse  des  microbes  comme  agents  de  l'in- 
fection, et  plus  de  la  moitié  de  son  traité  (p.  1  à  153)  est 
employée  à  démontrer  la  réalité  de  la  doctrine  parasi- 
taire. Dans  la  seconde  partie,  consacrée  aux  applications 
pratiques  de  la  désinfection,  il  adopte  la  division  suivante 
qui  est  la  conséquence  naturelle  de  sa  conception  théo- 
rique :  A.  destruction  de  l'agent  morbide  (contrôle  par  la 
méthode  bactérioscopique)  ;  B.  rédintégration  ou  purifica- 
tion des  objets  matériel?,  souillés  par  les  germes  morbides 
(instruments  de  chirurgie,  d'exploration,  linge  ou  vêtements 
des  malades)  ;  désinfection  par  la  chaleur  :  purification  de 
l'air,  du  sol,  des  navires,  des  voitures,  souillés  par  les 
malades;  purification  des  marchandises,  des  voyageurs, 
désinfection  dans  les  quarantaines;  C.  prophylaxie  mé- 
thodique ;  interception  par  des  moyens  mécaniques  de  toute 

(1)  Wernich,  Grundriss  der  DesinfecHonslehre  zum  praclischen  Ge- 
brauch.  \yjen  1880,  l  vol.  in-8''  do  258  pages. 

Vallix.  —  Désixfectams.  2 


18  NOTIONS  PRÉLIMINAIRES, 

communication  entre  le  sujet  exposé  et  les  matières  sus- 
pectes ;  méthode  antiseptique  ;  immunité  acquise  ;  isole- 
ment. 

L'on  voit  que  l'auteur  a  traité  bien  plus  des  moyens  de 
préservation  contre  les  germes  parasitaires,  que  de  la 
désinfection  et  des  désinfectants.  Le  chapitre  A  contient 
des  recherches  intéressantes,  mais  il  est  impossible  d'a- 
dopter un  plan  qui  repose  sur  une  conception  aussi  théo- 
rique. 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  division  adoptée  par  Parkes 
dans  son  Traité  dliyglène,  est  peut-être  rigoureusement 
scientifique,  mais  qu'elle  s'éloigne  trop  de  l'acception 
ordinaire  donnée  dans  notre  langue  au  mot  désinfectant. 
Parkes  étudie,  sous  ce  dernier  nom,  exclusivement  les 
antivirulents ,  les  agents  neutralisateurs  des  virus ,  et 
dans  une  autre  partie  de  son  livre ,  sous  le  nom  de 
purificateurs  de  l'air,  de  Veau,  il  passe  en  revue  tous  les 
moyens  capables  d'assurer  cîtte  purification.  Ces  chapitres, 
ou  pour  mieux  dire  ces  paragraphes,  sont  excellents  ; 
mais  ils  sont  disséminés  çà  et  là  dans  l'ouvrage,  et  au  point 
de  vue  pratique,  il  est  malaisé  de  lés  consulter. 

Dans  l'article  très  court  et  très  élémentaire  du  grand 
Traité  d'Hygiène  dirigé  par  le  docteur  Buck  (1),  à  New- 
York  ,  M.  Elwyn  Waller  n'a  point  cherché  à  suivre  un 
plan  méthodique  ;  il  se  contente  de  dire  quelques  mots  sur 
chacun  des  désinfectants  les  plus  habituellement  employés. 

Le  plan  adopté  par  MM.  Roth  et  Lex,  dans  leur  Traité 
dliygiène  militaire,  nous  paraît  déjà  beaucoup  meilleur. 

Après  des  généralités  trop  étendues  sur  la  putréfaction, 
es  fermentations,  les  germes  morbides,  virus  proprement 
dits  et  parasites,  les  contages,  les  épidémies,  après  un 
essai  théorique  de  classement  des  désinfectants,  les  au- 
teurs entrent  dans  le  vif  du  sujet,  ils  en  répartissent  l'étude 

(I)  Elwyn  y^ SiWar,  Disinfeclants,  m  tho  A.  H.  Buck' s  Treatise  on  hy- 
giène and  public  health,  lb79,  2  vol.  in-8".  —  T.  2,  p.  543  à  569. 


PLAN.  19» 

en  chapitres.  /,  moyens  de  purification  de  l'air  :  désinfec- 
tants de  l'air;  solides,  liquides,  gazéiformes  (charbon,  terre' 
sèche,  hypermanganate  dépotasse,  chloralum,  etc.  ozone,, 
chlore,  iode,  brome,  acide  sulfureux,  etc.).  //,  moyens  de 
désodorisation  (charbon,  terre,  chaux,  chlorures,  sulfates, 
et  chlorures  métalliques,  acide  phénique,  etc.).  ///,  désin- 
fectants spécifiques,  destructeurs  des  contages  ;  désin- 
fection dans  chaque  maladie  en  particulier.  /F,  de  la  dé- 
sinfection dans  ses  applications  (désinfection  des  habits,, 
des  espaces  clos,  des  wagons,  des  latrines,  des  selles,  des- 
cadavres d'animaux,  etc.  ;  désinfection  des  champs  de  ba- 
tailles, des  villages  occupés,  des  camps  ;  description  des 
appareils  à  désinfection  ;  formules  et  modes  d'emploi  des 
désinfectants). 

Ce  plan  est  incontestablement  supérieur  à  ceux  quâ 
précèdent  ;  on  voit  que  les  auteurs  ont  senti  le  besoin  de 
se  placer  au  point  de  vue  pratique.  Qu'ils  nous  permettent 
cependant  quelques  critiques.  Pourquoi  consacrer  un 
chapitre  spécial  à  la  désinfection  ou  purification  de  l'air? 
n'est-ce  pas  s'exposer  à  chaque  page  à  des  doubles  em- 
plois ou  à  des  renvois  incessants  aux  chapitres  suivants  ? 
On  trouve  là  rangées  un  grand  nombre  de  notions  qui 
pourraient  tout  aussi  justement  figurer  dans  un  autre  cha- 
pitre ;  est-ce  que  pour  purifier  l'air,  il  ne  faut  pas  cher- 
cher à  le  désodoriser  (chap.  II),  à  détruire  les  contages 
(chap.  III)  qui  peuvent  s'y  trouver  ?  Ce  qui  s'applique  à 
l'air,  ne  s'applique-t-il  pas  aussi  bien  aux  objets  matériels? 

Il  serait  injuste  toutefois  de  méconnaître  à  quel  point 
cette  étude  est  supérieure  à  toutes  celles  qui  l'ont  précédée  ; 
on  voit  qu'elle  a  été  faite  par  des  hygiénistes  compétents,. 
à  la  fois  hommes  de  science  et  de  pratique  ;  elle  constitue 
une  mine  précieuse  de  renseignements,  et  nous  aurons 
de  fréquentes  occasions  d'y  puiser  largement. 

Nous  reconnaissons  d'ailleurs  qu'il  est  difficile  d'adopter 
un  plan  définitif  et  pleinement  satisfaisant,  parce  que  la 


20  NOTIONS  PRELIMINAIRES. 

question  est  à  l'ordre  du  jour,  et  que  chacune  des  décou- 
vertes de  MM.  Pasteur,  Chauveau,  Toussaint,  etc.,  sur  la 
nature  et  le  mode  de  propagation  de  certaines  maladies  vi- 
rulentes peut  changer  la  théorie  et  la  pratique  des  moyens 
de  désinfection  et  de  préservation. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  l'infection  peut  se  réduire  ■ 
d'une  manière  générale  à  trois  sources  :  1°  les  produits 
de  la  décomposition  de  la  matière  organique,  dont  la  pu- 
tréfaction est  le  type  ;  2°  les  virus  ;  3°  les  germes  animés 
et  les  parasites.  Tous  ces  groupes  se  relient  entre  eux  ;  la 
septicémie  ou  empoisonnement  putride  interne,  dont  le  virus 
contient  des  vibrions,  sert  de  transition  entre  le  premier  et 
le  deuxième  groupe.  Les  deux  derniers  groupes  se  rap- 
prochent l'un  de  l'autre,  depuis  les  travaux  récents  sur 
les  microbes  ;  ils  ne  se  confondent  pas  cependant,  car  il  y 
a  loin  du  virus  varioleux  ou  du  virus  syphihtique,  oîi 
l'on  n'a  encore  découvert  aucun  germe  animé,  il  y  a  loin, 
disons-nous,  de  ces  virus  à  l'acarus  de  la  gale  et  ati  tri- 
cophyton  de  l'herpès  tonsurant. 

Toutefois,  ce  serait  étendre  d'une  façon  abusive  le  mot 
désinfectant  que  d'y  comprendre  tous  les  parasiticides  ;  à 
ce  compte,  les  anthelminthiques,  les  tœnifuges  seraient  des 
désinfectants  !  On  dit  bien  désinfecter  les  vêtements  d'un 
galeux,  mais  cette  habitude  de  langage  remonte  à  une 
époque  où  l'on  ne  connaissait  pas  encore  l'existence  de 
l'acarus.  On  désinfecte  cependant  les  virus  charbonneux 
en  détruisant  les  bactéridies  que  ce  virus  contient.  La 
transition  est  insensible  entre  les  divers  parasites.  Dans 
la  pratique,  et  pour  ne  pas  confondre  des  choses  trop  dis- 
semblables, nous  limiterons  les  désinfectants  aux  parasiti- 
cides,  aux  germicides  qui  ne  détruisent  que  les  protorga- 
nismes  microscopiques  :  la  distinction  est  quelque  peu 
arbitraire,  mais  elle  est  imposée  pour  la  facilité  de  l'é- 
tude. 

En  résumé,  la  matière  organique,  en  se  décomposant  et 


PLAN.  21 

particulièrement  en  subissant  la  fermentation  putride, 
donne  naissance  à  des  produits  malodorants,  infects,  in- 
commodes ou  nuisibles,  dont  il  importe  d'abord  de  se  dé- 
barrasser, soit  en  les  expulsant  directement  {enlèvement, 
lavage,  ventilation,  etc.),  soit  en  les  fixant  par  des  corps 
absorbants,  physiques  {charbon,  terre  sèche),  ou  chimi- 
ques {sels  métalliciues).  Mais  il  ne  suffit  pas  d'enlever  ces 
produits  de  décomposition,  il  faut  en  tarir  la  source,  soit  par 
l'enlèvement  de  celle-ci,  ce  qui  est  rarement  possible,  soit 
par  l'emploi  des  antiseptiques,  cest-k-dïre^dir  l'emploi  des 
agents  qui  préviennent  ou  empêchent  la  putréfaction. 

Gomme  on  attribue  les  fermentations  à  la  présence  de 
protorganismes  jouant  le  rôle  de  ferments,  les  substances 
qui  détruisent  ou  empêchent  le  développement  et  la  repul- 
lulation  de  ces  protorganismes  viennent  au  premier  rang 
parmi  les  antiseptiques  {germicides). 

Enfin,  en  dehors  de  toutes  les  putréfactions  apparentes, 
certains  organismes  malades  engendrent  des  principes 
virulents,  souvent  inoculables,  transmissibles  d'individu 
à  individu,  et  capables  de  reproduire  chez  un  sujet  sain  la 
maladie  qui  les  a  fait  naître.  Les  agents  qui  font  disparaître 
cette  source  générale  d'infection,  ceux  qui  neutralisent  ces 
virus,  animés  ou  non,  sont  appelés  antivirulents. 

Voici  le  plan  général  que  nous  adoptons  pour  cet  ou- 
vrage : 

Dans  une  première  partie,  nous  ferons  une  étude  détail- 
lée des  DÉSINFECTANTS,  qui  peuvent  être  hiérarchisés 
de  la  façon  suivante  : 

I.  Moyens  mécaniques  :  enlèvement  des  sources  ou  des 
produits  de  l'infection  ;  ventilation,  lavage,  etc. 

II.  Absorbants,  désodorants  ;  agents  fixateurs  des  pro- 
duits de  la  décomposition. 

III.  Antiseptiques  ;  agents  qui  retardent,  suspendent  ou 
empêchent  la  décomposition. 


22  NOTIONS  PRÉLIMINAIRES. 

IV.  Antivirulents  ;  agents  qui  détruisent,  neutralisent 
les  virus,  les  contages,  les  germes  morbides,  soit  à  l'exté- 
rieur, soit  à  l'intérieur  de  l'organisme. 

Chacun  de  ces  quatre  groupes  sera  étudié  successi- 
vement, d'abord  dans  ses  généralités,  puis  en  passant 
en  revue  chacun  des  agents  qui  méritent  plus  particuliè- 
rement de  figurer  dans  ce  groupe.  C'est  là  qu'on  trouvera 
l'histoire,  en  quelque  sorte  doctrinaire,  de  toutes  les  sub- 
stances réputées  désinfectantes  ;  nous  nous  efforcerons 
d'apprécier  le  plus  souvent  par  des  expériences  positives 
leur  valeur  réciproque  et  leur  efficacité  plus  ou  moins 
réelle. 

Dans  une  seconde  partie,  consacrée  spécialement  aux 
applications  pratiques,  nous  passerons  en  revue  toutes  les 
circonstances  où  l'on  peut  être  conduit  à  recourir  à  la 
DÉSINFECTION,  et  nous  indiquerons  les  agents  et  les  pro- 
cédés qui  conviennent  le  mieux  dans  chaque  cas  particulier. 
On  utilisera  alors,  en  y  renvoyant,  les  indications  réunies 
dans  la  première  partie  du  travail.  Nous  étudierons  succes- 
sivement : 

I.  La  désinfection  nosocomiale  (malade,  locaux,  vête- 
ments, literie,  matériel  instrumental,  personnel  médical 
et  auxiliaire). 

II.  Désinfection  quarantenaire. 
ill.    Désinfection  vétérinaire. 

IV.  Désinfection  des  matières  alimentaires. 

V.  Désinfection  des  haritations  privées  et  collectives. 

VI.  Désinfection  industrielle. 

VII.  Désinfection  municipale  (voirie,  marchés,  abattoirs, 

morgues,  égouts,  vidanges,  etc.). 

VIII.  Désinfection  des  champs  de  bataille,  etc. 


LIVRE  PREMIER 

DES   DÉSINFECTANTS 


CHAPITRE  PREMIER. 

MOYENS  MÉCANIQUES. 

ENLÈVEMENT  DIRECT  DES  MATIÈRES  INFECTANTES. 

Il  va  de  soi  que  la  première  condition  de  la  désinfec- 
tion est  l'enlèvement,  la  suppression  de  la  source  même 
de  l'infection.  C'est  ici  une  question  de  sens  commun, 
et  pourtant  il  n'est  pas  rare  de  voir  cette  précaution  mé- 
connue ou  négligée.  Parfois  d'ailleurs,  cette  source,  cette 
cause  de  l'infection  n'est  pas  évidente;  on  ne  réussit  pas 
toujours  à  la  découvrir...  surtout  quatid  on  ne  la  cherche 
pas.  Il  suffit  de  mentionner  les  cadavres  d'hommes  et 
d'animaux  enfouis  dans  le  sol,  parfois  dans  le  périmètre 
des  baraques  ou  des  tentes,  comme  en  Crimée;  la  présence 
de  cadavres  de  rongeurs  sous  les  planchers  de  nos  habi- 
tations, ou  entre  les  parois  des  navires;  la  fermentation 
lente  des  laines  mal  épurées  et  du  crin  des  literies;  les 
fissures  laissant  filtrer  le  gaz  ou  les  liquides  des  égouts  ; 
les  matières  organiques  provenant  des  exhalations  pulmo- 
naires et  cutanées,  et  que  la  vapeur  d'eau  en  se  condensant 
a  laissé  pénétrer  dans  l'épaisseur  des  murailles  poreuses. 

Le  lavage  à  l'eau  simple  est  à  la  fois  un  moyen  d'enlè- 


24  MOYENS  MÉCANIQUES  DE  DÉSINFECTION. 

vement  des  matières  susceptibles  de  se  décomposer,  et 
aussi  un  moyen  d'atténuer  par  la  dilution  l'activité  des 
principes  réellement  virulents.  Sans  doute,  il  est  grande- 
ment avantageux  d'ajouter  aux  eaux  de  lavage  des  sub- 
stances antiseptiques  ou  neutralisantes  ;  mais  l'action 
même  de  laver,  ne  fût-ce  qu'avec  de  l'eau  pure,  est  en 
quelque  sorte  le  préambule  de  toute  entreprise  de  désin- 
fection. 

Nous  ne  saurions  assez  insister  sur  la  nécessité  de  la- 
ver avec  une  éponge  humide  ou  un  linge  mouillé,  tous  les 
mois  au  moins  sinon  toutes  les  semaines,  les  parois  des 
habitations  collectives,  rendues  imperméables  par  la  pein- 
ture à  l'huile,  les  vernis  ou  le  stuc.  A  quoi  sert  dans  nos 
hôpitaux,  par  exemple,  d'établir  à  grands  frais  des  lambris 
stuqués  qui  imitent  les  marbres  précieux,  si  on  laisse  s'y 
accumuler,  par  l'évaporation  des  eaux  de  condensation, 
une  mince  couche  de  déchets  et  de  poussières  organiques, 
véritable  nappe  de  fumier  qui  fermente  à  chaque  retour 
d'humidité,  et  qui  dégage  par  une  immense  surface  les 
gaz  et  les  produits  de  la  putréfaction  animale?  Dans  les 
casernes,  les  prisons,  les  écoles,  les  écailles  poreuses  du 
lait  de  chaux  desséché  s'imprègnent  en  peu  de  mois  de 
tous  les  miasmes  que  dégagent  l'haleine  et  la  sueur  d'un 
grand  nombre  d'habitants  souvent  malpropres,  et  avant  de 
recourir  aux  désinfectants,  on  doit  commencer  par  enlever 
au  moyen  du  grattage  ces  squames  puantes  et  sordides. 
Les  bois  des  planchers,  quand  ils  ne  sont  pas  rendus  im- 
perméables par  la  cire  et  les  enduits  siccatifs  ou  huileux, 
s'imprègnent  également  des  eaux  de  toilette,  des  liquides 
alimentaires,  des  produits  de  l'expectoration,  des  boues 
provenant  des  cours  fangeuses  ou  des  écuries;  dans  les 
casernes  en  particulier,  c'est  une  des  sources  de  cette 
odeur  fade  et  nauséeuse,  que  n'oublient  jamais  ceux  qui 
ont  pénétré  dans  les  chambrées  au  réveil  des  hommes. 
Que  peuvent  les  désinfectants,  si  l'on  n'a  pas  le  soin  d'enir 


NETTOYAGE,  LAVAGE,  VENTILATION.  23 

pêcher  cette  souillure,  ou  si  l'on  n'en  enlève  pas  les  traces 
en  frottant  le  sol  avec  du  sablon  pliéniqué? 

A  un  autre  point  de  vue,  les  croûtes  qui  se  détachent  du 
corps  des  varioleux  en  desquamation  forment  le  matin, 
sur  le  sol,  alors  que  les  draps  des  malades  ont  été  secoués 
en  refaisant  les  lits,  des  amas  dont  on  a  peine  à  se  figurer 
le  volume  quand  on  n'a  pas  assisté  au  balayage  matinal. 
N'est-il  pas  évident  que  ces  poussières  virulentes,  inocu- 
lables, jetées  sur  le  fumier,  dans  un  coin  du  jardin  où  le 
moindre  coup  de  vent  les  soulève  dans  l'atmosphère,  peu- 
vent devenir  un  agent  de  dissémination  et  de  propagation 
de  la  variole,  non  seulement  dans  tout  l'hôpital,  mais  dans 
le  quartier  voisin?  A  quoi  servirait-il  de  répandre  dans 
la  salle  des  varioleux  des  torrents  d'un  liquide  pulvérisé 
ou  d'un  gaz  désinfectant,  si  on  ne  prend  pas  le  soin  d'en- 
lever directement  le  corps  grossier  du  délit?  Depuis  long- 
temps, nous  avons  adopté  l'habitude  de  faire  répandre 
chaque  matin  sur  le  sol,  dans  nos  salles  de  varioleux, 
après  la  réfection  des  lits,  une  certaine  quantité  de  sciure 
de  bois  ou  de  sablon  très  légèrement  imprégné  d'une  so- 
lution phéniquée;  l'acide  phénique  ne  joue  ici  qu'un  rôle 
accessoire,  nous  pourrions  dire  illusoire  ;  le  balai  pro- 
mène à  la  surface  du  sol  cette  couche  à  peine  humide,  à 
laquelle  les  poussières  dangereuses  s'attachent  au  lieu 
d'être  soulevées  et  disséminées  dans  les  parties  élevées  de 
la  chambre.  Le  tout  est  immédiatement  jeté  et  détruit  dans 
la  cheminée  ou  le  poêle  allumés  pendant  l'hiver  :  pen- 
dant l'été,  on  allume  exprès  dans  la  salle  un  feu  vif  et  léger 
qui  est  destiné  à  consumer  ces  virulentes  ordures. 

Les  poussières,  les  matières  corruptibles  qui  flottent 
dans  l'air,  les  miasmes  mêmes,  peu  vent  être  retenus  ou 
enlevés  par  de  simples  moyens  mécaniques  ;  tels  sont  ces 
larges  écrans  garnis  d'ouate  que  l'air  neuf  traverse  dans 
les  couloirs  souterrains  du  nouvel  Hôtel-Dieu  de  Paris, 
avant  de  pénétrer  dans   les  salles.  De  même,  M.   Golds- 


■26  MOYENS  MÉCANIQUES  DE  DÉSINFECTION. 

worthy  Gurney  a  disposé,  pour  la  salle  du  Parlement  an- 
.glais,  un  appareil  destiné  à  laver  l'air  qui  entre  dans  la 
salle  des  séances,  à  l'aide  d'un  nuage  de  poussière  d'eau 
qui  vient  se  briser  sur  une  plaque  métallique.  C'est  un 
phénomène  identique  qui  se  produit  par  la  pulvérisation, 
dans  le  pansement  de  Lister,  où  à  l'action  spéciale  de  l'a- 
rgent antiseptique,  s'ajoute  certainement  l'action  purement 
physique  du  liquide,  quelle  que  soit  d'ailleurs  sa  com- 
position chimique. 

Le  poudroiement  de  l'eau  qui  tient  en  dissolution  un  sel 
quelconque  a  une  action  désinfectante  qu'on  ne  saurait 
méconnaître  ;  cette  action  tient  à  deux  causes. 

1°  MM.  Marié-Davy  et  Miquel,  dans  leurs  recherches  bac- 
térimétriques  de  l'air,  ne  trouvent  plus  qu'un  nombre  re- 
lativement faible  de  bactéries  par  millimètre  cube  de  l'eau 
qui  a  servi  à  laver  un  mètre  cube  d'air,  lorsque  le  temps 
€St  pluvieux  et  que  la  pluie  a  balayé  l'atmosphère  pendant 
plusieurs  heures.  Les  bactéries,  les  vibrions,  les  germes 
morbides,  les  poussières  suspectes,  sont  entraînés  par  la 
pluie  qui  ruisselle  sur  le  sol  ;  celui  ci,  largement  humecté, 
les  retient  et  ne  les  laisse  plus  emporter  par  le  moindre 
souffle  de  vent.  Au  contraire,  quand  le  temps  est  sec,  la 
poussière  que  le  vent  soulève  contient  un  certain  nombre 
de  ferments,  de  protorganismes,  dont  quelques-uns  sans 
doute  sont  pathogéniques,  et  c'est  peut-être  ainsi  que  les 
maladies  contagieuses,  infectieuses,  transmissibles  se  dissé- 
minent et  se  propagent.  Dans  une  chambre  de  malades, 
où  l'on  a  lancé  dans  l'air  pendant  un  certain  temps  des 
nuages  de  poussière  d'eau,  il  se  produit  probablement  le 
même  phénomène  que  dans  la  chambre  à  expérience  dont 
Tyndall  enduit  les  parois  avec  de  la  glycérine.  Dans  la 


(1)  Pierre  Miquel,  Étude  générale  sur  les  bactéries  de  V atmosphère, 
[Annuaire  de  Montsoiiris  pour  l'année  1881.)  Paris,  Gauthicr-Viliars, 
1881. 


NETTOYAGE,  LAVAGE,  VENTILATION.  27 

cage  fermée  de  Tyndall,  où  Tair  est  immobile,  les  corpus- 
cules en  suspension  dans  l'air  tombent  peu  à  peu,  en  vertu 
de  leur  plus  grande  densité,  sur  les  parois  humides  ;  ils  y 
adhèrent,  l'air  y  devient  optiquement  pur,  et  un  faisceau 
lumineux  projeté  à  travers  cet  espace  n'y  permet  plus  de 
découvrir  ces  innombrables  corps  en  suspension  que  nous 
voyons  étinceler  quand  un  rayon  de  soleil  traverse  une 
chambre  obscure.  Quand  on  lance  un  jet  de  spray  au  voi- 
sinage d'une  partie  du  corps  qu'on  va  inciser  et  qu'on  veut 
préserver  de  toute  souillure,  il  est  probable  que  chaque 
petit  globule  d'eau  fixe  les  poussières  en  suspension  dans 
l'air,  les  entraîne  par  son  poids,  et  purifie  l'atmosphère 
qui  va  tout  à  l'heure  se  trouver  en  contact  avec  la  solution 
de  continuité.  Cette  action  est  plus  puissante  quand  le  li- 
quide pulvérisé  est  un  antiseptique  ou  un  désinfectant  ;  le 
contact  du  liquide  avec  chaque  grain  de  poussière  est  plus 
intime,  plus  prolongé. 

2°  Dans  la  pulvérisation,  chaque  globule  quasi  microsco- 
copique  de  poussière  d'eau  absorbe  de  l'air,  de  l'oxygène, 
on  peut  dire  qu'il  en  est  saturé  ;  la  pulvérisation  est  donc 
aussi  un  moyen  d'activer  les  phénomènes  d'oxydation,  de 
combustion  par  l'oxygène  de  l'air,  des  particules  organi- 
ques que  celui-ci  contient. 

Quand  la  putréfaction  ou  l'encombrement  ont  versé 
dans  l'atmosphère  des  gaz  et  des  produits  infects  et  insa- 
lubres, il  va  de  soi  qu'il  faut  avant  tout  donner  large- 
ment issue  à  ces  émanations  pestilentielles.  Le  meilleur 
moyen  de  désinfecter  est  tout  d'abord  le  renouvellement 
complet  de  l'atmosphère  empestée  ;  cela  justifie  cette 
boutade  de  je  ne  sais  quel  médecin  à  celui  qui  demandait  : 
Quel  est  le  meilleur  désinfectant?  —  C'est  celui  qui  sent 
le  plus  mauvais,  parce  qu'il  oblige  à  ouvrir  immédiate- 
ment toutes  les  fenêtres. 

A  ce  titre,  la  ventilation  vient  au  premier  rang  parmi 
les  désinfectants;   il  est  inutile  d'insister.  Au  surplus,  et 


2S  MOYENS  MÉCANIQUES  DE  DÉSINFECTION. 

au  point  de  vue  qui  nous  occupe,  la  ventilation  n'agit  pas 
seulement  en  expulsant,  en  dispersant,  en  disséminant  les 
gaz,  les  miasmes,  les  germes  morbides  que  l'air  d'une 
localité  peut  contenir;  elle  agit  aussi  en  activant  l'action 
comburante  de  l'oxygène  de  l'air  sur  les  produits  organiques 
en  suspension  dans  l'atmosphère.  Nous  renvoyons  à  un 
chapitre  ultérieur  {Action  désinfectante  de  l'oxygène,  de 
Vowne,  etc.)  pour  le  développement  de  cette  importante 
question  qui  nous  semble  mériter  une  attention  très  sé- 
rieuse.En  tout  cas,  la  ventilation  doit  être  autant  que  pos- 
sible continue,  afin  d'empêcher  ces  condensations  sur  les 
murailles,  de  la  vapeur  chargée  de  matières  organiques 
provenant  des  exhalaisons  humaines,  et  des  germes  mor- 
bides que  l'air  pourrait  contenir. 

C'est  d'après  le  même  principe  qu'on  établit  des  cou- 
rants d'air  artificiels  dans  les  excavations,  les  puits,  les 
trous  de  mine,  les  égouts,  les  cales  de  navire,  oîi  la  sta- 
gnation de  l'air  permet  l'accumulation  des  gaz  toxiques. 
Dans  les  navires,  on  dispose  des  manches  à  vent  permet- 
tant à  l'air  de  s'engouffrer  dans  des  tubes  épanouis  en  en- 
tonnoir ,  ouverts  du  côté  de  la  poupe,  et  amenant  par 
l'excès  de  pression,  de  l'air  neuf  dans  les  parties  profondes. 
Dans  les  mines  creusées  à  une  grande  profondeur,  on 
allume  jour  et  nuit  de  grands  feux  qui  établissent  des  cou- 
rants descendants  et  ascendants,  destinés  à  renouveler  l'air 
souillé  par  la  respiration  des  hommes  et  des  animaux  et 
par  les  gaz  toxiques  que  dégage  le  sol.  Lorsqu'un  puits  ou 
un  égout  ont  été  longtemps  sans  communication  libre  avec 
l'atmosphère  extérieure,  il  s'y  accumule  de  l'acide  carbo- 
nique, du  sulfhydrate  d'ammoniaque,  de  l'acide  sulfhydri- 
que,  et  autres  gaz  dont  l'inhalation  est  dangereuse  ou 
mortelle.  Avant  d'y  ^faire  descendre  les  ouvriers  employés 
au  curage  ou  aux  réparations,  il  est  nécessaire  de  prendre 
certaines  précautions  imposées  par  l'ordonnance  de  police 
du  20  juillet  |1 838,  et  que  nous  exposerons  avec  détail  en 


NETTOYAGE,  LAVAGE,  VENTILATION.  29 

traitant  de  la  dksinfection  industrielle  et  municipale.  On 
allume  des  feux  aspirateurs,  qu'on  place  à  rorifice  incom- 
plètement obturé,  tandis  qu'un  tuyau  injecteur  conduit  l'air 
de  l'extérieur  au  fond  du  puits;  on  ne  peut  descendre  le 
brasier  au  fond  même  de  l'excavation,  que  dans  le  cas  où 
celle-ci  est  assez  large  et  où  la  quantité  de  gaz  nuisible 
n'est  pas  assez  grande  pour  qu'on  ait  à  craindre  de  voir  le 
feu  s'éteindre  par  privation  d'oxygène.  Dans  beaucoup  de 
ces  cas,  la  désinfection  ne  se  fait  que  par  le  déplacement, 
par  la  soustraction  mécanique  des  gaz  irrespirables. 

L'enlèvement  immédiat  des  linges,  des  pièces  à  panse- 
ment souillées,  des  matières  putrescibles  que  contiennent 
souvent  les  salles  des  malades,  doit  précéder  toute  prati- 
que de  désinfection. 

Rappelons  ici  que  l'on  a  parfois  attribué  en  partie  l'in- 
salubrité de  certains  services  d'accouchement  au  séjour 
prolongé  sous  les  lits  de  vases  contenant  les  placentas,  les 
caillots  sanguins,  les  eaux  de  l'amnios;  dans  certaines  ma- 
ternités au  contraire,  les  placentas  sont  emportés  immé- 
diatement hors  de  la  salle,  ou  jetés  directement  dans  un 
réservoir  rempli  d'un  liquide  désinfectant  très  actif.  Il  en 
est  de  même  dans  les  amphithéâtres  de  dissection,  les 
chantiers  d'équarrissage,  les  étables  remplies  de  fumiers, 
les  amas  de  résidus  industriels,  les  dépotoirs,  etc.  ;  l'enlè- 
vement régulier  des  matières  en  décomposition  est  la 
condition  indispensable  de  toute  tentative  de  désinfection. 
Les  instruments  qui  servent  aux  opérations  sont  parfois 
souillés,  dans  leurs  parties  profondes,  de  principes  infec- 
tieux ou  virulents,  et  ont  été  dans  un  assez  grand  nombre 
de  cas  bien  observés,  le  point  de  départ  d'accidents  graves. 
Des  sondes  en  gomme  noire  ou  en  argent  incomplètement 
lavées  ont  porté  dans  la  vessie  le  ferment  de  la  décom- 
position de  l'urée,  et  un  simple  cathétérisme  a  pu  devenir 
l'origine  d'une  fermentation  intra-vésicale  rebelle.  Il  y  a 
quelques  années,  plusieurs  cas  de  syphilis  gutturale,  ont 


30  MOYENS  MÉGANIQUES  DE  DÉSINFECTION. 

été  observés  chez  des  malades  qui  tous  avaient  subi,  dans 
le  cabinet  du  même  spécialiste,  le  cathétérisme  de  la  trompe 
d'Eustache  avec  un  instrument  sans  doute  mal  entretenu. 
Aussi,  certains  chirurgiens  n'introduisent-ils  jamais  une 
sonde  ou  un  stylet  dans  une  cavité  naturelle  ou  dans  un  - 
trajet  fistuleux,  sans  avoir  lavé  à  l'alcool  phéniqué  ou 
flambé  les  instruments. 

C'est  un  axiome  banal,  mais  qu'on  ne  saurait  trop  ré- 
péter ;  la  propreté  est  l'un  des  meilleurs  désinfectants  ; 
nous  ne  pouvions  nous  dispenser  de  le  rappeler  en  tète  de 
cette  énumération  des  agents  de  la  désinfection. 


ABSORBANTS,  DÉSODORANTS.  3t 

CHAPITRE  II. 
ABSORBANTS,  DÉSODORANTS. 

La  décomposition  de  la  matière  organique  se  traduit  sur- 
tout par  la  formation  de  principes  volatils  ou  de  gaz  qui 
se  dégagent  dans  l'air  et  se  dissolvent  dans  l'eau.  Ces  gaz 
ont  le  plus  souvent  une  odeur  infecte  qui  nous  révèle 
l'existence  des  matières  en  décomposition,  et  c'est  déjà 
contribuer  pour  une  part  sérieuse  à  la  désinfection,  que 
de  faire  disparaître  ces  odeurs  nauséabondes. 

Un  certain  nombre  de  corps  et  de  composés  chimiques 
ont  la  propriété  de  fixer  d'une  façon  plus  ou  moins  intime 
la  plupart  de  ces  gaz,  tantôt  par  une  combinaison  véri- 
table, tantôt  par  une  propriété  physique,   la  porosité. 

Il  existe  donc  des  corps  qui  méritent  à  la  fois  le  nom 
d'absorbants  et  celui  de  désodorants  ;  après  l'action  de  ces 
corps ,  ratm(»sphère  ne  cesse  pas  complètement  d'être 
souillée;  l'odeur  a  disparu,  mais  les  produits  malsains  ou 
dangereux  ne  sont  pas  tous  définitivement  détruits  ;  cer- 
tains gaz,  ou  à  la  rigueur  certains  principes  volatils  sont 
simplement  retenus,  fixés  provisoirement,  emprisonnés 
dans  les  porosités  des  agents  dits  absorbants.  Pour  le  pu- 
blic qui  s'arrête  à  l'apparence  et  qui  attache  une  impor- 
tance excessive  à  l'odeur,  la  désinfection  paraît  complète  : 
pour  l'hygiéniste,  elle  n'est  réelle  que  si  les  gaz,  les  mias- 
mes, les  virus,  les  protorganismes  que  l'air  pouvait  con- 
tenir ont  été  détruits,  s'ils  ont  perdu  à  la  fois  leurs 
propriétés  chimiques  et  leurs  propriétés  biologiques. 

Pour  ne  venir  qu'au  second  plan,  la  désodorisation  n'en 
est  pas  moins  une  ressource  précieuse,  un  complément  in- 


32  ABSORBANTS,  DÉSODORANTS. 

dispensable,  d'autant  plus  que  l'atmosphère  d'une  localité 
peut,  à  la  rigueur,  être  plus  nauséabonde  que  dangereuse, 
parce  qu'elle  ne  contient  pas  de  principes  morbifiques 
spécifiques.  La  souillure  de  l'air  par  des  déjections  ré- 
centes provenant  d'un  individu  sain  n'est-elle  pas  plus  in- 
commode que  dangereuse?  L'absorption  de  l'hydrogène 
sulfuré,  de  l'ammoniaque,  etc.,  est  facile;  celle  des  pro- 
duits moins  volatils,  du  scatol,  par  exemple  est  plus  mal 
aisée  ;  il  existe  sans  doute  enfin  certains  principes  mal 
définis  qui  sont  tout  à  fait  réfractaires  à  l'absorption  ; 
c'est  ce  qui  fait  le  danger  des  milieux  qu'on  s'est  contenté 
simplement  de  désodoriser. 

Les  premières  expérimentations  de  Barker  (1)  sur 
la  valeur  des  désodorisants  étaient  un  peu  primitives.  Il 
prenait  du  lait,  du  sang  corrompu,  des  débris  intestinaux 
infects,  et  les  mélangeait  avec  de  la  sciure  de  bois  imbibée 
de  divers  agents  réputés  désinfectants,  afin  de  rechercher 
quels  étaient  ceux  de  ces  agents  qui  produisaient  le  mieux 
la  désodorisation.  Ceux  qui  firent  le  plus  rapidement  dis- 
paraître la  mauvaise  odeur  furent  :  le  vinaigre  de  bois,  la 
solution  d'acide  sulfureux,  la  teinture  d'iode,  la  térében- 
thine ;  ceux  qui  diminuèrent  seulement  l'odeur  furent  : 
l'alcool,  l'eau  chlorée,  le  permanganate  de  potasse,  le  chlo- 
rure de  soude,  les  sulfates  de  fer  et  de  cuivre  ;  d'autres 
enfin,  même  après  vingt-quatre  heures  de  contact,  n'a- 
vaient que  faiblement  diminué  l'odeur  :  l'eau  oxygénée, 
l'ammoniaque  liquide,  le  sulfate  de  magnésie,  le  nitrate  de 
plomb  et  de  potasse,  l'alun,  etc. 

Il  faut  bien  reconnaître  que  ces  indications  nous  ren- 
seignent assez  mal  ;  certains  résultats  nous  semblent  d'ail- 
leurs difficilement  explicables.  Il  est  nécessaire  de  faire 
des  divisions,  et  la  classification  fondée  sur  les  agents  ]?/iî/- 


(1)  Barker,   On  désodorisation  and  disinfection.  (Bristish  médical  jour- 
nal, 1866.) 


CHARBON.  33 

siques  ou  chimiques  qui  font  disparaître    l'odeur,    nous 
parait  la  meilleure. 

ARTICLE  I".  —  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

Charbon.  —  La  faculté  d'absorption  du  charbon  est  en 
rapport  avec  sa  porosité  ;  les  gaz  se  logent  dans  les  pores, 
comme  l'eau  se  loge  dans  les  vacuoles  d'une  éponge.  Le 
diamètre  moyen  des  pores  du  charbon  de  bois  est,  d'après 
Mitsclierlich,  d'environ  un  centième  de  millimètre;  la  sur- 
face totale  des  cellules,  dans  un  morceau  pesant  un  gram- 
me, serait  de  8  mètres  carrés,  et  un  centimètre  carré  de 
charbon  représenterait  une  surface  totale  de  r^'^SO*^'.  Le 
tableau  suivant  indique  combien  de  volumes  de  gaz  1  vo- 
lume de  charbon  peut  absorber,  à  la  pression  et  à  la  tem- 
pérature ordinaires  ;  cette  quantité  varie  singulièrement 
pour  des  gaz  différents  : 

Un  volume  de  charbon  peut  absorber  90  volumes  de  gaz  ammoniac. 

—  65        —       de  gaz  acide  sulfureux. 

—  55        —        (legaz  acide  sulfhyrique 

—  35        —        de  gaz  ac  de  carbonique 

—  35        —        de  gazhydr.bicarboné. 

9.42  —       de  gaz  oxyde  de  carbone 
9.25  —        d'oxygène. 

La  faculté  absorbante  du  charbon  porte  à  la  fois  sur  la 
vapeur  d'eau  et  sur  les  gaz  ;  c'est  ce  qui  explique  avec 
quelle  rapidité  le  charbon  de  bois,  récemment  éteint, 
augmente  de  poids  et  perd  sa  capacité  pour  les  gaz. 

Eulenberg  et  Vohl  (1),  dans  leurs  recherches  sur 
l'action  désinfectante  du  charbon,  sont  arrivés  à  cette  con- 
clusion :  «  Les  charbons  poreux  (ceux  de  bois,  de  tourbe, 
de  coke)  absorbent  énergiquement  l'oxyde  de  carbone, 
l'acide  sulfureux,  l'hydrogène  sulfuré,  le  sulfliydrate  d'am- 

(1)  Eulenberg  et  Vohl.  Die  Kohle  als  Desinfectionsmitlel  und  A^tidot. 
(Vierteljahrsschrift  fur  gerichtliche  und  offentliche  Medicine,  juillet 
1870.) 

Vallin.  —  Désinfectaints  .  3 


34  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

moniaque,  etc.  Ces  composés  s'oxydent  aussitôt  après  leur 
absorption  par  le  charbon.  L'hydrogène  sulfuré  se  trans- 
forme en  acide  sulfureux  et  celui-ci  en  acide  sulfurique,  l'am- 
moniaque en  nitrate  d'ammoniaque .  La  plupart  des  matières 
odorantes  sont  détruites  par  l'oxydation.  Les  charbons  les 
plus  désodorants  sont  ceux  de  bois  légers,  de  tourbe  Jégère, 
dont  les  cendres  contiennent  du  gypse  et  des  carbonates 
terreux.  Les  mélanges  de  chaux,  de  magnésie  et  de  char- 
bon, fixent  l'ammoniaque  et  l'acide  phosphorique  des  excré- 
ments .    X. 

Letheby  a  analysé  les  filtres  au  charbon,  placés  au- 
dessous  des  bouches  d'égouts  à  Londres,  et  destinés  à 
filtrer  l'air  de  l'égout  avant  de  le  laisser  s'échapper  sur  la 
voie  pubHque.  Il  a  trouvé  dans  ces  filtres  une  quantité 
assez  notable  de  composés  ammoniacaux,  qui  lui  semblent 
provenir  de  l'oxydation  de  l'azote  contenu  dans  les  parti- 
cules de  matière  en  décomposition,  arrêtées  par  le  filtre. 

Sepys  a  trouvé  qu'en  1  jours  : 

Le  charbon  de  sapin  augmente  en  poids  do  13,0  pour  100. 

—  de  hêtre  —  16,3        — 

—  de  chêne  —  16,5        — 

—  d'acajou  —  18,0        — 

C'est  l'humidité  surtout  qui  cause  cette  augmentation 
rapide  de  poids,  laquelle,  de  ce  fait,  atteint  d'ordinaire 
de  8  à  12  pour  100. 

Le  charbon  absorbe  donc  d'autant  plus  qu'il  a  été  plus 
récemment  éteint.  Hubbart,  de  New-York,  qui,  l'un  des 
premiers,  a  appliqué  le  pouvoir  absorbant  du  charbon  aux 
besoins  de  l'hygiène,  purifiait  avec  du  charbon  encore  en- 
flammé certaines  mines  et  puits,  où  l'air  était  rendu  irres- 
pirable par  l'acide  carbonique  et  autres  gaz  dangereux. 
On  faisait  descendre  à  plusieurs  reprises  au  fond  de  l'exca- 
vation, des  fourneaux  de  braise  bien  allumée  :  le  charbon 
s'éteignait,  en  absorbant  au  bout  de  plusieurs  heures  la 
plus  grande  partie  des  gaz  suspects.  Il  est  évident  qu'une 


CHARBON.  :j;i 

pareille  pratique  serait  extrêmement  dangereuse  dans 
tous  les  cas  où  la  présence  de  j^az  inflammables  et  déton- 
nants est  à  craindre.  Ce  procédé  doit  être  complètement 
distingué  de  celui  où  on  allume  des  feux  pour  établir  des 
courants  d'air  et  déplacer  les  gaz  nuisibles,  par  la  diffé- 
rence de  densité  des  zones  chauffées.  Il  va  de  soi  qu'il  est 
indispensable  de  remplacer  souvent  le  charbon  destiné  à 
filtrer  l'air,  ou  de  déplacer  et  de  détruire  les  gaz  empri- 
sonnés dans  ses  pores  en  le  revivifiant  par  une  nouvelle 
combustion. 

Les  gaz  ainsi  absorbés  paraissent  n'être  le  plus  souvent 
que  mécaniquement  retenus  dans  les  pores  du  charbon  ; 
car,  si  l'on  porte  sous  le  vide  d'une  machine  pneumatique 
un  fragment  de  ce  corps  qui  a  absorbé  une  quantité  déter- 
minée d'un  gaz,  on  peut  retrouver  sous  la  cloche  la  pres- 
que totalité  du  gaz  emmagasiné .  Le  même  effet  se  pro- 
duit d'ailleurs  pour  les  principes  colorants.  Si  l'on  décolore 
par  du  charbon  une  décoction  de  cochenille,  ou  de  bois 
de  Fernambouc,  ce  charbon  ne  cède  point  à  l'eau  bouil- 
lante la  couleur  qu'il  a  enlevée  au  liquide;  mais,  si  on 
ajoute  une  solution  faible  de  potasse  à  l'eau  bouillante  où 
plonge  le  charbon,  celui-ci  dégage  immédiatement  la  cou- 
leur rouge. 

Nous  savons  qu'un  même  volume  de  charbon  absorbe 
des  quantités  très  différentes  de  gaz  différents.  C'est  sans 
doute  par  cette  affinité  plus  grande  des  gaz  ammoniac, 
sulfureux,  sulfhydrique,  etc.,  qu'il  faut  expliquer  le  pou- 
voir désinfectant  de  ce  corps.  Lorsqu'on  entoure  de  braise 
ou  de  poussière  de  charbon  une  pièce  de  viande,  de 
poisson  ou  de  substance  organique  facilement  altérable, 
l'altération  en  est  retardée,  et  la  décomposition  ne  se 
traduit  par  aucune  odeur  appréciable.  Ce  pouvoir  désin- 
fectant du  charbon  est  connu  depuis  très  longtemps, 
et  il  a  été  utilisé,  dès  1790,  par  un  chimiste  russe, 
Lorvitz,    pour  la  marine  de  l'État.    L'on    peut  admettre 


3!]  ABSORBANTS   PHYSIQUES. 

avec  M.  Stenhouse,  que  cette  action  résultederaccumulation 
d'une  énorme  quantité  d'oxygène  dans  les  pores  du  char- 
bon ;  il  y  a  sans  doute,  non  seulement  emmagasinement, 
absorption  des  gaz  et  des  miasmes  putrides,  mais  aussi 
oxydation  rapide  de  ces  miasmes  qui  se  transforment  en 
composés  nouveaux,  inodores  et  inoffensifs. 

Il  semble,  cependant,  que  le  charbon  puisse  avoir  encore 
un  autre  mode  d'action,  qu'il  retarde  ou  empêche  la  putré- 
faction, qu'il  soit  antiseptique.  Déjà,  les  Égyptiens  fai- 
saient usage  de  la  poudre  de  charbon  dans  l'embaumement 
des  cadavres,  et  lui  attribuaient  la  vertu  de  conserver,  de 
momifier  les  corps.  Il  est  de  pratique  assez  répandue,  dans 
les  grandes  chaleurs  et  en  temps  d'orage,  pour  empêcher 
la  décomposition  des  substances  alimentaires,  de  les  plonger 
directement  dans  une  couche  épaisse  de  poudre  de  charbon; 
non  seulement  les  produits  putrides  sont  absorbés,  mais  la 
fermentation  est  prévenue  ou  retardée,  peut-être  par  l'obs- 
tacle à  l'arrivée  jusqu'à  la  viande,  des  germes  de  l'atmos- 
phère. 

M.  Stenhouse,  de  Londres,  Pettenkofer,  et  plus  récem- 
ment M.  le  D"'Hornemann(l)  de  Copenhague,  au  Congrès  de 
Bruxelles,  en  1876,  ont  préconisé  l'emploi  du  charbon 
pour  prévenir  la  décomposition  des  cadavres  dans  le  sol. 
Le  procédé  suivant,  employé  par  Hornemann,  paraît  avoir 
donné  de  bons  résultats.  On  place  une  mince  couche  de 
copeaux  au  fond  de  la  bière  ;  on  y  étend  un  lit  de  poudre 
de  charbon  de  2  à  9  centimètres  d'épaisseur.  On  dispose  le 
linceul  ;  on  y  verse  une  nouvelle  couche  de  charbon  pilé 
de  6  à  7  centimètres  d'épaisseur,  et  sur  cette  couche  on 
fait  reposer  directement  le  corps.  Les  bords  du  linceul 
sont  relevés  de  tous  côtés,  et  avant  de  fermer  la  bière  on 
répand    sur    le    drap    replié    une    nouvelle    couche   de 

(1)  Hornemann,  in  L'exposition  et  le  Congrès  d^hygiène  et  de  sauvetage  de 
Bruxelles  en  1876,  par  le  D'O.  Du  Mesnil,  (Annales  d'hygiène  et  de  méde- 
cine légale,  1877,  t.  XLVH,  p.  52.) 


CHARBON.  37 

charbon  de  6  à  7  centimètres.  Non  seulement  on  peut  con- 
server ainsi  les  cadavres  à  l'abri  de  toute  émanation  odo- 
rante pendant  8  ou  10  jours,  avant  une  inhumation  retar- 
dée, mais  encore  le  corps  se  dessèche  à  la  longue  et  se 
momifie.  M.  Hornemann  a  enfermé  dans  une  boite  en  bois 
très  mince  un  enfant  nouveau-né,  entouré  d'une  couche 
de  charbon  de  cinq  centimètres  d'épaisseur  ;  au  bout  de 
11  mois,  après  suintement  de  quelques  grammes  seule- 
ment d'un  liquide  épais  et  semblable  à  du  goudron,  le 
corps  s'était  changé  en  une  masse  noire,  cassante,  res- 
semblant aux  restes  carbonisés  d'un  corps  consumé  par  le 
feu  ;  l'on  ne  dit  pas  si  ces  restes  avaient  une  odeur  pu- 
tride. 

Malgré  les  observations  de  MM.  Stenhouseet  Hornemann, 
il  nous  reste  encore  quelques  doutes  sur  la  valeur  réellement 
antiseptique  de  la  poudre  de  charbon  ;  peut-être  n'y  a-t-il 
qu'une  absorption  très  complète  des  liquides  ou  des  gaz 
putrides,  et  oxydation  ultérieure  de  ces  produits  par  l'ac- 
tion de  l'oxygène  accumulé  dans  les  pores.  On  comprend 
toutefois  que  la  présence  d'une  couche  épaisse  de  charbon 
empêche  l'arrivée,  jusqu'au  coips  enveloppé,  de  tous  les 
germes,  ferments,  microbes  que  l'air  peut  contenir  ;  la 
fermentation  putride  serait  ici  prévenue,  comme  dans 
l'urine  neutre  bouillie,  contenue  dans  un  flacon  bouché 
avec  un  tampon  d'ouate  sortant  de  l'étuve  à  lâO  de- 
grés. 

0.  Réveil  (1)  a  fait,  en  1860,  des  expériences  ana- 
logues à  celles  de  Stenhouse,  et  il  a  obtenu,  non  pas  un 
retard  de  la  décomposition  des  corps  inhumés,  mais  du 
moins  une  décomposition  sans  dégagement  au  dehors  de 
produits  odorants. 

Le  22  juillet  1860,  six  volailles  plumées,  accidentelle- 


(1)  Réveil,  Mémoire  sur  les  désinfectants,  Archives  générales  de  médecine 
1863,  et  Formulaire  raisonné  des  médicaments  nouveaux,  2°  édit.,  Paris 
1865,  p.  516. 


38  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

ment  empoisonnées  par  du  phosphore,  ont  été  placées  dans 
six  boîtes  égales,  et  entourées  d'une  couche  épaisse  des 
poudres  suivantes  : 

N"  1  Charbou  de  Lois. 

—  2  Plâtre  au  coaltar. 

—  3  Plâtre  goudronné. 

—  4  Charbon  animal. 

—  5  Poudre  de  tan. 

—  6  Chlorure  de  chaux. 

Les  caisses  clouées  ont  été  enfoncées  à  une  profondeur 
de  70  centimètres,  et  examinées  tous  les  15  jours.  Le  8 
août,  c'est-à-dire  le  IV  jour,  on  constata  les  résultats  sui- 
vants : 

N°  1  Pas  trace  d'infection. 

—  2  Odeur  de  coaltar  pur. 

—  3  Odeur  de  goudron  pur. 

—  4  Odeur  putride  prononcée. 

—  .">  Odeur  putride  ti'ès  prononcée. 

—  G  Odeur  de  chlore  avec  légère  odeur  putride. 

Le  15  septembre  (SS'^  jour)  : 

N°  1  et  2  Nulle  odeur. 

—  3  Odeur  de  goudron  avec  légère  odeur  putride. 

—  4  et  5  Odeur  putride  légère. 

—  6  Très  légère  odeur  de  chlore  et  odeur  putride. 

Enfin  le  20  octobre,  on  ouvre  les  caisses  ;  on  les  trouve 
remplies  de  larves,  excepté  le  n°  6.  Le  n°  1  n'a  aucune 
trace  d'odeur  ;  mais  le  poulet  est  exactement  réduit  à  son 
squelette,  sans  trace  de  chair  et  de  ligaments  ;  il  est  évident 
que  la  putréfaction  et  les  larves  ont  tout  fait  disparaître, 
mais  les  gaz  et  les  liquides  putrides  ont  été  absorbés  par 
le  charbon,  ce  qui  explique  l'absence  complète  d'odeur. 
N'»  2.  L'odeur  de  coaltar  persiste  ;  le  poulet  est  des- 
séché ;  des  parties  charnues  se  remarquent  au  bréchet  et 
aux  cuisses  ;  légère  odeur  putride.  N°  3.  Le  corps  est  dans 
le  même  état  que  le  précédent  ;  l'odeur  de  goudron  a  dis- 
paru ;  l'odeur  putride  est  prononcée.  N"  4.  Le  corps  laisse 


CHARBON.  39 

encore  voir  des  parties  charnues  ;  l'odeur  putride  est  pro- 
noncée. N°  3.  Le  poulet  est  desséché  ;  les  parties  charnues 
sont  réduites  à  une  matière  dure,  coriace,  paraissant  impu- 
trescible ;  toutefois  l'odeur  infecte  est  très  prononcée , 
ce  qu'on  attribue  à  la  masse  intestinale.  N"  6.  L'odeur  de 
chlore  est  très  faible,  l'odeur  putride  des  intestins  très 
prononcée  ;  il  reste  peu  de  parties  charnues  ;  la  caisse  ne 
présente  ni  larves  ni  insectes. 

Réveil  a  recommencé  sur  deux  cadavres  de  lapin  la 
même  expérience  avec  le  charbon  végétal,  et  il  a  obtenu 
exactement  le  même  résultat.  Il  se  demande  si,  outre  son 
action  absorbante  incontestable,  le  charbon  de  bois  n'au- 
rait pas  la  propriété,  par  une  sorte  d'action  de  contact,  de 
déterminer  la  combinaison  rapide  des  éléments  de  la  ma- 
tière organique  morte,  et  de  hâter  ainsi  leur  transformatian 
en  principes  minéraux. 

Il  est  digne  de  remarque  que,  au  bout  de  trois  mois,  les 
parties  molles  du  corps  enveloppé  de  poudre  de  charbon  de 
bois,  aient  été  plus  rapidement  et  plus  complètement  dé- 
truites que  dans  les  autres  cas  ;  c'est  exactement  le  con- 
.  traire  de  ce  que  MM.  Stenhouse  etHorneraann  ont  observé. 
De  plus,  l'enveloppement  dans  une  couche  de  charbon  n'a- 
vait pas  empêché  la  pénétration  des  larves  jusqu'aux  par- 
ties centrales  ;  il  est  vrai  qu'avant  l'enfouissement  dans 
cette  couche  de  charbon,  le  cadavre  de  l'animal  était  sans 
doute  resté  exposé  au  libre  contact  de  l'air,  et  que  les  ger- 
mes avaient  été  ensevelis  avec  lui  sous  le  charbon.  Enfin, 
contrairement  à  ce  qu'on  aurait  pu  croire,  le  charbon 
animal,  dont  le  pouvoir  décolorant  est  si  puissant,  s'est 
montré  ici  inférieur,  comme  désinfectant,  au  charbon  de 
bois. 

L'on  sait  qu'elle  action  puissante  a  le  charbon,  et  surtout 
le  noir  animal,  pour  désinfecter  l'eau  et  les  liquides  cor- 
rompus. Nous  ne  pouvons  trop  insister,  avec  Chevallier, 
sur  les  ressources   que   peut  présenter  le  charbon,  pour 


40  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

absorber  les  gaz  malodorants  ou  nuisibles  que  contient 
parfois  l'eau  des  puits,  des  citernes,  des  réservoirs,  etc. 
Le  docteur  Stenhouse  (1)  a  donné  une  théorie  assez  satis- 
faisante de  l'action  du  charbon  sur  la  destruction  des  ma- 
tières organiques  qu'il  absorbe.  La  putréfaction  des  subs- 
tances animales  et  végétales,  dit-il,  n'est  qu'une  décompo- 
sition incomplète,  un  état  imparfait  d'oxydation.  Lorsque 
cette  oxydation  se  fait  lentement,  elle  donne  lieu  à  une 
multitude  de  produits  intermédiaires  dont  l'odeur  est  dés- 
agréable et  l'influence  nuisible.  M.  Stenhouse  croit  que 
le  charbon,  en  absorbant  ces  matières,  peut  activer 
leur  oxydation  par  l'action  de  l'oxygène  accumulé  dans 
ses  pores.  Il  cite  l'expérience  suivante  faite  par  un 
chimiste  de  Glasgow,  M.  Turnbull.  Ce  dernier  entoura 
d'une  couche  épaisse  de  charbon  le  corps  de  deux 
chiens  qui  venaient  de  périr,  et  enferma  le  tout  dans  une 
boite.  Au  bout  de  six  mois,  il  ouvrit  la  boîte  ;  le  contenu 
n'exha'ait  aucune  mauvaise  odeur,  la  matière  organique 
avait  complètement  disparu,  il  ne  restait  plus  que  les  os. 
La  poussière  de  charbon  environnante  fut  analysée  par 
M.  Stenhouse,  qui  n'y  trouva  aucune  trace  d'hydrogène 
sulfuré;  tout  au  plus  y  avait-il  des  traces  d'ammoniaque, 
d'acide  sulfurique,  d'acide  nitrique  et  de  phosphate  acide 
de  chaux.  M.  Stenhouse  en  conclut  qu'on  ne  peut  admettre 
que  le  charbon  agisse  comme  les  antiseptiques  ordinaires, 
en  prévenant  ou  en  retardant  la  décomposition  des  ma- 
tières animales  ;  au  contraire,  dans  l'expérience  précédente, 
la  décomposition  était  activée  et  poussée  à  ses  dernières 
iimites.  D'après  M.  Stenhouse,  c'est  en  condensant  l'oxy- 
gène de  l'air  dans  ses  pores,  et  en  le  présentant,  ainsi 
condensé,  à  la  matière  organique,  que  le  charbon  détruit 
cette  dernière  par  un  mécanisme  encore  mal  exphqué. 
Quelques  faits,  cependant,  permettront  de  comprendre  ce 

(1)  Stenhouse ,  Journal  de  pharmacie,  1834,  t.  XXVI. 


POUSSIÈRES  SÈCHES.  41 

processus.  L'hydrogène  sulfuré  et  l'acide  sulfureux  sont 
sans  action  l'un  sur  l'autre;  mais  si  l'on  fait  intervenir 
un  corps  poreux,  du  charbon,  par  exemple,  il  y  a  formation 
d'eau  et  dépôt  de  soufre  (Thénard)  ;  c'est  ce  qu'on  a  appelé 
provisoirement  force  de  contact,  force  catalytique.  Cette 
idée  nouvelle  assimile  le  charbon  à  l'éponge  de  platine. 
Il  est  cependant  une  objection  à  cette  manière  de  voir. 
Quand  on  agite  pendant  quelque  temps  avec  du  charbon 
certains  principes  actifs  d'origine  végétale  et  qu'on  sou- 
met le  charbon  à  un  traitement  convenable,  en  vue  d'ex- 
traire ces  substances,  on  les  retrouve  telles  qu'elles  étaient 
originairement,  et  sans  qu'elles  aient  subi  aucune  décom- 
position, aucun  changement  appréciable. 

M.  Stenlwuse  a  proposé  d'employer  le  charbon  à  la  fil- 
tration  de  l'air,  de  la  même  façon  qu'on  l'emploie  depuis 
longtemps  à  la  fdtration  de  l'eau.  Il  a  imaginé,  à  ce  point 
de  vue,  un  inhalateur,  sousforme  d'un  petit  masque  s'appli- 
quant  exactement  sur  la  bouche  et  les  narines  ;  ce  masque 
est  formé  de  deux  feuilles  de  toile  métallique,  dans  l'in- 
tervalle desquelles  se  trouve  interposée  une  couche  de 
charbon  animal  en  poudre  grossière.  On  a  pu,  de  cette  fa- 
çon, permettre  l'introduction  de  sauveteurs  et  de  pompiers 
dans  des  milieux  contenant  des  gaz  toxiques,  ammoniaque, 
hydrogène  sulfuré,  sulfhydrate  d'ammoniaque,  chlore.  Dans 
certains  cas,  le  même  appareil  pourrait,  sans  doute,  être 
employé  pour  se  préserver  momentanément  contre  certains 
miasmes  dangereux.  Nous  parlerons  plus  loin  (Désinfec- 
tion municipale)  des  filtres  au  charbon  disposés  à  Londres 
au-devant  de  toutes  les  bouches  d'égout. 

Poussières  sèches.  —  H  y  a  vingt  ans,  un  vicaire 
de  Fordington,  dans  le  comté  de  Dorset,  le  révérend 
docteur  H.  Moule,  mort  en  1880,  entreprit  des  ex- 
périences sur  la  désinfection  des  déjections  humaines  au 
moyen  de  la  terre  desséchée  et  sur  l'emploi  du  mélange 


42  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

comme  agent  fertilisant.  Voici  en  quelques  mots  en  quoi 
consiste  le  procédé  qui  porte  son  nom  :  on  recueille  de  la 
terre  commune,  de  préférence  de  la  terre  argileuse  ;  on  la 
fait  sécher  au  soleil  ou  sur  des  fours  ;  on  la  pulvérise  gros- 
sièrement au  rouleau  et  on  la  passe  à  la  claie  ;  après  cha- 
que évacuation,  et  avant  que  les  matières  aient  subi  un 
commencement  de  fermentation,  on  répand  une  certaine 
quantité  de  cette  terre  sur  les  matières,  soit  directement, 
soit  au  moyen  d'un  appareil  automatique  très  simple  et 
dont  il  existe  un  grand  nombre  de  modèles  en  Angleterre. 
Au  bout  de  quelques  jours,  le  tonneau  mobile  ainsi  rempli 
est  enlevé  ;  son  contenu  n'exhale  aucune  mauvaise  odeur, 
il  peut  être  répandu  sur  le  sol  et  servir  immédiatement 
comme  engrais;  mais  il  est  préférable  de  l'abandonner,  pen- 
dant un  mois  ou  six  semaines,  sous  un  hangar  à  l'abri  de  la 
pluie  et  bien  ventilé.  Au  bout  de  ce  temps,  et  sans  qu'il  se  soit 
développé  d'odeur  sensible,  le  mélange  est  intime  ;  il  est 
difficile,  en  remuant  l'amas,  de  retrouver  l'apparence  des 
matières  qu'on  y  a  introduites;  elles  sont  en  quelque  sorte 
digérées,  assimilées,  transformées  en  humus.  Bien  plus, 
ce  compost  lui-même  peut,  au  bout  de  deux  mois,  être 
desséché,  pulvérisé,  et  servir  de  nouveau  une  deuxième, 
une  troisième  et  même  huit  ou  dix  fois,  sans  que  ses  pro- 
priétés absorbantes  et  désinfectantes  soient  notablement 
diminuées.  Ce  dernier  point  a  une  importance  considéra- 
ble, puisqu'il  permet  d'augmenter  la  richesse  fertilisante 
du  produit,  tout  en  diminuant  les  difficultés  et  les  dépenses 
du  transport. 

A  la  suite  des  succès  obtenus  par  M.  Moule,  sa  méthode 
prit  bientôt  une  grande  extension  ;  elle  fut  adoptée  presque 
immédiatement  dans  les  pénitenciers  des  Indes  anglaises, 
et,  plus  tard,  par  plusieurs  villes  d'Angleterre  pour  leur 
service  public  ;  le  eartli  System  (ou  système  à  la  terre)  fut 
mis  en  opposition  avec  le  luater  System  (ou  système  à 
l'eau).  En  1869  et  en  1814,  le  Conseil  sanitaire  supérieur 


POUSSIÈRES  SÈCHES.  43 

de  l'Angleterre  délégua  deux  de  ses  membres  les  plus  dis- 
tingués, 3IM.  Buchanan  et  Netten  Radcliffe,  pour  aller  étu- 
dier le  fonctionnement  de  cette  méthode  dans  différentes 
villes  du  Royaume-Uni  ;  nous  aurons  l'occasion  de  faire 
plus  d'un  emprunt  au  rapport  de  M.  Buchanan,  qui  est  de- 
venu une  monographie  aujourd'hui  classique  en  Angle- 
terre (l). 

Ces  propriétés  de  la  terre  sèche,  si  singulières  et  si  im- 
portantes au  point  de  vue  de  l'hygiène,  sont  peu  connues 
en  France;  à  part  quelques  tentatives  faites  par  deux  de 
nos  collègues  de  l'armée,  MM.  Fée  (2)  et  Alix  (3),  à  part 
celles  que  nous  avons  poursuivies  pendant  deux  années  au 
Val-de-Grâce,  on  peut  dire  que  ce  moyen  n'a  pas  eu  d'ap- 
plication sérieuse  dans  notre  pays. 

Nous  avons  montré,  dans  un  travail  inséré  dans  la 
Revue  d'hygiène  (4) ,  que  cette  invention  qui  nous  arrive 
d'Angleterre,  retour  de  l'Inde,  a  pris  naissance  en  France, 
ou  tout  au  moins  que  la  méthode,  en  honneur  en  Chine 
depuis  un  temps  immémorial,  a  été  mise  en  pratique  chez 
nous  bien  avant  les  premiers  essais  de  M,  Moule.  Chaptal 
en  4823,  Salmon  et  Payen  en  1826,  M.  Moll,  par  le  mé- 
lange des  matières  de  vidange  avec  les  vases  marécageuses 
desséchées  ou  avec  de  la  terre  écobuée,  transformaient  les 
matières  de  vidange  en  un  engrais  fertile  (5). 

Il  faut  toutefois  reconnaître  aux  Anglais,  et  à  M.  Moule 
en  particulier,  le  mérite  d'avoir  vulgarisé  et  formulé  avec 


(1)  Buclianan  aud  Netten  Radcliffe,  On  ihe  dry  System  of  dealinrj  ivith 
excrément.  [Reports  oftlie  médical  of/icer  of  tlie  Privy  Council,  1870, 
T.  XII,  p.  80  el  111.  —  1874,  p.  137  et  214.) 

(2)  F.  Fée,  De  l'emploi  de  la  terre  argileuse  comme  désinfectant  des 
matières  fécales.  [Recueil  des  mémoires  de  médecine  militaire,  1873, 
t.  XXI.) 

(3)  D''  Alix,  Communication  manuscrite. 

(4)  E.  Vallin,  De  la  désinfection  par  les  poussières  sèches,  [Revue  dliygiène 
et  de  police  sanitaire,  1879,  p.  43  et  106.) 

fo)  Lecadre,  Ulilisation  des  matières  fécales  an  profit  de  l'agriculture. 
(Annales  d'hyyiène,  18oo,  t.  XXIII,  p.  297.) 


U  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

précision  la  désinfection  par  la  terre.  Au  lieu  de  s'arrêter 
au  fait  expérimental  et  empirique,  ils  en  ont  fait  le  point 
de  départ  d'une  véritable  méthode.  Le  système  ancien  ou 
actuel  consiste  à  diluer  les  immondices  dans  une  énorme 
quantité  d'eau  qui  rend  leur  putréfaction  plus  facile,  qui 
les  transporte,  souvent  insidieusement,  loin  du  lieu  d'ori- 
gine, et  dont  il  est  toujours  difficile  de  se  débarrasser.  A 
ce  système,  ils  en  ont  opposé  un  autre,  qui  consiste  à  con- 
centrer, en  quelque  sorte,  les  matières  suspectes  sous  un 
faible  volume,  à  les  retenir  sur  place  sous  forme  d'un 
foyer  limité,  circonscrit,  facile  à  surveiller.  Les  matières 
sont  desséchées,  momifiées,  on  s'efforce  de  restreindre  et 
même  de  faire  disparaître  toute  humidité;  la  putréfaction 
ou  fermentation  putride,  infecte,  nuisible,  conséquence 
presque  inévitable  de  cette  humidité,  est  remplacée  par  une 
sorte  de  transformation  humiqueqai  se  fait  sans  odeur,  et 
probablement  sans  dégagement  de  principes  nuisibles  pour 
la  santé.  Non  seulement  on  sait  ce  que  deviennent  ces  rési- 
dus dangereux,  non  seulement  on  a  la  certitude  qu'ils 
n'iront  pas  souiller  l'eau  de  nos  boissons  ou  l'air  que  nous 
respirons  ;  mais  encore  ils  restituent  à  la  terre,  sous  forme 
d'engrais,  les  éléments  de  la  force  que  nous  avons  utilisée 
et  qu'ils  nous  réservent  encore. 

Il  ne  s'agit  donc  pas  seulement  d'un  procédé,  mais  bien 
d'une  méthode;  ce  n'est  plus  simplement  le  procédé  par  la 
terre  sèche,  c'est  le  eartli  system,\d.métlwde  par  la  voie 
sèche.  Le  principe  étant  admis,  ses  avantages  hygiéniques 
reconnus,  il  importe  de  rechercher,  parmi  ces  substances 
ou  ces  poussières  sèches,  celles  qui  permettent  le  mieux  de 
concilier  les  nécessités  de  l'hygiène  avec  le  profit  pour 
l'agriculture. 

Nous  passerons  en  revue  les  matières  qui  ont  été  suc- 
cessivement expérimentées  et  préconisées  dans  différents 
pays  :  la  terre,  les  cendres,  les  résidus  carbonisés,  les 
mélanges  artificiels  et  complexes,  etc. 


TERRE  SÈCHE.  45 

Terre  sèche.  — L'emploi  delà  terre  nécessite  certaines 
précautions  et  certaines  règles  dont  la  négligence  a  sou- 
vent compromis  la  valeur  du  procédé. 

1°  La  terre  doit  être  répandue  sur  les  matières  au  mo- 
ment même  de  leur  émission  ;  quand  celles-ci  ont  déjà 
subi  un  commencement  de  décomposition  putride,  l'action 
neutralisante  est  beaucoup  moindre,  et  l'on  pourrait  dire 
que  l'enrobement  par  la  terre  sèche  prévient,  empêche  la 
décomposition,  plutôt  qu'il  ne  désinfecte  les  matières  déjà 
altérées  et  putrides. 

2"  La  terre  doit  être  complètement  sèche  avant  d'être 
répandue  sur  les  matières.  En  été,  il  suffit  de  balayer  la 
couche  la  plus  superficielle  du  sol  qui  a  subi  pendant  plu- 
sieurs jours  de  sécheresse  l'action  du  vent  et  du  soleil,  et 
d'en  garder  sous  un  hangar  couvert  une  provision  suffi- 
sante pour  tout  l'hiver.  Mais  dans  les  pays  pluvieux  et 
froids,  pendant  une  grande  partie  de  Tannée,  on  est  sou- 
vent obligé  de  recourir  à  des  moyens  artificiels  :  en  Angle- 
terre, dans  certains  villages  où  ce  système  fonctionne, 
on  fait  passer  de  la  terre  chaque  jour  renouvelée  sur  la 
partie  supérieure  des  fours  qui  servent  à  la  cuisson  du 
pain;  on  utilise  de  la  même  façon  la  chaleur  perdue  des 
chaudières  à  vapeur  et  des  fourneaux,  dans  un  grand 
nombre  d'étabUssements  hospitaliers  ou  industriels.  Dans 
plusieurs  villes,  on  a  construit  des  fours  spéciaux  destinés 
à  cet  us:ige;  au  camp  de  Wimbledon,  pendant  les  manœu- 
vres des  volontaires,  on  chauffe  la  terre  sur  des  plaques  de 
fonte  au-dessous  desquelles  on  allume  des  feux.  La  terre 
ainsi  desséchée  est  grossièrement  broyée  au  moyen  de 
rouleaux  de  jardin,  ou  de  tout  autre  appareil;  puis  on  la 
passe  à  la  claie,  on  la  crible  pour  retenir  les  pierres  et 
les  corps  étrangers.  Il  n'est  pas  nécessaire  qu'elle  soit  ré- 
duite en  poussière  trop  fine,  et  fon  a  observé  qu'une 
poudre  grossière  produisait  un  'effet  plus  rapide  et  plus 
complet. 


46  ABSORBAINTS  PHYSIQUES. 

Le  D''  Rolleston  (1),  qui  cependant  est  un  adversaire  de  la 
méthode,  a  montré  par  des  expériences  fort  simples  que 
les  gaz  cessaient  d'être  retenus  par  la  terre  quand  celle-ci 
était  trop  humectée.  Dans  un  appareil  de  Woolf  muni  de 
tubes  de  Nesslsr,  il  mêle  de  la  terre  sèche  avec  une  petite 
quantité  de  solution  ammoniacale  titrée  ;  l'air  qui  traverse 
le  flacon  ne  contient  pas  trace  de  vapeur  d'ammoniaque, 
il  ne  détermine  aucun  précipité  dans  le  réactif  de  Nessler; 
au  contraire,  si  on  noie  le  mélange  de  terre  et  d'ammo- 
niaque sous  une  grande  quantité  d'eau  simple,  l'air  aspiré 
par  le  flacon  contient  des  traces  très  sensibles  de  ce  gaz, 
le  réactif  de  Nessler  devient  jaune,  puis  abandonne  un 
précipité  rouge  abondant. 

Lors  des  premiers  essais  du  earth  System  dans  des  loca- 
lités où  l'expérience  se  faisait  pour  la  première  fois,  on  a 
cru  pouvoir  négliger  cette  opération  difficile  ou  coûteuse 
du  dessèchement  préalable  de  la  terre  :  l'insuccès  a  été  tel 
qu'on  a  déclaré  le  système  lui-même  détestable.  N'est-ce 
pas  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer  l'insuccès  relatif  de 
la  méthode  dans  certaines  prisons  de  la  présidence  de  Ma- 
dras? Le  D""  Mouat  (2),  en  effet,  nous  apprend  que  pour  re- 
cueillir plus  facilement  la  terre  qui  devait  servir  à  la  désin- 
fection et  que  l'extrême  sécheresse  avait  durcie,  les  hommes 
arrosaient  le  sol  pour  le  ramolUr  avant  de  l'attaquer  avec 
leurs  pioches.  Dans  plusieurs  relations,  nous  trouvons  la 
preuve  d'une  négligence  analogue. 

3°  Le  succès  dépend  encore  de  la  qualité  et  de  la  quan- 
tité de  la  terre.  Ces  deux  conditions  sont  connexes;  la 
terre  la  meilleure  est  celle  dont  il  faut  la  moindre  quan- 
tité. En  général,  on  a  classé  les  différentes  espèces  de 
terre  dans  l'ordre  suivant  :  sable  ou  gravier,  effet  nul  — 
terre   crayeuse,  effet  presque   nul  —  argile  et  en  parti- 

(1)  D''  G.  Rolleston,  The  earth-closet  sijstem.  [The  Lancet,  mars  1859, 
p.  319  et  411.) 

(1)  D-'  Mouat,  Report  on  gaols  of  Lower  Provinces,  1868,  p.  144. 


TERRE  SÈCHE.  47 

culier  terre  à  brique,  excellente  —  terre  de  jardin  ou  de 
culture  (loam),  très  bonne.  Certains  auteurs  déclarent  mau- 
vaise la  terre  qui  contient  déjà  de  la  matière  organique; 
Buchanan  et  Radcliffe  la  disent  assez  bonne,  et  nous  ver- 
rons tout  à  l'heure,  en  effet,  que  le  terreau  et  la  terre  de 
bruyère  viennent  à  un  bon  rang.  Les  observateurs  anglais 
écrivent  'que  1  livre  et  demie  (680  gr.)  de  terre  sèche  pré- 
serve de  toute  odeur  une  déjection,  et  que  la  même  quan- 
tité de  terre  est  nécessaire  pour  neutraliser  une  demi- 
pinte  (283  gr.)  d'urine;  il  en  résulte  qu'une  exonération 
complète,  représentant  en  moyenne  :  matières  solides 
150  grammes,  urine  200  grammes,  exigerait  1  kil.  400  de 
terre  sèche  (1).  Ces  chiffres  ont  été  souvent  reproduits  ou 
interprétés  d'une  façon  inexacte;  beaucoup  d'ouvrages,  el 
le  rapport  même  du  D'"  Buchanan  en  1869,  considèrent 
les  100  grammes  de  terre  sèche  comme  la  quantité  suffisante 
pour  une  exonération  complète  :  nous  croyons  que  c'est 
une  erreur,  et  que  cette  quantité  est  insuffisante. 

On  voit  qu'il  est  beaucoup  plus  facile  de  neutraliser  les 
130  grammes  de  matières  solides  rendues  en  24  heures,  que 
les  1,200  à  1,800  grammes  d'urine  journalière;  le  principe 
de  la  méthode  est,  en  effet,  l'absence  d'humidité,  la  séche- 
resse relative  du  mélange  initial.  Nous  pouvons  le  dire  dès  à 
présent,  le  point  faible  du  earth  System,  c'est  la  difficulté 
de  neutralisation  de  l'urine;  on  réussit  sans  trop  de  peine 
à  désinfecter  et  à  rendre  inertes  les  matières  solides  ;  le 
mélange  de  l'urine  est  une  source  de  difficultés  presque 
insurmontables  à  cause  de  l'énorme  quantité  de  terre  que 
ce  liquide  exige. 

Nous  avons  fait  de  nombreuses  expériences  pour  déter- 
miner et  mesurer  les  propriétés  désinfectantes  des  diverses 
espèces  de  terre,  surtout  en  ce  qui  concerne  l'action  sur 

(1)  M.  Moule  disait:  5  fois  le  poids  des  matières,  soit  environ  lk.7oO 
pour  une  évacuation  complète.  (D''  Moule,  The  dry  earth  System,  The 
Laiicet,  13  mars  1869,  p.  383.) 


48  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

l'urine.  Nous  avons  d'abord  établi  par  des  pesées  et  des 
mensurations  les  valeurs   suivantes  : 

Poids  du  litre     Volume  du 
kilog.  en 
cent,  cubes. 

Argile  séchce  et  pulvérisée 1.400  714 

Terre  de  jardin  séchée  et  pulvérisée    .     1.200  833 

—  sans  apprêt,  recueillie 

par  un  temps  sec 1.030  950 

Terre  de  bruyère  criblée  et  très  sèche.     0.928  1.080 

La  neutralisation  d'une  évacuation  solide  (150  à  200  gr.), 
est  obtenue  par  les  quantités  minima  qui  suivent  :  argile, 
un  demi-litre  ou  700  grammes,  et  même  moins  ;  —  terre 
de  jardin,  trois  quarts  de  litre  ou  800  grammes;  —  terre 
de  bruyère  ou  terreau,  1  litre  au  moins  ou  1  kilogramme. 

L'ordre  de  classement  diffère  notablement,  quant  à  la 
désinfection  de  l'urine  ;  un  litre  d'urine  reste  à  peu  près 
inodore  quand  il  est  mélangé  avec  :  terre  de  bruyère, 
2  kilogrammes  et  demi  ou  2  litres  et  demi  —  terre  de 
jardin,  3  kilogrammes  ou  2  litres  et  demi;  —  argile,  1  ki- 
logrammes ou  5  litres. 

Nous  n'avons  trouvé  nulle  part  signalée  cette  infériorité 
du  pouvoir  désinfectant  de  l'argile  en  ce  qui  concerne 
l'urine.  Nos  expériences  ont  été  cependant  renouvelées 
bien  des  fois,  elles  ont  toujours  donné  le  même  résultat. 
Un  litre  de  bonne  terre  de  jardin  séchée  au  four  peut  rece- 
voir jusqu'à  400  grammes  d'urine  fraîche;  le  deuxième,  le 
quatrième,  le  huitième  jour,  on  ne  perçoit  qu'une  odeur  de 
cave  ou  de  terre  humide;  c'est  à  peine  si,  en  remuant  la 
masse,  on  réussit  à  percevoir  de  très  près,  à  4  ou  5  centi- 
mètres de  distance,  une  odeur  fade,  mal  définie,  qui  n'est 
nullement  fétide  ;  à  partir  du  huitième  ou  dixième  jour,  il 
n'y  a  pas  de  différence  avec  de  la  terre  non  souillée.  La 
terre  de  bruyère  peut  absorber  une  plus  grande  quantité 
d'urine,  jusqu'à  540  grammes  pour  un  litre  de  terre.  Le 
deuxième  ou  troisième  jour,  il  se  développe  parfois  une 
odeur  piquante  en  remuant  la  terre  humide,  mais  cette 


TERRE  SÈCHE.  49 

odeur  n'est  jamais  putride,  et  elle  disparaît  complètement 
au  bout  de  peu  de  jours.  Au  contraire,  avec  l'argile,  dont 
une  quantité  très  faible  neutralise  si  facilement  les  ma- 
tières solides,  200  grammes  d'urine,  mêlés  à  un  litre  d'ar- 
gile pesant  1  kil.  400,  forment  un  mélange  presque  pul- 
vérulent ;  dès  le  troisième  jour  apparaît  une  odeur  de  dépôt 
urinaire  ancien,  et  un  peu  ammoniacale;  au  bout  de  quinze 
jours,  cette  odeur  est  encore  légèrement  perceptible,  alors 
que  les  autres  sortes  de  terre  sont  depuis  longtemps  ino- 
dores. Quand  on  'mélange  à  1  litre  d'argile  400  grammes 
d'urine,  l'odeur  est  vraiment  désagréable  et  persiste  pen- 
dant plus  d'un  mois. 

On  voit  que  la  terre  moyenne  et  légère  de  jardin,  ce  que 
les  Anglais  appellent  le  loam,  tient  en  somme  le  premier 
rang  s'il  s'agit  de  désinfecter  à  la  fois  les  matières  solides 
et  liquides.  Pour  une  évacuation  complète  (ISO  grammes  de 
matières  solides  200  grammes  d'urine),  1  kilogramme  et 
demi  de  cette  terre  est  nécessaire;  il  faudrait  au  moins 
2  kilogrammes  d'argile.  Il  va  de  soi  que  dans  un  hôpital, 
pour  des  selles  diarrhéiques  mêlées  à  de  l'urine,  ces  pro- 
portions ne  sont  plus  acceptables,  et  que  la  terre  doit  être 
en  quantité  telle  que  le  mélange  ne  soit  jamais  diffluent. 

Le  système  à  la  terre,  bon  pour  les  matières  solides,  est 
médiocre  ou  mauvais  pour  l'urine.  Nous  verrons  plus  tard 
quelles  dispositions  on  a  imaginées  pour  séparer  l'urine  des 
fèces;  en  définitive,  il  faut  partout  installer  des  urinoirs  du 
modèle  ordinaire,  indépendants  des  earth-closets,  et  ceux-ci 
doivent  recevoir  tout  au  plus  l'urine  émise  pendant  l'acte 
de  la  défécation.  C'est  dans  cette  prévision  et  sous  ces 
réserves,  qu'on  peut  fixer  à  1  kil.  500  environ  la  quan- 
tité de  terre  nécessaire  par  jour  et  par  personne. 

En  1876  et  en  1878,  nous  avons  organisé  et  fait  fonc- 
tionner pendant  plusieurs  mois  ce  système  au  Val-de- 
Grâce,  et  voilà  les  résultats  définitifs  que  nous  avons 
obtenus  :  le  tonneau  qui  avait  reçu  le  mélange  de  terre  et 

Vallin.  —  Désinfectaxts.  4 


50  ABSORBANTS  PHISIQUES. 

de  matières  était  pesé  plein,  puis  vide;  on  savait  d'autre 
part  le  poids  de  la  terre  qui  avait  été  dépensée;  il  était 
facile,  par  conséquent,  d'en  déduire  le  poids  des  matières 
fécales,  ainsi  que  la  proportion  de  celles-ci  par  rapport  à 
la  terre.  Nous  avons  trouvé  les  chiffres  suivants  pour 
100  kilogrammes  du  mélange  total  : 

1°  Matières.  21  kilog.  )  Soit  une  quantité  de   terre   égale    à   moins  de 

Terre  .   .  90     —  )      4  fois  le  poids  des  matières. 

2°  Matières.  21     —  j  g^j^.  „  j^j^  ^^       .^^  ^^^  matières. 

Terre .    .  83     —  )  ' 

Z-  Matières.  14     —  j  g^.^  ^  ^^j^  j^       .^^  ^^^  matières. 

Terre  .   •  86     —  ^  ^ 

Dans  le  premier  cas,  l'odeur  du  mélange  était  désa- 
gréable à  une  courte  distance  ;  dans  les  deux  autres  cas, 
elle  était  presque  nulle  :  nous  sommes  donc  autorisé  à 
conclure  qu'en  pratique,  la  proportion  de  5  kilogrammes 
de  terre  pour  1  kilogramme  de  matières  est  suffisante 
pour  assurer  la  désinfection. 

M.  le  professeur  Alex.  Millier  (1),  qui  a  fait  ses  expériences 
à  l'Arbeithaus  de  Berlin,  a  obtenu  des  résultats  en  appa- 
rence différents  ;  il  a  trouvé  que  la  quantité  de  terre  dé- 
pensée par  chaque  évacuation  était  égale  à  H  fois  et  de- 
mie son  poids  pour  l'argile,  et  à  14  fois  et  demie  son  poids 
pour  la  terre  de  jardin.  Mais  M.  A.  Millier  a  signalé  ail- 
leurs le  mauvais  fonctionnement  de  l'appareil  :  la  terre 
continuait  à  s'écouler  pendant  tout  le  temps  que  le  malade 
restait  assis,  ce  qui  entraînait  une  dépense  exagérée  et 
inutile  de  terre.  C'est  donc  à  tort  que  ces  chiffres  ont  été 
signalés  comme  exprimant  la  quantité  de  terre  nécessaire 
pour  assurer  la  désinfection. 

Au  camp  de  Wimbledon  (2),  on  dépensa  enlSjotirs 
140  tonnes  de  terre  sèche  pour  30  tonnes  de  déjections, 

(1)  Al.  Mûller,  Actenstucke  uber  die  Entwasserung  Berlins.  {Deutsche 
Vierteljahrssch.  f.  ôff.  Gesundheitspflege,  1872,  t.  IV,  p.  470.) 

(2)  Mervin  Drake,  The  dry-earth  cloaet  System-  {The  Lancet,  24  july 
1»69.) 


TERRE  SÈCHE.  Dl 

soit  une  quantité  de  terre  représentant  quatre  fois  et  de- 
mi le  poids  de  celles-ci.  La  désinfection  était  complète, 
et  une  poignée  de  poudre  prise  dans  la  fosse  n'avait 
qu'une  odeur  de  bois  de  sapin  mouillé,  nullement  répu- 
gnante. 

La  nature  des  transformations  qui  se  produisent  au  con- 
tact de  la  terre  sèche  et  des  matières  fécales  est  encore 
mal  connue.  Il  faut  invoquer  sans  doute  ces  phénomènes 
de  fermentation  humique,  que  Liebig  a  désignés  sous  le 
nom  d'érémacausie  ;  l'absence  d'une  quantité  suffisante 
d'eau  empêche  peut-être  le  développement  de  la  fermentation 
putride  ;  la  terre  sèche  et  poreuse  doit  retenir  les  gaz  et 
multiplier  les  contacts  de  la  matière  organique  avec  l'oxy- 
gène. Le  mécanisme  des  opérations  chimiques  est  sans 
doute  très  comparable  à  ce  qui  se  passe  quand  on  met  de 
la  matière  organique  en  contact  avec  du  charbon  végétal 
ou  animal.  Un  fait  est  certain  :  quand  on  sectionne  les 
masses  excrémentielles  entourées  de  terre,  on  retrouve  au 
centre  une  matière  qui  a  l'apparence  et,  à  un  très  faible 
degré,  l'odeur  fécale,  mais  cette  odeur  n'est  jamais  pu- 
tride ;  on  y  voit  une  grande  quantité  de  moisissures  vertes 
et  blanches,  et  il  ne  serait  pas  impossible  que  cette  végé- 
tation cryptogamique  jouât  un  rôle  dans  la  réduction  des 
matières  à  leurs  éléments  chimiques.  Au  bout  de  5  à  6  se- 
maines, les  parties  centrales  ne  diffèrent  plus,  quant  à 
l'apparence,  de  la  couche  de  terre  périphérique. 

L'on  comprend  dès  lors  un  fait  dont  l'énoncé  cause  tout 
d'abord  une  véritable  surprise.  Ce  mélange,  ainsi  aban- 
donné à  lui-même  pendant  deux  mois,  peut  être  desséché 
au  soleil  ou  sur  les  fours  et  réduit  en  poudre  ;  il  est  sans 
odeur,  il  a  l'apparence  de  la  terre  ordinaire  ;  en  le  prenant 
dans  la  main  on  ne  soupçonnerait  ni  sa  nature  ni  sa  pro- 
venance; il  peut  être  employé  de  nouveau  et  désinfecte 
aussi  bien  que  de  la  terre  neuve.  La  même  opération  peut 
être  recommencée  un  grand  nombre  de  fois,  et  l'on  n'a  pas 


52  ABSORBANTS  PHYSIQUES. 

encore  fixé  le  degré  de  saturation  où  la  désinfection  n'est 
plus  complète.  «  Dans  certains  cas,  dit  Buchanan,  l'expé- 
rience a  été  continuée  12  fois  et  plus,  et  quoique  le  mé- 
lange contînt  plus  de  la  moitié  de  son  volume  de  matières 
fécales,  la  désinfection  était  encore  parfaite.  »  Fée  a  obtenu 
les  mêmes  résultats  à  l'hôpital  militaire  de  Biskraen  1873. 
Nous-mème,  nous  avons  utilisé  de  nouveau,  en  18T7  et  en 
1878,  un  mélange  provenant  d'expériences  faites  au  Val- 
de-Grâce  en  1876  ;  la  terre  ayant  servi  trois  fois  produisait 
encore  un  bon  effet.  Nous  devons  cependant  reconnaître 
que  cette  terre  noire  avait  une  odeur  fade,  sut  generis  ; 
elle  prenait  un  peu  le  caractère  fécaloïde,  quand  ce  mélange 
au  3*  ou  au  4^  degré  était  resté  pendant  plusieurs  jours 
exposé  à  la  pluie. 

■  Nous  croyons  donc  qu'il  y  a  une  certaine  exagération  à 
dire  que  la  terre  désinfecte  mieux  quand  elle  a  déjà  plusieurs 
fois  servi  ;  c'est  une  protestation  contre  l'opinion  primiti- 
vement acceptée  et  erronée  qui  déclarait  impropre  à  cet 
usage  la  terre  contenant  de  la  matière  organique  ;  l'argile 
paraissait  alors  la  terre  la  plus  convenable.  La  matière 
organique,  sous  un  certain  état,  dans  une  certaine  propor- 
tion, paraît  favoriser  les  décompositions  de  la  matière.  On 
connaît  les  remarquables  recherches  de  MM.  Miintz  et 
Schlœsing  sur  la  propriété  qu'a  la  terre  de  brûler  les  ma- 
tières organiques  des  eaux  d'égout  et  de  nitrifier  l'azote. 
Si  on  verse  de  l'eau  d'égout  sur  une  tranche  filtrante  assez 
épaisse,  l'eau  qui  sort  du  filtre  a  transformé  tout  son  azote 
organique  en  nitrates  ;  mais  si  l'on  imprègne  cette  couche 
filtrante  de  vapeurs  de  chloroforme,  la  nitrifîcation  est 
absolument  suspendue  ;  [il  semble  que  le  chloroforme  ait 
arrêté  la  vie  des  protorganismes  contenus  dans  le  sol,  et 
qui  agissent  peut-être,  dans  la  combustion  de  l'azote  et 
dans  l'acte  de  la  nitrifîcation,  comme  le  mycoderma  aceti 
agit  dans  la  fermentation  acétique. 
Cette  possibilité  de  faire  servir  plusieurs  fois  la  même 


TERRE  SÈCHE. 


53 


terre  après  a  voir  bien  desséché  le  mélange,  est  dans  cer- 
tains cas  un  avantage  précieux.  On  diminue  la  main- 
d'œuvre,  on  augmente  la  richesse  fertilisante  et  la  valeur 
vénale  de  l'engrais. 

Radcliffe  a  donné  le  tableau  suivant,  montrant  la  compo- 
sition de  la  terre  provenant  des  earth  closets  de  West-Ri- 
ding  Prison,  à  Wakefield;  l'analyse  a  été  faite  sur  le  mé- 
lange séché  à  100°  centigrades. 


TERRE 

APRÈS 

APRÈS 

APRÈS 

n'ayant  pas 

le  premier 

le  deuxième 

le  troisième 

encore  servi. 

emploi. 

emploi. 

emploi. 

Mat.  or^aniq.  cl  eau  de 
combinaison  .... 

9.79 

9.88 

11.53 

12.22 

Oxyde  de  fer  et  alumine 

12.95 

16.15 

14.11 

12.48 

Acide  phosphorique.   . 

0.18 

0.25 

0.44 

0.51 

Carbonate  de  chaux.  . 

2.21 

2.2o 

2.13 

2.14 

Magnésie,     alcalis      et 
pertes 

2.79 

2.63 

1.49 

1.64 

Argile  et  sable  .... 

71.79 

68.93 

70.30 

71.01 

Matières  azotées  .   .   . 

0.31 

0.37 

0.42 

0.51 

Équivalant  à  : 
Ammoniaque 

0.31 

0.45 

0.51 

0.62 

Dans  beaucoup  de  localités  en  Angleterre,  la  terre 
retourne  trois  fois  aux  closets  avant  d'être  définitivement 
employé  comme  engrais,  et  nulle  part  la  santé  publique 
ne  paraît  en  souffrir. 

Pettenkofer  etRolleston  (1)  ont  exprimé  la  crainte  que 
cette  manière  d'utiliser  les  déjections  humaines  ne  favorisât 
la  conservation  et  la  dissémination  des  germes  morbides 
qu'elles  peuvent  contenir.  En  ces  derniers  temps,  M.  Pas- 
teur est  venu  donner  une  confirmation,  apparente  au  moins 

■(1)  Rolleston,  The  earth  closet  System.  {The  Lancet,  mars  1869,  p.  319.) 


54  ABSORBANTS    PHYSIQUES. 

aux  pressentiments  un  peu  théoriques  des  auteurs  que  nou& 
venons  de  citer.  Pendant  l'été  de  18T8,  au  moment  oii  nous 
aisions  nos  études  sur  ce  sujet,  nous  nous  proposions  de 
répandre  sur  de  la  terre  sèche  et  légère  une  certaine  quan- 
tité de  liquide  de  culture,  ensemencé  avec  des  bactéridies 
charbonneuses  ;  nous  nous  proposions  de  laver  cette  terre 
desséchée,  au  bout  d'un  ou  deux  mois,  et  d'essayer  l'ino^ 
culation  de  cette  eau  de  lavage  à  des  animaux  susceptibles.. 
M.  Pasteur,  à  qui  nous  nous  étions  adressé  pour  obtenir 
du  virus  charbonneux,  nous  apprit  alors  qu'il  était  occupé 
à  une  recherche  analogue,  sur  la  terre  des  fosses  d'enfouis- 
sement des  moutons  charbonneux  en  Beauce;  cette  considé- 
ration et  la  difficulté  de  se  procurer  du  virus  charbonneux 
en  été  à  Paris  nous  empêchèrent  de  faire  cette  expérience,, 
et  nous  regrettons  toujours  de  n'avoir  pas  le  loisir  de  la 
réaliser,  car  elle  nous  semble  devoir  être  très  instructive. 

On  ne  peut  en  effet  conclure,  de  ce  qui  se  passe  dans  les 
fosses  d'enfouissement  de  la  Beauce,  ce  qui  doit  se  passer 
dans  la  terre  sèche.  A  la  profondeur  où  les  moutons  char- 
bonneux sont  enfouis,  le  sol  est  humide,  l'évaporation  est 
difficile,  le  renouvellement  de  l'air,  et  en  particulier  de- 
Toxygène  est  difficile,  les  combustions  ne  peuvent  se  faire 
comme  dans  une  couche  superficielle  de  terre  sèche, 
poreuse,  légère;  les  corpuscules  germes  eux-mêmes  sont 
sans  doute  détruits  dans  cette  dernière,  tandis  qu'ils  con- 
servent leur  vitalité  latente  à  l'abri  de  l'air,  au  fond  de  ces 
fosses  où  les  vers  de  terre  vont  les  chercher  pour  les  ra- 
mener à  la  surface.  Quelques  expériences  bien  conduites, 
suivant  les  procédés  de  M.  Pasteur,  résoudraient  facilement 
la  question,  et  nous  diraient  si  le  dry- sij stem  mérite,  de  la 
part  des  hygiénistes,  la  même  faveur  qu'il  conserve  auprès 
des  agriculteurs  anglais. 

Dans  l'Inde  et  en  Angleterre,  on  a  parfois  accusé  ce 
mode  d'utilisation  de  vidanges  d'avoir  favorisé  l'éclosion 
d'épidémies  de  diarrhée,  de  fièvre  des  prisons,  de  fièvre 


CENDRES,  RÉSIDUS.  5E 

typho-malariale.  Des  enquêtes  sévères,  faites  par  Buchanan 
dans  le  Royaume-Uni,  par  Mouat  au  Bengale,  ont  prouvé 
que  ces  accusations  n'avaient  aucune  espèce  de  fonde-' 
ment.  Nous  verrons  d'ailleurs  que  le  traitement  des  vidan- 
ges par  la  terre  sèche,  n'est  utilement  applicable  que 
dans  des  conditions  déterminées,  en  particulier  là  où  la 
manutention  de  la  terre  et  de  l'engrais  est  facile  et  peu 
dispendieuse. 

Cendres,  résidus  carbonisés,  jjoussières,  etc.  En  Bel- 
gique, en  Angleterre,  en  Hollande,  les  ménagères  versent 
chaque  jour  les  cendres  tamisées  du  foyer  dans  les  fosses 
d'aisances,  soit  directement,  soit  dans  une  caisse  ou  trémie- 
qui,  à  chaque  succussion,  se  vide  au-dessus  du  tuyau  de 
chute.  La  désinfection  est  beaucoup  moins  bien  assurée 
que  par  la  terre  sèche,  mais  elle  est  réelle,  pourvu  que 
l'on  évite  avec  grand  soin  de  jeter  en  même  temps  les  eaux 
résiduelles  dans  la  fosse.  Nous  avons  déjà  dit  que  Salmon 
et  Payen,  en  1826,  et  plus  tard  Moll,  en  France,  se  ser- 
vaient de  terres  brûlées  ou  des  vases  marécageuses  éco- 
buées,  pour  les  mêler  aux  vidanges  et  les  transformer  en 
noir  animalisé.  Ce  procédé,  abandonné  depuis  longtemps 
en  Frwice,  a  été  repris  en  ces  dernières  années  en  Angle- 
terre; à  Salford,  à  Dalmuir,  à  Oldham,  on  carbonise  les 
boues  et  balayures  des  rues,  les  plantes  marines,  les  rési- 
dus fétides  de  toute  sorte,  et  on  mélange  ces  poudres  char- 
bonneuses et  absorbantes  aux  matières  de  vidanges  pour 
les  désinfecter  et  les  transformer  en  engrais;  c'est  une- 
combinaison  de  l'emploi  du  charbon  avec  l'emploi  de  la 
terre  sèche.  Le  résultat  paraît  satisfaisant,  et  Parkes  fait 
l'éloge  du  procédé;  mais  il  s'agit  bien  plus  ici  d'un  mode 
de  fabrication  d'engrais,  que  d'un  moyen  de  désinfection,, 
et  nous  n'avons  pas  à  y  insister. 

La  désinfection  qu'on  obtient  avec  la  terre  sèche,  car- 
bonisée ou  non,  on  la  réalise  également  avec  toutes  les  ma- 


56  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

tières  pulvérulentes  sèches,  poreuses,  absorbantes.  Un 
industriel,  M.  Goux,  utilise  les  balayures  des  magasins  à 
•fourrages  et  les  déchets  de  graines,  le  crottin  sec  de  che- 
val, la  poussière  de  tourbe,  les  faunes  sèches,  les  résidus 
des  filatures  et  fabriques  de  tissus,  les  tontisses  de  laine,  etc. 
Toutes  ces  matières  pulvérulentes,  disposées  d'une  façon 
très  ingénieuse  à  la  surface  interne  des  tonneaux,  absor- 
bent et  désinfectent  d'une  façon  parfaite  les  déjections 
liquides  et  solides  qui  s'accumulent  dans  la  cavité  centrale. 
Nous  aurons  l'occasion  de  revenir  sur  les  applications  et 
le  mode  d'installation  des  appareils  de  désinfection  par  la 
terre  et  les  poussières  sèches,  dans  la  seconde  partie  de  ce 
travail. 

Plâtre  au  coaltar,  talc,  etc.  En  1859  et  1860,  on  fit 
grand  bruit  d'un  nouveau  mode  de  désinfection  des  plaies, 
à  l'aide  d'une  poudre  formée  de  plâtre  et  de  goudron  de 
houille,  et  désignée  sous  le  nom  de  poudre  de  Corne  et 
Demeaux.  C'est  un  peu  par  les  propriétés  antiseptiques  du 
goudron,  mais  c'est  surtout  par  la  propriété  absorbante 
du  plâtre  que  cette  poudre  agissait.  Des  expériences,  con- 
firmées par  Velpeau  (1)  ont  montré  que  le  talc,  la  terre 
sèche  et,  à  vrai  dire,  toute  poussière  absorbante,  avaient 
une  efficacité  aussi  grande.  Le  plâtre  pulvérulent  a  d'ail- 
leurs été  employé  avec  succès  pour  désinfecter  les  matières 
de  vidanges  décomposées,  au  dépotoir  de  Bondy. 

ARTICLE  II.  —  ABSORBANTS    CHIMIQUES. 

Sels  métalliques  en  général.  —  Les  agents  dont  il 
s'agit  sont  les  désinfectants  dans  le  sens  vulgaire  du  mot; 
ils  diminuent  ou  font  disparaître  la  mauvaise  odeur,  en  se 
bornant  à  la  neutralisation  de  l'ammoniaque,  et  à  la  décom- 

(1)  Velpeau,  Rapport  sur  divers  moijens  désinfectants.  {Comptes  rendus 
de  l'Académie  des  Sciences,  6  février  1860,  p.  279.) 


SELS  MÉTALLIQUES.  57 

position  de  l'acide  sulfhydrique  ou  du  sulfhydrate  d'am- 
moniaque. Dans  ce  groupe  viennent  se  ranger  les  sels 
solubles  de  fer,  de  zinc,  de  cuivre,  de  manganèse,  de  plomb . 
Les  oxydes  de  ces  mêmes  métaux,  qui  se  trouvent  à  bas  prix 
dans  le  commerce,  ont  été  également  préconisés  dans  ce 
but;  mais  les  sels  ont  sur  les  oxydes  l'avantage  de  pouvoir 
saturer  l'ammoniaque  déjà  formée,  ou  celle  qui  résulterait 
de  la  décomposition  du  sulfhydrate  d'ammoniaque  :  l'oxyde 
de  fer,  par  exemple,  ne  peut  fixer  que  l'hydrogène  sulfuré, 
en  formant  du  sulfure  de  fer  ;  le  sulfate  de  fer  produit  en 
plus  du  sulfate  d'ammoniaque.  Ces  sels  ne  réussissent  donc 
pas  à  neutraliser  toutes  les  odeurs,  et  à  ce  titre,  ils  ne 
méritent  pas  complètement  leur  titre  de  désodorants.  Les 
mauvaises  odeurs,  en  effet,  doivent  leur  infection  à  une 
grande  quantité  de  substances  diverses,  dont  la  chimie 
n'a  pas  déterminé  toutes  les  variétés,  et  dont  le  scatol  est 
l'un  des  termes  les  plus  récemment  découverts.  C'est 
donc  presque  uniquement  les  deux  composés  malodorants 
les  plus  anciennement  connus,  que  les  sels  métalliques 
neutralisent,  en  les  engageant  dans  des  combinaisons 
fixes. 

Presque  tous  les  sels  ayant  pour  base  un  métal  capable 
de  former  avec  le  soufre  un  sulfure  insoluble,  peuvent 
être  indifféremment  employés  comme  désinfectants  ;  il 
suffit  que  le  sel  métallique  soit  en  quantité  suffisante  pour 
que  les  gaz  infectants  soient  absorbés.  Les  eaux  désin- 
fectantes vendues  sous  un  nom  d'inventeur  sont  de  simples 
solutions  métalliques  :  liquides  Larnaudès  (sulfate  de  zinc 
et  de  cuivre);  Egasse  ou  de  Saint-Luc  (chlorure  de  zinc); 
Ledoyen  (azotate  de  plomb);  Madot  de  Nancy  et  Charpen- 
tier (sulfate  de  fer),  etc. 

C'est  la  cherté  relative  des  sels  métalliques,  ce  sont  les 
facilités  plus  ou  moins  grandes  de  leur  mode  d'adminis- 
tration qui,  au  point  de  vue  pratique,  établissent  les  diffé- 
rences principales  dans   leur  valeur.  Nous  devons,  à  ce 


58  ABSORBANTS    CHIMIQUES. 

point  de  vue ,  reproduire  les  observations  faites  par 
M.  Fermond  (1)  dans  un  excellent  mémoire  auquel  nous 
ferons  plus  d'un  emprunt. 

Un  équivalent  d'acide  sulfhydrique  ou  de  sulfhydrate 
d'ammoniaque  exige  toujours,  pour  sa  décomposition,  une 
quantité  de  sel  telle,  qu'il  y  ait  un  équivalent  de  métal  ;  il 
est  donc  facile  de  calculer  approximativement  quel  sera  le 
sel  métallique  qu'il  y  aura  avantage  à  employer  dans  une 
désinfection  économique.  Mais  des  poids  égaux  de  fer,  de 
manganèse,  de  zinc,  de  cuivre,  de  plomb,  n'absorbent  pas 
tous  une  égale  quantité  de  soufre,  et  par  conséquent,  ne 
décomposent  pas  tous  une  même  quantité  d'acide  sulfhy- 
drique ou  de  sulfhydrate  d'ammoniaque.  L'équivalent  chi- 
mique des  différents  métaux  est  indiqué  dans  le  tableau 
suivant  : 

Plomb 1233,50 

Cuivre 791,39 

Zinc 403,00 

Manganèse 345,89 

Fer 339,21 

C'est-à-dire  que  l'équivalent  du  soufre  étant  201,16, 
si  on  apprécie  ces  nombres  par  kilogrammes,  pour  absor- 
ber 201  kil.  160  de  soufre,  et  pour  former  un  sulfure 
métallique,  il  faudra  1,233  kilogrammes  de  plomb,  et  seu- 
lement 339  kilogrammes  de  fer.  Or,  le  plomb  et  le  cuivre, 
sont,  à  poids  égaux,  plus  chers  que  le  fer;  les  sels  de  fer 
sont  donc  des  désinfectants  plus  économiques  que  les 
autres  sels  métalliques. 

Il  en  est  de  même  des  acides.  Les  équivalents  chimi- 
ques des  acides  habituellement  employés  dans  les  sels 
désinfectants  sont  les  chiffres  suivants  : 


(1)  Feriliond,  Tardieu  et  Cazalis,  Rapport  au  Directeur  de  l'Assistance 
publique,  sur  la  valeur  de  quelques  procédés  de  désinfection.  {Journal  de 
chimie  inéd.,  1858,  T.  IV,  p.  197,  et  257.  et  Dictionnaire  d'hygiène  de 
Tardieu,  1  p.  690.) 


SELS  MÉTALLIQUES.  59 

Acide  azoique 677,30 

—  sulfurique 501,10 

—  chlorhydrique 455,12 

II  faudra  donc  Qll  kilogrammes  d'acide  azotique  pour 
neutraliser  une  quantité  d'oxyde  de  fer  contenant  100  kilo- 
grammes d'oxygène,  tandis  qu'il  ne  faudrait  que  455  ki- 
logrammes d'acide  chlorhydrique  ;  de  plus  l'acide  azotique 
est  beaucoup  plus  cher,  à  poids  égal,  que  les  deux  autres: 
c'est  donc  une  raison  pour  préférer  les  sulfates  et  les 
chlorures  aux  azotates.  Il  est  facile  de  comprendre,  dès  lors, 
que  le  sulfate  de  fer,  et  après  lui  le  chlorure  ou  le  sulfate 
de  zinc,  se  placent  aux  premiers  rangs. 

M.  Fermond  va  encore  plus  loin,  et  montre  qu'en  réalité, 
même  en  admettant  un  prix  et  un  poids  égaux,  il  y  aurait 
encore  économie  d'un  quart  à  employer  un  sel  de  fer  per- 
oxyde de  préférence  au  plomb  : 

«  En  principe,  4,233  kil.  500  de  plomb  ne  peuvent 
absorber  que  100  kilogrammes  d'oxygène  pour  constituer 
l'oxyde  de  plomb  qui,  dans  un  sel,  est  uni  à  l'acide;  il  s'en- 
suit que  l'oxyde  ne  décomposera  qu'une  quantité  d'acide 
sulfhydrique  ou  de  sulfhydrate  d'ammoniaque  capable 
seulement  de  donner  201  kil.  160  de  soufre,  pour  former 
un  sulfure  correspondant  au  protoxyde  de  plomb.  Au 
contraire,  le  fer  passe  facilement  à  l'état  de  peroxyde,  et, 
dans  le  sel,  339  kil.  210  de  ce  métal  peuvent  absorber 
150  kilogrammes  d'oxygène;  il  s'ensuit  que  cette  quantité 
de  métal  salifié  exigerait,  pour  sa  sulfuration  totale,  une 
quantité  d'acide  sulfhydrique  ou  de  sulfhydrate  d'ammo- 
niaque capable  de  donner  301  kil.  ^40  de  soufre  pour 
former  un  sulfure  correspondant  au  sesquioxyde  de  fer. 
Mais  il  n'en  est  pas  tout  à  fait  ainsi,  parce  qu'il  est  rare 
que  tout  le  fer  soit  dans  le  sel  à  l'état  de  peroxyde,  et  l'on 
n'obtient  d'ordinaire  par  sa  décomposition  qu'un  sulfure 
analogue  au  fer  sulfuré  magnétique,  lequel  est  formé  de 
deux  équivalents  de  protosulfure  et  de  un  équivalent  de 


60  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

bisulfure.  Il  n'en  résulte  pas  moins  que  3  équivalents  de 
persel  de  fer  décomposeront  4  équivalents  d'acide  sulfhy- 
drique,  tandis  que  3  équivalents  de  sel  de  plomb  ne  pour- 
ront jamais  décomposer  que  3  équivalents  de  ces  mêmes 
corps.  Il  y  aurait  donc,  en  réalité,  en  admettant  un  prix 
et  un  poids  égaux,  une  économie  d'un  quart  à  employer  le 
sel  de  fer  peroxyde  de  préférence  au  sel  de  plomb.  Il  résulte 
du  raisonnement  qui  précède,  que  l'on  arrive  à  reconnaître 
trois  sources  d'économie  en  faveur  du  perchlorure  de  fer  : 
économie  sur  le  métal,  économie  sur  l'acide,  économie  sur 
la  quantité  proportionnelle  de  gaz  sulfhydrique  décom- 
posé. » 

Il  est  encore  une  restriction  qui  diminue  dans  une  cer- 
taine mesure  la  valeur  du  sulfate  de  fer  et  des  sulfates  en 
général.  L'acide  sulfhydrique  que  dégagent  les  matières 
fécales  peut  avoir  deux  origines  différentes  :  1°  la  com- 
binaison, à  l'état  naissant,  de  l'hydrogène  qui  se  produit 
pendant  la  digestion  des  substances  alimentaires,  avec  le 
soufre  contenu  dans  les  matières  albuminoïdes  ;  2°  la  décom- 
position des  sulfates  solubles  qui  se  retrouvent  dans  les 
aliments  solides  ou  liquides. 

C'est  sur  cette  seconde  origine  qu'insiste  M.  Fermond 
dans  le  rapport  que  nous  avons  déjà  cité.  En  effet,  dit-il, 
sous  l'influence  d'une  certaine  chaleur  et  en  présence  d'une 
matière  organique,  les  sulfates  alcalins  solubles  se  trans- 
forment en  sulfures,  dont  l'odeur  est  si  caractéristique.  En 
raison  de  ce  fait,  il  importe  de  ne  jamais  faire  entrer  de 
sulfates  dans  la  composition  d'un  désinfectant,  car  l'acide 
sulfurique,  en  abandonnant  son  oxyde  qui  devra  fixer  le 
soufre  de  l'acide  sulfhydrique,  se  combinera  avec  une  base 
alcaline  contenue  dans  la  matière;  peu  à  peu  sous  l'in- 
fluence des  matières  organiques,  le  nouveau  sulfate  se 
convertira  en  sulfure  alcalin  qui  continuera  à  donner 
l'odeur  sulfhydrique  que  l'on  cherche  précisément  à  dé- 
truire. Il  se  passerait  ainsi  dans  les  fosses  de  vidanges  un 


SELS  MÉTALLIQUES.  M 

phénomène  semblable  à  celui  qu'on  observe  dans  les  marais 
d'eau  saumâtre,  où  les  matières  organiques  enlèvent  peu 
à  peu  de  l'oxygène  aux  sulfates  et  les  transforment  ext 
sulfures. 

D'après  M.  Fermond,  c'est  parce  que  bien  des  auteurs 
ont  méconnu  ce  principe,  que  leurs  procédés,  qui  réussis- 
saient tout  d'abord  à  désinfecter  les  matières  fécales,  ne 
les  désinfectaient  pas  avec  la  permanence  que  l'on  doit  re- 
chercher en  cette  occasion. 

Pour  apprécier  la  mesure  dans  laquelle  les  différents 
désinfectants  métalliques  absorbent  l'ammoniaque  qui  se 
dégage  des  matières  organiques  en  fermentation  am-- 
moniacale,  M.  Fermond  a  mêlé  à  des  quantités  égales  d'u- 
rine fraîche  ou  de  lait,  des  quantités  de  sels  métalliques  re- 
présentant la  moitié  de  l'équivalent  chimique  de  chacun 
des  métaux  qui  servaient  de  base  aux  sels  employés, 
soit  par  exemple  l^^SO^  d'azotate  de  plomb;  O^^SOl 
de  sulfate  de  fer  ;  0=',895  de  sulfate  de  zinc,  etc.  Ces  mé- 
langes étaient  abandonnés  à  eux-mêmes  pendant  plusieurs 
semaines  ;  des  bandes  de  papier  de  tournesol  fortement 
rougies  étaient  fixées  à  l'extrémité  des  bouchons  qui  bou- 
chaient les  fioles;  en  divisant  en  100  parties  l'intervalle  qui 
sépare  le  rouge  normal  du  papier  (=  100),  de  la  teinte 
bleue  du  tournesol  non  rougi  (=0),  on  obtenait  le  tableau 
suivant  : 

Sulfate  de  cuivre  =  90  à  100 

Chlorure  do  soude  =  85  à    90 

Sulfate  de  zinc  =  70  à    80 

Azotate  de  plomb  =  40  à    58 

Sulfate  de  fer  =  20  à    23 

Chlorure  de  chaux  =  9  à     10 

C'est-à-dire  que  le  sulfate  de  cuivre,  mêlé  à  un 
liquide  qui  se  putréfie,  absorbe  bien  plus  complètement 
l'ammoniaque  formée,  que  ne  le  font  les  sulfates  de  fer  et 
de  plomb.  Nous  sommes  surpris  de  Voir  le  chlorure  de 
chaux  ne  pas  mieux  retenir  l'ammoniaque. 


6  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

Les  désinfectants  métalliques  employés  en  solution  sous 
forme  d'aspersions  contre  les  murailles,  le  sol,  etc.,  font 
presque  tous  percevoir  chez  les  personnes  qui  entrent  dans 
un  local  où  l'opération  vient  d'avoir  lieu,  un  goût  métal- 
lique dans  l'arrière-bouche.  Cet  effet  est  prononcé  au  plus 
haut  point  quand  on  emploie  le  liquide  encore  connu  dans 
le  commerce  sous  le  nom  de  liquide  Larnaudès,  et  qui 
n'est  autre  chose  qu'une  solution  de  sulfate  de  zinc,  avec 
addition  d'une  petite  quantité  de  sulfate  de  cuivre  ;  la  large 
dispersion  du  liquide  dans  l'atmosphère  sous  forme  de 
poussière  d'eau  explique  ce  goût  cuivreux,  comme  aussi 
le  goût  styptique  qui  appartient  au  sel  de  zinc.  Les  lavages 
avec  la  solution  de  sulfate  de  fer  font  naître  aussi  un  goût 
atramentaire,  un  goût  d'encre,  moins  prononcé  qu'avec 
la  solution  précitée. 

Sulfate  de  fer  ou  couperose  verte.  Ce  sel  est  très  soluble, 
et  se  dissout  dans  son  poids  d'eau  froide.  Il  a  l'inconvé- 
nient de  noircir  les  liquides  organiques,  les  réservoirs,  les 
pavés  des  ruisseaux,  etc.,  parla  formation  de  sulfures,  et 
par  sa  combinaison  avec  le  tannin,  il  se  forme  de  l'encre.  La 
solution  généralement  employée,  et  en  particulier  celle  que 
les  ordonnances  de  police  prescrivent  pour  la  désinfection 
préalable  des  vidanges,  marque  28  degrés  à  l'aréomètre  de 
Beaumé. 

On  se  sert  fréquemment  dans  l'industrie  d'un  produit 
impur,  boueux,  connu  sous  le  nom  de  jnjroUgnite  de  fer, 
et  formé  d'acétates  de  protoxyde  et  de  sesquioxyde  de 
fer;  on  le  prépare  à  l'aide  d'acide  pyroligneux  (acide  acé- 
tique impur  provenant  de  la  distillation  du  bois)  et  de  ro- 
gnures de  fer. 

Le  sulfate  de  fer  a  l'avantage  d'être  un  désinfectant  en 
quelque  sorte  perpétuel  (Kuhlmann)  ;  en  effet,  le  sulfure 
de  fer  formé  se  transforme  de  nouveau  en  sulfate  de  fer, 
par  la  soustraction  d'oxygène  aux  combinaisons  organi- 


SULFATE  DE  FER.  63 

ques  peu  stables  ;  ce  sulfate  se  réduit  à  son  tour,  et  le 
mouvement  moléculaire  est  incessant. 

Virchow  a  fait  ressortir  l'un  des  inconvénients  de  l'em- 
ploi du  sulfate  de  fer  pour  désinfecter  les  matières.  Les  aci- 
des volatifs  gras,  acides  butyrique,  valérianique,  etc.,  dont 
l'odeur  est  repoussante  et  la  toxicité  redoutable,  sont  d'or- 
dinaire combinés  avec  l'ammoniaque  ;  lorsqu'on  verse  du 
sulfate  de  fer  sur  des  matières  fécales,  l'acide  sulfurique 
se  combine  avec  l'ammoniaque,  et  il  se  dégage  des  pro- 
duits fétides  qui  sont  très  volatils.  Aussi,  l'effet  immédiat 
de  la  projection  du  sulfate  de  fer  dans  les  latrines,  est-t-il 
souvent  une  augmentation  de  la  fétidité  ;  celle-ci  diminue 
bientôt,  mais  reparaît  d'ordinaire  au  bout  de  quelque 
temps. 

Des  expériences  récentes  faites  par  M.  E.  Frankland,  à 
son  laboratoire  de  l'École  des  sciences,  à  South  Kensington 
Muséum,  semblent  avoir  prouvé  à  l'illustre  chimiste  que  le 
fer  exerce  une  action  destructive  spéciale  sur  les  bactéries. 
Voici  ce  que  M.  Frankland  (1)  écrivait  le  8  mai  1881,  à 
M.  l'ingénieur  Mille  :  «  Les  conditions  qui  favorisent  ou 
détruisent  les  bactéries  sont  encore  à  peine  connues.  Il  n'est 
pas  improbable  que  les  agents  qu'on  considère  comme  inca- 
pables d'affecter  la  vitalité  de  ces  organismes  n'aient  la  force 
d'exercer  rapidement  sur  eux  une  influence  fatale,  tandis 
que  d'autres  agents,  réputés  mortels  à  l'égard  des  mêmes 
organismes,  peuvent  les  laisser  sans  atteinte.  Ainsi,  des 
expériences  récentes  faites  dans  mon  laboratoire  ont  prouvé 
que,  tandis  que  les  bactéries  prospèrent  et  se  multiplient 
dans  l'acide  sulfureux,  les  cyanures  (cyauogen)  et  autres 
poisons  mortels,  elles  sont  au  contraire  rapidement  dé- 
truites par  cet  élément  si  inoffensif:  le  fer  métallique.  » 

Nous  ne  connaissons  qu'incidemment  et  par  cette  men- 

'  (1)  Observations  des  ingénieurs  4ii  Conseil  municipal,  au  sujet  des  pro- 
jets de  rapport  présentés  par  MM.  A.  Girard  et  Brouardel  ;  ap^orteur 
M.  A.  Durand-Claye,  Paris,  Chaix  1881.  p.  G7 


64  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

tion  laconique  ce  fait  nouveau  qui  peut  avoir  une  grande 
importance. 

Ces  vues  semblent  confirmer  les  opinions  anciennes  de 
Lassaigne  et  de  M.  de  Gasparin,  concernant  l'influence 
nuisible  des  sels  de  fer  et  des  terres  vitriolées  sur  la  végé- 
tation. D'ailleurs,  c'est  surtout  pour  la  désinfection  des 
matières  de  vidange  que  l'on  emploie  le  sulfate  de  fer, 
et  nous  aurons  l'occasion  d'insister  longuement  sur  cet 
agent  en  traitant  plus  loin  ce  sujet. 

Le  sulfate  de  zinc  ou  couperose  blanche,  est  également 
très  soluble;  il  se  dissout  dans  2  ou  3  fois  son  poids  d'eau. 
Il  a,  sur  le  premier,  l'avantage  de  ne  pas  revêtir  toutes  les 
surfaces  et  les  matières  d'une  coloration  noirâtre  ;  par 
contre,  il  est  toxique,  et  dangereux  par  sa  ressemblance 
avec  le  sulfate  de  magnésie  ;  dans  certains  cas,  il  peut  y 
avoir  inconvénient  à  laisser  cette  substance  entre  les  mains 
des  personnes  étrangères  à  la  médecine.  A  ses  propriétés 
absorbantes,  il  joint,  quoique  à  un  bien  moindre  degré  que 
le  chlorure,  celle  de  s'opposer  à  la  décomposition  des  ma- 
tières organiques  ;  c'est  un  antiseptique  faible. 

Le  sulfate  de  zinc  est  journellement  employé  pour  la 
désinfection  des  matières  de  vidanges  ;  la  désinfection  de 
l'eau  des  bains  sulfureux  doit  être  assurée  avant  de  laisser 
écouler  ces  eaux  sur  la  voie  publique,  et  le  sulfate  de  zinc 
sert  presque  exclusivement  pour  atteindre  ce  but.  Dans  la 
pratique  de  la  désinfection,  on  emploie  rarement  le  sulfate 
de  zinc  pur.  On  utilise  d'ordinaire  les  eaux  fortement  aci- 
des provenant  de  la  fabrication  industrielle  de  la  nitro- 
benzine  et  des  couleurs  d'aniline;  ces  liquides  acides  sont 
saturés  à  l'aide  d'oxydes  de  zinc  gris,  impropres  à  la 
peinture,  ou  de  rognures  de  zinc.  Le  commerce  vend  un 
mélange  de  sulfate  et  d'azotate  de  zinc,  très  chargé  de 
produits  empyreumatiques  et  même  de  nitro-benzine,  qui 
agissent  eux-mêmes  par  leurs  propriétés  antiseptiques. 
Le  iJerchlorure  de  fer  se  présente  d'ordinaire  sous  l'ap- 


PERCHLORURE  DE  FER.  IG 

parence  d'une  liqueur  rougeâtre,  marquant  d'ordinaire 
45  degrés  à  l'aréomètre  et  soluble  dans  l'eau  en  toute  pro- 
portion. Théoriquement,  il  est  un  excellent  désinfectant,  et 
il  semble  économique.  M.  Fermond  a  fait  ses  expériences 
avec  un  mélange  ainsi  formé  :  perchlorure  de  fer  liquide 
(contenant  un  tiers  de  perchlorure  sec),  250  grammes  ; 
acide  chlorhydrique  du  commerce,  250  grammes  ;  eau, 
500  grammes.  Un  litre  de  ce  mélange  a  été  versé  et  incor- 
poré dans  un  hectolitre  de  matières  fécales.  Il  se  produisit 
une  effervescence  énorme,  résultant  du  dégagement,  par 
l'action  de  l'acide  chlorhydrique,  des  carbonates  contenus 
dans  les  matières  ;  aussi  l'incorporation  ne  pouvait  être 
faite  que  lentement  et  à  petites  doses.  Des  bandes  de  papier 
plombique  ou  de  papier  de  tournesol  rougi  étaient  placées 
dans  la  partie  hbre  au-dessus  du  tonneau,  et  examinées 
d'heure  en  heure.  Au  bout  de  1  heure,  le  papier  de  tourne- 
sol rougi  avait  à  peine  changé  de  couleur  ;  au  bout  de 
3  heures,  il  avait  sensiblement  bleui  ;  en  doublant  les 
doses  de  perchlorure  et  d'acide,  au  bout  de  14  heure,-;  U 
papier  de  tournesol  rougi  était  à  peine  teinté  de  bleu  ;  le 
papier  plombique,  au  bout  de  plusieurs  heures,  était  enco.e 
parfaitement  incolore. 

Toutefois,  le  perchlorure  de  fer  présente  plusieurs  in- 
convénients. Sous  la  forme  préconisée  par  M.  Fermond 
c'est  une  liqueur  très  acide,  toxique,  qu'on  ne  peut  lais- 
ser entre  les  mains  de  tout  le  monde  ;  elle  peut  détériorer 
à  la  longue  les  matériaux  de  construction,  détruire  d'em- 
blée les  tissus,  altérer  le  bois,  les  métaux  ;  elle  laisse  sur 
les  tissus  de  toile  et  de  coton  des  taches  de  rouille  presque 
indélébiles,  et  qui  altèrent  profondément  la  soHdité  de  l'é- 
toffe. Quand  on  verse  une  solution  de  perchlorure  de  fc 
dans  deseaax  d'égouts  ou  des  matières  de  vidange,  le  car- 
bonate d'ammoniaque  détermine  un  précipité  d'oxyde  de  fer 
qui  entraîne  une  grande  partie  des  matières  organiques  en 
suspension  dans  le  mélange  ;  l'hydrogène  sulfuré  se  pré- 

Vallix.  —  Désinfectants.  5 


(i6  ABSORBANTS   CHIMIUUES. 

cipite  sous  forme  de  sulfure  de  fer  ;  mais  bientôt  il  se  forme 
du  sulfate  de  fer  et  l'hydrogène  sulfuré  redevient  libre. 
En  outre,  une  grande  quantité  de  sulfhydrate  d'ammo- 
niaque est  produite. 

On  comprend  donc  aisément  le  discrédit  dans  lequel  est 
tombé  aujourd'hui  le  perchlorure  de  fer  comme  désinfec- 
tant. 

Chlorure  de  zinc.  Le  chlorure  de  zinc  est  à  la  fois  un 
excellent  absorbant  ou  désodorisant,  et  en  même  temps  un 
antiseptique  des  plus  actifs.  Lorsqu'on  projette  dans 
l'atmosphère  d'une  salle  infecte,  un  nuage  de  solution  de 
chlorure  de  zinc  au  moyen  d'un  pulvérisateur,  presque 
immédiatement,  en  moins  de  deux  minutes,  toute  mau- 
vaise odeur  disparaît,  ce  qui  prouve  que  le  sel  agit 
bien  moins  comme  caustique,  comme  antiseptique,  que 
comme  absorbant.  Veau  de  Sanit-Lue  qui  est  une  solution 
presque  saturée  de  chlorure  de  zinc  impur,  est  devenue 
d'un  emploi  répandu  à  Paris,  et  a  une  efficacité  réelle. 
C'est  un  résidu  de  la  fabrication  des  couleurs  d'aniline. 

Nous  en  renvoyons  l'étude  au  chapitre  III,  où  l'action 
antiseptique  du  chlorure  de  zinc  sera  longuement  exa- 
minée. 

L'azotate  de  plomb  est  la  base  d'un  liquide  désinfectant^ 
connu  pendant  longtemps  sous  le  nom  de  Hquide  Ledoyen,, 
et  dont  la  composition  est  la  suivante  : 

Azotate  de  plomb  cristallisé.       1  kilo!,a'amme. 
Eau. . . . , 10  litres . 

La  liqueur  marque  12  degrés  à  l'aréomètre.  La  valeur 
désinfectante  de  ce  liquide  a  été  expérimentée  par  M.  Fer- 
mond,  en  1858,'  sur  des  latrines  de  la  Salpètrière,  latrines 
d'une  fétidité  telle  qu'on  ne  pouvait  y  pénétrer  sans  être 


AZOTATE  DE  PLOMB.  67 

pris  de  nausées  !  Chaque  jour  pendant  un  mois,  on  ver- 
sait le  matin  dans  ces  latrines  10  litres  de  ce  liquide,  plus 
ou  moins  étendu  d'eau  et  qui  servait  à  laver  les  dalles,  les 
sièges,  les  cuvettes  ainsi  que  les  parois  des  murs  ;  de  là, 
le  liquide  en  s'écoulant  s'épandait  sur  les  parois  infé- 
rieures et  internes  de  la  fosse  et  se  rendait  dans  l'égout. 
«  Dès  les  premiers  jours,  dit  M.  Fermond,  il  y  avait  une  amé- 
lioration notable  dans  les  fosses,  et  l'on  pouvait  dès  lors 
entrer  dans  les  latrines  sans  éprouver  cette  sensation  de 
dégoût  que  nous  avons  indiquée.  Toutefois,  la  désinfection 
ne  pouvait  suffire  pour  24  heures  ;  car,  faite  le  matin  de  8  à 
9  heures,  on  n'en  ressentait  bien  les  effets  que  jusqu'à  5  à 
6  heures  du  soir,  plus  ou  moins,,  selon  le  vent,  le  change- 
ment de  temps,  la  chaleur,  etc.  Nous  pouvons  dire  que  le 
procédé  de  M.  Ledoyen  est,  après  le  procédé  par  les  chlo- 
rures, le  meilleur  de  ceux  que  nous  ayons  employé.  » 

Cette  solution  d'azotate  de  plomb  a  l'inconvénient  de  for- 
mer sur  les  dalles  des  larges  taches  blanches  de  sulfate  de 
plomb,  qu'un  courant  d'eau  enlève  d'ailleurs  facilement. 
Elle  dépose,  en  outre,  une  couche  noire  de  sulfure  de  plomb 
dans  les  bassins  métalliques  et  dans  les  lieux  où  on  en  fait 
l'aspersion. 

Mais  il  existe  à  l'emploi  de  ce  sel  deux  inconvénients 
plus  sérieux  :  d'abord  l'azotate  de  plomb  coûte  cher  ;  puis 
sa  solution  aqueuse,  même  à  la  dose  où  elle  existe  dans  le 
liquide  Ledoyen,  est  incapable  d'absorber  tout  l'ammo- 
niac qui  se  dégage.  En  mêlant  1  litre  1/2  de  liquide  Le- 
doyen, soit  150  grammes  d'azotate  de  plomb,  dans  un  hec- 
tolitre de  matières  de  vidange,  on  voit  que  l'odeur  d'hy- 
drogène sulfuré  disparait  rapidement,  mais  qu'il  n'en  e&t 
pas  de  même  pour  l'odeur  ammoniacale.  Au  bout  de 
2  heures,  le  papier  de  plomb  placé  au-dessus  du  tonneau 
restait  incolore,  mais  le  papier  de  tournesol  rougi  devenait 
immédiatement  bleu  par  le  dégagement  d'ammoniaque  ; 
après  avoir  abandonné  ce  mélange  pendant  2  mois,  on  re- 


■68  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

-trouvait  encore  les  mêmes  réactions  :  absence  de  dégage- 
.raent  d'hydrogène  sulfuré,  production  abondante  d'ammo- 
niaque. 

,  Même  en  mêlant  au  tonneau,  contenant  un  hectolitre  de 
-matières  de  vidanges  3  litres  de  liquide  Ledoyen,  soit 
,300  grammes  d'azotate  de  plomb,  le  papier  de  tournesol 
reprenait  rapidement  sa  coloration  bleue.  D'autre  part,  en 
ajoutant  18  grammes  seulement  d'azotate  de  plomb  dans 
un  hectolitre  de  vidanges,  l'odeur  sulfhydrique  n'est  que 
légèrement  affaiblie,  et  le  papier  plombique  se  colore  en 
noir  au  bout  de  quelques  heures. 

:'  L'action  désinfectante  est  beaucoup  moindre  quand  on 
veut  faire  disparaître  la  mauvaise  odeur  des  salles  encom- 
brées ou  mal  tenues.  En  étendant  au  pied  de  chaque  lit  des 
.pièces  de  toile  chargées  du  principe  désinfectant,  la  dimi- 
nution de  l'odeur  sulfhydrique  est  à  peine  appréciable, 
-résultat  qui  est  peu  surprenant,  étant  donnée  l'absence  de 
volatilité  de  l'azotate  de  plomb. 

.  Poursuivant  ses  expériences,  M.  Fermond  a  fait  faire  des 
lavages  à  grande  eau  avec  le  liquide  Ledoyen  sur  des  ca- 
davres pris  à  la  Morgue,  dans  un  état  de  putréfaction  déjà 
très  avancée  :  la  mauvaise  odeur  a  disparu  assez  rapidement  ; 
l'application  des  toiles  imprégnées  de  ce  liquide  produisait 
le  même  résultat.  L'aspersion  avec  la  solution  d'azotate  de 
plomb,  du  hnge  souillé  par  les  pansements,  diminuait  no- 
tablement la  mauvaise  odeur  que  ces  amas  infects  dé- 
gagent d'ordinaire. 

Les  toiles  sanitaires  imprégnées  d'azotate  de  plomb  et 
-rendues  hygrométriques  à  l'aide  d'une  certaine  proportion 
-d'azotate  de  chaux  qui  est  très  déliquescent,  sont  d'un  em- 
ploi utile  pour  couvrir  les  pièces  de  pansements  salies 
qu'on  garde  toujours  trop  longtemps  au  voisinage  des 
salles  ;  tendues  au  pied  de  chaque  lit,  elles  sont  peu  effi- 
•caces  pour  désinfecter  l'atmosphère  des  salles. 
.  ;I1  va  de  soi  que  remploi  d'une  telle  solution  plombique 


CHAUX  VIVE,  LAIT  DE  CHAUX.  69; 

serait  dangereuse  sur  les  plaies  étendues  ;  dans  des  cas 
exceptionnels,  Malgaigne  a  réussi  à  désinfecter  ainsi  des 
plaies  gangreneuses  contre  lesquelles  les  hypochlorites 
avaient  échoué. 

Des  pièces  anatomiques  conservées  pendant  6  mois  dans 
la  solution  d'azotate  de  plomb  n'avaient  pas.  contracté  la 
moindre  mauvaise  odeur;  250  grammes  de  lait  reçurent 
l^^SS  d'azotate  de  plomb;  au  bout  de  4  mois,  le  lait 
n'avait  qu'une  très  légère  odeur  aigrelette,  sans  aucune 
odeur  putride.  La  même  quantité  du  sel  plombique,  mêlée 
à  850  grammes  d'urine  humaine  fraîche,  empêcha  pendant 
45  jours  toute  odeur  appréciable  ;  mais  au  bout  de  2  mois 
l'odeur  était  devenue  repoussante. 

En  résumé,  l'azotate  de  plomb  agit  à  la  fois  comme 
absorbant  de  l'acide  sulfhydrique  et  comme  antiseptique  ; 
c'est  le  premier  mode  d'action  qui  domine.  Il  aurait  l'a- 
vantage, sur  les  sulfates  métalliques,  de  décomposer  les 
sulfates  alcalins  pour  former  un  sulfate  de  plomb  insoluble, 
sur  lequel  la  matière  organique  reste  à  peu  près  sans  ac- 
tion, c'est-à-dire  qu'elle  ne  réussit  pas  à  réduire  en  sul- 
fure. 

L'azotate  de  plomb  aurait  donc  ainsi  une  permanence 
d'action  que  n'ont  pas  les  autres  désinfectants  métalliques; 
il  détruit  mieux  l'odeur  d'hydrogène  sulfuré  ;  par  contre, 
il  fixe  mal  l'ammoniaque,  il  est  coûteux,  il  n'est  pas 
volatil,  et  ne  peut  convenir  que  pour  des  foyers  d'infection 
très  limités. 

CHAUX     VIVE     ou     ÉTEINTE,     EAU     ET     LAIT      DE      CHAUX.    

La  chaux  vive  n'agit  pas  seulement  comme  absorbant, 
elle  détruit  encore  la  matière  organique  en  lui  enlevant 
toute  l'eau  qu'elle  contient  ;  c'est  ainsi  qu'elle  est  utilisée 
pour  détruire  les  cadavres  en  décomposition  ou  les  corps 
des  individus  atteints  de  maladies  contagieuses.  Mais 
après  avoir  absorbé  toute  l'humidité  que  ces  corps  pou- 


■70  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

vaient  contenir,  après  les  avoir  non  seulement  desséchés 
mais  échauffés  par  la  température  extrême  que  prend  la 
chaux  en  s'éteignant,  cette  chaux  vive  n'est  plus  que  de  la 
chaux  éteinte  ;  dès  lors,  elle  n'a  que  des  propriétés  absor- 
bantes. La  chaux  fixe  l'acide  carbonique  et  l'acide  phospho- 
rique,  en  formant  des  sels  insolubles  ;  l'hydrogène  sulfuré 
est  également  absorbé,  il  forme  du  sulfure  de  calcium,  mais 
ces  sulfures  se  décomposent  facilement  e  l'hydrogène 
sulfuré  devient  libre  de  nouveau 

La  chaux  éteinte  est  encore  caustique  et  désorganise 
les  substances  végétales  ou  animales,  quoique  à^un  degré 
bien  moindre  que  la  chaux  vive.  A  ce  point  de  vue,  le  lait 
de  chaux  qu'on  applique  en  badigeonnage  sur  les  murs 
est,  dans  une  certaine  mesure,  antiseptique,  car  il  se  com- 
bine et  forme  un  composé  insoluble  avec  les  matières  or- 
ganiques provenant  des  exhalations  pulmonaires  conden- 
sées sur  les  murailles  refroidies.  Il  se  produit,  dans  ces 
cas,  une  combinaison  comparable  à  celle  qu'on  se  propose 
d'obtenir  dans  la  préparation  des  luts  au  ciment,  fabriqués 
avec  de  la  chaux  vive  d'une  part,  et  de  l'autre  avec  du 
blanc  d'œuf  ou  du  fromage  mou.  La  chaux  éteinte  détruit 
donc,  en  partie  au  moins,  la  matière  organique  contenue 
dans  l'air  ou  dans  les  eaux  d'égouts,  les  matières  fé- 
cales, et  nous  allons  tout  à  l'heure  trouver  dans  les  expé- 
riences de  Pettenkofer,  la  preuve  de  cette  action  éner- 
gique. 

La  chaux  éteinte  fixe  surtout  l'acide  carbonique  de  l'air  ; 
cette  action,  toutefois  n'est  que  temporaire  elle  s'épuise 
d'ordinaire  au  bout  de  quelques  jours;  elle  est  surtout  utili- 
sable dans  les  cas  où  il  faut  rapidement  assainir  un  espace 
rendu  toxique  par  l'accumulation  d'acide  carbonique. 
Comme  preuve  de  cette  action  temporaire  sur  l'acide  carbo- 
nique de  l'air,  nous  citerons  le  résultat  d'.expériences  que 
nous  avons  faites  en  1878,  d'ailleurs  dans  un  autre  but. 
Nous  dosions,  par  le  procédé  très  rapide  et  très  exact  que 


CHAUX  VIVE,  LAÏT  DE  CHAUX.  71 

nous  avons  décrit,  (1)  la  quantité  d'acide  carbonique  con- 
tenue dans  l'air  des  chambrées,  immédiatement  avant 
le  réveil  des  soldats  et  l'ouverture  des  fenêtres  :  la  pro- 
portion de  l'acide  carbonique  variait  de  8  dix-millièmes  à 
1  millième  au  plus,  lorsque  tout  à  coup,  la  proportion  tomba 
à  4  et  même  à  3  dix-millièmes.  Nous  craignions  une  er- 
reur survenue  dans  la  manière  dont  l'air  avait  été  recueilli, 
mais  une  enquête  nous  apprit  que  peu  de  jours  avant,  on 
avait  badigeonné  à  la  chaux  les  murs  de  la  salle,  dont  l'air 
avait  été  ainsi  dépouillé  de  son  acide  carbonique.  Cette  in- 
fluence se  continua  au  moins  pendant  8  jours,  mais  en 
s' atténuant  progressivement. 

La  coutume,  jadis  très  préconisée,  de  verser  de  la  chaux 
vive  ou  du  lait  de  chaux  dans  les  fosses  d'aisance  pour 
éviter  les  vidanges  répétées,  repose  sur  les  propriétés  à  la 
fois  antiseptiques  et  absorbantes  de  la  chaux. 

A  la  suite  de  l'épidémie  de  choléra  de  1873,  le  gouver- 
nement allemand  réunit  une  grande  Commission,  dite  du 
choléra,  chargée  d'étudier  les  causes,  l'origine  de  l'épidémie 
et  les  mesures  prophylactiques  contre  ses  retours,  Petten- 
kofer  (2)  fut  chargé,  entre  autres  choses,  d'étudier  les 
moyens  de  désinfection  des  lieux  habités,  des  navires,  des 
égouts.  En  1814,  il  a  fait  un  grand  nombre  d'expé- 
riences sur  la  valeur  relative  de  l'acide  sulfureux,  du  chlore, 
du  chlorure  de  zinc  et  de  l'eau  de  chaux  :  ces  deux  derniers 
agents  étaient  surtout  employés  pour  la  désinfection  des 
«eaux  de  cale  des  navires.  Des  expériences  très  rigoureuses 
-conduisirent  Pettenkofer  à  formuler  les  conclusions  sui- 
vantes : 

Vhijdrate  de  chaux  détruit  rapidement  et  complètement 

(1)  Vallin,  Sur  quelques  procédés  pratiques  d'analyse  de  lair.  [Revue 
d'htjgi  'ne  et  de  police  sanitnire,  1880,  T.  II,  p.  193.) 

(a)  Berichle  dcr  Choiera  Kommission  fur  clas  Deutsche  Reich.  [Berichle 
,uber  Desinfection  von  Schiffen,  von  docteur  Max  von  PcUenkofer.  — 
Versuche  uber  Desinfection  gesclilossener  Raume,  von  D'  Mehlhausen. 
iBerlin,  Cari  Heyman,  1879.  In-4%  p.  319  et  335.) 


72  ABSORBANTS  CHIMIQUES. 

les  organismes  de  la  putréfaction  ;  la  proportion  de  1/2 
pour  100  est  suffisante  pour  l'eau  décale  peu  altérée,  mais 
quand  la  putréfaction  est  forte,  il  fautl  pour  100.  Il  n'y  a 
pas  à  se  préoccuper  de  l'action  de  la  chaux  sur  les  bois, 
les  cuirs,  les  tuyaux,  les  métaux  du  navire  et  de  la  ma- 
chine, cette  action  est  presque  nulle  ;  mais  la  chaux  ne 
détruit  pas  l'odeur  fade,  douceâtre  des  acides  gras  de  la 
putréfaction,  odeur  souvent  plus  désagréable  que  celle  de 
l'hydrogène  sulfuré. 

En  raison  de  son  insolubilité  presque  complète,  la  chaux 
encrasse  à  la  longue  les  parois  et  les  tuyaux,  elle  augmente 
les  boues  de  la  cale  et  rend  difficile  le  jeu  des  soupapes 
des  pompes.  Il  ne  faut  donc  l'employer  que  pour  l'assainis- 
sement des  parties  du  navire  qui  sont  à  découvert,  et  oîi 
l'écoulement  des  eaux  de  lavage  peut  se  faire  libre- 
ment. En  temps  d'épidémie,  on  peut  laver  les  parois  et  les 
planchers  des  navires  avec  un  lait  de  chaux  à  1  pour  100. 

Pendant  l'été  de  1875,  le  ministre  de  la  marine  de  l'em- 
pire d'Allemagne  fit  faire  sur  une  cannonière,  le  Tigre,  des 
expériences  de  désinfection  d'eau  de  la  cale,  au  moyen  de 
la  chaux,  suivant  le  procédé  préconisé  par  Pettenkofer. 

Cette  eau  était  trouble,  noirâtre,  présentant  à  la  surface 
des  corpuscules  de  graisse  et  de  charbon  dégageant  une 
odeur  forte  d'hydrogène  sulfuré,  et  l'odeur  douceâtre,  nau- 
séeuse, caractéristique  de  la  présence  des  acides  gras  ;  l'ana- 
lyse décelait  la  présence  d'une  grande  quantité  d'acide 
sulfhydrique  et  de  protorganismes  divers.  Abandonnée  au 
repos,  elle  laissait,  au  bout  de  24  heures,  un  dépôt  gris  ver- 
dâtre  abondant,  sans  que  le  liquide  surnageantdevînt  limpide 
même  au  bout  de  8  jours. 

1°  Une  première  série  d'expériences  fut  faite  avec  la  pro- 
portion de  1/2  litre  de  lait  de  chaux  épais  par  hectolitre 
d'eau  à  désinfecter.  Au  bout  d'un  quart  d'heure,  le  li- 
quide commence  à  devenir  clair  ;  au  bout  de  2  heures,  la 
clarification  est  complète  ;   après  avoir  remué  le  liquide, 


SOUS-NITRATE  DE  BISMUTH,  ETC.  7Ï 

on  voit  que  la  tendance  au  précipité  est  très  vive.  Le  dépôt 
est  formé  de  masses  assez  consistantes,  d'un  gris  plus  ou 
moins  foncé,  qui,  par  l'agitation,  s'élèvent  sous  forme  d'un 
nuage  lourd,  retombant  rapidement  au  fond  du  vase  :  ce 
dépôt  est  formé  principalement  de  fer  et  nullement  de  sou- 
fre, même  au  bout  de  8  jours. 

On  ne  trouvait  plus  aucun  organisme  vivant  dans  le  li- 
quide. Ce  dernier,  au-dessus  du  dépôt,  était  plus  ou  moins 
clair  et  transparent  ;  il  était  un  peu  blanchâtre,  sans  doute 
par  suite  de  la  chaux  en  suspension. 

Dès  le  lendemain,  la  formation  d'hydrogène  sulfuré  avait 
cessé  et  l'analyse  n'en  trouva  pas  trace,  même  au  bout  de 
6  semaines,  dans  une  atmosphère  chaude. 

La  proportion  de  1/2  litre  de  chaux  par  hectolitre  fut 
trouvée  insuffisante  pour  désinfecter  l'eau  la  plus  corrom- 
pue, stagnant  au-dessous  de  la  machine  :  l'odeur  douceâtre 
et  putride  due  aux  acides  gras  persistait,  et  il  fallut  recou- 
rir pour  la  faire  disparaître  à  la  dose  de  1  pour  100; 

2°  Avec  cette  proportion  de  1  litre  de  lait  de  chaux  en 
bouillie  par  hectolitre  d'eau  putride,  l'effet  désinfectant 
fut  très  rapide  et  très  net.  Toutefois,  l'on  ne  put  faire  dis- 
paraître l'odeur  fade  de  la  putréfaction,  même  avec  la  pro- 
portion de  11  et  de  15  pour  100.  La  quantité  d'ammo- 
niaque contenue  dans  ces  eaux  était  insignifiante  et  ne 
pouvait  en  rien  empêcher  l'action  de  l'hydrate  de  chaux. 
En  résumé,  la  chaux  arrête  définitivement  la  fermentation, 
rend  limpides  les  eaux  putrides,  détruit  rapidement  l'odeur 
sulfhydrique,  mais  ne  réussit  pas  à  faire  disparaître  cette 
odeur  douceâtre,  caractéristique  de  la  présence  des  acides 
gras. 

Le  sous-nitrate  de  bismuth  mérite  d'être  au  moins  men- 
tionné à  cette  place,  à  titre  d'absorbant.  Il  est  d'un  usage 
vulgaire  dans  les  dyspepsies  putrides  ou  flatulentes,  dans 
les  diarrhées  fétides  ;  il  est  à  la  fois  désinfectant  et  absor- 


74  ANTISEPTIQUES. 

bant.  M.  Frémy,  de  l'Institut,  proposa  son  emploi  dans  le 
pansement  des  plaies  de  mauvaise  nature,  au  cours  de  la 
discussion  qui  eut  lieu  à  l'Académie  des  sciences,  en  1880, 
sur  la  valeur  de  la  poudre  de  plâtre  au  coaltar.  Velpeau 
en  fit  l'essai  dans  son  service,  et  l'on  peut  voir  dans  le 
tableau  des  observations  qui  accompagnent  son  rapport, 
que  son  efficacité  se  montra  supérieure  à  celle  de  la  pou- 
dre de  Corne  et  Demeaux.  Son  emploi  doit  rester  limité 
aux  plaies  ou  aux  ulcères  de  peu  d'étendue,  à  la  face,  aux 
■extrémités,  etc.  (1). 


CHAPITRE  m. 
DES  ANTISEPTIQUES. 


Il  est  facile  de  justifier  l'adjonction  des  antiseptiques 
aux  désinfectants.  Supposons  que,  dans  un  local,  il  existe 
une  matière  en  voie  de  fermentation  qui  verse  incessam- 
ment dans  l'air  des  produits  mal  odorants  ou  malsains. 
On  pourra  bien  désinfecter  la  salle  en  absorbant,  en  dé- 
truisant les  émanations  putrides  à  mesure  qu'elles  se  pro- 
duisent (pulvérisations  de  solutions  de  sulfate  de  fer,  de 
zinc,  de  permanganate,  etc.)  ;  mais  la  désinfection  ne  sera 
permanente  et  vraiment  efficace,  qu'à  la  condition  d'enle- 
ver la  matière,  source  de  Tinfection,  ou,  si  cela  est  impos- 
sible, de  faire  en  sorte  que  cette  matière  cesse  de  subir  la 
décomposition  putride.  L'action  des  antiseptiques  complète, 


(1)  Velpeau,  Rapport  sur  divers  moyens  désinfectants   {Comptes  rendus 
de  l'Académie  des  Sciences,  6  février  1830,  page  279.) 


ANTISEPTIQUES.  73 

on  [)ourrait  dire  qu'elle  prévient,  l'action  des  désinfec- 
tants. 

La  désinfection  n'est  pas  seulement  la  suppression  d'une 
infection  déjà  existante,  c'est  aussi  la  prévention  de  cette 
infection  ;  l'étude  des  antiseptiques  rentre  donc  dans  notre 
sujet,  au  même  titre  que  la  prophylaxie  rentre  dans  la 
thérapeutique  ;  et  cela  d'autant  plus,  que  souvent  on  dé- 
sinfecte dans  la  crainte  que  les  objets  ou  les  milieux  ne 
soient  souillés,  quoique  peut-être  cette  infection  n'existe 
pas.  Il  est  toutefois  nécessaire  de  garder  une  limite,  sans 
quoi  on  serait  conduit  à  traiter  ici  de  l'isolement  dans  les 
maladies  contagieuses,  sous  prétexte  d'introduction  à  l'é- 
tude des  désinfectants  ;  ce  serait  vraiment  aller  trop 
loin. 

On  appelle  antiseptique  toute  substance  qui  empêche  la 
décomposition  d'une  matière  susceptible  de  se  putréfier. 
La  plupart  des  moyens  que  les  usages  domestiques  ont 
consacrés  pour  empêcher  la  décomposition  des  substances 
alimentaires,  peuvent  rentrer  dans  la  classe  des  antisepti- 
ques ;  mais  cette  expression  a  un  sens  un  peu  plus  limité 
dans  la  pratique  de  la  médecine  et  de  l'hygiène,  et  ce  se- 
rait dépasser  les  limites  que  d'étudier  le  sucre  parmi  les  anti- 
septiques, sous  le  prétexte  qu'il  sert,  sous  forme  de  confi- 
tures, à  empêcher  la  décomposition  putride  de  la  pulpe 
des  fruits;  peut-être,  d'ailleurs,  les  confitures  ne  sont-elles 
préservées  que  parce  que  leur  consistance  empêche  les 
germes  de  pénétrer  dans  leur  épaisseur,  alors  qu'une 
ébullition  prolongée  les  a  privées  de  tout  germe  suspect. 

L'expérience  nous  a  enseigné  depuis  longtemps  quelles 
sont  les  conditions  qui  favorisent  et  accélèrent  la  décom- 
position des  matières  organiques  :  ce  sont  l'humidité,  la 
chaleur,  la  présence  de  l'air  et  sans  doute  des  germes 
qu'il  contient.  Les  conditions  inverses  retardent  cette  dé- 
composition. Par  conséquent,  il  est  juste  de  ranger  parmi 
les  moyens   antiseptiques   la   soustraction   de   l'eau  ou  le 


76  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

dessèchement,  le  froid,  l'occlusion  hermétique  et  la  fîltra- 
tion  des  germes  contenus  dans  l'air. 

Nous  allons  rapidement  passer  en  revue  ces  différentes 
conditions,  qui  fournissent  quelques  applications  à  la  désin- 
fection médicale  et  hygiénique. 

ART.  I-.  —  DES  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

Soustraction  de  l'humidité,  —  Bien  que  la  chaleur 
soit  l'un  des  principaux  agents  qui  activent  la  putréfac- 
tion, le  dessèchement  rapide  est  un  moyen  puissant 
de  la  retarder,  et  même  delà  rendre  définitivement  impos- 
sible ;  or,  la  chaleur  sèche  est  l'un  des  meilleurs  pro- 
cédés pour  soustraire  rapidement  et  complètement  l'eau 
des  tissus. 

On  rencontre  assez  fréquemment  au  Pérou,  dans  les  dé- 
serts de  l'Afrique,  de  l'Arabie,  dans  les  pampas  du  Nou- 
veau-Monde, des  momies  hlaiiches,  c'est-à-dire  des  cada- 
vres d'hommes  et  d'animaux  que  la  dessiccation  a  rendus 
complètement  imputrescibles.  Les  corps  n'ont  aucune  odeur 
de  putréfaction;  ils  sont  poreux  et  légers  comme  des  dé- 
bris d'amadou.  C'est  en  partie  par  le  dessèchement,  soit  à  l'air 
libre,  soit  par  une  courte  exposition  à  un  foyer  enflammé, 
que  les  anciens  Égyptiens  conservaient  leurs  momies.  A 
Vismejo,  au  Pérou,  un  médecin  anglais  découvrit,  en 
nST,  sur  le  sable  brûlant  d'une  baie  déserte,  un  nombre 
extraordinaire  de  cadavres  d'hommes,  de  femmes  et  d'en- 
fants, desséchés  au  soleil,  secs  et  légers  comme  du  liège, 
et  n'exhalant  aucune  mauvaise  odeur;  c'étaient  les  restes 
d'une  tribu  d'Indiens  fuyant  la  domination  espagnole,  et 
qui,  épuisés  de  fatigue,  s'étaient  ensevelis  vivants  dans  le 
sable. 

De  même  que  par  la  dessiccation  des  herbes  fourragères, 
des  plantes  médicinales,  de  certains  fruits,  on  empêche 
leur  fermentation,  de  même  on  conserve  indéfiniment  la 


DESSICCATION.  77 

viande  en  la  privant  de  l'eau  nécessaire  à  sa  fermenta- 
tion :  au  Brésil,  à  la  Plata,  la  carm  secca  qui  constitue 
l'aliment  journalier  des  populations  ouvrières,  loin  des 
grandes  lignes  de  communication,  se  conserve  presque 
indéfiniment  sans  perdre  ses  qualités  alibiles  (1). 

La  privation  d'eau  par  le  dessèchement,  comme  la 
privation  de  chaleur  par  le  refroidissement,  méritenttoutQS 
deux  au  même  titre,  d'être  rangées  parmi  les  ressources 
de  la  méthode  antiseptique  considérée  en  général. 

La  dessiccation  suspend  la  vitalité  de  la  graine,  elle  ne 
la  détruit  pas.  Il  en  est  de  même  pour  les  virus  :  dessé- 
chés, réduits  en  poussière,  ils  restent  stériles,  inoffensifs, 
et  paraissent  subir  plus  rapidement  les  oxydations  des- 
tructives de  l'air;  mais  si,  emportés  par  le  vent,  ils  ne 
séjournent  pas  assez  longtemps  dans  l'atmosphère  pour 
être  définitivement  brûlés  par  l'oxygène,  s'ils  viennent 
trop  rapidement  tomber  sur  un  terrain  favorable  où  ils 
trouvent  de  la  chaleur  et  de  l'humidité,  comme  sur  les 
muqueuses,  la  peau  moite  d'un  homme  ou  d'un  animal, 
la  graine  germe,  se  développe,  pullule,  et  l'envahisse- 
ment de  l'organisme  par  cette  poussière  fertile  constitue 
une  maladie  infectieuse  ou  virulente, 

La  dessiccation  est  un  des  moyens  de  destruction  nat.:- 
relle,  de  désinfection  spontanée  des  germes  morbifiques. 
Au  point  de  vue  pratique,  un  local  souillé  par  des  prin- 
cipes virulents  sera  d'autant  plus  facilement  désinfecté, 
purifié,  qu'on  évitera  toute  humidité  qui  pourrait  permet- 
tre aux  germes  de  conserver  leur  vitalité  ou  de  se  re- 
produire. 

Renault,  qui  a  étudié  avec  un  grand  soin  cette  action 
désinfectante  et  neutralisante  de  l'air  sur  les  virus,' croyait 
que  l'action  destructive  de  l'atmosphère  se  rattachait  à  la 
dessiccation  ;  il  a  vu  en  effet  que  les  substances  les  plus 

(1)  D""  Coiiiy,  L'alimentation  au  Brésil  et  dans  les  pays  voisins.  (Revue 
dHipgiène  et  de  police  sanitaire,  1881,  p.  183,  279  ol  470.) 


■78  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

virulentes  deviennent  inactives  quand  elles  ont  été  lente- 
ment desséchées  au  contact  de  l'air.  Il  faudrait  bien  se 
garder  de  prendre  ici  l'effet  pour  la  cause;  il  nous  paraît 
probable  que  c'est  plutôt  encore  à  l'action  de  l'air,  qu'aux 
changements  physiques  apportés  dans  l'état  moléculaire 
des  parties,  par  la  dessiccation,  par  la  privation  de  l'eau, 
qu'il  faut  attribuer  la  destruction  de  la  virulence  ;  les  deux 
influences  doivent  concourir  d'ailleurs  à  produire  le  même 
résultat. 

Il  y  aurait  à  faire,  sur  ce  point,  sur  chaque  virus,  des 
études  positives  que  nous  avons  commencées,  mais  que 
nous  n'avons  pas  eu  jusqu'ici  le  loisir  ou  la  possibilité  de 
terminer  ;  on  ne  sait  pas  encore  d'une  façon  précise,  au 
bout  de  combien  de  temps  tel  ou  tel  virus  desséché  perd 
son  inoculabilité;  nous  savons  seulement  que  le  vaccin  sec 
est  beaucoup  moins  actif  que  le  vaccin  liquide. 

Nous  avons  fait  quelques  expériences  de  ce  genre  sur 
le  virus  du  chancre  mou,  sur  le  pus  de  la  morve,  et  sur 
la  matière  tuberculeuse.  Nous  avons  recueilli,  sur  des  lan- 
cettes, du  pus  de  chancre  dont  il  était  utile,  au  point  de 
vue  du  diagnostic  et  du  traitement,  de  mesurer  l'auto- 
inoculabilité.  Des  lancettes  ainsi  chargées  étaient  conser- 
vées dans  des  flacons  bien  bouchés,  remplis  d'azote  ou 
d'hydrogène  desséchés  ;  d'autres  au  contraire  étaient  gar- 
dées à  l'air  libre,  exposées  à  une  forte  ventilation  dans  un 
air  pur.  Au  bout  de  8  jours,  on  inoculait  au  porteur  du 
chancre  la  matière  desséchée  sur  les  deux  catégories  de 
lancettes  à  droite  le  virus  laissé  à  l'air  libre,  à  gauche 
le  virus  desséché  à  l'abri  de  l'air;  2  fois  sur  3,  ce  dernier 
a  produit  une  ulcération,  tandis  que  le  virus  desséché  à 
l'air  libre  a  donné  des  résultats  négatifs  1  fois  sur  3.  La 
différence  est  trop  minime  pour  qu'on  puisse  en  tirer  une 
conclusion  justifiée  ;  mais  il  y  aurait  lieu  de  reprendre  ces 
expériences  pour  tous  les  virus,  afin  de  savoir  combien  de 


DESSICCATION.  79 

temps  p  ^rsiste  la  virulence  dans  les  matières  abandonnées 
à  l'a  "lion  de  l'air  et  à  la  dessiccation. 

M.  Peuch  (1)  est  entré  dans  cette  voie  en  ce  qui  concerne 
le  virus  morveux  ,  il  a  vu,  après  Renault,  que  la  dessicca- 
tion faisait  assez  rapidement  disparaître  la  virulence  et 
l'inoculabilité.  Nous  avons  deux  fois  humecté  des  car- 
rés de  papier  Joseph  avec  du  pus  morveux;  le  papier  était 
suspendu  à  l'air  libre  et  devenait  parfaitement  sec  au  bout 
de  48  heures.  Il  était  alors  imbibé  d'eau  distillée,  exprimé, 
et  le  liquide  trouble  qui  en  sortait  était  injecté  sous  la  peau 
de  jeunes  cobayes  ;  deux  fois  l'inoculation  resta  sans  suc- 
cès, alors  que  le  pus  frais,  injecté  l'avant^veille  sur  un 
autre  animal  similaire,  déterminait  au  bout  de  quelques 
semaines  un  chancre  morveux,  une  inflammation  des  tes- 
ticules, Tamaigrissement  et  la  mort.  Nous  avons  eu  le 
même  insuccès  dans  un  cas,  avec  du  suc  tuberculeux  des- 
séché de  la  même  manière. 

Les  expériences  sont  encore  trop  peu  nombreuses  pour 
en  tirer  une  conclusion  rigoureuse  ;  mais  il  est  probable 
que  le  danger  de  contamination  par  les  objets  souillés, 
dans  une  écurie  ou  une  étable  infectées,  iliminue  avec  le 
temps,  par  le  fait  de  l'action  destructive  de  l'air  sur  le 
virus  desséché.  Il  faut  alors  que  le  virus  soit  étalé  en  couche 
mince,  et  très  facilement  accessible  à  l'air.  On  ne  doit  pas 
oublier  toutefois  qu'un  des  bons  moyens  de  conserver 
le  vaccin  est  d'en  humecter  de  petites  aiguilles  d'ivoire  ; 
en  Angleterre,  en  Belgique,  ce  mode  de  conservation  est 
usuel,  et  donne  les  meilleurs  résultats.  Au  bout  de  plusieurs 
mois,  il  suffit  d'humecter  de  nouveau  la  pointe  d'ivoire 
avec  une  gouttelette  d'eau  pure,  et  l'inoculation  peut  se 
faire  directement  par  une  piqûre  à  la  peau.  D'ailleurs,  de 
nombreux  exemples  de  variole,  de  morve,  de  syphilis, 
transmises  tardivement  par  des  objets  souillés  depuis  plu- 

(1)  tteuch,  Des  effets  de  la  dessiccation  sur  la  virulence  du  jelage  mor- 
veux. [Archives  vétérinaires  d'Alfort,  1880,  p.  220.) 


«0  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

sieurs  mois,  prouvent  qu'il  ne  faut  pas  trop  compter  sur 
l'action  destructive,  antivirulente,  de  la  dessiccation  et  du 
€ontact  prolongé  de  l'air. 

Ce  n'est  peut-être  pas  faire  un  rapprochement  exagéré, 
que  de  mentionner  ici  le  dessèchement  d'un  sol  humide  et 
marécageux,  comme  le  meilleur  moyen  d'en  assurer  la 
désinfection;  en  l'absence  de  toute  humidité,  les  matières 
organiques  contenues  dans  le  sol  ne  fermentent  pas  plus  . 
que  le  foin  bien  séché  qu'on  entasse  impunément  dans 
nos  greniers;  quand,  au  contraire,  ce  foin  entassé  est 
humide,  il  fermente,  dégage  de  l'acide  carbonique  et  des 
odeurs  malsaines;  parfois  même  il  s'enflamme.  La  compa- 
raison est  moins  forcée  qu'elle  ne  le  paraît  à  première  appa- 
rence, et  le  drainage  mérite  de  figurer  parmi  les  moyens 
de  désinfecter  les  localités  marécageuses. 

C'est  sans  doute  en  partie  par  la  soustraction  de  l'hu- 
midité, que  le  traitement  des  matières  fécales  par  les 
poussières  sèches  en  empêche  la  décomposition  putride. 
De  même,  c'est  en  faisant  disparaître  l'humidité  de 
certaines  parties  malades,  en  favorisant  l'évaporation  des 
liquides  sécrétés  à  la  surface  des  plaies,  des  téguments  ou 
des  muqueuses,  qu'on  réussit  parfois  à  en  assurer  la  désin- 
fection :  l'isolement  des  surfaces  par  des  linges  fms,  des 
papiers  sans  colle,  des  poudres  absorbantes,  dans  l'inter- 
trigo ,  la  vulvite,  la  balano-posthite,  la  transpiration  des 
pieds,  certains  eczémas,  font  souvent  disparaître  une  féti- 
dité extrême  en  rendant  impossible,  par  un  dessèchement 
rapide,  la  fermentation  qui  se  produisait  auparavant  dans 
des  liquides  organiques  soumis  à  une  température  de  plus 
de  36  degrés. 

Le  froid  même  non  rigoureux,  l'abaissement  de  la  tem- 
pérature atmosphérique,  est  un  agent  indirect  de  la  puri- 
fication de  l'air;  la   condensation,  sous  forme  de    brouil- 
lard ou  de  pluie,  de  la  vapeur  d'eau  dissoute  dans  l'air, 
"  entraîne  les  poussières,  les  germes  morbides,  les  principes 


FROID.  81 

nuisibles  qui  peuvent  y  être  en  suspension.  C'est  pour  cela 
qu'il  est  en  général  si  dangereux  de  respirer  les  brouillards 
qui  se  forment  au  coucher  ou  au  lever  du  soleil  ;  mais  ils 
contribuent  dans  une  certaine  mesure  à  laver  l'air,  et 
à  le  débarrasser  de  ses  impuretés,  en  faisant  retomber 
celles-ci  sur  le  sol. 

Froid. — Il  n'est  pas  douteux  que  le  froid  mette  obstacle 
à  la  décomposition  des  matières  organiques;  celle-ci  est 
d'autant  plus  prompte  que  la  température  est  plus  rappro- 
chée de  38°,  ou  notablement  supérieure.  L'altération  des 
denrées  alimentaires  est  infiniment  plus  rapide  en  été 
qu'en  hiver.  11  est  inutile  d'insister. 

L'un  des  plus  remarquables  exemples  de  la  propriété 
antiseptique  du  froid,  est  la  découverte,  à  la  fin  du  dernier 
siècle,  d'un  mammouth  préhistorique  conservé  depuis  des 
milliers  d'années  dans  un  bloc  de  glace.  Nous  empruntons 
à  M.  Milne-Edwards  la  relation  précise  de  ce  fait,  maintes 
fois  cité  et  vraiment  extraordinaire  : 

«  En  1799,  un  pécheur  toungouse  remarqua  sur  les 
bords  de  la  mer  Glaciale,  près  de  l'embouchure  de  la  Lena, 
au  milieu  des  glaçons,  un  bloc  informe  qu'il  ne  put 
reconnaître.  L'année  d'après,  il  s'aperçut  que  cette 
masse  était  un  peu  plus  dégagée,  mais  il  ne  put  encore 
en  deviner  la  nature.  Vers  la  fin  de  l'été  suivant,  il  vit  à 
nu  une  des  défenses  et  tout  le  flanc  d'un  monstrueux  ani- 
mal; enfin,  la  cinquième  année,  les  glaces  ayant  fondu 
plus  vite  que  de  coutume,  cette  masse  énorme  vint  échouer. 
Le  pêcheur  en  enleva  les  défenses  et  les  vendit  pour  une 
valeur  de  SO  roubles;  on  fit  en  même  temps  un  dessin 
grossier  de  l'animal,  et  les  lakoutes  du  voisinage  en 
dépecèrent  les  chairs  pour  nourrir  leurs  chiens  ;  des  bêtes 
féroces  vinrent  aussi  s'en  repaître.  Mais  deux  ans  après, 
lorsqu'un  naturaliste,  3L  Adams,  se  rendit  sur  les  lieux, 
l'animal,    quoique   fort   mutilé,     conservait   encore    des 

Valun.  —  Désinfectants.  6 


82  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

débris  de  chair  et  de  peau  couverte  de  crins  noirs  ayant 
jusqu'à  15  pouces  de  long,  et  d'une  espèce  de  laine  rou- 
geâtre,  si  abondante,  que  ce  qui  en  restait  ne  put  être 
transporté  que  difficilement  par  dix  hommes.  On  connaît 
encore  d'autres  exemples  de  mammouths  si  bien  conservés 
dans  les  glaces,  que  les  chairs  n'étaient  pas  corrompues, 
et  que  les  poils  adhéraient  à  la  peau.  Cette  espèce  d'élé- 
phant a  cependant  disparu  de  la  surface  de  la  terre  depuis 
les  dernières  révolutions  qui  en  ont  bouleversé  la  surface.  » 

Depuis  cette  époque,  les  côtes  de  la  mer  Glaciale,  entre 
la  Lena  et  la  Kolyma,  ont  été  explorées  maintes  fois  ;  à  la 
suite  du  voyage  du  capitaine  Becchy  à  la  baie  d'Escholtz; 
on  y  a  découvert  des  milliers  d'éléphants,  de  rhinocéros, 
de  buffles,  en  bon  état  de  conservation,  ensevelis  dans  la 
glace  ou  le  sol  glacé  de  ces  contrées. 

L'industrie  a  récemment  employé  la  réfrigération  pour 
empêcher  la  décomposition  pendant  les  traversées,  et  pour 
permettre  l'utilisation  alimentaire  de  la  viande  des  trou- 
peaux qui  abondent  dans  les  plaines  de  la  Plata  et  de 
l'Uruguay.  Les  Parisiens  n'ont  pas  oublié  les  essais,  d'ail- 
leurs peu  heureux,  tentés  en  1878-79  par  le  Frigorifique 
où  la  cale  formait  de  vastes  chambres,  maintenues  à  la 
température  de  0"  par  l'évaporation  de  l'oxyde  de  méthyle, 
et  où  des  quartiers  de  viande  en  nombre  considérable  res- 
taient à  l'abri  de  la  fermentation.  De  pareilles  tentatives, 
couronnées  de  succès,  ont  eu  lieu  au  Havre,  en  1878,  pour 
le  transport  de  viandes  et  de  poissons  de  provenance  inter- 
tropicale :  MM.  PhiUppe  et  Verrier  de  Rouen  (Ij  ont  donné 
une  excellente  relation  des  essais  tentés  par  le  Raphaël 
et  le  Paraguay.  C'est  au  moyen  de  la  glace,  que  dans  les 
halles  et  marchés  des  grandes  villes,  on  empêche  le  pois- 


(1)  Rapport  sur  les  travaux  des  Conseils  d'hygiène  et  de  salubrité  en 
1878,  par  M.  \elif\ 3i\\in.(Recueil des  travauxdu  Comité  consultatif  d'hi/giène 
publique  de  France,  1881,  t.  X,  p.  108.) 


FROID.  83 

son  de  devenir,  en  été,  une  cause  de  danger  par  sa  mau- 
vaise odeur  et  par  l'ingestion  de  sa  chair  décomposée. 
Il  existe  aujourd'hui  des  appareils  ingénieux  qui  per- 
mettent de  maintenir  sans  peine ,  et  presque  indéfini- 
ment, des  températures  de  —  13°  à  —  18°.  M,  Raoul 
Pictet  a  utilisé  le  froid  produit  par  l'évaporation  de  l'acide 
sulfureux  liquide  pour  obtenir  industriellement  des  tem- 
pératures très  basses.  Cet  acide,  qui  bout  à  11  degrés  au- 
dessous  de  0,  refroidit,  en  s'évaporant,  un  liquide  incon- 
gelable  (une  solution  de  chlorure  de  magnésium)  qui  est 
distribué  dans  les  appareils  à  refroidir  :  la  machine  ne 
peut  pas  prolonger  très  longtemps  une  température  infé- 
rieure à  —  15°.  La  machine  Carré  par  évaporation  du  gaz 
ammoniac  liquide,  produit  un  froid  durable  de  —  15 
à  —  18°.  La  machine  Giffard  et  Berger  fonctionne  d'après 
le  principe  de  la  compression  et  de  la  détente  successive 
de  l'air  avec  restitution  d'une  partie  du  travail  mécanique 
développé.  M.  Tellier  produit  un  froid  excessif  par  l'éva- 
poration de  l'oxyde  de  méthyle  liquéfié  sous  une  pression  de 
S  atmosphères.  Ces  moyens  peuvent  être  utilisés  dans  cer- 
tains cas  au  profit  de  l'hygiène. 

On  a  fait  une  application  très  heureuse  de  cette  propriété 
antiseptique  du  froid  pour  la  conservation  des  cadavres 
destinés  aux  expertises  médico-légales.  D'ordinaire,  les 
•cadavres  arrivent  à  la  morgue  dans  un  état  de  putréfac- 
tion très  avancée,  et  cependant  on  est  souvent  obligé  de  les 
•conserver  pendant  plusieurs  jours,  exposés  à  la  vue  des 
personnes  qui  peuvent  venir  les  reconnaître  :  enfin,  cette 
putréfaction  progressive  rendait  les  explorations  nécrosco- 
piques  difficiles  et  de  valeur  incertaine.  M.  le  professeur 
Brouardel,à  la  suite  d'une  mission  en  Allemagne,  en  1818, 
pour  visiter  les  Instituts  de  médecine  légale,  avait  été 
frappé  de  voir  installés,  dans  plusieurs  universités,  des 
appareils  frigorifiques  pour  la  conservation  des  cadavres. 
Dans  un  Rapport  adressé  au  préfet  de  police  du   départe- 


84  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

ment  de  la  Seine,  au  nom  d'une  commission  prise  au  sein 
du  Conseil  d'hygiène,  en  1880,  il  a  passé  en  revue  les 
divers  procédés  ou  machines  employés  pour  produire  le 
froid. 

Le  Conseil  d'hygiène  de  la  Seine  a  donné  la  préférence 
au  procédé  Garré-Mignon-Rouart,  qui  fournit  à  volonté,  et 
d'une  façon  économique,  une  température  de  —  15"  à 
—  18°  centigrades  par  l'évaporation  du  gaz  ammoniac  li- 
quifié  sous  sa  propre  pression.  Nous  reviendrons  plus 
loin  sur  ce  sujet.  CDésinfegtion  municipale  :  Morgues.) 

L'expérience  physiologique  vient  confirmer  ce  qu'on  sait 
depuis  des  siècles  sur  le  développement  plus  facile  de  la 
fermentation  et  des  maladies  putrides,  par  l'élévation  de  la 
température.  M.  Tédenat(l)  inocule  huit  grenouilles  avec 
du  sang  septicémique.  Quatre  de  ces  grenouilles  sont  placées 
dans  de  l'eau  chauffée  au  soleil  et  marquant  -|-  20°  à  -|-  25** 
centigrades  ;  au  bout  de  24  à  30  heures,  trois  grenouilles 
avaient  déjà  succombé.  Au  contraire,  les  quatre  autres 
sont  plongées  dans  de  l'eau  dont  on  maintient  la  tempéra- 
ture à  -]-  8"  ou  -j-  10°  avec  des  petits  fragments  de  glace  : 
trois  survivent  pendant  plusieurs  jours,  une  seule  succombe. 

M.Davaine(2),  dans  un  important  mémoireluàl'Académie 
en  1819,  a  montré  à  quel  point  l'élévation  de  la  température 
faisait  varier  les  résultats  de  l'inoculation  du  poison  septi- 
que.  En  hiver,  des  doses  relativement  fortes  de  ce  virus  ne 
troublent  pas  la  santé  du  lapin  :  une  dose  cent  fois,  mille 
fois  plus  faible,  en  été,  amène  rapidement  la  mort.  C'est  en 
été  qu'on  observe  les  épidémies  de  septicémie  dans  les  labo- 
ratoires, avec  propagation  à  distance  à  des  animaux  non 
inoculés;     pareille    mésaventure   arriva   à    M.    Davaiiie 


(1)  Tédcnat,  Étude  expérimentale  sur  la  neutralisation  du  virus  cada- 
vérique. {Gazette  hebdomadaire  des  sciences  médicales  de  Montpellier, 
3avrill880,  p.  160.) 

(2)  Davaine,  Recherches  sur  quelques  conditions  qui  favorisent  et  qui 
empêchent  le  développement  de  la  septicémie.  (Bulletins  de  V Académie  de 
médecine,  18  février  1879,  p.  121 .) 


FROID.  85 

en  1865,  et  vint  singulièrement  troubler,  en  1873,  les  con- 
clusions de  ses  expériences  sur  la  nature  de  la  fièvre 
typhoïde. 

C'est  à  tort  qu'en  ces  dernières  années,  on  a  cru  pouvoir 
mettre  le  froid  au  rang  des  véritables  désinfectants  ;  en 
réalité,  ce  n'est  qu'un  agent  antiseptique.  Comme  la  pri- 
vation d'humidité,  le  froid  empêche  la  vie  de  se  manifester; 
il  la  suspend,  il  ne  la  détruit  pas;  la  sécheresse  et  le  froid, 
sont  les  deux  principales  causes  de  ce  qu'on  a  appelé  le 
sommeil  ou  le  silence  des  germes,  aussi  bien  en  physiologie 
végétale  qu'en  pathogénie.  La  graine  du  vers  à  soie  peut 
être  conservée  deux  années,  quand  on  la  maintient  à  une 
température  insuffisante  pour  l'éclosion  des  vers,  tandis 
que,  par  l'incubation  artificielle,  en  toute  saison  on  peut 
faire  éclore  ceux-ci.  Mais,  tandis  que  la  congélation  com- 
plète détruit  sans  retour  toute  vitalité  dans  les  organismes 
compliqués,  sans  doute  en  détruisant  leur  structure,  les 
organismes  les  plus  élémentaires  ont  une  force  de  résistance 
au  froid  véritablement  extraordinaire.  Déjà,  Cagniard-La- 
tour  avait  montré  que  le  froid  produit  par  l'acide  carbo- 
nique solidifié,  suspendait  mais  ne  détruisait  pas  la  vita- 
lité de  la  levure  de  bière.  Frisch  (1)  employa  le  même 
procédé  pour  étudier  la  résistance  au  froid,  non  seulement 
des  organismes  de  la  putréfaction,  mais  encore  des  micro- 
coccus  et  des  bactéries  qui  prennent  naissance  dans  les 
liquides  pathologiques  de  l'homme  ou  des  animaux. 

Au  moyen  de  l'acide  carbonique  solidifié,  il  a  soumis  des 
morceaux  de  viande  putréfiée  à  une  température  qui  est 
descendue  jusqu'à  87  degrés  centigrades  au-dessous  de  0. 
Au  dégel ,  les  bactéries  contenues  dans  cette  viande 
reprirent  leur  activité  et  leurs  mouvements,  et  le  liquide 


(1)  A.  Frisch,  Ueber  den  Einfluss  niederer  Temperaturen  au f  die  Lebens 
fahigiceit  der  Balderien.  (Influence  des  basses  températures  sur  la  vitalité 
des  bactéries.)  Sit^ungsb.  der  K.  Akad.  der  Wiss.  T.  LXXV,  3«  p.,  p.  237 
et  Revue  d'hygiène  1879,  p.  166. 


86  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

putride,  porté  sur  la  cornée  d'un  lapin,  fît  naître  rapidement 
une  kératite  infectieuse.  Le  même  résultat  fut  obtenu  par 
l'inoculation  de  sérosité  péritonéale,  à  la  suite  d'une  péri- 
tonite puerpérale;  cet  abaissement  extraordinaire  de  la 
température  ne  diminua  en  rien  l'inoculabilité  de  ce  liquide 
septique.  Ce  qui  semble  prouver  que  c'est  bien  à  la 
persistance  de  la  vitalité  des  microbes  qu'est  due  la  persis- 
tance de  la  virulence,  c'est  qu'au  moment  du  dégel,  on  voit 
les  bâtonnets  et  les  vibrions  animés  de  mouvements  assez 
vifs  au  moment  même  où  ils  se  dégagent  du  glaçon  qui  les- 
emprisonnait. 

M.  Pasteur  a  profité  des  froids  excessifs  de  l'hiver 
1879-80  pour  faire  des  expériences  analogues  ;  ses  liquides 
de  culture  ensemencés  ont  repris  leur  activité  après  avoir 
été  soumis  à  un  froid  de  plus  de  30  degrés.  Ces  faits 
ruinent  donc  complètement  les  espérances  chimériques 
qu'on  avait  récemment  fondées,  en  Angleterre  et  en  Amé- 
rique, sur  l'action  purificatrice  du  froid,  pour  la  désinfec- 
tion des  navires  en  quarantaine. 

Au  Congrès  de  Richmond  (États-Unis),  en  novembre 
1878,  le  D'"  A.  Gibbon  et  le  professeur  G.  Richardson,  de 
Philadelphie  (1),  soutinrent  une  opinion  qui  avait  déjà  été 
mise  en  avant  par  le  professeur  J.  Gamgee  de  Londres,  à 
savoir  que  le  germe  de  la  fièvre  jaune  était  probablement 
un  parasite,  et  que  le  froid  excessif  devait  être  un  moyen 
facile  et  très  puissant  de  détruire  ce  parasite.  A  la  suite 
d'une  conférence  de  M. Gamgee,  à  Londres,  une  dame,  enthou- 
siaste et  riche,  s'était  offerte  à  contribuer  pécuniairement  à 
la  réalisation  de  cette  idée  :  un  navire  frigorifique,  mù  par 
la  vapeur,  muni  d'appareils  réfrigérateurs  extrêmement 
puissants,  devait  stationner  à  la  Nouvelle-Orléans  et  dans 
les  ports  recevant  des  navires  infectés  par  la  fièvre  jaune. 


(1)  Effects  offreezing  on  yeUotv-fever  infection  ;  the  caseofthe  U.  S.  S. 
Plymouth.  {The  Sanilarian,  août  1879,  p.  346;  cl  Revue  d'hygiène  et  de- 
police  sanitaire,  1879,  p.  333.) 


FROID.  87 

Le  navire  frigorifique  devait  aller  se  placer  successive- 
ment auprès  de  chaque  navire  suspect,  et  au  moyen  de 
manches  ventilatrices  et  de  pompes,  injecter  dans  leurs 
flancs  une  énorme  quantité  d'air  extrêmement  froid,  de 
la  même  manière  qu'on  injecte  de  la  vapeur  surchauffée 
pour  purifier  les  parois  intérieures  et  la  cale  des  navires 
souillés.  Il  est  vrai  que  ce  frigorifique,  à  l'aide  de  ses 
appareils  puissants  et  de  sa  glacière,  pouvait  fabriquer  de 
la  glace  destinée  aux  usages  industriels  de  toute  sorte,  et 
même  munir  les  skating-rings  d'une  véritable  piste  de 
glace  épaisse  ! 

Les  membres  du  Congrès  de  Richmond  ne  connaissaient 
pas,  évidemment,  les  travaux  de  A.  Frisch,  que  nous  rap- 
pelions tout  à  l'heure,  sans  quoi  ils  n'eussent  pas  voté  une 
somme  de  200,000  dollars  (un  million),  pour  aider  à 
construire  un  navire  frigorifique  destinée  aller  ainsi  porter 
la  désinfection  par  le  froid  dans  les  ports.  Le  système 
d'installation  parait  d'ailleurs  ingénieux  :  le  navire  por- 
tait constamment  en  lest  40  à  50  tonnes  de  chlorure 
de  magnésium  refroidi  à  18  degrés  centigrades  au- 
dessous  de  0,  et  dissous  dans  un  mélange  d'eau  et  de 
glycérine.  Des  pompes  devaient,  au  préalable,  nettoyer  à 
fond  la  cale  du  navire  affecté  ;  pour  détruire  les  matières 
organiques  dont  le  bois  était  imbibé,  on  lançait  avec  une 
grande  force  un  jet  de  ce  liquide  glacial  contre  les  parois 
du  navire,  de  manière  à  le  faire  pénétrer  dans  toutes  les  fis- 
sures. On  pouvait  abaisser  la  température  du  Hquide  jusqu'à 
35  degrés  centigrades,  température  à  laquelle  aucun  orga- 
nisme, prétendait-on,  n'était  capable  de  résister.  Il  paraît 
que  les  essais  tentés  ont  démontré  que  cette  projection  à 
haute  pression  de  la  solution  extrêmement  froide  de  chlo- 
rure de  magnésium  conserve  le  bois  et  enlève  toute  odeur. 
Mais  une  expérience  très  complète  et  très  instructive  est 
venue  montrer  l'inanité  des  espérances  qu'on  fondait  sur 
l'action  désinfectante  du  froid . 


88  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

Un  Steamer  de  la  marine  des  États-Unis,  le  Plymoiith, 
de  1,122  tonneaux,  de  la  force  de  800  chevaux-vapeurs  et 
portant  222  hommes  d'équipage,  était  arrivé  à  la  fin  d'oc- 
tobre 1818  à  Saint-Thomas,  où  existaient  quelques  cas  de 
fièvre  jaune.  Après  quelques  jours  de  station  dans  le 
port,  le  steamer  repart  le  4  novembre  en  patente  nette; 
mais  bientôt  1  cas  de  fièvre  jaune  apparaissent  à  bord,  et 
le  navire  revient  à  Portsmouth,  où  il  est  soumis  à  une 
quarantaine  de  17  jours  ;  au  bout  de  ce  temps,  il  est  envoyé 
à  Boston,  en  plein  hiver,  il  est  désappareillé,  réparé, 
l'équipage  est  licencié. 

Pendant  trois  mois  d'un  hiver  rigoureux,  du  19décembre 
1878  au  15  mars  1879,  par  une  température  qui  descendit 
souvent  à  17  degrés  centigrades  au-dessous  de  0,  on  laissa 
toutes  les  ouvertures  du  Pkjmoiilh  largement  ouvertes; 
l'air  y  accédait  librement,  l'eau  des  cales  était  gelée.  Il 
était  difficile  de  réaliser  plus  complètement  l'expérience 
proposée  par  MM.  Gamgee,  Gibbon  et  Richardson.  Et 
cependant,  le  15  mars  1879  le  Plymoiith  reprenait  la  mer  ; 
il  avait  à  peine  atteint  les  latitudes  chaudes  des  Bermudes 
et  de  Windwards  Islands,  que  de  nouveaux  cas  de  fièvre 
jaune  apparaissaient  à  bord  bien  que  le  navire  n'eût  touché 
aucun  port  suspect  de  la  maladie. 

Ce  fait  aurait  à  nos  yeux  une  valeur  absolue  pour  prouver 
l'inefficacité  du  froid  comme  désinfectant,  si  nous  ne 
trouvions  des  renseignements  plus  précis  dans  le  rapport 
que  le  médecin  en  chef  de  la  marine  a  publié  sous  forme  de 
volume.  Non  seulement  on  avait  exposé  au  froid  rigoureux 
de  l'hiver  de  Boston  toutes  les  parties  profondes  du  navire, 
mais  encore  on  y  avait  fait  brûler,  à  deux  reprises,  une 
quantité  de  soufre  insuffisante  à  nos  yeux  pour  un  navire 
de  cette  dimension  (100  livres  en  deux  fois).  Ces  deux 
moyens ,  le  froid  et  le  soufre,  ne  pouvaient  manquer 
d'être  inefficaces,  puisque,  par  un  singulier  oubli,  on 
n'avait  désinfecté  ni  les   provisions,   ni  les  objets  d'ar- 


FROID.  89 

mement;  tout  ce  matériel  avait  été  débarqué  au  commen- 
cement de  janvier,  enfermé  dans  des  magasins  ou  en- 
tassés sous  des  tentes,  et  on  avait  armé  de  nouveau  le 
navire  sans  soumettre  son  matériel  à  des  fumigations.  De 
même,  les  hommes  de  l'équipage  avaient  été  débarqués  et 
avaient  séjourné  pendant  i2  mois  soit  à  terre,  soit  sur  un 
autre  navire  ;  mais  ni  avant  de  quitter  le  Plymouth,  ni 
avant  de  s'y  rembarquer,  leurs  vêtements  n'avaient  subi  la 
moindre  désinfection.  Tant  que  l'on  a  séjourné  sous  le 
climat  rigoureux  de  Boston,  les  germes  qui  pouvaient  être 
contenus  dans  ces  objets  matériels,  sont  restés  inertes  et 
inoffensifs  ;  ils  n'ont  fait  reparaître  la  maladie  qu'au  moment 
où  le  navire  atteignait  de  nouveau  les  zones  prétropicales. 
La  coque  du  navire  était  d'ailleurs  atteinte  de  cette  altéra- 
tion des  bois  connue  sous  le  nom  de  pourriture  sèche,  et 
dans  laquelle  le  bois  se  réduit  en  poussière,  par  un  phéno- 
mène qui  rappelle  l'humification  des  matières  organiques 
au  sein  de  la  terre.  On  comprend  que  cette  altération  de  la 
charpente  d'un  navire  puisse  être,  en  quelque  sorte,  un 
terrain  de  culture  favorable  pour  la  conservation  ou  la 
pullulation  des  germes  morbides.  Tout  cela  atténue  un  peu 
ce  que  le  fait  du  Plijmouth  a  d'extraordinaire,  et  l'on  pour- 
rait dire  d'inouï  dans  les  fastes  de  la  marine. 

Sans  nier  que  le  froid  fait  souvent  cesser  certaines  mani- 
festations épidémiques  (fièvre  jaune,  peste,  etc.),  il  nous 
semble  donc  impossible  d'attribuer  à  cet  agent  la  moindre 
valeur  comme  désinfectant,  tandis  qu'il  est  difficile  de 
contester  ses  propriétés  antiseptiques.  Le  seul  exemple  que 
nous  trouvions  signalé  d'une  neutralisation  d'un  virus  par 
l'abaissement  de  la  température,  est  celui  de  Melsens  qui, 
en  soumettant  du  vaccin  au  froid  excessif  de  —  80"  C,  l'a  vu 
perdre  sa  virulence.  Mais  nous  n'avons  pu  remonter  à  la 
source  originale  ni  contrôler  ce  fait  simplement  énoncé  par 
Gubler  et  Bordier  (1). 

(1)  Gubler  et  Bordier,  loco  cit.  (Bulletin  de  thérapeutique,  1873,  t.  84% 
p.  2Go.) 


90  CONDITIONS  ANTISEPTIQUES. 

Soustraction  du  contact  de  l'air.  —  Quand  les  corps 
organiques  sont  soustraits  au  contact  de  l'air,  ils  peuvent 
se  conserver  presque  indéfiniment  à  l'abri  de  la  décompo- 
sition putride.  C'est  sur  ce  fait  d'expérience  et  sur  ce 
principe,  que  s'est  fondée  la  fabrication  des  conserves 
Appert  pour  les  viandes,  les  légumes  et  les  fruits,  soit  dans 
des  boîtes  en  fer-blanc,  soit  dans  des  flacons  de  verre 
bouchés  à  l'émeri  ;  c'est  ainsi  que  se  conserv  ent  les  œufs 
dont  la  coque  a  été  imperméabilisée  par  un  laitde  chaux,  etc. 
La  difficulté  de  l'accès  de  l'air  sous  les  innombrables 
bandelettes  enduites  de  résines,  à  travers  les  cercueils 
emboîtés  et  les  chambres  funéraires  presque  hermétiques, 
explique  en  grande  partie  la  conservation  30  ou  40  fois 
séculaire  des  momies  égyptiennes.  Par  là  s'explique 
aussi  le  succès  des  opérations  sous-cutanées,  et  les  ad- 
mirables résultats  du  pansement  ouaté  inauguré  par  M.  Al- 
phonse Guérin.  Mais,  dans  tous  ces  cas,  on  doit  se  deman- 
der si  c'est  bien  la  soustraction  du  contact  de  l'oxygène 
et  de  l'azote  de  l'air  qui  empêche  la  décomposition  des 
liquides  et  des  tissus,  ou  si  ce  n'est  pas  plutôt  la  filtration 
des  germes  de  toutes  sortes  que  l'air  renferme  presque 
inévitablement. 

Rien  ne  le  prouve  mieux  que  les  expériences  si  curieuses 
de  Tyndall,  Le  savant  anglais  rend  l'air  optiquement  pur  en 
badigeonnant  les  parois  d'une  petite  chambre  d'observation 
avec  de  la  glycérine,  laquelle  retient  les  germes  et  les  pous- 
sières qui  se  précipitent  en  vertu  de  leur  densité  ou  de  l'im- 
mobilité absolue  de  cette  atmosphère  très  limitée  ;  les  tubes 
contenant  des  liquides  putrescibles  mais  stérilisés  par  la 
chaleur,  restent  indéfiniment  à  l'abri  de  toute  altération, 
bien  que  largement  ouverts  par  leur  orifice  supérieur  au 
milieu  de  cette  boîte,  où  il  ne  reste  que  de  l'air  dépouillé 
de  tous  ses  germes. 

Nous  croyons  que  nous  sortirions  de  notre  sujet  si  nous 
exposions  ici  les  procédés  employés  par  M.  Pasteur  pour 


SOUSTRACTION  DE  L'AIR.  91 

Stériliser  ses  liquides  de  cuicure,  soit  en  empêchant,  par  un 
bouchon  de  ouate  surchauffée,  les  germes  de  l'air  de 
pénétrer  dans  un  liquide  bouilli  à  110  degrés,  soit  en 
fdtrant  les  solutions  fertilisées,  à  travers  des  disques  de 
plâtre  ajustés  sur  le  ballon  lui-même. 

La  filtration  de  l'air  à  travers  le  pansement  ouaté  est 
une  des  conséquences  et  l'une  des  plus  heureuses  appli- 
cations à  la  clinique,  de  la  théorie  des  germes  ;  c'est  un 
champ  nouveau  ouvert  à  la  méthode  antiseptique  ou 
aseptique  ;  prévenir  la  putréfaction,  c'est  rendre  inutile 
par  avance  l'emploi  des  désinfectants.  Sans  vouloir  trop 
insister  sur  le  conseil  donné  en  1879,  à  l'Académie  de 
médecine,  par  M.  Pasteur,  de  préserver  les  voies  respira- 
toires et  les  muqueuses  digestives  par  des  masques  en 
ouate  dans  les  foyers  les  plus  redoutables  des  épidémies 
de  peste,  de  fièvre  jaune,  etc.,  il  ne  faut  pas  mécon- 
naître que  des  inhalateurs  garnis  d'ouate  pourraient, 
dans  certaines  circonstances  particulières  et  dans  cer- 
taines professions,  permettre  d'affronter  impunément 
des  fléaux  meurtriers  ;  rien  ne  prouve  qu'on  n'appliquera 
pas  un  jour  aux  voies  respiratoires,  pour  préserver  de  la 
gangrène  ou  de  la  décomposition  septique  les  poumons 
enflammés  ou  de  larges  cavernes  en  pleine  suppuration,. 
le  pansement  ouaté  qu'on  réserve  jusqu'ici  aux  trauma- 
tismes  des  parties  externes  (1).  11  est  d'ailleurs  inutile 
d'insister  ici  sur  le  pansement  ouaté  de  M.  Alphonse  Gué- 
rin,  qui  a  ouvert  une  ère  de  succès  éclatants  pour  la  chi- 
rurgie antiseptique. 

ART.  II.  —  DES  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

Une  substance  antiseptique  ou  désinfectante,  pour  mé- 
riter vraiment  ce  nom  et  pour  être  utilisable  au  point  de 

(1)  Depuis  que  ces  lignes  sont  écrites,  l'emploi  des  inhalateurs  antisep- 
tiques   chez  les   phtisiques   atteints    de    cavernes ,    a   pris    une  grande 


92  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

vue  hygiénique,    doit    remplir  les  conditions  suivantes 

1°  N'être  ni  nuisible,  ni  toxique  ; 

2°  Ne  pas  altérer  la  solidité  ou  la  couleur  des  tissus, 
n'être  pas  volatil  ou  inflammable  ; 

3°  Empêcher  la  décomposition  des  matières  d'une  façon 
permanente  et  efficace. 

4°  Détruire  ou  prévenir  les  mauvaises  odeurs,  et  ne  pas 
dégager  elle-même  une  odeur  désagréable  ; 

5"  Être  à  bon  marché,  d'une  préparation  et  d'un  em- 
ploi faciles. 

La  plupart  des  substances  qui  détruisent  chimiquement 
la  matière  organique  pourraient,  à  la  rigueur,  être  rangées 
parmi  les  antiseptiques  (les  acides  minéraux,  les  causti- 
ques); mais  leur  action  trop  énergique  ou  toxique  leur  en- 
lève toute  possibilité  d'application  à  la  pratique ,  il  est 
donc  inutile  de  s'y  arrêter. 

Ensuite,  tous  les  agents  qui  neutralisent  les  virus,  tous 
les  antivirulents,  sont  à  plus  forte  raison  des  antisepti- 
ques ;  qui  peut  le  plus  peut  le  moins  ;  de  même  un  grand 
nombre  d'agents  antiseptiques  sont  anti virulents  quand  ils 
sont  employés  à  une  forte  dose  :  l'on  peut  citer  comme 
exemple  l'acide  chromique  et  l'acide  phénique.  La  distinc- 
tion n'est  pas  toujours  facile  entre  ces  deux  ordres  d'agents  ; 
toutefois,  pour  faciliter  l'étude  et  pour  éviter  les  redites, 
nous  ferons  l'histoire  de  chaque  corps  à  l'occasion  du  groupe 
auquel  il  se  rattache  le  plus  naturellement,  nous  réservant 
d'indiquer  par  des  renvois  les  pages  où  il  en  sera  question 
à  un  autre  point  de  vue. 

g  I.    EXPÉRIENCES 
SUR  LA  VALEUR  COMPARÉE  DES  ANTISEPTIQUES. 

On  a  voulu  induire  la  valeur  de  certains  agents  réputés 
désinfectants    ou  antiseptiques  de  l'action  que   ces  sub- 

■cxlension  en  Angleterre,  dans  les  derniers  mois  de  l'année  1881,  (Voyez 

1)1US  loin  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE.) 


EXPÉRIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE.  93- 

Stances  exercent  sur  la  myrosine,  l'émulsine,  la  diastase, 
etc.  L'on  sait  que  si  l'on  introduit  un  peu  d'amygdaline 
dans  de  l'émulsion  d'amandes  douces,  l'odeur  d'amandes 
amèrcs  se  développe  aussitôt  ;  de  même,  si  l'on  introduit 
de  l'acide  myrosique  dans  de  l'eau  où  l'on  aurait  fait 
digérer  du  tourteau  de  graines  de  moutarde  blanche, 
il  s'en  dégage  l'odeur  caractéristique  de  l'essence  de 
moutarde  noire.  C'est  la  réaction  de  la  myrosine  sur  l'acide 
myrosique  qui  engendre  l'essence  de  moutarde  ;  c'est  la 
réaction  de  la  synaptase  sur  l'amygdaline,  qui  fait  naî- 
tre l'essence  d'amandes  amères.  On  suppose  que  l'agent 
de  la  réaction  est  une  sorte  de  ferment.  Certaines  substances 
empêchent  cette  réaction  de  la  synaptase  sur  l'amygdaline, 
etc.  ;  on  a  dès  lors  pensé  que  ces  substances,  détruisant  le 
ferment,  pouvaient  être  capables  de  détruire  aussi  les 
ferments  de  la  décomposition  putride  et  même  les  virus. 

L'analogie  est  curieuse,  elle  n'est  pas  improbable,  mais 
ce  n'est  pas  sur  des  hypothèses  éloignées  que  doivent  re- 
poser les  notions  d'hygiène,  et  nous  croyons  plus  simple  et 
plus  pratique  d'étudier  la  valeur  des  agents  réputés  désin- 
fectants, par  leur  action  directe  sur  les  substances  putres- 
cibles. 

La  question  des  fermentations  et  des  antiseptiques  a  pris 
une  face  si  nouvelle,  en  ces  dernières  années,  qu'il  nous 
paraît  inutile  de  remonter  dans  un  passé  relativement  ré- 
cent, pour  rechercher  sur  quelles  bases  on  appréciait  la 
valeur  des  antiseptiques.  Naguère  encore,  les  expérimenta- 
teurs se  contentaient  de  la  méthode  empirique  et  très 
pratique,  qui  consiste  à  mettre  des  matières  fermentes- 
cibles  ou  facilement  altérables  en  contact  avec  des  agents- 
réputés  désinfectants,  et  à  noter  le  jour  où  apparaissent  les 
premiers  signes  de  la  décomposition. 

Angus  Smith   (1)   a  placé  dans  des  flacons,  différents 

(1)  R.  Angus  Smith,  Disinfectants  and  disinfection.  Edinburg,  1869  ;. 
1  vol.  in-S»  de  136  p. 


<)4  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

gaz  ou  composés  volatils,  en  contact  avec  des  morceaux 
de  viande  d'un  pouce  d'épaisseur  sur  trois  pouces  de  long, 
suspendus  par  un  fil  aux  bouchons  paraffinés  qui  fermaient 
hermétiquement  les  flacons  ;  ceux-ci  étaient  conservés 
dans  le  laboratoire,  à  la  température  de  -)-  1S°  à  20°  centi- 
grades. Il  obtint  les  résultats  suivants  ;  malheureusement 
il  ne  fait  pas  connaître  avec  quelle  dose  ou  quelle  propor- 
tion de  l'agent  antiseptique  il  les  a  obtenus  : 

Le  7«  jour.  Le  '28"=  jour. 

i  Viande  un  peu  blanche  et  dur-  \ 
cie.  Légère  odeur  de  chlore;  \    Même  aspect, 
putréfaction  nulle.  ) 

(  Couleur  jaune  pâle  de  la  vian-  \ 

Brome <     de;légèreodeurd'acidebrom- \    Excellent  état. 

(    hydrique;  excellent  état.        ) 

Iode i  Tissu  desséché,  jaune  foncé  ;  )     -p^.^^  ^^^^  ^^^^_ 

\      très  bon  état.  j 

Acide  chlorhydriquel  Nulle  odeur;  très  bon  état.      |  Sans  changement. 

(  Odeur  un  peu  douceâtre  ;  bon  ^    ,r.      ,      .,, 
Protoxyde  d'azote    |      ^i^^j,      ^  |    Viande  gatee. 

Acide  nitreux....     ]  Très  bon  état.  j  Sans  changement. 

(  Odeur   putride  ,    viande   vis-     * 
Acide  carbonique.     |      ^^^^^^^ 

i  Viande  en  très  bon  état;  lé-  ^ 
Acide  sulfureux..      |      gère  odeur   d'acide   sulfu- (    Même  état. 

'      reux.  ; 

Éther }  Légère  décoloration  ;  très  bon  f    Même  état. 

l      état.  j 

Huile  lourde  de        f  q^^^^.  putride.' 
goudron ( 

Peroxyde  d'hydro-    {  Putréfaction  complète, 
gène [ 

De  même,  il  plaça  dans  des  flacons  de  900  centimètres 
'Cubes  des  morceaux  de  viande  fraîche,  de  poids  et  de  vo- 
lume égaux  ;  il  y  versait  S  gouttes  d'une  des  substances 
volatiles  ci-dessous  énumérées.  Il  a  classé  ces  dernières 
dans  l'ordre  suivant,  en  mettant  au  premier  rang  celle 
dont  le  pouvoir  conservateur  lui  paraît  le  plus  grand  : 

1»  Acide  crésylique  (solution  alcoolique  saturée)  ;  éther  amylique. 
2o  Acide  phénique  (solution  alcoolique)  ;  créosote. 


EXPÉRIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE.       95 

3»  Huile  essentielle  «le  raovUarde. 

4»  Huile  essentielle  d'amandes  amôres. 

5°  Acide  acétique  pur;  acide  pyroligneux;  essence  de  pommes  de  pin. 

6»  Huile  de  genévrier;    aniline;  essence   de  menthe;  huile  essentielle 

de  rhue. 
7'  Térébenthine  ;   essences  de  lavande,   de  valériane,    de  cumin,     de 

romarin,  etc.;  eau  phosphorée  {odeur  fétide  le  12"  jour). 
8»  Essences   de  canellc,.   de  thym,    de  peau  d'oranges,  de  bergamoltc, 

d^  citron,   d'anis  ;  naphtaline;    nitro-benziue  ;    camphre;    gonimc 

d'assa-fcelida  ;  pétrole  pur  du  Canada. 

On  ne  peut  le  contester,  ces  expériences,  faites  pour  la 
plupart  avec  des  substances  qu'il  est  difficile  de  se  pro- 
curer en  quantité  suffisante,  n'ont  qu'un  intérêt  de  curio- 
sité :  ce  sont  à  vrai  dire  des  expériences  de  laboratoire, 
sans  possibilité  d'application  pratique. 

En  1872,  M.  le  D'  Petit  (1)  se  plaçant  lui  aussi  exclusi- 
vement au  point  de  vue  du  résultat  empirique,  a  cherché 
dans  quelle  mesure  la  plupart  des  substances  chimiques 
journellement  employées  empêchent  ou  retardent  la  dé- 
composition d'un  liquide  éminemment  fermentescible.  Il 
préparait  un  liquide  de  culture  avec  1  litre  d'eau,  400  gram- 
mes de  sucre  de  canne  et  100  grammes  de  levure  de  Hol- 
lande presque  sèche;  dans  1  décimètre  cube  du  mélange, 
il  ajoutait  une  solution  à  10  p.  100  de  l'agent  réputé  capa- 
ble de  prévenir  la  fermentation.  Il  appréciait  l'activité  de 
la  fermentation  en  mesurant,  sous  une  éprouvette  remplie 
de  mercure,  la  quantité  d'acide  carbonique  dégagée. 

Nous  ne  croyons  pas  utile  de  reproduire  ici  le  tableau 
très  étendu  qui  contient  les  résultats  obtenus,  parce  qu'il 
ne  fournit  pas  d'indications  pratiques  assez  rigoureuses; 
mais  ce  tableau  pourra  être  consulté  par  ceux  qui  veulent 
étudier  l'effet  de  certaines  substances  qui  ne  sont  que  très 
accidentellement  employées  comme  antiseptiques  :  c'est 
ainsi  que  nous  voyons  le  sulfate  de  nickel  rangé  dans  le 

(1)  A.  Petit,  Note  sur  les  substances  antifermentescibles.  {Comptes  rendus 
de  r Académie  des  sciences,  i4  octobre  1872,  et  Journal  de  physique  et  de 
chimie,  juin  1874.) 


90  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

petit  groupe  des  agents  qui  empêchent  la  fermentation,  à 
côté  du  bichlorure  de  mercure  et  des  sels  de  cuivre. 

Avec  le  D''  O'Nial  (1)  et  beaucoup  d'autres  que  nous 
pourrions  citer,  nous  commençons  à  voir  la  date  d'ap- 
parition des  protorgarnismes  dans  les  liquides  putrescibles 
servir  à  mesurer  la  valeur  des  antiseptiques.  Le  docteur 
O'Nial  qui  a  fait  ses  expériences  à  Dublin  et  à  l'école  de 
Netley  en  1811,  a  pris  pour  base  d'appréciation  une  sub- 
stance toujours  identique  à  elle-même  ;  il  a  dû  éliminer  la 
matière  d'égout,  qui  semblait  avantageuse  au  premier 
abord,  mais  qui  ne  peut  être  retrouvée  à  tout  moment  de 
composition  identique.  Il  a  alors  composé  un  liquide  ob- 
tenu par  l'infusion  d'une  quantité  bien  déterminée  de  bœuf 
très  frais  dans  de  l'eau  distillée;  le  liquide  refroidi  était 
filtré,  parfaitement  dégraissé,  parce  que  la  graisse  s'accu- 
mule inégalement  dans  le  mélange  et  dans  les  liquides  de 
composition  différente.  Une  quantité- précise  de  ce  liquide 
filtré  était  évaporée,  pesée,  incinérée,  puis  pesée  de  nou- 
veau, afin  de  doser  exactement  la  proportion  de  matière 
organique  qu'elle  contenait.  La  solution  initiale  était  très 
concentrée,  de  manière  à  pouvoir  être  facilement  étendue 
dans  de  l'eau  distillée  ;  de  la  sorte  on  pouvait  toujours  avoir 
des  solutions  plus  ou  moins  étendues,  contenant  50  centi- 
grammes de  matières  organiques  pour  100  grammes  d'eau. 

On  pesait  alors  une  quantité  de  l'agent  antiseptique, 
on  le  diluait  dans  un  volume  déterminé  d"eau  distillée 
filtrée,  et  capable  de  faire  avec  la  solution  de  bœuf  primi- 
tive un  mélange  contenant  les  proportions  de  matières  or- 
ganiques indiquées  au  tableau,  soit  1  partie  de  l'agent  anti- 
septique  pour    1    à   50    parties  de  matières  organiques. 

Quand  l'agent  désinfectant  n'était  pas  suffisamment  so- 
luble  dans  l'eau,  les  quantités  étaient  pesées  séparément, 
réduites  en  pâte  avec  quelques  gouttes  d'eau  distillée,  et 

(1)   O'Nial,    The    relative    poiver  of  some   reputed  antiseptic  agents. 
[Army  médical  Report  for  1871  ;  London,  1872,  p.  202.) 


EXPÉRIENCRS  SLR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE.      97 

mêlées  avec  rinfusion  de  bœuf.  On  conservait  comme  point 
de  comparaison  un  bocal  rempli  simplement  d'infusion  de 
bœuf,  sans  addition  d'aucun  désinfectant  et  placé  à  l'abri 
du  soleil  dans  un  lieu  bien  ventilé.  La  température  a  varié 
entrelesmaxima-h  15°  et  +  28°  centigrades,  et  les  minima 
+  5"  à-H  12°  centigrades.  Le  contenu  de  chaque  verre  était 
chaque  jour  examiné  au  microscope,  et  les  résultats  étaient 
inscrits  aux  tableaux  précédents. 

Des  expériences   préliminaires    furent   faites   avec  les 
agents  suivants  : 

1.  Thymol.  9.  Chloralum. 

2.  Zylol.  10.  Chlorure  d'aluminium. 

3.  Chlorure  de  chaux.  11.  Chlorure  de  zinc. 

4.  Chlorate  de  soude.  12.  Permanganate  de  potasse, 
.5.   Chlorate  de  potasse.  13.   Sulfate  do  cuivre. 

6.  Sulfate  de  zinc.  14.  Bisulfite  de  soude. 

7.  Chlorure  de  magnésium.  lo.  Acide  phéniquc. 

8.  Bisulfite  de  chaux.  '  16.  Bichromate  de  potasse. 

Le  résultat  de  ces  expériences  fît  voir  que  les  huit  pre-" 
miers  agents  n'ont  que  peu  ou  pas  de  pouvoir  désinfec- 
tant, et  l'on  cessa  dès  lors  de  s'en  occuper.  On  avait  essayé 
tout  d'abord  le  thymol  et  le  zylol,  parce  qu'à  cette  époque 
on  expérimentait  leur  action  à  l'intérieur,  dans  la  variole 
qui  sévissait  alors  à  Dublin,  comme  contrôle  de  tentatives 
faites  en  Allemagne.  Ces  deux  agents  furent  trouvés  sans 
aucune  valeur  pratique.  Le  tableau  ci-dessous  indique  le 
rang  attribué  par  M,  O'Nial  aux  substances  qu'il  a  étudiées. 

Les  agents  qui  méritent  véritablement  le  nom  d'antisep- 
tiques sont  en  effet  ceux  qui  empêchent  le  développement 
des  germes  microscopiques,  des  ferments,  des  microbes. 
Nous  nous  garderons  bien  de  discuter  ici  la  théorie  à  la- 
quelle M.  Pasteur  a  attaché  son  nom  ;  nous  ne  discuterons 
pas  la  question  de  savoir  si  la  présence  de  protorganismes 
spéciaux  est  la  condition  sine  quâ  non,  absolue,  de  toute 
fermentation  quelle  qu'elle  soit.  11  nous  suffit  de  savoir 
Vallin.  —  Désinfectants.  7 


'J8 


ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 


Expériences  de  O'Nial  sur  la 


Pr01>ORT10.-V   de  l'agent  A.MISEPTIQUE  :  ANTISEP.    —   i 

PUOI'ORTIOA-  DE  LA  MATIERE  ORGA.MQIE  DESSÉCHÉE  .   MAT.  ORG.  =  1 


IN  OMS 

des 

Ai\TISEPÏlt>rES. 


(Miloi'aliim 

(Chlorure  (r;il(imiiuiiiu 

C.lilorurc  (le  zinc 

Pcrmaiigaiiale  de  potasse  .... 

Sulfate  tic  eiiivri' 

Bisulfite  (le  soude 

Acide  carbf^lifiue  de  Caivert  ii"  'i 
Bichromate  de  potasse  (1).   .   .   . 


ANIMAL- 

CILES 


ANTISEP.  =  1 
MAT.  ORG.  =  2 


ANIMAL- 

CULES 

.-^. 

^ 

■T. 

a. 

c 

cï 

ra 

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— 

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-2<y 

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i 

31 

2 

(j 

■2 

S 

"2 

» 

2 

S 

-2 

» 

2 

" 

ANTJSEP.  =  1 
MAT.  ORG.  =  i 


AMMAL- 

CILES 

_ 

-f 

c 

:z^ 

— 

c 

o 

ce' 

cï 

f 

■a 

— 

— 

-20 

5"^ 

"2 

12 

"2 

4 

-2 

8 

2 

l(j 

2 

-4 

2 

» 

"2 

» 

(1)  Avec  des  proportions  plus  faibles  de  bichromate  (1  p.  00  et  même,  p.  120  de  matière  organique 
sèche),  mcîoie  absence  de  signes  de  décomposition,  pendant  21  jours.  —  Avec  la  proportion  1 :  150,  on 
voit  apparaître  le  11"  jour  une  grande  abondance  d'animalcules,  le  21«  jour  une  k^gèrc  odeur,  et  le  21"  jour 
U  n'y  avait  pas  encore  d'odeur  vraiment  dcisagrcablc. 


EXI'ÉUIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE. 


99 


valeur  comparée  des  antiseptiques. 


AiNTlSEP.  ^  1 
MAT.  OKG.  =  8 


A.MMAI,- 

cri.r.s 


ANTISEI».  =   1 
MAT.  OKG.  =  12 


A^OIAI, 
Cl  LES 


A>'TISK1\  =   1 
MAT.  OKG.  =  10 


A>IMAI, 

CL'I.F.S 


AMTISEP.  =   1 
MAT.011G.  =  20 


ANIMAL- 
CULES 


ANTISEP.  =  1 
MAT.  OKG.  =30 


AMMAL 
CLLES 


liifusioiidcbaHif, 
coiitenaiil 

05'-,Oy-2i);irlOIJ"'. 
aliandoiuico 
à  elle-mcmo. 


AMMAL- 
CLLES 


a"     8" 


0 

1-2 

0 

21 

G 

2,3 

9 

» 

5 

M 

11 

la 

i 

12 

5 

S 

-i 

11 

i 

12 

0 

11 

G 

V4 

0 

\-4 

100  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

qu'en  empêchant  l'accès,  ou  en  détruisant  la  vie  de  ces  mi- 
crobes, on  prévient  et  on  arrête  le  travail  de  décomposi- 
tion qui  se  produit  dans  tout  liquide  ou  tissu  organique. 

Nous  avons  là  un  critérium  excellent  pour  apprécier  la 
valeur  des  antiseptiques  ;  depuis  quelques  années,  l'expé- 
rimentation s'est  faite  sur  une  large  échelle,  il  n'est  pas 
douteux  que  nos  connaissances  sur  la  valeur  de  ces 
agents  ne  soient  devenues  plus  rigoureuses  et  plus  complè- 
tes. Toutefois  il  ne  faut  pas  s'exagérer  outre  mesure  la 
valeur  à  accorder  à  de  telles  expériences.  On  ne  peut  plus 
douter  que  les  espèces  de  bactéries  varient  singulièrement 
entre  elles  ;  malgré  l'identité  souvent  parfaite  de  leurs  ca- 
ractères morphologiques,  certaines  bactéries  ont  des  pro- 
priétés, une  résistance  aux  agents  extérieurs,  une  toxicité 
très  différentes.  A  peine  a-t-on  commencé  à  apporter 
un  peu  de  lumière  dans  cette  classification,  où  les  appel- 
lations se  multiplient  à  l'infini.  Il  se  pourrait  donc  très 
bien  qu'un  agent  réputé  antiseptique  détruisît  la  plupart 
des  protorganismes  d'une  innocuité  parfaite,  et  restât 
inefficace  contre  tel  autre  qui  est  réellement  pathogène, 
capable  d'engendrer  des  maladies. 

MM.  Gosselin  et  A.  Bergeron  (1)  se  sont  placés,  eux  aussi, 
dans  leurs  séries  d'expérimentation,  au  point  de  vue  de 
la  pratique  chirurgicale  pour  juger  la  valeur  relative  des 
agents  antiseptiques.  Ils  ont  étudié  le  retard  que  les  agents 
apportent  à  la  putréfaction,  caractérisée  par  l'apparition 
de  vibrions  et  de  bactéries.  Un  gramme  de  sang  frais  ou 
de  sérum  était  placé  dans  chaque  tube,  dans  l'un,  sans 
aucune  addition,  dans  les  autres  avec  six  gouttes  d'un 
des  antiseptiques  suivants.  Les  résultats  sont  rendus  plus 
frappants  par  le  tableau  ci-dessous. 

(1)  Gosselin  el,  A.  Bergeron,  Études  sur  les  effets  et  le  mode  d'action  des 
substances  employées  dans  les  pansements  antiseptiques.  (Comptes  rendus 
de  l'Académie  des  sciences,  29  novembre  1879.)  —  Recherches  sur  la  valeur 
antiseptique  de  certaines  substances  et  en  particulier  de  la  solution  alcoo- 
ique  de  gaultheria.  (Archives  générales  de  médecine, ianyier  1881,  p.  16.) 


FAPÉRIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE. 

Expériences  de  MM.  Gosselin  et  A.  Bergernn . 


101 


Sang  ou  sérum  pur. 

—  -|-  6  gouttes  d'acide  pliénique  au  lOO 

—  -\-  6  gouttes  d'acide  pliénique  au  50» 

—  +  6  gouttes  d'eau-de-vie  camphrée. 

—  +  6  gouttes  d'alcool  à  SG"" 

—  +  6  gouttes  d'alcool  camphré.  .   .    . 

—  +  6  gouttes  d'acide  phénique  au  20'^ 


DEBUT  DE  LA  PUTREFACT10>i 


SAiNG. 


3«  à  4»  jour 
¥  à  ^à"  » 
5=  à  6°  « 
6"  à  7"  » 
T-'  à  8=^  » 
""  à  8"      » 


i"  jour 
8e      » 
•10"      » 
l-i"      » 
ÎN'ulle  trace 
de  putréfaction 


après  le  24=  jour)    au  SO"^  jour. 


MM.  Gosselin  et  Bergeron  ont  tenu  à  reproduire  ri- 
goureusement les  conditions  matérielles  du  pansement  de 
Lister.  Ils  ont  versé  dans  différentes  ampoules  une 
couche  de  sang  de  même  épaisseur;  l'une  de  ces  am- 
poules était  recouverte  d'une  simple  tarlatane  sèche  ;  les 
autres  étaient  recouvertes  de  tarlatane  humectée  de  solu- 
tion phéniquée  ou  d'alcool  ;  la  putréfaction  suivit  exacte- 
ment la  même  marche  que  dans  la  seconde  colonne  du 
tableau.  Enfin,  ils  soumirent  chaque  matin,  sous  une 
cloche,  pendant  quinze  minutes,  des  ampoules  contenant 
20  grammes  de  sang  frais  à  des  pulvérisations  soit  avec 
l'alcool  à  86",  soit  avec  la  solution  phéniquée  au  20*. 
Dans  le  premier  cas,  la  putréfaction  ne  s'est  montrée  que 
le  9^  jour  :  avec  l'acide  phénique,  il  n'y  en  avait  encore 
aucune  trace  au  30°  jour. 

Dans  un  travail  plus  récent,  les  mêmes  auteurs  ont 
continué  leur  expérimentation  sur  les  solutions  de  chloral, 
de  sulfate  de  zinc,  de  tannin,  sur  le  baume  du  comman- 
deur, la  teinture  d'iode,  les  solutions  alcooliques  d'essence 
de  gaulthéria  ou  de  -winter-green.  Nous  analyserons  leurs 
résultats  à  l'occasion  de  chacun  de  ces  agents  en  parti- 
culier. 

L'un  des  premiers  auteurs  qui  ait  étudié  d'une  façon 


102  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

complète,  méthodique,  rigoureuse,  l'action  des  substan- 
ces réputées  antiseptiques  sur  les  protorganismes  dans 
les  liquides  au  contact  de  l'air,  Biicholtz  (1) ,  avait  déjà 
pressenti  que  l'identité  morphologique  des  bactéries  n'im- 
pliquait nullement  l'identité  physiologique  ;  il  avait  soup- 
çonné que  les  antiseptiques  agissent  plus  ou  moins  éner- 
giquement  sur  les  bactéries,  selon  le  liquide  où  on  les  a 
cultivées.  P.  Kûhn,  Th.  Haberkorn  (2),  dans  deux  disser- 
tations inaugurales  soutenues  la  même  année  à  Dorpat, 
contrôlèrent  ces  assertions  encore  hypothétiques  et  les 
confirmèrent  pleinement.  Bucholtz  avait  fait  toutes  ses 
expériences  sur  les  antiseptiques  dans  un  liquide  presque 
identique  à  celui  de  Pasteur,  et  auquel  il  a  donné  son 
propre  nom  : 

Sucre  candi 10  grammes. 

Tartrate  d'ammoniaque   ....  1        — 

Phosphate  de  chaux Os"",  50 

Eau  distillée "  100  cent,  cubes. 

Kiihn  (3)  opéra  sur  des  infusions  de  pois,  de  blanc 
d'œuf,  de  seigle  ergoté;  Haberkorn  fit  surtout  agir  les  anti- 
septiques sur  les  bactéries  nées  et  développées  dans  l'urine 
alcaline.  Les  tableaux  dressés  par  ces  auteurs  montrent 
qu'il  faut  des  doses  notablement  différentes  d'un  même 
antiseptique,  pour  détruire  les  bactéries  nées  dans  ces 
divers  liquides  de  culture. 

Dans  un  mémoire  tout  récent  (4),  le  D''  Nicolaï  Jalan 


(1)  Leonid  Bucholiz  Antisepfica  und  Bakterien; —  Untersiichungemiber 
der  Temperatur  auf  Bakterien-Veç/etation.  {Archiv  fïir  experimenteUe Pa- 
tholog.,  18"o.  T. IV,  p.  1-81,  el  p.  159-168.)  —  Uber  das  Yerhalten  von  Bak- 
terien zu  einingen  Antiseptica  ;  Dissertation  inaugurale.  Dorpat,    1876. 

(2)  Th.  Haberkorn,  Das  Yerhalten  von  Harn-baklerien  gegen  einige  An- 
tiseptica. Dorpat,  1879. 

(3)  P.  Kûhn,  Ein  Beitrag  ziir  Biologie  der  Bakterien.  laaug. -Dissert. 
Dorpat,  1879. 

(4)  D"  Nicolaï  Jalan  de  lu  Croix,  Das  Yerhalten  der  Bakterien  das  Fleis- 
chivassers  gegen  einige  Antiseptica.  {Archiv  fur  experimenteUe  Patho- 
logie, 20  janvier  1881,  T.  XIII,  p.  175  à  253  ) 


EXPÉRIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE.      103 

de  la  Croix  vient  de  re})rendre  ces  expériences  sous  la 
direction  du  professeur  Dragendorff,  à  l'institut  anatomo- 
patliologique  de  Dorpat  (1).  Nous  ne  pouvons  mieux  faire 
que  de  lui  emprunter,  en  en  changeant  un  peu  la  dis- 
positron, les  tableaux  comparatifs  qu'il  a  dressés  à  l'aide 
des  résultat  obtenus  par  les  auteurs  précédemment  cités. 
Les  résultats  de  ces  recherches  peuvent  être  exprimés  par 
les  trois  propositions  suivantes  : 

1°  Les  bactéries  nées  dans  des  liquides  différents  n'ont 
pas  la  même  résistance  à  un  même  antiseptique. 

2o  Les  bactéries  résistent  mieux  à  l'action  des  antisep- 
tiques dans  leur  milieu  d'origine,  que  dans  un  liquide  de 
culture  différent. 

3°  Il  en  est  de  même  pour  les  corpuscules-germes  ;  ces 
spores  presque  invisibles  ou  germes  sont  plus  difficile- 
ment stérilisés  dans  le  liquide  d'origine  des  bactéries  qui 
les  ont  produits,  que  dans  le  liquide  de  transplantation  où 
ces  bactéries  adultes  ont  été  détruites  par  les  antisepti- 
ques. 

Les  tableaux  qui  vont  suivre  aideront  sans  doute  à  l'in- 
telligence et  à  la  démonstration  de  ces  propositions. 

Le  tableau  I  montre  à  quel  point  la  différence  du  liquide 
de  culture  fait  varier  la  résistance  des  bactéries.  Tandis 
qu'une  solution  d'acide  phénique  à  1  p.  500  arrête  le  déve- 
loppement des  bactéries  nées  dans  une  infusion  de  graines 
de  tabac,  il  faut  une  solution  phéniquée  à  1  p.  100  pour 
déti^uire  les  bactéries  nées  dans  l'infusion  de  pois  ou  de 
blanc  d'œuf. 

Les  bactéries,  disions-nous,  résistent  mieux  à  l'action 
des  a7itiseptiques  dans  leur  milieu  originel  ([ue  dans  un 


[\)  M.  le  Dr  Zœller  a  bien  voulu,  sur  notre  demande  ,  faire  de  ce 
mémoire  un  résumé  que  nous  a  singulièrement  facilité  la  lecture  de  l'im- 
portant, mai-:  très  long  (80  pages),  travail  de  Jalan  de  la  Croix  ;  nous 
prions  notre  jeune  et  distingué  collègue  de  recevoir  ici  tous  nos  remer- 
ciements 


104 


ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 


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«o    o   o    o 

30     O    "î"     o 


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KXPÉKIKNCRS  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE.  105 

liquide  de  eulture  différent.  Si  l'on  expérimente,  par 
exemple,  sur  des  bactéries  nées  dans  l'infusion  de  tabac, 
il  faudra  peut-être  ajouter  un  gramme  de  désinfectant  à 
une  infusion  de  tabac  où  l'on  aura  porté  ces  bactéries, 
pour  les  détruire  et  en  arrêter  le  développement,    tandis 

TABLEAU  II. 


Sublimé 

Thymol 

Benzoate  de  soiule. 

Créosote 

Carvol 

Aride  pliénique    .   . 


Les  bactéries 

nées 

dans  l'infusion  de  tabar 

et  cultivées  dans  le  liquide 

de  liuclioltz 

additionne  des 

proportions  suivantes 

de  désinfectant. 


sont 
détruites. 


-20,000 
2,000? 
2,000 
1,000 
1,000 
500 


4,000? 

2,119 

i,-2oO 

2,000? 

1,000 


Les    bactéries 

nées 

dans  l'urine  alcaline  et 

cultivées 

dans  l'urine  additionnée  des 

proportions 
suivantes  de  désinfectant, 


sont 
détruites. 


1  :  25,000 
1  :  3,000 


27,300 
3,230 
873 
300 
360 
100 


que  30  centigrammes  du  même  antiseptique  suffiront  pour 
détruire  ces  mêmes  bactéries  du  tabac  transportées  dans 
le  liquide  de  culture  de  Pasteur. 

Le  tableau  II  démontre  cette  différence,  et  sans  doute 
aussi  la  résistance  plus  grande  des  bactéries  nées  dans 
l'urine  alcaline,  que  des  bactéries  nées  dans  l'infusion  de 
tabac. 

3"  De  même,  iU  est  plus  difficile  de  stériliser  les  cor- 
piiscules-germes  ou  spores  dans  le  milieu  d'origine  des 


106  ANTISEPTIQUES  EN  GENERAL. 

bactéries,  que  dans   un  liquide  de  culture  différent  de 
celui  où  ces  bactéries  sont  nées. 

On  fait  naître  des  bactéries  dans  une  infusion  de  tabac; 
en  ajoutant  à  cette  infusion  de  tabac  un  gramme,  par 
exemple,  d'un  désinfectant,  les  bactéries  adultes  périssent 
ou  du  moins  cessent  de  se  développer  ;  mais  les  corpus- 
cules-germes dans  lesquels  elle  se  résolvent  ont  une  résis- 


TABLEAU  III. 

Résistance  variable  des  corpuscules-germes  aux  antiseptiques, 
dans  leur  milieu  d'origine  et  dans  le  liquide  de  traiisplantatimi. 


DOSES  D'AiNTISEPÏIQUE  NÉCESSAIRES 

POUR     DÉTRUIRE     SANS    RETOUR 

LA     VITALITE 

des 

des 

des 

corpuscules-sermes 

corpuscules -germes 

corpuscules -germes 

des  bactéries 

des    bactéries 

des  bactéries 

nées  dans  l'infusion 

nées  dans  le  jus 

nées  dans  la  présure 

de  tabac, 

do  viande 

de  lait 

et  transplantées 

et  transportées 

et  transportées 

dans  le 

dans 

dans 

liquide  de  Pasteur. 

le  jus  de  viande. 

le  petit  lait. 

Chlore 

1  :  27,777 

1  :  431 

1  :    4-46 

Iode 

5,71  i 

/ilO 

1000 

Brome 

3,33.3 

336 

348 

Acide  sulfureux   . 

6615 

190 

156 

Acide  benzoïque  . 

250 

121 

156 

Thymol 

200 

20 

50 

Acide  salicylique . 

362 

Plus  de  1  :   35 

200 

Alcool 

4,5 

Plus  de  1  :  1,18 

1,5 

tance  beaucoup  plus  grande  que  les  bactéries  adultes,  et 
une  goutte  de  cette  infusion  de  tabac,  dans  laquelle  l'ad- 
dition d'un  antiseptique  vient  de  suspendre  toute  mani- 
festation de  vie,  peut  servir  à  ensemencer  une  infusion  de 


IvM'KHlEN'CES   SL'R    LEUIl   VALEHK    CUMl'AKÉH.  107 

tal)a('  fi'aiclKmiont  prrpai'éeà  l'abri  de  l'air.  Pour  ompêchor 
cet  ensemencement,  pour  stériliser  les  germes,  ce  n'est 
plus  un  gramme,  c'est  i)eut-ètre  deux  grammes  d'antisep- 
tique qu'il  aurait  fallu  ajouter  à  l'infusion  de  tabac  oi^i  re- 
muait tout  à  l'heure  une  légion  de  bactéries  ;  au  contraire 
un  gramme  du  même  désinfectant  ajouté  au  liquide  de 
Pasteur  dans  lequel  on  a  porté  ces  bactéries  de  tabac, 
pourra  détruire,  stériliser  les  mêmes  germes,  et  rendre 
impossible  l'ensemencement  d'une  infusion  fraîche  de 
tabac  avec  quelques  gouttes  du  liquide  de  Pasteur  désin- 
fecté. Il  se  produit  donc  une  sorte  d'accoutumance,  de  to- 
lérance des  germes  dont  nous  aurons  à  montrer  plus  d'un 
exemple  (acide  phénique,  acide  salicylique),  et  qui  rend 
parfois  fort  difficile  la  destruction  complète  et  définitive 
de  toute  végétation  parasitaire.  C'est  ce  que  montre  le 
tableau  III. 

La  démonstration  est  peut-être  plus  frappante  encore 
dans  le  tableau  suivant  (tableau  IV)  emprunté  à  Jalan  de 
la  Croix,  oi^i  l'on  peut  comparer  Faction  d'un  seul  et  même 
antiseptique,  le  sublimé,  sur  des  bactéries  d'origine  diffé- 
rente. 

Ainsi  donc  nous  voyons  : 

I.  Que  pour  tuer  des  bactéries  nées  dans  une  infusion 
de  blanc  d' œuf  et  transportées  dans  une  infusion  de  blanc 
d'œuf  où  l'on  verse  une  certaine  quantité  de  sublimé,  il 
faut  une  dose  de  sublimé  plus  forte  que  pour  tuer  les 
mêmes  bactéries  transportées  dans  le  liquide  de  Bucholtz. 
La  vitalité  des  bactéries  est  donc  plus  forte  et  plus  persis- 
tante dans  leur  milieu  d'origine. 

IL  Pour  détruire  la  vitalité,  non  plus  des  bactéries,  mais 
des  spores  des  bactéries  nées  dans  l'infusion  de  blanc 
d'œuf,  il  faut  ajouter  au  liquide  de  culture  une  dose  de 
1  p.  2,673  de  subhmé,  quand  ce  liquide  de  culture  est 
une  infusion  de  blanc  d'œuf,  tandis  qu'il  suffit  d'une  dose 
trois  ou  quatre   fois  moindre   de  sublimé,  1  p.  20,2S0, 


108  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

quand  le  liquide  de  culture  est  autre  que  celui  où  elles 
sont  nées  (tableau  V).  Ces  distinctions  sont  un  peu  sub- 
tiles, et  il  est  difficile  de  les  exprimer  en  une  formule  con- 
cise; elles  sont  cependant  très  nettes,  et  elles  montrent 
combien  le  problème  est  complexe. 

Les  auteurs  que  nous  venons  de  citer  ont  opéré  sur  des 
bactéries  d'origine  si  différente,  et  transportées  dans  des 
liquides  si  variés,  qu'il  est  difficile  d'en  tirer  des  conclu- 
sions pratiques  sur  la  valeur  réelle  de  chaque  antisepti- 
que :  on  le  voit  par  les  tableaux  qui  précèdent,  les  séries 
sont  à  chaque  instant  interrompues  pour  un  même  agent 


TABLEAU  IV. 

Montrant  l'influence  du  milieu  d'ongitie  et  du  milieu  de  trans- 
formation sur  la  résistance:  1°  des  bactéries^  9.°  de\  leurs  spores, 
à  un  même  agent  désinfectant  {sublimé),  d'après  Jalan  de  la 
Croix. 


NATURE 


du 


liquide  de  transplantation. 


Liquide  d'origine.  . 
Liquide  de  Buclioitz 


On  transplante 

dans 

un  liquide  contenant  du 

sublimé 

des   bactéries  nées    dans 

rinfusion 

de  blanc  d'œuf. 


Elles 

sont  détruites 

par 


1  :  16,910 
1  :  (>2,7âO 


Elles 
résistent   à 


1  :  23,250 
1  :  83,583 


La  faculté 

de 

reproduction  des  spores 

nées  dans  l'infusion 

de  blanc  d'œuf,  et  soumises 

à  l'action 

du    sublimé 


est  conservée 
par 


est  détruite 

par 

1 

:    6,275 

1 

:  20,250 

1  :  10,025 
1  :  22,977 


désinfectant.  Jalan  de  la  Croix  a  entrepris  de  recommencer 
ces  recherches  pour  tous  les  antiseptiques ,  en  opérant 
toujours  dans  les  mêmes  conditions.  Il  a  consigné  les 
conclusions  de  cet   énorme  travail   dans  le  tableau    VI, 


EXPERIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPAREE.  109 

TABLEAU  V 

Indiquant  la  résistance  différente  des  bactéries  et  de  leurs  spores. 


Chlore   iiazoux 

Iode  métallique  .   .   .   . 

Brome 

Acide  sulfureux  .  .  .  . 
Sublimé  corrosif.  .  .  . 
Benzoate  de  soude.   .   . 

Thymol 

Acide  bcnzoique.   .   .   . 

Créosote 

Acide  salicyliquc.   .   .   . 

Eucalyptol 

Acide  phéuique.  .  .  .  . 
Salicylate  de  soude.  .  . 
Acide  sulfurique.  .   .   . 

Acide  borique 

Sulfate  de  cuivre.  .  .  . 
Acide  chlorhydrique  .  . 
Chlorhydrate  de  quiuiiie. 

Sulfate  de  zinc 

Alcool 


Les   bactéries    vivantes, 

en 

plein  développement, 

nées 

dans  l'infusion  de  graines 

de  tabac, 

puis  transportées 

dans  le  liquide  de  culture 

de  Bucholtz-Pasteur, 

additionné 

des  proportions  suivantes 

de  désinfectant, 


1  sur  "20,000 

—  2,000 

—  2,000  ? 

—  1,000 

—  1,000? 

—  932 

—  666 

—  .     500 

—  217 

—  132 

—  133 

—  133 

—  75 

—  30 

—  50 
Isur        50? 


1  sur 


—  1 

—  1 

—  1 

—  1 


,119 
,000 
,250 
,000? 
,863 
,000 
,000 
.133 
202 
200 
200 
100 
63 
67 
31? 


Doses  ([ui  stérilisent 

sans  retour 

les  germes  des   bactéries 

du  tabac, 

transportées  dans  le  liquide 

de  Buchollz, 


stérilisent 


Isur  27,777 

—  5,7Ii 

—  3,333 

—  666 


—  200 

—  230 

—  100 

—  362 


—         161 


1  sur         1,5 


ne  stérilisent 
pas 


1  sur  33,333 

—  6,il0 

—  5,000 

—  1,104 


-  1,000 

-  340 

-  200 . 
675 

-  50? 

-  208 


1  sur       4,78 


110 


ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL 


TABLEAU 


ANTISEPTIQUE  : 

(Proiiorliuiis  calciilùes  eu  poids  du 
coi'iis  tliimiquciiient  pur) 


Sublimé 

Chlore 

Chlorure  de  chaux  (à  'JiC>  de 
Acide  suH'ureux'.    .... 

Acide  sull'uriquc 

Brome 

loilc  luétalliquc 

Acétate   d'alumiue.   .   .   . 
Esscuce  de  moutarde  .  . 

Acide  beuzoïijue 

Borosalicylate  de  soude  . 

Acide  picrique 

Thymol 

Acide  salicyliquc  .... 
llyperraanganale  de  polas 

Acide  phénique 

Chlorol'oriue 

Borate  de  soude 

Alcool 

Eucalyptol . 


Dose  en  poids 

qui  empêche 

le  développement.. 

dans  du  boulllou 

neuf, 

des  bactéries 

qui 

y  sont  directement 

portées  par 
quelques  gouttes 

de 
bouillon  infecté 


oinpi'clic 


-25250 

30208 

M 135 

GiiS 

5734 

(J308 

5020 

i26S 

3353 

2HG' 

28G0 

2005 

13  in 

1003 

1001 

6(50 

90 

62 

21 

11 


n'cmpî'tlio 
pas 


50250 
3"/0i9 
13092 
8515 
8020 
78iï 
668'/ 
5'i35 
57  3 'i 
1020 

3041 

2229 

112 

r.33 

1002 

1)2 

77 

35 

20 


B 

Dose  qui  stérilise 

les  germes 

des   bactéries 

directement 

portées  dans  le 

bouillon 


Jie 

itérilise 

pas 


10250 
4911 

188 
■135 
205 
769 

59 
220 

50 
303 
706 
109 
3 13 
100 

22 


12750 
G82i 

G-;8 

223 

306 

1912 

2r  10 

80 

306 

77 

394 

841 

212 

454 

150 

42 

0,8 

14 

8 

2.0 


II. 


Dose  qui  tue  '' 

les  bactéries  déjii 

eu  plein 

développement  • 

dans 

le  bouillon 


5805 

22768 

3720 

2009 

2020 

2550 

1518 

427 

591 

ilO 

72 

1001 

109 

60 

150 

22 

112 

18 

.1,4 

116 


tue  pas} 


C500 

30208 

4iGU 

498^. 

3353 

4050 

2010: 

835! 

820- 

510 

110 

1Ï33 

212 

78 

200 

42 

134 

69 

6 

205 


EXPÉRIENCES  SLIU   LEUR  VALEUR  COMPARÉE. 

111 

II. 

^ 

III. 

î 

n 



B 

V 

A 

! 

■  se  qui   stérilise 

li's  germes 
ics  bactéries 

ainsi 
immobilisées 

Dose  (|iii  oiiipèciic 

le 

développement 

spontané 

(les  bactéries 

dans 

le  jus  de  viande 

cuit 

abandonné 

à    l'air    libre 

Dose  qui  stérilise 

les  (jermes 

des    bactéries 

développées 

s  1»  0  n  t  a  n  é  m  e  n  t 

dans 

le  bouillon  cuit 

Dose  qui  empêche 

le 

développement 

spontané 

des  bactéries 

dans 

le  jus  de  viande 

cru 

abandonné 

à   l'air   libre 

Dose  qui  stérilise 

les  germes 

des   bactéries 

développées 

spontanément 

dans 

le  jus  de  viande 

cru 

jrilisc 

ne 

stérilise 

pas 

cnipi'fhc 

n'eiiipùchc 
pas 

stérilise 

ne 

stérilise 
pas 

empêche 

n'empêche 
pas 

stérilise 

ne 

stérilise 

pas 

1-i.jnii 

1  :    ôL'jO 

1  :  10250 

1  :  12750 

1  :    C500 

1  :  10250 

1  :    7168 

1  :     8358 

1  :    2525 

1  :     3358 

431 

1  :      460 

i  :  2SS31 

1  :  31589 

1  :    1008 

1  :     1021 

1  :  15606 

1  :  23182 

1  :    1061 

1  :     1304 

170 

1  :      258 

t  :    3148 

1  :     «10 

1  :      109 

1  :      134 

1  :      286 

1  :       519 

1  :      153 

1  :      286 

190 

1  :      2-73 

1  :    Solo 

1  :  126i9 

1  ;      325 

1  :       422 

1  :  12649 

1  :  16182 

1  :      135 

1  :      223 

116 

1  :      205 

1  :    5731 

1  :     8020 

1  :     306 

1  :       420 

1  :    3353 

1  '■    5134 

1  :        72 

1  :       116 

336 

1  :       550 

1  :  13931 

1  :  20315 

1  :      493 

1  :      603 

l      5597 

1  :    8315 

1  :      875 

1  :      336 

410 

1  :      510 

1  :  10020 

i  :  20020 

1  :      510 

1  :       124 

1  :    2010 

1  :    2861 

1  :      813 

1  :      919 

64 

1  :        92 

l  :    1268 

1  :     4118 

1  :      937 

1  :     1244 

1  :    6310 

1  :    1535 

1  :       478 

1  :       584 

28 

1  :       'ii.i 

1  .    3353 

1  :     5134 

1  :      77? 

1  :    108? 

1  :    3353 

1  :    153'j 

1  :      40? 

1  :       00? 

121 

1  :      210 

1  :    2877 

1  :     4020 

1:        50 

1  :        11 

1  :    1439 

1  :   2010 

1  :        77 

1  :       121 

30 

1  :         50 

1  :    1313 

1  :     1694 

1  :        35 

1  :        50 

1  :    2860 

1  :    3111 

1  :        35 

1  :         50 

150 

1  :      200 

i  :    2005 

1  :     3041 

1  :      200 

1  :      300 

1  :    2005 

1  :    3041 

1  :      100 

1  :      111 

20 

1  :        36 

1  :    1340 

1  :     2229 

1  :      109 

1  :      212 

1  :    134C 

•1  :    2229 

1;        20 

1  :        36 

3) 

1  :        35 

1  :    3003 

I  :     6004 

1  :      003 

1  :    1003 

1  :    1121 

1  :     1617 

1  :      343 

1  :      450 

;      150 

1  :      200 

1  :    2005 

1  :    3041 

1  :      101 

1  :       150 

1  :      300 

1  :      403 

1  :        35 

1  :        50 

,   2,66 

l:           '. 

l  :       102 

1  :       Ô02 

1  :        22 

1  :         42 

1  :      502 

1  :      069 

» 

1  :        10 

3) 

l  :      0,8 

» 

» 

» 

» 

1  :      103 

1  :      134 

» 

1  :     1   22 

» 

l  :        12 

1  :        30 

1  :         43 

» 

1  :         1'] 

1        107 

1  :      ICI 

» 

1           31 

» 

1  :    1,18 

1  :        11 

1  :         21 

1  :     1,77 

1  :    2,03 

1  :        21 

1  :        30 

» 

1        1,42 

» 

l  :    5,G3 

J  :        20 

1  :        29 

1  :        14 

1  :      205 

1  :      308 

^ 

1  :         30 

112  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

dont  la  lecture  est  assurément  difficile,  mais  qui  est  un 
véritable  répertoire  à  consulter  pour  apprécier  le  mérite 
des  divers  agents  antiseptiques.  Nous  croyons  devoir 
exposer  le  procédé  suivi  par  l'auteur  ;  c'est  le  moyen  de 
bien  faire  comprendre  la  signification  des  résultats  indiqués 
dans   chaque  colonne  du  tableau. 

Toutes  les  expériences  ont  été  faites  avec  le  même  liquide 
de  culture,  le  bouillon  ou  jus  de  viande,  qui  a  tant  d'analo- 
gie avec  le  liquide  des  tissus  vivants,  et  dont  Pasteur  a 
démontré  récemment  la  supériorité  pour  la  plupart  des 
cultures  artificielles.  Jalan  de  la  Croix  racle  de  la  viande 
maigre  avec  des  fragments  de  verre  ;  il  mêle  un  gramme 
de  cette  pulpe  à  40  centimètres  cubes  d'eau  distillée.  Ce 
mélange  légèrement  acide  est  employé  tantôt  d'emblée  sans 
ébuUition  {bouillon  cru),  tantôt  après  ébullition  pendant 
une  demi  heure  (boinllon  cuit).  Ces  bouillons  se  peuplent 
facilement  de  bactériÊS  par  l'exposition  à  l'air,  tandis  que 
cet  ensemencement  spontané  s'obtient  difficilement  dans 
le  liquide  de  Bucholtz-Pasteur.  D'autres  fois,  il  ensemence 
directement  le  bouillon  de  viande  en  y  portant  quelques 
gouttes  d'un  bouillon  infecté  déjà  de  bactéries  en  plein  dé- 
veloppement ;  nous  allons  voir  que  la  résistance  des  bacté- 
ries n'est  pas  la  même,  quand  elles  se  sont  développées 
spontanément  par  les  germes  contenus  dans  l'air,  ou  quand 
elles  résultent  d'une  transplantation  directe. 

Nous  indiquons  ici  la  signification  des  4  séries  de  ré- 
sultats qui  figurent   au  tableau  VI  : 

I.  Dose  minimum  de  substance  antiseptique  capable 
d'empêcher  du  bouillon  ou  jus  de  viande  vierge,  de  se 
remplir  de  bactéries,  quand  on  l'ensemence  avec  deux 
gouttes  de  bouillon  chargé  de  bactéries  bien  développées. 

II.  Dose  nécessaire  pour  tuer  ou  immobiliser  dans  du 
bouillon  les  bactéries  qui  y  sont  très  vivantes  et  en  plein 
développement. 

in.  Dose  nécessaire   pour  empêcher  le  développement 


EXPERIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPAREE.      Itâ 

quasi-spontané  dans  du  bouillon  cuit,  des  germes  de  bac- 
téries contenus  dans  l'air. 

IV.  Dose  nécessaire  pour  empêcher  le  même  dévelop- 
pement spontané  dans  du  bouillon  cru. 

Chaque  série  de  résultats  se  compose  de  deux  parties 
désignées  par  les  lettres  A  et  B  :  A  indique  la  dose  qui  tue 
les  bactéries  proprement  dites,  ou  les  empêche  de  conti- 
nuer à  se  développer,  quand  on  les  transporte  dans  un  li- 
quide nouveau  qu'on  veut  infecter,  B  indique  la  dose  qui 
a  détruit  la  vitalité  des  spores  persistantes,  des  corpuscu- 
les-germes, en  lesquels  se  résout  d'ordinaire  une  bactérie 
qui  disparaît. 

L'on  sait  quelle  est  la  résistance  aux  agents  extérieurs, 
mécaniques  et  chimiques,  de  ces  corpuscules-germes  dont 
Tyndall(l)  et  M.  Pasteur  ont  montré  le  rôle  ei  l'importance. 
Il  importe  peu  que  la  bactérie  soit  détruite,  si  elle  laisse 
derrière  elle  une  graine,  un  germe  capable  de  la  repro- 
duire. La  petitesse  de  ces  germes  est  telle,  que  les  plus 
forts  grossissements  sont  souvent  incapables  d'en  démon-r 
trer  la  présence  ;  la  réalité  de  leur  existence  n'est  démon- 
trée que  par  le  succès  ou  l'insuccès  de  l'inoculation  du 
liquide  qui  les  contient,  suivant  que  ce  liquide  en  a  été 
ou  non  complètement  débarrassé  par  la  filtration  pneu- 
matique à  travers  un  disque  de  plâtre. 

M.  Pasteur  a  montré  que  certaines  de  ces  spores,  surtout 
quand  elles  sont  desséchées,  résistent  à  l'ébullition,  à  la 
putréfaction,  à  l'action  d'acides  énergiques,  etc.  Pour  s'as 
surer  que  leur  vitalité  n'était  pas  définitivement  éteinte, 
Jàlan  de  la  Croix,  comme  Bucholtz  et  Kiihn,  portait  dans 
le  hquide  de  culture  le  plus  favorable  et  le  mieux  appro- 
prié, une  goutte  du  liquide  où  les  bactéries  qu'on  venait 


(1)  Tyndall,  Further  researchcs  on  the  deportment  and  vital  résistance 
of  putrefactive  and  infective  germs,  from  a  pfujsical  point  of  view. 
(Philosophical  Transactions  of  the  R>yal  Society.—  Vol. 167  th.  p.  149  à 
206.) 

Valli.n.  —  Désinfectants.  8 


114  ANTISEPTIQUES  EN  GÉNÉRAL. 

de  détruire  par  une  dose  d'antiseptique  avaient  dû  laisser 
leurs  germes  ;  le  succès  de  cet  ensemencement  était  la  meil- 
leure preuve  que  la  semence  n'avait  pas  cessé  de  vivre. 

Les  tableaux  qui  précédent  montrent  de  la  façon  la  plus 
nette  que  jwur  détruire  sans  retour  la  vitalité,  ou  pour 
mieux  dire,  la  reproductibilité,  la  reviviscence  des  spores, 
il  faut  des  doses  d'agent  antiseptique  bien  plus  fortes  que 
pour  détruire  les  mouvements  et  arrêter  le  développement 
des  bactéries.  Les  doses  efficaces  les  plus  faibles  sont  celles 
qui  empêchent  du  bouillon  frais  de  se  peupler  de  bactéries^ 
quand  on  y  verse  quelques  gouttes  de  bouillon  contenant 
déjà  des  bactéries  en  plein  développement.  La  dose  doit  être- 
déjà  un  peu  plus  forte  pour  empêcher,  dans  du  bouillon 
frais,  le  développement  spontané  de  bactéries  par  les  ger- 
mes que  l'air  peut  contenir. 

Les  spores  provenant  des  bactéries  développées  sponta- 
nément dans  le  bouillon  abandonné  à  l'air,  sont  plus  faci- 
lement détruites  que  les  spores  provenant  de  bactéries  du 
bouillon,  transportées  volontairement  dans  un  liquide  sem- 
blable où  plus  tard  on  a  ajouté  une  dose  d'antiseptique. 
Nous  retrouvons  là  ce  fait  d'accoutumance  des  bactéries 
et  de  leurs  spores  au  milieu  dans  lequel  elles  sont  nées  ; 
nous  aurons  l'occasion  de  citer  plus  loin  ces  faits  remar- 
quables, étudiés  en  ces  dernières  années  dans  les  solutions 
phéniquées  et  salicylées;  ils  montrent  qu'en  augmentant 
progressivement  la  dose  d'acide  phénique  dans  un  liquide 
chargé  de  bactéries,  on  arrive  à  faire  vivre  ces  dernières 
dans  une  dilution  qui  ferait  instantanément  périr  les 
bactéries,  et  peut-être  leurs  germes,  si  on  les  y  portait 
d'emblée,  sans  cette  espèce  d'acclimatement  lentement 
ménagé. 

Au  point  de  vue  de  l'hygiène,  c'est-à-dire  de  la  pratique,, 
on  ne  peut  entrer  dans  toutes  ces  distinctions  :  il  faut 
avant  tout  assurer  le  succès  ;  il  est  donc  nécessaire  d'adop- 
ter en  général  pour  chaque  substance  antiseptique  la  dose 


BICHLORURE  DE  'MERCURE.  <il5 

maximum,  celle  qui,  même  dans  les  eonditions  les  plus 
défavorables,  donne  toute  garantie  contre  les  chances  de 
déco  mposition  et  contre  le  développement  de  protorga- 
nismes.  C'est  la  dernière  colonne  du  'tableau  précédent 
qu'il  faut  surtout  retenir;  c'est  elle  que  nous  viserons 
quaadnous  chercherons  à  déterminer  la  valeur  relative  des 
divers  agents  antiseptiques.  Nous  allons  voir  que  nous 
n'acceptons  pas,  sans  réserve,  les  résultat&  inscrits  dans 
ce  tableau. 

ART.  III.  —  DES  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Sublimé  corrosif  ou  bichlorure  de  mercure.  —  Une 
partie  de  ce  sel  se  dissout,  à  la  température  ordinaire, 
dans  15  parties  d'eau  ;  il  est  très  soluble  dans  l'alcool, 
dans  les  solutions  d'acides  sulfurique,  chlorhydrique,  nitri- 
que, qui  ne  le  décomposent  pas  ;  au  contraire  l'ammoniaque 
le  précipite  immédiatement  (précipité  blanc).  C'est  un  anti- 
septique très  puissant.  Malheureusement,  il  est  très  toxique  ; 
une  dose  de  5  centigrammes  par  jour  produit  déjà  des  aie- 
cidents  d'empoisonnement.  Depuis  Chaussier,  il  est  i'^im 
emploi  répandu  pour  conserver  les  cadavres,  les  prépara- 
tions anatomiques,  les  herbiers,  les  bois  de  construction,  et 
d'ébénisterie,  etc.  C'est  un  parasiticide  énergique,  on  l'em- 
ploie journellement  contre  les  maladies  parasitaires  du  cuir 
chevelu,  de  la  peau  et  même  contre  les  helminthes. 

On  pourrait  dire  que  c'est  l'antiseptique  par  excellence,  si 
sa  toxicité  ne  limitait  pas  singulièrement  ses  applicatioxis 
pratiques  ;  il  détruit  rapidement  la  vie  de  tous  les  organis- 
mes vivants,  et  ses  solutions,  même  très  diluées,  se  peu- 
plent difficilement  de  ces  algues  microscopiques  dont  il  est 
si  malaisé  de  préserver  les  médicaments  liquides  :.  Bill- 
roth,  Bucholtz,  Haberkorn,  Kûhn,  dans  fes  travaux  que 
nous  avons  déjà  cités,  ont  démontré  par  des  expérieBces 
très    rigoureuses  la  valeur  antiseptique  du  suablimé.. 


116  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Wernitz  (1)  a  étudié  l'action  du  sublimé  sur  les  ferments 
non  figurés,  la  pancréatine,  la  ptyaline,  le  levain  de  la  bière, 
etc.  Les  solutions  à  1  p.  13,000  et  même  à  1  p.  65,000 
empêchent  l'action  de  la  pancréatine  et  de  la  ptyaline  ;  il 
faut  des  doses  concentrées,  celles  de  1  p.  1,166  et  même  de 
1  p.  120,  pour  détruire  l'action  de  la  pepsine  et  de  la  pré- 
sure. Les  observateurs  qui  précèdent  ont  presque  toujours 
vu  des  dilutions  à  1  p.  20,000  amener  la  destruction  de  tou- 
tes les  bactéries  en  plein  développement  dans  le  liquide,  et 
cette  faible  dose  n'est  pas  incompatible  avec  l'emploi  hygié- 
nique d'un  agent  réputé  justement  toxique.  Voici  le  détail 
précis  des  conclusions  de  Jalan  de  la  Croix,  qui  diffèrent 
en  somme  assez  peu  de  celles  des  autres  observateurs. 

Pour  empêcher  la  pullulation  des  bactéries  dans  du  bouil- 
lon où  l'on  a  versé  quelques  gouttes  de  bouillon  rempli  de 
bactéries,  il  faut  dans  le  premier  liquide,  une  dose  de  sublimé 
égale  à  1  p.  25,000,  et  le  retour  des  germes  à  la  vie  n'est 
empêché  que  par  la  dose  de  1  p.  12,750.  Les  bactéries, 
en  pleine  culture  dans  du  bouillon,  sont  détruites  par  la 
dose  de  1  p.  6,500,  et  la  vitalité  des  germes  contenus 
dans  ce  bouillon  n'est  définitivement  anéantie  que  par  la 
dose  de  1  p.  1,250.  Dans  du  bouillon  cuit,  il  faut  une 
dose  de  1  p.  12,  150,  et  dans  le  bouillon  cru  une  dose  de 
1  p.  1,168  pour  empêcher  le  développement  de  bactéries 
par  l'exposition  à  l'air  Ubre.  La  reproductibilité des  germes 
est  détruite  dans  le  bouillon  cuit  par  la  dose  de  1  p.  6,500, 
tandis  que  les  germes  du  bouillon  cru  ne  sont  définitive- 
ment stérilisés  que  parla  dose  de  1  p.  2,525:  c'est  donc 
cette  dernière  dose  qu'il  faudrait  considérer  comme  néces- 
saire pour  désinfecter  sûrement  un  liquide  suspect. 

C'est  bien  plus  à  titre  d'antivirulent  qu'à  titre  d'antisep- 
tique, que  M.  Davaine  (2)  a  montré  récemment  l'efficacité 

(1)  Iwan  Wernitz,  Ueber  die  Wirkung  der  Antiseplica  auf  ungeformte 
Ferme.nte;ln-diUg.  Dissert.  Dorpal  1880. 

(2)  Davaine,  Recherches  sur  le  traitement    des  maladies  charbonneuses 
chez  l'homme.  (Bulletin  de  VAcad.  de  Méd.,  17  juillet  1880,  p.  557. 


BICHLORURE  DE  MERCURE.  117 

du  bichlorure  de  mercure  dans  la  pustule  maligne.  M.  Da- 
vaine  a  dû  descendre  jusqu'à  la  dilution  extrême  de  1  p. 
160,000  c'est-à-dire  de  un  gramme  de  sublimé  dans  160  li- 
tres d'eau,  pour  trouver  la  dose  qui  ne  détruit  pas  la  viru- 
lence de  la  sérosité  charbonneuse  ;  avec  la  dose  de  1  p. 
150,000,  le  virus  n'est  déjà  plus  inoculable;  l'iode  métalli- 
que seul  conserve  contre  le  virus  charbonneux  son  action 
neutralisante  à  une  dose  aussi  faible.  Dans  toutes  les  expé- 
riences, la  durée  du  contact  du  sang  charbonneux  avec  la 
solution  de  sublimé  avait  été  de  une  heure  environ.  A  des 
doses  aussi  faibles,  il  est  impossible  d'invoquer  l'action 
caustique  de  l'agent  ;  les  médecins  de  la  Beauce  font  fré- 
quemment usage  de  la  solution  de  bichlorure  de  mercure 
contre  la  pustule  maligne  ;  ils  incisent  les  parties  œdéma- 
tiées,  et  appliquent  sur  la  plaie  la  solution  mercurique. 
En  présence  de  tels  résultats,  on  est  en  droit  de  se  demander 
avec  M.  Davaine,  si  l'on  ne  peut  pas  expliquer  dorénavant 
l'action  antisyphilitique  de  la  liqueur  de  Van-Swiéten. 

Adoptant  toujours  le  principe  de  retenir  de  préférence  le 
chiffre  qui  assure  la  préservation  dans  les  circonstances 
les  plus  défavorables,  nous  voyons  que  la  dose  de]l  p.  2,500, 
c'est  à-dire  de  un  gramme  de  sublimé  pour  2  litres  et  demi 
du  mélange  total,  est  relativement  assez  faible.  La  liqueur 
de  Van -Swieten  (1  p.  1000),  dont  l'usage  est  journalier, 
suffit  en  somme  pour  tous  les  cas  où  l'emploi  du  sublimé 
comme  antiseptique  n'aurait  pas  de  contre-indication;  c'est 
une  ressource  précieuse  pour  le  pansement  accidentel  et  peu 
prolongé  de  certaines  plaies  sanieuses  de  peu  d'étendue. 

Le  sublimé  ne  peut,  évidemment  et  dans  aucun  cas,  être 
utilisé  pour  la  conservation  des  substances  alimentaires  ; 
on  ne  peut  songer  à  l'injecter,  sous  forme  de  liquide  de 
lavage,  dans  les  vastes  cavités  contenant  des  liquides 
putrides  ;  mais  son  utilité  est  merveilleuse  pour  la  conser- 
vation des  cadavres  et  des  pièces  anatomiques.  Il  faut  tou- 
tefois tenir  compte  des  décompositions  qui  se  produisent  si 


118  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

facilement  dans  les-  solutions  de  sublimé,  par  les  composés 
ammoniacaux  et  les  bases  alcalines. 

Chlore.: — Le  chlore  détruit  bien  plus  les  mauvaises  odeurs 
qu'il  n'en  prévient  le  développement  ;  c'est  un  désinfectant, 
un  antivirulent  plutôt  qu'un  antiseptique.  Cependant  il  paraît 
a^ir  très  efficacement  pour  détruire  les  protorganismes  qui 
vivent  dans  un  liq^ide^  ou  pour  empêcher  la  puUulation, 
dans  un  milieu  de  culture  approprié,  des  bactéries  qu'on  y 
transporte  directement  ou  que  l'air  y  amène. 

Les  résultats  obtenus  par  Jalan  de  la  Croix  dépassent 
ceux  que  nous  aurions  pu  espérer,  et  placent  le  chlore 
immédiatement  après  le  sublimé  parmi  les  agents  qui  sont 
mortels  pour  les  protorganismes.  Toute  culture  dans  le 
bouillon  est  empêchée  par  une  dilution  à  1  p.  30,208,  c'est- 
à-dire  que  dans  da  bouillon  contenant  un  gramme  de 
chlore  gazeux  dilué  dans^  30  litres  d'eau,  il  n'est  pas  pos- 
sible de  faire  développer  des  bactéries  portées  directement 
ayec  quelques  gouttes  d'un  bouillon  de  culture.  Le 
méiiPft  effet  est  obtenu'  par  l'hypochlorite  de  chaux  à  la 
dose  de  1  p.  U.,13S.  La  dose  de  1  p.  22,768  tue  les  bac- 
téries en  plein  développement  dans  le  bouillon;  celle  de 
1  pu  22,800  empêche  le  développement  spontané  de  bacté- 
ri-es  dans^  le  bouillan  cuit  laissé  à  l'air  libre,  et  celle  de 
1  p.  iSi,606.  dans  le  bouillon  cru  placé  dans  les  mêmes  con- 
ditions. Avec  l'hypochlorite  de  chaux,  il  faut  des  doses  plus 
fortes^  soit  1  p.  3,120à  1  p.  3,148,  et,  fait  étrange  !  1  p.  286 
pour  empêcher  le  développement  spontané  des  bactéries 
dans  le  bouillon  cj'm. 

Pour  détruire  les  germes,  il  faut  des  doses  beaucoup 
plus  fortes,  qui  varient  entre  1  p.  431  et  1  p.  4,911  pour 
le  chlone,  et  de  1  p.  100  à  1  p.  500  pour  le  chlorure  de 
chaux.  Ces  résultats  sont  très  favorables  et  nous  surpren- 
nent un  peu  ;  il  nous  semble  indispensable  de  soumettre  à 
un  n<Mjveau  contrôle  les  expériences  d'ailleurs  très  expli- 


CHLORE  119 

cites  de  M.  Jalan  de  la  Croix,  car  nous  verrons  que  l'action 
antivirulente  du  chlore  est  relativement  restreinte,  et 
qu'elle  est  notablement  inférieure  à  ce  que  feraient  pré- 
sumer les  chiffres  rapportés  ^ci-dessus.  Nous  renvoyons 
d'ailleurs  pour  toute  cette  question  au  chapitre  Antiviru- 
lents . 

Le  D--  Mehlhausen  (i),  médecin  général  et  directeur  de 
l'hôpital  de  la  Charité  à  Berlin,  fut  chargé,  comme  membre 
de  la  Commission  allemande  du  choléra,  de  faire  des  expé- 
riences sur  la  valeur  des  divers  désinfectants.  Il  a  expéri- 
menté surtout  l'action  du  chlore. 

Exp.  1.  Dans  une  chambre  de  31  mètres  cubes,  n'ayant 
qu'une  fenêtre  fermant  assez  mal,  on  obture  les  fissures  delà 
fenêtre  et  de  la  porte  en  y  clouant  des  bandes  de  feutre  ;  on 
place  dans  la  chambre  :  un  cobaye,  un  certain  nombre  de 
mouches  et  de  guêpes  dans  des  poches  en  gaze,  des  puces 
dans  un  long  cylindre  de  verre  qu'on  laisse  ouvert,  des 
vers  de  la  farine,  de  gros  vers  de  viande  putréfiée,  enfin 
deux  grands  verres  de  montre  avec  de  l'eau  dans  laquelle 
grouillent  des  espèces  nombreuses  d'infusoires,  l'anguil- 
lule  fluviatile,  des  rotifères. 

On  y  porte  ensuite,  dans  une  terrine  de  terre,  740  grammes 
(20  grammes  par  mètre  cube)  de  chlorure  de  chaux,  avec 
un  peu  d'eau,  puis  on  y  versé  1,100  grammes  d'acide 
ehlorhydrique  ;  on  mélange  avec  un  bâton  de  bois,  et  quand 
le  dégagement  du  gaz  est  très  actif,  on  ferme  avec  soin  les 
issues.  Au  bout  d'une  demi-heure,  on  sentait  une  forte  odeur 
de  chlore  dans  le  corridor.  Au  bout  de  9  heures,  on  ouvre  la 
chambre,  après  avoir  d'abord  ventilé  f  antichambre.  Tous 
les  animaux  étaient  encore  vivants  ;  les  mouches  seules 
paraissaient  mortes,  mais  elles  n'étaient  qu'étourdies,  car 
le  lendemain  elles  volaient  parfaitement.  L'eau  des  verres 
de  montre  qui  avait,  avant  l'expérience,  une  réaction  neutre, 

(1)  D--  Mehlhausen,  Versuche  nber  Désinfection  gesclilossener  Ràume, 
(Bericht  der  Cholera-Kommission,  1879.  6^  H.,  p.  335.) 


120  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

avait  maintenant  une  réaction  acide  ;  quelques  gouttes  de 
nitrate  d'argent  y  produisent  un  abondant  précipité  de 
chlorure;  tous  les  parasites  sont  inanimés.  Les  740  gram- 
mes de  chlorure  de  chaux  avaient  fourni  185  grammes, 
soit  59,617  centimètres  cubes  de  gaz  chlore,  soit  encore 
/  litreôlS  centimètres  cubes  de  gaz  chlore  par  mètre  cube 
d'espace, mais  il  n'est  pas  douteux  que  le  chlorure  de  chaux 
n'avait  pas  dégagé  tout  le  chlore  qu'il  contenait;  enfin, 
une  certaine  quantité  de  gaz  s'était  échappée  par  les  fissures 
(le  la  porte  et  de  la  fenêtre.  La  quantité  de  chlorure  de 
chaux  et  d'acide  dépensés  avait  coûté  environ  63  centimes. 

Exp.  2.  Mêmes  conditions  que  dans  la  première.  Aux 
animaux  indiqués  ci-dessus,  on  ajoute  des  punaises  ;  on 
remplace  l'eau  putréfiée  par  de  l'urine  en  fermentation  et 
remplie  de  bactéries.  La  dose  de  chlorure  est  doublée  :  40 
grammes  par  mètre  cube  ;  il  a  dû  se  dégager  350  grammes, 
soit  119,534  centimètres  cubes  de  gaz  chlore,  ou  3  lit.  225 
cent,  par  mètre  cube. 

Au  bout  de  8  heures,  on  ouvre  la  chambre  ;  la  quantité 
de  gaz  est  telle,  qu'elle  provoque  la  toux.  Le  cobaye  est 
mort  ;  les  mouches,  les  puces,  les  punaises  sont  mortes 
aussi  ;  les  autres  animaux  de  l'expérience  précédente  ont 
cette  fois  encore  résisté.  Dans  l'urine,  devenue  acide,  les 
bactéries  et  les  spirilles  ont  conservé  leurs  mouvements. 
La  dépense  a  été  environ  de  1  fr.  20  c. 

L'on  pouvait  reprocher  à  ces  expériences  que  le  dégage- 
ment du  chlore  ne  s'était  pas  fait  complètement,  parce  que 
Von  ne  pouvait  remuer  incessamment  le  mélange,  ce  qui 
est  une  condition  indispensable  pour  le  dégagement 
continu  du  gaz.  Le  D'  Mehlhausen  employa  alors  un  autre 
procédé. 

Exp.  3.  On  mêle  parties  égales  de  sel  marin  et  de 
peroxyde  de  manganèse,  avecdeux  parties  d' acide sulfurique 
étendues  dans  une  partie  d'eau,  et  l'on  chauffe.  Ce  dernier 
détail  serait  très  difficile  dans  la  pratique  commune  de 


CHLORE.  121 

la  désinfection.  Pour  une  chambre  de  3T  mètres  cubes,  on 
a  donc  employé  : 

,jOO  gv.  de  peroxyde  lie  manganèse.        33,6  ccnlimcs. 
.jOO  gr.  de  chlorure    de    sodium.    .         12,5        — 
1,000  gr.  d'aride  sulfurique  pur.    .         37.5        — 

83,t)        — 

Soit  2,2  centimes  par  mètre  cube. 

On  avait  placé  dans  la  chambre  de  l'urine  remplie  d'ani- 
malcules et  de  bactéries,  desselles  dysentériques  infectes  et 
contenant  beaucoup  de  bactéries  ;  les  liquides  étaient  dans 
des  vases  très  plats.  Au  bout  de  20  heures,  on  ouvrit  la 
chambre.  Celle-ci  ne  sentait  que  faiblement  le  chlore.  Quel- 
ques animalcules  étaient  seulement  engourdis,  mais  rede- 
vinrent très  actifs  à  l'air  libre.  Les  liquides  étaient  très 
acides.  L'urine  n'avait  qu'incomplètement  perdu  son  odeur 
fétide. 

Exp.  4.  Le  D^  Melhausen  a  fait  une  dernière  expérience 
dans  une  chambre  de  48  mètres  cubes.  Dans  un  ballon  de  ver- 
re, il  a  mis  600  grammes  de  bichromate  de  potasse,  3  kilo- 
grammes d'acide  chlorhydrique  pur,  d'une  densité  de  1,16; 
en  chauffant,  on  fit  dégager  405  grammes  ou  130,650  centi- 
mètres cubes  de  chlore  gazeux  ;  il  y  avait  donc  2  Ut.  7^22  cen- 
timètres cubes  de  chlore  par  mètre  cube.  L'expérience 
montra  que  cette  proportion  est  suffisante  pour  tuer  tous 
les  animalcules,  les  puces,  les  vers,  les  bactéries,  les  vi- 
brions. Ce  procédé  opératoire  est  d'ailleurs  long,  coûteux,. 
très  difficilement  praticable  ;  il  coûterait  près  de  4  centi- 
mes (3  c.  15)  par  mètre  cube  de  l'espace  à  désinfecter. 

En  résumé,  les  fumigations  de  chlore  sont  assez  peu 
avantageuses  et  bien  inférieures  à  celles  d'acide  sulfu- 
reux. Le  dégagement  du  chlore  se  fait  incomplètement  quand 
on  ne  remue  pas  incessamment,  ou  qu'on  ne  continue  paS- 
à  chauffer  le  mélange  ;  or,  ces  opérations  sont  tout  à  fait 
impossibles  dans  la  pratique  ordinaire  de  la  désinfection. 


a-22  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

La  facilité  du  soufrage,  au  contraire,  est  un  avantage 
précieux,  qui  s'ajoute  à  son  efficacité,  en  même  temps  que 
la  dépense  est  4  ou  5  fois  moindre  (9  millimes  au  lieu  de 
•3  c.  75  par  m.  c). 

Jeannel  cite  un  fait  qui  tendrait  à  prouver  que  le 
-chlore  gazeux,  au  moins  aux  doses  faibles,  engourdit  les 
.germes  et  microphytes,  qu'il  suspend  leur  activité  et  leurs 
mouvements,  mais  sans  détruire  définitivement  leur  vita- 
lité. A  la  suite  d'une  discussion  avec  Devergie  {Union  mé- 
dicale, 28  septembre  1871)  et  pour  prouver  que  le  chlore 
n'avait  qu'une  action  limitée,  il  prépara  un  mélange  d'eau 
et  de  vibrions  sur  une  plaque  de  microscope,  et  l'exposa  à 
des  vapeurs  de  chlore  ;  les  vibrions  restèrent  bientôt  immo- 
biles ;  mais  si,  peu  après,  il  exposait  la  plaque  à  des  vapeurs 
ammoniacales  pour  neutraliser  le  chlore,  puis  gardait  les 
bactéries  sous  une  cloche  et  dans  un  verre  de  montre  plein 
d'eau-,  il  voyait  reparaître  peu  à  peu  les  mouvements  des 
bactéries  et  des  vibrions. 

Les  expériences  de  Sternberg  (1),  à  Washington,  con- 
cernant l'action  du  chlore  sur  les  infusoires  et  les  protorga- 
nisraes,  montrent  que  la  résistance  de  ces  derniers  est  assez 
grande.  Dans  une  chambre  à  expériences  cubant  10  htres, 
on  plaçait  28  grammes  de  chlorure  de  chaux;  ce  n'est  qu'au 
bout  de  une  heure  et  demie  qu'on  voyait  cesser  les  mouve- 
ments des  bactéries  contenues  dans  une  goutte  d'infusion  de 
viande  putréfiée,  alors  que  le  verre  de  montre  contenant  ce 
liquide  était  directement  exposé  aux  vapeurs  de  chlore. 
Sternberg  ne  considérait  les  mouvements  comme  définiti- 
vement arrêtés  que  lorsque,  au  bout  d'une  heure  d'exposi- 
tion à  l'air  libre,  ils  n'avaient  pas  reparu. 

Nous  ne  croyons  pas  utile  d'insister  à  cette  place  sur 
l'action  des  chlorures  et  des  hypochlorites,  dont  il  sera 
parlé    au   chapitre  des   neutralisants.  Nous  devons  ce- 

(1)  Sternberg,  loco  citato,  p.  219. 


CHLORURE  DE  ZINC.  123 

pendant  une  mention  à    quelques   composés   du  chlore, 
dont  l'action  est  particulièrement  antiseptique. 

Chlorure  de  sodium  ou  sel  marin.  —  Le  chlorure  de  so- 
dium ou  sel  marin  ne  peut  être  complètement  passé  sous 
silence  ;  ses  solutions,  sous  forme  de  saumure,  servent 
à  conserver  journellement  les  viandes,  le  beurre,  etc. 
Les  salaisons  entrent  pour  une  part  importante  dans 
notre  alimentation,  surtout  à  la  campagne,  sur  les  navires 
•et  dans  les  armées  en  expédition.  Le  sel  ne  conserve  les 
viandes  qu'en  les  dépouillant  d'une  partie  de  leurs  sucs  ; 
la  saumure  devient  parfois  le  siège  de  décompositions 
organiques,  encore  mal  connues  (ptomaïnes  ?)  ou  de  pro- 
torganismes  parasites,  et  M.  Goubaux  amontré  qu'elle 
pouvait  dans  certains  cas  acquérir  un  haut  degré  de  toxi- 
cité. C'est  assez  dire  que  le  sel  marin  est  un  antiseptique 
'dont  l'emploi  hygiénique  est  limité. 

Pringle,  dans  son  Traité  sur  les  substances  septiques  et 
mitiseptiques,  a  trouvé  au  sel  marin  une  vertu  antisepti- 
que si  faible,  qu'il  l'a  considéré  comme  le  n"  1  de  l'é- 
chelle des  corps  expérimentés.  Il  va  même  plus  loin,  et 
dans  une  autre  partie  de  son  livre  (expérience  XXV),  il 
prouve  que  le  sel  marin  a  la  propriété  de  hâter  la  putré- 
faction :  à  la  dose  de  10,  lo  et  même  20  grains,  pour 
2  gros  de  viande  de  bœuf  et  2  onces  d'eau  maintenus 
à  38°  C,  le  sel  amollit,  dissout  la  viande,  et  par  une 
vertu  septique,  en  favorise  la  digestion  !  Il  cite  d'autres 
auteurs  qui  ont  admis  la  nature  «  putréfiante  i>  du  sel  marin! 

Chlorure  de  zixg.  —  Il  en  est  autrement  du  chlorure  de 
zinc  qui,  non  seulement  est  absorbant,  désodorant,  comme 
tous  les  sels  métalliques,  mais  encore  jouit  de  propriétés 
antiseptiques  très  sérieuses  ;  peut-être  même  devrait-on 
le  ranger  à  un  bon  rang  dans  la  classe  des  neutralisants. 
C'est  donc  un  agent  dont  l'étude  mérite  une  attention  particu- 
lière. Il  est  inutile  de  rappeler  que  c'est  un  sel  caustique, 


124  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

déliquescent  ;  il  est  connu  des  hygiénistes  anglais  et  alle- 
mands sous  le  nom  de  liqueur  de  Burnett.  Cette  liqueur 
n'est  guère  que  le  sel  à  l'état  déliquescent. 

Parkes  dit  (p.  400,  édit.  1878)  que  dans  chaque  drachme 
fluide  de  liqueur  de  Burnett  (le  drachme  troy,  dont  il 
s'agit,  pèse  3='",S5)  il  y  a  25  grains  de  chlorure  de  zinc 
(soit  ls'-,62)',  soit  environ  46  pour  cent  du  poids  total.  Le 
Codex  français  et  X  Officine  deDorvault  donnent  la  formule 
suivante  de  la  liqueur  de  Burnett  d'après  la  pharma- 
copée anglaise  : 

Chlorure  de  zinc  fondu 100  parties. 

Eau  distillée 200      — 

On  ajoute  à  l'eau  distillée  environ  3  parties  d'acide  chlorhydrique  con- 
centré, pour  dissoudre  l'oxyde  de  zinc  que  contient  toujours  en  excès  le 
chlorure  anhydre  fondu.  Go  liquide  marque  1,33  au  densimètre  (16°  de 
Beaumé). 

En  face  de  ces  divergences  et  de  celles  que  l'on  trouve 
dans  les  livres  allemands,  nous  avons  demandé  des  ren- 
seignements précisa  notre  ami,  M.  le  D'"  de  F.  Chaumont, 
professeur  d'hygiène  et  de  chimie  appliquée,  à  l'École'mili- 
taire  de  Netley,  et  nous  extrayons  de  sa  lettre  les  passages 
suivants  : 

«  Notre  Phannacopeia  reconnaît  une  solution  de  chlorure  de  zinc 
de  366  grains  par  once,  soit  à  82  pour  cent  ;  en  voici  la  formule 
d'après  la  formule  de  l'ancien  Codex  du  collège  de  Dublin  : 

Eau  et  acide  chlorhydrique,  de  chaque  1  litre  134  c.  c;  mêlez  et 
ajoutez  peu  à  peu  à  4S4  grammes  de  feuilles  de  zinc  dans  une  cap- 
sule en  porcelaine.  Chauffez  jusqu'à  dissolution  du  métal.  Filtrez  et 
ajoutez  28»'",3o  de  chaux  chlorurée  (chlorinaled  lime).  Réduisez  le 
tout  à  2  pintes  (le  texte  dit  par  erreur  1  pinte).  Refroidissez,  mêlez 
avec  une  once  de  craie  préparée,  secouez  de  temps  en  temps  pendant 
24  heures.  Enfin  filtrez  et  conservez  dans  une  bouteille  bien  bouchée. 
La  densité  est  de  1,593. 

Le  Codex  de  DubUn  ajoute  :  Le  fluide  de  Burnett  a  une  densité  de 
2,000. 

Cette  formule,  ajoute  M.  de  Chaumont,  donne  exactement  366  grains 
par  once,  soit  82  pour  100,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut.  Cependant 
la  densité  ne  répond  guère  aux  chiffres  de  Kremers,  selon  qui  une 


CHLORURE  DE  ZINC.  125 

densité  de  1,5330  répond  à  92,4  de  chlorure  pour  100,  soit  404  grains 
par  once. 

J'ai  trouvé  dans  notre  laboratoire  un  échantillon  de  Burnett's  fluid, 
dont  mon  ami  M.  Notter  s'est  servi  pour  ses  expériences.  La  densité 
en  est  de  l,o302,  et  M.  Notler  me  dit  qu'il  a  trouvé  par  l'analyse 
300  grains  de  clilorure  par  once,  soit  09  pour  100.  Sur  la  bouteille 
se  trouvent  les  indications  suivantes: 

Pour  purifier  les  chambres  do  malades, 
les  salles  d'hôpital,  les  workhouses, 
les  prisons,  les   fabriques,  les  salles 

do   typhiques,   les   lieux  encombrés,  J>    1  p.  de  Fluid  pour  100  d'eau, 
lesenlre-ponls  et  les  cales  de  navires, 
pour  enlever  la  mauvaise  odeur  des 
tables  de  nuit 

Pour  désinfecter  les  égouts  et  les  latrines,  1  p.  de  Fluid  pour  200  d'eau. 

Ce  sont  là  peut-être  les  chiffres  dont  W.  Roth  s'est  servi. 

L'on  trouve  en  outre  dans  la  Toxicology  de  Woodman  et  Tidy  : 
«  La  solution  de  Burnett  varie  de  force,  de  20o  à  230  grains  par  once, 
soit  47  à  53  pour  100.  » 

Vous  savez  que  le  «  Burnett's  fluid  »  était  primitivement  breveté  ; 
le  brevet  est  maintenant  déchu,  et  je  ne  crois  pas  qu'on  en  ait  publié 
textuellement  la  formule.  » 


On  voit  d'après  ces  longs  détails,  que  l'on  ne  sait  pas 
encore  exactement,  même  en  Angleterre,  quelle  est  la  com- 
position du  liquide  de  [Burnett.  Les  anglais  emploient  en 
définitive  une  dilution  étendue  de  Burnett's  ftuid  représen- 
tant 1  gramme  de  chlorure  de  zinc  cristallisé  pour  50  gram- 
mes d'eau  quand  il  s'agit  de  désinfecter  les  salles  de  mala- 
des, et  une  dilution  à  1  gramme  pour  100,  quand  il  faut 
désinfecter  les  égouts  et  les  latrines.  Ce  n'est  là  qu'une 
indication  sommaire,  car  on  ne  dit  pas  en  quelle  quantité 
ce  mélange  est  nécessaire  pour  désinfecter  par  exemple  un 
litre  ou  un  hectolitre  d'eau  d'égout. 

Il  serait  vraiment  désirable  qu'on  renonçât  à  ces  déno- 
minations de  convention,  et  qu'on  adoptât  une  désigna- 
tion unique.  Pour  les  usages  ordinaires  de  l'hygiène  et  de 
la  désinfection,  il  est  impossible  d'avoir  ce  sel  à  l'état  sec 
et  cristallin;  comme  la  quantité  d'eau  hygrométrique  vaine. 


Ï26  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

on  ne  sait  jamais  exactement  quelle  quantité  de  sel  on- 
emploie.  On  comprend  donc  la  faveur  qu'a  dans  le  public- 
anglais  la  liqueur  de  Burnett,  qui  contient  la  moitié  de 
son  poids  d'eau.  Il  vaudrait  peut-être  mieux  adopter  une 
solution-mère  au  10^,  exactement  titrée,  et  que  dans  tous 
les  pays  on  appellerait  la  solution  décime  de  chlorure  de 
zinc.  Par  le  fait,  c'est  ce  qui  existe  en  Angleterre,  où  dans 
le  commerce  et  l'industrie,  on  vend  un  liquide  qui  contient 
2  parties  de  liqueur  de  Burnett  pour  8  parties  d'eau; 
ce  n'est  pas  autre  chose  qu'une  solution  décime  ;  cette- 
dernière  dénomination  aurait  l'avantage  d'être  comprise 
de  tout  le  monde. 

On  trouve  depuis  quelques  années  dans  le  commerce 
de  Paris  un  liquide  désinfectant,  vendu  sous  le  nom  d'eau 
de  Saint-Luc,  qui  n'est  pas  autre  chose  qu'une  dissolution 
très  concentrée  de  chlorure  et  de  sulfate  de  zinc  impur ,  pro- 
venant sans  doute  d'un  résidu  d'usines  de  produits  chimi- 
ques. Nous  avons  prié  un  de  nos  collègues,  agrégé  de  chi- 
mie au  Val-de-Grâce,  de  bien  vouloir  en  faire  l'analyse 
quantitative.  Il  y  a  trouvé,  outre  le  chlorure  de  zinc,  une 
petite  proportion  d'oxyde  de  fer,  d'acide  sulfurique ,  de 
matières  organiques,  parfois  de  l'acide  pyrohgneux.  Ce  li- 
quide neutre  ou  faiblement  acide  marque  1,613  ou  16°,7 
au  densimètre  de  Baume;  l'analyse  chimique  contrôlée  par 
divers  procédés  y  a  révélé  la  proportion  énorme  de  77  de 
chlorure  de  zinc  sur  100  parties  du  liquide.  C'est  donc  une 
solution  caustique  qui  ne  doit  être  employée  qu'étendue 
d'une  grande  quantité  d'eau.  Il  ne  faut  pas  oublier,  en 
effet,  que  le  chlorure  de  zinc,  connu  sous  le  nom  de  causti- 
que de  Canquoin,  est  Tun  des  plus  puissants  escharotiques 
employés  par  les  chirurgiens . 

En  1875  et  en  1876,  des  expériences  dirigées  par  Pet- 
tenkofer  et  Mehlhausen  furent  faites  sur  plusieurs  navires 
de  la  flotte  allemande,  pour  déterminer  la  valeur  désin- 
fectante du  chlorure  de  zinc.  La  densité  de  l'eau  de  cale 


CHLORURE  DE  ZINC.  I2T 

était  de  1017  à  1035,  la  réaction  légèrement  alcaline.  Les- 
expériences  furent  faites,  par  les  grandes  chaleurs  de 
l'été  de  1875,  dans  une  chambre  au  midi,  par  une  tempé- 
rature deJ-^O"  à -j- 30°  centigrades.  Le  chlorure  de  zinc  fut 
employé  sous  forme  de  liquide  de  Burnett;  d'après  les 
renseignements  qu'ont  bien  voulu  nous  donner  M.  von 
Pettenkofer  et  M.  D'  Wenzel,  médecin  général  de  la  marine 
allemande,  ce  liquide  contenait  50  à  60  p.  0/0  de  chlorure 
de  zinc.  Avec  la  proportion  de  une  partie  de  liquide  de 
Burnett  pour  100  parties  d'eau  de  cale  à  désinfecter,  on 
obtint  rapidement  un  précipité  gris,  floconneux,  que  sur- 
nageait une  eau  jaunâtre,  assez  limpide.  A  la  surface  de 
celle-ci  se  formait  une  pellicule  plus  ou  moins  épaisse^ 
soluble  dans  l'éther.  La  réaction  et  l'odeur  d'hydrogène 
sulfuré  ou  de  graisse  rance  disparurent  rapidement  ;  la 
vie  des  protorganismes  parut  éteinte,  la  réaction  devint 
nettement  acide.  Au  bout  de  quatre  semaines,  le  mélange 
restait  sans  changement.  Avec  la  proportion  de  1  partie  de 
liquide  de  Burnett  pour  1,000,  l'odeur  d'acide  sulfhydrique 
et  de  graisse  rance  ne  disparaît  pas,  mais  la  première 
diminue,  à  tel  point  que  le  papier  d'acétate  de  plomb  ne 
se  noircit  plus.  Avec  la  proportion  de  2  pour  1000,  soit  un 
kilogramme  de  sel  cristallisé  par  mètre  cube  d'eau,  dis- 
parition complète  de  l'odeur  sulfhydrique,  diminution  encore 
plus  grande  de  l'odeur  de  graisse  rance  ;  même  état  au  bout 
de  14  jours. 

On  remplit  un  réservoir  enfer  d'eau  de  cale  corrompue,, 
on  y  ajouta  la  solution  de  chlorure  de  zinc  dans  la  pro- 
portion de  5  pour  100,  on  plongea  dans  ce  mélange  des 
manches  à  pompe,  des  plaques  de  caoutchouc,  du  laiton  et 
du  fer  poli.  Au  bout  de  4  semaines,  toutes  ces  pièces  étaient 
intactes,  aussi  bien  que  la  paroi  interne  du  réservoir  ;  on 
observait  toutefois  quelques  traces  d'oxydation  sur  les  mé- 
taux polis,  au  niveau  même  où  s'arrêtait  le  liquide  qui. 
les  baignait. 


12S  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Le  chlorure  de  zinc,  a  donc  paru  à  Pettenkofer  et  à 
la  Commission  allemande  du  choléra,  avoir  une  action  sûre 
et  rapide  pour  détruire  la  putréfaction  des  eaux  de  la  cale 
des  navires;  quand  l'altération  est  très  prononcée,  la  pro- 
portion de  1  à  2  de  chlorure  de  zinc  cristallisé  pour  1000 
est  suffisante.  Le  dépôt  formé  par  le  chlorure  de  zinc  est  peu 
cohérent,  poreux,  léger,  se  déplace  facilementpar  le  jeu  des 
pompes,  avantage  que  n'a  pas  celui  formé  par  l'hydrate 
de  chaux.  C'est  au  chlorure  de  zinc  que  la  Commission  du 
choléra  a  donné  la  préférence  pour  la  désinfection  de  l'eau 
des  cales. 

La  chlorure  de  zinc  est  employé  sur  une  très  grande 
échelle  et  avec  le  plus  grand  succès  par  les  chirurgiens 
français,  anglais  et  allemands,  pour  les  pansements  antisep- 
tiques. C'est  ainsi  que  Lister,  pour  ramener  à  l'état  normal 
les  plaies  fongueuses  et  les  fistules,  pratiqued'abord  une  sorte 
de  raclage,  puis  fait  une  injection  avec  une  solution  an- 
tiseptique très  puissante,  contenant  8  grammes  de  chlorure 
de  zinc  pour  100  grammes  d'eau.  Socin,  de  Bâle,  lave 
même  les  plaies  récentes  avec  cette  solution  caustique, 
mais  on  ne  peut  nier  que  le  chlorure  de  zinc,  à  ce  degré 
de  concentration,  agit  bien  plus  comme  escharrotique  que 
comme  désinfectant  ou  antiseptique.  Ce  qui  le  prouve, 
c'est  que  les  plaies  ainsi  touchées  se  recouvrent  d'une 
pellicule  blanchâtre.  C'est  seulement  pour  les  pansements 
rarement  renouvelés  au  voisinage  des  orifices  naturels, 
que  cette  solution  au  10^  et  même  à  12  p.  100  mérite 
réellement,  d'après  M.  Lucas- Championnière,  d'être  consi- 
dérée comme  antiseptique  ;  Lister  a  souvent  recours  à  ce 
mode  de  pansement.  Dans  beaucoup  d'autres  cas,  on 
peut  se  contenter  des  solutions  à  1  ou  5  pour  100,  et  l'on 
peut  encore  les  diluer  bien  davantage. 

L'un  des  procédés  de  Sucquet  pour  la  conservation  des 
-cadavres,  consiste  dans  l'injection  par  la  carotide  primi- 
tive ou  la  crurale,  de  8  litres  environ  de  solution  aqueuse 


CHLORAL.  1-29 

de  chlorure  de  zinc  marquant  40  degrés  à  1  aréomètre  de 
Baume. 

Le  chlorure  de  zinc  qui  est  à  la  fois  désodorant  et  anti- 
septique mériterait  d'être  plus  employé  encore  qu'il  ne 
l'est  pour  la  désinfection  des  eaux  vaseuses;  il  est  inodore  *. 
il  ne  donne  pas  de  décoloration  désagréable  ;  son  prix  n'est 
pas  excessif;  la  solution  à  2  pour  1000,  et  dans  certain? 
cas  à  2  pour  100,  paraît  être  très  efficace. 

Chloral.  —  Les  propriétés  antiseptiques  du  chloral  ont 
été  étudiées  depuis  1871,  par  Pavesi  de  Mortara  en  Italie, 
en  France  par  Follet,  Personne,  Dujardin-Beaumetz  et 
Ilirne  en  1872.  Ces  auteurs  ont  reconnu  que  des  solutions 
de  chloral  à  4  pour  100  empêchent  les  fermentations  su- 
crées ;  avec  des  solutions  de  4  à  10  pour  100,  on  conserve 
la  viande,  le  lait,  l'urine,  pendant  plus  d'un  mois  à  l'abri 
de  toute  altération. 

C'est  Carlo  Pavesi  qui,  en  Italie,  a  préconisé  le  plus  hau- 
tement l'emploi  du  chloral  comme  désinfectant,  pour  la 
préservation,  contre  les  parasites,  des  tissus  de  laine  et 
des  fourrures,  des  grains,  des  farines,  des  cocons  de  vers 
à  soie.  Cet  auteur  pense  même  que  c'est  un  agent  utile  pour 
l'assainissement  des  salles  d'hôpital,  des  navires  infectés. 

M.  Dujardin-Beaumetz  et  son  interne  M.  Hirne  (1)  ont 
commencé,  dès  1872,  des  séries  d'expériences  sur  les  pro- 
priétés antiputrides  et  antifermentescibles  des  solutions  de 
chloral.  Des  solutions  sirupeuses  d'acide  quinique  impur, 
d'albumine,  des  urines,  du  lait,,  de  la  colle  de  pâte  de  farine, 
des  liquides  contenant  de  la  chair  musculaire  broyée,  fu- 
rent partagés  en  deux  portions;  l'une  fut  additionnée  d'une 
-certaine  quantité  de  chloral,  et  au  bout  de  plusieurs  mois  il 


'(1)  Dujardin-Beaumetz  et  Hirne,  Des  propriétés  antiputrides  et  anti- 
fermentescibles des  solutions  d'hydrate  de  chloral  et  de  leur  application 
à  la  thérapeutique.  (Bulletin  de  la  Société  méd.  des  Hôpit.,  11  avril 
ISTS,  p.  134.) 

Vallin.  —  Désinfectants.  '  9 


130  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

n'y  avait  aucune  trace  de  putréfaction  ;  l'autre  moitié,  non 
additionnée  de  chloral,  devint  rapidement  infecte. 

L'hydrate  de  chloral  est  souvent  acide  et  contient  une  cer- 
taine quantité  de  chlore  ;  on  pourrait  donc  être  tenté  d'im- 
puter à  ces  deux  réactions  l'action  antiputride  du  chloral. 
MM.  Beaumetz  et  Hirne  ont  placé  20  grammes  de  viande  ha- 
chée dans  un  liquide  formé  de  100  grammes  d'eau  distillée 
et  de  2  grammes  d'hydrate  de  chloral  chimiquement  pur  ;  le 
flacon  conduisait  les  gaz  et  vapeurs  dans  un  appareil  à 
boules  de  Liebig,  contenant  du  nitrate  d'argent,  destiné  à 
déceler  les  moindres  traces  de  chlore.  Le  mélange  fut  main- 
tenu pendant  34  jours  dans  une  étuve  chauffée  à  +  38°  cen- 
tigrades. Au  bout  de  ce  temps,  la  solution  de  nitrate  d'ar- 
gent était  restée  intacte,  le  mélange  n'avait  aucune  odeur 
et  ne  contenait  pas  de  bactéries  ;  la  viande  n'était  pas  al- 
térée. Il  est  difficile  d'imaginer  une  expérience  plus  con- 
vaincante. Dans  un  autre  cas,  des  fragments  de  muscle  de 
bœuf,  plongés  dans  une  solution  de  chloral  à  1  pour  100, 
paraissaient  encore  tout  à  fait  inaltérés  au  bout  de  S  mois. 

Toutefois,  le  chloral  ne  s'oppose  pas  à  la  fermentation  de 
la  levure  de  bière;  dans  deux  expériences  faites  par  les 
auteurs,  une  solution  de  glycose,  de  levure  de  bière,  de 
sel  ammoniacal,  d'acide  tar trique,  contenant  un  gramme 
de  chloral,  fut  portée  à  l'étuve,  et  il  se  dégagea  rapidement 
une  quantité  d'acide  carbonique  qui  troubla  l'eau  de  baryte. 

En  résumé,  MM.  Beaumetz  et  Hirne  ont  conclu  de  leurs 
expériences  encore  peu  nombreuses,  que  la  proportion  de 
1  de  choral  pour  100  de  liquide  ou  de  matière  putrescible 
est  suffisante  pour  arrêter  ou  empêcher  la  fermentation  ;  ils; 
ne  savent  pas  jusqu'à  quel  chiffre  peut  descendre  le  mini- 
mum de  la  dose  nécessaire  ;  une  seule  expérience  leur  a 
montré  que  un  gramme  de  chloral  ne  suffisait  pas  pour 
empêcher  l'altération  de  1,000  grammes  de  lait.  La  dilution 
au  centième  est  d'ailleurs  peu  irritante,  et  peut  très  uti- 
lement servir  à  panser  les  plaies  gangreneuses  ou  fétides. 


ALUN.  .  151 

Le  D''  Francesco,  en  1862,  a  même  modifié  des  ulcères  in- 
vétérés par  des  pansements  avec  une  solution  de  chloral  à 
5  p.  20;  mais  ici,  il  s'agit  bien  plus  de  cautérisation  que 
de  désinfection. 

M.  Beaumetz  a  obtenu  de  beaux  succès  dans  des  cas  de 
plaies  gangreneuses,  par  le  pansement  avec  la  solution  au 
centième.  Dans  les  cas  d'empyème  avec  fétidité  de  la  ca- 
vité pleurale,  M.  Beaumetz  et  M.  Martineau  ont  employé 
avec  avantage  la  solution  de  chloral  au  centième,  addition- 
née de  4  à  5 cuillerées  à  bouche  d'alcoolé  d'essence  d'euca- 
lyptus par  litre  (l'alcoolé  d'eucalyptus  est  composé  avec: 
huile  essentielle  d'eucalyptus,  10  grammes;  alcool,  1  litre). 
Les  auteurs  n'ont  jamais  observé  d'accident  par  l'injection 
dans  la  plèvre  de  ces  doses  élevées  de  chloral  ;  dans  quel- 
ques cas,  des  malades  accusent  seulement  une  sensation 
de  brûlure.  L'injection  sous  la  peau  d'une  solution  forte 
de  chloral  (1  p.  10)  n'empêche  nullement  la  mort  des  lapins 
après  l'inoculation  de  virus  septique,  résultat  d'ailleurs 
prévu. 

J.  Personne  a  essayé  de  donner  (1)  une  explication 
ingénieuse  de  l'action  antiseptique  du  chloral.  D'après  lui, 
le  chloral  se  combine  avec  les  matières  protéiques,  avec 
l'albumine,  le  contenu  du  sarcolemme,  pour  former  un  com- 
posé imputrescible  qui  paraît  être  un  composé  défini. 
J.  Personne  a  utilisé  cette  propriété  du  chloral  de  former 
avec  les  matières  albuminoïdes  des  composés  bien  définis  ; 
à  l'aide  de  solutions  au  dixième,  il  a  pu  conserver,  embau- 
mer des  cadavres  d'animaux,  des  oiseaux,  etc. 

Alun.  —  Les  propriétés  antiputrides  de  l'alun  ont  été, 
dès  la  plus  haute  antiquité,  utilisées  pour  le  tannage,  la 
préparation  des  peaux,  les  embaumements  et  la  conserva- 
tion des  cadavres.  Les  applications  hygiéniques  de  l'alun 

(1)  J.  Personne,  L'action  du  chloral  sur  les  matières  albuminoïdes^ 
{Bulletin  Acad.  de  Mèd.  Séance  du  10  février  1874  et  Gazelle  hebdo~ 
madaire  1874,  p.  97.) 


132-  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

proprement  dit  sont  trop  restreintes  pour  que  nous  y  in- 
sistions. Il  en  est  autrement  de  deux  composés  d'alumine, 
qui  méritent  une  attention  spéciale. 

Chloralum  ou  chlorure  d'aluminium.  —  On  préconise 
beaucoup  en  Angleterre,  depuis  quelques  années,  un  agent 
désinfectant  auquel  on  donne  le  nom  de  chloralum,  formé 
sans  doute  des  mots  chlore  et  aluminium.  Fleck,  de  Dresde, 
a  analysé  le  produit  qui  se  vend  sous  ce  nom,  et  lui  a  trouvé 
la  composition  suivante  : 

Eau 82,32 

Chlorure  d'aluminium 13,70 

Chlorure  de  plomb 9,15 

Chlorure  de  cuivre 0,10 

Chlorure  de  fer 0,42 

Chlorure  de  calcium  et  plâtre 3,11 

La  composition  varie  d'ailleurs  suivant  les  prove- 
nances. M.  le  D""  Henri  Blanc  (1)  a  cru  avoir  trouvé  dans 
cet  agent  un  antidote  du  choléra  et  un  désinfectant  éner- 
gique. La  composition  de  ce  sel  le  ferait  ranger  plutôt  parmi 
les  absorbants,  à  côté  des  chlorures  de  fer,  de  plomb,  etc,, 
bien  plus  que  parmi  les  véritables  désinfectants.  Le  pro- 
fesseur Wanklyn  (2),  de  Londres,  lui  attribue  une  grande 
efficacité  comme  désodorant,  et  le  proclame  très  supé- 
rieur à  ce  point  de  vue  au  chlorure  de  chaux.  De  même, 
Dougall,  après  une  expérimentation  sérieuse,  a  constaté 
qu'il  arrête  les  décompositions  putrides,  qu'il  prévient  la 
production  des  protorganismes  plus  sûrement  que  la  plu- 
part des  autres  antiseptiques.  Comme  il  est  inodore,  peu 
coûteux,  non  volatil,  il  le  croit  d'un  emploi  très  utile  pour 
laver  es  effets  contaminés,  pour  désinfecter  les  égouts  et 
le  matériel  hospitalier  souillé  par  les  malades. 

(1)  Blanc,  Personne,  Paulier,  IVotes   sur  le,  chloralum.  {Gazette  liebdo- 
Wfld.,  p.  717,  751,  762,  et  Union  médicale,  octobre  et  novembre  1873) 
..(2)  Wanklyn,    The  action  and  relative  value  of  disinfectants.  {British 
Médical  Journal,  sept.  1873,  p.  275.) 


CHLORALUM.  ACÉTATE   D'ALUMINE.  133 

Toutefois  les  expériences  plus  récentes  du  D''  O'Nial  (1) 
ne  justifient  pas  ces  appréciations.  Même  en  ajoutant 
1  partie  de  chloralum  pour  2  parties  de  matière  organique, 
il  a  trouvé  les  animalcules  abondants  dès  le  5°  jour  ; 
l'odeur  putride  commence  à  être  très  nette  le  T  jour. 
Avec  le  chlorure  d'alumine,  les  résultats  ne  sont  pas 
beaucoup  meilleurs  :  les  animalcules  sont  abondants  et 
l'odeur  est  infecte  avant  le  10"  jour,  quand  la  proportion 
de  chlorure  est  de  1  pour  6  ou  8  de  matière  organique  ; 
même  avec  une  partie  de  chlorure  pour  4,  2,  1  parties  de 
matière  organique,  on  n'évite  pas  l'odeur  infecte  de  la  pu- 
tréfaction . 

Il  faut  reconnaître  que  depuis  quelques  années,  son  em- 
ploi a  été  beaucoup  abandonné  en  Angleterre  même .  On  a 
essayé  de  le  remplacer  par  le  cupralum,  association  de 
sels  de  cuivre  et  d'alun,  mais  sans  beaucoup  plus  de 
succès. 

Acétate  d'alumine.  —  Sous  le  nom  de  mordant  de 
rouge  des  mdienneurs,  on  connaît  dans  le  commerce  une 
substance  incristallisable,  qui  a  d'ordinaire  l'aspect  d'une 
masse  gommeuse,  et  qui  n'est  employée  qu'à  l'état  de  so- 
lution. On  l'obtient  d'ordinaire  par  la  double  décomposition 
de  l'acétate  de  baryte  et  du  sulfate  d'alumine.  Burow  (2) 
la  prépare,  pour  les  usages  externes ,  en  mélangeant 
20  grammes  d'alun  avec  30  grammes  environ  d'acétate  de 
plomb.  Ce  liquide  est  employé  dans  les  raffineries  de  sucre 
pour  empêcher  la  décomposition  du  sang  des  animaux,  ce 
qui  a  conduit  à  l'essayer  pour  la  désinfection  des  plaies 
gangreneuses  et  fétides,  et  pour  modifier  les  sécrétions 
morbides  de  l'organisme. 

L'action  antiseptique   de   l'acétate  d'alumine   est  très 

(1)    O'Nial,  The   relative   power  of  some   reputed   antiseptic   agents. 
(Army  médical  Report  for  1871  ;  London,  1873.  p.  202.) 

(2)  Burow,  Action  de  l'acétate  d'alumine  dans  diverses  maladies. 
Deutsche  Klinik.,  1857  et  Gazette  médicale,  1858,  p.  472.; 


lU  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

puissante.  Gannal  l'a  utilisée  dans  un  des  nombreux  liquides 
qu'il  a  préconisés  pour  l'embaumement  et  la  conservation 
'des  cadavres  ;  il  injectait  dans  la  carotide  5  ou  6  litres 
d'une  dissolution  d'acétate  d'alumine  à  18°  de  l'aréomètre 
de  Baume,  et  le  cadavre  ainsi  préparé  se  conservait  par- 
fois pendant  S  à  6  mois.  Plus  récemment,  Burow,  de  Kô- 
nigsberg,  et  Billroth  ont  proposé  de  remplacer,  dans  le  pan- 
sement de  Lister,  l'acide  phénique  par  l'acétate  d'alumine; 
quelques  expériences  leur  avaient  montré  que  ce  sel  détruit 
rapidement  les  bactéries,  et  en  prévient  aisément  le  déve- 
loppement dans  les  liquides. 

Kûhn  a  cherché  à  mesurer  à  ce  point  de  vue  sa  valeur 
antiseptique,  et  il  a  trouvé  que,  suivant  les  liquides  de  cul- 
ture (infusion  de  pois  ou  de  blanc  d'œuf),  la  dose  de  1  p. 
S, 000  à  1  p.  8,000  était  suffisante  pour  empêcher  le  déve- 
loppement des  bactéries.  L'un  des  élèves  du  professeur 
Dragendorff,  de  Dorpat,  M.  Schwartz,  a  vu  lui  aussi  que 
la  dose  de  1  p.  5,000  empêchait  le  développement  de  toute 
bactérie  dans  le  liquide  de  Bucholtz-Pasteur. 

D'après  Wernitz,  l'acétate  d'alumine  serait  sans  action 
sur  les  ferments  non  figurés  ;  des  solutions  à  1  p.  SO 
affaiblissent  le  pouvoir  de  l'émulsine  ;  celles  à  1  p.  380, 
celui  delà  diastase;  celles  de  1  p.  100,  celui  de l'invertine ; 
mais  la  myrosine  n'est  nullement  influencée  par  une  solu- 
tion à  1  p.  50. 

Jalan-  de  la  Croix  a  repris  ces  expériences  et  a  trouvé 
les  résultats  suivants  : 

La  dose  de  1  p.  4,268  empêche  le  développement  des 
bactéries  portées  directement  dans  du  bouillon  ;  après 
avoir  subi  l'action  d'une  solution  à  1  p.  59,  les  corpuscules 
germes  perdent  toute  faculté  de  se  reproduire  dans  un 
liquide  approprié.  La  dose  de  1  p.  427,  portée  dans  un  li- 
quide tue  les  bactéries  qui  y  sont  en  plein  développement, 
•et  celle  de  1  p.  64  détruit  à  jamais  la  vitalité  de  leurs  ger- 
mes. Le  bouillon  laissé  à  l'air  libre  ne  se  remplit  plus  de 


ACIDE  SULFURIQUE.  135 

bactéries  par  la  dose  de  1  p.  4,268  pour  le  bouillon  cuit,  et 
par  la  dose  de  1  p.  6,310  pour  le  bouillon  cru;  les  germes 
«ont  détruits  dans  le  premier  cas  par  la  dose  1  p.  937, 
•dans  le  second  par  celle  de  1  p.  4T8.  C'est  donc  la  dose  de 
1  pour  1,000,  ou  à  la  rigueur  de  1  pour  SOO,  qui  semble 
devoir  être  acceptée,  quand  on  veut  avoir  la  certitude  de 
détruire  toute  vitalité  in  açtu  et  in  posse  dans  les  matières 
suspectes. 

Voilà  assurément  des  résultats  très  favorables  ;  il  est 
peu  d'antiseptiques  qui  aient  une  action  plus  énergique,  et 
l'acétate  d'alumine  est  une  substance  inoffensive,  nulle- 
ment toxique.  Il  y  aurait  donc  lieu  de  retirer  de  l'oubli  un 
agent  aussi  utile,  qui  a  eu  une  grande  vogue  en  France,  il  y 
a  une  quarantaine  d'années,  et  qui  paraît  un  peu  abandonné 
aujourd'hui.  Les  efforts  tentés  par  Billroth  et  par  Burow, 
en  Allemagne,  pour  introduire  ce  sel  dans  le  pansement 
antiseptique,  mériteraient  d'être  poursuivis  en  France.  Bu- 
row l'a  même  employé  à  l'intérieur  ;  il  préparait  une  so- 
lution dont  une  once  environ  représentait  un  gros  (sic) 
d'acétate  d'alumine  ;  à  la  dose  de  60  gouttes,  il  l'expérimenta 
sur  lui-même,  il  éprouva  une  chaleur  de  la  région  épi- 
gastrique,  des  vertiges,  de  la  céphalalgie.  L'acétate  d'alu- 
mine pris  à  l'intérieur,  ne  semble  avoir  aucune  action 
comme  désinfectant. 

Acide  sulfurique.  —  Les  acides  énergiques  comme  l'a- 
-cide sulfurique,  l'acide  nitrique,  l'acide  chlorhydrique, etc., 
sont  assurément  des  antiseptiques,  puisqu'ils  peuvent  em- 
pêcher la  putréfaction  et  la  fermentation  des  matières  or- 
ganiques ;  mais  leur  action  antivirulente,  neutralisante, 
■destructive,  l'emporte  tellement  sur  leur  action  antisepti- 
que, que  nous  renvoyons  plus  loin  leur  étude. 

L'acide  sulfurique,  en  particulier,  est  un  antisepti- 
que qui  a  été  parfois  utilisé  dans  l'industrie.  En  Allema- 
gne, on  enduit  d'une  couche  d'acide  sulfurique  concentré 


136  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

le  bois  qu'on  doit  ficher  en  terre  ou  dans  l'eau.  Cet  acide 
non  seulement  carbonise  la  surface  du  bois,  mais  de  plus  il 
)  forme,  entre  lui  et  la  fibre  ligneuse,  une  combinaison  qui 
le  garantit  parfaitement  contre  les  influences  extérieures  ; 
en  outre,  il  prévient  la  poiirrilure  provenant  du  dévelop- 
pement, à  l'intérieur  du  bois,  de  végétations  cryptogami- 
ques,  etc.  A  Chemnitz,  on  emploie  cette  sorte  de  peinture 
depuis  longtemps,  avec  un  succès  remarquable,  pour  pilotis 
de  ponts,  boisage  de  mines,  pieux,  échalas,  etc.  Les  frais 
sont  très  minimes,  car  l'acide  n'a  besoin  d'être  appliqué 
qu'en  couche  très  mince  ;  on  préfère  cette  méthode  au 
goudronnage,  comme  plus  efficace  et  plus  économique 
(Girardin). 

Acide  sulfureux.  —  L'acide  sulfureux  est  surtout  un 
antivirulent,  et  à  ce  titre  il  sera  étudié  plus  loin,  mais 
il  jouit  naturellement  de  propriétés  antiseptiques  dont  il 
importe  de  dire  ici  quelques  mots. 

L'acide  sulfureux  est  un  des  antiseptiques  les  plus  an- 
ciennement connus  ;  il  a  servi  de  tout  temps  au  miitage 
des  vins  ;  on  emploie  aussi  la  combustion  d'une  mèche 
soufrée  pour  la  conservation  des  sucs  de  pommes,  de  poi- 
res, de  coings  et  autres  jus  sucrés.  Parfois  on  remplace 
les  vapeurs  d'acide  sulfureux  par  l'addition  au  liquide, 
de  80  centigrammes  de  sulfite  de  chaux  par  litre  :  les 
acides  du  suc  s'emparent  de  la  chaux,  et  le  gaz  sulfureux 
est  mis  en  liberté.  Il  sert  encore  depuis  longtemps  à  con- 
server, pendant  tout  l'hiver,  les  pulpes  de  betteraves,  les 
légumes  herbacés  (oseille,  laitue,  asperges),  les  pommes 
de  terre,  et  autres  racines  aqueuses,  qui  éprouvent  pendant 
la  période  de  janvier  et  avril,  dans  les  silos  et  magasins,, 
une  fermentation  dont  la  conséquence  est  une  grande  di- 
minution de  poids  et  de  qualité  (Girardin). 

Dans  les  fabriques  de  sucre  de  betterave,  on  lave  les 
sacs,  les  ustensiles,  les  récipients  en  usage,  dans  des  solu- 


ACIDE  SULFUREUX.  137 

tions  de  sulfite  de  soude  ou  de  chaux,  pour  détruire  tout 
germe  de  fermentation. 

Au  point  de  vue  de  l'hygiène,  il  est  incontestable  que 
l'emploi  de  cet  agent  est  un  précieux  auxiliaire  contre 
l'altération  des  ressources  alimentaires,  et  contre  les  acci- 
dents engendrés  par  les  matières  en  décomposition.  Depuis 
longtemps,  on  a  essayé  de  conserver  des  viandes  fraîches 
d'Amérique  destinées  à  l'importation,  soit  en  les  exposant 
à  des  vapeurs  d'acide  sulfureux,  soit  en  les  plongeant  dans 
les  solutions  de  cet  acide,  ou  d'hyposulfîtes  alcalins.  Ré- 
cemment encore,  le  Conseil  d'hygiène  du  Vaucluse  faisait 
un  rapport  assez  favorable  (1878),  sur  un  procédé  de 
conservation  des  viandes,  à  l'aide  d'une  solution  d'hypo- 
sulfitede  soude  et  d'azotate  de  potasse.  En  1880,  la  Com- 
mission centrale  des  Comités  de  salubrité  de  Bruxelles 
constatait  le  bon  état  de  conservation  de  viandes  fraîches,, 
exposées  aux  vapeurs  d'acide  sulfureux  dans  l'appareil 
Guérette. 

Le  procédé  Sucquet  de  conservation  des  cadavres  con- 
siste dans  l'emploi  d'hyposulfite  de  soude  en  injection  dans 
les  vaisseaux,  associé  avec  du  chlorure  de  zinc.  M.  Edouard 
Robin  a  préconisé  depuis  longtemps,  dans  le  même  but, 
l'emploi  du  mélange  de  sulfite  et  d'hyposulfite  de  zinc. 

L'acide  sulfureux,  même  à  très  faible  dose,  détruit  les- 
insectes,  les  protorganismes  et  les  miasmes  contenus  dans, 
l'air,  dans  l'eau,  etc.  Nous  nous  bornerons  à  relater  ici 
les  résultats  des  expériences  qui  ont  été  faites  exclusive- 
ment au  point  de  vue  antiseptique  ;  nous  renvoyons  pour 
ce  qui  concerne  les  virus  au  chapitre  Neutralisants. 
Wernitz  a  trouvé  que  l'action  de  la  pepsine^  de  la  ptya- 
line,  de  l'invertine,  de  la  diastase  était  empêchée  par 
l'acide  sulfureux  en  dilution  dans  l'eau,  à  des  doses  (en 
poids)  variant  de  1  p.  1,317  à  1  p.  8,600;  quant  à  la 
myrosine  et  à  l'émulsine,  leur  action  est  annulée  par  la 
dose  extrêmement  faible  de  1  p.  21,000. 


138  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

M.  Jalan  de  la  Croix  a  trouvé  les  résultats  suivants  :  la 
dose  de  1  p.  6,418  empêche  du  bouillon  de  viande  de  se 
remplir  de  bactéries,  quand  on  y  verse  quelques  gouttes 
d'un  autre  bouillon  où  pullulent  ces  organismes  ;  mais  les 
germes  contenus  dans  ce  bouillon  ensemencé  ne  sont  dé- 
finitivement stérilisés  qu'après  avoir  subi  l'action  de  la 
dose  1  p.  223.  Les  bactéries  en  plein  développement  dans 
du  bouillon  sont  tuées  par  la  dose  1  p.  2,000  et  leurs  ger- 
mes ne  sont  détruits  que  [par  1  p.  273.  Du  bouillon  cuit, 
laissé  à  l'air  libre,  ne  se  laisse  plus  envahir  spontanément 
par  les  bactéries  quand  il  contient  1  p.  8,500  d'acide  sul- 
fureux, et  les  germes  développés  dans  ces  conditions  ne 
sont  détruits  que  par  la  dose  1  p.  422.  Pour  le  bouillon 
cru,  les  doses  sont  1  p.  12,649  et  1  p.  135. 

Polli  a  montré  que  l'acide  sulfureux  et  les  sulfites  empê- 
chent et  arrêtent  toutes  les  fermentations  connues,  même 
celles  qui  résistent  à  l'acide  arsénieux,  à  l'acide  cyanhy- 
drique,  à  l'acide  phénique;  il  en  a  fait  la  base  d'une  médi- 
cation spéciale  à  la  fois  des  affections  externes  et  des  af- 
fections internes  {Voy.  désinfection  interne). 

Acide  arsénieux.  —  L'acide  arsénieux  est  un  antisepti- 
que puissant  ;  mais  sa  toxicité  extrême  rend  son  emploi 
presque  impossible  dans  la  pratique  de  l'hygiène  et  de  la 
prophylaxie.  Trinchina  de  Naples,  en  1834,  Gannal,  en 
France,  faisaient  entrer  l'acide  arsénieux  en  forte  propor- 
tion dans  les  liquides  servant  à  l'embaumement  des  cada- 
vres. La  solution  de  Gannal  contenait  souvent  125  gram- 
mes d'acide  arsénique  et  six  kilogrammes  de  sulfate  d'a- 
lumine, pour  6  litres  de  liquide  qu'on  injectait  dans  la 
carotide.  Mais  aujourd'hui,  l'ordonnance  royale  du  21  sep- 
tembre 1836  interdit  l'emploi  de  l'arsenic  pour  l'embau- 
mement des  corps,  le  chaulage  des  grains,  etc. 

L'on  sait,  en  effet,  que  pour  détruire  les  parasites 
cryptogamiques  'qui,  en  certaines  années,  envahissent  les 


ACIDE  BORIQUE,  139 

céréales,  les  cultivateurs  ont  parfois  recours  à  l'aspersion 
du  grain  avec  une  solution  d'acide  arsénieux.  Cette  méthode 
de  conservation'des  grains  destinés  aux  semences,  ou  chan- 
tage, avait  déjà  été  prohibée  par  une  loi  rendue  en  1186,  à 
cause  du  danger  qui  en  résulte  pour  le  gibier,  les  volailles 
qui  peuvent  manger  le  grain,  et  pour  l'homme  qui,  à  son 
tour,  mange  ces  animaux.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  d'utiliser 
dans  la  pratique  les  propriétés  antiseptiques  très  puissantes 
des  acides  arsénieux  ou  arsénique. 

Acide  borique.  —  L'acide  borique  se  présente  sous 
forme  de  lamelles  blanches,  minces,  très  légères,  d'aspect 
nacré  et  brillant,  d'un  goût  presque  nul,  très  faiblement 
acide.  L'eau  en  dissout  4  grammes  par  litre  à  +  20°,  et 
â  grammes  seulement  à  -{-10°.  Le  borate  de  soude  ou 
borax  se  présente  sous  forme  de  cristaux  peu  sapides,  très 
solubles,  puisque  une  partie  du  sel  se  dissout  dans  douze 
parties  d'eau  froide. 

L'acide  borique  ne  paraît  pas  avoir  d'action  toxique  sur 
l'organisme  humain.  LeD^'Capelh,  directeur  du  Manicomede 
Frégionaja,  a  administré  à  plusieurs  aliénés  des  doses  jour- 
nalières de  4  grammes  d'acide  borique  pendant  23  jours,  et 
de  2  grammes  durant  45  jours,  sans  observer  aucun  dé- 
rangement de  la  santé  des  malades.  Il  a  noté  que  sur  ces 
sujets  l'urine  se  maintenait  acide  pendant  plusieurs  jours, 
au  lieu  de  subir  la  fermentation  ammoniacale  et  de  devenir 
alcaline  et  infecte.  L'acide  borique  passe  rapidement  dans 
l'urine  ;  il  s'y  métamorphose  en  plusieurs  combinaisons 
saUnes,  qui  ne  détruisent  nullement  ses  propriétés  antifer- 
mentatives.  Son  administration  par  l'usage  interne  paraît 
donc  indiquée  dans  les  cas  de  catarrhe  vésical.  avec  fer- 
mentation ammoniacale  et  intravésicale  de  l'urine.  MM.  Fé- 
lix Guyon  et  Guéneau  de  Mussy  ont  surtout  retiré  d'excel- 
lents effets  de  cette  administration  par  l'estomac,  de  2  à 
3  grammes  par  jour  d'acide  borique,  chez  des  vieillards 
dont  l'urine  et  la  vessie  ne  pouvaient  être  désinfectées.  Dans 


140  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

un  cas,  communiqué  par  le  D' Ayr  (de  Tursi)  àPolli  (1),  un 
jeune  soldat  avala  par  erreur  une  fiole  contenant  25  gram- 
mes de  borax  dans  300  grammes  d'eau,  et  destinée  à  des 
gargarismes  ;  cette  dose  énorme  fut  parfaitement  tolérée, 
et  n'amena  aucun  inconvénient. 

M.  le  professeur  de  Cyon,  de  Saint-Pétersbourg,  a  fait 
ingérer  à  des  chiens  des  doses  journalières  de  6  grammes 
de  borate  de  soude,  sans  que  ces  animaux  parussent  en 
rien  incommodés.  Herzen  en  Italie,  Panum  à  Copenhague, 
ont  également  établi  par  des  expériences  cette  tolérance 
et  cette  immunité.  Neumann  (2)  de  Dorpat,  dit  avoir  fait 
ingérer  à  des  chiens  de  15  kilogrammes,  des  doses  journa- 
lières de  5  à  6  grammes,  sans  accidents  appréciables.  A  des 
doses  plus  fortes  survenaient  des  vomissements,  de  la  diar- 
rhée, du  refroidissement.  Ferkel  aurait  même  fait  ingérer 
à  des  chiens  de  2  à  3  kilogrammes,  des  doses  journalières 
de  2  grammes  d'acide  borique  sans  effet  appréciable. 

En  résumé,  le  biborate  de  soude,  à  la  dose  de  4  à 
8  grammes  par  jour  paraît  pouvoir  être  impunément  sup- 
porté, au  moins  pendant  un  certain  temps,  par  un  homme 
adulte.  Ce  serait  peut-être  aller  trop  loin  d'affirmer  dès 
à  présent  que  des  doses,  même  beaucoup  moindres  de 
ce  sel,  soient  incapables  de  déterminer  des  troubles  de 
la  nutrition  ou  de  la  santé,  après  un  usage  journalier 
continué  sans  interruption  pendant  un  grand  nombre 
d'années.  C'est  un  fait  qu'une  longue  expérience  est  seule 
capable  de  résoudre. 

C'est  M.  Dumas  qui  a  le  premier  pressenti,  plutôt  encore 
que  démontré,  la  valeur  antiseptique  de  l'acide  borique  et 
des  borates;  sa  communication  à  l'Institut  (2  août  1872) 
a  été  le  point  de  départ  d'un  grand  nombre  de  recherches 


(1)  Giovanni  Polli,  Des  propriétés  antifermentatives  de  l'acide  borique 
et  de  ses  applications  à  la  thérapeutique.  Paris,  A.  Delahaye  1877. 

(2)  J.  Neumann.  Experimentelle  Untersuchungen  iiber  die  Wirkung  de 
£orsQur:.  {Archiv  fiir  experimentelle  Pathologie,  20  mai  1881,  p.  148.) 


ACIDE  BORIQUE.  141 

€t  d'applications  à  l'hygiène,  au  point  de  vue  surtout  de  la 
conservation  des  denrées  alimentaires. 

M.  Dumas  signalait  à  l'Académie  des  sciences  l'action 
exercée  par  le  borax  sur  la  fermentation  du  sucre  par  la 
levure  :  il  montrait  que  le  borax  retardait  non  seulement 
l'action  de  la  levure,  mais  l'action  fermentative  d'autres 
substances  analogues  appartenant  au  groupe  de  la  diastase. 
La  solution  de  borate  de  soude  coagule  la  levure  de  bière, 
et  le  liquide  qui  surnage  le  caillot  n'est  plus  capable  de 
transformer  le  sucre  ordinaire  en  sucre  interverti,  comme 
il  arrive  toujours  quand  on  eniploie  l'eau  de  la  levure  de 
bière.  M.  Dumas  s'est  assuré  que  la  solution  de  borax  neu- 
tralise :  1°  l'action  de  l'eau  de  la  levure  sur  le  sucre 
(fermentation  alcoolique)  ;  2"  l'action  de  la  diastase  sur 
l'amygdaline,  qui  fournit  l'essence  d'amandes  amères 
(fermentation  amygdalique)  ;  3°  l'action  de  la  diastase  sur 
la  fécule  (fermentation  diastasique)  ;  4°  l'action  de  la  my- 
rosine,  substance  qui,  dans  la  farine  de  sénevé,  produit 
l'essence  de  moutarde  (fermentation  sinapique)  ;  5°  l'action 
de  la  pepsine  sur  la  fibrine. 

Ces  expériences  ont  attiré  l'attention  de  nombreux  expé- 
rimentateurs sur  l'action  antiseptique  de  l'acide  borique  et 
des  borates.  Nous  réunirons  l'étude  de  ces  deux  agents, 
bien  que  l'action  antiseptique  de  l'acide  soit  bien  plus 
manifeste  que  celle  de  la  plupart  des  borates  ;  nous  avons 
constaté  cette  différence  pour  l'acide  salicylique  et  les 
salicylates. 

Dans  un  pli  cacheté  déposé  à  l'Institut  en  1856,  M,  Jac- 
quez  avait  déjà  signalé  l'action  puissante  du  borax  pour 
la  conservation  des  matières  animales.  En  plongeant  des 
morceaux  de  chair  dans  une  solution  de  borax  à  5  p. 
100,  il  les  retirait  au  bout  d'un  mois  de  séjour,  au  mois 
d'août,  dans  un  parfait  état  de  conservation.  Des  injec- 
tions faites  dans  le  système  vasculaire  du  lapin  avec  la 
même   solution  boratée,  mélangée  d'une  autre  solution  à 


Uii  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

10  p.  100  de  borate  ammoniacal,  permirent  de  conserver 
ces  cadavres  pendant  plusieurs  mois  sans  altération. 

Hertzen,  en  1874,  Schiff,  Bizzari  ont  obtenu  les  mêmes 
effets  avec  les  solutions  indiquées  ci-dessous  : 

Eau 86  grammes. 

Biborate  de  soude 8       — 

Acide  borique 2        — 

Nilre 3        — 

Sel  marin 1        — 

Dans  cette  formule  de  Hertzen,  le  sel  marin  et  le  nitre 
ont  l'avantage  de  conserver  aux  tissus  leur  couleur  rose 
et  fraîche. 

Le  liquide  de  Bizzari  est  aussi  efficace  et  moins  coû- 
teux : 

Eau 170  grammes. 

Biborate  de  soude 6        — 

Acide  chlorhydrique ....        2        — 

L'acide  borique  a  été  employé  pour  conserver  le  lait, 
les  boissons  alimentaires,  la  viande,  etc.  Les  propriétés 
antiseptiques  de  cet  acide  ont  été  confirmées  dans  une 
circonstance  singulière.  En  1815,  on  découvrit  un  gi- 
sement de  borate  de  soude  dans  la  Californie  méridio- 
nale ;  au  cours  des  explorations,  on  rencontra  le  ca- 
davre d'un  cheval  enfoui  dans  cette  terre  chargée  de 
borax.  Bien  que  l'époque  de  l'enfouissement  remontât  à 
plus  de  quatre  mois,  et  malgré  les  fortes  chaleurs  de  cette 
région  et  de  la  saison  (parfois  45°  centigrades),  le  corps 
n'exhalait  pas  de  mauvaise  odeur  ;  les  chairs  avaient 
l'apparence  de  celle  d'un  animal  fraîchement  tué,  le  poil 
était  souple  et  parfaitement  adhérent  à  la  peau  (Académie 
des  sciences,  28  février  1876). 

M.  le  D*"  Bedoin  a  présenté  à  l'Institut,  en  1876,  des 
échantillons  de  viande  conservés  dans  des  solutions  satu- 
rées de  borate  de  soude  ;  tandis  que  de  la  viande  mainte- 
nue dans  de  l'eau  simple  était  putride,  et  que  le  liquide 


ACIDE  BORIQUE.  143 

était  rempli  de  microzoaires ,  le  fragment  immergé  dans 
la  solution  boratée  était  intact,  inodore  et  on  n'y  trouvait 
aucune  trace  d'organismes  vivants. 

M.  Boûley  a  résumé  dans  un  rapport  très  intéressant, 
au  Comité  consultatif  d'hygiène  (l)  les  effets  du  borax 
sur  la  conservation  des  denrées  alimentaires,  et  les  faits 
qui  démontrent  son  innocuité  au  point  de  vue  de  la  santé 
publique.  Au  Conseil  d'hygiène  et  de  salubrité  du  départe- 
ment delà  Seine,  dans  sa  séance  du  21  juin  1878,  M.  Péligot 
avait  proposé  d'autoriser  des  industriels  à  vendre  des 
viandes  conservées  par  un  procédé  qui  consiste  à  saupou- 
drer ces  viandes  (^^^  oO  par  kilogramme)  avec  un 
sel,  dit  de  conserve,  qui  contient  moitié  de  son  poids 
de  borate  anhydre.  Le  Conseil,  toutefois,  n'avait  pas 
adopté  les  conclusions  de  M.  Péligot  ;  il  avait  pensé  que, 
«  dans  l'état  actuel  de  la  science  »,  on  ne  peut  affirmer 
que  le  borate  de  soude  puisse  être  mêlé  sans  inconvénients 
aux  matières  alimentaires.  M.  Bouley  a  cru  que,  depuis  un 
an  de  pratique,  la  preuve  de  l'innocuité  du  borax  pour  la 
conservation  des  denrées  alimentaires  pouvait  être  consi- 
dérée comme  acquise  ;  il  a  proposé  au  ministre  d'autoriser 
l'emploi  de  cet  agent  antiseptique,  et  le  Comité  a  adopté 
cette  opinion  le  5  mai  1819. 

En  Suède,  on  emploie  sous  le  nom  d'aseptine  une 
solution  aqueuse  d'acide  borique,  qui  réussit  très  bien  à 
prévenir  et  arrêter  la  putréfaction  de  la  viande.  Gahn,. 
Nystrôm,  Sundevall  ont  retiré  de  bons  effets  de  cet  agent 
pour  les  usages  domestiques. 

Pour  le  pansement  des  plaies,  l'acide  borique  a  l'avan- 
tage de  n'être  ni  caustique  ni  irritant  :  la  solution  saturée, 
qui  ne  contient  que  4  grammes  pour  100  grammes,  ne 
détermine  aucun  sentiment  de  cuisson,   même  quand  on 


(1)  H.  Bouley,  Rapport  sur  Fusage  alimentaire  du  sel  de  conserve. 
(Recueil  des  Travaux  du  Comité  consultatif  d'hygiène  publique.  T.  VIII, 
1879,  p.  350.) 


144  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

l'applique  sur  une  plaie  récente  :  c'est  le  moins  irritant  de 
tous  les  antiseptiques.  Comme  il  a  l'avantage  de  ne  pas 
être  toxique,  l'injection  borique  peut  être  abandonnée 
sans  inconvénient  dans  des  cavités  closes  ou  dont  l'éva- 
cuation est  difficile.  En  plongeant  du  coton,  de  la  ouate, 
du  tint,  dans  une  solution  saturée  à  chaud  d'acide  borique, 
et  en  faisant  sécher  les  tissus  ainsi  imprégnés,  on  obtient 
des  garnitures  de  pansement  qui  désinfectent  très  bien  les 
liquides  pathologiques  à  mesure  qu'ils  sont  sécrétés.  Les 
cristaux  d'acide  borique  sont  soyeux,  souples,  ils  ont  l'ap- 
parence d'un  duvet,  et  ne  blessent  ni  la  peau  ni  même  les 
plaies.  On  peut  même  recouvrir  directement  les  plaies  qui 
dégagent  des  mauvaises  odeurs,  les  surfaces  excoriées 
de  la  peau  qui,  dans  le  cas  d'anasarque,  laissent  suinter  une 
sérosité  que  la  chaleur  putréfie  rapidement  ;  nous  en 
avons  dans  ce  dernier  cas  fait  un  usage  utile  ;  on  peut  les 
panser  avec  le  mélange  suivant  : 

Acide  borique j 

Paraffine >  ââ  1  partie . 

Cire  blanche ) 

Huile  d'amandes  douces 3  à  4  parties. 

M.  Lucas-Championnière  s'en  est  souvent  servi  comme 
adjuvant  du  traitement  antiseptique,  et  en  a  constaté  l'ef- 
ficacité pour  faire  disparaître  l'odeur  de  certaines  plaies. 
Billroth  a  également  utilisé  l'acide  borique  et  le  borax  en 
solution  topique,  pour  faire  disparaître  l'odeur  horrible  de 
certains  ulcères  cancéreux. 

Voyons  si  les  expériences  directes  concordent  avec  ces 
données  de  la  pratique. 

Polli  (1),  qui  a  fait  une  étude  toute  particuUère  de 
l'acide  borique  au  point  de  vue  de  la  désinfection  in- 
terne, a  expérimenté  l'action  de  l'acide  et  du  borate,  sur 

(1)  G.  Polli,  Des  propriétés  antifermentatives  de  l'acide  borique  et 
de  ses  applications  à  la  thérapeutique;  Paris,  Delahaye,  1877. 


ACIDE  BORIQUE.  145 

la  bière,  l'urine  humaine  normale,  l'urine  diabétique,  le 
lait,  le  mélange  d'œuf  et  d'eau,  le  sang  de  bœuf  défibriné, 
la  chair  musculaire,  les  débris  d'animaux.  Comparative- 
ment, il  a  examiné  l'effet  antiseptique  produit  sur  les 
mêmes  substances  par  des  quantités  égales  de  sulfite  et 
d'hyposulfite  de  soude,  de  sulfite  de  magnésie.  Voici  les 
résultats  de  ses  expériences  : 

On  remplit  cinq  verres  de  la  capacité  de  SO  centilitres 
chacun,  avec  de  la  bière  de  Vienne  ;  l'un  est  gardé  comme 
type,  sans  aucun  mélange  ;  dans  les  quatre  autres  on 
ajoute  séparément,  et  dans  chacun  d'eux,  1  gramme  d'acide 
borique,  2  grammes  de  borate  de  soude,  2  grammes  de 
sulfite  de  soude,  2  grammes  d'hyposulfite  de  soude.  On 
abandonne  les  liquides  à  eux-mêmes,  exposés  à  l'air,  à 
une  température  de-f- 13°  à  -|- 18°.  Au  bout  de  quinze  jours, 
la  bière  contenue  dans  le  premier  verre  est  complètement 
trouble,  recouverte  d'une  couche  de  moisissures,  et  exhale 
une  odeur  acide  très  caractérisée.  La  bière  additionnée  de 
borate  de  soude  et  d'acide  borique  est  encore  limpide 
sans  aucune  sorte  d'odeur.  De  même,  la  bière  mélangée 
avec  l'hyposulfite  de  soude  est  limpide,  tandis  que  des  pelli- 
cules légères  de  moisissures  s'étalent  à  la  surface  de  la 
bière  mêlée  au  sulfite  de  soude. 

En  remplaçant,  dans  une  expérience  analogue,  la  bière 
par  du  lait  frais,  on  constate  que  déjà,  au  troisième  jour, 
le  lah  sans  mélange  du  sel  antiseptique  est  coagulé,  re- 
couvert d'une  couche  de  crème  caillée,  d'où  s'exhale  une 
forte  odeur  d'acides  lactique  et  butyrique.  Cette  altération 
s'accroît  avec  rapidité,  en  sorte  qu'au  quinzième  jour 
ce  lait  se  convertit  en  un  magma  grumeleux  jaunâtre  tout 
bosselé,  et  revêtu  d'une  moisissure  verte  et  rouge.  Par 
contre,  dans  les  verres  renfermant  du  lait  additionné  d'acide 
borique  et  de  borax,  celui-ci  se  trouvait  encore  liquide,  con 
servant  l'odeur  et  la  saveur  du  lait  frais,  ne  présentant  à  la 
surface  qu'une  couche  très  légère  de  crème. 

Valli>".  —  Désinfectams.  10 


U6  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Au  bout  de  trente  jours,  le  lait  mélangé  avec  l'acide 
borique  restait  encore  dans  les  mêmes  conditions  ;  mais  le 
lait  additionné  de  borate  de  soude,  quoique  toujours  li- 
quide, commençait  à  montrer  quelques  taches  de  moi- 
sissures s' épanouissant  sur  la  pellicule  de  crème.  Dans  les 
deux  autres  verres,  les  laits  mêlés  au  sulfite  et  à  l'hypo- 
sulfite  de  soude  avaient  conservé  leur  état  liquide  pendant 
<îinq  à  six  jours,  puis  ils  s'étaient  coagulés,  la  couche  de 
•crème  de  la  surface  supérieure  devenant  grumeleuse  ; 
après  quinze  ou  vingt  jours ,  les  moisissures  se  dévelop- 
paient, avec  des  émanations  odorantes  d'acides  lactique 
et  butyrique. 

Le  professeur  Manetti,  directeur  de  la  fabrique  de  fro- 
mage de  Lodi,  a  publié  en  1814,  en  Italie,  un  mémoire 
dont  voici  les  conclusions  : 

1°  L'addition  dans  le  lait,  de  l'acide  borique  et  du  borax 
en  proportions  modérées  et  déterminées,  loin  d'offrir  au- 
<}un  inconvénient,  facilite  la  bonne  fabrication  du  fromage 
parmesan  et  du  beurre. 

2°  Ces  agents  pharmaceutiques  permettent  de  retirer  du 
lait,  pendant  l'été,  une  quantité  notable  de  beurre,  sans 
nuire  en  aucune  façon  à  la  fabrication  du  fromage. 

3"  Dans  ces  conditions  il  est  utile,  nécessaire  même,  d'u- 
nir au  borax  une  petite  dose  d'acide  borique. 

4°  La  quantité  de  borax  et  d'acide  borique,  indispen- 
sable pour  la  conservation  du  lait  affecté  à  la  fabrication 
du  fromage  parmesan,  doit  varier  avec  les  causes  plus  ou 
moins  actives  qui  favorisent  son  altération.  D'ordinaire, 
pour  1  hectolitre  de  lait,  on  peut  évaluer  les  doses  à  40  gram- 
mes de  borax  et  à  10  grammes  d'acide  borique. 

5°  L'addition  de  ces  produits  peut  se  faire  lorsque  le  lait 
€st  déjà  versé  dans  la  chaudière,  ou  mieux  encore,  on 
doit  les  dissoudre  dans  une  quantité  de  liquide  et  les  mé- 
langer au  lait  immédiatement  après  la  traite  (Lodi,  20  juin 
1814). 


ACIDE  BORIQUE.  Ul 

Comme  le  borate  de  soude  produit  des  réactions  légère- 
ment alcalines,  on  pouvait  peut-être  objecter  que,  dans  les 
expériences  précédentes,  la  coagulation  du  lait  dépendait 
plus  de  la  base  du  sel  en  question  que  de  son  acide.  Il  était 
facile  de  réfuter  l'objection,  en  rappelant  l'action  antifer- 
mentative  de  l'acide  borique  employé  isolément.  Mais  Polli 
a  répondu  à  ces  arguments  par  les  expériences  suivantes  : 
il  versa  dans  deux  verres  contenant  la  même  quantité 
de  lait,  d'une  part,  1  gramme  de  borate  de  soude,  et  de 
l'autre,  2  grammes  de  carbonate  de  soude.  Au  bout  de 
cinq  jours,  le  lait  mélangé  au  carbonate  de  soude  était  déjà 
coagulé,  commençant  à  exhaler  l'odeur  de  l'acide  lac- 
tique, pendant  que  l'autre  restait  toujours  liquide  et  ino- 
dore. 

De  son  côté  M.  Béchamp,  dans  la  séance  de  l'Académie 
'des  sciences  de  Paris  {Comptes  rendus,  1  octobre  1872), 
rapporte  qu'il  a  expérimenté  séparément  l'action  du  borax 
et  de  l'acide  borique  sur  des  solutions  titrées  de  sucre  pur, 
mêlées  à  une  quantité  déterminée  d'infusion  aqueuse  de  le- 
vure. Cette  eau  de  levure,  que  M.  Béchamp  appelle  zijmasey 
possède  la  propriété  d'intervertir  le  sucre,  ainsi  que  le  dé- 
montre la  réaction  de  la  liqueur  cupro-potassique.  D'après 
les  résultats  obtenus,  ce  savant  croit  devoir  conclure  que 
lé  bicarbonate  de  soude  s'oppose  à  l'interversion  du  sucre 
avec  plus  d'énergie  que  le  borate  de  soude,  et  aussi  que 
l'acide  borique  n'est  nullement  la  cause  de  l'influence 
■exercée  par  le  borax  dans  la  fermentation.  Le  résultat  des 
■expériences  précédemment  décrites  sur  le  lait,  la  bière  et 
les  urines  diabétiques,  prouve,  au  contraire,  que  le  pou- 
voir antifermentatif  réside  dans  l'acide  borique  et  non 
dans  la  base  aWline  du  borax. 

L'urine  normale,  traitée  par  l'acide  borique,  se  maintient 
limpide,  sans  odeur,  sans  réaction  acide,  pendant  15,  20 
■€t  jusqu'à  30  jours  (en  été).  Quand  la  dose  administrée  au 
malade  a  été  un  peu  forte,  après  avoir  versé  dans  l'urine 


U8  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

quelques  gouttes  d'acide  sulfurique  pour  décomp(»ser  le 
borate  qui  pouvait  s'y  être  formé,  si  l'on  traite  ensuite  par 
l'alcool  le  résidu  desséché,  on  peut  obtenir,  en  enflammant 
cet  alcool,  une  belle  flamme  de  couleur  violette,  qui  carac- 
térise la  présence  de  l'acide  borique. 

L'adjonction  d'acide  borique  à  un  liquide  fermentescible 
agit  mieux  que  l'adjonction  du  borax.  Polli  avait  été  frappé 
de  ce  fait,  que  l'acide  borique  peu  soluble  dans  l'eau  (1  p. 
SO  à  froid),  était  cependant  plus  actif  que  le  borate  de  soude 
à  saturation,  bien  que  1  gramme  de  borax  se  dissolve  dans 
-12  parties  d'eau.  De  même  l'addition  d'acide  borique  à 
l'état  solide  et  de  cristaux  pulvérisés  produit  un  effet  plus 
complet  et  plus  durable  que  l'addition  de  la  même  quantité 
d'acide  dissoute  dans  un  véhicule  convenable, 

Jalan  de  la  Croix  n'a  fait  porter  ses  expériences  que  sur 
le  biborate  et  le  salicyloborate  de  soude;  il  n'a  point  déter- 
miné la  valeur  antiseptique  de  l'acide  borique,  et  nous  som- 
mes étonné  de  lire  qu'elle  lui  paraît  plus  faible  que  celle  des 
borates  en  général,  au  moins  pour  la  conservation  des  vian- 
des. Ce  résultat  est  en  contradiction  avec  les  recherches 
de  Polli  et  de  tous  les  autres  observateurs. 

Schwartz  a  fait  tout  récemment  des  expériences  avec  le 
borate  de  soude,  sur  les  bactéries  de  l'infusion  de  tabac 
cultivées  dans  le  liquide  de  Bucholtz-Pasteur  ;  il  a  trouvé 
que  la  limite  d'action  préservatrice  n'était  atteinte  que  par 
des  dilutions  à  1  p.  150.  Kiihn  a  constaté  qu'il  fallait  une 
dilution  3  fois  plus  concentrée  pour  empêcher  le  dévelop- 
pement des  bactéries  de  l'infusion  de  pois,  cultivées  dans 
le  liquide  de  Bucholtz.  Wernitz  a  montré  que  à  1  p.  100^ 
la  solution  de  borax  agit  également  bien  sur  l'émulsine,  la 
myrosine,  la  diastase,  la  ptyaline  ;  au  contraire  une  dilution 
à  1  p.  1, 000  suffît  pour  influencer  le  ferment  de  la  présure, 
et  celle  de  1  p.  3,580  pour  rendre  inactif  le  ferment  de 
l'invertine.  Jalan  de  la  Croix  a  trouvé  qu'il  fallait  les  pro- 
portions suivantes  de  biborate  :  pour  empêcher  le  dévelop- 


ACIDE  BORIQUE.  149 

pement  des  bactéries  du  bouillon  de  viande  dans  du  bouillon 
de  viande  ensemencé,  il  faut  la  dose  de  1  p.  62,  et  pour 
détruire  les  corpuscules  germes  inoculés  dans  le  liquide 
en  ces  conditions,  la  dose  de  1  p.  14  est  encore  insuffi- 
sante. Pour  détruire  dans  du  bouillon  les  bactéries  bien 
développées,  il  faut  1  p.  48,  et  pour  tuer  tous  les  germes, 
la  dose  de  1  p.  12  n'est  pas  encore  assez  forte. 

La  dose  de  1  p.  30  empêche  le  développement  spontané 
des  bactéries  dans  le  bouillon  cuit  abandonné  à  l'air  libre, 
et  celle  de  1  p.  107  dans  du  bouillon  cru,  différence  qui 
ne  se  comprend  pas  bien.  Pour  détruire  tous  les  germes 
dans  ces  conditions,  la  dose  de  1  p.  14  ne  suffit  même 
pas. 

Le  travail  le  plus  récent  sur  l'action  de  l'acide  borique 
est  celui  que  Neumann  a  fait  à  Dorpat,  dans  le  laboratoire 
du  professeur  E.  Semmer  (1).  Neumann  a  vu  la  viande 
et  le  lait  se  conserver  d'autant  plus  longtemps  que  l'on 
élevait  davantage  la  dose  d'acide  borique  pur  : 

La  viande  reste  fraîche, 

dans  une  solution  à  1/2  pour  100,  pendant  8  jours. 

—  —  1      —  100,      —  11     — 

—  —  2      —  100,      —  18     — 

—  —  4      —  100,      —  21     — 

Dès  le  16*  jour,  des  moisissures  apparaissaient  dans  la 
Solution.  Pour  assurer  la  conservation  du  lait  pendant  plu- 
sieurs jours  (environ  8  jours),  M.  Neumann  a  trouvé  qu'une 
proportion  d'acide  borique  égale  à  1  ou  2  sur  1,000  était 
suffisante. 

La  dose  de  2  à  4  grammes  par  100  grammes  de  liquide 
est  donc,  en  général,  nécessaire  pour  tuer  les  bactéries  et  en 
prévenir  le  développement  dans  le  liquide  lui-même  ;  tou- 
tefois, le  borax  qui  a  tant  d'avantages  au  point  de  vue  de 
la  pratique,  reste  presque  sans  action  contre  les  germes; 

(1)  J.  Neumann,  Experimentelle  Untersuchengen  ilber  die  Wirkung  det' 
Borsaure.  [Archiv  fur  experimentelle  Pathologie-,  20  mai  188J,  p.  148. 


ISO  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

ceux-ci  ne  sont  qu'engourdis,  ils  ne  sont  pas  détruits,  et 
ils  reprennent  leur  activité  quand  on  les  transporte  dans 
un  milieu  de  culture  favorable.  Heureusement  qu'il  est  fa- 
cile de  maintenir  constamment  les  germes,  dont  on  suppose 
la  présence,  au  contact  de  la  solution  boratée  qui  ne  per- 
met pas  leur  développement. 

M.  Pasteur  recommande  les  solutions  de  borax  comme 
d'excellents  moyens  de  désinfection  des  mares  souillées 
par  les  protorganismes  du  charbon  et  des  différents  virus 
bactériformes. 

M.  le  professeur  Félix  Guyon  fait  un  usage  journalier^ 
pour  le  pansement  des  plaies,  de  plumasseaux  d'ouate  hu- 
mectés d'une  solution  saturée  d'acide  borique  ;  les  malades 
supportent  parfaitement  ce  topique  inodore,  non  irritant, 
inoffensif,  et  qui  ne  tache  ni  le  linge  ni  les  mains.  Ce  to- 
pique est  entré  dans  la  pratique  journalière  de  la  chirur- 
gie, et  il  mérite  d'y  garder  une  bonne  place. 

Jusqu'à  présent,  on  n'a  pu  donner  une  explication  sa- 
tisfaisante du  mode  d'action  de  l'acide  borique  ;  ce  n'est 
ni  un  coagulant,  ni  un  oxydant  direct,  ni  un  caustique,  etc.. 
Le  docteur  Pavesi,  de  Mortara,  a  montré  qu'une  solution 
aqueuse  concentrée  de  borate  de  soude  jouit  de  la  pro- 
priété d'engendrer  de  l'ozone.  On  le  démontre  par  la 
prompte  coloration  que  subit  à  son  contact  le  papier  réac- 
tif à  la  teinture  de  gayac.  C'est  peut-être  à  l'ozone  que  le 
borate  emprunte  ses  propriétés  à  la  fois  antiseptiques» 
antifermentatives  et  désinfectantes  ;  mais  n'abuse-t-on  pas 
un  peu,  depuis  quelques  années,  de  l'intervention  de 
l'ozone? 

Le  borate  de  soude,  le  biborate  d'ammoniaque  participent 
des  propriétés  antiseptiques  de  l'acide  borique.  Le  bibo- 
rate d'ammoniaque,  en  particulier,  a  été  utilisé  pour  injec- 
tion conservatrice  des  cadavres.  En  1859,  des  expériences 
ont  été  faites  avec  ce  sel,  au  Val-de-Grâce,  et  nous  avons 
fait  nous-même  l'autopsie,  en  août  1859,  d'un  cadavre  qui 


SILICATE  DE  SOUDE.  151 

au  mois  d'octobre  1858  avait  reçu  dans  la  carotide  6  li- 
tres de  liquide  tenant  en  solution  800  grammes  de  bibo- 
rate  d'ammoniaque.  La  conservation  était  parfaite,  les  or- 
ganes avaient  gardé  leur  consistance  et  leur  coloration, 
les  lésions  anatomiques  qui  avaient  causé  la  mort 
purent  être  facilement  reconnues  ;  la  surface  cutanée  était 
seule  desséchée,  par  l'exposition  à  l'air  libre  pendant  près 
de  10  mois,  sur  une  table  d'amphithéâtre.  L'acide  borique 
et  ses  composés  nous  paraissent  donc  des  agents  antisep- 
tiques de  premier  ordre,  et  nous  les  croyons  aptes  à 
jouer  un  rôle  considérable  dans  le  traitement  hygiénique 
des  affections  internes  et  externes. 

Silicate  DE  soude.  —  MM.  Rabuteau  etF.  Papillon  (1)  ont 
montré  par  des  expériences  précises,  que  le  silicate  de 
soude  empêche  toute  manifestation  des  agents  divers  de  la 
fermentation  et  delà  putridité;  ils  ont  vu  qu'en  ajoutant 
1  gramme  de  silicate  à  100  grammes  de  moût  de  vin  ou 
d'urine,  on  empêche  la  fermentation  ou  la  décomposition 
du  sang,  du  pus,  de  la  bile  de  se  produire  pendant  plus  de 
8  jours.  Une  solution  de  silicate  de  soude  au  25"  empêche 
pendant  plus  de  10  jours  une  émulsion  d'amandes  douces 
et  amères  d'exhaler  l'odeur  d'hydrure  debenzoïle;  ils  pen- 
saient qu'à  dose  égale,  le  silicate  de  soude  était  plus  actif 
que  le  borate  de  soude  ;  mais  1  gramme  de  silicate  dis- 
sous dans  40  grammes  d'eau  et  injecté  dans  les  veines 
d'un  chien  détermine  la  mort  avec  vomissements  et  albu- 
minurie, tandis  que  la  même  dose  de  borate  ne  trouble  pas 
la  santé  de  l'animal.  Ces  auteurs  ont  recommandé  l'injec- 
tion intravésicale,  dans  le  cas  d'urines  fétides,  d'une  solu- 
tion contenant  50  centigrammes  de  silicate  de  soude  pour 


(1)  Rabuteau  et  Papillon,  Recherches  sur  les  propriétés  anti fermentes- 
cibles  et  l'action  physiologique  du  silicate  de  soude.  (Comptes  rendus  de 
V Académie  des  sciences,  30  septembre  1872,  28  oclobie  1872  et  2  décem- 
bre 1872.) 


152  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

100  grammes  d'eau,  et  MM.  Dubreuil,  Marc  Sée,  Cham- 
pouillon  paraissent  en  avoir  tiré  un  bon  résultat. 

M.  Picot  (1)  est  arrivé  à  des  conclusions  un  peu  différen- 
tes :  il  a  fallu  1^%60  de  silicate  pour  empêcher  la  fermen- 
tation de  100  grammes  d'une  solution  de  levure  de  bière  et 
de  glucose;  mais  100  centimètres  cubes  d'eau  dans  les- 
quels on  avait  broyé  40  grammes  de  viande  fraîche,  puis 
ajouté  seulement  20  centigrammes  de  silicate  de  soude,  ne 
laissaient  constater  au  bout  d'un  mois  aucun  animalcule  de 
putréfaction.  Il  a  trouvé  en  outre  que  ce  sel,- à  très  petites 
doses,  retarde  beaucoup  la  fermentation,  qu'il  s'oppose  à 
la  transformation  en  glycose  de  la  matière  glycogène  du 
foie,  etc.  Dans  un  dernier  mémoire,  M.  Picot  arrivait  aux 
conclusions  suivantes  : 

«  Il  tue  à  la  dose  de  1  gramme  les  lapins  auxquels  on  le 
donne  ;  il  produit  la  tendance  à  l'asphyxie  par  la  destruc- 
tion des  globules  rouges,  la  fièvre,  la  diarrhée.  Il  n'em- 
pêche pas  la  mort  des  animaux  auxquels  on  injecte  du 
glucose  et  de  la  levure  de  bière.  Quant  à  son  action  sur  la 
septicémie  expérimentale,  il  n'empêche  pas  la  mort,  que 
l'animal  soit  saturé  de  ce  sel  avant,  pendant  ou  après  l'in- 
jection putride;  il  arrête  bien  la  putréfaction  en  dehors  de 
l'économie,  mais  il  ne  prévient  nullement  la  fermentation 
putride  du. sang.  » 

Nous  consignons  ici  l'explication  donnée  par  Gubler  et 
Bordier  (2)  du  mode  d'action  du  silicate  de  soude  ;  d'après 
ces  auteurs,  ce  sel  est  un  antifermentescible,  parce  qu'il 
incruste,  il  fossilise  les  germes.  L'hypothèse  est  ingé- 
nieuse, mais  c'est  une  hypothèse,  et  aucun  examen  histo- 
logique  ou  histochimique  n'a  encore  démontré  la  réalité  de 
cette  fossilisation. 

(1)  Picot,  Sur  les  propriétés  antifermentescibles  du  silicate  de  soude. 
{Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences  ;  1872,  t.  II,  p.  1124  et  1516  ; 
et  1873,   t.  I,  p.  99.) 

(2)  Gubler  et  Rordier,  Des  substances  antiputrides  et  antifermentescibles, 
(Bulletin  de  thérapeutique,  1873,  t.  LXXXIV,  p.  265.) 


ACIDE  PYROGALLIQUE.  153 

Acide  pyrogallique.  —  Il  se  présente  sous  l'aspect  de 
lames  ou  d'aiguilles  blanchâtres,  de  saveur  amère  et  astrin- 
gente, très  solubles  dans  l'eau. 

M.  le  docteur  Bovet  (1),  de  Neuchàtel,  a  fait  une  ingé- 
nieuse application  des  théories  récentes  de  M.  Pasteur, 
à  la  recherche  et  à  l'emploi  d'antiseptiques  nouveaux. 
M.  Pasteur,  on  le  sait,  a  distingué  les  bactéries  et  vibrions 
en  aérobies  et  anaérobies,  ceux  qui  ne  peuvent  vivre 
qu'en  présence  de  l'oxygène,  et  ceux  que  l'oxygène  tue. 

Dans  un  liquide  qui  commence  à  se  putréfier,  le  premier 
effet  du  développement  des  infusoires  (monas  crepusculum 
et  bacterium  terrao),  est  la  disparition  de  l'oxygène  dans 
les  couches  supérieures  ;  quand  il  n'y  a  plus  d'oxygène, 
les  bactéries  meurent  et  leurs  cadavres  tombent  au  fond  du 
vase  pour  faire  place  aux  vibrions  aérobies.  M.  Bovet  s'est 
demandé  s'il  ne  serait  pas  rationnel  de  supposer  aux  sub- 
stances qui  sont  très  avides  d'oxygène  et  qui  l'absorbent, 
les  propriétés  antiseptiques  regardées  aujourd'hui  comme 
le  privilège  des  corps  oxydants  ;  en  d'autres  termes,  les 
substances  avides  d'oxygène  ne  pourraient-elles  pas  tuer 
les  vibrions  pour  ainsi  dire  par  asphyxie?  L'acide  pyrogal- 
lique ou  mieux  pyrogallol  est  très  avide  d'oxygène  ;  on 
s'en  sert  journellement  dans  les  laboratoires  pour  doser 
l'oxygène;  une  pincée  de  cet  acide  introduit  sous  le  mercure 
dans  une  éprouvette  remplie  d'un  mélange  gazeux  absorbe 
presque  instantanément  l'oxygène,  qu'on  dose  par  la  réduc- 
tion du  volume  total.  Personne  a  constaté  que  lorsqu'on 
l'injecte  dans  le  sang,  même  en  solution  assez  faible,  il 
amène  assez  rapidement  la  mort,  sans  doute  en  désoxy- 
génant  le  liquide  sanguin. 

M.  Bovet  a  expérimenté  l'action  du  pyrogallol  sur  les 


(1)  V.  Bovet,  de  Neuchàtel,  Des  propriétén  antiseptiques  de  l'acide  pyro- 
gallique. (Lyon  médical,  12  janvier  18"9,  p.  37,  et  Revue  d'hygiène,  1879, 
■p.  154.) 


134  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

ferments  organisés  ;  ses  expériences  lui  ont  fourni  les  ré- 
sultats suivants  : 

1°  Une  solution  de  1  à  2  pour  100  empêche  pendant 
des  mois  le  développement  d'odeur  et  de  protorganismes  ; 

2°  La  solution  à  2  1/2  p.  100  enlève  l'odeur  et  détruit 
les  bactéries  des  liquides  en  pleine  putréfaction  ; 

3°  La  solution  à  3  p.  100  immobilise  sous  le  microscope 
et  tue  les  éléments  du  bacillus  subtilis  ; 

4°  L'acide  pyrogallique  empêche  la  fermentation  alcoo- 
lique et  la  formation  de  moisissures. 

5°  Les  solutions  à  2  p.  100,  employées  chez  l'homme, 
n'ont  aucune  action  nuisible  en  application  topique,  et  elles 
désinfectent  très  bien,  mais  cet  acide  noircit  les  instru- 
ments d'acier,  et  ceux-ci  tachent  fortement  les  mains;  on 
peut  enlever  ces  taches  avec  l'acide  oxalique  et  rendre  aux 
instruments  leur  couleur  naturelle  en  les  lavant  dans  une 
solution  concentrée  de  soude. 

Nous  n'avons  aucune  expérience  personnelle  de  ce  dé- 
sinfectant, dont  la  cherté  réduit  singulièrement  l'emploi. 
Mais  au  point  de  vue  de  la  théorie  des  désinfectants,  il  ne 
pouvait  manquer  de  trouver  place  ici,  et  il  ouvre  peut-être 
la  voie  à  de  nouvelles  découvertes  en  ce  sens.  L'acide  py- 
rogallique est  malheureusement  une  substance  qui  paraît 
toxique  pour  l'homme.  Neisser  (1)  a  relaté  un  cas  terminé 
par  la  mort,  observé  chez  un  homme  de  34  ans  atteint  de 
psoriasis  généralisé,  chez  qui  on  avait  voulu  comparer  l'ac- 
tion de  l'acide  pyrogallique  et  celle  de  l'acide  chrysophani- 
que  ;  les  deux  moitiés  du  corps  avaient  été  frictionnées  avec 
une  pommade  contenant  l'un  ou  l'autre  de  ces  acides.  Le 
lendemain,  coUapsus,  aspect  cadavérique  ;  urine  noire,  mort 
le  4'  jour.  A  l'autopsie,  sang  de  couleur  brun-sale  ;  dégé- 
nération adipeuse  en  îlots  du  muscle  cardiaque.  La  mort, 


(1)  A.  Neisser,  Klinische  Experimentelle  zur  Wirkung  derPyrogallsaùre. 
{Zeitschrift  fiir  kl.Med.,  1879,  1. 1,  p.  88,  et  Revue  de  Hayem,  1880,  t.  XVI, 
p.  89.) 


VINAIGRE.  —  ACIDE  ACÉTIQUE.  155 

suivant  Neisser,  devait  être  rapportée  à  la  destruction  des 
globules  rouges  par  l'acide  pyrogallique,  au  passage  de  la 
matière  colorante  dans  le  plasma  sanguin,  c'est-à-dire  à 
l'hémoglobinurie. 

Vinaigre,  acide  acétique.  —  Le  Vinaigre,  l'acide  acétique^ 
sont  des  antiseptiques  ;  nous  en  avons  la  preuve  dans  les 
conserves  de  légumes  servant  de  condiments.  Il  ne  faut  pas 
oublier  toutefois  que  le  vinaigre  est  un  milieu  favorable 
à  la  pullulation  d'un  nombre  extraordinaire  d'anguillules^ 
d'infusoires ,  de  protorganismes  de  toutes  sortes ,  sans- 
compter  même  les  corpuscules  de  la  fermentation  acétique.. 
C'est  peut-être  sans  raison  suffisante  que  le  vinaigre  jouit, 
dans  le  public,  d'une  grande  réputation  comme  désinfec- 
tant et  comme  antiseptique.  Liebig  a  cherché  à  justifier 
ce  préjugé,  en  disant  qu'en  réalité  l'acide  acétique  a  le 
pouvoir  de  fixer  l'ammoniaque  et  les  bases  organiques  qui 
accompagnent  la  fermentation.  Mais  son  action  est  faible^ 
et  son  efficacité  presque  illusoire. 

L'acide  acétique  a  joui  anciennement  d'une  grande  répu- 
tation comme  désinfectant.  Il  était  jadis  en  grande  faveur 
chez  les  Arabes  et  plus  tard  chez  les  Italiens.  On  raconte 
que  le  cardinal  Wolsey  transportait  toujours  avec  lui  une 
éponge  imbibée  de  vinaigre,  qu'il  plaçait  dans  une  peau 
d'orange  ;  il  en  respirait  l'odeur  quand  il  traversait  les- 
foules  compactes  qui  se  pressaient  sur  son  passage.  La 
légende  a  transmis  jusqu'à  nous  cette  opinion  assez  peu; 
justifiée  sur  la  valeur  de  l'acide  acétique  ou  du  vi- 
naigre :  pendant  la  peste  de  Alarseille  (1120),  on  arrêta 
quatre  malfaiteurs  qui  dépouillaient  les  corps  des  pestiférés  ; 
on  leur  promit  la  vie  sauve  s'ils  faisaient  connaître  le 
moyen  par  lequel  ils  avaient  réussi  à  se  préserver  de  la 
contagion  :  la  formule  du  vinaigre  des  quatre  voleurs 
remonte  à  cette  époque. 

En  ces  derniers  temps,  le  D'  Roth  a  essayé  de  réhabili- 


156  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

ter  la  vertu  désinfectante  de  l'acide  acétique:  nous  ne  pen- 
sons pas  que  la  lecture  de  son  mémoire  convainque  per- 
sonne. 

John  Dougall  se  loue  de  l'emploi  de  ce  qu'on  appelle 
dans  la  pharmacopée  anglaise  l'acide  acétique  glacial 
aromatique  ;  cet  acide  contient  des  huiles  essentielles  de 
romarin,  de  néroli,  de  cinnamome,  de  girofle,  debergamot- 
te,  de  lavande  et  d'alcool  ;  c'est  un  véritable  parfum  qu'on 
fait  volatiliser  sur  une  plaque  de  fer  fortement  chauffée  ; 
on  fait  encore  des  lavages  du  corps  des  malades  avec  une 
éponge  imbibée  de  ce  mélange  étendu  d'eau,  et  il  est  vrai- 
semblable que  ce  liquide  aromatique  remplacerait  d'une 
agréable  façon  les  lotions  vinaigrées  qui  sont  chez  nous 
d'un  usage  si  fréquent  dans  la  fièvre  typhoïde.  En  Angle- 
terre, ces  lotions  sont  très  souvent  employées,  deux  fois 
par  jour,  à  la  période  de  desquamation  de  la  scarlatine, 
^t  c'est  là  un  bon  moyen  d'activer  les  fonctions  delà  peau, 
en  même  temps  que  de  détruire  les  germes  contagieux  qui 
se  détachent  incessamment  du  malade.  Certains  auteurs 
prétendent  que  ce  lavage  avec  l'acide  acétique  aromatique 
dégage  autour  du  malade  une  atmosphère  ozonisée,  qui 
■active  la  destruction  des  particules  organiques  et  des 
^miasmes. 

Acide  picrique.  —  L'acide  picrique  est  un  nouveau  venu 
dans  la  thérapeutique  et  comme  antiseptique.  L'acide  pi- 
•crique  ou  carbo-azotique  est  un  phénol  qui  se  produit  dans 
la  distillation  du  goudron  de  la  houille  ;  il  se  présente  sous 
l'apparence  de  cristaux  d'un  jaune  citron,  sans  odeur,  d'une 
saveur  acide  et  amère  ;  l'eau  en  dissout  environ  15  grammes 
par  htre.  C'est  une  substance  assez  toxique,  qui,  à  la  dose  de 
60  centigrammes  par  jour,  produit  chez  l'homme,  outre  une 
coloration  jaune  orange  extrêmement  foncée  de  la  peau  et 
des  urines,  le  ralentissement  et  l'affaiblissement  du  cœur, 
la  prostration  des  forces,  l'hébétude,  le  vertige  ;  il  est  assez 


ACIDE  PICRIQUE.  15X 

curieux  de  noter  que  ces  accidents  rappellent  également 
ceux  qui  accompagnent  le  véritable  ictère  par  cholémie. 

Depuis  longtemps,  M.  Ranviera  propagé,  sinon  introduit 
chez  nous,  l'emploi  de  cet  acide  pour  les  préparations  histo- 
logiques  ;  il  durcit  les  tissus  et  en  empêche  la  putréfaction. 

M.  Chéron  (1)  a  étudié  l'action  antiseptique  et  désin- 
fectante de  cette  substance  :  il  a  obtenu  la  désinfection  des 
latrines  d'un  hôpital^  en  y  versant  10  litres  d'une  solution 
picrique  saturée  à  15  grammes.  L'acide  picrique  coagule 
l'albumine  (réactif  d'Esbach  pour  le  dosage  volu métrique 
de  l'albumine  urinaire),  il  arrête  la  prolifération  des  cel- 
lules de  la  levure  de  bière  ;  la  farine  de  moutarde  délayée 
dans  une  solution  de  cet  acide  reste  inerte,  la  formation  de 
l'huile  essentielle  est  empêchée.  Il  empêche  également, 
même  à  très  faible  dose  et  à  une  température  de  -|-  25",. 
la  formation  de  sucre  dans  un  mélange  de  fécule  et  de 
levain;  la  germination  des  graines  de  fleurs  ne  se  fait  plus 
dès  qu'on  ajoute  à  l'eau  qui  a  humecté  ces  graines  une  faible 
quantité  d'acide  picrique.  En  faisant  ingérer  à  un  malade 
une  certaine  dose  de  cet  acide,  les  urines  cessent  de 
subir  la  fermentation  ammoniacale,  même  dans  les  cas  de 
catarrhe  vésical  ;  on  obtient  le  même  résultat  en  injectant 
une  solution  d'acide  Jpierique  directement  dans  la  vessie. 

Les  expériences  de  laboratoire  très  précises  confirment 
ces  résultats  de  l'expérience  et  de  la  pratique.  Schwartz 
(1880)  a  vu  que  les  bactéries  de  l'infusion  de  tabac  sont 
tuées  dans  le  liquide  de  culture  de  Bucholtz-Pasteur,. 
quand  on  y  ajoute  une  quantité  d'acide  picrique  qui 
porte  le  titre  de  la  solution  à  1  p.  15,000;  la  solution  à 
1  p.  20,000  était  inefficace.  Kiihn  a  eu  besoin  de  la  dose 
de  1  p.  1,000  pour  empêcher  le  liquide  de  Bucholtz  de  se 
peupler  de  bactéries  après  y  avoirversé  quelques  gouttes 
d'une  infusion  de  tabac  ou  d'ergot  de  seigle,  chargée  de 

(1)  J.  Chéron,  De  l'acide  picrique  et  de  ses  propriétés  antiseptiques^ 
Journal  de  thérapeutique  de  Gubler,  1880,  p.  121.) 


158  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

bactéries  adultes.  Wernitz,  de  son  côté,  a  trouvé  que  tandis 
que  la  dilution  à  1  p.  500  avait  peu  d'action  sur  le  ferment 
lactique,  la  dose  del  p.  3,133  suffisait  pour  abolir  l'action 
de  l'émulsine. 

Jalan  de  la  Croix  est  arrivé  aux  résultats  suivants ,  qui 
•diffèrent  sensiblement  de  ceux  de  Kiihn. 

Le  bouillon  dans  lequel  on  laisse  tomber  quelques  gouttes 
de  bouillon  contenant  des  bactéries,  ne  permet  plus  le  dé- 
veloppement de  ces  bactéries  quand  il  contient  1  p.  2,005 
■d'acide  picrique  et  les  germes  eux-mêmes  sont  détruits  par 
la  dose  de  1  p.  706. 

La  dose  qui  tue  les  bactéries  adultes  en  plein  dévelop- 
pement dans  le  bouillon  est  1  p.  1,000,  et  1  p.  200  celle 
•qui  stérilise  définitivement  les  germes.  La  dose  de  1  p. 
2,000  suffit  pour  empêcher  le  développement  de  bactéries 
dans  le  bouillon  cru  ou  cuit,  exposé  à  l'air  libre  ;  mais  la 
dose  de  1  p.  200  à  1  p.  100  est  nécessaire  dans  ce  cas 
pour  détruire  sans  retour  la  reviviscence  de  tous  les  ger- 
mes. 

On  voit  doneque  la  valeur  antiseptique  de  l'acide  picrique 
est  sérieuse  ;  elle  est  encore  peu  connue  et  peu  utilisée.  La 
coloration  intense  et  tenace  que  donne  cet  acide  à  tous  les 
tissus  et  à  tous  les  liquides,  son  action  déjà  toxique  à  des 
doses  modérées,  diminuent  malheureusement  un  peu  les 
espérances  que  les  résultats  précédents  pourraient  faire 
•concevoir.  Pendant  nne  année,  à  Constantine,  nous  avons 
expérimenté  l'emploi  interne  de  cet  acide  dans  la  fièvre 
intermittente,  à  vrai  dire  sans  succès. 

Acide  phénique.  —  Nous  nous  contenterons  de  rappeler 
certaines  propriétés  de  l'acide  phénique  ou  carbolique  que 
l'hygiéniste  a  besoin  de  connaître.  Il  est  peu  soluble  dans 
l'eau,  mais  il  est  soluble  en  toutes  proportions  dans  l'al- 
cool, dans  l'huile,  dans  la  glycérine.  Ces  deux  derniers 
véhicules  sont  extrêmement  précieux.  Les  solutions  fortes 


ACIDE  PHÉNIQUE.  159 

d'huile  phéniquée  sont  admirablement  supportées  par  les 
plaies  récentes  ;  l'huile  phéniquée  empêche  la  volatilisa- 
tion rapide  de  l'acide,  elle  protège  mieux  que  l'eau  contre 
l'envahissement  des  protorganismes  venus  du  dehors; 
elle  s'oppose  dans  une  certaine  mesure  à  l'absorption 
de  l'acide  phénique  et  rend  les  intoxications  plus  diffi- 
ciles. De  l'huile  phéniquée  à  20  p.  100  est  mieux  suppor- 
tée qu'une  solution  aqueuse  à  2  p.  100.  Cependant  Koch, 
G.  Wolffhiigel  et  von  Knorre  viennent  de  montrer  que 
l'eau  phéniquée  est  plus  active  que  la  solution  dans  l'huile 
(désinfection  des  plaies). 

Lister  emploie  communément  deux  solutions  aqueuses  : 
la  faible  à  2  1/2  p.  100,  la  forte  à  5  p.  100.  A  l'intérieur, 
l'acide  phénique  a  été  employé  comme  antiseptique  dans 
la  fièvre  typhoïde,  la  variole,  etc.,  soit  en  lavements,  soit 
en  potions  ou  en  pilules.  La  dose  maximum  par  jour  ne 
doit  pas  dépasser  1  gramme,  et  il  y  aurait  peut-être  dan- 
ger à  administrer  d'emblée  une  dose  aussi  forte.  Dans  la 
médecine  humaine  et  dans  la  médecine  vétérinaire,  les 
injections  sous-cutanées  d'acide  phénique  très  pur  ou  des 
divers  phénates  solubles  ont  été  employées  avec  succès 
dans  les  maladies  infectieuses,  les  intoxications  septiques, 
en  particulier  autour  des  pustules  malignes.  Dans  ce  der- 
nier cas,  M.  Trélat  et  M.  Verneuil  ont  obtenu  des  succès 
remarquables  par  ce  moyen. 

L'acide  phénique  a  l'inconvénient  d'être  caustique,  irri- 
tant, et  à  l'intérieur  toxique.  Kuster  et  Nussbaum  ont  bien 
étudié  ces  accidents  d'intoxication  qui  se  caractérisent  par 
de  la  céphalalgie,  de  la  gastralgie,  du  refroidissement  avec 
lipothymie,  faiblesse  du  pouls,  coloration  verte,  puis  noire 
des  urines.  Ces  symptômes  n'arrivent  guère  qu'après  l'in- 
jection stomacale  de  doses  élevées  d'acide  phénique  (plus 
de  1  gramme  en  24  heures),  et  quand  on  a  abandonné  des 
solutions  fortes  dans  des  cavités  closes  ou  dont  l'écoulement 
se  fait  difficilement  ;  on  comprend  qu'il  y  ait  un  véritable 


160  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

danger  à  laver  la  plèvre  avec  une  solution  contenant 
20  grammes  d'acide  par  litre,  quand  une  partie  du  liquide 
doit  séjourner  dans  la  cavité  pleurale.  II  ne  faut  pas  donner 
toutefois  une  valeur  exagérée  à  la  coloration  noire  ou  bistre 
des  urines  ;  nous  l'avons  constatée  plusieurs  fois  chez  des 
malades  qui  n'avaient  aucun  symptôme  d'empoisonnement, 
dont  la  santé  n'était  de  ce  fait  aucunement  troublée,  et  qui 
n'avaient  absorbé  qu'une  dose  presque  insignifiante  d'acide 
phénique,  entre  autres  chez  un  albuminurique  dont  les 
jambes  infiltrées  et  exulcérées  étaient  pansées  avec  une 
solution  à  1  p.  200.  La  coloration  noire  ne  survient  parfois 
que  quelque  temps  après  l'émission  de  l'urine,  par  l'expo- 
sition prolongée  à  l'air.  Les  enfants  supportent  mal  l'acide 
phénique,  et  les  accidents  sont  chez  eux,  toute  proportion 
gardée,  plus  communs  que  chez  les  adultes. 

Pour  conjurer  les  phénomènes  de  l'intoxication  par 
l'acide  phénique,  on  a  préconisé  l'administration,  à  l'inté- 
rieur, du  sulfate  de  soude.  Baumann  a  reconnu  que  dans 
l'organisme  les  sulfates  alcalins  s'unissent  à  l'acide  phé- 
nique pour  former  des  sulfo-phénates  non  toxiques. 
D'autre  part,  Sonnenburg  a  constaté  cliniquement  qu'en 
administrant  du  sulfate  de  soude,  à  dose  non  purgative,  à 
des  malades  chez  qui  l'on  observait  avec  les  urines  noires 
les  symptômes  de  l'intoxication  par  l'acide  phénique,  on 
voyait  presque  immédiatement  disparaître  à  la  fois  la  colo- 
ration brune  des  urines  et  les  accidents  toxiques,  en  même 
temps  que  les  sulfates  qui  avaient  disparu  de  l'urine  recom- 
mençaient à  y  apparaître.  L'on  a  récemment  recommandé 
contre  les  empoisonnements  par  l'acide  phénique,  l'emploi 
du  sucrate  de  chaux,  sous  la  forme  suivante  : 

Sucre 16  parties . 

Eau 40      — 

Chaux  caustique 5      — 

Ce  liquide  est  employé  pour  faire  des  lavages  avec  la 
pompe  stomacale 


ACIDE  PHÉNIQUE.  161 

Ces  préliminaires  rappelés,  voyons  quelle  est  la  mesure 
des  propriétés  antiseptiques  de  l'acide  phénique  : 

A.  Wernich  a  mêlé  à  de  la  viande  hachée  une  solution 
d'acide  phénique  ;  une  proportion  de  cet  acide,  égale  à 
2  p.  100  de  la  masse,  empêche  la  décomposition  ;  mais  dès  le 
4»  jour,  les  bactéries  peuvent  déjà  reparaître.  La  plupart 
des  ferments  perdent  leur  action  par  une  dose  d'acide 
phénique  égale  à  1  p.  20  même  1  p.  80;  celle  de  1  p.  100 
suffit  pour  détruire  le  ferment  de  la  présure. 

Sternberg  humectait  de  quelques  gouttes  d'acide  phéni- 
que impur  un  petit  chiffon  suspendu  au  milieu  d'une  caisse 
en  bois  cubant  10  décimètres  cubes  :  des  verres  de  montre, 
placés  au  milieu  de  la  caisse,  renfermaient  une  infusion 
de  viande  chargée  de  bactéries  ;  on  notait  au  bout  de 
combien  de  temps  d'exposition  à  ces  vapeurs  d'acide 
phénique  les  bactéries  restaient  définitivement  (pendant 
4  heures)  immobiles  : 

Au  bout  de  20  minutes ....     avec  8  gouttes  d'acide. 

—  1  tieure avec  5  gouttes        — 

—  1  heure  10  .  .   .   .     avec  3  gouttes       — 

Il  est  regrettable  que  l'auteur  n'ait  pas  opéré  avec  de 
l'acide  phénique  pur  et  cristallisé,  car  le  degré  d'impureté 
de  l'acide  phénique  peut  varier  extrêmement  suivant  les 
pays.  Néanmoins,  nous  ferons  remarquer  que  5  gouttes 
d'acide  dans  une  capacité  de  10  litres  1/2,  correspondent  à 
1  k.  350  dans  une  chambre  ordinaire,  cubant  60  mètres! 

MM.  Gosselin  et  A.  Bergeron  (1)  ont  montré  que  la  solu- 
tion d'acide  phénique  doit  être  concentrée  pour  empêcher 
l'apparition  des  bactéries  et  de  la  putréfaction  dans  du  sang 


(1)  Gosselin  et  A.  Bergeron,  Études  sur  les  effets  et  le  mode  d'action  des 
substances  employées  dans  le  pansement  antiseptique.  (Comptes  rendus  de 
l'Académie  des  sciences,  séance  du  29  septembre  1879,  et  Recherches  sur 
la  valeur  antiseptique  de  certaines  substances  et  en  particulier  de  la  so- 
lution alcoolique  de  Gaultheria.  Archives  de  médecine,  janvier  1881, 
p.  16.) 

VaLLIN.    —   DÉSINFECTAMS.  11 


162  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

abandonné  à  l'air  libre.  Les  auteurs  plaçaient  dans  chaque 
tube  1  gramme  de  sang  frais,  et  y  ajoutaient  6  gouttes 
d'une  solution  phéniquée  plus  ou  moins  concentrée  :  ils 
ont  obtenu  les  résultats  suivants  : 


1  gramme  sang  ou  sérum  pur 

—  -\-  6  gouttes  d'acide  pliénique  au  100° 

—  +6  gouttes  de  solution  au  50"  .  .  . 

—  —  6  gouttes  de  solution  au  20«  .  .  , 


DEBUT  DE  LA  PUTREFACTIOIN 


3  à  4e  jour 

■i  à  5e      » 

b  à  6"     » 

après  le  2ie jour 


7e  jour. 


10»      » 

Nulle  trace 

de  putréfaction 

au  30»  jour. 


Si  l'on  tient  compte  de  la  dilution  définitive,  on  verra  que 
la  putréfaction  n'a  été  complètement  empêchée  que  par  une 
dilution  à  11  p.  100,  c'est-à-dire  en  ajoutant  15  milligram- 
mes d'acide  phénique  cristallisé  à  ls',30  de  liquide  totaL 

Dans  des  expériences  ultérieures,  MM.  Gosselinet  Berge- 
ron  ont  vu  qu'on  arrivait  à  un  résultat  beaucoup  plus  sûr 
en  ajoutant  chaque  jour  une  goutte  de  solution  phéniquée 
au  liquide  qu'on  veut  préserver  :  c'est  une  confirmation 
des  opinions  précédemment  émises  par  Dougall,  Béchamp^ 
Neubauer  ;  on  fait  cesser  ainsi  l'accoutumance  des  bactéries 
à  une  solution  phéniquée  déterminée  ;  on  remplace  en  outre,, 
et  au  delà,  l'acide  phénique  qui  s'évapore  incessamment 
d'un  jour  à  l'autre. 

M.  Jalan  de  la  Croix,  à  la  suite  de  54  expériences  faites 
avec  l'acide  phénique,  est  arrivé  aux  résultats  suivants.. 
Pour  empêcher  le  développement  des  bactéries  dans  du 
jus  de  viande  préparé  aseptiquement,  et  dans  lequel  on  fait 
tomber  2  gouttes  de  jus  fourmillant  de  bactéries,  il  faut 
ajouter  au  premier  liquide  une  dose  d'acide  phénique  égale 


ACIDE  PHÉNIQUE.  163 

à  1  sur  669.  Mais  pour  que  les  germes  contenus  dans 
quelques  gouttes  de  ce  liquide  ainsi  désinfecté,  portées 
dans  un  milieu  de  culture  approprié,  ne  soient  plus  ca- 
pables de  reproduire  les  bactéries,  il  faut  qu'ils  aient  subi 
l'action  d'une  solution  d'acide  phénique  à  1  sur  22,  soit 
près  de  5  p.  100. 

Dans  du  jus  de  viande,  les  bactéries  qui  y  ont  pullulé 
après  ensemencement  direct  à  l'aide  de  quelques  gouttes 
de  jus  chargé  de  bactéries,  ne  sont  tuées  que  par  une  dose 
d'acide  égale  à  1  sur  22.  Pour  être   sûr  que  les  germes 
contenus  dans  ce  liquide  ne  se  reproduiront  pas  dans  un 
milieu  convenable,  il  faut  que  la  proportion  de  l'acide  ait 
atteint  la  dose  énorme  de  1  partie  pour  2,  6  parties  du  mé- 
lange, soit  près  de  40  grammes  d'acide  phénique  cristal- 
lisé pour  100  grammes  du  liquide  !  Pour  empêcher  du  jus 
de  viande,  abandonné  à  l'air  libre,  de  se  remplir  de  bacté- 
ries, il  suffit   d'une    proportion  d'acide  de   1  pour  402, 
soit  2o  centigrammes  d'acide  pour  100  grammes  du  mé- 
lange,quand  le  jus  de  viande  a  été  soumis  à  l'ébullition  ;  et 
cette  fois  encore,  il  faut  1  partie  d'acide  sur  22,  pour  empê- 
cher les  germes  de  se  reproduire.  Quand,  au  contraire,  le 
jus  de  viande  a  été  préparé  à  froid, non  bouilli,  il  ne  faut 
plus  que  1  d'acide  pour  502,  soit  2  p.  100  ;  mais  les  germes 
ne  sont  pas  définitivement  stérilisés,  même  par  une  solu- 
tion à  1  pour  10! 

Il  est  impossible  d'accepter  sans  réserves  ces  chiffres  un 
peu  extraordinaires.  Tout  d'abord,  il  est  presque  incon- 
cevable qu'il  faille  une  dose  moindre  d'acide  phénique 
pour  préserver  le  bouillon  cru,  que  pour  préserver 
le  bouillon  qui  a  subi  une  ébulHtion  d'une  demi-heure. 
C'est  le  contraire  qui  devrait  avoir  heu,  puisque  l'ébullition 
a  dû  détruire  tous  les  germes  qui  existent  presque  inévita- 
blement dans  de  la  viande  de  boucherie.  Nous  trouvons 
d'ailleurs  souvent  mentionnée  cette  différence  en  faveur  du 
bouillon  cru,  dans  le  tableau  général  de  Jalan  de  la  Croix; 


164  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

c'est  un  motif  pour  ne  pas  accepter  aveuglément  les 
conclusions  de  l'auteur,  et  pour  craindre  qu'il  n'y  ait  là 
qu'un  simple  hasard  d'expérience.  En  outre,  le  chiffre  de 
1  sur  2,6  dépasse  toute  mesure.  L'acide  phénique  nous 
fournit  un  curieux  exemple  d'accoutumance,  on  pourrait 
dire  d'acclimatement,  des  protorganismes  et  des  ferments 
à  un  milieu  toxique.  Neubauer  (l)a  démontré  pour  l'acide 
salicylique,  et  M.  Béchamp  de  Montpellier  (2)  pour  l'acide 
phénique  et  la  créosote,  que  ces  agents  antiseptiques 
entravent,  suspendent  l'action  du  ferment  sans  le  détruire. 
Quand  la  dose  de  l'antiseptique  n'est  pas  trop  forte,  la 
fermentation  qui  était  déjà  en  plein  développement  s'arrête; 
mais  a  le  ferment  se  fait  peu  à  peu  à  sa  nouvelle  situation  ; 
la  fermentation  s'accomplit  lentement,  et  la  multiplication 
continue  à  se  faire  si  les  matériaux  de  nutrition  sont  suf- 
fisants ». 

Le  D''  Cheyne  (3),  qui  a  été  interne  de  Lister  en  1876,  a 
commencé  à  cette  époque,  avec  son  maître,  des  recher- 
ches intéressantes  dont  il  a  donné  le  résultat  en  1879. 
Les  bactéries  n'apparaissent  que  très  rarement  sous  les 
pansements  antiseptiques  bien  faits  ;  mais  les  micrococcus 
y  sont  très  communs,  presque  habituels,  et  comme  il 
est  difficile  de  reconnaître  au  microscope  la  présence  de 
ces  spores  ou  germes  de  bactéries,  M.  Cheyne  a  cher- 
ché à  en  démontrer  l'existence,  en  inoculant,  avec  le 
pus  recueilli  sous  les  appareils,  une  ^f^lll^gg^  aseptique 
et  bouillie  de  concombre,  qui  est  i^-iî/ÇftiilB^èfe'^ï'^'^  P"" 
trescible.  En  cultivant  ainsi  les  micrc^çjg^fug^e^  les  bac- 
téries ,   M.  Cheyne  a  reconnu    que    \§p  .^p^^^ganismes 

'8  B    ijjp     fl 

(1)  Neubauer,  Ueber  die  gahrungshemmende  ^if]ff'ftim<^  Salicylsaure. 
{Journal  fur  prak.  Chemie,  1875,  t.  XI.)  ^ 

(2)  Béchamp.  Observations  sur  les  antiseptiqtièsî<^<^M^nl)pellier  médical, 
no V.  1873,  janv.  el  février  1876.)  y    ^[   çjf, 

(3)  T.  Watson  Cheyne,  Remarks  on  the  occurence  of  organisms  under 
antiseptic  dressings.  (Médical  Timeslatul  Gazettkl  Il4"mars  1879,  p.  561, 
-564  e    674.)  ,i  • 


ACIDE  PHÉNIQUE.  165 

nés  dans  une  solution  à  1  p.  500  pouvaient  donner  nais- 
sance à  d'autres  spores  ou  bactéries  capables  de  vivre  dans 
une  solution  à  1  p.  400,  puis  successivement  à  1  p.  100. 

Nous  admettrons  volontiers  que  les  chiffres  précédents 
puissent  être  dépassés,  mais  qui  ne  voit  la  différence 
incroyable  qui  existe  entre  ces  chiffres  et  le  dernier  chiffre 
mentionné  par  Jalan  de  la  Croix  :  1  sur  2,6  ?  Non  pas 
que  nous  nous  exagérions  les  vertus  antiseptiques  de 
l'acide  phénique  !  cet  agent  a  eu  et  conserve  encore 
aux  yeux  du  public  une  valeur  usurpée  comme  désin- 
fectant :  on  juge  de  sa  vertu  d'après  son  odeur,  et  cette 
odeur  est  si  fragrante,  même  à  très  faible  solution! 

Les  expériences  faites  en  1819,  au  Val-de-Grâce,  par 
3IM.  Perrin  et  Marty  (1),  prouvent  qu'il  ne  faut  pas  trop 
compter  sur  les  vapeurs,  ni  sur  les  pulvérisations  de  solu- 
tions phéniquées  pour  rendre  aseptique  l'air  des  salles  et 
l'atmosphère  qui  entoure  un  blessé.  Ces  auteurs  ont  opéré 
sur  des  liquides  facilement  fermentescibles,  l'eau  d'orge, 
le  lait,  le  sang,  l'urine.  Des  vases  rempHs  de  ces  liquides 
étaient  exposés  dans  l'air  provenant  des  salles  de  malades; 
d'autres  étaient  conservés  à  l'abri  de  toute  souillure  ulté- 
rieure, sous  une  grande  cloche  de  verre,  dans  laquelle 
on  pulvérisait  une  solution  phéniquée  à  5  p.  100,  Les 
deux  groupes  de  liquides  se  remplirent  rapidement  de 
bactéries,  dans  l'atmosphère  purifiée  par  le  spray  phé- 
nique aussi  bien  que  dans  l'air  impur  des  salles,  ce  qui 
prouve  tout  au  moins  combien  il  est  difficile  de  débarrasser 
par  l'acide  phénique,  une  atmosphère  même  limitée,  de 
tous  les  germes  qu'elle  contient.  Une  telle  pulvérisation 
peut  bien  détruire  à  la  rigueur  les  bactéries  adultes  qui 
sont  à  la  surface  du  liquide,  mais  non  pas  les  corpuscules 
germes  qui  peuvent  en  souiller  toute  l'épaisseur;  ce  sont 

(1)  M.  Perrin,  Sur  la  valeur  comparative  du  pansement  de  Lister  et  du 
pansement  alcoolique  .  (Bulletin  de  la  Société  de  [chirurgie,  séance  du 
12  février  1879,  t.  V,  p.  153.) 


i66  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

ces  germes  qui,  arrivant  plus  ou  moins  rapidement  à  l'état 
de  bactéries,  envahissent  tout  le  liquide. 

John  Dougall,  l'un  des  auteurs  qui  ont  le  mieux  étudié 
les  désinfectants,  a  conclu  d'expériences  nombreuses,  «  que 
l'acide  phénique  n'est  pas  un  désinfectant,  qu'il  ne  détruit 
pas  la  matière  organique  ;  ce  n'est  qu'un  antiseptique,  il 
la  conserve  et  l'embaume,  il  arrête  et  empêche  la  putré- 
faction et  la  fermentation,  il  suspend  l'action  zymotique  ; 
mais  bientôt,  en  se  volatilisant,  en  abandonnant  la  ma- 
tière infectante  ou  contagieuse  sur  laquelle  il  s'était  mo- 
mentanément fixé,  il  restitue  à  celle-ci  toute  son  activité  » . 
Nous  verrons  plus  loin,  en  parlant  des  antivirulents,  que 
Baxter  et  Dougall  n'ont  obtenu  la  neutralisation  de  certains 
virus,  qu'en  les  soumettant  à  des  doses  très  élevées  d'acide 
phénique,  et  encore  ne  réussit-on  pas  toujours. 

Parkes  fait  l'expérience  suivante,  pour  prouver  que 
l'acide  phénique  suspend  le  développement  des  pro- 
torganismes,  mais  qu'il  ne  les  détruit  pas,  si  ce  n'est  à  des 
doses  très  concentrées.  Il  fait  passer  sur  des  matières  fécales 
fraîches,  de  l'air  qui  se  lave  dans  l'acide  sulfurique  ;  les 
matières  se  remplissent  de  protorganismes  ;  puis,  on  fait 
arriver  sur  ces  matières  ainsi  cultivées  de  l'air  chargé  de 
vapeurs  d'acide  phénique  ;  très  rapidement,  l'on  voit  les 
parasites  s'arrêter,  se  flétrir,  devenir  brunâtres,  languis- 
sants, ou  être  en  état  de  mort  apparente  ;  enfin,  on  fait 
de  nouveau  passer  de  l'air  débarrassé  de  tout  germe  en 
barbottant.dans  de  l'acide  sulfurique;  et  de  nouveau  les 
parasites  reprennent  leur  activité  et  leur  développe- 
ment. (Army  médical  Report  for  1866,  T.  VIII,  p.  318.) 

Dans  les  expériences  très  minutieuses  et  très  intéres- 
santes qu'il  a  faites  sur  la  désinfection  des  matières  de 
vidanges,  il  a  vu  qu'il  fallait  au  moins  3  grammes  88  cen- 
tigrammes d'acide  phénique  cristallisé  du  commerce  par 
jour,  pour  désinfecter  les  déjections  solides  d'un  homme; 
même  cette  quantité  relativement  énorme,  par  une  tem- 


ACIDE  PHKNIUUE.  167 

pérature  de  -\-  14*'  C,  ne  fait  pas  disparaître  complètement 
l'odeur  fécale,  et  n'arrête  pas  tout  développement  de  vi- 
brions à  mouvements  rapides.  A  une  température  plus 
haute  (-[- 30°  C),  l'effet  est  encore  moins  puissant,  et  il 
faut  une  dose  plus  forte  d'acide  phénique.  Parkes  a  aussi 
■remarqué  que  les  préparations  liquides  d'acide  agissent 
mieux  que  l'acide  cristallisé  lui-même,  et  que  les  acides 
impurs  du  commerce  semblent  plus  puissants  que  l'acide 
très  purifié. 

Lorsqu'on  volatilise  l'acide  phénique  en  le  soumettant  à 
une  chaleur  de-f- 188°  C,  les  fumées  qu'il  produit  n'ont  pas 
une  action  beaucoup  plus  certaine.  Schotte  et  Gartner  (1) 
ont  fait  leurs  expériences  dansune  cave  mesurant  45  mè- 
tres cubes,  et  éclairée  par  une  fenêtre  n'ayant  que 
1  1/2  mètre  carré.  Ils  faisaient  vaporiser  dans  des  vases 
émaillés,  chauffés  au  gaz,  des  quantités  déterminées  d'a- 
cide phénique  cristallisé  et  recherchaient  si,  à  la  fin  de 
l'expérience,  des  bandes  de  flanelle  imbibées  d'un  liquide 
riche  en  bactéries,  étaient  encore  capables  d'ensemencer 
un  liquide'  de  culture  préparé  aseptiquement  ;  ils  recher- 
chèrent si  les  bactéries,  contenues  dans  des  vases  placés 
à  diverses  hauteurs  de  la  chambre,  avaient  continué  à  vi- 
vre ;  quelle  était  l'action  de  ces  vapeurs  d'acide  phénique 
sur  les  matériaux  servant  à  fabriquer  la  literie,  son  action 
sur  le  cuir,  l'acier  poli  et  d'autres  objets  servant  sur  les 
navires  de  l'État.  Leurs  expériences  furent  au  nombre  de 
15,  et  leurs  conclusions,  en  ce  qui  concerne  l'acide  phé- 
nique, sont  les  suivantes  : 

L'acide  phénique  ne  se  volatilise  pas  facilement.  Il  bout 
à  180°  G.  Il  faut  une  source  calorifique  assez  considérable 
(la  flamme  d'un  bec  de  gaz  avec  tirage),  pour  volatiliser 
300  à  600  grammes  d'acide  phénique  en  une  heure.  Six 

(1)  Schotte  und  Gârner,  Wie  viel  Carbolsaure  oder  wie  viel  schwefîig 
Sciure  in  Gasform  ist  nothig  zur  Todtung  kleinsten  Lebena  ?  {Deutsche 
Wiertelj.  fur  offenUiche  Gesundhpftege,  1880,  t.  XII,  p.  337  à  376.) 


168  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

heures  après  que  la  combustion  est  terminée,  on  pouvait 
séjourner  et  travailler  dans  la  chambre  sans  être  incom- 
modé. Les  bactéries  des  liquides  contenus  dans  des  vases 
largement  ouverts,  placés  à  2  mètres  au  moins  au-dessus 
du  sol ,  n'étaient  détruites  que  par  la  volatilisation  ra- 
pide (300  grammes  en  25  minutes),  de  1^%^0  d'acide 
phénique  par  mètre  cube  ;  quand  la  volatilisation  se  faisait 
lentement,  300  grammes  en  1  heure  15,  la  destruction  était 
moins  certaine.  Quand  on  plaçait  les  liquides  bactérifères 
sur  des  tablettes  supérieures,  dans  un  placard  à  demi  en- 
tr'ouvert,  il  fallait  brûler  45  grammes  d'acide  phénique  par 
mètre  cube  pour  détruire  sûrement  les  bactéries  :  pour 
détruire  les  bactéries  dans  les  liquides  placés  sur  les  ta- 
blettes inférieures,  cette  dose,  par  mètre  cube,  était  insuf- 
fisante. 

La  désinfection  est  plus  facile  et  plus  sûre,  quand  les 
tissus  exposés  sont  humides,  que  lorsqu'ils  sont  bien 
secs.  Les  tissus  secs  ne  sont  désinfectés  que  par  l'exposi- 
tion dans  une  chambre  où  l'on  a  vaporisé  15  grammes 
au  moins  d'acide  phénique  par  mètre  cube,  tandis  qu'une 
dose  de  12  à  13  grammes  suffit  pour  les  tissus  humectés. 
La  rapidité  de  la  volatilisation  assure  le  succès  de  la  désin- 
fection, parce  qu'il  se  fait  une  déperdition  moindre  des 
vapeurs  par  les  fissures  des  fenêtres  et  des  portes ,  la  po- 
rosité des  murailles,  etc.  L'épaisseur  des  objets  à  désinfec- 
ter augmente  notablement  la  difficulté  de  la  désinfec- 
tion des  parties  centrales. 

Schotte  et  Gartner  font  remarquer  combien  serait  coû- 
teuse cette  désinfection  des  chambrées  par  l'acide  phénique 
en  vapeurs.  Une  petite  salle  d'hôpital,  de  8  malades,  mesu- 
rant 300  mètres  cubes,  nécessiterait  l'emploi  de  4kil.500 
d'acide.  Les  auteurs,  qui  sont  médecins  de  la  marine, 
en  concluent  que  l'acide  phénique  ne  peut  être  em- 
ployé pour  désinfecter  les  vaisseaux  ;  nous  admettons 
leur  conclusion,  mais  il  faudrait  des  expériences  contra- 


GOUDRON.  169 

dictoires  pour  démontrer  définitivement  qu'il  faut  des 
doses  aussi  élevées  d'acide  phénique  pour  désinfecter  une 
petite  salle  d'hôpital. 

A  la  vogue  inouïe  que  les  succès  de  Lister  ont  donnée  à 
l'acide  phénique,  succède  aujourd'hui  une  sorte  de  réaction 
à  laquelle  il  ne  faut  pas  trop  céder.  L'acide  phénique  ne 
mérite  ni  l'excès  de  bien,  ni  l'excès  de  mal  qu'on  en  a  dit; 
c'est  un  assez  bon  antiseptique,  nous  verrons  que  c'est  un 
très  médiocre  antivirulent  ;  c'est  en  un  mot  un  désinfectant 
peu  sûr,  sur  lequel  on  fera  bien  de  ne  pas  trop  compter 
dans  les  cas  graves. 

Nous  n'avons  pas  à  faire  ici  la  description  ni  l'éloge 
du  pansement  de  Lister;  nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas 
attribuer  ses  succès  seulement  aux  solutions  phéniquées, 
mais  à  la  pulvérisation  qui  contribue  pour  sa  part  à  débar- 
rasser l'air  mécaniquement  des  poussières  qu'il  contient  ; 
à  l'occlusion  très  soignée  de  la  plaie  par  les  agents  de  pro- 
tection qui  composent  l'appareil  ;  à  la  propreté  extrême 
qui  préside  à  l'examen  des  plaies,  etc.  C'est  ce  qui  explique 
comment  l'acide  phénique  qui  réussit  si  bien  dans  le  pan- 
sement de  Lister,  donne  de  si  médiocres  résultats  quand 
on  s'en  sert  pour  désinfecter  des  matières  en  décompo- 
sition, les  matières  fécales,  les  écoulements  sanieux,  etc. 

Goudron. — Les  produits  de  la  distillation  à  l'abri  de  l'air 
des  matières  combustibles  végétales  ou  minérales,  ont  en 
général  des  propriétés  antiseptiques  très  marquées.  Le& 
goudrons  de  pin,  de  bois,  ont  été  employés  dès  la  plus 
haute  antiquité;  la  poix  était  l'un  des  principaux  ingré- 
dients dans  la  préparation  des  momies  égyptiennes.  Au- 
jourd'hui encore  le  goudron  et  ses  dérivés  sont  employés 
pour  empêcher  la  décomposition  des  bois,  des  cordages, 
des  toiles,  etc  ;  le  goudron  de  houille  ou  coaltar  (coal, 
houille,  tar,  goudron)  que  l'on  obtient  en  grande  abon- 
dance dans  les  nombreuses  opérations  industrielles  suf 


170  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

lahouille,  parait  être  un  antiseptique  encore  plus  puissant. 

Tardieu  a  ainsi  résumé  l'historique  de  l'emploi  du 
coaltar  comme  désinfectant .  «  La  propriété  antiseptique 
du  goudron  minéral  avait  été  reconnue,  dès  1815,  par 
Chaumette.  En  1833,  M.  Guibourt,  et  en  1837  M.  Siret, 
€n  avaient  signalé  la  propriété  désinfectante.  En  1844, 
Henri  Bayard  avait  été  couronné  par  la  Société  d'encou- 
ragement, pour  une  poudre  composée  de  coaltar,  de  sul- 
fate de  fer,  d'argile  et  de  plâtre,  dont  il  faisait  des  appli- 
cations à  la  désinfection.  M.  Corne  prit,  un  brevet  dès 
1858,  pour  un  mélange  fait  en  quantité  précise  de  plâtre 
et  de  goudron  minéral.  Jusqu'en  1859,  ces  différents  mé- 
langes n'avaient  été  appliqués  qu'à  la  désinfection  et  à  la 
solidification  des  matières  animales,  pour  les  convertir  en 
engrais.  M.  Demeaux  paraît  avoir  eu  le  premier  la  pensée 
d'appliquer  la  poudre  de  M.  Corne  aux  pansements  des 
plaies  fétides.  Ce  mélange,  poudre  de  Corne  et  Demeaux, 
qui  jouit  de  propriétés  désinfectantes,  est  d'un  emploi 
difficile  ;  il  en  est  ainsi  de  toutes  les  autres  préparations 
qui  contiennent  du  coaltar.  L'utilisation  de  ce  dernier  a 
été  rendue  plus  facile  par  la  saponification,  dont  MM.  P. 
Lebeuf  et  J.  Lemaire  ont  eu  l'heureuse  idée  d'expérimenter 
les  bons  effets.  » 

Nous  aurons  l'occasion  de  parler  de  la  poudre  de  Corne 
et  Demeaux,  qui  a  excité  très  vivement  l'attention  des  chi- 
rurgiens en  1860,  et  sur  laquelle  Velpeau  (1)  a  fait  à  l'Aca- 
démie de  médecine  un  rapport  fort  élogieux.  Ce  mélange 
en  proportions  variables  de  plâtre  et  de  |coaltar,  agit  à 
la  fois  comme  absorbant  et  comme  antiseptique  :  il  a 
rendu  des  services,  il  en  rend  encore  ;  mais  depuis  l'exten- 
sion qu'a  pris  le  système  de  Lister,  il  n'a  plus  qu'un  in- 
térêt historique. 

M.  Dumas,  dans  une  séance  de  l'Académie  des  sciences 

(1)  Velpeau,   Rapport  sur  les  désinfectants.  {Bulletin  de  l'Académie  de 
médecine,  18o9-18e0.  T.  XXV,  p.  430.) 


GOUDRON.  171 

du  25  juillet  1859,  rappelait  que  le  goudron  et  l'huile  de 
houille  avaient  été  conseillés  par  un  pharmacien  de  Meaux, 
M.  Siret,  dont  l'Académie  avait  couronné  le  travail.  Il 
montrait  que  l'adjonction  du  goudron  aux  sels  métalliques 
rendait  plus  parfaite  la  désinfection  des  vidanges,  et 
avait  été  grandement  utilisée  en  Angleterre,  pour  désinfec- 
ter les  animaux  morts  et  les  champs  de  bataille.  M.  Dumas 
trouvait  l'explication  de  cette  action  efficace  du  goudron, 
dans  les  expériences  de  M.  Schœnbein  sur  la  formation 
abondante  d'ozone  dans  l'air  mêlé  de  vapeurs  d'essence 
de  térébenthine.  Si  les  vapeurs  de  coaltar  ozonisaient  l'air, 
disait  M.  Dumas,  il  ne  faudrait  pas  chercher  ailleurs  que 
dans  la  combustion  prompte  des  miasmes  odorants  par 
cet  oxygène  ozonisé,  la  cause  de  la  [destruction  de  l'odeur 
putride  des  matières  animales  en  décomposition. 

Au  point  de  vue  pratique,  on  ne  peut  guère  utiliser  les 
propriétés  antifermentescibles  du  goudron  en  nature;  on 
emploie  surtout  les  produits  si  compliqués  et  si  divers  de 
sa  distillation.  Il  s'est  fondé  depuis  plusieurs  années  une 
industrie  spéciale ,  celle  des  fabricants  d'essences  de 
houille,  qui  distillent  les  goudrons  dont  se  débarrassent 
les  usines  à  gaz  et  beaucoup  d'établissements  oij  l'on  tra- 
vaille la  houille.  Ces  fabricants,  en  distillant  les  goudrons, 
obtiennent  d'un  côté  les  essences  légères,  et  de  l'autre  les 
huiles  lourdes.  On  considère  comme  essence  légère  tout 
ce  qui  distille  entre  -{-  60°  C.  et  -]-  200'  C.  environ,  et  la 
densité  de  ces  huiles  ou  essences  varie  de  0,78  à  0,80. 
Quand  on  continue  à  chauffer,  on  distille  les  produits 
cormus  sous  le  nom  générique  d'huiles  lourdes  ;  elles 
passent  entre  la  température  de  -j-  200°  à  -]-  220°,  et 
leur  densité  va  jusqu'à  0,90  et  même  un  peu  au-dessus 
de  100.  Quand  la  distillation  a  été  poussée  jusqu'à-}- 220", 
il  ne  reste  plus  que  des  huiles  plus  lourdes  que  l'eau, 
renfermant  beaucoup  de  paraffine;  si  l'on  continue  la 
distillation,  on  obtient  le  braigras,  puis  lebrai  sec. 


172  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Les  huiles  légères,  benzol,  benzine  et  autres  hydro- 
carbures volatils  sont  employés  dans  le  commerce,  comme 
dissolvants  et  comme  essences  pour  l'éclairage  ;  nous 
n'avons  guère  à  nous  en  occuper  comme  agents  de  désin- 
fection. Au  contraire,  les  huiles  lourdes  sont  des  désinfec- 
tants sérieux. 

Huiles  lourdes  de  houille. — M.  Ed.  Robin  a  insisté  l'un 
des  premiers  sur  les  propriétés  antiseptiques  des  huiles 
lourdes  dont  nous  venons  de  parler.  «  La  vapeur,  dit-il,  qui 
s'exhale  d'une  éponge  imbibée  de  cette  huile  rectifiée, 
conserve  avec  leur  forme,  leur  volume,  leur  flexibilité,  et 
une  belle  couleur  d'un  rouge  brun,  des  morceaux  de  chair 
disposés  dans  un  vase  bien  bouché  ;  aucun  liquide  ne  s'est 
écoulé  et  l'on  peut  à  volonté  les  retirer  du  vase  et  les  dis- 
séquer. Abandonnées  à  l'air  libre,  ces  matières  deviennent 
dures  comme  du  bois  et  sont  désormais  à  l'abri  de  toute 
putréfaction.  »  L'huile  rectifiée  présente  sur  l'huile  brute 
l'avantage  de  moins  altérer  la  couleur  et  de  conserver  aux 
chairs  une  apparence  de  fraîcheur  remarquable  ;  pour  l'em- 
baumement des  cadavres,  la  conservation  des  pièces  anato- 
miques,  pour  préserver  les  collections  d'histoire  naturelle 
des  cryptogames  parasites,  des  moisissures  et  de  la  des- 
truction, c'est  cette  huile  rectifiée  qu'il  faut  employer. 
Mais,  le  bon  marché  extrême  auquel  le  commerce  livre 
aujourd'hui  les  huiles  lourdes  de  houille,  rend  ces  der- 
nières d'un  emploi  précieux  pour  la  désinfection  des  eaux 
d'égout,  des  fosses  de  vidanges,  etc. 

L'huile  lourde  de  houille  ou  hydrocarbure  phéiiique  est 
un  Hquide  brunâtre,  à  reflets  argentés,  gluant  et  onc- 
tueux, d'une  odeur  pénétrante  et  persistante,  d'une  densité 
de  1,030  environ  :  quand  on  la  projette  dans  l'eau,  une 
partie  tombe  au  fond  du  vase,  l'autre  partie  surnage. 
Jusqu'ici,  cette  huile  lourde  n'est  guère  employée  que  pour 
imprégner  les  traverses  de  chemins  de  fer  et  les  bois  des- 


HUILES  LOURDES  DE  HOUILLE.  173 

tinés  à  faire  un  long  séjour  dans  l'eau  ou  l'humidité  ;  on 
l'utilise  dans  certains  établissements  métallurgiques  ou 
industriels  comme  combustible,  ou  pour  la  fabrication  du 
noir  de  fumée  ;  son  prix  très  minime,  10  francs  l'hectolitre, 
en  rend  l'usage  très  avantageux  pour  la  désinfection  des 
fosses  d'aisances  et  des  amas  d'immondices. 

M.  L.  Dussart  (1)  a  communiqué  à  l'Académie  des  scien- 
ces, en  1874,  les  résultats  favorables  des  expériences 
qu'il  a  faites  sur  les  latrines  de  la  mairie  du  VHP  ar- 
rondissement de  Paris.  Tantôt  il  projetait  l'huile  lourde 
de  houille  dans  un  récipient  rempli  d'urine  et  de  ma- 
tière fécale:  tantôt  au  contraire  il  versait  une  certaine 
quantité  de  cette  huile  dans  le  récipient  vide,  qui  se  rem- 
plissait successivement  de  déjections  ;  enfin  dans  d'autres 
circonstances  il  versait  3  litres  d'huile  de  houille  par  mètre 
cube,  dans  une  fosse  d'aisances  cubant  40  mètres,  dont  la 
vidange  n'avait  pas  été  opérée  depuis  longtemps,  et  qui 
répandait  des  vapeurs  ammoniacales  très  désagréables. 
Au  bout  de  quelques  jours,  toute  odeur  avait  disparu,  et  la 
fermentation  ammoniacale  ou  putride  cessa  complètement. 
M.  le  D'"  Emery-Desbrousses  a  lu  en  1880  (2),  à  la  Société 
de  médecine  publique,  l'exposé  des  résultats  excellents 
qu'il  a  obtenus  de  cette  façon  dans  une  caserne  de  Caen, 
où  les  latrines  étaient  en  très  mauvais  état.  A  la  maison 
centrale  de  force  de  Melun,  au  pénitencier  de  Gaillon  (Bou- 
logne-sur-Mer),  on  a  eu  recours  depuis  plusieurs  années  à 
ce  désinfectant  pour  prévenir  et  faire  disparaître  l'insalu- 
brité des  latrines.  Nous  renvoyons  à  la  seconde  partie  de 
ce  livre  (désinfection  des  habitations,  latrines),  l'indica- 
tion du  mode  d'emploi  adopté  par  nos  collègues. 


(1)  L.  Dussart,  Sur  la  propriété  antiputride  de  l'huile  lourde  de  houille. 
[Union  médicale,  22  août  1874,  et  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  scien- 
ces, 1874,  T.  82). 

(2)  D""  Emery-Desbrousses,  De  la  désinfection  des  fosses  d'aisances  par 
l'huilelourde  de  houille. [Revue d'hygiène  et  depolice sanitaire, iS80,  p.oOo.) 


174  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Il  convient  maintenant  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  quel- 
ques autres  produits  de  la  distillation  de  la  houille  et  du 
bois. 

Acide  pyroligneux.—  L'acide  pyroligneux  ou  vinaigre  de 
bois  est  l'un  des  produits  de  la  distillation  du  bois  en  vase 
clos;  l'acide  brut  renferme,  avec  de  l'acide  acétique,  des 
matières  empyreumatiques  qu'une  nouvelle  distillation 
dégage  ;  on  obtient  alors  l'acide  pyroligneux  dit  de  bon 
goût.  Il  a  parfois  été  employé  pour  le  pansement  des  plaies 
de  mauvaise  nature  ou  infectes,  contre  le  phagédénisme, 
la  gangrène,  le  carcinome  ;  il  agit  à  la  fois  comme  désin- 
fectant et  comme  caustique  ;  il  doit  une  partie  de  son 
efficacité  à  la  créosote  qu'il  contient  ;  il  participe  donc  des 
propriétés  de  l'acide  acétique  et  de  celles  de  la  créosote  ou 
de  l'acide  phénique  ;  son  action  n'est  pas  à  dédaigner. 

Créosote. — La  créosote  est  un  autre  produit  de  la  distilla- 
tion des  goudrons.  Rappelons  qu'elle  est  très  peu  soluble 
dans  l'eau,  que  cette  insolubilité  et  son  odeur  intense  li- 
mitent nécessairement  son  emploi  en  hygiène  pratique. 
C'est  Reichenbach  (1),  vers  1830,  qui  paraît  avoir  décou- 
vert ses  propriétés  antiseptiques  ;  après  une  période  d'en- 
gouement, la  créosote  tomba  en  discrédit,  et  son  emploi 
resta  réservé  entre  les  mains  des  dentistes,  qui  s'en  ser- 
vent encore  non  seulement  pour  cautériser,  mais  encore 
pour  préserver  de  toute  corruption  les  parties  malades  et 
les  pièces  artificielles. 

La  créosote  {qui  conserve  la  chair),  jnatiûe  parfaitement 
son  nom  ;  c'est  le  principe  de  la  conservation  des  jambons 
soumis  au  fumage  ;  on  s'en  est  servi  pour  conserver  des 
préparations  anatomiques,  même  dans  des  dilutions  très  fai- 
bles (10  gouttes  pour  1 ,000  grammes).  Les  plantes  arrosées 
avec  de  l'eau  créosotée  ont  immédiatement  péri  ;  les  infu- 

(1)  Voyez  l'excellente  monographie  de  M.  E.  Labbéo,  dans  le  Dictionnaire 
encyclopédique  des  sciences  médicales  (Créosote). 


CRÉOSOTE.  175 

soires  et  les  microzoaircs  sont  également  détruits  dans  les 
solutions  les  plus  diluées  ;  la  gale,  les  teignes  parasitaires 
ont  été  traitées  et  guéries  par  les  pommades  créosotées. 
La  créosote  est  à  la  fois  un  caustique,  un  coagulant  de 
l'albumine,  un  astringent,  un  parasiticide,  un  antiseptique» 
Mais  ce  sont  là  des  indications  un  peu  vagues  ;  des  expé- 
riences plus  précises  sont  nécessaires  pour  déterminer  sa 
véritable  valeur.  Avant  d'employer  les  lavements  ou  les 
potions  créosotes  à  l'intérieur,  dans  la  fièvre  typhoïde 
(Pécholier  et  Morache),  dans  la  pustule  maligne  (Eulen- 
berg),  dans  le  farcin  chronique  (Elliotson),  il  ne  serait  pas 
inutile  de  savoir  si  la  créosote  neutralise  et  détruit  les  vi- 
rus inoculables,  en  dehors  de  l'organisme. 

L'addition  d'une  faible  quantité  de  créosote  empêche 
immédiatement  la  fermentation  alcoolique,  et  rend  très 
difficile  la  transformation  de  l'amidon  en  sucre  sous  l'in- 
fluence de  la  diastase.  La  créosote  contient  si  souvent  de 
l'acide  phénique,  que  c'est  à  ce  dernier  que  l'on  peut  rap- 
porter une  partie  de  ses  propriétés,  surtout  quand  elle  pro- 
vient des  goudrons  de  houille  et  non  de  la  distillation  du 
bois. 

Bucholtz  a  vu  qu'une  dilution  créosotée  à  1  pour  1000 
était  à  peine  suffisante  pour  empêcher  les  bactéries  nées 
dans  l'infusion  de  graines  de  tabac,  de  se  développer  dans 
le  nouveau  liquide  de  culture  ;  il  fallait  une  solution  à  1  sur 
100  pour  stériliser  complètement  les  germes  de  ces  bac- 
téries. Il  y  a  un  désaccord  manifeste  entre  ces  résultats 
sur  les  protorganismes,  et  les  résultats  foudroyants  obte- 
nus quand  on  plonge  les  infusoires  ou  les  poissons  dans 
des  liquides  contenant  de  très  faibles  doses  de  créosote. 

Crésol. —  Le  crésol  ou  crésylol  est  contenu  dans  les 
créosotes  du  goudron  de  houille  ;  il  a  une  odeur  de  créo- 
sote ;  il  se  dissout  assez  facilement  dans  l'eau  ammoniacale. 
Son  action  antiseptique  paraît  assez  puissante,  mais  n'a  été 
que  peu  expérimentée. 


176  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Naphtaline.  —  La  naphtaline  est  un  carbure  d'hydrogène 
que  l'on  retire  des  tuyaux  de  condensation  des  usines  à 
gaz;  elle  cristallise  en  lames  rhomboïdales,  incolores,  trans- 
parentes et  d'un  éclat  gras  ;  son  odeur  est  forte  et  persis- 
tante; elle  est  insoluble  dans  l'eau^  mais  très  soluble  dans 
l'alcool  et  l'éther  ;  ses  dissolutions  sont  neutres.  Le  D""  Fis- 
cher (1),  privat-docent  à  l'Université  de  Strasbourg,  a  ré- 
cemment insisté  sur  ses  propriétés  antiseptiques  et  «  anti- 
bactériales  ».  L'urine  abandonnée  dans  une  atmosphère  li- 
mitée de  naphtaline  reste  claire  pendant  une  semaine,  et  il 
ne  s'y  développe  aucune  bactérie.  Quand  on  répand  de  la 
naphtaline  en  poudre  sur  des  ulcères  ou  des  plaies  fétides, 
toute  odeur  disparaît  rapidement  ;il  n'y  a  d'ailleurs  ni  irri- 
tation de  la  plaie  ni  absorption  nuisible  de  ce  carbure. 
L'auteur  dissout  100  parties  de  naphtaline  dans  400  d'éther, 
et  ce  mélange  est  versé  dans  1 ,200  grammes  d'alcool  ;  on  im- 
bibe de  la  gaze  avec  ce  liquide,  très  peu  de  temps  avant  le 
pansement  :  l'éther  et  l'alcool  s'évaporent  presque  immé- 
diatement, et  il  se  produit  même  de  ce  fait  un  refroidisse- 
ment désagréable.  La  naphtaline  très  pure  ne  coûte  en 
Allemagne  que  1  fr.  75  c.  le  kilogr.  (en  France  5  fr.)  c'est-à- 
dire  15  à  50  fois  moins  cher  que  l'iodoforme,  l'acide  sali- 
cylique,  le  thymol,  la  résorcine. 

TÉRÉBÈNE. — Sous  Ics  uoms  de  térébène,  terpène, térében- 
thène,  terpine,  terpinol,  acide  terpinique,  on  désigne  un 
certain  nombre  de  dérivés  oxydés  de  l'essence  de  térében- 
thine, obtenus  soit  par  l'action  de  l'air,  soit  par  l'action  de 
l'acide  sulfurique.  Plusieurs  de  ces  composés,  à  oxygène 
disponible,  ont  une  action  désinfectante  très  appréciée  en 
Angleterre.  Le  professeur  Maclean,  à  l'École  de  médecine 
militaire  de  Netley,  a  fait  avec  le  térébène  des  expériences 
qui  ont  été  favorables  ;  des  selles  infectes  de  dysentériques, 


(1)  Dr  Fischer,  Berliner  klinische  Wochensschift.  18  novembre  1881,  et 
Médical  Times  and  Gazette,  17  décembre  1881,  p.  718. 


TÉRÉBÈNE.  177 

des  suppurations  fétides  dans  des  cas  d'abcès  du  foie  ou 
d'empyème,  ont  été  rapidement  et  sûrement  désodorisées  ; 
on  en  a  obtenu  également  un  bon  effet  pour  la  désinfection 
des  latrines.  Le  térébène  a  une  odeur  forte,  rappelant 
celle  du  pin;  il  se  dissout  difficilement  dans  l'eau,  mais  il  se 
mêle  en  hautes  proportions  à  l'huile  et  à  la  benzine,  et 
sous  cette  forme,  il  a  été  employé  pour  les  pansements  an- 
tiseptiques. 

Le  térébène  et  ses  homologues  agissent  par  la  pe- 
tite quantité  d'eau  oxygénée  qu'ils  contiennent  et  peut- 
être  par  l'ozone.  M.  Berthelot,  en  effet,  a  constaté  que 
l'essence  de  térébenthine  pouvait  absorber  jusqu'à  op.  100 
d'oxygène,  soit  3,4  pour  l'essence  française  dextrogyre, 
et  4,9  pour  l'essence  suisse,  qui  est  lévogyre.  Ces 
composés  ont  l'odeur  de  térébenthine  ou  de  thym ,  et 
on  les  obtient  non  seulement  de  la  térébenthine,  mais 
des  huiles  de  citron,  d'eucalyptus,  etc.  Le  D"  Bond  de 
Glocester,  M.  Ch.  Kingzett  (1),  le  D""  Poekl  (2),  en  ont  pré- 
conisé très  hautement  la  valeur;  c'est  à  ces  corps  oxydés 
que  les  inventeurs  attribuent  l'efficacité  d'un  désinfectant 
trop  prôné  à  la  dernière  page  des  journaux  anglais,  sous 
le  nom  pompeux  de  «  Sanitas  » .  Ce  produit  étant  inconnu 
en  France,  nous  n'avons  pu  expérimenter  son  efficacité. 
Mais  les  résultats  contradictoires  obtenus  en  Angleterre 
ne  sont  pas  très  favorables.  Harding  Crowther  (3)  a  vu 
que  le  mélange  à  parties  égales  de  vaccin  et  du  li- 
quide dit  «  sanitas  »   n'empêche    pas   l'inoculation    de 


(1)  Gh.  Kingzett,  Disinfection  and  disinfectants.  [The  sanitary  Record, 
1879,  p.  370.)  —  Notes  on  practical  disinfection  and  theuseof».  Sanitas  » 
as  a  sanitary  agent  {The  sanitary  Record,  15  January  1880,  p.  348.) 

(2)  D""  Pœhl,  Reitrage  zii  der  Desinfectionsmetkode  vermittels  Terpen 
haltiger  aetherischer  Oele,  (St.  Peter sb.  med.  Woch.  1879,  p.  69  et  Revue 
d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1879,  p.  510.) 

(3)  W.  Harding  Crowther,  Some  experiments  on  the  relative  value  of  an- 
tiseptics.  [Médical  Times  and  Gazette,  6  septeinbr»  1879,  p.  361.) 

Vallix.  —  Désinfectams.  12 


178  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

réussir.  Tripe  et  Stevenson  (1) ,  Langstaff  et  Hare  (2)^ 
après  de  nombreuses  expériences  arrivent,  à  cette  conclu- 
sion que  le  «  sanitas  fluide,  ou  «  powder  »  ne  désinfecte 
pas  mieux  que  la  chaux  éteinte  ;  ils  reconnaissent  toutefois 
que  cette  substance  retarde  la  décomposition  putride, 
mais  qu'elle  est  peu  active  pour  désodoriser  les  substances^ 
déjà  putréfiées. 

Acide  thymique  ou  thymol.  —  L'acide  thymique  est 
un  phénol  qui  se  trouve  dans  l'essence  de  thym,  dont 
il  compose  environ  la  moitié.  Il  se  présente  sous 
forme  de  tables  rhomboïdales  ou  de  prismes ,  d'une 
odeur  de  thym ,  d'une  saveur  piquante  et  poivrée.  Il 
a  l'inconvénient  d'être  très  irritant,  coûteux,  et  d'une 
insolubilité  très  grande  dans  l'eau,  puisque  celle-ci  n'en 
dissout  que  3  parties  pour  1000  ;  il  est  au  contraire  très 
soluble  dans  l'éther.  Il  a  sur  l'acide  phénique  l'avantage 
d'avoir  une  odeur  beaucoup  moins  désagréable. 

C'est  le  D'"  Paquet  (3)  qui  a  le  premier  préconisé,  en  1868, 
l'emploi  du  thymol  comme  antiseptique  dans  le  panse- 
ment des  plaies  et  dans  le  traitement  de  la  gangrène  pulmo- 
naire. Son  action  antiseptique  a  été  trouvée  par  Jalan  de  la 
Croix  notablement  supérieure  à  celle  de  l'acide  phénique,. 
à  poids  égaux,  mais  non  pas  à  dépense  égale  i  nous  ren- 
voyons pour  le  détail  des  chiffres  au  grand  tableau  de  la 
page  110.  Disons  toutefois  que  pour  tuer  les  bactéries 
adultes,  une  solution  de  1  sur  109  de  thymol  suffit,  tandis 
que  pour  l'acide  phénique,  celle  de  1  sur  22  est  nécessaire. 
Les  doses  qui  empêchent  le  développement  des  bacté- 
ries  dans  l'urine  (Haberkorn  1  :  3000),  dans  l'infusion 


(1)  Tripe  and  Stevenson,  Disinfectants  in  eontradistinction  to  déodo- 
rant and  antipiitref active  agents.  [Médical  Times  and  Gazette,  10  Janua- 
ry  1880,  p.  51.) 

(2)  Langstaff  and  E.  H.  Hare,  Some  further  eocperiments  with  certain' 
so  called  disinfectants.  {Sanitary  Record,  1878,  p.  333.) 

(3)  D'  Paquet,  Bulletin  général  de  Thérapeutique,  1868. 


THYMOL,  MENTHOL.  179 

de  pois  (Kiihn  1  :  3027),  dans  l'infusion  de  tabac  (Bucholtz 
1 :  2000),  sont  plus  faibles  que  celles  trouvées  pour  les 
bactéries  du  bouillon  (1  :  1300). 

Wernitz  (1)  a  montré  que  la  dose  de  1  p.  100  empêche 
l'action  de  l'émulsine,  celle  de  la  pancréatine  n'est  arrêtée 
que  par  la  solution  saturée  ;  enfin  l'action  du  ferment  lac- 
tique n'est  que  momentanément  suspendue. 

Le  thymol  a  été  expérimenté  comme  neutralisant  direct 
des  virus,  et  en  particulier  du  virus  vaccin.  Robert  (1878) 
et  Kohler  ont  prétendu  que  l'addition  d'une  petite  quantité 
de  solution  aqueuse  de  thymol  au  millième  à  de  la  lymphe 
vaccinale,  ne  diminuait  nullement  l'activité  de  celle-ci,  et 
permettait  au  contraire  de  la  garder  très  longtemps  sans 
altération.  E.  Stern  (1879),  médecin  de  l'Institut  vaccinal 
de  Breslau,  répéta  ces  expériences,  et  il  s'assura  qu'au 
contraire  avec  la  lymphe  vaccinale  thymolisée  la  vacci- 
nation réussissait  moins  souvent  :  ainsi  chez  des  enfants 
nouveau-nés,  il  eut  31  succès  sur  100  avec  une  lymphe 
vaccinale  légèrement  diluée  dans  une  solution  de  thymol 
au  millième;  d'autre  part,  le  vaccin  ainsi  additionné  se 
conserve  inaltéré  plus  longtemps  et  est  mis  à  l'abri  des 
décompositions  putrides  ou  septiques  qu'il  pourrait  pré- 
senter. 

Menthol.  —  Le  menthol  est  un  corps  cristallisé,  de 
la  famille  des  alcools,  qu'on  extrait  par  le  refroidissement 
de  l'huile  essentielle  de  menthe  poivrée,  dont  il  conserve 
l'odeur.  Il  se  liquéfie  et  se  volatilise  au-dessous  de  -f-  30° 
G  ;  il  est  peu  soluble  dans  l'eau,  mais  l'est  beaucoup  dans 
l'alcool,  l'éther,  la  glycérine,  les  huiles  volatiles. 

Le  D''  A.  Macdonald  (2)  a  expérimenté  et  mesuré  l'action 
antiseptique  de  ce  corps,  comparable  au  thymol.  Un  liquide 

(1)  Iwan  Wernitz,  Ueber  die  Wirkung  der  AntisepHca  auf  ungeformte 
Fermente,  Dorpat,  1880. 

(2)  Archibald  Macdonald,  O71  a  new  antiseptic  and  antineuraJgic  argent 
[Edinburg  médical  Journal,  août  1880,  p.  121;  et  Revue  de  Hayem,  1881, 
XII,  p.  65.) 


180  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

de  culture  abandonné  à  lui-même  est  mêlé  à  une  petite 
quantité  (?)  d'une  solution  de  menthol  à  1  sur  1000.  Au 
bout  de  33  jours,  le  liquide  de  culture  était  encore  exempt 
de  bactéries,  de  tout  microbe  ;  une  même  quantité  de  solu- 
tion de  thymol  à  1  p.  2000  retarda  jusqu'au  22^  jour  seule- 
ment l'apparition  des  microbes.  De  même,  du  thé  de  bœuf 
resta  imputride  pendant  20  jours  avec  la  solution  de  men- 
thol au  1/1000,  tandis  qu'une  solution  d'acide  phénique 
à  1/500®  ne  retarda  que  jusqu'au  6*  jour  l'apparition  des 
protorganismes.  Toutefois,  l'action  destructive  du  menthol 
est  moins  puissante  que  son  action  préventive;  dans  un 
liquide  en  pleine  putréfaction,  les  bactéries  ne  scmt  tuées 
sans  retour  que  par  une  solution  de  menthol  à  1  p.  500, 
dose  d'ailleurs  insuffisante  pour  l'acide  phénique. 

Ces  expériences  sont  intéressantes,  mais  nous  ne  trou- 
vons pas,  au  moins  dans  l'extrait  du  mémoire  que  nous 
avons  sous  les  yeux,  le  titre  définitif  du  mélange  de 
liquide  putride  et  de  solution  de  menthol.  Il  semble  toute- 
fois démontré  à  l'auteur  que  le  menthol  a  une  action  plus 
efficace  (environ  double)  que  l'acide  phénique,  à  égalité 
de  doses. 

M.  Ed .  Heckel  (1)  a  communiqué  à  l'Académie  des  sciences, 
en  1878,  des  expériences  qui  peuvent  servir  à  montrer  de 
quelle  façon  les  acides  salicylique,  thymique,  et  certaines 
essences  empêchent  la  végétation.  M.  Heckel  a  trouvé  que 
une  goutte  d'acide  phénique  dilué  empêche  toute  germina- 
tion des  graines  ainsi  humectées.  L'acide  salicylique, 
quoique  presque  insoluble  dans  l'eau,  arrête  instantané- 
ment la  germination  quand  les  graines  sont  arrosées  avec 
une  solution  contenant  5  grammes  d'acide  pour  10  litres 
d'eau;  mais  tandis  que  l'acide  phénique  ne  suspend  que 
momentanément  la  germination,  l'acide  salicylique  l'em- 

(1)  Ed.  Heckel,  De  Vinfluence  des  acides  salicylique,  thymique,  phé- 
nique, et  de  quelques  essences  sur  la  germination.  {Comptes  rendus  de 
V Académie  des  sciences,  22  août  1818,  p.  681.) 


ACIDE  SALICYLIQUE.  isr 

pêche  définitivement.  Le  salicylate  de  soude,  qui  est  très 
soluble  dans  l'eau,  n'a  pas  une  action  moins  vive  que 
l'acide  salicylique.  L'examen  au  microscope  prouve  que 
dans  les  graines  ainsi  traitées,  les  cellules  de  l'endos- 
perme,  les  grains  de  fécule  et  d'aleurone,  ne  subissent  au- 
cune des  modifications  que  présentent  les  graines  soumises 
à  la  germination  ordinaire.  Ces  substances  agissent  donc 
comme  antifermentescibles,  aussi  bien  sur  les  éléments 
figurés  que  sur  les  ferments  non  organisés. 

L'acide  thymique  présente  la  même  action,  à  la  dilution 
de  2S  sur  1000  ;  les  essences  de  thym,  de  romarin,  l'es- 
sence de  térébenthine,  à  la  dose  de  5  sur  100,  également. 
M.  Heckel  propose  d'employer  ces  agents  dans  les  cas  où 
l'on  a  intérêt  à  conserver  les  grains  et  à  rendre  les  se- 
mences capables  de  supporter  des  conditions  cosmiques 
propres  à  développer  leurs  facultés  germinatives.  Il  se 
demande  si  certaines  graines  qui  se  sont  conservées  intactes 
à  travers  les  âges  géologiques  (Ile  de  Norfolk  et  Nouvelle- 
Calédonie),  ne  doivent  pas  leur  conservation  à  des  oléo- 
résines  ou  à  des  essences  provenant  des  arbres  qui  les 
portaient. 

L'idée  de  M.  Heckel  est  'ingénieuse,  mais  on  peut  se 
demander  si  les  graines  conservées  par  le  procédé  qu'il 
recommande  ne  cesseraient  pas  d'être  comestibles,  et 
acceptées  dans  le  commerce  courant. 

Acide  salicylique.  —  L'acide  salicylique  est  une  poudre 
blanche,  très  légère,  soyeuse  comme  le  sulfate  de  quinine, 
dont  l'odeur  provoque  l'éternuement  et  la  toux  ;  son  goût 
légèrement  sucré  puis  styptique  est  un  peu  acre. 

L'eau  froide  n'en  dissout  guère,  par  litre,  que  1  gramme, 
la  glycérine  20  grammes,  l'alcool  150  grammes,  l'éther 
300  grammes. 

C'est  surtout  Kolbe  (1)  qui  a  attiré  l'attention  des  méde- 

(1)  H.  Kolbe,  Ueber  eine  neue  Darstellungsmethode  und  einige  berner 
kenswerthe  Eigenschaften  der  Salicylsaure.  {Joiirn'il  fur  prakt.  Chemie, 
1874,  T.  X,  p.  89.) 


182  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

cins...  et  des  industriels  sur  les  propriétés  antiputrides  de 
l'acide  salicylique.  Il  a  montré  que  cet  acide  a  le  pouvoir 
d'empèchef  l'action  saccharifiante  de  la  diastase  salivaire 
sur  l'amidon,  la  formation  de  l'essence  d'amandes  amères 
par  l'action  de  l'émulsine  sur  l'amygdaline  ;  de  s'opposer 
à  la  formation  de  l'huile  essentielle  de  moutarde  par  la 
réaction  de  la  mirosine  et  de  l'acide  mironique  des  graines 
de  moutarde  émulsionnées  ;  d'arrêter  la  propriété  pepto- 
génique  du  suc  gastrique,  la  fermentation  du  sucre  par  la 
levure,  la  fermentation  de  la  bière,  la  fermentation  ammo- 
niacale de  l'urine,  de  retarder  ou  d'empêcher  la  germina- 
tion des  graines  des  plantes,  etc.  (Kolbe,  Meyer,  .T.  Millier, 
Béchamp,  Bucholtz). 

On  a  employé  l'acide  salicylique  comme  moyen  de  con- 
server le  vin,  la  bière,  le  lait,  les  sirops,  les  solutions  mé- 
dicinales des  alcaloïdes  (Limousin),  les  sangsues,  l'encre, 
etc.  Les  préparations  salicylées  sont  d'un  emploi  usuel  dans 
la  chirurgie  antiseptique  (ouate  salicylée,  solution  conte- 
nant 1  gramme  d'acide  et  40  à  20  grammes  d'alcool  pour 
200  grammes  d'eau),  etc.  M.  Hénoque  qui,  l'un  des  pre- 
miers en  France,  a  fait  connaître  les  propriétés  antipu- 
trides de  l'acide  salicylique  et  lui  a  consacré  une  mono- 
graphie remarquable  dans  le  Dictionnaire  encyclopédique 
des  sciences  médicales,  M.  Hénoque  a  essayé  d'utiliser  cet 
agent  pour  la  conservation  des  pièces  anatomiques.  Pour 
les  pièces  de  gros  volume,  on  peut  diminuer  notablement 
la  concentration  de  l'alcool,  en  ajoutant  au  mélange  une 
petite  quantité  d'acide  (eau  800,  alcool  200,  acide  sali- 
cylique 2  grammes)  ;  la  conservation  toutefois  n'est  pas 
très  durable. 

En  effet,  des  doses  relativement  faibles  empêchent,  dans 
les  liquides  facilement  altérables,  le  développement  des 
protorganismes  ;  mais  cette  action  sur  les  ferments  et  les 
microbes  est  le  plus  souvent  temporaire.  L'acide  salicylique 
suspend  la   fermentation,  fait  périr  toutes  ces  poussières 


ACIDE  SALICYLIQUE.  183 

remuantes  que  renferment  les  solutions  organiques  ;  mais 
bientôt,  ferments  et  bactéries  s'habituent  à  ce  nouveau 
milieu  ;  les  générations  qui  se  succèdent  rapidement  dans 
ie  mélange  salicylé  résistent  aux  doses  qui  avaient  détruit 
la  vie  de  leurs  ascendants,  et  le  travail  de  fermentation  se 
reproduit  au  bout  de  quelques  jours.  Neubauer  et  M.  Bé- 
champ  ont  spécialement  constaté  ce  curieux  phénomène 
d'accoutumance  des  ferments  et  des  germes  animés  à  des 
doses  progressives  d'acides  phénique  et  salicylique .  Il  en 
résulte  que  pour  obtenir  un  effet  antiseptique  durable,  il 
faut  à  de  fréquents  intervalles  ajouter  des  doses  nouvelles 
■ou  croissantes  de  l'agent  conservateur.  C'est  pour  cela  que 
dans  les  boissons  alcooliques  dont  la  conservation  n'est 
possible  qu'à  l'aide  de  l'acide  salicylique,  la  dose  de  cette 
substance  arrive  parfois  à  atteindre  jusqu'à  l'^',SO  par 
litre.  L'expérience  a  montré  que  même  avec  cette  der- 
nière dose,  des  vins  et  des  cidres  de  très  mauvaise  qualité 
subissaient  bientôt  une  nouvelle  fermentation  acide  ou  pu- 
tride. Nous  reviendrons  sur  ce  sujet  qui  est  devenu  une 
question  importante  d'hygiène  alimentaire. 

Bucholtz,  opérant  sur  le  liquide  de  culture  de  Bucholtz- 
Pasteur,  a  constaté,  dès  1815,  qu'une  dose  d'acide  salicy- 
lique de  1  sur  600  suffit  pour  empêcher  le  développement 
spontané  des  bactéries  par  l'exposition  du  liquide  à  l'air 
libre.  Les  bactéries,  nées  dans  l'infusion  de  graines  de  tabac 
et  portées  dans  le  liquide  de  Bucholtz,  n'étaient  détruites 
qu'en  ajoutant  1  gramme  d'acide  salicylique  à  932  gram- 
mes de  ce   dernier  liquide,  tandis  que  pour   amener   la 
stérilisation  définitive  des  germes  des  bactéries  nées  dans 
l'infusion  de  tabac  puis  portées  dans  le  liquide  de  Bucholtz, 
il   fallait  ajouter  1   gramme   d'acide   à  362    grammes  de 
l'infusion  de  tabac  contenant  des  bactéries.  Dans  les  mêmes 
conditions,    Bucholtz   n'obtenait    la   stérilisation   avec   le 
salicylate  de  soude  que  par   les  doses  de  1   gramme  de 
salicylate  sur  211  grammes  de  liquide  dans  le  premier  cas, 
.et  sur  161  grammes  dans  le  second. 


184  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Kiihn  a  fait  ses  recherches  avec  un  liquide  de  culture 
originel  différent  (l'infusion  de  pois);  il  n'arrêtait  le 
développement  des  bactéries  portées  dans  le  liquide  de 
Bucholtz,  que  par  les  doses  de  1  gramme  d'acide  salicy- 
lique  sur  124  grammes  de  ce  liquide,  et  de  1  gramme  de 
borosalicylate  de  soude  pour  934.  La  stérilisation  défini- 
tive des  germes  de  bactéries,  nées  dans  l'infusion  et  por- 
tées dans  le  liquide  de  Bucholtz,  n'était  obtenue  que  par  la 
dose  de  1  gramme  d'acide  salicylique  pour  616  grammes  de 
l'infusion  de  pois,  ou  200  grammes  de  l'infusion  de  blanc 
d'œuf.  Il  suffisait  de  1  gramme  de  borosalicylate  de  soude 
dans  934  grammes  d'infusion  de  pois  chargée  de  bactéries 
pour  stériliser  définitivement  les  germes  de  ce  liquide,  ser- 
vant à  inoculer  le  liquide  nutritif  de  Bucholtz. 

Voici  les  conclusions  auxquelles  est  arrivé,  de  son  côté, 
Jalan  de  la  Croix,  en  opérant  sur  du  bouillon  de  viande» 
Si  l'on  porte  2  gouttes  de  bouillon  rempli  de  bactéries, 
dans  du  bouillon  frais  contenant  1  pour  1000  d'acide  sali- 
cylique, le  développement  de  ces  bactéries  n'a  pas  lieu  ;  il 
se  fait  au  contraire  quand  la  dose  tombe  à  1 :  1120;  mais 
les  germes  contenus  dans  ce  bouillon  ne  sont  définitivement 
stérilisés  qu'à  la  dose  de  1  :  343.  La  dose  nécessaire  pour 
tuer  les  bactéries  en  plein  développement  dans  du  bouillon 
n'est  pas  moindre  que  1  sur  60;  à  celle  de  1  sur  18,  les 
bactéries  vivent  encore  !  Quant  aux  corpuscules-germes  qui 
restent  dans  le  liquide,  leur  résistance  serait  extrême  :  avec 
une  dose  de  1  sur  35,  on  n'arriverait  pas  à  en  empêcher  la 
reproduction  quand  ils  sont  portés  dans  un  milieu  favo- 
rable. L'auteur  n'a  pu  atteindre,  sans  doute  en  raison  de  la 
faible  solubilité  de  l'acide,  la  dose  massive  nécessaire  pour 
obtenii  une  destruction  complète.  Ce  résultat  confirmerait 
pleinement  ce  que  nous  avons  déjà  dit  plus  haut,  à  savoir 
que  l'acide  salicylique  endort  les  germes,  qu'il  ne  les  dé- 
truit pas  ;  seulement,  les  doses  ici  sont  tellement  élevées, 
que  nous  nous  tenons  en  garde  contre  l'exactitude  des  ré- 
sultats. 


ACIDE  SALICYLIQUE.  185 

Pour  empêcher  le  développement  de  bactéries  dans  du 
bouillon  abandonné  à  l'air  libre,  il  faut  une  dose  minimum 
de  1  sur  3000  quand  le  bouillon  est  cuit,  et  de  1  sur  1120 
quand  le  bouillon  est  cru;  dans  le  premier  cas  les  germes 
sont  stérilisés  par  la  dose  de  1  sur  600,  dans  le  second,. 
ils  ne  le  sont  que  par  celle  de  i  sur  343. 

En  résumé,  si  nous  admettons  l'exactitude  des  chiffres 
ci-dessus,  nous  voyons  que,  dans  les  circonstances  les  plus 
défavorables,  même  avec  la  proportion  énorme  de  1  gramme 
d'acide  saUcylique  pour  33  grammes  de  hquide,  on  n'arrive 
pas  à  stériliser  complètement  les  germes  des  bactéries,  et 
que  pour  tuer  même  les  bactéries  adultes,  il  faudrait 
parfois  la  dose  excessive  de  1  gramme  sur  60  !  L'acide 
salicylique  est  donc  un  antiseptique  commode,  mais  il  ne 
donne  pas  de  garantie  absolue,  et  sa  puissance  est  limitée^ 
Nous  allons  voir  bientôt  que  les  résultats  de  ces  expériences 
ne  sont  pas  en  désaccord  absolu  avec  ce  que  la  pratique  du 
sahcylage  industriel  nous  a  révélé  en  ,  ces  dernières^ 
années. 

La  très  faible  solubilité  de  l'acide  salicylique  dans  l'eau 
limite  son  action  d'une  façon  souvent  gênante.  Bose  de 
Berlin,  Schwartz,  ont  montré  que  le  mélange  de  l'acide 
sahcylique  et  du  borax  augmente  la  solubilité  et  l'activité- 
du  premier  acide,  car  le  salicyloborate  de  soude  détruit 
les  bactéries  à  une  dose  moindre  que  le  même  poids  de  l'un 
ou  de  l'autre  de  ces  constituants.  C'est  ainsi  que,  pour  em- 
pêcher du  bouillon  de  viande  de  se  remplir  de  bactéries, 
après  qu'on  y  a  eu  versé  2  gouttes  de  bouillon  putride,  il 
suffit  d'une  dose  de  salicyloborate  de  soude  égale  à  1  sur 
2,860,  tandis  qu'il  faut  une  proportion  de  1  sur  62  pour  le 
biborate  de  soude  seul,  et  de  1  sur  1,000  pour  l'acide  sa- 
licylique. 

Les  expériences  ne  sont  pas  toutes  aussi  péremptoires, 
et  en  général  l'acide  salicylique  se  montre  plus  actif  qufr 
le  borosalicylate  ;  toutefois  le  mélange  de  parties  égales 


186  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

•d'acide  borique  et  d'acide  salicylique  a  l'avantage  d'aug- 
menter notablement  la  solubilité  de  ce  dernier  acide,  sans 
affaiblir  autant  ses  propriétés  antiseptiques  que  si  l'on  avait 
ajouté  un  bicarbonate  alcalin  pour  transformer  l'acide  en 
:salicylate  très  soluble.  En  effet,  les  salicylates  alcalins  ont 
sur  les  protorganismes  une  action  destructive  et  préven- 
tive beaucoup  plus  faible  que  l'acide  salicylique,  même  en 
tenant  compte  de  l'équivalent  d'acide  (15  p.  100)  contenu 
dans  le  composé  salin.  Bucholtz  a  trouvé  que  la  solution 
d'acide  à  1  :  700  est  aussi  antiseptique  que  la  solution  de 
salicylate  de  soude  à  1  :  250. 

Pour  l'emploi  externe,  c'est  donc  exclusivement  l'acide 
qu'il  faut  employer  ;  la  confusion  n'a  pas  toujours  été  évitée, 
même  dans  les  expériences  que  nous  avons  relatées  plus 
haut. 

Toutefois,  lorsque  le  salicylate  de  soude  est  introduit 
dans  les  voies  digestives,  le  sel  est,  dit-on,  décomposé  dans 
l'estomac,  par  l'acide  du  suc  gastrique  et  l'acide  salicylique 
«st  mis  en  liberté.  M.  Hallopeau  (1),  dit  avoir  constaté  le 
fait  directement  chez  trois  chiens  auxquels  il  avait  fait 
ingérer  ce  produit  pendant  la  digestion.  «  L'éther  agité 
avec  le  contenu  de  l'estomac,  puis  séparé  et  traité  par  le 
iperchloruro  de  fer,  présentait  la  réaction  caractéristique  ; 
•ce  dégagement  d'acide  salicylique  dans  les  voies  diges- 
tives permet  d'admettre,  à  priori,  une  action  du  sel  sur 
Jes  micro-organismes  qu'elles  peuvent  renfermer.  » 

M.  Hallopeau,  qui  préconise  l'emploi  de  l'acide  salicyUque 
•comme  désinfectant  interne  dans  la  fièvre  typhoïde,  admet 
que,  parvenu  dans  le  sang,  l'acide  se  combine  de  nouveau 
avec  la  soude.  «  Mais,  d'après  Nothnagel  et  Rossbach,  cette 
combinaison  est  éminemment  instable,  et  dans  diverses  cir- 
constances, l'acide  peut  s'en  dégager.  Buss  avait  remar- 
qué qu'un  courant  d'acide  carbonique  déplace  l'acide  sali- 

(1)  Hallopeau,  Du  traitement  de  la  fièvre  typhoïde  par  le  caloinel,  le 
salicylate  de  soude  et  le  sulfate  de  quinine.  [Société  médicale  des  hôpitaux. 
iScances  du  13  août  1880  et  du  28  mai  1881.  —  Union  médicale,  1881.) 


ACIDE  SALICYLIQUE.  187 

■cylique,  et  avait  admis  que  l'acide  carbonique  du  sang 
pouvait  avoir  la  même  action  ;  on  a  reconnu  qu'il  n'en  est 
pas  ainsi  à  l'état  physiologique,  mais  Kœhler  assure  que  la 
réaction  se  produit  dans  le  sang  asphyxique.  » 

L'acide  salicylique  est  un  sternutatoire  assez  violent  ; 
quand  on  respire  la  poussière  sèche  de  l'acide,  ou  la  pous- 
sière produite  par  la  pulvérisation  de  ses  solutions,  on 
éprouve  une  âcreté  de  la  gorge  et  de  la  bouche,  un  besoin 
de  tousser  et  d'éternuer  fort  désagréable.  Cet  inconvénient 
a  fait  renoncer  à  l'emploi  du  coton  saupoudré  d'acide  sa- 
licylique, avec  lequel  beaucoup  de  chirurgiens  avaient 
cru  pouvoir    faire   le   pansement  ouaté  de  M.  A.  Guérin. 

Le  même  inconvénient  limite,  dans  une  certaine 
mesure,  les  services  que  peut  rendre  le  vinaigre  antisep- 
tique de  Pennés,  dans  lequel  l'acide  salicylique,  mêlé  à 
de  l'essence  d'eucalyptus ,  entre  pour  la  forte  propor- 
tion de  2  p.  100.  La  pulvérisation  de  ce  vinaigre  doit  être 
évitée  dans  les  chambres  occupées  par  des  malades  dont 
les  voies  respiratoires  sont  susceptibles  ou  compromises  ; 
son  action  antiseptique  est  d'ailleurs  puissante,  elle  est 
surtout  manifeste  dans  la  conservation  des  cadavres  et  des 
pièces  anatomiques. 

Aux  doses  de  2  à  3  grammes  en  24  heures,  l'acide  sali- 
cylique détermine  chez  certains  malades  des  bourdonne- 
ments d'oreilles  et  une  sorte  d'ivresse  comparables  à  ceux 
que  produit  le  sulfate  de  quinine.  Nous  en  avons  observé 
plusieurs  exemples  récents  chez  de  jeunes  confrères,  at- 
teints d'affections  rhumatismales  douloureuses.  Cepen- 
dant, beaucoup  de  personnes  ont  pu  prendre  impunément 
des  doses  de  4  à  6  grammes,  continuées  pendant  plusieurs 
jours.  Par  contre,  toutes  les  fois  que  la  sécrétion  de  l'urine 
€!St  entravée,  quand  il  existe  une  affection  quelconque  de 
l'appareil  urinaire,  l'élimination  d'ordinaire  très  rapide  de 
l'acide  salicylique  ne  se  fait  plus,  le  médicament  s'accumule 
dans  l'organisme  et  l'on  voit  survenir  des  phénomènes 


188  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

d'intoxication  grave.  Chez  les  goutteux,  les  graveleux,  les 
albuminuriques,  des  doses  de  2  grammes  continuées  pen- 
dant un  petit  nombre  de  jours,  ont  pu  déterminer  un  véri- 
table empoisonnement  (Brouardel). 

Les  solutions  concentrées  d'acide  salicylique  produisent 
sur  les  muqueuses  ou  sur  les  plaies  une  teinte  blanchâtre, 
due  à  une  cautérisation  superficielle.  Il  semble  toutefois 
que  Wolfberg,  Hiller,  Goldtammer,  aient  exagéré  l'action 
vulnérante  de  cet  agent  sur  le  tube  digestif;  ces  auteurs 
auraient  trouvé  des  ulcérations  dans  l'estomac  d'animaux 
auxquels  ils  avaient  administré  des  doses  fortes  d'acide. 
La  dilution  étendue  et  le  fractionnement  des  doses  per- 
mettent facilement  d'éviter  ces  accidents. 

L'administration  de  très  hautes  doses  détermine  de  la 
dyspnée,  des  convulsions  générales  (G.  Sée)  :  on  trouve 
parfois  alors  des  ecchymoses  sous-pleurales,  de  l'œdème 
des  poumons,  des  épanchements  séreux  dans  le  péricarde. 
L'action  sur  la  température,  sur  le  cœur  et  le  pouls  est 
encore  incertaine  et  contestée. 

L'acide  salicylique  est  en  somme  un  médicament  assez 
facilement  supporté  par  l'organisme  :  reste  la  question 
desavoir  s'il  n'y  a  pas  inconvénient  à  introduire  des  médi- 
caments, fût-ce  à  faible  dose,  dans  les  aliments  qui  compo- 
sent notre  nourriture  journalière. 

Cette  question  de  la  toxicité  ou  de  l'innocuité  de  l'acide 
salicylique  a  une  grande  importance  au  point  de  vue  de 
l'hygiène.  Depuis  les  premiers  travaux  de  Kolbe  et  de 
Neubauer,  l'industrie  a  utilisé  dans  la  plus  large  mesure 
les  propriétés  anti-putrides  de  cet  acide  ;  on  en  a  mi» 
partout,  dans  le  vin,  la  bière,  le  cidre,  le  poiré,  les  sirops,. 
les  confitures ,  le  lait ,  le  beurre  ;  on  en  a  saupoudré  la 
viande,  le  poisson,  pour  en  assurer  la  conservation  pen- 
dant les  chaleurs  de  l'été.  Cette  tendance  a  conduit  à  cher- 
cher le  moyen  de  fabriquer  à  bas  prix  l'acide  salicylique 
et  depuis  que  Kolbe  a  fait  sa  belle  découverte  de  la  pro- 


ACIDE  SALICYLIQIE.  180 

duction  de  cet  acide  par  un  procédé  de  synthèse  et  à  l'aide 
du  phénol,  cette  substance  ne  coûte  plus  que  20  francs 
environ  le  kilogramme. 

Le  salicylage  des  denrées  alimentaires  est  devenu  une 
véritable  exploitation  ;  les  vins,  les  cidres,  les  bières,  fa- 
briqués avec  des  produits  des  plus  basses  qualités  ont  pu 
être  introduits  dans  la  consommation  journalière,  tandis 
que  jadis  une  décomposition  rapide  en  eût  empêché  le 
transport  ou  le  débit.  Pour  donner  une  idée  des  progrès 
qu'a  faits  en  très  peu  d'années  cette  pratique  du  salicylage, 
qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'en  1880  il  a  été  employé  en 
France  60,000  kilogrammes  d'acide  salicylique,  sous 
diverses  formes  ;  en  mettant  de  côté  ce  qui  a  pu  être 
consommé  sous  forme  de  médicaments,  il  reste  environ 
50,000  kilogrammes  qui  ont  été  appliqués  à  la  conservation 
des  denrées. 

Beaucoup  de  personnes  ont  vu  un  danger  à  cette  intro- 
duction de  l'acide  salicylique  dans  tous  nos  aliments.  En 
1880,  le  Comité  consultatif  d'hygiène  publique  de  France 
a  été  consulté  sur  cette  question;  après  des  analyses  et 
des  expériences  qui  ont  duré  plusieurs  mois,  après  un 
rapport  très  étudié  de  M.  le  D'  Dubrisay,  après  une  dis- 
cussion approfondie  au  sein  du  Comité,  le  ministre  de 
l'agriculture  et  du  commerce  a  pris,  le  7  février  1881, 
sur  l'avis  du  Comité,  un  arrêté  où  l'on  trouve  ce  qui  suit  : 

«  Est  interdite  la  vente  de  toute  substance  alimentaire, 
liquide  ou  solide,  contenant  une  quantité  quelconque  d'acide 
salicylique  ou  d'un  de  ses  dérivés.  » 

Cet  arrêté  a  soulevé  les  protestations  les  plus  violentes, 
non  seulement  des  fabricants  d'acide  salicylique,  mais 
encore  de  tous  ceux  qui  trouvaient  dans  cet  agent  le 
moyen  d'écouler  des  produits  alimentaires  dont  la  vente 
sans  cela  eût  été  impossible.  Un  grand  nombre  de  méde- 
cins, trompés  ou  mal  renseignés  sur  les  conditions  dans 
lesquelles  se  faisait  cette  opération  du  salicylage,  et  jugeant 


190  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

la  question  plus  en  thérapeutistes  qu'en  hygiénistes,  ont 
appuyé  les  doléances  de  ces  industriels  et  critiqué  vive- 
ment l'avis  formulé  par  le  Comité  consultatif  d'hygiène. 
Nous  avons  traité  ailleurs  (1)  cette  question  si  controversée  ; 
nous  ne  voulons  rappeler  ici  que  les  faits  les  plus  impor- 
tants qui  justifient  pleinement  la  décision  ministérielle. 

Sans  doute,  on  n'a  pas  encore  relaté  d'accidents  survenu» 
par  l'emploi  alimentaire  de  l'acide  salicylique;  mais  pendant 
combien  de  temps  n'a-t-on  pas  méconnu  la  véritable  nature 
de  la  colique  sèche?  depuis  cinq  ou  six  ans  seulement 
qu'on  commence  à  employer  l'acide  salicylique,  est-il  éton- 
nant qu'on  n'ait  pas  encore  relevé  d'exemples  d'intoxication 
par  cet  agent?  De  ce  que  des  doses  assez  fortes  peuvent 
être  impunément  supportées  par  certains  malades,  faut-il 
conclure  que  l'on  pourra  mêler  aux  aliments  toute  dose  de 
médicament  qui  ne  sera  pas  toxique  ?  Permettra-t-on  d'in- 
troduire, sous  je  ne  sais  quel  prétexte,  1  milligramme 
d'acide  arsénieux  par  litre  de  vin,  quelques  milligrammes 
de  morphine  par  litre  de  lait  ou  de  sublimé  par  kilogramme 
de  beurre  ?  Qui  nous  prouve  que  l'usage  continué  chaque 
jour  et  indéfiniment  d'une  quantité,  même  petite,  d'acide 
salicylique  n'est  pas  capable  de  produire  des  troubles  de 
nutrition,  delà  même  façon  que  des  quantités  faibles  d'iode 
peuvent  produire  l'iodisme,  et  que  l'ingestion  journalière 
d'une  eau  contenant  des  quantités  presque  infinitésimales 
de  plomb  fait  naître  une  intoxication  saturnine  chronique 
dont  la  cause  reste  parfois  inconnue  ?  D'ailleurs ,  il  ne 
s'agit  nullement  de  doses  minimes,  comme  le  répètent  trop 
souvent  les  industriels  intéressés.  D'après  leurs  déclarations 
officielles  et  d'après  le  mémoire  à  consulter  qu'ils  ont 
publié  en  avril  1881,  voici  les  doses  moyennes  qu'ils  dé- 
clarent employer  : 


(1)  E.  Vallin,  Le  salicylage  des  substances  alimentaires.  [Revue  d'hygiène 
et  de  police  sanitaire,  1881,  p.  263  et  354.) 


ACIDE  SALIGYLIQUE.  191 

Vins  secs 8  à  12  centig.  par  litre. 

Vins  doux 19  à  15      —  — 

Vins  nouveaux  doux..  13  cenlig.  par  litre  e«  deux  fois. 

3Ioùts  doux 15  à  20  centig.  par  litre. 

Bière 4  à    6      —  — 

Beurre  salé 50  centig.  par  kilog. 

Conserves,  confitures..  30      —  — 

Jus  de  fruits  à  froid...  1  gramme  par  kilog. 

Eau  potable 1      —        par  hectol. 

Viande Friction  avec  sel  marin  contenant  1  sur  20  d'acid* 

salicylique,  ou  immersion  dans  eau  salicylée 

à  2  p.  1000. 
Poissons Lavage  et  enveloppement  dans  un  linge  humecté 

avec  une  solution  à  3  p.  1000. 

Les  analyses  faites  par  des  chimistes  dont  l'habileté  est 
universellement  reconnue,  entre  autres  celles  qui  ont  été 
faites  au  laboratoire  municipal  de  Paris,  ont  montré,  dans 
des  échantillons  saisis  chez  les  débitants,  des  proportions 
infiniment  supérieures.  Il  est  possible  assurément  que  les 
producteurs  fassent  sortir  de  leurs  caves  des  vins  oii  ils 
n'ont  mis  que  10  grammes  d'acide  par  hectolitre  ;  mais 
quand  ces  vins  sont  de  très  mauvaise  qualité,  ils  ne  tar- 
dent pas  à  s'altérer  ;  le  commerçant,  afin  de  s'en  débar- 
rasser à  son  tour,  y  ajoute  une  nouvelle  dose  de  l'agent 
antiseptique,  et  lorsque  ces  vins  détestables  arrivent  sur  le 
comptoir  du  débitant,  l'analyse  y  constate  les  chiffres  sui- 
vants d'acide  salicylique  :  l^f^OS  —  is^,3^  —  l^^SO, 
2  grammes  et  même  une  fois  S^^SS. 

Il  en  est  de  même  pour  les  autres  produits  où  l'on  a 
trouvé  les  chiffres  suivants  : 

Sirops 50  cenligr.  à  18'",50  par  litre. 

Bière 23      —        à  l5'",23        — 

Lait 25      —        à        85        — 

Confitures 50      —      par  kilogr.. 

On  a  contesté  la  possibilité  d'introduire  des  doses  supé- 
rieures à  15  et  20  centigrammes,  sous  le  prétexte  que  ces 
doses  faisaient  immédiatement  cailler  le  lait.  Mais  si  l'on  a 
soin  d'ajouter  par  avance  une  quantité  de  bicarbonate  de 


192  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

soude  suffisante  pour  neutraliser  l'acide,  celui-ci  peut  être 
employé  aux  doses  indiquées  plus  haut,  sans  que  la  coagu- 
lation se  produise. 

On  pourrait  croire  que  des  vins  contenant  de  si  fortes 
proportions  d'acide  salicylique  ont  un  goût  insupportable, 
qui  en  décèle  la  falsification.  Il  est  difficile  d'en  juger 
par  la  dégustation  des  vins  saisis  ;  ces  vins  ont  par  eux- 
mêmes,  avant  l'addition  de  l'antiseptique,  un  goût  si 
désagréable,  qu'il  est  mal  aisé  de  faire  la  part  qui  revient 
à  l'acide  salicylique  ;  on  coupe  d'ailleurs  ces  mélanges 
avec  des  lies  de  vin  d'Espagne,  ou  des  solutions  de  glycose, 
afin  que  le  goût  sucré  et  chaud  en  masque  les  falsifica- 
tions. Nous  venons  de  faire  dissoudre  2  grammes  d'acide 
salicylique  dans  un  litre  de  vin  de  Bordeaux  de  bonne 
qualité  :  le  goût  de  ce  vin  est  beaucoup  moins  modifié 
qu'on  ne  pourrait  le  croire  ;  la  première  impression  n'est 
nullement  désagréable,  mais  au  bout  d'un  instant  l'on 
perçoit  au  fond  de  la  gorge  une  sensation  acre,  brûlante, 
une  saveur  un  peu  poivrée,  qui  est  caractéristique.  Cer- 
taines personnes  non  prévenues,  surtout  parmi  celles  qui 
n'ont  pas  le  palais  délicat,  auraient  certainement  bu  ce  vin 
isans  faire  aucune  observation. 

A  part  de  rares  exceptions,  le  salicylage  n'est  employé 
que  pour  préserver  les  vins  de  basse  qualité  ;  les  indivi- 
dus qui  sont  forcés  d'y  avoir  recours  ne  brillent  pas  tou- 
jours par  la  tempérance,  et  il  n'est  pas  inadmissible  que 
beaucoup  d'entre  eux  sont  exposas  à  en  consommer  très 
souvent  deux  litres  par  jour.  Un  homme  peut  donc  à  la 
rigueur  absorber  de  la  sorte  et  quotidiennement  3  gram- 
mes d'acide  salicylique  ;  à  cette  dose  viendra  s'ajouter 
celle  contenue  dans  la  bière,  le  laitage,  les  aliments  de 
toute  espèce.  Peut-on  dire  qu'il  soit  indifférent,  au  point 
de  vue  de  l'hygiène,  de  laisser  vendre  ainsi  de  telles  doses 
de  médicament?  Un  vin  qui  contient  1  gramme  et  plus 
d'acide  salicylique,  n'est  plus  qu'un  vin  médicamenteux  ; 
le  marchand  de  vin  empiète  sur  le  pharmacien. 


ACIDE  SALIGYLIQUE.  I93 

Il  ne  faut  pas  oublier  d'ailleurs  que  l'acide  salicylique 
cause  fréquemment  des  accidents  d'intoxication  chez  les 
sujets  dont  les  voies  urinaires  fonctionnent  mal,  et  chez 
qui  la  sécrétion  de  l'urine  est  entravée  ;  il  y  a  accumula- 
tion du  médicament.  Or,  que  de  buveurs  chez  lesquels  les 
reins  sont  altérés,  atrophiés!  Les  lésions  du  rein  ne  sont- 
elles  pas  l'une  des  expressions  habituelles  de  l'alcoolisme? 
D'autre  part,  n'y  a-t-il  pas  danger  à  laisser  vendre  du  vin 
salicylé  à  des  albuminuriques,  à  des  convalescents,  à  des 
malades  qui  croiront  faire  usage  de  vin,  c'est-à-dire  du 
produit  naturel  de  la  vigne  ? 

Dans  un  travail  récent  publié  dans  le  Deutsche  Vier- 
teljahrs.  f.  off.  Ges.,  1880,  3%  p.  402,  le  D'  Hans  Vogel 
s'élève  contre  l'introduction  croissante  de  l'acide  salicy- 
lique ;  il  fait  voir  qu'un  grand  nombre  des  hygiénistes  et 
des  savants  les  plus  autorisés,  entre  autres  Fleck  et  Ness- 
1er,  sont  très  opposés  à  cette  sophistication.  Nessler,  en 
particulier,  fait  observer  que  l'acide  salicylique  ne  se  trou- 
vant naturellement  ni  dans  le  raisin,  ni  dans  le  vin  fait 
avec  le  raisin,  son  addition  est  une  tromperie  sur  la  qua- 
lité de  la  chose  vendue.  L'Office  impérial  de  santé  de  l'em- 
pire d'Allemagne,  en  parlant  du  vin  et  de  la  bière  conser- 
vés par  l'acide  saUcylique,  dit  qu'avant  d'autoriser  l'usage 
de  cet  agent,  il  faudrait  qu'il  fût  parfaitement  prouvé 
que  son  action  n'est  pas  nuisible.  H.  Vogel  demande 
avec  Nessler  que  l'addition  d'une  quantité  quelconque 
d'acide  salicylique  dans  un  vin  soit  mentionnée  sur  la 
pièce  ou  la  bouteille  ;  c'est  aussi  l'avis  auquel  se  rangeait 
en  dernier  heu  M.  Pasteur. 

Les  propriétés  antiseptiques  et  non  contestables  d'ail- 
leurs de  l'acide  salicylique  ont  été  utihsées  de  bien  d'au- 
tres façons  encore  :  substitution  à  l'acide  phénique  dans 
le  pansement  de  Lister  ;  lavage  des  cavités,  des  clapiers, 
des  plaies  putrides,  injections  vaginales  pendant  ou  hors 
l'état  de  puerpéralité  ;  poudre  désinfectante  employée  en 

Vallix.  —  Désinfectants.  13 


194  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Allemagne  contre  la  sueur  fétide  des  pieds  (acide  salicy- 
lique  3  parties,  talc  87,  amidon,  10). 

Malgré  l'abus  qu'on  en  a  fait  pour  la  conservation  des 
4enrées  alimentaires,  il  ne  faut  pas  méconnaître  que  l'acide 
salicylique  est  un  antiseptique  précieux;  s'il  n'a  pas  l'ef- 
Ificacité  certaine  de  plusieurs  autres  agents  qui  viennent 
<iu  premier  rang,  comme  le  sublimé,  l'acide  sulfureux,  le 
<îhlore,  il  n'en  a  pas  non  plus  les  inconvénients  ni  la  toxi- 
cité redoutable.  Nous  énumérerons  ses  applications  en  trai- 
tant de  la  DÉSINFECTION  nosogomiale. 

Essence  de  Wintergreen.  —  L'essence  de  Wintergreen 
ou  huile  essentielle  de  gaidtheria  est  un  antiseptique  qui 
se  rattache  étroitement  à  l'étude  de  l'acide  salicylique  ; 
c'est  un  éther  méthylsalicylique  qui,  saponifié  par  la  po- 
tasse, fournit  facilement  l'acide  salicylique  (Wurtz).  Cette 
essence  a  d'abord  été  retirée  de  la  plante  dite  gaultheria 
procumbens,  de  la  famille  des  bruyères.  M.  Cahours  l'a 
retirée  de  l'acide  salicylique  au  moyen  de  l'éther  méthy- 
îique  et  de  l'acide  sulfurique.  Cette  huile  essentielle,  d'une 
odeur  assez  agréable  qui  l'a  fait  rechercher  depuis  long- 
temps en  Angleterre  pour  la  parfumerie,  est  peu  volatile, 
insoluble  dans  l'eau,  très  soluble  dans  l'alcool  concentré  ; 
la  solution  alcoolique  se  mêle  assez  bien  à  l'eau,  mais  quand 
la  proportion  de  celle-ci  est  trop  forte,  le  liquide  devient 
trouble. 

Cette  essence  a  des  propriétés  antiseptiques  incontesta- 
bles, sur  lesquelles  MM.  Lucas-Championnière,  Périer,  et 
plus  récemment  MM.  Gosselin  et  A.  Bergeron,  ont  appelé 
l'attention.  M.  Périer,  médecin  de  l'hôpital  Saint-Antoine, 
substitue  souvent  cette  essence  à  l'acide  phénique  dans  le 
pansement  de  Lister  ;  il  emploie  le  mélange  suivant  qui  a 
l'avantage  d'être  parfaitement  miscible  à  l'eau  : 

Essence  de  Wintergreen 30  grammes. 

Teinture  de  quillaya  saponaria.  6        — 

Eau  simple 1  litre . 


EUCALYPTUS.  195 

MM.  Gosselin  et  Bergeron  (1)  ont  expérimenté  sur  des 
solutions  alcooliques  de  cette  essence.  Dans  des  tubes  con- 
tenant 2  grammes  de  sang  frais,  on  introduisait  2  grammes 
d'une  solution  alcoolique  d'essence  de  gaultheria,  à  3 
p.  100  ;  les  protorganismes  s'y  développèrent  au  bout  de  4  à 
^  jours.  Mais  en  prenant  la  précaution  d'ajouter  chaque 
jour  au  mélange  précédent  une  goutte  de  l'alcoolé,  l'alté- 
ration putride,  caractérisée  par  la  présence  de  microbes , 
est  retardée  jusqu'au  2r  jour.  On  obtenait  le  même  ré- 
sultat en  laissant  évaporer  sous  une  cloche  la  solution 
alcoolique  d'essence  de  gaultheria,  sans  contact  immédiat 
de  l'essence  avec  le  flacon  de  sang,  recouvert  d'une  tarla- 
tane; l'alcool  à  86  degrés,  évaporé  sous  la  cloche,  eût  sans 
doute  empêché  aussi  la  putrescence  ;  mais  un  alcool  aussi 
concentré  serait  fort  irritant  pour  les  tissus. 

MM.  Gosselin  et  Bergeron  ont  adopté  deux  solutions  ;  la 
forte  contient  5  grammes  d'huile  de  Wintergreen  ou  de 
gaultheria  pour  130  grammes  d'alcool  à  60  degrés  ;  elle  ne 
sert  guère  que  pour  laver  les  instruments,  les  mains,  la 
peau.  La  solution  faible  contient  2°'",  50  d'essence  pour 
200  grammes  d'alcool  à  45  degrés.  Avec  la  solution  faible, 
les  microbes  et  la  putridité  n'apparaissent  que  le  25''  jour, 
tandis  que  l'alcool  seul,  au  même  degré,  laissait  apparaître 
les  microbes  dès  le  9^  jour.  Cette  solution  a  la  même  action 
antiseptique  que  la  solution  d'acide  phénique  au  45*'  ; 
-elle  n'est  pas  irritante,  elle  a  une  odeur  agréable;  elle  est 
^seulement  un  peu  plus  coûteuse  que  l'eau  phéniquée. 
MM.  Gosselin  et  Bergeron,  comme  MM.  Lucas-Champion- 
nière,  Périer,  etc.,  en  font  un  usage  fréquent  pour  les  pan- 
sements antiseptiques. 

Eucalyptus.  —  Une  vogue  d'ailleurs  justifiée  a  depuis 
20  ans   attiré  l'attention  du  public  et  des  médecins  sur 

(1)  Gosselin  et  Bergeron,  Recherches  sur  la  valeur  antiseptique  de  cer- 
taines substances  et  en  particulier  de  la  solution  alcoolique  de  Gaul- 
Meria.  [Archives  générales  de  Médecine,  janvier,  1881,  p.  16.) 


196  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

les  arbres  de  ce  groupe,  et  sur  les  produits  thérapeutiques 
qu'ils  peuvent  fournir.  L'eucalyptus  a  une  puissance  d'ab- 
sorption par  ses  racines  et  une  puissance  d'évaporation 
par  ses  feuilles,  qui  rendent  ses  plantations  très  utiles 
pour  favoriser  le  dessèchement  des  terrains  marécageux. 
Ses  feuilles  contiennent  en  outre  un  principe  actif,  ou 
huile  essentielle  d'eucalyptus,  dont  les  propriétés  antisep- 
tiques sont  réelles.  D'après  Cloez,  les  feuilles  demi-sèches 
contiennent  6  p.  100  d'essence  (1). 

L'essence  d' eucalyptus  ou  eucalyptoi  est  un  liquide  très 
volatil,  incolore,  d'une  odeur  fragrante,  à  la  longue  très 
désagréable  parce  qu'elle  est  extrêmement  persistante  ; 
cette  essence  distille  entre  -|- 175°  et  -]-  200°  C;  elle  est  à 
peine  soluble  dans  l'eau,  mais  très  soluble  dans  l'alcool, 
l'éther,  les  huiles  essentielles.  Dès  1872,  Demarquay  l'avait 
employée  en  dilution  étendue  pour  le  pansement  des  plaies. 
L'essence  d'eucalyptus  a  des  propriétés  antiseptiques  très 
réelles  et  Lister  l'a  récemment  adopté  pour  remplacer  l'a- 
cide phénique  qui  produisait  parfois  des  empoisonnements. 
Mais  elle  coûte  cher  :  2  francs  les  10  grammes,  actuelle- 
ment. 

D'après  le  D""  Poehl  de  Pétersbourg,  l'eucalyptol  offre  à 
un  haut  degré  la  propriété  d'engendrer  de  l'eau  oxygé- 
née en  présence  de  l'eau  et  sous  l'influence  de  la  lumière; 
toutes  les  fois  qu'une  huile  de  térébenthine ,  de  citron , 
d'eucalyptus  ou  toute  autre,  renfermant  un  terpène ,  est 
restée  soumise  à  l'action  directe  du  soleil,  surtout  aux 
rayons  bleus  ou  violets,  et  qu'ensuite  on  la  fait  traverser 
par  un  courant  d'oxygène,  il  se  produit  de  l'eau  oxygénée. 
Les  huiles  essentielles  de  térébenthine  et  d'eucalyptus 
tiennent  à  cet  égard  le  premier  rang,  avec  un  maximum 
de  3,  5  p.  100  de  peroxyde  d'hydrogène  produit. 

RÉsoRCiNE.  —  Cette  substance  n'est  connue  que  depuis 

(1)  Gimbert,  de  Cannes,  UEiicalyptus  globulits,  son  importance  en  agri- 
culture, en  hygiène  et  en  médecine.  Paris,  Delahaye,  1870  ;  et  Bulletin 
de  la  Société  de  médecine  de  Paris,  1873. 


RÉSORCINE.  197 

nn  petit  nombre  d'années,  et  les  travaux  de  Lichtheim,  de 
Berne,  Andeer  de  Wurtzburg  (1),  de  Callias  et  Dujardin- 
Beaumetz  (2),  ont  montré  qu'elle  a  une  valeur  antiseptique 
sérieuse.  La  résorcineest  un  corps  de  la  série  aromatique, 
assez  voisin  de  l'acide  phénique  et  de  la  benzine  ;  elle  doit 
son  nom  à  son  analogie  avec  l'orcine,  tirée  de  l'orseille.  On 
l'extrait  de  l'assa-fœtida,  de  la  gomme  ammoniaque,  de  la 
résine  acaroïde,  par  fusion  avec  la  potasse.  M.  Wurtz  a 
indiqué  un  procédé  adopté  partout  aujourd'hui  de  prépa- 
ration de  la  résorcine,  qui  consiste  à  traiter  la  benzine  par 
l'acide  sulfurique. 

La  résorcine  médicinale  ou  pure  se  présente  sous  forme 
d'aiguilles  très  fines,  d'un  blanc  éclatant  et  phosphores- 
centes dans  l'obscurité,  tandis  que  la  résorcine  commer- 
ciale a  une  couleur  rouge  et  n'est  pas  phosphorescente. 
Elle  a  une  très  faible  odeur  d'acide  phénique  ou  d'acide 
benzoïque,  une  saveur  sucrée  et  un  peu  amère;  elle  est 
soluble  dans  son  poids  d'eau,  dans  l'éther,  l'alcool,  la  gly- 
cérine, la  vaseline.  La  solution  aqueuse  brunit  par  l'expo- 
sition prolongée  à  l'air  et  à  la  lumière;  elle  est  neutre  et 
n'irrite  pas  les  tissus,  elle  coagule  l'albumine  avec  laquelle 
elle  forme  un  précipité  blanc,  probablement  d'albuminate 
de  résorcine.  Elle  ne  commence  à  être  toxique  qu'à  des 
doses  très  fortes,  10  à  20  grammes  par  jour  à  l'intérieur 
pour  un  adulte,  tandis  que  la  solution  à  2  p.  100  est  anti- 
septique à  un  haut  degré. 

MM.  Andeer,  deBrieger,  Callias,  Dujardin-Beaumetz,  ont 
mesuré  par  des  expériences  rigoureuses  son  pouvoir  anti- 
septique. Voici  le  résultat  des  expériences  les  plus  récen- 


(1)  Andeer,  Einleitende  Studlen  tieber  dus  Resorcin  zur  Einfûhrung 
desselben  in  die  praktische  Medicin  ;  Wurzburg,  1880;  —  et  Revue  de 
Haijem,  13  janvier  1881,  p.  62. 

(2)  Hippocrate  Callias,  De  la  résorcine  et  de  son  emploi  en  thérapeuti- 
que. Recherches  expérimentales  et  cliniques.  [Thèse  de  Paris  1881,  106 
pages).  —  H.  Callias  et  Dujardin-Beaumetz,  Recherches  sur  la  résorcine. 
{Bulletin  de  thérapeutique,  juin  et  juillet  1881.) 


198  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

tes  faites  par  M,  Hippocrate  Callias,  dans  le  service  de 
M.  Dujardin-Beaiimetz,  en  1881. 

Tandis  que  du  miel  brut  abandonné  à  lui-même  fer- 
mente, devient  acide,  dégage  de  l'acide  carbonique,  puis 
se  couvre  de  moisissures  dès  le  6*  jour,  l'addition  de 
1  gramme  de  résorcine  dans  100  grammes  de  miel  fait  qu'au 
bout  de  50  jours,  il  n'y  a  aucun  changement  appréciable 
dans  l'état  du  mélange.  Il  en  est  de  même  pour  les  macé- 
rations de  rate,  du  pancréas  des  typhoïdes,  de  liquide  asci- 
tique,  d'urine.  Avec  le  lait,  la  conservation  n'est  parfaite 
au  SO*"  jour,  qu'avec  2  p.  100  de  résorcine;  avec  1  gramme 
seulement,  les  moisissures  et  une  odeur  légèrement  putride 
apparaissent  dès  le  16*  jour. 

Dans  un  liquide  en  fermentation  alcoolique,  on  arrête 
complètement  cette  fermentation  en  ajoutant  1  p.  100  de 
résorcine.  De  même,  dans  une  macération  aqueuse  de  rate 
typhoïde,  la  putréfaction  étant  complète,  l'odeur  insuppor- 
table et  les  microbes  en  pleine  vie  dès  le  4°  jour  ;  on  verse 
1  gramme  et  demi  de  résorcine  p.  100,  et  lesm  icrobes  dis- 
paraissent peu  à  peu  sans  laisser  de  trace. 

M.  Callias  a  fait  de  nombreuses  expériences  sur  les  ani- 
maux pour  apprécier  les  propriétés  toxiques  de  la  résor- 
cine. Les  accidents  un  peu  sérieux  (convulsions  épilepti- 
formes)  -,  mais  non  mortels ,  n'apparaissent  chez  les  co- 
bayes ou  les  lapins  que  lorsqu'on  atteint  à  l'intérieur  la  do- 
se de  30  centigrammes  par  jour  par  kilogramme  du  poids 
de  l'animal,  soit  18  grammes  pour  un  animal  pesant  60  ki- 
log.  ;  la  dose  mortelle  est  de  1  gramme  par  kilogramme  du 
poids  de  l'animal.  J.  Andeer  avala  en  une  seule  fois  une  po- 
tion contenant  10  grammes  de  résorcine  :  il  eut  des  ver- 
tiges, des  troubles  de  la  vue  et  de  l'odorat,  de  la  saliva- 
tion et  quelques  convulsions  cloniques  ;  tous  les  accidents 
avaient  disparu  au  bout  de  cinq  heures,  et  la  santé  était 
parfaite  le  lendemain.  On  peut  donc  employer  impuné- 
ment des   solutions  assez  fortes,   destinées  aux   usages 


ACIDE  BENZOIQUE  ET  BENZOATES.  î99 

externes ,  et  cette  substance  est  beaucoup  moins  toxiqu€^ 
que  l'acide  phénique. 

Le  D'  W.  Murrel  (1),  de  Londres,  a  vu  des  accidents  gra- 
ves (lipothymie,  coUapsus,  sueurs  froides,  affaiblissement 
extrême  du  pouls  et  de  la  respiration,  etc.),  survenir  chez 
une  femme  qui  avait  pris  en  une  seule  dose  2  drachmes' 
(S^^bO)  de  résorcine.  La  malade,  cependant,  revint  à  elle 
au  bout  de  quelques  heures,  par  un  traitement  énergique 
(ingestion  d'huile,  lavage  de  l'estomac,  flagellation)  et 
guérit. 

M.  Dujardin-Beaumetz  a  employé  la  résorcine  en  pulvé- 
risation au  centième  dans  des  cas  de  diphtérie  gutturale-,, 
d'ulcérations  syphilitiques  ;  mais  les  observations  sont  peu 
nombreuses,  et  il  est  difficile  de  distinguer  l'action  exci- 
tante, cathérétique,  de  l'action  antiseptique  ou  antiviru- 
lente. C'est  donc  une  substance  encore  à  l'étude,  mais 
dont  la  valeur  antiseptique  ne  semble  pas  douteuse  à  la 
dose  de  1  p.  100. 

Acide  benzoïque  et  benzoates.  —  L'acide  benzoïque  et  les- 
benzoates  alcalins  ont  pri«  depuis  un  certain  nombre  d'an- 
nées une  véritable  faveur  comme  antiseptiques  et  désinfec- 
tants. Ils  ont  l'avantage  de  n'être  nullement  toxiques,  car 
le  professeur  Senator,  de  Berlin,  a  fait  prendre  sans  incon- 
vénient jusqu'à  50  grammes  par  jour  de  benzoate  de  soude- 
à  un  malade  atteint  de  rhumatisme  articulaire  aigu.  Chez  des 
enfants  de  1  à  3  ans,  le  D'  Graham  Brown  a  administré  des 
potions  contenant  de  1  à  8  grammes  de  benzoate  par  jour 
dans  le  cas  de  diphtérie,  et  13  à  23  grammes  à  des  adultes. 

C'est  une  poudre  blanche,  très  soluble,  d'un  goût  de- 
benjoin  prononcé.  Bucholtz  (2),  Salkowsky  (3),  Grahami 

(1)  D''  W.  Murrel,  A  case  of  poisoning  by  resorcin.  [Médical  Times  and! 
Gazette,    22  octobre  1881,  p.  486.) 

(2)  Leonid  Bucholtz,  Antiseptica  und  Bakterien.  [Arch.  f.  experimen- 
telle  Pathologie,  1875,  B.  IV.  —  Ueber  das  Verhalten  von  Bakterien  zw 
einigen  Antiseptica,  Dissertation  inaugurale,  Dorpal,  1876.) 

(3)  Salkowski,  Ueber  die  antiseptische  Wirkting  der  Salicylsaure  und' 
Benzoesaure.  {Berliner  Klin.  Wochenschrift,  18 .'5,  n°  22.) 


200  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Brown  (1)  ont  fait  un  grand  nombre  d'expériences  desti- 
nées à  montrer  l'action  destructive  et  préventive  de  l'acide 
benzoïque  et  des  benzoates  sur  les  bactéries.  Salkowsky, 
en  opérant  sur  du  suc  de  viande  additionné  de  liquide  asci- 
tique  en  putréfaction,  a  montré  que  l'acide  benzoïque  em- 
pêchait bien  plus  longtemps,  et  à  dose  plus  faible  que 
l'acide  salicylique,  la  décomposition  putride  du  mélange  et 
l'apparition  des  bactéries.  De  son  côté,  Graham  Brown 
s'est  efforcé  de  démontrer  que  le  benzoate  de  soude  était 
bien  supérieur  au  chlorhydrate  de  quinine  et  au  salicylate 
de  soude  pour  détruire  la  virulence  du  liquide  septique  et 
diphtéritique  ;  il  a  même  cru  pouvoir  conclure  de  ses 
expériences  qu'après  avoir  saturé  l'organisme  d'acide  ben- 
zoïque par  des  injections  hypodermiques  répétées,  le  virus 
inoculé  ne  produisait  que  des  accidents  très  mitigés. 

Nous  sortirions  de  notre  sujet,  si  nous  insistions  ici  sur 
les  tentatives  faites  et  les  résultats  obtenus  par  l'emploi  in- 
terne et  externe  du  benzoate  de  soude  dans  la  diphtérie, 
la  tuberculose,  etc.  C'est  aller  un  peu  loin  que  de  rattacher 
à  la  désinfection  et  à  l'étude  des  désinfectants  le  traitement 
des  phtisiques  par  les  inhalations  de  poussière  d'eau 
chargée  de  benzoate. 

L'on  sait  depuis  longtemps  quels  dangers  d'intoxication 
fait  courir  aux  malades  atteints  d'affections  de  la  vessie  la 
transformation  ammoniacale  de  l'urine.  MM.  Gosselin  et 
A.  Robin  (2)  ont  utilisé  à  ce  point  de  vue  les  propriétés 
de  l'acide  benzoïque.  A  la  suite  de  l'administration  de  cet 
acide,  l'urine  ammoniacale  devient  acide  et  la  neutrali- 
sation, la  saturation  du  carbonate  d'ammoniaque  se  fait 
en  évitant  la  formation  de  sels  insolubles  ou  toxiques.  En 
outre,  l'acide  benzoïque  diminue  la  quantité  d'urée  conte- 

(1)  Graham  Brown,   Zur   Thérapie  der  Diphthiritis.    (Klebs's  Archiv., 
VIII,  p.  140.) 

(2)  Gosselin  et  A.  Rcbin,    Traitement  de  la  cystite  ammoniacale  par 
l'acide  benzoïque.  {Arch.  génér.  de  Méd.,  1874,  T.  24",  p.  566.) 


ACIDE  BENZOIQUE  ET  BENZOATES.  2bl 

nue  dans  l'urine,  et  Frerichs  a  utilisé  cette  action  en 
l'administrant  dans  des  cas  d'urémie,  pour  débarrasser  le 
sang  des  matériaux  azotés  et  du  carbonate  d'ammoniaque 
qui  le  rendent  toxique. 

En  résumé,  l'acide  benzoïque  se  transforme  en  acide  hip- 
purique ;  celui-ci  augmente  l'acidité  des  urines  normales  ; 
dans  les  urines  ammoniacales,  il  empêche  la  formation  des 
dépôts  phosphatiques,  en  se  combinant  avec  l'ammoniaque 
qui  formerait  sans  cela,  avec  le  phosphate  de  magnésie 
contenu  dans  l'urine,  un  phosphate  ammoniaco-magnésien 
insoluble  et  partant  des  calculs.  Les  baumes  qui  contien- 
nent de  l'acide  benzoïque  et  probablement  aussi  d'autres 
produits  végétaux  (salicine,  acide  cinnamique,  toluique), 
jouissent  de  propriétés  analogues. 

Nous  devions  mentionner  cette  action  désinfectante  en 
quelque  sorte  indirecte  de  l'acide  benzoïque  et  de  ses  com- 
posés ;  son  action  directe  sur  les  protorganismes  est  assez 
puissante.  L'acide  benzoïque  abolit  l'activité  de  tous  les 
ferments  non  figurés;  d'après  Wernitz,  la  dose  efficace  va- 
rie de  1  sur  400  à  1  sur  2,600  ;  la  pepsine  n'est  rendue 
inerte  que  par  1  :  200,  et  le  ferment  lactique,  par  la  dose 
de  1  sur  300. 

Bucholtz,  opérant  sur  les  bactéries  nées  dans  l'infusion 
de  graines  de  tabac,  voyait  qu'elles  cessaient  de  se  déve- 
lopper quand  on  les  transportait  dans  le  liquide  de  Pas- 
teur -  Bucholtz  contenant  1  partie  d'acide  benzoïque  pour 
1,000.  Haberkorn  n'a  pu  réussir  avec  la  dose  de  1  sur  400, 
à  empêcher  le  développement  des  bactéries  de  l'urine. 

Voici  les  résultats  de  74  expériences  faites  par  Jalan  de 
la  Croix  avec  l'acide  benzoïque  pur  préparé  à  l'aide  d'acide 
hippurique.  En  versant  quelques  gouttes  de  jus  de  viande 
chargé  de  bactéries  dans  une  série  de  tubes  remplis  de  jus 
de  viande  aseptique  et  additionné  de  quantités  variables 
d'acide  benzoïque,  on  voit  qu'une  proportion  d'acide  égale 
à  1  sur  2,867  est  la  plus  faible  qui  empêche  la  puUulation 
des  bactéries  dans  le  nouveau  liquide  ensemencé. 


202  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

Pour  tuer  des  bactéries  adultes  en  plein  développement 
dans  du  jus  de  viande,  il  faut  ajouter  à  celui-ci  une  propor- 
tion d'acide  benzoïque  égale  à  1  sur  410.  Le  bouillon  de 
viande  cuit  et  abandonné  à  l'air  ne  se  laisse  pas  infester  de 
bactéries  quand  on  y  ajoute  au  moins  1  partie  d'acide 
sur  2,871  ;  la  dose  de  1  sur  1,439  est  nécessaire  quand  le 
jus  de  viande  n'a  pas  été  bouilli. 

Dans  la  plupart  de  ces  cas,  pour  détruire  définitivement 
et  sans  retour  les  germes  transplantés  du  liquide  neutra- 
lisé dans  un  milieu  de  culture  approprié,  la  proportion 
d'acide  benzoïque  doit  être  de  1  sur  TT  et  même  1  sur  50, 
soit  2  pour  100. 

C'est  donc  cette  dernière  dose  qu'il  faudrait  préférer 
quand  il  n'y  a  aucune  contre-indication  ;  l'innocuité,  la  so- 
lubilité très  grande,  le  prix  relativement  modéré  (25  francs 
le  kilog,),  de  l'acide  benzoïque  en  font  donc  un  antiseptique 
utile,  au  moins  dans  ses  applications  à  la  thérapeutique 
humaine. 

Tannin.  —  Nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  mention- 
ner ici  le  tannin  qui  a  donné  son  nom  à  l'opération  du 
tannage.  Ce  procédé  convertit  les  peaux  d'animaux  en  cuir 
imputrescible  ;  il  appartient  donc  de  droit  à  la  méthode  an- 
tiseptique en  général.  Quoique  la  qualité  du  cuir  soii  une 
co^ndition  de  l'hygiène  de  la  chaussure,  ce  serait  s'éloigner 
de  notre  sujet,  que  de  nous  arrêter  à  l'emploi  des  substan- 
ces tannifères,  dont  les  applications  hygiéniques  sont  ex- 
trêmement limitées  en  dehors  du  tannage. 

D'ailleurg,  les  expériences  tentées  par  MM.  Gosselin  et 
A.  Bergeron  (1)  sur  l'action  antiseptique  du  tannin  ont 
donné  un  résultat  peu  satisfaisant  ;  en  ajoutant  à  2  gram- 
mes de  sang  frais  8  gouttes  d'une  solution  aqueuse  de 


(1)  Gosselin  et  A.  Bergeron,  Recherches  sur  la  valeur  antiseptique  de 
certaines  substances  et  en  particulier  de  la  solution  alcoolique  de  Gaul- 
theria.  {Arch.  de  Médec,  1881,  p.  16.) 


ALCOOL.  203 

tannin  au  iO%  ils  ont  vu  les  vibrions  apparaître  dans  le 
mélange  dès  le  4^  ou  5^  jour,  c'est-à-dire  presque  aussitôt 
que  le  sang  avait  été  abandonné  à  la  putréfaction  sans 
addition  d'aucun  agent  antiseptique. 

D'après  Gubler  et  Bordier  (l),  M.  Bouley  aurait  vu, 
chez  un  cheval  qui  pendant  plusieurs  jours  avait  ingéré 
une  dose  journalière  de  20  grammes  de  tannin,  le  sang* 
rester  imputrescible  pendant  5  jours  après  la  mort. 

Alcool.  —  L'alcool  est  un  antiseptique  usuel  ;  il  est 
l'agent  de  la  conservation  du  vin,  du  cidre,  du  poiré,  de 
la  bière,  des  liqueurs,  etc.  ;  quand  la  proportion  d'alcool 
dans  ^ces  boissons  est  insuffisante,  celles-ci  subissent  les 
décompositions  les  plus  variées,  et  en  définitive  se  putré- 
fient. Il  sert  à  conserver  les  tissus  anatomiqnes,  les  cada- 
vres, etc. 

Il  importe  assez  peu  au  point  de  vue  de  l'hygiène,  de  sa- 
voir si  l'alcool  est  antiseptique  parce  qu'il  coagule  l'albu- 
mine des  tissus  et  des  liquides,  ou  parce  qu'il  détruit  d'une 
façon  quelconque  la  vie  des  protorganismes  et  des  fer- 
ments; c'est  probablement  cette  dernière  circonstance  qui 
doit  être  la  plus  puissante.  L'alcool  est  un  antiseptique  re- 
lativement faible  ;  mais  il  a  le  grand  avantage  de  pouvoir 
être  employé  à  l'extérieur  à  dose  massive,  sans  crainte 
d'accidents  pour  les  tissus  et  pour  l'organisme. 

Bucholtz  s'était  contenté  de  noter  qu'une  solution  alcoo- 
lique à  1  sur  30  n'empêche  pas  le  développement  des 
vibrions;  Wernitz  (2)  a  constaté  que  l'alcool  dilué  de  1  sur 
3  à  1  sur  10  détruit  l'activité  de  la  plupart  des  ferments 
non  figurés,  cependant  l'action  de  la  diastase  n'est  que  dimi- 
nuée ou  retardée  par  une  dose  de  1  :  3  ;  celle  de  la  ptyahne 
ne  l'est  que  par  la  dose  de  1  sur  2. 

(1)  H.  Gubler  et  Bordier,  Des  substances  antipudrides  et  antifermentes- 
cibles  [Bulletin  de  thérapeutique,  1873,  t.  84%  p.  26S.) 

(2)  Iwan  Wernitz,  Ueber  die  Wirkung  der  Anseptica  auf  ungeformte 
Fermente;  Inaug.  Disserl.,  1880. 


204  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

On  pourrait  supposer  que  l'alcool,  qui  est  très  volatil, 
s'évapore  peu  à  peu  et  que  si  les  solutions  alcooliques  lais- 
sées à  l'air  libre  pendant  plusieurs  jours,  se  remplissent 
peu  à  peu  dé  bactéries,  c'est  que  tout  l'alcool  a  disparu. 
Geissler  a  répondu  à  cette  objection. 

Des  tubes  contenant  un  mélange  d'eau  et  d'alcool  sont 
gardés  ouverts  et  à  l'air  libre  pendant  plusieurs  jours  ;  au 
bout  de  72  heures,  l'analyse  y  révèle  encore  32  pour  100 
d'alcool,  l'analyse  initiale  ayant  donné  33  pour  100. 

Voici  le  résultat  des  expériences  de  Jalan  de  la  Croix  : 

Il  faut  une  solution  alcoolisée  au  moins  à  1  :  21  ou 
S  p.  100  pour  empêcher  le  développement,  dans  du  bouil- 
lon, des  bactéries  adultes  qu'on  y  transporte  ;  mais  les 
germes  de  ces  bactéries  ainsi  détruites  ne  sont  définitive- 
ment stérilisés  que  par  la  dose  de  1  sur  4,4=22  p.  100. 
Pour  détruire  les  bactéries  en  plein  développement  dans 
du  bouillon,  cette  même  dose  de  1  sur  4,4=^22  p.  100  est 
nécessaire  ;  mais  pour  stériliser  ces  germes,  il  ne  faut 
pas  moins  de  1  sur  1,18  =  83  sur  100.  Du  bouillon  de 
viande  laissé  à  l'air  libre,  ne  reste  exempt  de  bactéries  que 
par  la  dose  de  1  sur  11=:=  9  sur  100  d'alcool,  si  le  bouil- 
lon a  été  cuit,  et  de  1  sur  21  —  5  sur  100  s'il  ne  s'agit 
que  d'un  mélange  de  pulpe  de  viande  crue  et  d'eau  froide, 
ce  qui  est  un  résultat  assez  inattendu.  Pour  stériliser  les 
germes  contenus  dans  les  liquides  ainsi  désinfectés,  il  faut 
que  la  proportion  d'alcool  ait  atteint  1  sur  77  ou  S5  pour 
100  dans  le  bouillon  cuit,  et  71  sur  100  dans  le  bouillon 
cru!  Il  faudrait  en  conclure  qu'en  somme  les  propriétés 
antiseptiques  de  l'alcool  sont  bien  peu  certaines. 

Cependant  MM.  Gosselin  et  A.  Bergeron  ont  obtenu  des 
résultats  plus  satisfaisants  dans  leurs  expériences.  Nous 
avons  déjà  dit  qu'en  pulvérisant,  pendant  15  minutes,  de 
l'alcool  à  86  degrés,  ils  retardaient  jusqu'au  9^  jour  la  pu- 
tréfaction de  20  grammes  de  sang  frais  contenu  dans  une 
cupule  recouverte  de  tarlatane.   Dans  un  tube  contenant 


CHLOROFORME.  205- 

1  gramme  de  sang  frais,  la  putréfaction  était  retardée  jus- 
qu'au 8^  jour  en  ajoutant  6  gouttes  d'alcool  à  86%  tandis 
que  dans  le  sang  pur  cette  putrescence  apparaissait  le  3°  ou 
le  4''  jour.  Quand  la  pulvérisation  avec  l'alcool  à  86°  a  lieu 
sous  une  cloche,  l'imputrescence  se  maintient  presque  in- 
définiment dans  les  cupules  remplies  de  sang  frais  et  re- 
couvertes de  plusieurs  doubles  de  tarlatane. 

Ces  expériences  sont  en  accord  parfait  avec  le  résultat 
du  pansement  des  plaies  par  les  irrigations  d'alcool  ;  Ba- 
taillé, Nélaton,  Maurice  Perrin,  ont  montré  quels  succès  on 
obtient  par  cette  méthode,  non  seulement  pour  les  plaies 
exposées,  mais  encore  pour  le  lavage  des  cavités  qui  ont 
contenu  du  pus  altéré  ou  des  liquides  putrides. 

Il  est  incontestable  que  l'alcool  est  le  meilleur  véhicule 
des  antiseptiques  ;  et  même,  les  expérimentateurs  n'ont 
pas  toujours  tenu  assez  compte  de  la  part  d'action  qui  re- 
venait à  l'alcool  dans  lequel  ils  faisaient  dissoudre  les 
substances  en  expérience,  parfois  moins  actives  que  l'al- 
cool lui-même. 

Chloroforme.  —  On  connaît  la  belle  expérience  faite 
en  1818  par  M.  Schlœsing,  le  savant  directeur  de  l'École 
d'application  des  tabacs,  et  par  son  collaborateur  M.  Miintz. 
Quand  on  fait  filtrer  lentement  des  eaux  d'égouts  à  travers 
une  couche  de  terre  végétale,  l'azote  contenu  dans  ces 
eaux  se  nitrifie  complètement  et  se  retrouve  dans  le  li- 
quide filtré  à  l'état  d'azotates  ;  mais  quand  on  fait  passer 
à  travers  cette  couche  de  terre  filtrante  des  vapeurs  de 
chloroforme,  la  nitrification  est  interrompue  pendant  un 
certain  temps,  et  l'on  trouve  encore  de  l'azote  organique 
dans  l'eau  filtrée.  M.  Miintz  a  démontré  que  le  chloroforme 
paralyse  tous  les  organismes  fonctionnant  comme  ferments  : 
les  levures,  le  mycoderma  aceti,  les  vibrions  des  fer- 
mentations putrides,  etc.  La  nitrification  se  fait  très  proba 
blement  par  l'intermédiaire  de  protorganismes  capables 
de   transporter  l'oxygène  de  l'air  sur  les  matières  orga- 


206  ANTISEPTIQUES   EN  PARTICULIER. 

niques  et  de  les  brûler  dans  le  sens  chimique  du  mot  ; 
le  chloroforme  suspend  sans  doute  la  nitrification  en  sus- 
pendant la  vie  des  organismes  nitrificateurs. 

Les  expériences  faites  en  ces  dernières  années  semblent 
montrer  cependant  que  cette  action  antiseptique  du  chloro- 
forme n'est  pas  aussi  puissante  que  les  recherches  de 
MM.  Schlœsing  et  Miintz  pouvaient  le  faire  croire.  Ce  n'est 
guère  qu'à  la  dose  relativement  très  forte  de  1  p.  100  à 
1  p.  130  que  les  bactéries  déjà  développées  sont  détrui- 
tes, et  qu'on  en  prévient  le  développement,  soit  spontané, 
soit  après  inoculation.  Pour  produire  la  stérilité  complète 
des  germes,  il  faut  d'abord  les  avoir  fait  séjourner  dans 
un  liquide  contenant  environ  parties  égales  d'eau  et  de 
chloroforme.  La  grande  volatilité  du  chloroforme  et  sa  dis- 
parition assez  rapide  des  liquides  où  on  a  essayé  de  le  dis- 
soudre, expliquent  sans  doute  en  partie  ces  résultats  peu 
satisfaisants.  Il  faut  reconnaître  en  outre  qu'au  point  de 
vue  de  l'hygiène,  le  chloroforme  est  un  antiseptique  qui 
a  un  intérêt  très  médiocre. 

Éther  azoteux  ou  azotite  d'éthyle.  —  M.  Peyrusson(l) 
présentait  à  l'Académie  des  sciences,  le  28  février  1881, 
une  série  d'expériences  prouvant,  suivant  lui,  l'action 
désinfectante  et  antiseptique  de  l' éther  azoteux  ou  azotite 
d'éthyle.  A  vrai  dire  ce  n'est  pas  sur  ce  corps  même 
que  M.  Peyrusson  a  opéré;  l' éther  nitreux  est  un  corps 
■connu  seulement  des  chimistes,  d'une  préparation  dan- 
gereuse et  difficile,  très  volatil,  qui  bout  à  -[-  32**  et  par 
conséquent  ne  peut  être  utilisé  dans  la  pratique  de  l'hygiène 
à  l'état  de  pureté.  On  peut  le  remplacer,  à  ce  point  de  vue, 

(1)  Peyrusson,  De  l'emploi  de  l' azotite  d'éthyle  pour  assainir  les  locaux 
■contaminés  et  comme  prophylactique  des  maladies  pestilentielles  et  con- 
tagieuses. [Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  séance  du  9  août 
1880.)  Du  même:  De  l'action  des  vapeurs  d' azotite  d'éthyle  sur  les  impUr 
retés  qui  sont  dans  l'air.  Mémoire  présenté  à  l'Académie  des  sciences,  le 
■28  février  1881.  {Journal  de  la  Société  de  médecine  de  la  Haute-Vienne, 
avril  1881,  p.  o3  et  novembre  1881,  p.  162.) 


ÉTHER  AZOTEUX.  207 

par  un  mélange  de  400  parties  d'alcool  et  de  100  parties 
d'acide  azotique  ;  ce  mélange  dégage  insensiblement  des 
vapeurs  d'azotite  d'éthyle  ou  éther  nitreux,  d'une  odeur  très 
agréable  d'éther  ou  de  chloroforme. 

M.  Peyrusson  a  constaté  que  cet  azotite  d'éthyle  ou  éther 
azoteux  éthylique,  en  vapeur,  communique  à  l'air  les  réac- 
tions de  l'ozone,  et  que  de  plus  il  est  complètement  inof- 
fensif. Il  en  a  conclu  que  cet  agent  pourrait  sans  doute 
être  utilisé  pour  purifier  l'air  des  locaux  habités  ;  et,  théo- 
riquement, les  décompositions  chimiques  qu'il  subit  font 
supposer  qu'il  est  plus  efficace  encore  que  l'ozone  lui- 
même  pour  détruire  les  impuretés  qui  peuvent  se  trouver 
dans  l'air;  l'expérimentation  directe  confirme  ces  données. 

Dans  une  première  série  d'expériences,  M.  Peyrusson 
n'a  opéré  que  sur  l'atmosphère,  en  évitant  tout  mélange 
direct  de  l'éther  azoteux  avec  la  matière  organique  fermen- 
tescible.  Il  a  placé  dans  des  bocaux  de  trois  litres  de  capa- 
cité, de  la  viande,  du  sang,  des  solutions  sucrées,  des  œufs 
battus  ;  puis  il  a  introduit  dans  ces  bocaux  de  petits  flacons 
débouchés,  contenant  un  peu  d'éther  azoteux  mélangé  à 
l'alcoel,  ou  simplement  le  mélange  d'alcool  et  d'acide 
azotique.  Les  bocaux  étaient  alors  couverts,  mais  non 
exactement  bouchés,  afin  d'éviter  une  évaporation  trop 
rapide  de  l'éther;  l'atmosphère  ainsi  limitée  représentait 
assez  bien  les  conditions  dans  lesquelles  se  fait  la  désin- 
fection de  l'air  d'un  appartement.  Voici  le  résultat  de  ces 
expériences  : 

Dans  un  premier  bocal-témoin,  la  matière  organique 
(œufs  battus)  a  été  simplement  abandonnée  à  elle-même, 
sans  aucun  désinfectant  :  au  bout  de  4  jours,  l'odeur 
d'œufs  pourris  était  manifeste;  au  bout  de  10  jours, 
elle  était  insupportable.  Dans  un  deuxième  bocal,  où  l'on 
avait  introduit  un  flacon  contenant  du  chlorure  de  chaux 
humide,  l'odeur  du  chlore  était  très  forte,  mais  l'altération 
des  œufs  était,  le  6'  jour,  aussi  marquée  que  dans  le  bo- 


208  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

cal-témoin.  Enfin,  on  plaça  au  fond  d'un  bocal  préparé 
de  même  sorte  un  petit  flacon  contenant  de  l'azotite  d'é- 
thyle  mélangé  d'alcool.  Cette  fois,  la  conservation  des  œufs 
battus  fut  complète  pendant  les  trois  premiers  mois  que 
dura  l'expérience.  Il  ne  se  produisit  aucune  autre  odeur 
que  celle  très  douce  et  très  faible  de  l'azotite  d'éthyle.  Non 
seulement  il  n'y  eut  aucune  trace  d'altération,  mais  la 
coagulation  elle-même  n'eut  pas  lieu  et  l'œuf  resta  exacte- 
ment dans  l'état  oîi  il  avait  été  mis. 

Par  comparaison,  M.  Peyrusson  fit  circuler'dans  un  autre 
bocal  un  courant  d'air  ordinaire,  pénétrant  lentement  au 
moyen  d'un  tube  de  1  centimètre  de  diamètre  ;  ce  tube  était 
traversé  par  deux  fils  de  platine  communiquant  avec  une 
petite  bobine  ;  des  décharges  obscures,  partant  continuel- 
lement entre  les  deux  fils,  chargeaient  l'air  d'ozone.  Dans 
ces  conditions,  la  putréfaction  fut  retardée  de  huit  jours  ; 
au  bout  de  ce  temps,  elle  commença,  mais  ne  marcha  que 
lentement  et  progressivement. 

Des  expériences  plus  pratiques  furent  faites  à  l'hôpital  de 
Limoges  : 

«  La  s'alla  Saint-Jean,  cubant  280  mètres  cubes,  était 
occupée  par  12  vieillards  infirmes  et  dégageait  le  matin 
une  odeur  [très  forte,  presque  repoussante  ;  on  y  a  mis 
3  tasses  contenant  [chacune  environ  30  grammes  d'éther 
dilué,  et  l'odeur  a  été  enlevée.  »  Plusieurs  médecins  du 
même  hôpital  l'employèrent  de  la  même  façon  dans  des 
salles  où  la  présence  de  malades,  et  ailleurs  de  cadavres, 
entretenait  une  odeur  très  forte,  et  ils  paraissent  en  avoir 
retiré  un  excellent  effet.  M.  Peyrusson  conclut  de  ces  ex- 
périences que  cet  éther,  ainsi  d'ailleurs  que  la  théorie 
chimique  le  lui  avait  fait  pressentir,  est  doué  d'un  pou- 
voir désinfectant  remarquable  ;  il  a  de  plus  l'avantage 
d'avoir  une  odeur  douce,  agréable,  et  d'être  inoffensif.  » 
Il  suffit,  d'après  lui,  de  mettre  chaque  soir  environ 
50  grammes  de  mélange  d'acide  azotique  et  d'alcool,  pour 


ÉTHER  AZOTEUX.  209 

100  mètres  cubes  d'air,  dans  des  capsules  en  porcelaine 
qui  seraient  disséminées  dans  les  salles  et  qu'on  pourrait 
à  la  rigueur  placer  sur  des  vases  d'eau  chaude.  » 

La  communication  de  M.  Peyrusson  à  l'Académie  des 
sciences  nous  fît  espérer  qu'on  pourrait  trouver  dans  l'éther 
azoteux  un  désinfectant  à  la  fois  puissant  et  inoffensif. 
Nous  avons  institué  de  notre  côté  une  série  d'expériences 
que  nous  allons  exposer;  on  verra  que  le  résultat  n'a  pas  ■ 
complètement  répondu  à  nos  espérances. 

1°  Nous  avons  commencé  par  rechercher  dans  quelle 
mesure  ce  mélange,  pur  ou  dilué^  altère  les  tissus  vivants, 
les  étoffes,  les  métaux.  A  l'état  pur,  il  altère  profondément 
la  couleur  des  étoffes,  un  morceau  de  soie  violet  a  été  taché 
en  gris  jaunâtre,  un  tissu  de  coton  rouge  a  été  fortement 
jauni;  une  houppe  de  laine  garance  a  pris  une  couleur 
jaune-brun  havane,  caractéristique  d'ailleurs  de  l'action  de 
l'acide  azotique  sur  les  tissus  animaux  ;  la  solidité  des 
tissus  ne  paraît  pas  diminuée.  Dilué  au  dixième,  c'est- 
à-dire  en  ajoutant  à  1  volume  du  mélange  acide  9  volumes 
d'eau,  les  mêmes  effets  se  sont  encore  produits,  mais  à  un 
moindre  degré.  A  la  dilution  de  1  sur  50  et  de  1  sur  30, 
la  laine  rouge  ne  subit  aucun  changement  décoloration. 

Le  mélange  d'acide  et  d'alcool,  dilué  à  1  p.  10,  a  un  goût 
acide  qui  est  supportable  à  la  langue  ;  nous  n'avons  pas 
essayé  l'effet  de  cette  dilution  sur  les  plaies  ;  elle  doit 
produire  une  légère  cuisson.  Le  titre  de  l'acide  azotique  se 
trouve  en  effet  porté  à  1  sur  50,  tandis  que  les  lotions  qu'on 
pratiquait  autrefois  sur  les  plaies  sanieuses  avec  les  solu- 
tions d'acide  azotique  ne  contenaient  au  plus  que  10  gram- 
mes d'acide  azotique  sur  1000  d'eau. 

Les  vapeurs  qui  se  dégagent  du  mélange  initial  ont  une 
action  sur  les  métaux  ;  dans  une  chambre  où  se  produisait 
un  dégagement  assez  modéré  d'éther  azoteux  ,  nous  trou- 
vâmes le  lendemain  que  les  surfaces  polies  des  objets  en 
fer  (clefs j  ciseaux),  étaient  devenues  ternes,  brunes,  cou- 

Vai.un.  —  Désinfectants.  14 


210  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

vertes  d'une  mince  couche  de  rouille.  Ces  vapeurs  ont 
d'ailleurs  une  odeur  assez  agréable,  rappelant  à  la  fois 
l'éther  et  le  chloroforme, 

2"  Pour  expérimenter  l'action  irritante  ou  toxique  de 
l'éther  azoteux,  nous  avons  opéré  sur  des  oiseaux,  animaux 
d'ordinaire  très  sensibles,  que  nous  avons  enfermés  dans 
une  caisse  à  parois  pleines,  en  bois,  cubant  exactement 
100  décimètres  cubes,  et  munie  de  deux  fenêtres  opposées, 
fermées  avec  du  tissu  à  larges  mailles  (linon,  toile  à  cata- 
plasmes). Dans  cette  enceinte,  nous  plaçâmes  dans  deux 
verres  à  boire  mesurant  5  centimètres  de  diamètre  et 
couverts  d'un  tissu  à  larges  mailles,  30  grammes  du 
mélange.  Les  oiseaux  vécurent  pendant  trois  jours  bien 
portants  dans  cette  atmosphère  dont  l'odeur  était  fragrante. 
Le  soir  du  4^  jour,  les  deux  oiseaux  qui  une  heure  avant 
étaient  très  vifs  et  mangeaient  bien,  furent  trouvés  morts. 
Il  n'est  pas  douteux  qu'ils  aient  été  asphyxiés  par  l'éther 
azoteux.  Mais  la  surface  d'évaporation  de  cet  éther  était 
énorme;  elle  était  de  47  centimètres  carrés  pour  100  déci- 
mètres cubes,  ce  qui  équivaut,  pour  une  petite  chambre 
cubant  50  m.ètres,  à  la  surface  d'évaporation  que  fournirait 
une  cuve  plate,  de  1™,75  de  diamètre,  contenant  une  nappe 
d' éther  azoteux  de  quelques  centimètres  d'épaisseur. 

Évidemment,  il  ne  viendrait  à  l'esprit  de  personne  d'em- 
ployer un  désinfectant  exigeant  une  aussi  énorme  surface 
d'évaporation.  En  outre,  les  oiseaux  se  tenaient  habituelle- 
ment perchés  sur  la  toile  recouvrant  les  vases  et  se  trou- 
vaient ainsi  directement  exposés  aux  vapeurs  d'éther 
nitreux.  Il  n'est  donc  pas  surprenant  que,  dans  ces  con- 
ditions excessives,  ils  aient  succombé. 

Dans  les  expériences  que  nous  avons  faites  sur  des 
chambres  occupées  par  des  hommes  et  par  nous-même, 
il  ne  nous  a  pas  semblé  que  ces  vapeurs  fussent  irritantes, 
encore  moins  toxiques,  aux  doses  usuelles  et  pratiques. 

3°  Dans  deux  chambres  qui  dégageaient  une  odeur  fade 


ÉTHER  AZOTEUX.  211 

de  renfermé,  mais  non  fétide,  nous  avons  placé  dans 
chacune  une  assiette  contenant  30  grammes  du  mélange  : 
l'évaporation  était  achevée  au  bout  de  i2  heures,  et  l'opé- 
ration fut  renouvelée  au  bout  de  8  heures,  au  commence- 
ment delà  nuit.  Le  lendemain,  l'on  pouvait  sentir  encore 
une  très  légère  odeur  aromatique  d'éther,  mais  l'odeur 
fade  avait  disparu,  et  ne  reparaissait  pas  quand  on  avait 
tenu  les  fenêtres  fermées  pendant  plusieurs  heures.  Dans 
une  autre  chambre,  occupée  depuis  longtemps  par  un 
malade  alité,  et  dont  l'odeur  était  beaucoup  plus  forte 
mais  cependant  non  encore  fétide,  le  renouvellement  pen- 
dant 36  heures  de  mêmes  doses  d'éther  azoteux  ne  pro« 
duisit  pas  de  désinfection  bien  évidente. 

Nous  n'avons  donc  pas  obtenu  le  bon  effet  observé  par 
M.  Peyrusson,  dans  les  salles  de  l'hôpital  de  Limoges.  Et 
cependant  la  surface  d'évaporation  était  large  et  suffisante  : 
314  centimètres  carrés  pour  une  capacité  de  50  mètres 
cubes.  Dans  les  deux  cas,  les  objets  en  fer  ou  en  acier  poli 
furent  trouvés  couverts  d'une  couche  de  rouille  fort  désa- 
gréable. 

Nous  renouvelâmes  cette  expérience  dans  d'autres  con- 
ditions. Dansunecaisse  cubant  100  décimètres  cubes,  nous 
plaçâmes  un  vase  de  nuit  contenant  des  selles  d'un  malade 
atteint  de  diarrhée  de  Cochinchine,  dont  l'odeur  était  hor- 
rible. Nous  y  introduisîmes  en  même  temps  deux  verres, 
mesurant  chacun  5  centimètres  de  diamètre,  et  renfermant 
chacun  30  grammes  du  mélange  azoteux  ;  le  lendemain  il 
restait  encore  dans  les  verres  une  partie  du  liquide  qui 
n'avait  pas  eu  le  temps  de  s'évaporer;  l'odeur  était  d'une 
fétidité  insupportable  ;  on  peut  dire  qu'elle  n'avait  pas  été 
sensiblement  atténuée  par  Téther  azoteux.  Et  cependant- la 
surface  d'évaporation  de  Féther  était  énorme  et  équivalente 
à  celle  qu'aurait  donnée  un  vase  de  l™,7o  de  diamètre, 
dans  une  petite  chambre  de  50  mètres  cubes. 

4"  Les  résultats  sont  plus  satisfaisants  au  point  de  vue 


21  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

de  l'action  antiseptique.  Dans  des  flacons  de  2  litres  de 
capacité,  nous  avons  introduit  au  mois  de  mai  et  suspendu 
au  bouchon,  des  morceaux  assez  volumineux  de  viande 
fraîche  ;  au  fond  du  vase,  nous  placions  un  petit  godet  en 
verre,  ne  mesurant  que  3  centimètres  de  diamètre^  et  à 
demi  rempli  du  mélange  désinfectant.  Au  bout  de  six  se- 
maines, l'évaporation  n'a  diminué  que  d'une  façon  minime 
la  hauteur  du  mélange,  le  flacon  étant  hermétiquement 
bouché;  et  cependant,  au  mois  de  décembre  suivant,  le 
morceau  de  viande  ne  présente  pas  encore  la  moindre  fé- 
tidité. Le  tissu  est  ferme,  décoloré,  il  a  sa  consistance 
normale,  et  n'exhale  qu'une  odeur  agréable  d'éther. 

Un  autre  morceau  de  viande  a  été  abandonné  à  l'air 
dans  un  verre  contenant  un  peu  d'eau  pour  empêcher  la 
dessiccation.  Au  bout  de  trois  jours,  la  putréfaction  était 
complète  et  l'odeur  insupportable.  Le  morceau  de  viande 
en  pleine  putréfaction  fut  suspendu  au  bouchon  d'un  fla- 
con de  verre,  au  fond  duquel  on  versa  une  cuillerée  de 
mélange  désinfectant;  le  lendemain  l'odeur  putride  avait 
presque  complètement  disparu,  et  pendant  plusieurs  jours 
en  tenant  le  flacon  habituellement  bouché,  c'est  à  peine  si, 
en  flairant  de  très  près  le  morceau  jadis  putride,  on  per- 
cevait une  odeur  désagréable. 

b"  Dans  les  cas  qui  précèdent,  les  tissus  organiques 
n'avaient  pas  été  mis  en  contact  direct  avec  le  liquide  ;  on 
les  avait  simplement  exposés  aux  vapeurs  d'éther.  Cette 
fois,  des  dilutions  du  mélange  primitif  furent  faites  aux 
titres  suivants  :  1  sur  50,  1  sur  100,  1  sur  200,  1  sur  300. 
Des  fragments  de  viande  fraîche  furent  plongés  dans  ces 
dilutions.  Au  bout  de  3,  4,  5  jours,  le  hquide  était  trou- 
ble, acidulé,  renfermant  une  très  grande  quantité  de  cor- 
puscules de  ferment,  sans  mycélium  ;  puis,  il  devint  vis- 
queux, et  se  couvrit  rapidement  de  moisissures.  La  putré- 
faction et  la  fermentation  n'ont  donc  pas  été  sensiblement 
retardées  par  les  doses  qui  précèdent. 


ÉTHER  AZOTEUX.  213 

Au  contraire,  dans  une  solution  à  4  sur  10,  des  frag- 
ments de  viande  conservent  depuis  plus  de  six  mois  une 
consistance  et  une  odeur  normales  ;  le  grain  de  la  viande 
est  un  peu  plus  accusé  par  le  gonflement  du  tissu  cohnectif 
qui  entoure  les  faisceaux  musculaires,  il  y  a  une  certaine 
corrugation  du  tissu  musculaire,  mais  il  n'y  a  aucune  trace 
de  décomposition.  D'ailleurs,  on  conserve  journellement 
les  parties  destinées  aux  dissections,  le  cerveau,  etc.,  dans 
des  solutions  d'acide  azotique  ayant  à  peu  près  le  même 
titre,  et  ces  expériences  ne  pouvaient  rien  nous  apprendre 
de  nouveau. 

Nous  n'avons  pas  eu  la  facilité  d'expérimenter  l'action  de 
l'éther  azoteux  sur  les  virus,  sur  les  plaies,  etc. 

Nous  n'avons  pas  à  examiner  si  les  vapeurs  qui  se  dé- 
gagent du  mélange  agissent  par  l'ozone,  par  l'acide  azo- 
teux (ce  qui  est  probable),  ou  par  un  corps  spécial,  l'azo- 
tite  d'éthyle.  En  restant  sur  le  terrain  pratique,  et  dans  les 
conditions  oij  il  nous  a  été  loisible  d'expérimenter,  nous 
arrivons  aux  conclusions  suivantes  : 

1°  Le  mélange  de  400  parties  d'alcool  et  100  parties 
d'acide  azotique,  dilué  au  dixième  (1  partie  du  mélange  pour 
10  parties  d'eau),  altère  fortement  la  couleur  des  tissus  de 
soie,  de  laine,  de  coton  :  la  dilution  à  1  sur  30  ne  l'altère 
plus.  La  dilution  à  1  sur  10  est  encore  assez  fortement 
acide  au  goût  :  l'acidité  est  agréable  à  1  sur  30. 

2°  Les  vapeurs  dégagées  par  le  mélange  primitif  rouil- 
lent les  objets  polis  en  fer  et  en  acier,  même  quand  la 
quantité  de  mélange  évaporé  est  médiocre. 

3°  Dans  des  conditions  normales,  usuelles,  quand  la  sur- 
face d'évaporation  ne  dépasse  pas  20  centimètres  de  dia- 
mètre pour  une  chambre  de  50  mètres  cubes,  les  vapeurs 
ne  sont  pas  désagréables,  elles  ne  paraissent  ni  irritantes, 
ni  toxiques  pour  l'homme. 

4°  Ces  vapeurs  ont  fait  disparaître  d'une  manière  assez 
sensible  l'odeur  fade  de  renfermé,  non  fétide,  d'une  cham- 


214  ANTISEPTIQUES  EN  PARTICULIER. 

bre  occupée  par  un  malade.  Mais  une  autre  chambre,  déga- 
geant une  odeur  vraiment  désagréable,  n'a  pas  été  désin- 
fectée. Même  à  doses  très  fortes  (une  surface  d'évapora- 
tion  de  I^^IS  de  diamètre  pour  une  chambre  de  50  mètres 
cubes),  l'odeur  dégagée  par  des  selles  très  fétides  dans  une 
enceinte  close  n'a  pas  été  diminuée. 

5°  Les  vapeurs  dégagées  par  le  mélange,  au  sein  d'un 
vase  bien  fermé,  empêchent  presque  indéfiniment  toute 
trace  de  putréfaction  dans  des  morceaux  volumineux  de 
viande  fraîche,  par  une  chaleur  continue  de  plus  de  20° 
centigrades. 

6°  Les  mêmes  vapeurs  font  disparaître  l'odeur  de  la 
viande  en  pleine  putréfaction. 

1°  Les  solutions  du  mélange  d'acide  azotique  et  d'alcool 
ne  conservent  à  l'abri  de  la  fermentation  les  fragments  de 
viande  qu'on  y  laisse  plongés,  que  si  la  solution  ne  des- 
cend pas  au-dessous  de  1  sur  10  ;  cette  conservation  per- 
siste longtemps  ;  elle  est  parfaite  au  bout  de  plusieurs  mois. 

En  résumé,  la  désinfection  par  l'éther  azoteux  ne  paraît 
pas  avoir  d'avantages  très  marqués,  et  reste  au-dessous  de 
ce  que  la  théorie  permettait  d'espérer. 

Depuis  que  ces  lignes  sont  écrites,  nous  avons  reçu  une 
thèse  de  la  Faculté  de  Bordeaux,  et  consacrée  à  l'azotite 
d'éthyle,  par  M.  Guillaumet  (1),  de  Limoges.  L'auteur,  qui 
paraît  être  un  habile  chimiste,  a  reproduit  dans  cette  mono- 
graphie les  communications  très  précises  et  très  scientifi- 
ques de  M.  Peyrusson  ;  nous  sommes  forcé  de  reconnaître 
qu'il  y  a  peu  ajouté.  La  thèse,  après  beaucoup  de  hors- 
d' œuvre  et  de  lieux  communs  sur  les  microbes  en  général, 
ne  relate  que  deux  ou  trois  expériences  personnelles,  assez 


(l)J.-A.  Guillaumet,  beVaz-olUe  cVéthyleet  de  son  emploi  médical  comme 
antiseptique  et  désinfectant,  thèacjtouvlo  doctorat  en  médecine,  Bordeaux, 
1881,  n°  3.  —  Peyrusson,  Des  germes  morbides  et  de  leur  destruction  au 
moyen  des  vapeurs  d'azolite  d'éthyle,  communication  à  la  Société  de  méde- 
cine delà  Haute-Vienne,  le  7  mars  1881.  [Journal  de  la  Société  de  méie- 
cine  de  la  Haute-Vienne,   avril  1881,  p.  83.) 


ÉTHER  AZOTEUX.  215 

sommaires,  et  qui  ont  été  faites  directement  avec  l'azotite 
d'éthyle  pur,  préparé  par  M.  Guillaumet.  Nous  y  voyons 
qu'un  pansement  chirurgical  infect,  à  la  suite  d'une  ré- 
section des  malléoles,  a  été  arrosé  avec  un  mélange  de 
10  grammes  d'azotite  d'éthyle  et  20  grammes  d'alcool;  pen- 
dant 3  heures,  l'odeur  infecte  a  été  notablement  diminuée  ; 
le  topique  paraît  n'avoir  causé  aucune  douleur,  mais  on  ne 
dit  pas  si  le  mélange  était  arrivé  au  contact  direct  de  la 
plaie,  ni  quelle  part  il  faut  faire  à  l'action  de  l'alcool.  Dans 
une  salle  de  malades,  dans  des  conditions  d'exiguïté  et 
d'insalubrité  incroyables  (194  mètres  cubes  pour  14  infir- 
mes !),  l'auteur  plaça  le  soir  4  soucoupes  contenant  chacune 
30  grammes  d'azotite  d'éthyle  étendu  de  50  grammes  d'al- 
cool. Le  lendemain  matin,  la  salle  était  beaucoup  moins 
infecte  que  d'habitude. 

Cette  question  reste  donc  à  l'étude,  elle  est  étroitement 
liée  à  celle  de  l'acide  azoteux  ;  elle  mérite  d'intéresser  les 
hygiénistes  et  les  chirurgiens,  et  les  succès  obtenus  par 
M.  le  D''  L.  Bleynie  de  Limoges,  en  tenant  en  permanence, 
dans  la  chambre  des  accouchées,  un  verre  rempli  d'azotite 
d'éthyle,  sont  assez  encourageants. 

Nous  ne  pouvons  que  mentionner  les  propriétés  antisep- 
tiques qui  ont  été  attribuées  ou  reconnues  à  la  fuchsine, 
à  l'essence  de  mirbane,  à  la  benzine,  à  la  naphtaline,  à 
l'essence  d'amandes  amères,  au  sulfure  de  carbone,  au 
protochlorure  et  à  l'azoture  de  carbone,  à  la  liqueur  des 
Hollandais,  à  l'acide  cyanhydrique,  à  la  quinine,  au  chlo- 
rure de  baryum,  à  la  racine  de  garance,  à  l'infusion  de 
café,  etc.  La  liste  des  antiseptiques  est  interminable,  sur- 
tout de  ceux  dont  l'action  est  peu  marquée  et  l'appli- 
cation difficile  ;  il  suffit  de  signaler  les  principaux. 


216 


CHAPITRE  IV 
NEUTRALISANTS. 
ARTICLE   P'-.   —  DES   NEUTRALISANTS   EN  GÉNÉRAL. 

Les  neutralisants  sont  les  désinfectants  par  excellence. 
Ils  ne  se  bornent  pas  à  retenir,  emprisonner,  absorber  les 
produits  nuisibles,  non  plus  qu'à  en  prévenir  la  formation, 
ce  qui  n'est  que  rarement  réalisable  ;  ils  les  détruisent,  ils 
les  rendent  inertes,  ils  les  neutralisent.  Cette  expression 
de  neutralisants  a  l'inconvénient  d'être  moins  précise, 
moins  expressive  que  celle  de  anti virulents,  mais  elle  a 
l'avantage  de  s'appliquer  aussi  bien  aux  miasmes  qu'aux 
virus  :  les  vapeurs  d'acide  hypoazotique  ne  sont  pas  seu- 
lement capables  de  détruire  les  virus,  elles  neutralisent 
les  principes  nuisibles  de  toute  sorte,  qu'ils  s'appellent 
miasmes,  effluves,  ou  virus.  Pour  la  commodité  du  lan- 
gage, il  n'y  a  pas  d'inconvénient  à  confondre  ces  deux 
expressions  ;  les  anti-virulents  ou  neutralisants  des  virus 
sont  en  même  temps  des  neutralisants  des  miasmes  :  ici 
encore,  qui  peut  le  plus  peut  le  moins.  Nous  emploierons 
donc  indifféremment  ces  deux  expressions,  mais  sous  les 
réserves  que  nous  venons  d'indiquer. 

g  lor    _  EXPÉRIENCES  SUR  LA  VALEUR  COMPARÉE 
DES  NEUTRALISANTS. 

La  médecine  aura  réalisé  un  immense  progrès,  le  jour 
où  elle  saura  détruire  ou  éliminer  les  poisons  morbides, 
les  virus,  qui  ont  déjà  pénétré  dans  l'organisme  par  les 
voies  de  l'absorption.  Une  telle  espérance  n'est  point  une 
utopie  ;  qui  oserait  dire  qu'elle  n'est  pas  légitime?  Sans 


e\périi<:nci:s  sir  lkiiu  valki  ij  comparée.  an 

doute,  de  Jurandes  différences  séparent  encore  les  poisons 
morbides  et  les  poisons  à  composition  chimique  bien  dé- 
terminée :  mais  ce  n'est  pas,  selon  nous,  par  des  disserta- 
tions métaphysiques  sur  les  déviations  de  la  force  vitale, 
qu'on  arrivera  à  jeter  beaucoup  de  lumière  sur  le  mode 
de  développement  des  maladies  virulentes  et  sur  les 
moyens  de  les  guérir. 

La  neutralisation  des  virus  au  sein  même  de  l'orga- 
nisme est  du  domaine  de  la  thérapeutique,  et  nous  aurons 
l'occasion  d'y  insister  plus  loin  (Désinfection  interne). 
L'hygiène  doit  se  contenter  d'un  rôle  plus  modeste,  plus 
facile  sans  doute,  mais  non  moins  utile.  Si  l'on  veut  don- 
ner une  base  rigoureuse  à  nos  connaissances  sur  la  valeur 
pratique  des  désinfectants,  il  faut  commencer  par  savoir 
comment  chaque  virus  se  comporte  au  point  de  vue  de 
l'inoculation,  quand,  sur  la  lancette  même  qui  doit  servir 
à  l'insertion  sous  l'épiderme,  il  est  mélangé  avec  telle  ou 
telle  substance  réputée  désinfectante.  Est-il  donc  sans  in- 
térêt de  savoir  quelles  sont  les  substances  qui,  ajoutées  aux 
virus  varioleux,  syphilitique,  morveux  ou  charbonneux, 
vont  rendre  stérile,  inoffensive,  l'introduction  de  ces  virus 
dans  les  voies  de  l'absorption  ? 

Et  qu'on  ne  dise  pas  que  ce  sont  là  des  expériences  de 
laboratoire,  que  jamais  dans  la  pratique  on  n'a  eu  à  neutra- 
liser ainsi  des  virus  dans  un  verre  de  montre  ;  autant  vau- 
drait-il nier  la  désinfection  hygiénique.  N'a-t-on  jamais  à 
désinfecter  une  salle,  un  lit  occupé  par  un  varioleux,  une 
stalle  ou  une  mangeoire  ayant  servi  à  des  chevaux  mor- 
veux, des  ustensiles,  parfois  même  des  instruments  de 
chirurgie,  souillés  par  des  syphilitiques?  Sur  quelles 
preuves  positives  repose  notre  confiance  dans  telle  ou  telle 
substance  réputée  désinfectante?  Sans  doute,  de  l'efficacité 
d'un  agent  désinfectant  sur  un  virus  traité  in  vitro,  on  ne 
devra  pas  conclure  à  la  même  neutralisation,  quand  le 
loup  aura  déjà  pénétré  dans  l'organisme  ;  car,  suivant  une 


218  xNEUTRALlSANTS  EN  GÉNÉRAL. 

expression  pittoresque  de  M.  Bouley,  ce  loup  fait  des  petits 
dans  rorganisme,  tandis  que  l'agent  neutralisateur  se  di- 
lue, s'affaiblit  et  s'élimine  incessamment  dans  le  torrent 
de  la  circulation.  Mais  n'est-on  pas  en  droit  d'espérer  que, 
de  temps  en  temps,  par  une  exception  heureuse,  en  mul- 
tipliant ces  tentatives  de  neutralisation  externe,  on  décou- 
vrira quelques  substances  faiblement  ou  nullement  toxi- 
ques, capables  d'être  introduites  à  haute  dose  au  sein  de 
l'organisme  et  d'aller  détruire  ou  éliminer  le  virus,  de  la 
même  façon  qu'en  ces  dernières  années  on  a  trouvé,  dans 
l'essence  de  térébenthine  et  peut-être  dans  l'oxygène,  un 
neutralisant  efficace  du  phosphore  qui  imprègne  déjà  les 
tissus  d'un  sujet  vivant. 

Les  recherches  sur  la  neutralisation  externe  des  virus 
sont  faciles,  sans  danger  (on  n'en  peut  dire  autant  de  celles 
qui  ont  pour  but  la  neutralisation  interne)  ;  c'est  donc  par 
là  qu'il  faut  commencer  l'étude  hygiénique  des  désinfec- 
tants. Le  principe  de  ces  expériences  est  très  simple,  il  a 
été  nettement  formulé  jadis  par  Renault,  plus  récemment 
par  Davaine,  dans  un  mémoire  que  nous  aurons  souvent 
l'occasion  de  citer.  Étant  donné  un  virus  inoculable,  en 
prendre  une  quantité  minime,  mais  bien  déterminée;  mê- 
ler à  la  dilution  un  agent  chimique  en  proportion  exac- 
tement dosée  ;  au  bout  de  15  à  30  minutes  de  contact, 
injecter  le  mélange  dans  le  tissu  cellulaire,  et  voir  si  le 
virus  ainsi  modifié  produit  ses  effets  ordinaires.  Telle 
est  la  méthode  qui  a  été  suivie  par  Renault,  Davaine,  John 
Dougall,  Baxter,  Mecklenburg,  Schmidt-Rimpler,  Hoffmann, 
et  un  grand  nombre  d'auteurs  dont  nous  rappellerons  ici 
les  travaux. 

Les  expériences  de  cette  sorte  n'ont  d'intérêt  que  si 
elles  portent  sur  des  substances  réputées  neutralisantes, 
qui  soient  en  même  temps  d'un  emploi  facile  dans  la  pra- 
tique. Il  est  certain  que  les  acides  sulfurique  et  azotique 
concentrés  détruisent  les  virus,  mais  ils  détruisent  aussi 


EXPÉRIENCES  SUK  LEUR  VALEL1{  COMPARÉE.  219 

les  tissus  ;  d'autres  substances  sont  toxiques  pour  l'homme 
à  un  haut  degré  et  n'ont,  par  conséquent,  qu'une  impor- 
tance secondaire  au  point  de  vue  des  applications  à  ce 
point  de  l'hygiène. 

D'autre  part,  on  ne  peut  expérimenter  que  sur  des  virus 
ou  sur  des  principes  inoculables,  reproduisant  toujours  et 
identiquement  la  maladie  dont  ils  proviennent.  Ces  mala- 
dies sont  peu  nombreuses,  et  les  difficultés  d'expérimenta- 
tion sont  extrêmes.  Il  n'est  donné  qu'à  un  petit  nombre 
de  chercheurs  de  pouvoir  étudier  l'action  des  virus  de  la 
péripneumonie  bovine  ou  de  la  clavelée,  inoculables  seu- 
lement sur  de  grands  animaux  tels  que  la  vache  ou  le 
mouton.  Ces  études  coûteuses  ne  sont  possibles  que  dans 
les  écoles  vétérinaires,  ou  dans  quelques  situations  excep- 
tionnelles ;  au  médecin  abandonné  à  ses  propres  ressources, 
de  pareilles  recherches  sont  absolument  interdites  ;  c'est  ce 
qui  explique  que  jusqu'à  présent  elles  n'ont  été  que  rare- 
ment tentées. 

Enfin,  pour  certaines  maladies  virulentes,  l'étude  est 
presque  impossible,  parce  que  les  animaux  sur  lesquels  on 
pourrait  expérimenter  sont  réfractaires  à  l'inoculation  pro- 
voquée, non  moins  qu'au  développement  spontané  de  la 
maladie.  Sur  qui  expérimenter  les  neutralisants  du  virus 
syphilitique,  puisque  la  syphilis  semble  jusqu'ici  le  triste 
et  exclusif  privilège  de  l'espèce  humaine?  Si  nous  connais- 
sions un  animal  qui  pût  contracter  la  fièvre  typhoïde,  soit 
spontanément,  soit  par  inoculation  d'une  parcelle  de  ma- 
tière typhoïde,  n'est-il  pas  probable  que  nous  aurions  fait 
un  grand  pas  vers  la  découverte  des  moyens  capables  de 
prévenir  ou  de  guérir  cette  maladie,  la  plus  meurtrière 
après  la  tuberculose.  Quant  à  cette  dernière,  n'est-on  pas 
en  droit  d'espérer  qu'il  sortira  un  peu  de  lumière,  au 
point  de  vue  de  la  prophylaxie,  de  la  voie  nouvelle  dans 
laquelle  les  premiers  travaux  de  M.  Villemin  nous  ont 
fait  entrer?  et  faut-il  se  laisser  décourager  par  F  insuccès 


220  NEUTRALISANTS  EN  GKNERAL. 

•des  tentatives  faites  à  l'aide  des  pulvérisations  de  benzoate 
de  soude? 

Il  serait  prématuré  de  vouloir  dès  aujourd'hui  classer  les 
neutralisants  d'après  leur  efficacité.  La  question  est  à 
l'étude  depuis  quelques  années  seulement,  et  bien  qu'il 
soit  déjà  démontré  que  la  chaleur,  les  fumigations  d'acide 
sulfureux,  d'acide  hypoazotique,  etc.,  viennent  au  premier 
rang,  tout  classement  définitif  est  encore  impossible.  En 
effet,  la  plupart  des  expérimentateurs  se  sont  bornés  à 
établir  la  valeur  respective  des  neutralisants  sur  un  ou 
deux  virus  pris  comme  types.  Les  résultats  obtenus  par 
des  observateurs  différents  sont  très  souvent  contradic- 
toires ou  discordants.  Par  exemple,  il  est  impossible  d'a- 
dopter le  classement  qui  résulterait  des  recherches  très 
nombreuses  faites  aux  États-Unis,  à  l'instigation  du  Con- 
seil national  d'hygiène  de  Washington,  par  le  D""  Stern- 
berg.  Les  résultats  qu'il  a  obtenus  avec  le  virus  septique 
diffèrent  souvent,  et  parfois  d'une  façon  très  inattendue, 
de  ceux  fournis  par  l'expérimentation  sur  le  virus  vaccin, 
par  exemple.  Sternberg  (1)  a  dressé  le  tableau  suivant,  in- 
diquant la  dose  de  chaque  désinfectant,  qui  neutralise  le 
virus  septique.  A  100  parties  en  poids  de  la  dilution  viru- 
lente qui  amenait  toujours  la  mort  en  24  ou  48  heures, 
on  ajoutait  une  quantité  variable  de  chaque  désinfectant; 
les  chiffres  ordinaires  indiquent  les  doses  qui  assuraient  la 
neutralisation;  les  chiffres  gras  indiquent  les  doses  trop 
faibles  qui  n' empêchaient  pas  V inoculation  d'être  suivie 
de  mort. 

I.  Dcsinfcclants  efficaces  à  la  dose  do  un  demi  (0,5)  pour  100,  soit  50  cen- 
tigrammes du   désinfectant  pour  100  grammes  du  liquide  virulent. 

Iode 1,25  — 0,5  — 0,23  — 0,2— 0,1  (mort  le  9«  jour). 

Acide  chromique  .    .    .   1  —  0,5  —  0,2  —  0,1. 

Sulfate  de  for 1,25  —  0,5  —  0,2o  —  0,12  —  0,1  S. 

1   Sternberg,   Experiinents  with  disinfectants.    (Bulletin  of  National 
Board  of  heaith  (Washington),  23  juillet  1881,  T.  III,  p.  21.) 


EXPERIENCES  SUR  LEUR  VALEUR  COMPARÉE.       221 

Sulfalc  tic  cuivre.    ..    1  —  0,5  —  0,-2o  —  0,1. 
•  Thymol  (dissous  dans 

l'alcool) 1  —  0,23  —  0,-î. 

Soude  caustique   .    .    .2,3  —  1  —  0,3  —  0,23  —  0,2. 
Acide  nitrique  ....   1,23  —  1  —  0,3  —  0,23  —  0,S. 
Acide  sulfurique  ...  1,25  —  0,3  —  0,2o. 
Sesquiclilurure  de  fer.   1  —  0,5  —  0,So. 
Hyposullile  de  soude  .    l  —  0,5  —  0,!s£o. 
Acide  chlorhulrique.  .   0,5  —  0,25. 

II.  Désiufectuuts  iuefticaces  a  la  dose  de  0,5  pour  100,  mais  qui  neutra- 

lisent à  moins  do  2  pour  100. 

Acide  phonique 2,5  —  1,23  —  O,o. 

Acide   salicylique  (à   l'état    de 

salicylate  de  soude  ....   2,3  —  1,23  —  0,5. 

Chlorure  de  zinc 2,3  —  1  —  0,3  '! 

Potasse  caustique 2,3  —  1  —  0,5. 

Alun  ferrugineux  (//'((«-ff/H/».)  2  —  I. 

Sulfate  de  zinc 1,23  —  0,5. 

Sulfite  de  potassium 2  —  0,5. 

Acide  tannique 1  —  0,5. 

Acide  horique 2  —  -1. 

Permanganate  do  potasse.    .    .2  —  1 . 
Biborate  de  soude 2,3  —  1,25. 

III.  Substances    qui    n'ont   pas    produit   la    désinfection    à    la    dose    do 

2  pour  100. 

Nitrate  de  potasse.  .   4. 

Chlorate  do  potasse.  4. 

Chlorure  de  sodium,  2,5. 

Alun 1,25  —  4. 

Acétate  do  plomb.   .2. 

Glycérine 23  —  12,5  —  10. 

Alcool  à  05''  ....  23  —  12,5  —  10. 

Eau  camphrée  (parties  égales  d'eau  camphrée  cl  de  virusj  :  désinfection 
nulle . 

Acide  pyrogallique. .   1. 

Huile  essentielle  d'eu- 
calyptus   10?  (mort  le  8°  jour,  sans  pyémie.) 

On  le  voit,  beaucoup  de  ces  résultats  sont  encore  incer- 
tains ou  incomplets,  notamment  en  ce  qui  concerne  l'huile 
essentielle  d'eucalyptus  :  comment  cette  dose  énorme  de 
10  p.  100  est-elle  restée  inerte?  Comment  a-t-on  pu  mélan- 
ger une  partie  d'huile  d'eucalyptus  à  neuf  parties  de  virus, 


222  NEUTRALISAINTS  EN  GÉNÉRAL. 

qui  ne  dissout  pas  l'essence?  Le  D""  Sternberg  reconnaît  lui- 
même  que  ses  travaux  ne  sont  pas  terminés,  bien  qu'ils 
se  poursuivent  depuis  plusieurs  années;  ces  travaux,  en 
effet,  ne  peuvent  jamais  être  terminés,  ils  sont  toujours 
perfectibles. 

Toutefois  ces  recherches  semblent  dès  à  présent  capa- 
bles d'ouvrir  des  vues  nouvelles  sur  un  mode  particulier 
de  l'action  des  désinfectants,  qui  a  été  à  peine  soupçonné 
et  auquel  nous  devons  consacrer  un  paragraphe  spécial. 

l  2.  —  ATTÉNUATION  DES  VIRUS  PAR  LES  DÉSINFECTANTS. 

En  étudiant  l'action  des  désinfectants  par  les  résultats 
de  l'inoculation  des  sérosités  septiques,  le  D""  Sternberg  (1) 
a  observé  un  fait  remarquable  :  certains  agents  ne  détrui- 
sent pas  complètement  la  virulence,  mais  ils  l'atténuent 
et  retardent  l'époque  de  la  mort.  C'est  ainsi  qu'en  injec- 
tant sous  la  peau  d'un  lapin  un  demi-centimètre  cube  de 
virus  septique  dans  lequel  on  a  dissous,  à  l'aide  d'un  peu 
d'iodure,  1  d'iode  pour  100  du  volume  total  (dose  énorme), 
la  mort  par  septicémie  ne  survient  que  le  iV  jour;  avec  le 
même  virus  septique,  non  additionné  d'iode,  la  mort  sur- 
venait toujours  en  24  ou  48  heures.  Ce  retard  de  la  mort 
montre  que,  lorsqu'on  expérimente  ainsi  l'action  des' 
désinfectants,  il  faut  bien  se  garder  de  juger  trop  vite  du 
résultat  obtenu  :  si  l'on  faisait,  au  bout  de  5  ou  6  jours, 
sur  le  même  animal,  une  nouvelle  inoculation  avec  un 
désinfectant  différent,  on  pourrait  attribuer  au  second 
un  résultat  qui  est  l'effet  du  premier. 

Bien  plus,  Sternberg  croit  que  le  virus  ainsi  mélangé 
avec  un  désinfectant  s'atténue,  peut  devenir  une  sorte  de 
vaccin  et  donner  à  l'animal  une  immunité  complète  ou  re- 
lative contre  une  nouvelle  inoculation.  Ainsi,  le  24  mai, 
il  injecte  l'^'',25  de  virus  septique  emprunté  à  un  lapin  qui 

(^1)  Sternberg,  loco  citato,  25  juillet  1881,  n°  -ij  p.  2l. 


ATTKNLATIOIN  DKS  VIKLS.  1Ï2S 

venait  de  moui'ir  de  septicémie.  L'injection  est  faite  sous 
la  peau  d'un  lapin  de  grande  taille,  à  qui  l'on  avait  injecté 
le  13  mai,  sans  produire  d'accidents,  un  mélange  de  1  par- 
tie de  virus  sur  3  parties  d'alcool  à  9o  degrés. 

Le  résultat  de  la  seconde  inoculation  fut  nul,  [)eut-ètre 
pai'ce  que  le  premier  virus  avait  été  atténué  par  son  mé- 
lange avec  l'alcool,  et  que  ce  virus  atténué  avait  donné  à 
l'animal  l'immunité  contre  une  seconde  inoculation. 

Dans  d'autres  cas,  cette  seconde  inoculation  faisait  bien 
périr  l'animal  au  bout  de  8  jours,  mais  alors  le  sang  et  les 
sérosités  ne  contenaient  pas  les  micrococcus  qu'on  ren- 
contre dans  tous  les  cas  de  septicémie.  Sternberg  croit  que 
la  mort  a  eu  lieu  alors  non  plus  par  les  microbes  septi- 
ques,  mais  par  l'action  d'un  poison  cbimique,  comparable 
à  la  sepsine. 

Il  y  a  là  peut-être  l'ébauche  d'un  emploi  nouveau  des 
agents  désinfectants,  et  les  résultats  obtenus  par  le  D''  Stern- 
berg méritent  assurément  d'être  contrôlés.  N'est-ce  pas 
d'ailleurs  par  réchauffement  à  -j-  oO"  centigrades  que 
M.  Toussaint  avait  d'abord  réussi  à  atténuer  le  virus  char- 
bonneux et  à  le  transformer  en  vaccin  préservatif  du  sang 
de  rate?  n'est-ce  pas  à  l'aide  d'une  destruction  incomplète 
par  l'oxygène  de  l'air  que  M.  Pasteur  atténue  les  virus? 
Il  y  a  là  un  rapprochement  dont  on  ne  saurait  méconnaître 
l'importance. 

Nous  croyons  ne  pouvoir  mieux  clore  ces  considérations 
générales,  qu'en  résumant  les  conclusions  par  lesquelles 
Baxter  (1)  terminait  son  important  mémoire  sur  la  désinfec- 
tion, en  181o  : 

1°  L'acide  phénique,  l'acide  sulfureux,  le  permanganate 
dépotasse,  le  chlore,  ont  une  véritable  action  désinfectante, 
mais  à  des  degrés  différents. 

2"  Il  ne  faut  pas  oublier  que  antiseptique  n'est  pas  syno- 

(1)  Baxter,  Report  on  an  expérimental  study  of  certain  disinfectants. 
Report  of  the  médical  officer  oftlte  Priva  Coiincil,  t.  VI.  1873,  p.  2oi.) 


224  NEUTRALISANTS  EN  GENERAL. 

nyme  de  désinfectant ,   quoique,   pour  ces  quatre  agents, 
l'une  des  propriétés  soit  proportionnelle  à  l'autre. 

3°  L'action  désinfectante  du  chlore  et  du  permanganate 
parait  dépendre  beaucoup  plus  de  la  nature  du  liquide  où 
sont  suspendues  les  particules  infectantes,  que  du  carac- 
tère spécifique  de  ces  particules  elles-mêmes.  (Nous  avons 
vu  que  les  expériences  de  Kiihn ,  de  Bucholtz ,  de  Ha- 
berkorn,  etc.  confirment,  en  particulier  pour  l'action  des 
antiseptiques  sur  les  protorganismes,  la  judicieuse  obser- 
vation faite  ici  par  Baxter.) 

4°  Quand  un  de  ces  quatre  agents  est  employé  pour 
désinfecter  un  liquide  virulent  contenant  beaucoup  de 
matière  organique,  ou  quelque  composé  capable  de  se 
combiner  avec  le  chlore,  ou  enfin  de  décomposer  le  per- 
manganate, la  désinfection  n'est  pas  assurée  si,  après  que 
l'action  chimique  a  eu  le  temps  de  se  bien  faire,  il  ne  reste 
du  chlore  libre  ou  du  permanganate  en  excès  dans  le 
liquide. 

5°  Un  liquide  virulent  ne  peut  être  considéré  comme 
dûment  désinfecté  par  l'acide  sulfureux,  s'il  n'a  été  rendu 
définitivement  et  fortement  acide.  La  grande  solubilité  de 
cet  acide  le  rend  préférable,  cœteris  paribus,  au  chlore  et 
à  l'acide  phénique  pour  la  désinfection  des  fiquides. 

6°  L'acide  phénique  ne  désinfecte  les  liquides  virulents 
qu'à  la  dose  de  2  p.  100  d'acide  pur. 

1°  Les  désinfectants  n'agissent  réellement  que  si  la 
matière  virulente  est  exactement  incorporée  avec  eux  :  il 
faut  être  sûr  qu'aucune  matière  solide  ou  coagulée  n'em- 
pêche le  contagium  d'être  en  contact  immédiat  avec  l'agent 
destructeur. 

8"  La  désinfection  de  l'atmosphère,  si  communément 
pratiquée  dans  les  chambres  des  malades,  est  inutile  et 
n'est  pas  sans  inconvénients,  parmi  lesquels  est  celui  de 
donner  une  sécurité  trompeuse.  Se  contenter  de  développer 
daus  une  chambre  une  forte  odeur  en  répandant  un  peu  de 


ATTENUATION  DES  VIRUS.  223 

poudre  phéniquée  sur  le  plancher,  ou  en  plaçant  une  ter- 
rine de  chlorure  dans  un  coin,  c'est,  au  point  de  vue  de  la 
destruction  des  virus,  faire  une  opération  absolument  futile. 

9°  Quand  on  veut  désinfecter  l'air,  il  faut  ne  jamais  ou- 
blier que  probablement  les  particules  virulentes  sont  pro- 
tégées par  une  enveloppe  de  matière  albumineuse  dessé- 
chée. Le  chlore,  et  surtout  l'acide  sulfureux,  sont  les 
agents  les  plus  utiles  dans  ce  cas,  pourvu  que  la  dose 
soit  en  excès. 

10°  Lorsqu'il  est  impossible  de  désinfecter  complètement 
une  masse  énorme  de  matières  solides  ou  hquides,  à  l'in- 
térieur de  laquelle  est  disséminée  un  contagium  (un  amas 
de  fumier  ou  de  litière  souillé  par  les  animaux  atteints  de 
typhus),  il  faut  se  garder  de  donner  une  sécurité  trom- 
peuse par  l'emploi  de  moyens  illusoires.  Il  est  probable 
que  tout  contage  sera  détruit  tôt  ou  tard  par  l'action  de 
l'air  et  de  l'humidité,  l'absence  de  ces  conditions  retarde 
cette  destruction.  Dans  ces  cas,  il  faut  tout  au  moins  ne 
pas  entraver  la  décomposition  naturelle  de  la  matière  viru- 
lente^  par  l'emploi  malencontreux  des  antiseptiques. 

11°  La  chaleur  sèche,  quand  elle  est  applicable,  est  pro- 
bablement le  plus  efficace  de  tous  les  désinfectants.  Il  faut 
toutefois  s'assurer  que  la  température  a  atteint  les  parti- 
cules les  plus  centrales  de  la  matière  suspecte  ;  la  durée  de 
l'exposition  et  le  degré  de  température  doivent  être  consi- 
dérés comme  deux  facteurs  qui,  dans  une  certaine  mesure, 
se  compensent. 

Nous  passerons  successivement  en  revue  les  divers 
agents  antivirulents,  en  commençant  par  ceux  dont  l'effi- 
cacité nous  paraît  la  moins  contestable.  Pour  chacun  d'eux, 
nous  décrirons  ici  l'agent  désinfectant  en  lui-même,  ses 
caractères,  les  preuves  de  son  efficacité,  etc.  ;  mais  il  nous 
a  paru  indispensable  de  renvoyer  à  la  seconde  partie  de 
ce  travail  les  détails  qui  concernent  le  mode  d'application 

Vallin.  —  Désinfectants.  15 


226  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

de  l'agent.  Nous  avons  cru,  par  exemple,  qu'il  y  avait  in- 
convénient, en  traitant  à  cette  place  de  la  chaleur  comme 
agent  de  désinfection,  à  entrer  dans  la  description  des  ap- 
pareils qui  peuvent  être  employés  dans  ce  but.  Il  nous  a 
semblé  préférable  de  renvoyer  ces  longs  détails  à  la  se- 
conde partie,  oîi  nous  étudierons  les  moyens  de  désin- 
fecter les  literies,  les  vêtements,  les  chiffons,  etc.  Cette 
scission  d'un  même  sujet  est  dans  une  certaine  mesure 
regrettable,  mais  elle  s'impose;  des  renvois  multipliés  per- 
mettront au  lecteur  de  reconstituer  l'ensemble  de  la  ques- 
tion. 

ARTICLE  IL  —  DES  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

Chaleur.  —  A  notre  avis,  la  chaleur  est  le  désinfectant 
par  excellence  ;  elle  détruit  radicalement  et  sans  retour  les 
germes  animés,  les  virus,  les  miasmes  ;  le  feu  purifie  tout, 
a-t-on  dit  depuis  longtemps;  ce  vieil  adage  se  trouve  d'ac- 
cord avec  l'expérimentation  la  plus  moderne.  Toutefois, 
.une  distinction  est  nécessaire;  la  chaleur  sèche,  même  à 
-j-  140°C.,  et  continue  pendant  2  heures,  est  parfois  in- 
suffisante pour  détruire  certaines  spores  ;  la  chaleur  hu- 
mide, l'action  de  la  vapeur  d'eau  à  -j-  lOO^C,  détruit  en 
10  minutes  toute  trace  de  vitalité.  Nous  allons  passer  en 
revue  les  faits  anciens  et  nouveaux  qui  prouvent  l'ac- 
tion neutralisante ,  anti virulente  des  hautes  températu- 
res (1). 

Le  D'  W.  Henry,  de  Manchester  (2),  est  l'un  des  pre- 
miers qui  ait  préconisé  l'emploi   de   la  chaleur  comme 

(1)  Vallin,  De  la  désinfection  par  Vair  chaud.  {Annales  d'hygiène  et  de 
médecine  légale,  septembre  1877,  p.  27ti)  et  De  la  neutralisation  des  virus 
•en  dehors  de  l'organisme.  {Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1879, 
p.  539.) 

(2)  D'  Henry,  Nouvelles  expériences  sur  les  propriétés  désinfectantes 
des  températures  élevées.  (Trad.  in  Journal  de  pharm.  et  des  se.  access., 
1832,  T.  XVIII.) 


CHALEUR.  227 

désinfectant  et  qui  ait  appuyé  son  opinion  sur  des  expé- 
riences qui  ont  ouvert  la  voie  à  ses  successeurs,  Da- 
vaine  (l)  et  après  lui  Baxter  (!2)  ont  repris  cette  étude 
avec  une  grande  rigueur  expérimentale,  et  l'on  sait  au- 
jourd'hui à  quelle  température  un  grand  nombre  de  virus 
cessent  d'être  inoculables.  Le  vaccin  était  naturellement 
désigné  pour  servir  de  première  base  à  ces  recherches  ; 
Henry,  dès  1831,  exposait  du  virus  vaccin  à  des  tempéra- 
tures déterminées,  pendant  un  temps  précis,  et  il  notait 
le  résultat  des  inoculations  faites  avec  ce  virus. 
Voici  d'abord  les  résultats  obtenus  par  W.  Henry  : 

Action  de  la  chaleur  sur  le  vaccin  (Henry). 

Température.    Durée  de  l'exposition.  Résultat. 

■-|-  82°  C.  4  heures.  Inoculation  négative. 

+  78°  C.  2  à  4  heures.  d° 

+  71à  +  "4<'C.  2  à  3  heures.  d° 

-i-  66»  C.  2  à  4  heures.  d« 

-f-  60°à  50°  C.  4  heures.  d" 

-}-  49°  G.  3  heures.  Inoculation  positive. 

Ces  résultats  étaient  critiquables,  car  rien  ne  prouvait 
que  le  vaccin  employé  eût  donné  des  pustules  vaccinales 
même  avant  d'avoir  été  soumis  à  -|-66"C.  ;  le  sujet  inoculé 
pouvait  être  réfractaire,  et  le  vaccin  pouvait  être  de  mau- 
vaise qualité. 

Pour  éviter  ces  causes  d'erreur,  Baxter  a  continué  ces 
•expériences  d'une  façon  très  ingénieuse.  Des  aiguilles 
■d'ivoire,  dont  la  pointe  était  recouverte  de  vaccin  dessé- 
ché, étaient  roulées  dans  du  papier  et  placées  dans  un 
tube-éprouvette,  au  centre  duquel  on  maintenait  un  ther- 
momètre; le  tube  était  plongé  dans  de  l'eau  chaude  à 
température  constante.  Les   aiguilles  ainsi  traitées  ser- 

(1)  Davaine,  Recherches  relatwes  à  l'action  de  la  chaleur  sur  le  virus 
charbonneux.  [Compt.  rend,  de  l'Acad.  des  se, 29  septembre  1873,  p.  727.) 

(2j  Baxter,  Report  on  an  expérimental  study  of  certain  disinfectants, 
(Appendix  ta  the  report  ofthe  médical  officer  ofthe  Privy  Council,  T.  VI, 
1875,  p.  216,  256.) 


228  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

vaient  à  faire  trois  inoculations  sur  un  bras,  tandis  que 
l'autre  bras  du  même  enfant  recevait,  dans  la  même 
séance,  trois  piqûres  avec  des  pointes  d'ivoire  imprégnées 
d'un  vaccin  identique,  mais  n'ayant  pas  subi  l'action  de  la 
chaleur. 

Action  de  la  chaleur  sur  le  vaccin  desséché. 

Durée  de  l'exposition  à  la  chaleur  dans  chaque  expérience  =  30  minutes. 


Maxim,  de  temp. 

Durée  dumax. 

Pointes 

vierges. 

Pointes  chauffées 

+  57°— 59° 

cent. 

29  minutes. 

2 

vésicules  sur 
3  piqûres. 

2 

vésicules  sur 
3  piqûres. 

60  —  63" 

28        — 

3 

— 

3 

— 

63  —  66° 

29        — 

2 

— 

3 

— 

67—70° 

28        — 

2 

— 

1 

— 

69  —  74° 

26        — 

3 

—    ■ 

3 

— 

75  —  80° 

23        — 

3 

— 

3 

— 

83  —  90° 

28        — 

n'est 

pas  revenu 

— 

90  —  95° 

25        — 

3 

— 

0 

— 

90  —  95° 

25        — 

2 

— 

0 

— 

90  —  95° 

25        — 

3 

— 

0 

— 

On  voit  que  Baxter  a  tenu  grand  compte  de  la  durée  de 
l'exposition  à  la  chaleur,  et  si  ses  résultats  diffèrent  de 
ceux  de  W.  Henry,  c'est  moins  parce  qu'il  a  prolongé 
beaucoup  la  durée,  qu'élevé  davantage  le  degré  de  la  tem- 
pérature. De  plus,  il  a  opéré  sur  du  vaccin  desséché  dont 
la  résistance  aux  agents  extérieurs  est  peut-être  différente. 

Au  Congrès  d'Amsterdam,  MM.  les  D""*  B.  Carsten  et 
J.  Coert  (1)  ont  obtenu  des  résultats  à  peu  près  identi- 
ques en  opérant  sur  du  vaccin  frais  et  sur  du  vaccin  ani- 
mal. Une  certaine  quantité  du  vaccin  recueilli  sur  un 
veau  fut  inoculée  de  veau  à  bras.  Une  autre  portion  du 
même  vaccin  fut  recueillie  dans  des  tubes  de  verre  :  la 
moitié  fut  conservée  intacte,  l'autre  fut  exposée  à  la  tem- 
pérature de  4"  lOO^C.  soit  en  plongeant  le  tube  dans  l'eau 


(1)  B.  Carsten  et  J.  Coert,  La  vaccination  animale  dans  les  Pays-Bas. 
{Congrès  d'Amsterdam  de  1879.  La  Haye  1879,  et  Revue  d'hygiène  et  de 
police  sanitaire,  1879,  p.  1046.) 


CHALEUR.  229 

bouillante,  soit  en  mêlant  le  vaccin  avec  l'eau  ainsi  chauf- 
fée. Dans  d4  expériences  faites  alternativement  par  l'inocu- 
lation du  vaccin  chauffé  à  -{-  100",  aucune  inoculation  ne 
donna  de  pustule.  Des  tubes  de  verre,  remplis  de  vaccin, 
furent  scellés  hermétiquement  et  exposés  à  -[-100°.  L'ino- 
culation resta  constamment  négative. 

Des  expériences  analogues  au  nombre  de  15 ,  furent 
répétées  avec  des  températures  inférieures  à  100  degrés, 
soit  de  -j-  13"  à  -}-  44",  5;  dans  chacune  de  ces  73  expé- 
riences, on  faisait  10  piqûres  sur  chaque  individu,  cinq 
avec  le  vaccin  chauffé,  cinq  avec  le  vaccin  non  chauffé. 
Voici  les  conclusions  de  ces  auteurs  : 

1"  Le  vaccin  animal  chauffé  à  -f-  64"3  centigrades  pen- 
dant 30  minutes  perd  sa  virulence  ; 

2°  Le  vaccin  animal  chauffé  à  -f-  32°  centigrades  pen- 
dant 30  minutes  ne  perd  pas  sa  virulence  ; 

3°  La  chaleur  maximum  que  peut  supporter  le  vaccin, 
sans  perdre  sa  virulence,  varie  très  probablement  entre 
-{-  32  et 4- 34°  centigrades. 

M.  Davaine  (1813)  a  montré  que  le  virus  charbonneux 
a  une  résistance  encore  moindre  à  la  chaleur;  il  est  dé- 
truit par  une  température  qui  est  incapable  de  coaguler 
le  sang  charbonneux.  Les  expériences  étaient  faites  d'ail- 
leurs avec  des  dilutions  extrêmement  étendues,  1  pour 
10,000  par  exemple,  incapables  par  conséquent  de  se 
coaguler  par  la  chaleur. 

La  destruction  est  obtenue  à  +  SS"  C.  en  3  minutes. 

—  à  4-  SOo  C.  en  10      — 

—  à  H-  48»  C.  en  15      — 

Tout  le  monde  connaît  l'ingénieuse  application  à  la  pra- 
tique que  M.  Davaine  a  faite  de  cette  facile  destruction  du 
virus  charbonneux  par  réchauffement.  Il  déterminait  des 
vésicules  charbonneuses  à  la  face  interne  de  la  cuisse 
d'un  cobaye,  en  inoculant  le  virus  d'une  façon  spéciale  ;  ne 


230  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

maintenant  sur  ce  point,  pendant  1/4  d'heure,  un  marteau 
de  Mayor  chauffé  à  -|-  ^1°  C,  il  arrêtait  souvent,  non  tou- 
jours, les  progrès  de  la  pustule  maligne.  L'action  de  cette 
température  est  assez  bien  supportée  par  les  tissus,  il  ne 
reste  à  la  suite  qu'une  légère  inflammation  qui  se  dissipe 
bientôt.  Chez  l'homme  au  moins,  oîi  la  pustule  maligne 
est  toujours  l'accident  superficiel  du  début  de  la  maladie 
et  où  l'infection  reste  pendant  assez  longtemps  limitée  au 
point  d'inoculation,  cet  échauffement  serait  d'un  grand 
secours  dans  le  cas  où  le  diagnostic  est  incertain,  toutes 
les  fois  que  la  région  se  prête  mal  à  de  larges  cautérisa- 
tions, à  la  face  par  exemple. 

Toutefois,  M.  Davaine  aurait  constaté  dans  les  bactéri- 
dies  charbonneuses  un  phénomène  analogue  à  celui  qu'on 
observe  chez  les  végétaux  ressuscitants,  chez  les  rotifères  : 
une  température  sèche,  voisine  de  100°,  n'empêche  pas  la 
reviviscence  quand  ces  petits  êtres  ont  été  préalablement 
bien  desséchés;  elle  les  tue  au  contraire  toujours,  lors- 
qu'ils sont  humides.  Il  a  desséché  rapidement  sous  une 
cloche  en  présence  du  chlorure  de  calcium  du  sang  char- 
bonneux, puis  il  l'a  soumis  pendant  cinq  minutes  à  une 
température  de  -|-  100°;  les  animaux  inoculés  ont  tous 
été  tués,  avec  tous  les  caractères  du  charbon.  Le  phéno- 
mène s'explique  sans  doute  par  la  résistance  des  corpus- 
cules germes  ou  spores  persistantes. 

Dans  une  note  récente  de  MM.  Pasteur,  Roux  et  Cham- 
berland  sur  la  constatation  des  germes  du  charbon  dans 
les  terres  de  la  surface  des  fosses  où  l'on  a  enfoui  des  ani- 
maux charbonneux,  note  dont  M.  H.  Bouley  a  donaé  lec- 
ture à  l'Académie  de  médecine  le  8  mars  1881,  nous  trou- 
vons résumée  l'opinion  de  M.  Pasteur  concernant  l'action 
des  hautes  températures  sur  les  germes  morbides  :  «  En 
chauffant,  dit-il,  à  -]-  90°  les  dépôts  ténus  de  la  terre  char- 
bonneuse lavée,  on  détruit  tous  les  germes  d'organismes 
microscopiques  que  recèle  cette  terre  et  qui  ne  résistent 


CHALEUR.  23B 

pas  à  cette  température.  Nous  avons  constaté  depuis 
longtemps  que  les  spores  du  charbon  conservent,  au 
contraire,  leur  faculté  germinative  à  -|-  90"  et  même 
à  -f-  93  degrés  » .  Et  plus  loin  :  «  après  quelques  heures 
d'exposition  et  de  culture  commencée  à  -{-  42°,  on  porte 
les  vases  à  -j-  ^0%  température  qui  détruit  toutes  les  cul- 
tures en  voie  de  développement,  sans  toucher  aux  spores 
du  charbon.  »  Il  en  résulterait  que  d'après  M.  Pasteur 
la  température  de  -[-  100°  suffit  pour  détruire  tous  les 
germes  d'organismes  microscopiques,  excepté  peut-être 
les  spores  charbonneuses  :  M.  Pasteur  ne  fait  pas  ici 
d'exception  pour  les  germes  du  vibrion  septique. 

Malgré  ces  réserves,  les  expériences  qui  précédent 
semblent  justifier  pleinement  la  confiance  qu'avait  Pie- 
nault  dans  le  lavage  à  l'eau  bouillante,  pour  purifier  les 
objets  souillés  de  pus  morveux  et  de  sang  charbonneux, 
L'éminent  directeur  d'Alfort  a  multiplié  sur  ce  point  les 
observations,  et  constamment  il  a  vu  les  matières  viru- 
•lentes,  traitées  ainsi  par  l'eau  bouillante,  puis  inoculées, 
rester  sans  effet.  En  pratique,  c'est  donc  un  fait  bien  ac- 
quis, que  la  chaleur  humide,  surtout  à  l'état  de  vapeur 
d'eau,  d'eau  bouillante,  est  le  moyen  de  purification  par 
excellence  des  locaux,  bergeries,  wagons,  voitures,  ou 
des  débris  souillés  par  le  charbon.  Le  virus  septique  pa- 
raît malheureusement  avoir  une  résistance  plus  grande, 
si  l'on  en  juge  par  les  expériences  déjà  anciennes  de 
M.  Davaine. 

L'ingénieux  observateur  a  soumis  à  l'ébulUtion  des  di- 
lutions très  étendues  de  ce  virus  ;  des  expériences  multi- 
pliées lui  ont  montré  que  de  l'eau  distillée  ou  de  l'eau 
ordinaire  contenant  1  pour  10,000  de  sang  septique  et 
réduite  à  moitié  par  l'ébullition,  amenait  encore  la  mort 
des  lapins  quand  on  leur  injectait  sous  la  peau  une  seule 
goutte  de  ce  sang.  Cet  effet,  dit  M.  Davaine,  n'est  plus  ob- 
tenu lorsque  le  liquide  est  rendu  très  légèrement  acide  ou 


232  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

alcalin  avant  l'ébullition,  bien  que  la  quantité  d'acide  ou 
d'alcali  soit  insignifiante  et  incapable  de  détruire  par  elle- 
même  le  virus. 

Déjà  Panum  avait  signalé   cette  résistance  extraordi- 
naire des  liquides  chargés  de  vibrions  à  la  température 
de  -f-  100,   continuée   pendant  12  à  24  heures.  Koch, 
Tyndall   et  M.  Pasteur  ont   montré  que  cette  résistance 
à  -j-  120°  était  le  fait,  non  de  la  bactérie,  mais  des  cor- 
puscules germes  des  vibrions  ;  car  les  vibrions  et  les  bac- 
téries  adultes  sont  détruits   par   une  température  nota- 
blement   inférieure  à  -j-  100°.   Tyndall    en   particulier, 
cherchant  à  stériliser  par  l'ébullition  des  liquides  de  cul- 
ture dans  un  milieu  où  s'étaient  répandues  des  poussières 
de  vieux  foin,  chercha  vainement  pendant  plus  d'un  an  le 
moyen  d'y  parvenir.  Il  y  réussit  enfin  en  soumettant  la 
décoction  de  foin,  dans  un  ballon  scellé  à  la  lampe,  trois 
ou  quatre  fois  à   une  ébullition  prolongée  pendant  1   ou 
2  minutes  seulement,  mais  répétée  de  6  heures  en  6  heu- 
res. Voici  comment  Tyndall  explique  la   difficulté   de  la 
stérilisation  et  le  mécanisme  par  lequel  on  l'obtient  (1). 
Les  corpuscules  germes,   surtout  lorsqu'ils  sont  anciens 
et  qu'ils  sont  restés  longtemps  desséchés,  ont  une  résis- 
tance  extraordinaire  ;   la  température  de  l'ébullition    ne 
détruit  que  les  vibrions  ou  les  bactéries  à  l'état  parfait  ; 
mais  la  chaleur,  impuissante  à  détruire  la  vitalité  des  ger- 
mes, accélère  et  provoque  leur  évolution,  leur  passage  à 
l'état  adulte.  Pendant  les  6  heures  qui    suivent  l'ébulli- 
tion, un  certain  nombre  de  corpuscules  germes  se  déve- 
loppent et  mûrissent  sous  l'influence  de  la  chaleur  qui 
se  maintient  pendant  quelque  temps  au-dessus  de  25°  ;  la 
deuxième  ébullition  détruit  facilement  ceux  de  ces  germes 

(1)  Tyndall,  Further  researches  on  the  deportment  and  vital  résistance 
of  putrefactive  and  iufective  germs,  from  a  physical  point  of  view.  {Plii- 
losophical  Transaction  of  the  Royal  Society,  T.  167%  p.  149  à  206.)  — 
Vallin,  Sur  la  résistance  des  bactéries  à  la  chaleur.  (Annales  d'hygiène 
et  de  médecine  légale,  1879,  T.  49°,  p.  259.) 


CHALEUR.  233 

qui  ont  pu,  dans  l'intervalle,  arriver  à  l'état  de  bactéries 
adultes;  enfin  une  troisième  ou  même  une  quatrième  ébul- 
lition  désorganise  ceux  dont  le  développement  aurait  été 
plus  tardif,  Tyndall  affirme  que  depuis  le  jour  où  il  a  eu 
recours  à  ce  moyen,  il  n'a  plus  rencontré  une  seule  ma- 
cération qu'il  ne  pût  stériliser  d'une  façon  indéfinie  dans 
des  ballons  scellés  à  la  lampe.  II  en  a  conservé  pendant 
plusieurs  années  dont  la  limpidité  restait  parfaite. 

Nous  avons  répété  les  expériences  de  M.  Davaine  avec 
du  virus  septique  dilué,  en  renouvelant  à  3  ou  4  reprises, 
et  à  10  ou  14  heures  d'intervalle,  une  ébullition  qui  par- 
fois ne  dépassait  pas  quelques  minutes.  Ce  virus  qui 
quelques  jours  auparavant  amenait  la  mort  du  cobaye 
en  24  ou  48  heures,  resta  parfaitement  stérile.  Mais  le 
même  résultat  fut  atteint  après  une  seule  ébullition  con- 
tinuée au  plus  pendant  lo  minutes.  La  simple  ébulhtion 
a  également  suffi  à  Dreyer  (1)  pour  stériliser  le  virus 
septique. 

Il  reste  donc  encore  de  l'incertitude  sur  la  température 
nécessaire  pour  détruire  définitivement  et  sans  retour  le 
virus  septique,  ou  plutôt  les  corpuscules  germes  que  les 
bactéries  ont  laissés  à  leur  place  en  se  détruisant  par  une 
chaleur  moindre.  Si  la  température  de  100  degrés  n'était 
pas  suffisante  pour  détruire  la  vitalité  des  spores,  et  ne 
les  rendait  pas  incapables  de  se  reproduire  dans  un  mi- 
lieu de  culture  parfaitement  approprié,  au  moins  aurait- 
on  une  sécurité  absolue  en  renouvelant  l'exposition  à  la 
température  de  100  degrés,  après  un  intervalle  de  6  à 
12  heures. 

Cette  action  neutralisante  de  la  chaleur  sur  le  virus 
peut  être  confirmée  par  celle  que  les  différentes  tempé- 
ratures exercent  sur  les  protorganismes  de  la  putréfaction 
ou  des  fermentations. 

(1)  Z.-U.  Dreyer,  Veber  die  z-unehmende  Virulem-  der  septischen  Giftes 
{Arch.fiir  experimentelle  Pathologie,  1874,  p.  181.  2«voI.,  p.  150-182.) 


234  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

Le  D""  John  W.  Tripe  (1)  a  étudié  expérimentalement 
l'action  de  divers  désinfectants  sur  l'eau  d'égouts  et  sur 
les  organismes  vivants  que  cette  eau  contient.  Voici  ses 
observations  en  ce  qui  concerne  l'action  de  la  chaleur. 
Il  plaçait  de  l'eau  d'égouts  dans  un  vase  au  bain-marie, 
et  à  mesure  que  la  température  s'élevait,  il  observait  sous 
le  microscope  les  mouvements  des  protorganismes  conte- 
nus dans  une  goutte  du  liquide.  Tout  d'abord,  les  mouve- 
ments des  infusoires  deviennent  plus  vifs  à  mesure  que 
l'eau  s'échauffe;  mais  dès  qu'on  atteint  la  température  de 
-j-32°  C.  ils  commencent  à  devenir  plus  lents;  ils  cessent 
déjà  parfois  à  -j-  35"  C.  ;  à  -f-  38%  un  grand  nombre  d'or- 
ganismes restent  inertes;  à  -]-  40°,  plus  de  la  moitié  meurt, 
à  -[-  43",  ils  sont  tous  morts.  Au  bout  de  8  jours,  il  n'avait 
reparu  aucun  infnsoire  dans  l'eau  ainsi  chauffée  !  Quant  aux 
bactéries,  elles  n'étaient  pas  impressionnées  avant  qu'on 
eût  atteint  -}-  46"  C;  à  ce  degré,  les  vibrions  devenaient 
tout  à  fait  paresseux;  à  48",  beaucoup  de  bacillus,  de 
vibrions,  de  spirilles  étaient  sans  mouvements;  à  -|-  51", 
il  n'y  avait  qu'un  petit  nombre  de  spirilles  qui  n'eussent 
pas  cessé  de  remuer  ;  à  -f-  54°,  les  plus  petites  bactéries 
étaient  très  paresseuses  ;  toutefois  celles  dont  la  tête 
était  très  réfringente  avaient  encore  une  grande  acti- 
vité; à  -j-  5^",  ces  dernières  restaient  seules  actives  ; 
à  -]-  60°,  elles  étaient  elles-mêmes  définitivement  immo- 
biles. Comme  ces  bactéries  sont  très  petites,  il  est  pos- 
sible qu'on  en  ait  laissé  échapper  quelques-unes  ;  le  lende- 
main aucun  organisme  de  quelque  sorte  que  ce  soit  ne  fut 
trouvé  vivant;  mais  le  quatrième  jour,  quelques-unes  des 
plus  petites  bactéries  étaient  de  nouveau  actives,  les  ba- 
cillus, les  vibrions,  les  spirilles  ne  reparaissaient  pas.  Ces 
résultats  sont  si  différents  de  ceux  qu'ont  rapportés  beau- 

(1)  J.-W.  Tripe,  On  the  action  of  disinfectants  on  sewage,  and  the 
living  organisms  contained  therein.  {The  sanitary  Record,  15  décembre 
4880,  p.  201.) 


CHALEUR.  235 

coup  d'autres  observateurs,  que  Tauteur  se  propose  de  re- 
faire ces  expériences  ;  elles  sont  cependant  très  nombreuses 
et  ont  toujours  donné  le  même  résultat.  Même  en  tenant 
compte  de  la  différence  extraordinaire  entre  l'action  de  la 
chaleur  sèche  et  de  la  chaleur  humide,  nous  faisons  ici 
les  réserves  les  plus  expresses. 

Les  expériences  du  D""  Tripe  prouveraient  donc  que  les 
vibrions,  les  baccilles  et  la  plupart  des  bactéries  sont  dé- 
truits bien  avant  qu'on  ait  atteint  le  degré  de  chaleur  né- 
cessaire pour  neutraliser  le  vaccin. 

Wernich  (1)  a  fait  à  ce  point  de  vue  des  expériences 
dont  il  expose  ainsi  les  résultats  :  des  tissus  imprégnés  de 
matière  putride  furent  soumis  pendant  10  à  60  minutes  à 
une  température  sèche  de  -{-  110°  à  118°  centigrades; 
5  fois  sur  6,  au  bout  de  24  heures,  cette  étoffe  ainsi 
chauffée  ensemença  les  liquides  de  culture.  Une  exposi- 
tion pendant  o  minutes  à  une  température  de  -f-  125 
à  loO°  réussit  10  fois  sur  10  à  empêcher  l'ensemencement 
par  l'étoffe  ainsi  chauffée,  et  pendant  10  jours  le  liquide  de 
culture  resta  parfaitement  limpide. 

Au  moment  où  nous  corrigeons  ces  épreuves,  nous 
recevons  un  volume  contenant  les  résultats  analogues  ob- 
tenus en  1881,  par  MM.  Koch,  Gaffky,  Loeffler  et  Wolf- 
fhiigel,  à  l'Office  sa7utaire  impérial  de  Berlin.  Ces  au- 
teurs ont  vu  également  que  la  chaleur  sèche  continuée 
pendant  2  heures  à-}^  150"  G. ,  n'assure  pas  toujours  la 
désinfection,  tandis  que  rien  ne  résiste,  même  quelques 
minutes,  à  l'eau  bouillante  ou  à  la  vapeur  à  -j-  100°.  Nous 
insisterons  longuement  sur  ce  travail  en  parlant  de  la 

DÉSINFECTION   DES    VÊTEMENTS. 

Aux  expériences  qui  précèdent,  nous  pouvons  toutefois 
opposer  celle  qu'a  faite  en  1879  le  D""  Werner  dans  l'étuve 
à  désinfection  nouvellement  établie  à  l'hôpital  de  Moabit, 

(1)  A.  Wernich,  Gntndriss  der  Desinfectionslehre  zum  praktischen  Ge- 
braiich;  Wien,  1880. 


236  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

près  de  Berlin,  et  dont  M.  Merke  (1)  a  rendu  compte. 
M.  Werner  a  imbibé  des  boules  d'ouate  de  liquides  pu- 
trides dans  lesquels  fourmillaient  vibrions  et  bactéries  ;  il 
enveloppa  ces  boulettes  souillées  dans  une  pièce  épaisse 
d'ouate  neuve,  et  après  avoir  solidement  ficelé  ce  pa- 
quet, il  le  porta  dans  l'intérieur  de  l'étuve  sèche  chauffée 
à  -j-  125°.  Au  bout  d'une  heure,  on  ouvrit  le  paquet  ;  les 
tampons  d'ouate  souillée  étaient  parfaitement  secs  :  on  les 
introduisit,  avec  les  précautions  d'usage  dans  des  tubes 
remplis  de  liquides  de  culture ,  et  on  porta  les  tubes 
ainsi  ensemencés  dans  une  étuve  à  incubation  chauffée 
à  -\-  37".  Au  bout  de  plusieurs  semaines  les  liquides  de 
culture  avaient  conservé  leur  limpidité  ;  par  conséquent 
la  température  de  -|-  125"  avait  non  seulement  pénétré 
ciu  centre  des  couches  épaisses  d'ouate,  mais  encore  elle 
avait  détruit  la  vitalité  des  bactéries  putrides  et  de  leurs 
spores. 

D'après  un  grand  nombre  d'expériences  faites  au  labo- 
ratoire de  Montsouris  par  M.  Miquel  (2),  on  sait  que  la 
plupart  des  bactéries  meurent  à  une  température  nota- 
blement inférieure  k  -{-  10"  C.  :  bacterium  termo,  punc- 
tum,  bactéries  en  forme  de  huit  et  de  bâtonnets  cornets, 
aspergillus,  pénicillium,  torules,  levures  du  vin  et  de  la 
bière.  Les  spores  de  bacilles  au  contraire  résistent  jus- 
qu'à -[-  80°  G.,  et  même  M.  Miquel  a  vu  les  spores  du 
bacillus  subtilis  enfermées  dans  des  matras  scellés,  ré- 
sister à  la  température  de  -j-  105*  C.  prolongée  pendant 
120  minutes. 

C'est  en  partie  la  différence  des  liquides  de  culture  qui 
fait  la  différence  de  résistance  à  la  chaleur  :  telle  spore 


(1)  Merke,  Die  Desinfection-Einrichtung  im  stàdtischen  Baracken-Laz-a- 
retlt  z-u  Moabit.  {Virchow's  Archiv,  24  septembre  1879,  p.  498,  et  Rerue 
d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1879,  p.  896.) 

(2)  P.  Miquel,  Étude  générale  sur  les  bactt'ries  de  l'atmosphère.  [An- 
nuaire de  r  Observatoire  de  Montsouris  pour  l'année  1881.) 


CHALEUR.  237 

qui  résiste  dans  du  bouillon  neutralisé,  chauffé  à  -}~^3% 
meurt  bientôt  dans  du  bouillon  qu'on  a  laissé  légèrement 
acide.  La  durée  de  la  chauffe  est  aussi  un  fait  très  impor- 
tant :  M.  Miquel  a  vu  telle  semence  pouvoir  supporter  sans 
périr,  pendant  5  à  10  minutes,  une  chaleur  humide  de 
-|-  140°  C,  et  cependant  ne  pas  résister  deux  heures  à 
-f-  100°  ou  102"  centigrades.  Toutefois  le  plus  grand 
nombre  des  spores  elles-mêmes,  d'après  Cohn,  périssent 
au-dessous  de  -J-  10°  C,  et  l'observation  journalière  des 
laboratoires  où  l'on  fait  des  cultures  confirme  assez  bien 
cette  opinion.  Il  n'y  a  qu'un  nombre  relativement  res- 
treint de  corpuscules-germes  qui  résistent  à  cette  tempé- 
rature, et  qui  ne  sont  détruits  que  par  des  températures 
notablement  supérieures  à  -|-  100°. 

Il  nous  resterait  à  étudier  deux  questions  très  impor- 
tantes :  quelle  est  la  température  maximum  que  les  tissus 
et  les  objets  de  literie  peuvent  supporter  impunément  sans 
que  leur  couleur,  leur  texture,  leur  solidité,  soient  altérées  ? 
quels  sont  les  appareils  les  plus  avantageux,  dans  la  pra- 
tique, pour  faire  la  désinfection  par  la  chaleur  ?  Ces  deux 
points  exigeront  un  très  long  développement,  aussi  croyons- 
nous  préférable  de  renvoyer  cette  étude  à  la  seconde  partie 
de  ce  travail,  dans  celle  oîi  la  désinfection  sera  envisagée 
au  point  de  vue  de  ses  applications  pratiques. 

Nous  ne  jugeons  pas  utile  de  mentionner  ici  les  résultats 
souvent  extrêmement  contradictoires  obtenus  par  les  my- 
cologistes  qui  ont  étudié  l'action  de  la  chaleur  sur  les  micro- 
phytes.  Beaucoup  de  ces  observations  sont  déjà  anciennes, 
et  la  science  en  ces  matières  s'est  renouvelée  on  peut  le 
dire  depuis  vingt  ans.  En  outre,  nous  écrivons  ici  pour  les 
médecins  et  les  hygiénistes,  non  pour  les  naturalistes.  Il 
faut  donc  craindre  d'embarrasser  la  question,  et  de  dimi- 
nuer aux  yeux  des  médecins  la  valeur  si  grande  de  la  cha- 
leur comme  agent  désinfectant,  en  mentionnant  ici  des 
faits  exceptionnels  ou  des  raretés  de  laboratoire.  M.  Cal- 


238  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

vert  a  trouvé  dans  certaines  expériences  que  la  tempéra- 
ture de  -\~  204°  centigrades  (400°  Fahrenheit),  était  à 
peine  suffisante  pour  détruire  la  vitalité  de  certaines  bac- 
téries !  il  est  vrai  qu'il  n'arrivait  pas  non  plus  à  les  dé- 
truire avec  les  acides  purs  les  plus  violents  (acide  sulfu- 
rique,  acide  nitrique,  etc.),  non  plus  qu'avec  les  alcalis 
caustiques  !  Il  s'agit  évidemment  des  corpuscules-germes, 
mal  connus  à  l'époque  où  se  faisaient  ces  expériences. 
Quelques  cas  extraordinaires  se  trouvent  aussi  dans  les 
mémoires  de  Koch,  Loeffler,  Wolffhiigel,  Gaffky  (1). 

Laissant  de  côté  les  minuties  et  les  exceptions,  nous 
pouvons  dire  que  s'il  est  vrai  que  la  vapeur  à  100°  anéantit 
toute  vie,  la  température  sèche  de  -{-  125°  est  suffisante  en 
général  pour  détruire  toute  vitalité  comme  toute  viru- 
lence ;  nous  pouvons  donc  adopter  la  conclusion  à  laquelle 
s'arrête  M.  Pasteur,  dans  le  rapport  fait  avec  M.  Léon  Co- 
lin, en  1880,  au  Conseil  d'hygiène  de  la  Seine,  sur  les  étu- 
ves  à  désinfection,  et  qui  fixe  entre  100°  et  110°  la  tem- 
pérature qu'il  suffît  d'atteindre  dans  la  pratique. 

Nous  empruntons  à  Elwyn  Waller  (2)  le  tableau  suivant 
(voy.  p.  239),  indiquant  le  degré  et  la  durée  de  tempéra- 
ture nécessaires  pour  détruire  la  virulence  des  liquides, 
tout  en  faisant  remarquer  combien  sont  contestables  plu- 
sieurs des  assertions  exprimées  dans  ce  tableau. 

Acides  sulfurique,  nitrique,  chromique.  —  John  Dougall 
de  Glascow  a  étudié  expérimentalement  (3)  l'action  des  aci- 
des sur  les  liquides  fermentescibles. 

Quand  on  abandonne  à  lui-même  un  liquide  alcalin,  neu- 
tre, ou  très  légèrement  acide,  on  le  voit  se  charger  de  my- 


(1)  Slruck,  Mittheilungen  aus  dem  Kaiserlichen  Gesundheitsamte,  111-4°, 
Berlin,  1881  T.  I,  p.  301. 

(2)  Buck's  Hygiène,  Disinfectants,  by  Elwyn  Waller,  1880. 

(3)  J.Ï)oaga.ïï,Caroolic  and  zyniotic  diseuses.  {The  Lancet,  30  &.oùtifil3, 
p.  295.)  —  On  piitrefiers  and  antiseptics.  {Médical  Times  and  Gazette, 
27  avril  1872,  p.  485.) 


239 


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240  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

célium,  de  bactéries  ;  il  devient  trouble,  fétide,  sa  densité 
tombe  de  1,6  à  1,2.  Si  au  contraire,  à  une  portion  du 
même  liquide  putrescible  mais  frais,  on  ajoute  une  quan- 
tité d'acide  capable  de  produire  une  réaction  acide  bien 
nette,  on  voit  que  la  fermentation  y  est  tardive,  faible,  il 
ne  s'y  développe  que  du  mycélium,  sans  bactéries.  Avec 
une  dose  forte  d'acide,  toute  putréfaction  s'arrête,  il  n'y 
a  plus  ni  odeur  fétide,  ni  protorganismes..  Il  a  fait  des  ex- 
périences qui  ont  porté  sur  divers  virus  et  en  particulier 
sur  le  vaccin  ;  il  a  toujours  vu  que  les  liquides  virulents 
ainsi  traités  par  les  acides  chlorhydrique,  acétique,  sulfu- 
reux, phénique,  par  le  chlore,  n'étaient  réellement  neutra- 
lisés, désinfectés,  rendus  non  inoculables,  qu'au  moment 
même  où  leur  réaction  devenait  manifestement  acide  au 
papier  de  tournesol. 

J.  Dougall  considère  donc  les  acides  forts  comme  des 
désinfectants,  des  neutralisants  de  premier  ordre,  mais  à 
la  condition  qu'ils  ne  soient  pas  volatils.  Car,  si  on  laisse 
exposé  à  l'air  libre  un  virus  neutralisé  par  un  acide  volatil, 
cet  acide  se  dégage  peu  à  peu  dans  l'atmosphère,  la  réaction 
acide  disparaît,  et  le  virus  reprend  son  activité,  ainsi  que 
le  prouve  l'inoculation  ;  cet  effet  est  surtout  manifeste  dans 
l'emploi  de  l'acide  phénique  que  Dougall  considère  comme 
un  très  médiocre  désinfectant.  En  exposant  le  vaccin  pen- 
dant trente-six  heures  à  une  atmosphère  saturée  d'acide 
phénique,  on  ne  parvient  pas  plus  à  donner  à  cette  lymphe 
la  réaction  acide,  qu'on  ne  parvient  à  faire  disparaître  son 
inoculabilité.  D'autre  part,  il  mêle  40  parties  d'acide  phé- 
nique (il  ne  dit  pas  lequel  ou  à  quelle  dilution)  à  60  parties 
de  vaccin  liquide,  et  ce  mélange,  gardé  à  l'abri  de  l'air 
pendant  2  jours,  ne  donne  aucune  pustule  vaccinale  ;  au 
contraire,  une  portion  du  même  mélange,  exposée  à  l'air 
pendant  12  jours,  réussit  parfaitement  à  vacciner.  Dougall 
n'hésite  pas  à  déclarer  que  les  acides  volatils  qui  détruisent 
d'une  façon  définitive  l'inoculabilité  du  vaccin  (le   chlore. 


ACIDES  SULFURIQUE,  NITRIQUE,  ETC.  241 

les  acides  chlorhydrique,  nitreux,  acétique,  sulfureux,  (etc.) 
doivent  être  considérés  comme  de  véritables  désinfectants, 
quelle  que  puisse  être  d'ailleurs  leur  vertu  antiseptique. 

Nous  avons  cherché  dans  les  expériences  de  Baxter,  de 
Braidwood  et  Vacher,  le  contrôle  de  cette  opinion,  et  nous 
en  avons  trouvé  la  confirmation.  Dans  huit  de  ses  expé- 
riences, Baxter  mêle  du  chlore  à  de  la  lymphe  vaccinale, 
sans  détruire  l'inoculabilité  de  cette  lymphe,  qui  conserve 
une  réaction  alcaline  ;  en  augmentant  le  titre  de  la  solution 
chlorée,  il  arrive  à  détruire  complètement  la  virulence,  et 
il  note  que  la  réaction  de  la  lymphe  ainsi  désinfectée  était 
devenue  acide.  Il  semble  donc  que  le  chlore  ne  neutralise 
les  virus  qu'à  condition  de  les  rendre  acides  ;  Dougall  croit 
que  le  chlore  décompose  l'eau  du  liquide,  l'hydrogène 
sert  à  former  de  l'acide  chlorhydrique,  pendant  que  l'oxy- 
gène se  dégage  à  l'état  libre.  D'ailleurs,  dans  les  expé- 
riences de  Baxter,  de  Mecklenburg,  les  virus  divers  traités 
par  les  acides  acétique,  sulfureux,  sulfurique,  chromique, 
ne  sont  vraiment  neutralisés  que  lorsqu'ils  présentent  eux- 
mêmes  la  réaction  acide. 

M.  John  Dougall  a  préconisé  l'action  neutralisante  de 
l'acide  nitrique  sur  les  selles  suspectes,  les  déjections  pa- 
thologiques; il  recommande  les  solutions  étendues  de  cet 
acide  (1/20)  pour  désinfecter  les  vêtements  et  linges 
souillés  par  les  malades.  Nous  renvoyons  pour  l'appré- 
ciation de  la  valeur  de  cet  agent,  au  chapitre  spécial  con- 
sacré à  la  désinfection  des  vêtements. 

Davaine  (1)  a  traité  par  de  petites  doses  d'acides  chlorhy- 
drique, sulfurique  et  chromique,  du  virus  charbonneux  ou 
septique  très  dilué,  mais  dont  une  goutte  introduite  sous  la 
peau  d*un  cobaye ,  suffisait  pour  amener  rapidement  la 
mort.  Il  a  vu  la  virulence  être  définitivement  détruite  et  le 

(1)  Davaine,  Recherches  relatives  à  l'action  des  substances  antiseptiques 
sur  le  virus  de  la  septicémie.  (Gaz.  med.,1874,  p.  44.  Note  lue  à  la  Société 
de  biologie,  10  janvier  1874.) 

Vallix.  —  Désinfectants.  16 


242  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

liquide  cesser  d'être  inoculable  par  les  doses  suivantes  dé- 
cès acides  : 

Virus  charbonneux.  Virus  scptique. 
Acide  clilorhydrique        1  pour  3.000 

—  sulfurique              1  pour  5,000  ]  pour  1,500 

—  chromique              1  pour  6,000  1  pour  3,000 

Nous  croyons  devoir  faire  quelques  réserves  sur  l' action; 
de  l'acide  sulfurique,  aux  faibles  doses  indiquées  ci-dessus  ;: 
dans  plusieurs  expériences  que  nous  avons  faites  sur  le  virus 
septique  et  sur  le  virus  de  la  chancrelle,  les  doses  de  1  pour 
1,500  n'ont  que  retardé  dans  le  premier  cas,  et  dans  le  se- 
cond cas  elles  n'ont  pas  empêché  l'inoculation  des  virus 
ainsi  traités. 

Dans  ses  expériences  sur  les  antiseptiques,  Jalan  de  la 
Croix  a  bien  trouvé  que  des  doses  d'acide  sulfurique  de- 
1  pour  5,000  à  1  pour  3,350  étaient  suffisantes  pour  dé- 
truire les  bactéries  adultes  dans  du  bouillon,  ou  pour  em- 
pêcher celui-ci  de  se  remplir  de  bactéries  par  l'abandon  à 
l'air  libre  ;  mais  on  est  étonné  des  doses  reconnues  néces- 
saires pour  stériliser  définitivement  les  corpuscules-germes 
qu'abandonnent  les  bactéries  adultes  tuées  par  les  solutions 
faibles  d'acide  sulfurique.  Pour  empêcher  une  goutte  de 
bouillon  contenant  des  corpuscules-germes,  de  fertiliser  urt 
liquide  de  culture  (bouillon)  dans  les  meilleures  conditions- 
de  température,  il  faut  que  la  liqueur  contenant  ces  germes 
ait  été  additionnée  d'une  partie  d'acide  sulfurique  pour  100 
à  200,  et  même  dans  un  cas  pour  72  parties.  C'est  là  un 
exemple  de  la  résistance  extraordinaire  que  les  corpus- 
cules-germes présentent  parfois  aux  agents  de  destruction 
les  plus  énergiques.  A  part  ces  cas  exceptionnels,  nous 
verrons  cependant  que  l'acide  sulfurique  est  un  excellent 
agent  désinfectant,  surtout  pour  les  selles  des  typhoïdes, 
des  cholériques,  et  dans  tous  les  cas  où  on  les  suppose  ca- 
pables de  contenir  des  principes  infectieux  ou  virulents. 


ACIDE  SULFUREUX.  24» 

L'Acide  chromique  paraît  avoir  également  une  grande 
efficacité  comme  agent  destructeur  de  virus.  Mais  il  faut 
le  considérer  plutôt  comme  un  caustique  que  comme  un, 
désinfectant  et  antivirulent;  son  prix  élevé,  son  action 
corrosive,  limitent  d'ailleurs  singulièrement  son  emploi  au 
point  de  vue  de  l'hygiène  et  de  la  désinfection. 

Acide  sulfureux.  —  L'acide  sulfureux,  obtenu  par  lai 
combustion  du  soufre  à  l'air  libre,  vient  "presque  au  pre- 
mier rang  des  véritables  désinfectants.  Nous  avons  déjài 
montré  dans  l'historique  que  son  efficacité  a  été  reconnue  • 
et  célébrée  dès  la  plus  haute  antiquité.  Nous  rappellerons- 
très  rapidement  quelques-uns  des  caractères  de  l'acide  sul^- 
fureux,  ceux  du  moins  qui  ont  un  intérêt  particulier  au 
point  de  vue  de  la  désinfection. 

Un  litre  de  gaz  acide  sulfureux  pèse  près  de  3  grammes 
C^^^QO);  ce  gaz  est  extrêmement  soluble  dans  l'eau,  dont 
1  litre  dissout  50  litres  de  gaz,  soit  143  grammes  d'acid& 
par  litre  d'eau.  Un  kilogramme  de  soufre  en  brûlant  à  l'air 
dégage  environ  TOO  litres  de  gaz  acide  sulfureux;  pour  ob- 
tenir 10  litres  de  ce  gaz,  il  faut  brûler  complètement 
15  grammes  de  fleur  de  soufre.  M.  Marty,  professeur  de- 
chimie  au  Val-de-Grâce,  a  vu  dans  ses  expériences  que  dans- 
un  mètre  cube  d'air  bien  clos,  on  ne  peut  brûler  que  68  gram- 
mes de  soufre,  formant  47  litres  ou  136  grammes  d' acide- 
sulfureux  ;  à  partir  de  ce  moment,  la  combustion  cesse  efc 
le  soufre  s'éteint  de  lui-même.  Mais,  dans  un  local  habi- 
table, les  fissures  permettent  toujours  un  renouvellement 
de  l'air,  et  Czernicki  (i  a  du  réussir  à  faire  brûler  dans  les- 
salles  de  la  caserne  d'Avignon  jusqu'à  300  grammes  de 
soufre  par  mètre  cube  ;  toutefois ,  une  légère  couche  de- 
soufre  sublimé  recouvrait  les  murs  et  le  sol. 

L'on  connaît  l'odeur  piquante,  aigrelette  de  l'acide  sul— 

(i)  Czernicki,  Note  sur  l'assainissement  du  quartier  du  Palais,  à  Avignon^ 
au  moyen  de  Vacide  sulfureux.  (Rec.  des  iném.  de  méd.  et  depharm.  milit.,. 
Dec.  1880,  T.  36%  p.  ol3.) 


244  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

fureux  ;  ce  gaz  provoque  la  toux,  et  peut  déterminer  des 
irritations  très  violentes  de  la  gorge  et  des  bronches  ;  il  est 
absolument  irrespirable  plutôt  que  toxique.  Il  décolore  les 
tissus,  il  peut  même  en  diminuer  la  solidité  à  doses  con- 
centrées, quand  les  objets  exposés  sont  mouillés  ou  humi- 
des. F.  Hoffman  a  fait  voir  que  les  vapeurs  d'acide  sulfu- 
reux à  l'état  sec  ne  décolorent  pas  une  fleur  desséchée  ;  de 
même  si  l'on  soumet  à  ces  vapeurs  de  la  farine  de  mou- 
tarde bien  desséchée,  cet  acide  n'empêche  pas  l'eau  de  dé- 
gager l'essence  de  moutarde  ;  l'effet  contraire  se  produit 
dès  qu'on  fait  dégager  ces  vapeurs  sulfureuses  en  présence 
d'une  humidité  suffisante. 

Bien  que  les  vapeurs  du  soufre  soient  utilisées  depuis 
une  époque  très  reculée,  il  est  surprenant  de  voir  à  quel 
point,  même  à  l'époque  actuelle,  en  1882,  on  est  peu  fixé 
sur  sa  valeur  désinfectante.  Rien  ne  montre  mieux  la  né- 
cessité de  ne  baser  nos  opinions  et  nos  appréciations  en 
pareille  matière  que  sur  des  expériences  rigoureuses  ;  c'est 
en  ces  dernières  années  seulement  qu'on  a  commencé  à 
entrer  dans  cette  voie. 

Lorsqu'on  fait  brûler  du  soufre  au  contact  de  l'air,  il  se 
produit  constamment  une  quantité  notable  d'acide  sulfu- 
rique  résultant  de  l'oxydation  de  l'acide  sulfureux.  C'est 
et  acide  sulfurique  qui,  lorsqu'on  se  sert  de  houilles  py- 
riteuses,  détruit  si  rapidement  les  chaudières  des  machines 
à  vapeur  ;  c'est  à  lui  qu'il  faut  attribuer  la  rouille  et  le  dé- 
poli des  objets  en  fer,  qu'on  observe  dans  les  chambres 
désinfectées  par  la  combustion  du  soufre. 

Gomme  l'on  éprouve  quelquefois  une  certaine  difficulté 
à  enflammer  le  soufre,  surtout  quand  il  faut  allumer  rapi- 
dement un  grand  nombre  de  foyers  dans  une  chambre  à 
désinfection,  on  a  remplacé  le  soufre  par  un  mélange  qui 
était  très  usité  autrefois  dans  les  lazarets  et  qui  avait  la 
composition  suivante  : 


ACIDE  SULFUREUX.  245 

Soufre  en  fleur 8  parties. 

Nitrate   dépotasse 3      — 

Son 3      — 

Nous  avons  pensé  que  ce  mélange,  aujourd'hui  aban- 
donné, devait  donner  naissance  à  une  quantité  beaucoup 
plus  grande  d'acide  sulfurique,  et  nous  avons  prié  notre 
ami,  M.  Marty,  de  doser  l'acide  sulfurique  produit  dans  les 
différents  modes  de  combustion  du  soufre.  Le  tableau  de 
la  page  suivante,  confirme  cette  hypothèse. 

D'après  le  docteur  A .  Wolff,  lors  de  la  peste  de  Moscou 
en  mi,  les  médecins  russes  obtinrent  de  faire  sur  la  va- 
leur désinfectante  de  l'acide  sulfureux  l'expérience  sui- 
vante qui  leur  parut  concluante  :  dix  pelisses  ayant  été 
portées  par  des  pestiférés  pendant  leur  maladie,  furent  ex- 
posées à  une  forte  fumigation  de  soufre  et  de  salpêtre  ;  dix 
criminels  condamnés  à  mort  furent  obligés  de  s'en  vêtir  ; 
aucun  de  ces  malheureux  ne  gagna  la  peste  (Guyton-Mor- 
veau,  p.  335).  Nous  ne  trouvons  plus  de  nos  jours  une 
telle  expérience  concluante  ;  il  ne  faut  pas  toutefois  lui  en- 
lever toute  valeur  ;  l'on  a  vu,  par  la  dernière  peste  d'As- 
trakan, à  quel  point  la  peste  est  contagieuse  même  par  les 
objets  matériels  contaminés,  et  il  est  assez  vraisemblable  que 
si  aucun  des  dix  condamnés  en  expérience  n'a  été  atteint, 
c'est  que  la  fumigation  de  soufre  avait  complètement  dé- 
truit le  principe  virulent  contenu  dans  les  vêtements. 

N'est-il  pas  curieux  de  voir  Guyton-Morveau,  pour  qui 
les  fumigations  acides  sont  les  désinfectants  par  excellence, 
ne  conserver  que  les  fumigations  d'acides  chlorhydrique 
et  nitrique,  et  écarter  avec  dédain  l'acide  sulfureux  :  «  Son 
évaporation  spontanée,  dit-il  (p.  149,  édition  180o),  quoique 
très  incommode  pour  l'odorat,  n'a  qu'une  action  lente  et 
peu  efficace  sur  les  corps  qui  y  sont  exposés.  »  Il  faut  re- 
connaître que  les  expériences  faites  par  Guyton-Morveau 
sur  l'acide  sulfureux  et  dont  il  donne  le  détail  dans  son 
livre  sont  peu  explicites  et  médiocrement  combinées. 


^46 


NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 


Quantités  d'acide  sulfurique  produites  dans  la  combustion 
du  soufre. 


Poids  des  substances.!  ^^^"^1^  combustion. 

(  Après  la  combustion. 

Différence 

Poids  du  soufre.   .  i  Avant  la  combustion. 

/  Après  la  combustion. 

Soufre  brûlé 

Acide  sulfurique  produit 

SO^  réduit  du  sulfate  de  baryte  obtenu.    . 

Ce  qui  donnnerait  pour  un  mètre  cube  d'air  : 

Soufre  enflammé 

Soufre  brûlé ^ 

Acide  sulfurique  produit 


EXPÉKIKNCE. 


Avec 
lleur  do  soufre 

ordinaire 
non  lavée  et 
non  desséchée. 


3 

2,4 

0,6 

3,0 

2,4 

0,6 

0,0288 

0,0840 


99,173 
4,760 


EXPERIENCE. 

Avec 
fleur  de  soufre 

ut  suprà 

3  grammes,  et 

nitrate  de 

potasse 

i  gramme. 


3,3 

0,7 

3 

2;  324 

0,676 

0,17:2 

0,500 


495 
111,235 


Dougall  et  Baxter  ont  au  contraire  montré  la  puissance 
neutralisante  de  l'acide  sulfureux  sur  les  différents  virus 
inoculables.  Tous  deux  exposaient  pendant  dix  minutes, 
dans  de  Tair  saturé  de  vapeurs  sulfureuses,  des  pointes 
d'ivoire  chargées  de  vaccin  desséché.  Au  bout  de  ce  temps, 
ce  vaccin  neutralisé  était  inoculé  par  trois  piqûres  au  bras 
d'un  enfant  non  vacciné,  tandis  qu'à  l'autre  bras,  dans  la 
même  séance,  on  faisait  trois  piqûres  avec  des  pointes 
d'ivoire  chargées  du  même  vaccin,  mais  non  exposées  au 
soufre  ;  ces  dernières  piqûres  étaient  toutes  suivies  de  bou- 
tons parfaitement  développés,  les  piqûres  de  l'autre  bras 
étaient  stériles.  Malheureusement  la  dose  d'acide  ou  de 


ACIDE  SULFUREUX.  247 

«oufre  brûlé  n'est  pas  mentionnée  ;  cette  fois,  par  exception, 
Baxter  nous  laisse  dans  l'incertitude. 

Le  docteur  Sternberg(l),  chirurgien  de  l'armée  des  États- 
Unis,  a  repris  ces  expériences  d'une  façon  ingénieuse  et 
avec  une  précision  plus  grande.  L'auteur  faisait  brûler  une 
.quantité  déterminée  de  soufre  dans  une  caisse  en  bois  d'une 
capacité  de  10  litres.  Il  soumettait  aux  vapeurs  ainsi  pro- 
duites, du  vaccin  liquide  déposé  dans  un  verre  de  montre  ; 
il  laissait  le  vaccin  pendant  douze  heures  au  contact  du 
gaz  ;  le  lendemain  on  inoculait  des  enfants  nouveau-nés  sur 
un  bras  avec  du  vaccin  neutralisé,  sur  l'autre  bras  avec 
une  portion  du  même  vaccin,  mais  gardée  soigneusement 
à  l'abri  de  tout  agent  chimique. 

Du  vaccin  liquide  fut  laissé  pendant  12  heures  dans 
l'appareil  où  l'on  avait  brûlé  3  centigrammes  de  soufre,  soit 
24  centimètres  cubes  de  gaz  pour  10  litres  d'air,  ou  un 
peu  plus  de  2  pour  1,000  ;  le  lendemain  ce  vaccin  ne  pro- 
duisit qu'une  fois  des  pustules,  tandis  que  le  vaccin  pur 
inoculé  à  l'autre  bras  réussit  dix  fois  sur  dix  à  les  faire 
naître.  En  doublant  la  dose  de  soufre,  soit  6  centigrammes 
pour  10  litres,  ou  6  grammes  par  mètre  cube  et  3  volumes 
d'acide  sulfureux  pour  1,000  volumes  d'air,  et  après  une 
exposition  du  vaccin  pendant  quatre  heures  dans  cette 
atmosphère,  le  vaccin  resta  constamment  inactif. 

Il  suffirait  donc  de  faire  brûler  5  grammes  de  soufre 
dans  un  mètre  cube  pour  neutraliser  du  vaccin  liquide  ! 
mais  ce  vaccin  se  coagule  presque  immédiatement  au  con- 
tact du  gaz  sulfureux,  ce  qui  contribue  peut-être  à  détruire 
ou  à  pallier  son  inoculabilité  ;  nous  verrons  d'ailleurs  plus 
loin  à  quelles  graves  erreurs  peuvent  conduire  les  expé- 
riences faites  dans  des  espaces  d'aussi  petite  dimension. 


(l)  W.  Sternbcrg,  Experiments  designed  to  test  the  value  of  certain 
gaseous  and  volatile  desinfectants.  (National  Board  of  Health,  Washington. 
T.  I,  il,  29  à  37,  1880,  p.  219,  et  23  juilIetlSSi,  p.  21.)  Voyez  aussi  Revue 
d'hygiène^  1880,  p.  810. 


248  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

Pour  désinfecter  du  vaccin  desséché,  Sternberg  a  trouvé 
qu'il  faut  une  dose  de  soufre  notablement  plus  forte,  soit 
16  grammes  par  mètre  cube,  ce  qui  correspond  à  la  pro- 
portion classique  de  1  volume  de  gaz  acide  sulfureux  pour 
1 00  volumes  d'air  ;  à  ce  point  de  vue,  les  résultats  de  Stern- 
berg confirment  ceux  qui  ont  été  obtenus  par  beaucoup 
d'autres  auteurs. 

Baxter  expérimenta  aussi  l'action  de  l'acide  sulfureux  sur 
le  virus  morveux  :  il  broya  dans  de  l'eau  légèrement  salée 
des  nodules  de  poumon  morveux  ;  le  liquide,  grossière- 
ment filtré,  fut  mêlé  à  des  proportions  diverses  d'acide  sul- 
fureux. Le  virus  obtenu  des  mêmes  ganglions,  mais  non 
soumis  à  l'action  de  l'acide  sulfureux,  amenait  rapidement 
sur  des  ânons,  des  accidents  mortels  dont  la  nature  mor- 
veuse était  évidente.  Au  contraire,  les  inoculations  res- 
taient sans  effet,  quand  elles  étaient  pratiquées  avec  un 
mélange  de  100  grammes  de  virus  dilué,  additionné  de 
1  ^^94  de  gaz  acide  sulfureux,  soit  une  solution  à  2  pour 
100  de  cet  acide  (en  poids).  Les  inoculations  restèrent 
également  stériles  avec  une  dilution  contenant  40  cen- 
tigrammes de  gaz  acide  sulfureux  pour  100  grammes 
de  virus,  soit  4  pour  1,000  (en  poids).  La  neutralisa- 
tion ne  fut  pas  aussi  facilement  obtenue  avec  le  poison 
septique.  Baxter  se  servait  du  virus  provenant  de  la  ca- 
vité péritonéale  d'un  cobaye  ayant  succombé  à  une  pé- 
ritonite infectieuse.  Tantôt  cette  péritonite  était  primi- 
tive :  elle  résultait  «  de  l'introduction,  dans  le  péritoine, 
de  pus  putride,  d'exsudation  provenant  de  chiens  morts  de 
septicémie  artificielle,  ou  d'exsudation  péritonéale  d'autres 
cobayes  »  ;  tantôt  cette  péritonite  était  secondaire,  «  elle  était 
le  résultat  de  l'injection  sous-cutanée  de  produits  infectieux 
provenant  d'autres  cochons  d'Inde  »  ;  dans  ce  dernier  cas, 
le  virus  avait  traversé  plusieurs  générations  d'animaux  et 
sa  virulence  était  beaucoup  plus  grande.  Le  Uquide  péri- 
tonéal  était  chargé  de  microbes  ;  il  était  pâle,  ou  sangui- 


ACIDE  SULFUREUX.  249: 

noient,  visqueux,  et  parfois  tenace  à  tel  point  qu'il  fallait 
laver  la  cavité  péritonéale  pour  le  diluer;  l'eau  de  lavage 
était  mêlée  au  liquide  directement  recueilli.  Le  degré  de 
dilution  était  donc  très  variable,  et  les  proportions,  rela- 
tives entre  elles,  de  virus  et  de  désinfectant,  devaient  être 
bien  moins  rigoureuses  que  dans  d'autres  expériences  du 
même  genre.  M.  Baxter  inoculait  toujours  comparativement 
deux  séries  d'animaux,  les  uns  avec  du  virus  pur,  les  autres 
avec  le  virus  neutralisé.  Il  opéra  à  peu  près  exclusivement 
sur  des  cobayes,  parce  que  les  lapins,  dit-il,  mouraient 
parfois  soudainement,  tandis  que  d'autres,  inoculés  avec  le 
même  liquide,  résistaient.  Il  n'a  jamais  observé  cette  iné- 
galité des  résultats  sur  les  cochons  d'Inde. 

Le  liquide  septique  était  mélangé  avec  une  quantité  bien 
déterminée  de  solution  titrée  d'acide  sulfureux  liquide,  et 
après  un  contact  d'une  durée  variant  de  30  minutes  à 
3  heures,  le  mélange  était  injecté  sous  la  peau  avec  la 
seringue  de  Pravaz  :  mais  pour  Baxter,  la  durée  du  con- 
tact n'a  qu'une  importance  insignifiante  ;  car,  d'après  lui,: 
la  neutralisation  est  complète  au  bout  de  5  minutes,, 
pourvu  que  le  mélange  ait  été  intime.  Du  virus  septique,. 
qui  en  24  heures  avait  amené  la  mort  d'un  cobaye,  fut 
mêlé  à  un  égal  volume  d'une  solution  d'acide  sulfureux,, 
de  telle  sorte  que  le  mélange  total  contenait  2gi",9  de  gaz- 
acide  sulfureux  pour  100  grammes  dehquide;  la  neu- 
tralisation fut  complète,  car  l'inoculation  ne  produisit 
aucun  accident  même  local.  Au  contraire,  la  mort  eut  lieu 
en  40  heures,  lorsqu'on  eut  abaissé  la  proportion  d'acide- 
à  Ogi',58  p.  100  du  mélange  total. 

L'écart  ici  est  trop  considérable  entre  6  pour  1000  en 
poids  et  3  pour  100  en  poids;  la  dose  nécessaire  est-elle 
voisine  du  premier  chiffre  ou  du  second  ?  En  outre,  on  em- 
ploie rarement  dans  la  pratique  de  la  désinfection  l'acide 
sulfureux  en  solution  aqueuse,  de  sorte  que  nous  ne  som- 
mes pas  très  précisément  renseignés  sur  la  quantité  du. 


•250  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

soufre,  par  exemple,  qu'il  faut  brûler  dans  une  capacité 
déterminée  pour  neutraliser  le  virus  morveux. 

Nous  avons  eu,  en  janvier  1881,  l'occasion  de  refaire 
ces  expériences.  Un  malade  du  service  de  notre  collègue, 
M.  Gaujot,  au  Val-de-Grâce,  était  atteint  d'abcès  farcineux 
multiples,  et  fournissait  un  pus  inoculable  qui,  entre  les 
mains  de  M.  le  D'  Kiener,  avait  déterminé  chez  plusieurs 
animaux,  cobayes,  chats,  etc.,  des  lésions  caractéristiques 
de  la  morve.  Une  petite  quantité  de  ce  pus,  recueillie  direc- 
tement sur  le  malade  et  placée  dans  un  verre  de  montre, 
fut  exposée  pendant  12  heures  dans  une  caisse  en  bois 
<issez  bien  ajustée,  et  représentant  très  exactement  une 
capacité  de  100  litres.  Nous  fîmes  brûler  dans  la  caisse 
2  grammes  de  fleur  de  soufre,  dose  équivalant  à  20  gram- 
mes par  mètre  cube.  Le  lendemain  le  virus  fut  inoculé 
à  un  cobaye  qui,  trois  mois  après,  était  parfaitement  bien 
portant,  n'ayant  eu  ni  chancre  morveux,  ni  abcès,  ni 
lésion  testiculaire.  Un  autre  animal,  inoculé  le  même 
jour  avec  la  seconde  portion  du  même  pus  mise  en  ré- 
serve entre  deux  verres  de  montre  et  à  l'abri  de  toute 
<iction  chimique,  mourait  au  bout  de  2  mois  avec  les  ca- 
ractères habituels  de  la  morve.  Ainsi  donc  une  atmosphère 
contenant  14  volumes  d'acide  sulfureux  pour  1000  volu- 
mes d'air,  ou  le  produit  de  la  combustion  de  20  grammes 
de  soufre  par  mètre  cube,  a  désinfecté,  neutralisé  du  pus 
morveux  à  l'état  frais  et  liquide. 

La  même  expérience  fut  répétée  avec  du  pus  morveux 
desséché  ;  nous  avions  imbibé  de  petits  carrés  de  flanelle 
avec  le  pus  morveux  frais,  et  nous  avions  abandonné  ces 
carrés  à  la  dessiccation  à  l'air  libre.  Au  bout  de  10  jours, 
nous  les  avons  soumis  dans  notre  appareil  aux  vapeurs 
provenant  de  la  combustion  de  15  grammes  de  soufre  par 
mètre  cube  ;  l'inoculation  resta  stérile  sur  deux  cobayes. 
Nous  devons  reconnaître  toutefois,  que  d'autres  carrés, 
ainsi  imbibés,  mais  qui  n'avaient  été  nullement  soumis  à 


ACIDE  SULFUREUX.  231 

l'action  de  l'acide  sulfureux,  ne  fournirent  pas  de  liquide 
inoculable  à  un  animal  de  même  espèce  ;  la  dessiccation 
avait  peut-être  suffi  à  elle  seule  pour  détruire  le  virus, 
comme  dans  les  expériences  de  M,  Galtier.  Nous  avons 
fait  d'autre  part  les  expériences  suivantes  : 

Du  pus  provenant  d'un  abcès  symptomatique  d'un  mal 
de  Pott  chez  un  tuberculeux,  fut  divisé  en  deux  parts, 
recueillies  et  conservées  dans  des  verres  de  montre.  La 
première  moitié  fut  placée  pendant  12  heures  dans  une 
chambre  en  bois  cubant  100  décimètres  cubes,  ne  fermant 
pas  hermétiquement,  et  dans  laquelle  on  fit  brûler  une  quan- 
tité de  fleur  de  soufre  correspondant  à  20  grammes  par 
mètre  cube;  le  pus  ainsi  neutralisé  et  délayé  dans  un 
:gramme  d'eau  fut  injecté  sous  la  peau  d'un  cobaye  qui,  au 
bout  de  4  mois,  était  encore  bien  portant,  et  fut  trouvé 
exempt  de'  toute  lésion  tuberculeuse.  L'autre  moitié  du 
pus,  abandonnée  pendant  12  heures  dans  le  laboratoire, 
sans  contact  avec  l'acide  sulfureux,  fut  délayée  dans  un 
gramme  d'eau  et  injectée  à  un  cobaye  fqui,  le  48^  jour, 
fut  trouvé  mort,  après  avoir  beaucoup  maigri  ;  le  foie,  la 
rate,  le  poumon,  le  péritoine,  étaient  criblés  de  granu- 
lations tuberculeuses. 

Enfin,  chez  deux  malades  atteints  de  chancres  de  nature 
douteuse,  nous  avons  pris  du  pus  et  l'avons  exposé  aux 
vapeurs  d'acide  sulfureux  (lo  grammes  par  mètre  cube); 
avec  le  liquide  ainsi  dénaturé,  les  inoculations  restèrent 
stériles  ;  le  pus  non  désinfecté,  recueilli  le  même  jour  et 
conservé  sur  une  lancette,  à  l'abri  de  tout  contact  avec 
l'acide  sulfureux,  donna  au  contraire  des  pustules  carac- 
téristiques (1). 

(1)  Depuis  que  ces  lignes  sont  écrites,  nous  avons  répété  ces  expériences 
sur  une  grande  échelle,  et  nous  rejetons  presque  complètement  les  re- 
cherches faites  dans  des  caisses  ou  des  espaces  très  petits.  Dans  une  caisse 
do  100  dccimèlres  cubes,  même  en  ménageant  des  orifices  tenus  ouverts, 
le  soufre  s'éteint  souvent  avant  qu'il  en  ail  pu  brûler  une  quantité  corres- 
pondant à  10  grammes  par  mètre  cube,  tandis  que  dans  une  chambre 
ordinaire,  nous  avons  fait  brûler   complètement  jusqu'à  150  grammes  de 


252  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

Dans  une  autre  expérience  que  nous  avons  faite  an- 
térieurement, une  dose  de  soufre  de  30  grammes  a  été  né- 
cessaire pour  neutraliser  du  virus  septique  dont  une  boule 
de  coton  était  imprégnée. 

Nous  n'avons  trouvé  mentionnée  que  très  peu  d'expérien- 
ces de  neutralisation  du  virus  charbonneux  par  l'acide  sul- 
fureux; il  est  regrettable  que  M.  Davaine  n'ait  pas  expéri- 
menté ce  désinfectant  énergique  sur  le  virus  septique  ou 
sur  le  virus  du  charbon.  Renault,  dans  ses  nombreuses 
recherches  restées  inédites  sur  l'action  des  désinfectants, 
ne  semble  pas  avoir  fait  d'expériences  rigoureuses  avec 
l'acide  sulfureux.  Il  a  employé  très  souvent  cet  agent 
pour  purifier  les  écuries ,  les  objets  de  toute  sorte ,  les 
harnachements  souillés  par  le  virus  morveux,  par  celui 
de  la  péripneumonie,  etc.  Les  fumigations  au  soufre  sont 
réputées  et  employées  journellement  parmi  les  vétérinaires, 
comme  l'un  des  moyens  les  plus  puissants  de  purification 
dans  les  maladies  contagieuses  du  bétail  ;  mais  nous 
n'avons  pu  trouver  des  preuves  rigoureuses,  pour  ainsi 
dire  expérimentales,  démontrant  leur  efficacité. 

Les  expériences  qui  suivent  montrent  l'action  des  diffé- 
rentes doses  de  soufre  brûlé  sur  les  bactéries,  les  vibrions, 
les  protorganismes  des  liquides  en  fermentation. 

Deux  médecins  de  la  marine  allemande,  MM.  Gartner  et 
Schotte  (l),  ont  consacré  un  très  long  et  très  minutieux 
travail  à  cette  action  de  l'acide  sulfureux  sur  les  orga- 
nismes microscopiques.  En  général,  ces  auteurs  sont  un 
peu  pessimistes  ;    ils   cherchent   à   démontrer  qu'il    faut 

soufre  par  mètre  cube.  Dans  les  caisses  ou  boites  d'expérience,  il  se 
produit  au-dessus  du  soufre  enflammé  des  nuages  stagnants  d'acide  sul- 
fureux qui  arrêtent  la  combustion  ;  la  répartition  du  gaz  acide  est  très 
inégale.  Nous  n'opérons  plus  que  dans  des  chambres  cubant  50  à  60  mètres; 
nos  résultats  ne  sont  pas  encore  définitifs. 

(1)  Schotte  et  Gartner,  Wie  viel  Carbohàure  oder  ivie  viel  schweflige 
Saure  in  Gasform  ist  nôthig  zitr  Todtung  Ideinslen  Lebens?  [Deutsche 
Viertelj  f.  off.  Gesund.  1880,  T.  XII,  p.  337  à  376  et  Revue  d'hygiène  et 
de  police  mnitaire,  1880,  p.  819.) 


ACIDE  SULFUREUX.  253 

des  doses  considérables  de  soufre  pour  obtenir  une  désin- 
fection absolument  complète.  Ils  placent  à  des  hauteurs 
variées,  dans  une  chambre  de  40  mètres  cubes,  des  cu- 
pules contenant  des  liquides  de  culture  ensemencés  avec 
des  bactéries  ou  avec  de  l'urine  putréfiée  ;  puis  ils  font 
brûler  dans  la  chambre  600  grammes  de  soufre,  soit  15 
grammes  par  mètre  cube,  ce  qui  donne  1  volume  de  gaz 
acide  sulfureux  pour  100  volumes  d'air;  le  soufre  brûlait 
dans  des  vases  de  terre  placés  à  1"\30  aivdessus  du  niveau 
du  sol.  Au  bout  de  6  heures,  les  vapeurs  sulfureuses  s'é- 
taient assez  bien  dissipées  pour  qu'un  homme  pût  séjourner 
et  travailler  dans  la  chambre,  quoique  pendant  ces  six 
heures  les  portes  et  les  fenêtres  eussent  été  tenues  bien 
fermées. 

Au  bout  de  6  jours,  les  liquides  putrides  placés  aux 
âges  supérieurs  restent  clairs,  ce  qui  prouve  que  les  bac- 
téries ont  toutes  été  détruites;  au  contraire,  les  cupules 
placées  à  la  surface  du  sol  se  troublent  au  bout  de  24  à 
36  heures.  Il  faut  28  grammes  de  soufre  par  mètre  cube 
pour  que  la  désinfection  soit  complète  et  définitive  dans  les 
cupules  reposant  sur  le  sol  (soit  2  volumes  de  SO^  pour  100 
volumes  d'air).  En  plaçant  ces  cupules  sur  les  planches 
hautes  ou  basses  d'un  placard  à  demi  fermé  et  situé  dans 
le  coin  de  la  chambre  fumigée,  la  désinfection  ne  fut  ob- 
tenue qu'en  brûlant  92  grammes  de  soufre  par  mètre  cube. 

Les  auteurs  ont  fait  d'autres  expériences  pour  apprécier 
la  résistance  à  la  désinfection  des  étoffes  souillées.  On 
trempait  des  bandes  très  épaisses  de  molleton  de  laine 
dans  des  hquides  de  culture  chargés  de  bactéries.  On  fai- 
sait sécher  ces  bandelettes,  ce  qui  ne  détruisait  nullement 
les  bactéries,  puisqu'en  trempant  ces  bandelettes  dans  un 
liquide  de  culture  approprié,  on  ensemençait  ce  dernier. Ces 
bandelettes  étaient  suspendues  au  milieu  de  la  chambre, 
à  une  corde  tendue  à  4  "",80  du  sol  ;  une  moitié  des  bandes 
était  gardée  sèche,  l'autre  moitié,  après  avoir  été  séchée. 


254  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

était  de  nouveau  humectée  avec  un  liquide  quelconque^ 
afin  d'être  soumise  à  l'état  humide  aux  vapeurs  sulfureu- 
ses. Nos  auteurs  sont  arrivés  à  ce  résultat  vraiment  im- 
prévu,   que  même  après   avoir  subi  l'action   de  l'acide 
produit  par  la  combustion  de  92  grammes  par  mètre  cube,  • 
les  bandelettes  humides  elles-mêmes  troublent  le  3^  ou  le 
4®  jour  le  liquide  de  culture  dans  lequel  on  les  plonge. 
Quand  les  bandelettes  ont  été  soumises  à  l'état  de  séche- 
resse à  l'action  d'une  même  quantité  de  soufre,  elles  trou- 
blent les  liquides  de  culture  dès  le  3*  jour.  MM.  Gartner  et 
Schotte  ont  voulu  surtout  montrer  par  là  que  les  germes 
ou  les  protorganismes,  cachés  dans  les  parties  les  plus  pro- 
fondes des  tissus  très  épais,  résistent  beaucoup  aux  fumi- 
gations  d'acide   sulfureux,    comme  d'ailleurs  à  tous  les 
désinfectants.  Ils  arrivent  presque  à  mettre  en  doute  la 
possibilité    d'une   désinfection   certaine    et    absolue,    au 
moins  par  les  gaz  et  la  vapeur. 

Les  expériences  faites  par  Wernich  de  Breslau,  à  l'Ins- 
titut pathologique  de  Berlin  en  1817,  ne  sont  pas  beaucoup^ 
plus  rassurantes.  Il  imprégnait  des  bandes  de  laine  ou  de 
coton  avec  des  liquides  putrides,  chargés  de  bactéries  ;  il 
exposait  ces  bandelettes  pendant  un  temps  variable  sous^ 
une  cloche  contenant  une  proportion  définie  de  gaz  acide 
sulfureux  et  d'air;  puis  il  introduisait,  avec  les  précau- 
tions requises,  ces  pièces  suspectes  dans  des  tubes  con- 
tenant du  liquide  de  culture  de  Pasteur,  parfaitement  privé 
de  germes  ;  le  développement  des  bactéries  dans  le  liquide 
prouvait  que  la  désinfection  n'avait  pas  été  complète.  Wer- 
nich a  constaté  les  résultats  suivants  : 

Quand  les  tissus  souillés  avaient  séjourné  même  plusieurs 
heures  sous  une  cloche  contenant  3,3  volumes  d'acide 
sulfureux  pour  100  volumes,  ils  n'étaient  pas  désinfectés. 
Quand  la  proportion  de  gaz  acide  était  de  1  ou  même  de 
4  pour  100,  au  bout  de  6  heures  de  séjour,  les  tissus  étaient 
devenus  incapables  d'ensemencer  les  liquides  de  culture 


ACIDE  SULFUREUX.  23S. 

et  de  faire  naître  des  bactéries.  Wernich  rappelle  d'ail- 
leurs avec  raison  que  certains  protorganismes  peuvent 
avoir  une  résistance  vitale  plus  grande  que  certains  au- 
tres, et  que  ces  expériences  n'ont  qu'une  valeur  relative. 
D'après  Wernich,  il  faudrait  donc,  pour  désinfecter  1  mètre 
cube  ou  1,000  litres  d'air, brûler  60  gramn>es  desoufre, pro- 
duisant 40  litres  de  SO-,  soit  4  p.  100  en  volumes. 

Ce  qui  précède  semblerait  démontrer  qu'il  faut  des- 
doses  beaucoup  plus  fortes  de  soufre  ou  d'acide  sulfureux 
pour  détruire  sans  retour  la  vitalité  des  protorganismes- 
de  la  fermentation,  que  pour  neutraliser  la  plupart  des- 
virus inoculables. 

Les  expériences  de  Jalan  de  la  Croix  (1)  ont  été  faites 
avec  des  solutions  de  gaz  acide  sulfureux  dans  les  diver& 
liquides  de  culture,  et  il  a  obtenu  plus  facilement  la  mort 
ou  l'arrêt  de  développement  des  bactéries  dans  ces  liquides. 
Un  liquide  de  culture  (bouillon  de  viande)  qui  contient 
1  gramme  de  gaz  acide  sulfureux  pour  6,448  grammes  de 
liquide  (soit  53  centimètres  cubes  de  gaz  acide  par  litre  de 
liquide),  et  dans  lequel  on  fait  tomber  quelques  gouttes  de- 
bouillon  rempli  de  bactéries  adultes,  ne  permet  plus  à 
celles-ci  de  se  développer,  et  cet  ensemencement  reste  sté- 
rile. Des  doses  plus  faibles  encore  d'acide  sulfureux  (1  pour 
8,000  et  pour  12,000)  empêchent  du  bouillon  abandonné 
à  l'air  de  se  remplir  spontanément  de  bactéries.  Enfin,  en 
ajoutant  1  gramme  de  gaz  acide  sulfureux  dans  2,000 
grammes  de  bouillon  rempli  de  bactéries  adultes,  celles-ci 
sont  tuées  et  cessent  de  se  développer.  Toutefois,  il  faut 
ajouter  non  moins  de  1  gramme  d'acide  dans  135  grammes 
de  bouillon,  pour  que  les  corpuscules-germes  contenus  dans 
ce  mélange  et  reportés  dans  un  liquide  de  culture  frais,, 
soient  incapables  de  donner  naissance  à   des  bactéries, 

(1)  Nicolaï  Jalan  de  la  Croix,  Das  Verhalten  der  Bakterien  des  Fleii- 
chioasser  gegen  einirje  Antiseptica.  (Arch,  fiir  experiment.  Patholog.y 
20  janvier  1881,  T.  XIII,  p.  ns  à  2oo.) 


2o6  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

quand  la  nouvelle  culture  est  portée  dîjpLns  l'étuve  à  incuba- 
tion. Bucholtz  avait  obtenu  cette  neutralisation  des  ger- 
mes eux-mêmes  par  des  dilutions  aqueuses  de  1  sur  666; 
mais,  dans  la  pratique,  on  ne  peut  guère  employer  l'aci- 
de sulfureux  dilué  dans  l'eau. 

Baxter,  recherchant  dans  quelle  mesure  le  gaz  acide 
sulfureux  empêchait  le  développement  des  vibrions  de 
la  putridité  dans  un  liquide  ensemencé,  avait  reconnu 
que  pour  stériliser  les  liquides ,  ceux-ci  devaient  con- 
tenir au  moins  lsr^23  de  gaz  acide  sulfureux  pour  1,000 
grammes  du  liquide  total.  Au-dessous  de  cette  dose,  tous 
les  ballons  inoculés  furent  infestés  et  se  troublèrent. 
On  voit  donc  que  dans  les  conditions  les  plus  défavo- 
rables, une  dilution  de  1  pour  1000  en  poids,  soit 
4  centimètres  cubes  de  gaz  pour  1000  centimètres  cubes 
ou  1  litre  d'eau,  suffit  largement  pour  obtenir  une  désin- 
fection complète,  définitive.  On  ne  peut  malheureusement 
conclure  de  l'action  des  solutions  dans  l'eau,  à  l'action  des 
dilutions  dans  l'air  ;  toutefois,  il  y  a  une  divergence  con- 
sidérable entre  les  résultats  de  Jalan  de  la  Croix,  Bucholtz, 
Baxter  d'une  part,  et  de  l'autre,  entre  ceux  de  Gartner  et 
-Schotte. 

Au  nom  de  la  Commission  d'étude  des  épidémies  de 
choléra  dans  l'empire  d'Allemagne,  Pettenkofer  a  fait,  en 
1874,  des  expériences  intéressantes  sur  la  valeur  des 
agents  propres  à  assurer  la  désinfection  des  vaisseaux,  et 
en  particulier  sur  l'action  de  l'acide  sulfureux.  Il  opéra 
dans  une  chambre  située  au  deuxième  étage  de  la  Chan- 
cellerie allemande  et  cubant  27  mètres.  La  pièce  était 
éclairée  par  une  fenêtre  à  travers  laquelle  on  pouvait  ob- 
server ce  qui  se  passait  dans  l'enceinte  ;  la  pièce  n'avait 
d'autre  ouverture  qu'une  porte  bien  jointe.  On  alluma  dans 
la  chambre  un  réchaud  contenant  500  grammes  de  soufre 
en  fragments  et  en  poudre  (soit  18  grammes  par  mètre 
cube.) 


ACIDE  SULFUREUX.  257 

Pour  étudier  l'action  plus  ou  moins  corrosive  de  l'acide 
sulfureux  sur  les  matières  premières  et  les  objets  servant 
aux  usages  domestiques,  on  plaça  sur  une  table,  au  milieu 
de  la  chambre,  les  objets  suivants  : 

1.  Un  rasoir  bien  poli  ; 

2.  Une  sonncltc  en  acier  et  en  laiton  ; 

3.  Des  clous  en  fer,  rouilles  el  polis  ; 

4.  Une  pièce  d'or  ; 

5.  Deux  pièces  d'argent  ; 

6.  Une  épauletle  de  médecin  de  la  marine  ; 

7.  Plusieurs  coupons  de  soie,  dont  doux  en  soie  teinte  ; 

8.  Un  tapis  de  pied  en  laine  de  couleur  ; 

9.  Un  morceau  do  coton  de  couleur  ; 

10.  Un  coussin  do  plume  ; 

11.  Un  miroir  à  cadre  doré  ; 

12.  Quelques  livres  ; 

13.  Une  carafe  pleine  d'eau  ; 

14.  Une  assiettée  de  farine  ; 

13.  Une  assiette  avec  de  la  viande  crue  ;  ' 

16.  Une  assiette  conl(?nant  du  sel  ;  ■     . 

17.  Un  morceau  do  pain  ; 

18.  Des  pommes  ;  ' 

19.  De  la  canelle  en  poudre  et  en  sorte; 

20.  Dos  gousses  de  vanille  ; 

21.  Deux  cigares  do  la  Havane  ; 

22.  Une  souris  vivante  dans  une  cage  avec  du  lard. 

On  avait  eu  soin  de  glisser  des  bandes  de  papier  de 
tournesol  entre  les  feuillets  des  livres,  sous  l'édredon,  le 
tapis.  A  10  heures  du  matin,  on  alluma  le  soufre;  à  midi,  la 
combustion  était  terminée  ;  dans  le  corridor  on  percevait 
une  odeur  de  soufre  assez  marquée,  mais  non  gênante,  et 
qui  ne  provoquait  pas  la  toux.  L'air  de  la  chambre  était 
irrespirable  et  les  vapeurs  étaient  si  épaisses  qu'on  pou- 
vait à  peine  distinguer  les  objets.  On  ouvrit  la  fenêtre,  et 
il  s'en  échappa  un  nuage  de  vapeurs  qui  cependant  n'in- 
commodèrent pas  les  habitants  du  voisinage.  Au  bout  d'un 
quart  d'heure,  on  put  entrer  dans  la  chambre  sans  que  la 
respiration  fût  gênée,  et  voici  dans  quel  état  se  trouvaient 
les  objets  déposés. 

Vallin.  —  Désinfectants.  17 


2S8  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

La  peinture  des  murs  était  intacte  ;  le  rasoir  était  dé- 
poli en  un  point,  comme  si  on  avait  soufflé  l'haleine 
chaude  sur  le  métal;  le  tranchant  avait  parfaitement  con- 
servé son  fil,  résultat  qui  a  lieu  de  nous  surprendre, 
car  dans  toutes  nos  expériences  les  objets  en  fer  poli  ont 
été  fortement  détériorés.  La  sonnette  et  la  pièce  d'or 
étaient  intactes  ;  les  pièces  d'argent  avaient  de  petites  ta- 
ches ;  l'épaulette  exposée  aux  vapeurs  sulfureuses  fut  com- 
parée avec  l'autre  épaulette  qui  avait  été  mise  à  l'abri  :  la 
première  'sentait  le  soufre,  mais  n'était  en  rien  altérée. 
Les  coupons  de  soie  et  d'étoffes  n'étaient  nullement  en- 
dommagés. Le  tapis  de  pied  avait  été  à  demi  roulé  et  l'on 
avait  placé  au  centre  quelques  feuilles  de  papier  de  tour- 
nesol ;  ce  papier  était  à  peine  rougi,  ce  qui  prouve  que 
l'action  de  l'acide  sulfureux  n'avait  pas  pénétré  les  parties 
profondesou  cachées,  et  que  par  conséquent  les  matières 
infectieuses  ou  suspectes  logées  aussi  profondément  n'au- 
raient" pas  été  sensiblement  désinfectées.  L'on  verra  plus 
loin  que  dans  les  expériences  répétées  par  nous  en  1881, 
le  papier  de  tournesol  caché  au  centre  de  paquets  vo- 
lumineux et  serrés  était  cependant  très  fortement  rou- 
gi par  l'acide.  De  même  les  bandes  de  papier  de  tour- 
nesol placées  par  Pettenkofer  entre  les  feuillets  des  li- 
vres (sans  doute  reliés),  n'étaient  rougies  que  jusqu'à  une 
certaine  distance  du  bord  des  pages  ;  la  partie  centrale 
n'avait  pas  été  atteinte  par  SO^  ;  il  eût  sans  doute  fallu  que 
l'action  de  l'acide  se  prolongeât  quatre  heures  au  lieu  de 
deux  heures,  pour  que  le  livre  fût  attaqué  dans  toute  sa 
profondeur.  Dans  nos  expériences  personnelles,  que  nous 
rapportons  plus  loin,  nous  avons  noté  la  diffusion  ex- 
trême de  l'acide  sulfureux,  et  trouvé  que  le  papier  de 
tournesol  devenait  parfaitement  rouge,  malgré  les  enve^ 
loppements  les  plus  soigneux,  au  centre  de  pièces  d'é- 
toffes et  de  tissus  très  serrés. 

Les  substances  alimentaires  exposées  sentaient  l'acide 


ACIDE  SULFUREUX.  239 

sulfureux ,  mais  elles  n'avaient  pas  sensiblement  per- 
du leurs  qualités,  et  elles  furent  consommées  par  les  mem- 
bres de  la  commission  sans  aucune  répugnance.  La  sou- 
fris  fut  trouvée  morte  dans  sa  cage,  et  elle  ne  revint  pas 
à  la  vie  quand  on  l'exposa  au  grand  air.  Pettenkofer  en 
conclut  que  le  soufre  n'altère  pas  les  objets  usuels  et  ne 
rend  pas  les  aliments  nuisibles.  Ne  sait-on  pas  d'ailleurs 
qu'on  soufre  le  vin  sans  inconvénient?  Hoppe-Seyler  a 
observé,  pendant  la  guerre  franco-allemande,  qu'en  expo- 
sant aux  vapeurs  de  soufre  des  caisses  contenant  du 
pain  destiné  aux  troupes,  on  arrêtait  l'altération  de  ce 
pain,  sans  altérer  en  rien  ses  qualités.  Quant  aux  meu- 
bles, étoffes,  objets  de  valeur,  on  peut  dire  qu'ils  ne  sont 
pas  détériorés  d'une  façon  bien  appréciable. 

L'emploi  des  vapeurs  de  soufre  convient  très  bien  d'après 
lui,  pour  désinfecter  les  vaisseaux,  et  en  particulier  pour 
empêcher  la  propagation  des  maladies  infectieuses,  du  cho- 
léra, de  la  fièvre  jaune,  et  tout  spécialement  de  celle-ci, 
qui  bien  plus  que  le  choléra  se  propage  par  la  voie  des 
navires.  Le  principe  infectieux  de  la  fièvre  jaune  paraît 
d'ailleurs  à  Pettenkofer  se  détruire  plus  facilement  que 
celui  du  choléra.  Pettenkofer  recommande  donc  les  fumi- 
gations de  soufre  comme  le  meilleur  moyen  de  désin- 
fecter l'air  contenu  dans  les  espaces  du  navire,  ainsi  que 
tous  les  objets  mobiliers,  les  parois,  les  matériaux,  etc., 
mais  l'acide  sulfureux  devient  insuffisant  pour  désinfecter 
l'eau  corrompue  de  la  cale  ;  il  en  faudrait  des  quantités 
énormes  pour  que  la  dilution  fût  efficace. 

Les  vapeurs  de  soufre,  outre  la  destruction  des  princi- 
pes morbides,  a  encore  l'avantage  de  débarrasser  le  na- 
vire de  tous  les  parasites,  et  en  particulier  des  ratSj  des 
cancrelats,  etc.,  qui  d'ordinaire  les  infestent. 

A  la  suite  de  ce  premier  rapport,  le  Ministre  de  la  marine 
fit  faire  des  expériences  nouvelles,  dont  Pettenkofer  donne 
le  détail,  sur  deux  navires,   le  vaisseau  cuirassé  Kaiser^ 


260  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

et  une  canonnière,  le  Sperber.  Ces  expériences ,  faites 
en  1875,  confirmèrent  pleinement  celles  qui  précèdent, 
et  donnèrent  d'excellents  résultats  pratiques  ,  bien  que 
la  quantité  de  soufre  employée  ne  dépassât  pas  dix 
grammes  par  mètre  cube.  Sur  le  Sperber,  les  objets  métal- 
liques des  appartements  ou  des  machines  prirent  une  lé- 
gère teinte  noire  uniforme  que  le  frottement  faisait  facile- 
lement  disparaître.  Ce  développement  inusité  d'hydrogène 
sulfuré  resta  inexpliqué,  et  parait  ne  s'être  produit  qu'acci- 
dentellement. Sur  le  Kaiser,  où  l'on  n'employa  également 
que  10  grammes  de  soufre  par  mètre  cube  ,  les  rats  et  les 
souris  qui  ravageaient  la  batterie  fumigée  ne  farent  point 
trouvés  morts;  ce  qui  prouve  ou  bien  que  la  quantité  de 
soufre  était  insuffisante,  ou  bien  que  ces  animaux  avaient 
trouvé  des  issues  pour  s'échapper. 

En  résumé,  d'après  Pettenkofer,  les  fumigations  sulfu- 
reuses sont  praticables  sur  les  navires  ;  il  n'y  a  à  crain- 
dre ni  les  incendies,  ni  l'altération  des  matériaux  ou  des 
objets  de  service  usuel.  Il  vaut  mieux  faire  l'opération 
quand  les  hommes  sont  descendus  à  terre  (sur  le  Cracker 
on  fit  les  fumigations  pendant  que  l'équipage  faisait  à  terre 
une  partie  de  cricket).  La  durée  de  l'opération  doit  être 
au  moins  de  2  à  3  heures,  pour  obtenir  une  désinfection 
complète.  En  cas  de  nécessité,  on  peut  laisser  les  hommes 
à  bord  pendant  l'opération. 

Pour  les  gros  navires,  à  plusieurs  ponts  superposés,  il 
faut  faire  durer  les  fumigations  de  6  à  10  heures,  surtout 
dans  les  entreponts  oîi  couchent  les  hommes.  Le  soufre 
brûle  d'ailleurs  fort  lentement,  à  moins  qu'on  ne  le  divise 
en  plusieurs  foyers  qu'on  enflamme  dans  des  vases  mul- 
tiples ;  il  est  désirable  que  chaque  foyer  ne  contienne  pas 
plus  de  1  kil.  500.  Cette  dernière  quantité  nous  paraît  trop 
considérable,  même  pour  les  espaces  très  vastes  qui  exis- 
tent dans  les  flancs  d'un  navire  de  guerre.  Il  vaut  mieux 
réduire  ces  foyers  et  en  multiplier  le  nombre. 


ACIDE  SULFUREUX.  261 

Le  D""  Mehlhausen  a  confirmé  par  des  recherches  per- 
sonnelles les  résultats  obtenus  par  Pettenkofer,  Dans  une 
chambre  de  50  mètres  cubes  il  a  fait  brûler  1  kil,  de  soufre 
(soit  20  grammes  par  mètre  cube),  en  plaçant  le  vase  plein 
de  fragments  de  soufre  au  milieu  d'un  autre  vase  rempli 
d'eau  pour  éviter  l'incendie.  On  avait  laissé  dans  la  chambre 
des  punaises,  des  insectes,  des  verres  de  montre  et  des 
vases  contenant  de  l'urine  putréfiée  et  de  l'eau  chargée 
de  vers,  de  bactéries,  de  vibrions,  etc.  Au  bout  de  1  heu- 
res, on  ouvrit  la  chambre.  Tous  les  animalcules  avaient 
péri  ;  les  liquides  contenus  dans  les  verres  de  montre 
étaient  acides.  L'urine  contenue  dans  un  verre  à  réactif 
laissait  apercevoir  des  vibrions  animés  de  mouvements 
très  vifs.  Les  objets  métalliques,  les  glaces,  les  boutons 
de  cuivre  des  portes,  les  rideaux  de  damas  bleu,  n'étaient 
nullement  endommagés.  Si  on  calcule  que  le  soufre  coûte 
45  centimes  le  kilog.,  on  trouve  que  la  désinfection  re- 
vient à  moins  de  1  centime  19  millièmes  par  mètre  cube. 

On  peut  considérer  la  désinfection  ici  comme  complète, 
car  la  persistance  de  la  vie  des  vibrions  au  sein  d'une  très 
grande  quantité  d'urine  (sans  doute  une  centaine  de  gram- 
mes) est  inévitable,  par  la  dilution  extrême  dans  le  li- 
quide et  par  la  petite  quantité  de  gaz  acide  sulfureux  cor- 
respondant au  périmètre  du  vase  et  à  la  surface  libre  de 
l'urine. 

Le  D''  Mehlhausen  a  voulu  voir  si  l'on  pouvait  obtenir 
encore  de  bons  effets  avec  une  dose  moindre  de  soufre. 
Dans  la  même  chambre,  cubant  48  mètres  cubes,  il  a  fait 
brûler  500  grammes  de  soufre,  soit  10  grammes  par  mètre 
cube.  Au  bout  de  16  heures,  on  trouva  que  quelques  in- 
sectes étaient  morts;- d'autres,  et  parmi  eux  les  punaises, 
vivaient  encore.  Les  liquides  putrides  avaient  une  réaction 
très  acide;  les  mouvements  et  toute  trace  de  vie  y  étaient 
éteints.  Il  semblerait  donc  cette  fois  que  la  dose  de  10  cà 
18  grammes  est  suffisante  pour  tuer  les  petits  animaux, 
les  insectes  et  la  plupart  des  protorganismes. 


262  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

En  traitant  du  mode  d'application  des  fumigations  d'a- 
cide sulfureux,  nous  montrerons  qu'un  de  nos  collègues 
de  l'armée,  le  D"-  Czernicki,  en  opérant  dans  les  salles 
de  la  caserne  du  Palais  des  Papes,  à  Avignon,  a  trouvé 
qu'il  était  nécessaire  d'atteindre  la  dose  de  35  grammes 
de  soufre  par  mètre  cube,  pour  détruire  complètement 
les  rats,  souris,  punaises,  etc.,  cachés  dans  les  fissures  ou 
les  recoins  des  parois. 

Le  travail  le  plus  récent  et  peut-être  le  plus  complet  sur 
la  valeur  désinfectante  de  l'acide  sulfureux  est  celui  du  D"" 
Wolffhiigel  de  Berlin  (1).  Nous  renvoyons  à  l'article  où 
nous  traiterons  de  la  Désinfection  des  locaux  et  des  vête- 
ments, pour  un  grand  nombre  de  détails  d'application  trai- 
tés dans  le  mémoire  de  l'auteur  avec  l'assistance  du  D"" 
Koch.  M.  Wolffhiigel  a  fait  un  grand  nombre  d'expériences 
sur  la  résistance  des  protorganismes  à  l'action  de  l'acide 
sulfureux.  En  opérant  dans  une  grande  cage  de  verre, 
avec  une  atmosphère  contenant  jusqu'à  6  volumes  d'acide 
sulfureux,  au  bout  de  96  heures  d'exposition,  les  spores  du 
sang  charbonneux  desséchées  n'avaient  pas  perdu  la  possibi- 
lité d'ensemencer  des  hquides  de  culture  et  faisaient  mourir 
en  24  heures  une  souris  inoculée.  Les  spores  charbonneuses 
desséchées  pouvaient  encore  se  cultiver  sur  la  gélatine 
après  un  séjour  de  25  heures  dans  une  chambre  bien  fer- 
mée, de  33  mètres  cubes,  où  l'on  avait  dégagé  10  volumes 
d'acide  sulfureux  pour  100  volumes  d'air  ! 

La  destruction  de  toute  vitalité  est  plus  facilement  obte- 
nue quand  les  produits  en  expérience  sont  humides  au 
lieu  d'être  desséchés,  mais  Wolffhugel  leur  a  néanmoins 
trouvé  une  résistance  surprenante.  Dans  une  cage  en 
verre,  il  dégageait  un  mélange  représentant  4  volumes  et 
demi  d'acide  sulfureux  pour  100  volumes  d'air,  et  au  bout 

(1)  Wolffhiigel,  Ueber  den  Werlh  der  schivefligen  Sauve  ah  Desinfec- 
tionsmîttel.  (Mittheilungen  ans  dom  Kaiserlichen  Gesundheilsamte,  T.  I, 
Berlin,  1882,  p.  224  et  Revue  d'hygiène,  mars  1882.) 


ACIDE  SULFUREUX.  263 

de  24  lieures  cette  proportion  n'était  descendue  qu'à 
3  volumes,  ce  qui  prouve  que  la  caisse  fermait  herméti- 
quement. On  plaça  dans  la  cage  des  fils  de  soie  chargés 
de  spor-  3  charbonneuses  puis  desséchés,  de  la  terre  de 
jardin  liche  en  spores,  etc.  On  remplit  la  cage  de  vapeur 
d'eau  et  on  y  laissa  séjourner  ces  objets  pendant  24  heures 
pour  les  rendre  humides.  Au  bout  de  ce  temps,  on  fit  ar- 
river le  gaz  acide  sulfureux  dans  la  cage,  dans  la  propor- 
tion indiquée  ci-dessus  ;  au  bout  de  24  heures,  les  spores 
charbonneuses  avaient  perdu  toute  activité,  mais  la  terre 
riche  en  spores  pouvait,  non  sans  peine,  réussir  à  ense- 
mencer des  liquides  de  cultures. 

En  recommençant  l'expérience  dans  une  chambre  bien 
close,  de  26  mètres  cubes,  le  résultat  fut  bien  différent. 
On  introduisit  48,56  volumes  de  gaz  acide  sulfureux 
pour  100  volumes  d'air  ;  au  bout  de  25  à  55  minutes,  l'air 
n'en  contenait  plus  que  4  volumes,  et  que  1,8  au  bout  de 
3  heures  ;  l'acide  s'était  diffusé  à  travers  les  porosités  de 
la  muraille,  ou  avait  disparu  par  les  fissures.  De  nombreux 
échantillons  de  terre  de  jardin  avaient  été  cachés  à  des 
profondeurs  variables  sous  les  plis  d'une  bande  de  fla- 
nelle enroulée.  Au  bout  de  24  heures,  la  terre  n'avait 
été  nullement  désinfectée  ;  mais  les  spores  charbonneuses 
imprégnées  dans  un  paquet  de  fils  de  soie  rendus  humides 
avaient  perdu  toute  vitalité. 

Dans  une  cage  en  verre,  on  plaça  de  la  terre  charbon- 
neuse, de  la  terre  de  jardin  riche  en  spores,  etc.  Après  un 
séjour  de  24  heures  dans  un  atmosphère  contenant  10  vo- 
lumes d'acide  sulfureux  pour  100,  beaucoup  de  spécimens 
restaient  intacts  et  pouvaient  ensemencer  des  liquides  de 
culture  ;  toutefois,  de  la  terre  charbonneuse  qui  avait  été 
humectée  d'eau  fut  trouvée  complètement  désinfectée. 

M.  Wolffhiigel  conclut  de  ses  expériences  que  l'acide 
sulfureux,  même  à  la  dose  de  10  volumes  pour  100,  dose 
qu'il  est  déjà  très  difficile  d'atteindre  dans  la  pratique,  est 


264  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

un  désinfectant  qui  ne  donne  pas  de  sécurité,  surtout  quand 
les  objets  suspects  ne  sont  pas  complètement  humectés 
d'eau. 

Contre  des  expériences  bien  faites,  on  ne  peut  rien  ob- 
jecter. Toutefois,  nous  ferons  remarquer  que  la  résistance 
extraordinaire  que  l'on  constate  aux  doses  très  élevées 
d'acide  sulfureux  est  surtout  le  fait  de  spores  qui  ne  sont  nul- 
lement pathogéniques  :  spores  du  bacillus  subtilis  du  foin, 
de  la  terre  de  jardin,  etc.  ;  au  contraire,  les  spores  char- 
bonneuses sont  généralement  détruites  beaucoup  plus  faci- 
lement. Ce  sont  ces  derniers  éléments  qui  nous  intéressent 
le  plus,  et  il  n'est  pas  prouvé  que  les  protorganismes  pa- 
thogéniques aient  la  même  résistance  extraordinaire  à  l'ac- 
tion de  l'acide  sulfureux.  D'autres  expériences,  citées  plus 
haut,  démontrent  heureusement  que  l'acide  sulfureux,  à 
doses  moyennes,  détruit  l'inoculabilité  de  beaucoup  de  vi- 
rus. C'est  là  le  fait  à  retenir  ;  il  ne  faut  pas,  en  raison  de 
certaines  exceptions  que  nous  ne  contestons  pas,  trop  ra- 
baisser la  valeur  désinfectante  de  l'acide  sulfureux,  qui  est 
en  réalité  l'un  des  agents  les  plus  efficaces,  les  plus  éco- 
nomiques, les  plus  facilement  applicables  que  nous  con- 
naissions. 

C'est  par  l'acide  sulfureux  que  les  sulfites  ont  des  pro- 
priétés antiseptiques  manifestes;  nous  n'avons  donc  pas 
à  en  parler  ici.  Il  en  sera  question  au  contraire  à  propos 
de  la  pratique  de  la  désinfection,  et  particulièrement  en  ce 
qui  concerne  les  sulfites  de  soude  et  de  magnésie,  auxquels 
Polli  attribuait  jadis  une  grande  valeur  comme  désinfec- 
tants ou  neutralisants  internes. 

Le  sulfite  de  soude  a  été  recommandé  en  ces  dernières 
années  par  Minich,  de  Venise  (1876),  comme  très  peu 
coûteux,  nullement  irritant,  et  comme  un  antiseptique 
assez  efficace.  On  peut  l'employer  en  pulvérisations  ou  en 
irrigations  pour  laver  les  plaies,  aux  doses  suivantes  : 

Sulfite  de  soude.    ,    ,    .    ,     100  grammes, 


FUMIGATIONS  D'ACIDE  NITRIQUE.  265 

Glycérine 50  grammes. 

Eau 1  litre. 


On  a  proposé  un  moyen  économique,  paraît-il,  d'obte- 
nir rapidement  de  grandes  quantités  d'acide  sulfureux.  On 
place  au  milieu  de  la  chambre  à  désinfecter  un  baquet 
contenant  du  bisulfite  de  chaux  sur  lequel  on  verse  de 
l'acide  chlorhydrique.  Depuis  que  l'acide  anhydre  a  pris 
un  rôle  important  dans  plusieurs  industries,  on  a  cherché 
à  l'utiHser  comme  source  de  vapeurs  sulfureuses  désinfec- 
tantes ,  mais  le  prix  en  est  encore  beaucoup  trop  élevé 
(3  à  6  francs  le  kilogramme),  pour  que  son  emploi  soit 
réalisable  dans  la  pratique  de  l'hygiène. 

Fumigations  d'acide  nitrique.  —  Voici  dans  quelles  con- 
ditions Smith  découvrit  ou  du  moins  appliqua  les  fumi- 
gations acides  qui  ont  gardé  son  nom. 

Sur  la  fin  de  l'hiver  1780,  une  épidémie  de  fièvres  ma- 
Ugnes  se  manifesta  parmi  les  Espagnols  prisonniers  qu'on 
avait  transportés  à  Winchester.  Le  D""  James  Carmichael 
Smith,  médecin  de  l'hôpital  de  Middlesex,  y  fut  envoyé  par 
la  Chambre  des  communes  pour  désinfecter  l'hôpital.  C'est 
là,  probablement,  que  Smith  employa  pour  la  première 
fois  les  vapeurs  nitriques  ;  toutefois,  il  tomba  malade  lui 
même  avant,  dit-il,  d'avoir  découvert  les  moyens  de  pré- 
venir la  contagion.  Mais  c'est  surtout  sur  plusieurs  pon- 
tons ou  navires  de  la  flotte  anglaise,  ravagés  par  le 
typhus  en  1795  et  1799,  que  Smith  et  son  auxiliaire,  le 
D""  Menzies,  réussirent  à  obtenir  une  désinfection  très  effi- 
cace par  ces  fumigations  acides.  Le  24  juin  1802,"  la 
Chambre  des  communes,  sur  une  pétition  de  Smith ^  vo- 
tait en  faveur  de  ce  savant,  à  titre  de  récompense  na- 
tionale et  d'indemnité,  une  somme  de  5,000  livres  ster- 
ling (125,000  francs).  Nous  n'avons  pas  à  rappeler  les 
protestations,    d'ailleurs   courtoises  mais  très   vives,  de 


266  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

Guyton-Morveau  (1),  qui  revendiquait  pour  lui-même  la 
priorité  de  la  découverte  du  pouvoir  désinfectant  des  fu- 
migations acides  en  général  ;  il  n'était  pas  encore  ques- 
tion du  chlore.  Voici  comment  on  opéra  sur  le  vaisseau 
hôpital  Y  Union,  à  Sheerness,  en  novembre  1795. 

«  On  fit  chauffer  du  sable  fin  dans  une  marmite  de  fer  ; 
on  en  remplit  des  capsules  de  terre  ;  dans  chacune  de  ces 
capsules  on  enfonça  une  tasse  à  thé ,  contenant  12  à 
13  grammes  d'acide  sulfurique  concentré.  Quand  l'acide 
eut  atteint  un  degré  de  chaleur  convenable  (?),  on  y  ajouta 
peu  à  peu  une  égale  quantité  de  nitre  pulvérisé.  On  remua 
le  mélange  avec  une  spatule  de  verre  jusqu'à  ce  que  la 
vapeur  se  dégageât  en  abondance.  Ces  capsules  furent 
portées  dans  tous  les  quartiers  par  des  infirmiers  et  des 
convalescents,  qui  les  posèrent  de  temps  en  temps  sous 
les  lits  des  malades  et  dans  tous  les  endroits  où  l'on  pou- 
vait soupçonner  de  l'air  putride,  La  fumigation  fut  ainsi 
continuée  jusqu'à  ce  que  tout  l'espace  des  entreponts  fût 
rempli  de  cette  vapeur,  qui  paraissait  comme  un  épais 
brouillard.  » 

Le  D'  Menzies,  qui  présida  à  ces  opérations,  ne  manque 
pas  d'observer  qu'il  fallait  procéder  avec  grandes  précau- 
tions. Pendant  le  transport  des  capsules,  un  grand  nombre 
de  malades  étaient  pris  de  toux  violente.  Il  ne  dit  pas 
malheureusement  si,  indépendamment  de  cette  toux,  il  ne 
survint  pas  des  inflammations  bronchiques  graves  chez 
ceux  qui  avaient  respiré  ces  vapeurs.  «  Tous  les  linges  et 
vêtements  de  malade  furent  exposés,  autant  que  possible, 
à  ces  vapeurs  pendant  la  fumigation.  Les  linges  sales 
furent  plongés  immédiatement  dans  l'eau  froide^  étendus 
sur  le  pont  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  presque  secs,  et  expo- 
sés à  la  fumigation  avant  d'être  envoyés  au  blanchissage.  » 

(1)  L.-C.  Guylon-Morveaii,  Traité  des  moyens  de  désinfecter  l'air,  de 
prévenir  la  contagion  et  d'en  arrêter  le  progrès;  3"=  édit.  avec  planches, 
Paris  1805,  1  vol,  in-8°  de  441  pages, 


FUMIGATIONS  D'ACIDE  NITRIQUE.  267 

L'auteur  ne  dit  pas  si  ces  effets  et  linges  étaient  altérés 
par  ces  vapeurs  nitriques. 

Pour  désinfecter  le  vaisseau  hôpital  V Union,  le  D""  Men- 
zies  dépensa  pour  la  première  fumigation,  qui  avait  lieu  le 
matin,  environ  14  onces  (350  grammes)  d'acide  sulfurique 
et  autant  de  nitrate  de  potasse,  le  tout  réparti  dans 
2T  capsules  disséminées  dans  les  différentes  parties  du 
navire  : 

12  capsules  pour  la  fumigation  du  pont  inférieur, 
10  pour  celui  du  milieu, 

2  pour  la  chambre  des  officiers, 

2  pour  celle  des  marins, 

1  pour  le  lavoir. 

Total.      27 

Une  seconde  fumigation  était  faite  le  soir  ;  mais  comme 
tout  était  fermé,  et  qu'on  n'avait  pas  la  même  facilité  pour 
introduire  de  nouvel  air,  on  jugea  qu'il  n'était  pas  néces- 
saire d'employer  la  même  quantité  de  capsules.  On  ne 
dépensa  donc  que  la  moitié  des  quantités  indiquées  plus 
haut.  Ces  fumigations  furent  ainsi  répétées  pendant 
8  autres  jours;  non  seulement  personne  n'en  éprouva  la 
moindre  incommodité,  mais  le  D""  Menzies  observa  encore 
qu'en  même  temps  la  malignité  de  la  maladie  diminuait. 
L'odeur,  qui  était  horrible  dans  les  chambres  où  s'entas- 
saient les  typhiques,  disparut  complètement,  a  L'espérance 
commença  à  reparaître  sur  tous  les  visages.  »  Le  D"-  Keir, 
qui  a  lui  aussi  été  chargé  d'appliquer  la  méthode  sur  les 
vaisseaux  anglais,  insiste  dans  son  rapport  (1796)  sur  ce 
fait,  que  par  le  procédé  de  Smith  la  fumée  est  blanche, 
qu'elle  n'est  pas  suffocante,  qu'elle  a  même  une  odeur  fort 
agréable,  qu'elle  diffère  complètement  des  vapeurs  rougeâ- 
tres,  suffocantes  d'acide  hypoazotique  qui  se  produisent  lors 
delà  dissolution  des  métaux  par  l'acide  nitrique.  Ce  n'est 
qu'à  la  fin  de  l'opération,  lorsqu'on  donnait  un  trop  grand 


268  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

coup  de  feu,  qu'il  s'élevait  quelques  vapeurs  rouges,  alors 
très  désagréables  et  nuisibles. 

Il  est  difficile  de  ne  pas  être  frappé  par  les  résultats  que 
Camichael  Smith  obtint  en  1180,  dans  cette  épidémie  de  ty- 
phus qui  sévit  à  Winchester  parmi  les  prisonniers  espa- 
gnols gardés  sur  les  pontons.  Le  tableau  suivant  parle 
mieux  que  toute  description. 

Nombre  des  prisonniers  espagnols. 

Au  total.  Malades.  Morts 

26  mars  1780 1247  60                       1 

2  avril     — 1243  106                        4 

9  avril    — 1475  ISO                      10 

16  avril     — 1457  172                      18 

23  avril    — 1433  142                      21 

30  avril    — 1412  171                     21 

7  mai      — 1388  191                      25 

14  mai   — 1351  197         27 

21  mai   — 1523  205         30 

28  mai   — 1494  226         31 

L'épidémie  devenait  si  redoutable  que  le  parlement 
appela  Smith  ;  immédiatement  celui-ci  fit  pratiquer  des  fu- 
migations d'acide  nitreux.  Le  succès  fut  rapide  : 

17  juin  1780 9  décès. 

27  juin     — 5     — 

1  juillet  — 5     — 

8  juillet  — 1     — 

L'épidémie  s'arrêta;  les  cas  de  contagion  disparurent.  Il 
importerait  toutefois  de  savoir  si,  du  28  mai  au  17  juin, 
une  amélioration  des  conditions  hygiéniques,  d'autres  in- 
fluences, n'avaient  pas  contribué  à  faire  tomber  le  nombre 
des  décès  de  31  à  9  par  jour. 

Nous  avons  cru  utile  d'entrer  dans  le  détail  des  opéra- 
tions :  car  il  y  a  un  désaccord  évident  entre  l'innocuité 
relative  des  fumigations  nitriques  faites  sur  les  pontons 
anglais  par  Sraith  lui-même  ou  ses   élèves,   et  les  acci- 


FUMIGATIONS  D'ACIDE  HYPOAZOTIQUE.  269 

dents  graves  observés  de  nos  jours  par  les  médecins  qui 
ont  voulu  employer  les  fumigations  dites  nitreuses. 

L'on  voit  qu'en  somme  Smith  ne  versait  sur  le  nitrate 
de  potasse  qu'une  petite  quantité  d'acide  sulfurique  à  la 
fois,  et  qu'il  disséminait  27  capsules,  ne  contenant  cha- 
cune que  là  grammes  d'acide  sulfurique,  dans  la  vaste 
étendue  d'un  vaisseau  servant  d'hôpital  à  la  flotte  anglaise 
et  à  la  flotte  russe  ;  il  est  certain  que  les  expérimentateurs 
modernes  ont  employé  des  doses  beaucoup  plus  considéra- 
bles d'acide,  et  que  les  vapeurs  irritantes  se  dégagent  à 
flot  dans  les  salles  qu'ils  désinfectent. 

Nous  attribuons  aujourd'hui  l'action  principale  dans  cette 
opération  à  l'acide  hypoazotique  dont  les  vapeurs  rutilantes 
sont  suffocantes  et  ont  un  pouvoir  destructeur  considérable. 
Guyton-Morveau  croyait  au  contraire,  comme  la  plupart 
des  hygiénistes  de  son  temps,  qu'il  fallait  éviter  la  pro- 
duction de  ces  vapeurs  rutilantes,  dont  la  valeur  désinfec- 
tante lui  paraissait  plus  faible  et  qu'il  reconnaît  être  tout 
à  fait  irrespirables  et  dangereuses.  Dans  son  Traité,  il  pour- 
suit avec  Odier  de  Genève  une  longue  discussion  de  prio- 
rité sur  le  procédé  à  froid  et  à  l'air  libre,  qui  permet  de 
faire  des  fumigations  nitriques,  a.  sans  aucun  mélange  de 
gaz  nitreux  »  (p.  119).  Les  Anglais  ont  conservé  dans  une 
large  mesure  l'usage  des  fumigations  à  l'aide  de  l'acide  ni- 
trique. Ils  ne  paraissent  pas  craindre  autant  que  nous  l'ac- 
tion corrosive  de  ces  vapeurs  sur  les  muqueuses  des  per- 
sonnes et  sur  les  objets  matériels.  La  différence  tient  sans 
doute  à  la  différence  du  mode  d'emploi,  aux  doses  d'acide 
décomposé,  et  aussi  à  la  confusion  trop  grande  de  l'acide 
nitreux  (AzO'"*)  avec  l'acide  hypoazotique. 

Fumigations  mtreuses  ou  d'acide  hypoazotique.  —  Quand 
on  verse  de  la  tournure  de  cuivre  dans  un  mélange  d'eau 
et  d'acide  azotique,  il  se  dégage  du  bioxyde  d'azote  qui,  en 
enlevant  de  l'oxygène  à  l'air,  se  transforme  en  ces  vapeurs 


270  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

rutilantes  et  suffocantes,  caractéristiques  de  l'acide  hypoa- 
zotique.  L'instabilité  des  composés  oxygénés  de  l'azote  est 
extrême,  et  jusqu'ici  c'est  à  l'acide  hypoazotique  que  l'on  a 
donné  le  plus  d'attention  au  point  de  vue  de  l'application  à  la 
désinfection.  Des  travaux  tout  récents  de  MM,  Girard  et 
Pabst  semblent  au  contraire  prouver  que  le  véritable  acide 
nitreux  (AzO^)  jouit  des  propriétés  désinfectantes  les  plus 
actives  à  des  doses  extrêmement  faibles,  incapables  d'im- 
pressionner les  animaux  et  l'homme  d'une  façon  gênante 
ou  dangereuse;  il  agirait  à  la  façon  de  l'ozone,  et  de  fai- 
bles quantités  arrêteraient  les  fermentations ,  stériliseraient 
les  liquides  de  culture,  etc.  L'acide  hypoazotique,  au  con- 
traire, qui  accompagne  trop  souvent  l'acide  nitreux,  serait 
un  agent  incommode  et  dangereux.  Le  savant  directeur  du 
laboratoire  municipal  nous  a  fait  assister  à  de  curieuses  ex- 
périences sur  ce  sujet;  ses  recherches  ne  sont  pas  encore 
terminées  au  moment  où  ces  feuilles  s'impriment,  mais,  dans 
la  seconde  partie  de  cet  ouvrage  (Désinfection  des  latrines), 
une  note  de  MiM.  Girard  et  Pabst  fera  connaître  les  résul  ■ 
tats  auxquels  ils]  sont  arrivés,  et  l'appareil  fort  ingénieux 
qu'ils  ont  installé  dans  plusieurs  établissements  et  hôpitaux 
pour  désinfecter  les  salles  et  les  latrines  à  l'aide  de  l'acide 
nitreux.  Nous  nous  bornerons  donc  dans  ce  chapitre  à  par- 
ler de  l'action  désinfectante  et  antiseptique  attribuée  jus- 
qu'ici à  l'acide  hypoazotique,  et  nous  éviterons  de  donner 
aux  vapeurs  formées  par  cet  acide  (AzO'')  le  nom  de  fumi- 
gations nitreuses. 

Cet  acide  agit  sur  les  matières  organiques  de  la  même 
manière  que  les  permanganates  :  sa  vapeur  a  l'avantage 
de  se  diffuser  dans  l'atmosphère  et  d'aller  atteindre  dans 
les  interstices  les  plus  reculés  les  principes  organiques  qui 
y  sont  contenus.  De  plus,  son  action  ne  s'épuise  pas  et 
est  pour  ainsi  dire  indéfinie,  car,  après  avoir  agi  sur  les 
matières  hydro-carbonées  pour  les  brûler,  il  est  réduit  à 
l'état  de   bioxyde  d'azote    (AzO'*  —  O^^rAzO-);   mais  le 


FUMIGATIONS  D'ACIDE  HYPOAZOïlUUK.  271 

bioxyde  d'azote,  en  présence  de  l'oxygène  de  l'air,  régénère 
aussitôt  l'acide  hypoazotique  (AzO^-j-O^^r  AzO'*),  et  le 
même  cercle  recommence  tant  qu'il  reste  dans  le  local  des 
substances  organiques  à  détruire  et  de  l'oxygène  libre. 
C'est  un  phénomène  analogue  à  celui  qui  se  produit  dans 
les  chambres  de  plomb ,  pour  la  formation  de  cet  acide 
nitrosulfurique  dont  MM.  Girard  et  Pabst  ont  proposé  l'em- 
ploi pour  l'assainissement  des  matières  de  vidange. 

Dans  un  rapport  lu  à  l'Académie  des  Sciences  en  1811, 
Payen  (1)  dit  qu'on  s'est  accordé  à  placer  l'acide  hypoazo- 
tique au  premier  rang  des  agents  destructeurs  des  germes 
infectieux.  «  Dans  son  action  rapide,  ce  composé  se  réduit 
lui-même  à  l'état  de  bioxyde  d'azote  neutre,  qui  emprunte 
aussitôt  à  l'air  ambiant  de  l'espace  à  désinfecter,  deux 
équivalents  d'oxygène  pour  se  reconstituer  à  l'état  de  va- 
peur nitreuse,  et  reconquérir  toute  son  énergie  première  » . 
Voici  les  précautions  que  formulait  Payen  dans  le  rapport 
cité  plus  haut  : 

«  11  faut  calfeutrer  soigneusement  avec  des  bandes  de 
papier  collé  tous  les  joints  des  croisées  et  des  portes,  avant 
de  produire  l'acide  hypoazotique.  Pour  chaque  lit,  pour  l'es- 
pace correspondant,  soit  environ  30  à  40  mètres  cubes,  on 
emploiera  :  eau  2  litres  ;  acide  azotique  ordinaire  du  com- 
merce, 1,500  grammes;  tournure  ou  planure  de  cuivre, 
300  grammes.  On  aura  disposé  d'avance  pour  ces  quan- 
tités autant  de  terrines  d'une  contenance  de  8  à  10  litres, 
qu'il  y.aura  de  lits  ou  de  capacités  de  30  à  40  mètres  cubes 
dans  le  local  ;  on  versera  dans  chaque  terrine  l'eau  et  l'acide  ; 
puis,  en  commençant  par  la  terrine  la  plus  éloignée  de  la 
porte,  on  placera  successivement  et  sans  précipitation  les 
300  grammes  de  tournure  de  cuivre  enfermés  dans  un  sac 
de  papier  grossier.  La  porte  du  local  sera  entièrement  close^ 

(1)  Payen,  Désinfection  des  locaux  affectés,  pendant  h  siège  de  Paris ^ 
aux  personnes  atteintes  de  maladies  contagieuses.  [Comptes  rendus,  6  mars 
1871.) 


272  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

et  les  choses  seront  laissées  dans  cet  état  pendant  48  heu- 
res. La  réaction  chimique  donnera  lieu  à  de  l'azotite  de 
cuivre  et  à  du  hioxyde  d'azote  qui  se  transformera  en  va- 
peur rutilante.  Après  48  heures,  on  entrera  dans  le  local 
avec  l'appareil  Galibert,  qui  permet,  par  sa  provision 
d'air,  de  pénétrer  dans  tous  les  endroits  pleins  de  gaz 
dangereux,  insalubres  ou  toxiques,  et  d'y  séjourner  même 
un  quart  d'heure  ;  on  ouvrira  les  fenêtres  ;  cette  ventilation 
éloignera  toute  vapeur  nitreuse,  »  L'emploi  d'un  appareil 
Galibert,  recommandé  par  Payen,  n'est  vraiment  pas  pra- 
tique; il  est  en  général  facile  d'établir  un  large  courant 
d'air  en  ouvrant  du  dehors  les  portes  et  même  les  fenê- 
tres, et  de  ne  pénétrer  dans  le  local  que  lorsque  toutes  les 
vapeurs  se  sont  dissipées. 

M.  J.-Lane  Notter  (1)  donne  la  supériorité  aux  fumi- 
gations dites  nitreuses  pour  la  désinfection  des  chambres  de 
malades,  mais  la  dose  qu'il  emploie  est  considérable.  Pour 
une  chambre  de  53  pieds  cubes  (1  mètre  et  demi  de  capa- 
cité), il  place  2  onces  (56  grammes)  de  copeaux  de  cuivre, 
dans  50  centimètres  cubes  d'acide  nitrique  concentré,  soit 
0,35  d'acide  nitreux  pour  cent  volumes  d'air.  Un  vase 
contenant  100  centimètres  cubes  d'infusion  de  bœuf  rem- 
plie de  bactéries,  fut  laissé  pendant  48  heures  dans  cette 
chambre  d'expérience;  au  bout  de  ce  temps,  il  n'y  avait 
aucune  trace  de  putréfaction,  l'activité  des  bactéries  était  di- 
minuée, tandis  que  la  décomposition  était  très  avancée  dans 
le  même  liquide  abandonné  dans  une  chambre  non  fumigée. 

Avec  de  telles  doses,  il  n'est  pas  étonnant  que  l'action 
antiseptique  soit  produite.  Mais  qui  songerait  à  faire  agir 
3  litres  d'acide  nitrique  pur  sur  3  kil.  360  de  copeaux  de 
cuivre  pour  désinfecter  une  chambre  cubant  100  mètres! 
Nous  regrettons  que  M.  Lane  Notter,  dont  les  deux  mé- 
moires sont  d'ailleurs  faits  dans  un  excellent  esprit,  n'ait 

(1)  D'  J.  Lanc  Nollcr,  Un  tlie  expérimental  study  of  disinfectants,  [The 
Dublin  journal  of  médical  science,  n"  114,  l"  juin  1881,  p,  508.) 


FUMIGATIONS  D'ACIDE  HYPOAZOTIQUE.  ^73 

pas  tenu  compte  des  proportions  des  désinfectants  expéri- 
mentés. Les  doses  qu'il  emploie  sont  du  reste  identiques 
avec  celles  indiquées  par  Payen. 

Les  fumigations  d'acide  hypoazotique  sont  très  dange- 
reuses. R.  Angus  Smith  dit  avoir  observé  trois  cas  de  mort 
par  l'exposition  à  ces  vapeurs,  alors  cependant  que  celles-ci 
n'impressionnaient  pas  les  sens  d'une  façon  assez  désa- 
gréable pour  avertir  les  hommes  du  danger  qu'ils  couraient. 
Gubler  noUs  racontait  qu'en  1871,  à  la  suite  de  l'épidémie 
de  variole  qui  ravagea  Paris,  on  avait  voulu  désinfecter  plu- 
sieurs salles  de  l'hôpital  Beaujon  par  les  fumigations  hypoa- 
zotiques  ;  plusieurs  personnes  qui  avaient  pénétré  sans  pré- 
caution dans  les  salles  après  l'opération  et  avant  que  la  ven- 
tilation eût  dissipé  complètement  les  vapeurs  acides,  furent 
prises  de  bronchites  généralisées  très  graves. 

Un  médecin  allemand,  Tàndler  (1),  a  observé  un  cas  de 
bronchite  grave,  produite  par  le  dégagement  d'acide  hypoa- 
zotique, chez  un  industriel  qui  préparait  du  cirage  en  ver- 
sant de  l'acide  nitrique  sur  de  la  limaille  de  fer;  les  va- 
peurs qui  se  dégagèrent  immédiatement  de  la  bonbonne 
remplirent  la  salle;  l'ouvrier  continua  à  séjourner  dans  la 
pièce  pendant  une  demi-heure,  et  il  présenta  le  jour  même 
les  symptômes  d'une  bronchite  capillaire  généralisée,  qui 
d'ailleurs  se  termina  par  la  guérison.  Tàndler  a  réuni  trois 
autres  observations  de  bronchite  grave  par  l'action  de  ces 
vapeurs,  observations  relatées  par  Sucquet,  Charier  et  Des- 
granges. La  violence  des  accidents  lui  a  paru  telle  qu'il  se 
demande  s'il  faut  l'imputer  seulement  à  la  générahsation 
extrême  de  la  bronchite,  ou  si  l'on  ne  doit  pas  invoquer  un 
véritable  empoisonnement,  une  action  spéciale  du  gaz  sur 
le  système  nerveux  par  l'intermédiaire  du  sang  directe- 
ment altéré.   Ces  fumées  sont  d'autant  plus  dangereuses 

(1)  Tàndler,  Zur  Casuistik  der  durcli  Einathmung  untersalpetersauer 
Dampfe  hervorgeriifenen  Bronchiten.  {Arcli.f.  Heilkunde,  T.  XIX,  p.  53t, 
et  Revue  d'hygiène,  1879,  p.  164.) 

Vallix.  —  Dksinfectants.  18 


274  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

qu'elles  ne  provoquent  pas  immédiatement  la  toux  comme 
celles  d'acide  sulfureux  ;  les  observations  qui  précédent  sont 
une  preuve  de  son  action  insidieuse.  Dans  les  chambres  de 
plomb  qui  servent  à  la  fabrication  de  l'acide  sulfurique,  il 
se  dégage  parfois  des  torrents  de  fumées  rutilantes  au  mo- 
ment où  les  ouvriers  y  jettent,  pour  les  laver,  de  l'eau  sur 
les  cristaux  d'acide  nitro-sulfurique  qui  se  forment  dans 
ces  chambres.  Les  ouvriers  employés  dans  ces  usines  pré- 
sentent souvent  des  inflammations  graves  et  suraiguës  de 
la  muqueuse  respiratoire,  ayant  une  telle  origine. 

Ces  fumigations  altèrent  promptement  les  tissus,  les  mé- 
taux ;  leur  action  est  par  conséquent  très  énergique  sur 
les  miasmes,  les  poussières  suspectes,  les  composés  orga- 
niques en  décomposition  :  malheureusement,  cette  causti- 
cité même  restreint  les  conditions  d'emploi  de  l'acide. 
0.  Réveil,  dans  son  mémoire  sur  les  désinfectants,  fait  un 
grand  éloge  de  cet  agent;  mais  il  nous  semble  qu'il  en 
parle  plus  en  chimiste  qu'en  praticien,  et  qu'il  n'a  pas  assez 
tenu  compte  des  difficultés  et  des  dangers  que  présente 
cette  opération  ;  elle  doit  être  réservée  pour  les  locaux  en- 
tièrement vides,  et  dont  le  matériel  a  été  enlevé. 

Il  est  évident  que  la  pratique  usitée  de  nos  jours  n'est 
en  rien  comparable  avec  celle  de  Smith  ;  nous  avons  vu 
que  ce  dernier  faisait  ses  fumigations  nltreuses,  pendant 
que  les  malades  restaient  couchés  dans  leur  lit,  et  cependant 
il  n'observait  ni  accident,  ni  malaise  chez  les  individus 
soumis  à  ces  inhalations.  Il  évitait  au  plus  haut  point  la 
formation  d'acide  hypoazotique  ;  en  tout  cas,  la  quantité  de 
ce  gaz  était  très  minime.  Il  obtenait  cependant  une  désin- 
fection véritable  ;  peut-être  produisait-il  sans  le  savoir  de 
l'acide  nitreux  (AzO^),  car  il  signale  l'odeur  agréable  que 
dégageait  l'opération,  et  en  suivant  les  expériences  de 
MM.  Pabst  et  Girard,  faites  avec  l'acide  nitreux  obtenu  des 
cristaux  des  chambres  de  plomb,  nous  avons  constaté  une 
odeur  aromatique,  éthérée,  accompagnant  le  dégagement 


FUMIGATIONS  D'ACIDE  CHLORHYDRIQUE.  273 

de  cet  acide.  Il  serait  désirable  que  les  expériences  de 
Smith  fussent  reprises,  en  employant  exactement  les  for- 
mules et  les  doses  indiquées  par  le  praticien  anglais. 

Les  seules  expériences  récentes,  à  notre  connaissance, 
sont  celles  du  médecin  américain  Sternberg,  en  1881.  Ce 
médecin,  dans  ses  études  comparatives  sur  les  divers  dé- 
sinfectants, a  vu  que  1  volume  de  vapeurs  rutilantes  dans 
100  volumes  d'air  stérilisait  le  virus  vaccin  après  6  heures 
d'exposition;  1/â  volume  pour  100  suffit  pour  rendre  sté- 
rile de  l'urine  chargée  de  bactéries  et  pour  la  rendre  inca- 
pable de  fertiliser  de  l'urine  de  culture,  mais  1/4  de  volume 
pour  100  n'a  pas  de  pouvoir  désinfectant.  Le  même  résultat 
a  été  exactement  obtenu  avec  le  gaz  acide  sulfureux.  Le 
chlore,  l'acide  nitreux,  l'acide  sulfureux  ne  sont  d'après 
lui  désinfectants  qu'à  la  dose  1  p.  100  dans  l'air. 

Fumigations  d'acide  chlorhydrique.  —  Ce  que  Guyton- 
Morveau  considérait  comme  son  plus  beau  titre  de  gloire  et 
comme  un  immense  bienfait  rendu  à  l'humanité,  ce  qui 
lui  valut  en  180o  la  récompense  très  haute  d'officier  de  la 
Légion  d'honneur,  ce  qui  fut  toute  sa  vie  l'objet  d'un  con- 
flit avec  Smith,  c'est  la  découverte  de  l'action  désinfectante 
des  fumigations  acides,  et  en  particulier  d'acide  muriatique 
simple,  c'est-à-dire  d'acide  chlorhydrique. 

Même  en  1805,  la  confusion  était  telle  entre  deux  termes 
en  apparence  semblables,  que  dans  le  procès-verbal  des 
médecins  du  lazaret  de  Marseille,  lors  d'une  apparition  de 
la  fièvre  jaune  sur  plusieurs  navires  venant  d'Espagne  et 
d'Etrurie  aux  mois  d'octobre  et  novembre  1804,  il  est  dit 
qu'on  fit  usage  du  parfum  suivant  la  méthode  de  Guijton- 
Morveaic;  or,  le  rapport  mentionne  expressément  qu'il 
s'agissait  simplement  d'un  mélange  d'acide  muriatique  et 
d'acide  sulfurique,  qui  ne  peut  dégager  du  chlore. 

Au  contraire,  Desgenettes,  dans  un  rapport  communiqué 
à  la  première  classe  de  l'Institut,  le  12  messidor  an  XIII, 
dit  que  depuis  un  an  il  a  «  continué  de  faire  dans  l'hôpital 


216  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

militaire  de  Paris  ,  des  fumigations  de  gaz  acide  mu" 
riatique  oxygéné,  suivant  le  procédé  et  la  méthode  de 
M.  Giiyton-Morveau  »  ;  il  est  probable  que  Desgenettes 
voulait  parler  des  fumigations  de  chlore,  ce  corps  étant 
alors  désigné  sous  le  nom  d'acide  muriatique  oxygéné. 
Nous  verrons  un  peu  plus  loin  comment  la  ressemblance 
apparente  de  ces  deux  expressions  a  introduit  une  confu- 
sion que  Guyton-Morveau  a  en  quelque  sorte  acceptée  et 
que  l'opinion  publique  a  consacrée. 

Les  premiers  travaux  de  Guyton-Morveau  portèrent  sur 
l'emploi  des  fumigations  acides  comme  agents  désinfec- 
tants. Guyton  partait  d'une  idée  théorique  :  il  pensait  que 
les  vapeurs  très  expansibles  de  V acide  chlorhydrique  pou- 
vaient saisir  l'ammoniaque,  qu'il  considérait  comme  le  vé- 
hicule des  miasmes  odorants,  et  les  abandonner  ainsi  à 
leur  propre  pesanteur.  Les  fumées  blanches  que  l'acide 
chorhydrique  forme  dès  que  Ton  débouche  au  voisinage 
un  flacon  d'ammoniaque,  lui  avaient  sans  doute  inspiré 
cette  théorie.  C'est  en  m 3  qu'il  fit  la  première  apphca- 
tion  publique  et  solennelle  de  son  procédé. 

Les  caves  sépulcrales  de  la  principale  église  de  Dijon 
(Saint-Étienne),  se  trouvant  remplies  à  la  suite  de  l'hiver 
de  1713  qui  n'avait  pas  permis  d'ouvrir  la  terre  gelée  des 
cimetières,  l'infection  de  ces  souterrains  puis  de  l'église 
devint  insupportable.  On  avait  tout  essayé  sans  succès. 
Le  6  mars  1773,  il  fit  verser  deux  livres  d'acide  sulfuri- 
que  concentré  sur  6  livres  de  sel  marin  ;  un  réchaud  plein 
de  cendres  chaudes  devait  échauffer  peu  à  peu  le  bocal 
contenant  le  mélange.  Le  lendemain,  on  ouvrit  les  locaux, 
où  il  n'y  avait  plus  vestige  de  mauvaise  odeur.  L'année 
suivante,  il  désinfecta  de  même  et  avec  succès  l'hôpital  de 
Dijon,  où  régnait  le  typhus;  Vicq  d'Azyr  fit  purifier  de  la 
sorte  les  étables  des  villages  que  ravageait  une  épizootie 
presque  générale  dans  le  midi  de  la  France.  La  fumigation 
guytonienne  par  le  sel  marin  et  l'huile  de  vitriol,  fut  una- 


ACIDE  CHLORHYDRIQUE.  277 

nimement  conseillée  par  l'Académie  des  sciences,  les  États 
du  Languedoc,  le  Conseil  de  santé  des  armées  et  de  la  flotte, 
de  4780  à  1805. 

Le  procédé  employé  par  Guyton-Morveau  pour  désin- 
fecter les  vaisseaux  ouverts  à  l'aide  de  l'acide  muriatique 
ordinaire  (fumigations  d'acide  chlorhydrique)  est  le  sui- 
vant :  Pour  une  capacité  de  350  mètres  cubes,  il  emploie 
les  doses  ci-dessous  : 

Sel  marin 200  grammes. 

Acide  sulfurique  à  60°  Baume.   .    .    .     240        — 

Si  on  veut  obtenir  un  dégagement  successif  de  vapeur, 
on  affaiblit  l'acide  sulfurique  en  l'étendant  d'un  volume 
égal  d'eau,  et  l'on  ne  verse  ce  mélange  que  peu  à  peu, 
par  intervalles.  Au  lazaret  de  Marseille,  on  plaçait  dans 
des  capsules  de  l'acide  chlorhydrique  au  lieu  de  sel,  et 
l'on  y  versait  de  l'acide  sulfurique.  Pour  un  navire  de 
100  à  200  tonneaux,  on  employait  360  grammes  d'acide 
chlorhydrique  et  180  grammes  d'acide  sulfurique  ;  pour 
un  appartement  de  10  mètres  de  côté  (sic),  la  dose 
était  :  acide  chlorhydrique  300  grammes,  acide  sulfurique 
150  grammes, 

«  Ces  doses  sont  pour  servir  dans  le  moment  que  ces 
appartements  ou  locaux  sont  occupés....  En  cas  de  maladie 
contagieuse,  il  faut  avant  d'habiter  ces  lieux  doubler  la 
quantité  de  chaque  dose,  et  tenir  pendant  trois  jours  con- 
sécutifs les  portes  et  les  fenêtres  exactement  fermées.  Ces 
parfums,  ajoute  le  rapport,  sont  administrés  deux  fois  par 
jour,  et  pendant  8  jours,  aux  équipages,  passagers  et  bâti- 
ments de  provenance  suspecte.  » 

Guyton-Morveau  vante  l'expansibilité  extrême  des  va- 
peurs d'acide  chlorhydrique,  qui  pénètrent  dans  toutes  les 
fissures  et  atteignent  les  parties  les  plus  élevées  des  édi- 
fices, ce  que  ne  peuvent  faire  les  vapeurs  d'acide  nitrique. 
Il  paraîtrait,  d'après  ses  observations,  que  ces  vapeurs 
chlorhydriques ,    complètement   abandonnées  aujourd'hui, 


278  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

n'étaient  pas  aussi  irritantes  qu'on  pourrait  le  croire  à 
'priori.  Nous  ne  pouvons  admettre  cependant  que  les  doses 
employées  au  lazaret  de  Marseille  fussent  inoffensives  pour 
les  hommes  habitant  les  locaux, 

Smith,  comparant  la  valeur  des  fumigations  chlorhydri- 
ques  et  nitriques,  a  tenu  pendant  un  quart  d'heure  un  oiseau 
dans  un  récipient  de  881  pouces  cubes,  rempli  de  vapeurs 
chlorhydriques  ;  il  rapporte  que  l'oiseau  en  sortit  aussi  agile 
qu'auparavant.  Lui-même  s'enferma  avec  un  collaborateur 
dans  une  chambre  de  36  mètres  cubes,  pour  juger  par  eux- 
mêmes  de  l'impression  que  pouvaient  faire  les  vapeurs 
de  cet  acide  ;  la  dose  d'acide  n'est  pas  indiquée,  mais  elle 
devait  être  très  forte,  car  les  vapeurs  obscurcissaient  les 
objets,  comme  dans  l'emploi  de  l'acide  nitrique.  Smith  et 
son  aide  disent  :  «  Nous  trouvâmes  ces  vapeurs  plus  poi- 
gnantes et  plus  irritantes  que  celles  de  l'acide  nitrique. 
Elles  nous  firent  un  peu  tousser  ;  mais  pourtant  nous  n'en 
fûmes  pas  bien  incommodés,  et  elles  n'excitèrent  point  en 
nous  ce  sentiment  de  constriction  et  de  suffocation  que 
produit  l'acide  sulfureux.  » 

Le  Conseil  de  santé,  après  trois  épreuves  dans  divers 
hôpitaux,  conclut  (14  pluviôse,  an  II)  «  que  ce  procédé 
peut  être  exécuté  sans  inconvénient  et  avec  le  plus  grand 
avantage  dans  les  salles  habitées  par  les  malades.  Odier, 
de  Genève,  dit  bien  avoir  éprouvé  que  l'odeur  du  gaz 
muriatique  est  désagréable  aux  habitants  des  salles, 
qu'elle  provoque  la  toux  chez  les  malades  atteints  de  la 
poitrine,  ce  que  l'on  comprend  sans  peine. 

Ces  fumigations  chlorhydriques  sont  à  tel  point  abandon- 
nées et  oubUées  aujourd'hui,  que  personne  ne  connaît  plus 
par  expérience  leur  efficacité,  leurs  avantages,  leurs  incon- 
vénients. Il  serait  bon  de  les  expérimenter  de  nouveau,  au 
moins  pour  les  locaux  non  habités;  leur  action  désinfec- 
tante parait  très  énergique,  si  l'on  en  juge  par  une  expé- 
rience citée  par  Guy  ton-Mor veau  ; 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  279 

e  Le  D''  Cabanellas,  lors  de  la  terrible  épidémie  de  l'An- 
dalousie, en  1780,  ayant  exposé  à  la  vapeur  de  l'acide  mu- 
riatique  simple,  pendant  16  jours,  des  morceaux  de  chair 
très  fétides,  il  n'y  eut  pas  la  plus  légère  trace  d'odeur  pu- 
tride. » 

Chlore.  — Le  chlore  gazeux  aune  densité  très  élevée:  un 
litre  de  gaz  chlore  pèse  S»"",  16  ;  un  litre  d'eau,  à  la  tempé- 
rature de -f- 80°  C,  en  peut  dissoudre  3  volumes,  soit  O""", 48 
de  chlore;  à  -j-  IT  C,  il  en  dissout  2  volumes  42,  soit 
7^,14.  Pour  obtenir  un  litre  de  gaz  chlore,  il  faut  traiter 
par  l'acide  chlorhydrique  en  excès  S  grammes  au  moins  de 
bioxyde  de  manganèse  du  commerce. 

Le  chlorure  de  chaux  sec  du  commerce,  quand  il  est  ré- 
cemment préparé ,  doit  marquer  au  moins  90  degrés  chlo- 
rométriques  (il  en  pourrait  à  la  rigueur  marquer  110), 
c'est-à-dire  que  un  kilogramme  de  chlorure  sec  doit  pou- 
voir dégager  au  minimum  90  litres  de  chlore  gazeux. 
Dans  le  commerce  ordinaire,  le  chlorure  de  chaux  sec  ne 
contient  souvent  que  80  et  même  7o  volumes  de  chlore, 
soit  250  grammes  de  chlore  gazeux  par  kilogramme;  il  est 
donc  prudent  dans  la  pratique  des  opérations  de  l'hygiène 
de  ne  compter  que  sur  ce  dernier  chiffre. 

Le  Codex  désigne  sous  le  nom  de  chlorure  de  chaux 
liquide  une  solution  qui  se  prépare  d'après  la  formule 
suivante  : 

Chlorure  de  chaux  sec 100  grammes. 

Eau 4,500         — 

Le  chlorure  de  soude  ou  d'oxyde  de  sodium,  hypochlo- 
rite  de  soude,  ou  liqueur  de  Labarraque,  contient  égale- 
ment deux  fois  son  volume  de  chlore  gazeux  et  marque 
200  degrés  chlorométriques. 

Veau  de  Javelle,  ou  hypochlorite  de  potasse,  est  une  so- 
lution incolore,  parfois  colorée  en  rose  avec  du  caméléon 
minéral  pour  lui  donner  l'aspect  commercial.  Elle  contient 


280  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

très  souvent  de  l'hypochlorite  de  soude  et  un  excès  de  car- 
bonate de  potasse.  L'eau  de  javelle  forte  du  commerce 
marque  18  degrés  à  l'aréomètre  de  Baume.  Bien  qu'elle 
soit  plus  spécialement  réservée  pour  le  blanchiment  des 
étoffes,  elle  peut  avantageusement  être  employée  comme 
désinfectant.  L'instruction  du  préfet  de  police,  en  date 
du  23  novembre  1853,  concernant  les  moyens  d'assurer 
la  salubrité  des  habitations,  recommande  l'emploi  de  l'eau 
de  Javelle  étendue  dans  100  fois  son  poids  d'eau,  pour 
laver  les  tuyaux  des  eaux  ménagères,  les  parties  dallées 
ou  pavées,  les  cours,  les  escaliers.  L'emploi  du  chlorure 
de  chaux  (hypochlorite),  dit-elle,  aurait  l'inconvénient  de 
laisser  à  la  longue  un  sel  hygroscopique  (chlorure  de  cal- 
cium), qui  entretiendrait  une  humidité  permanente,  con- 
traire à  la  salubrité. 

Les  travaux  modernes  permettent  de  se  rendre  compte 
de  l'action  désinfectante  du  chlore  :  il  décompose  l'hydro- 
gène sulfuré,  l'hydrogène  phosphore,  l'ammoniaque  et  les 
matières  organiques  volatiles,  en  s' emparant  de  leur  hy- 
drogène; l'acide  chlorhydrique,  qui  résulte  de  la  combi- 
naison du  chlore  et  de  l'hydrogène,  peut  aussi  neutra- 
liser une  certaine  quantité  d'ammoniaque;  enfin,  le  chlore 
étant  volatil  se  répand  dans  toutes  les  parties  de  l'atmos- 
phère, et  va  pour  ainsi  dire  à  la  rencontre  des  gaz  mé- 
phitiques. Quand  on  introduit  du  chlore  dans  une  éprou- 
vette  contenant  de  l'hydrogène  sulfuré,  le  volume  du 
mélange  diminue,  et  les  parois  intérieures  se  recouvrent 
de  soufre;  cette  faculté  déshydrogénante  du  chlore  expli- 
que très  bien  son  application  à  la  désinfection  de  l'air 
souillé  par  les  produits  de  la  décomposition  putride,  puis- 
que celle-ci  s'accompagne  presque  inévitablement  de  for- 
mation d'hydrogène  sulfuré. 

De  même,  la  propriété  du  chlore  de  blanchir  et  de  déco- 
lorer les  tissus  ou  les  objets,  s'explique  par  la  tendance  du 
chlore  à  soustraire  à  ces  corps  l'hydrogène  qui  entre  dans 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  281 

leur  composition.  C'est  de  la  même  façon,  c'est  en  les  dé- 
composant par  la  soustraction  de  leur  hydrogène,  c'est  en 
les  détruisant,  que  le  chlore  désinfecte  ;  il  est  vraisem- 
blable qu'il  détruit  réellement  les  miasmes  ;  malheureuse- 
ment, nous  ne  savons  pas  bien  quelle  est  la  constitution 
chimique  de  ces  miasmes. 

L'action  du  chlore  est  double  :  le  chlore  se  combine  avec 
l'hydrogène  et  forme  des  produits  nouveaux,  presque  cer- 
tainement inoffensifs;  d'autre  part,  l'oxygène,  devenu  libre 
par  la  décomposition  de  l'eau,  se  dégage  à  l'état  naissant, 
et  a  sous  cet  état  une  activité,  un  pouvoir  oxydant  qui  con- 
tribue pour  sa  part  à  la  destruction  de  la  matière  suspecte. 
Lors  de  l'emploi  des  hypochlorites,  l'acide  hypochloreux 
n'est  mis  que  peu  à  peu  en  liberté,  par  l'action  de  l'acide 
carbonique  de  l'air;  il  se  fixe  donc  sur  la  soude  une  cer- 
taine quantité  d'acide  carbonique,  et  cette  dernière  source 
d'altération  de  l'air  confiné  tend  aussi  à  diminuer  par  l'em- 
ploi des  hypochlorites. 

La  présence  de  l'acide  carbonique  dans  l'air  est  indis- 
pensable pour  provoquer  le  dégagement  du  chlore  con- 
tenu dans  les  chlorures,  et  assure  l'action  désinfectante 
de  ceux-ci.  D'Arcet  et  Gaultier  de  Claubry  ont  fait  voir 
qu'en  faisant  passer  de  l'air  putride,  privé  par  les  alcalis 
caustiques  d'acide  carbonique,  à  travers  du  chlorure  de 
chaux  sec,  cet  air  n'était  pas  désinfecté;  dès  qu'on  sup- 
prime le  flacon  laveur,  l'acide  carbonique  passe,  décom- 
pose l'acide  hypochloreux  et  la  désinfection  a  lieu. 

Dans  les  locaux  habités,  cette  action  lente  et  continue  de 
l'acide  carbonique  assure  un  dégagement  insensible,  con- 
tinu et  supportable  de  chlore.  C'est  là  un  des  avantages  du 
chlorure  de  chaux,  dont  l'odeur  est  moins  vive,  moins 
suffocante,  et  dont  le  transport  à  l'état  pulvérulent  est 
beaucoup  plus  facile  que  celui  des  acides  nécessaires  aux 
fumigations  directes  de  chlore. 

Dans  les  expériences  comparatives  faites  par  M.  Fer- 


282  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

mond  sur  les  latrines  de  la  Salpêtrière  en.  1858,  on  em- 
ployait par  jour  3  kilogrammes  de  chlorure  de  chaux  sec, 
délayés  dans  environ  10  seaux  d'eau;  ce  lait  de  chaux  était 
projeté  dans  les  fosses  de  manière  à  humecter  la  plus  grande 
partie  possible  de  leurs  surfaces  intérieures  ;  l'opération  fut 
continuée  chaque  jour  pendant  un  mois.  Dans  les  premiers 
jours,  au  moment  oîi  l'on  jetait  le  liquide  dans  la  fosse  ou 
sur  le  sol  et  les  parois  des  cabinets,  il  se  développait 
d'épais  nuages  blanchâtres,  dus  à  la  formation  d'une  abon- 
dante quantité  de  chlorhydrate  d'ammoniaque  ;  ces  va- 
peurs cessaient  de  se  former  au  bout  de  quelques  jours, 
alors  que  l'excès  d'ammoniaque  avait  disparu,  infiltré  dans 
l'épaisseur  des  murailles,  des  matériaux  poreux,  ou  accu- 
mulé dans  la  fosse. 

Cette  réaction  se  produit  souvent,  il  est  nécessaire  d'en 
donner  l'explication.  Le  chlore  ne  se  combine  pas  directe- 
ment avec  l'ammoniaque;  mais  celle-ci  est  en  partie  dé- 
composée par  le  chlore  en  hydrogène  et  en  azote.  Le  pre- 
mier de  ces  corps  se  combine  avec  le  chlore  pour  faire 
de  l'acide  chlorhydrique ,  lequel  à  son  tour  s'unit  avec 
l'ammoniaque  pour  constituer  le  sel  ammoniac  ou  chlor- 
hydrate de  cette  base.  Une  certaine  quantité  d'azote  reste 
libre,  mais  ce  gaz  est  sans  odeur. 

Le  chlore,  par  cela  même  qu'il  décompose  rapidement  les 
sels  d'ammoniaque,  détruit  ou  altère  les  engrais  ;  cette  ac- 
tion est  très  manifeste  quand  on  verse  sur  les  fumiers  du 
chlorure  de  chaux  ou  une  base  alcaline;  il  se  développe 
en  même  temps  un  gaz  très  acre.  Les  chlorures  ne  doivent 
donc  pas  être  employés,  quand  on  veut  ménager  les  ma- 
tières fertilisantes.  En  outre  il  y  a  inconvénient  à  mélan- 
ger le  chlorure  de  chaux  aux  laits  de  chaux  qui  servent  à 
blanchir  les  murailles,  parce  qu'il  se  forme  alors  un  chlo- 
rure de  calcium  déliquescent. 

Liebig  (1)  a  prétendu  que  l'usage  fréquent  du  chlore  dans 

(1)  Robert-Angus  Smith,  Loco  citato,  p.  49. 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  283 

les  hôpitaux  de  Paris  produisait  des  maladies  du  poumon. 
C'est  là  une  assertion  qui  étonnera  sans  doute  beaucoup 
les  médecins  de  nos  hôpitaux.  Il  est  évident  que  si  l'on 
exposait  des  malades  à  des  vapeurs  abondantes  de  chlore, 
on  verrait  survenir  des  bronchites  aiguës,  très  profondes, 
d'un  caractère  dangereux.  Ce  n'est  pas  dans  les  salles  oc- 
cupées des  hôpitaux  que  ce  danger  est  à  craindre.  Mais 
quand  on  procède  à  une  désinfection  énergique  par  des 
torrents  de  chlore,  dans  un  navire,  une  salle  où  a  sévi 
une  épidémie,  il  faut  empêcher  les  employés  de  séjour- 
ner dans  ces  locaux  pendant  l'opération  ;  la  suffocation 
et  la  toux  provoquées  par  ces  vapeurs  rendent  d'ailleurs 
le  plus  souvent  cette  recommandation  inutile. 

Angus  wSmith  dit  au  contraire  avoir  souvent  remarqué 
l'apparence  florissante  des  personnes  employées  aux  tra- 
vaux de  blanchiment  par  le  chlore  ;  c'est  à  la  pureté  ex- 
trême de  l'air,  à  la  destruction  constante  de  toute  ma- 
tière organique  qui  pourrait  le  souiller,  que  l'auteur 
anglais  attribue  ce  bénéfice.  Il  est  vrai  qu' Angus  Smith 
retrouve  ce  caractère  de  santé  exubérante  dans  les  pape- 
teries, jusque  chez  les  trieurs  des  chiffons  non  encore  désin- 
fectés par  le  chlore!  «les  bouchers,  dit-il,  et  les  brasseurs 
n'ont  même  pas  cette  ampleur  de  formes  et  cet  air  de 
prospérité.  »  Si  le  fait  est  général  dans  les  papeteries  an- 
glaises, il  est  difficile  d'invoquer  ici  l'action  bienfaisante 
du  chlore,  et  il  ne  semble  pas  que  le  même  résultat  soit 
obtenu  dans  les  ateliers  français. 

De  nos  jours ,  on  désigne  fréquemment  sous  le  nom 
de  fumigation  guytonienne  la  désinfection  par  le  dégage- 
ment du  chlore  gazeux.  Nous  avons  déjà  dit  que  la  mé- 
thode de  désinfection  qui  a  valu  à  Guyton-Morveau  sa 
réputation  et  sa  fortune,  consistait  dans  l'emploi  des  fumi- 
gations d'acide  chlorhydrique.  A  l'époque  où  Guyton  fit 
ses  premiers  essais  dans  l'église  Saint-Étienne  de  Dijon, 
en  1173,  le  chlore  n'était  par  encore  connu  ;  ce  n'est  qu'en 


284  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

1714  qu'il  fut  découvert  par  Scheele,  qui  lui  donnait  le 
nom  d'acide  muriatique  déphlogistiqué  :  au  contraire,  La- 
voisier,  Bertholet  et  les  partisans  de  la  théorie  antiphlo- 
gistique  désignaient  ce  nouveau  corps  sous  le  nom  d'acide 
muriatique  oxygéné.  C'est  beaucoup  plus  tard ,  au  com- 
mencement du  siècle,  que  Humphry  Davy  et  Gay-Lussac 
reconnurent  la  véritable  nature  du  chlore,  et  lui  donnèrent 
le  nom  qui  lui  est  resté. 

Guyton-Morveau  se  contentait  donc  de  faire  depuis 
24  ans  des  fumigations  d'acide  muriatique  simple  (acide 
chlorhydrique),  à  l'aide  d'un  mélange  de  chlorure  de  so- 
dium et  d'acide  sulfurique ,  mais  sans  aucune  addition 
d'oxyde  de  manganèse,  lorsqu'il  trouva,  dans  un  ouvrage 
du  D""  Rollo  sur  le  diabète,  publié  à  Londres  en  1797, 
la  description  d'un  procédé  découvert  et  employé  par 
Cruickshank.  Lui-même  le  dit  à  la  page  122  de  son 
Traité  des  désinfectants  :  «  Pour  mettre  en  action  l'acide 
muriatique  oxygéné,  à  la  manière  de  M.  Cruickshank,  ci- 
devant  décrite. . .  »  Or,  l'acide  muriatique  oxygéné,  c'est 
le  chlore ,  et  le  procédé  de  l'auteur  anglais  est  celui  qui 
est  employé  actuellement  encore  dans  tous  les  laboratoires 
de  chimie  pour  obtenir  ce  gaz.  Voici  le  procédé  indiqué 
par  Cruickshank  en  1797  :  «  On  mêle  exactement  deux 
«  parties  de  sel  commun  et  une  partie  de  manganèse  cris- 
«  tallisé  réduit  en  poudre  ;  on  met  dans  une  capsule  2  on- 
«  ces  de  ce  mélange,  une  once  d'eau,  puis  on  y  verse  une 
«  demi-once  d'acide  sulfurique  concentré,  ce  qui  se  fait 
«  en  différentes  fois . . .  Une  de  ces  capsules  suffit  pour 
«  une  salle  de  5  ou  6  lits.  » 

Guyton-3Iorveau  ne  fait  pas,  dans  la  2^  édition  de  son 
livre  publiée  en  1805,  grande  différence  entre  les  fumi- 
gations d'acide  muriatique  (ou  chlorhydrique)  et  celles 
d'acide  muriatique  oxygéné  (ou  chlore);  il  paraît  les  con- 
fondre, et  ce  n'est  que  plus  tard  qu'il  donne  la  préférence 
aux  secondes.   Il  ne  doute  pas  d'ailleurs  que  Cfuickshank 


CHLOKE.  —  CHLORURES,  ETC.  285 

n'ait  apporté  qu'une  modification  accessoire  à  sa  propre 
découverte,  et  il  ne  semble  pas  croire  que  l'auteur  anglais 
puisse  revendiquer  pour  lui  la  découverte  de  la  désinfec- 
tion par  le  chlore. 

Un  grand  nombre  d'ouvrages  modernes  continuent 
à  entretenir  cette  confusion  regrettable  entre  les  fumiga- 
tions de  chlore  et  celles  d'acide  chlorhydrique.  On  dit 
généralement  que  Vicq  d'Azir  a  employé  les  fumigations 
de  chlore  contre  les  épidémies  de  typhus  contagieux  du 
bétail  qui  ravagèrent  le  midi  de  la  France  en  1774  et  en 
1775.  Le  résultat  de  ces  expériences  avait  été  mauvais, 
il  considérait  les  vapeurs  employées  comme  un  moyen 
très  accessoire  et  bien  inférieur  à  d'autres  procédés  de 
désinfection,  notamment  aux  lavages  à  l'eau  bouillante  (1). 
M.  Reynal  cite  ses  expériences  comme  preuve  de  l'inef- 
ficacité du  chlore  ;  il  dit  que  Vicq  d'Azir  exposait  les  lin- 
ges imprégnés  de  virus  aux  vapeurs  d'acide  muriatique 
oxygéné,  dégagé  du  sel  de  cuisine  par  l'acide  sulfurique; 
le  virus,  après  cette  exposition,  était  inoculable  et  pro- 
duisait le  typhus  contagieux,  comme  avant  la  désinfec- 
tion (:2).  Mais  il  est  évident  que  l'acide  sulfurique  et  le 
sel  de  cuisine,  en  l'absence  d'oxyde  de  manganèse,  ne 
pouvaient  dégager  du  chlore;  il  ne  se  produisait  que  des 
vapeurs  d'acide  chlorhydrique.  Nous  pourrions  citer  beau- 
coup d'autres  exemples  de  cette  confusion. 

Au  surplus,  voici  la  formule  définitive  proposée  par 
Guyton-Morveau  {Traité,  1803,  p.  381)  pour  les  fumiga- 
tions de  chlore  ;  les  doses  suivantes  sont  calculées  par  lai 
pour  une  capacité  de  350  mètres  cubes  : 

Sel  commun 300  grammes. 

Oxyde  de  manganèse  pulvérisé 60        — 

Acide  sulfurique  à  66°  Baume 240        — 

(1)  Vicq  d'Azir,  Avis  aux  habitants  des  campagnes,  août  1773.  —  Exposé 
des  moyens  préservatifs  et  curatifs,  etc.,  1773. 

(2)  Reynal,  Désinfectants.  [Dictionnaire  de  médecine  et  de  chirurgie 
vétérinaire  de  Bouley.) 


286  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

'  «  Ayant  mélangé  sans  trituration  le  sel  et  l'oxyde  de 
manganèse,  on  les  mettra  dans  un  vase  de  verre  ou  de 
poterie  dure  :  le  vase  placé  au  milieu  de  la  pièce,  on  y 
versera,  en  une  seule  fois,  l'acide  sulfurique  qu'il  faut 
tenir  pour  cela  dans  un  flacon  à  large  goulot,  ou  encore 
mieux  dans  un  gobelet,  afin  que  le  jet  n'eu  soit  pas  ra- 
lenti, et  qu'on  puisse  s'éloigner  avant  d'être  incommodé 
par  la  vapeur.  Les  portes  et  fenêtres  seront  tenues  fermées 
pendant  7  à  8  heures  ;  puis,  on  les  ouvrira,  et  l'on  pourra 
alors  y  entrer  sans  éprouver  la  moindre  incommodité.  » 

Dès  1787,  Halle  et  Fourcroy  (Aimales  de  chimie,  XXVIII, 
p.  269)  avaient  employé  les  compresses  d'eau  chlorée  sur 
une  femme  attaquée  d'un  large  cancer  de  la  mamelle;  ils 
avaient  obtenu  la  disparition  de  l'odeur,  un  aspect  meil- 
leur de  la  plaie. 

Un  médecin  français,  Dizé,  a  réclamé  contre  Cruicks- 
hank  la  priorité  de  l'emploi  des  fumigations  de  chlore  : 
Dizé  prétendait  s'en  être  servi  pour  faire  cesser  une  épi- 
zootie  qui,  en  1773  et  1775,  envahit  une  grande  partie  du 
Béarn  (1). 

Masuyer,  professeur  à  l'école  de  médecine  de  Stras- 
bourg, est  un  des  premiers  qui  ait  songé  à  employer  le 
chlorure  de  chaux  à  la  désinfection  de  l'air,  de  préférence 
au  chlore  gazeux.  Ses  expériences  datent  de  1807. 

L'eau  de  Javelle  ou  hypochlorite  de  potasse  a  été  em- 
ployée à  l'armée  du  Rhin,  par  Percy  en  1793,  en  appli- 
cations désinfectantes  contre  la  pourriture  d'hôpital. 

En  1815,  une  épidémie  désolait  une  partie  de  la  Hol- 
lande. Thénard  en  fit  cesser  les  ravages  en  faisant  ré- 
pandre sur  le  sol  des  habitations  et  laver  la  surface  du 
corps  avec  des  solutions  faibles  de  chlore  ou  de  chlorures. 

Il  faut  en  rabattre  un  peu  des  éloges  excessifs  donnés 
au  chlore  par  Guy  ton  de  Morveau,  et  des  succès  qu'il  attri- 

(1)  Journal  de  chimie  médicale,  1849,  p.  MO. 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  287 

bue  à  ces  fumigations  pour  éteindre  les  épidémies  de  ma- 
ladies contagieuses. 

Déjà  Nysten,  en  1804,  avait  démontré  par  une  série 
d'observations  que  les  fumigations  de  chlore  avaient 
complètement  échoué,  et  n'avaient  en  rien  arrêté  ou  sus- 
pendu les  épidémies  de  la  fièvre  jaune,  à  Malaga  et  à 
Carthagène.  Les  épidémies  de  typhus  qui  sévirent  en 
1813,  1814  et  1821  dans  les  hôpitaux  de  l'Yonne  et  de 
la  Côte-d'Or,  n'auraient  pas,  suivant  le  même  auteur,  été 
modifiées  par  ces  fumigations. 

M.  Verheyen  rapporte  que  pendant  l'épizootie  de  typhus 
qui,  en  1826,  ravagea  les  colonies  militaires  du  gouverne- 
ment de  Novogorod ,  .Tessen  n'a  pu  parvenir ,  avec  les 
fumigations  de  chlore,  à  purifier  les  étables.  Le  même 
auteur,  dans  une  communication  inédite  à  M.  Reynal, 
assure  également  que  le  chlore  a  échoué  contre  le  virus 
de  la  péripneumonie  des  bêtes  à  cornes. 

M.  Bousquet  dit  avoir  pu  mêler  impunément  au  virus 
vaccinal  partie  égale  de  chlorure  de  soude  dissous  dans 
de  l'eau.  Dans  lo  expériences,  en  opérant  avec  des  chlo- 
rures fournis  par  M.  Labarraque  ou  par  M.  Boullay,  et  en 
augmentant  graduellement  la  dose  du  chlorure  de  manière 
qu'elle  finît  par  être  égale  à  celle  du  vaccin,  l'inoculation 
amenait  des  pustules  de  vaccine.  Nous  entrons  déjà  dans 
la  voie  expérimentale,  et  nous  trouvons  ici  les  expérien- 
ces faites  par  Renauld  à  Alfort. 

Nous  citons  ici  textuellement  M.  Reynal ,  qui  paraît 
reproduire  lui-même  le  manuscrit  inédit  de  Renault  : 
«  Dans  le  cours  de  ces  expériences,  M.  Renault  a  fait 
agir,  sur  des  matières  virulentes  solides  et  liquides,  du 
chlore  gazeux  sec  et  humide  et  des  chlorures  alcalins  ;  l'ac- 
tion s'est  prolongée  depuis  cinq  minutes  jusqu'à  16  heu- 
res ;  ces  matières  ont  été  ensuite  inoculées  à  des  animaux 
sains,  et  elles  ont  agi  comme  si  elles  n'eussent  pas  été  trai- 
tées par  le  chlore.  » 


288  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

De  ces  expériences,  il  résulte  : 

1°  Que  des  chevaux  inoculés  avec  le  virus  de  la  morve 
aiguë,  altéré  par  le  chlore,  ont  contracté  la  morve  ; 

2°  Que  des  moutons  inoculés  avec  du  sang  provenant 
d'animaux  morts  du  charbon  et  altéré  par  le  chlore  et  les 
chlorures,  ont  succombé  au  sang  de  rate  ; 

3"  Que  des  moutons  inoculés  avec  du  virus  claveleux,  à 
parties  égales  de  liqueur  de  Labarraque  marquant  2  de- 
grés 1/2  au  chloromètre,  ont  contracté  la  clavelée  ; 

4°  Que,  dans  l'épizootie  éminemment  contagieuse  des 
gallinacées  (choléra  des  poules),  le  chlore,  à  l'état  de  gaz 
sec,  de  gaz  humide  et  de  chlorure,  n'a  pas  détruit  l'élément 
virulent. 

Nous  ne  croyons  pas  possible  cependant  d'accepter  la 
conclusion  suivante  que  M.  Reynal  tire  des  expériences 
qui  précédent  :  a  Ces  faits, dit  M.  Reynal,  étabhssent  delà 
manière  la  plus  évidente  que  le  chlore  et  les  chlorures 
alcalins  ne  possèdent  pas  la  propriété  de  détruire  les  vi- 
rus; leur  action  se  borne  à  décomposer  les  matières  ani- 
males, et  à  éteindre  les  sources  de  l'infection.  »  Sans  doute, 
il  faut  rendre  à  Renault  la  justice  d'avoir  ouvert  la  voie 
à  l'étude  expérimentale  des  désinfectants,  en  prenant  pour 
base  la  persistance  de  l'inoculabilité  du  virus  soumis  aux 
agents  réputés  désinfectants;  mais,  pour  nous  au  moins, 
qui  ne  pouvons  lire  dans  l'original  son  important  mé- 
moire inédit,  ces  expériences  sont  incomplètes  et  laissent 
prise,  à  la  critique.  Quel  volume  ou  quel  poids  de  gaz 
chlore,  de  chlorure,  a  été  mis  en  contact  avec  le  virus? 
A  quel  degré  de  dilution,  sous  quelle  forme  était  ce  virus? 
Combien  de  temps  a  duré  le  contact?  Il  s'agit  ici  évidem- 
ment d'une  question  de  dose,  car  il  est  difficile  de  croire 
qu'un  virus  quelconque  puisse  résister  à  l'action  prolongée 
d'une  dose  très  concentrée  d'un  corps  aussi  actif  que  le 
chlore,  alors  surtout  que  nous  voyons  les  tissus  être  dé- 
truits et  tomber  en  écailles  après  des  expériences  de  dé- 
sinfection poussées  trop  loin. 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  289 

Nous  trouvons  heureusement,  dans  des  travaux  récents, 
des  expériences  plus  rigoureuses  qui  restituent  au  chlore  la 
valeur  relative  au  moins  qu'il  mérite.  La  vérité  se  trouve 
entre  l'optimisme  de  Guyton-Morveau  et  le  pessimisme 
de  M3I.  Renault  et  Reynal,  et  nous  verrons  que  le  chlore 
ne  mérite  vraiment  «  ni  cet  excès  d'honneur  ni  cette  indi- 
gnité ». 

Déjà  Gerlach  avait  admis  les  propriétés  neutralisantes 
du  chlore  contre  le  virus  morveux.  M.  Peuch,  professeur 
de  police  sanitaire  à  l'École  vétérinaire  de  Toulouse,  a 
repris  récemment  cette  question;  il  l'a  résolue  d'une  fa- 
çon positive  par  des  recherches  assez  rigoureuses  (1). 
Dans  un  ballon  où  se  dégageaient  des  vapeurs  de  chlore, 
on  suspendit  une  capsule  contenant  du  jetage  morveux. 
Au  bout  d'un  quart  d'heure,  le  virus  fut  recueilli  et  ino- 
culé à  une  ânesse;  les  plaies  d'inoculation  se  cicatrisèrent 
et  aucun  symptôme  de  morve  ne  se  manifesta.  Comparati- 
vement, on  inocula  à  une  chienne  du  virus  de  même  pro- 
venance qui  n'avait  pas  été  désinfecté  :  les  plaies  d'ino- 
culation s'enflammèrent,  les  ganglions  sous-glossiens  se 
tuméfièrent  ;  la  chienne  devint  manifestement  morveuse, 
et  ce  qui  le  prouve,  c'est  que  le  pus  provenant  de  sa  plaie 
d'inoculation,  transporté  sur  une  nouvelle  ânesse,  transmit 
la  morve  à  ce  dernier  animal. 

Nous  ne  méconnaissons  assurément  pas  la  valeur  des 
expériences  de  M.  Peuch,  mais  quand  on  en  lit  le  détail 
dans  le  mémoire  original  publié  dans  le  Ljjon  médical,  on 
voit  qu'on  leur  a  donné  une  signification  exagérée.  On  en 
peut  simplement  conclure,  selon  nous,  que  les  vapeurs  de 
chlore  sont  capables  de  détruire  la  virulence  du  liquide 
morveux;  mais  le  fait  important,  au  point  de  vue  de  la 
pratique,  est  la  question  de  dose.  Or,  la  dose,  dans  fexpé- 
rience  citée,  est  vraiment  exagérée,  et  à  moins  de  mettre 

(1)  Peuch,  Note  sur  l'action  antivirulente  du  chlore  et  des  hypoclilorites 
alcalins.  [Lyon  médical,  5  octobre  1879,  p.  134.) 

Vallin. — Désinfectants.  19 


290  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

en  doute  l'action  chimique  du  chlore  sur  les  matières  or- 
ganiques, il  était  impossible  que  le  virus  ne  fût  pas  détruit. 
Voici  le  texte  même  du  mémoire  de  M.  Peuch  : 

«  Dans  un  ballon  de  la  capacité  de  deux  litres,  j'ai  mis 
50  grammes  de  peroxyde  de  manganèse  et  versé  par-des- 
sus 150  grammes  d'acide  chlorhydrique  ;  ce  mélange  a 
été  agité,  puis  chauffé  légèrement,  et  le  dégagement  de 
chlore  est  devenu  bien  manifeste.  J'ai  introduit  alors  dans 
ce  ballon  une  très  petite  capsule  de  porcelaine....  aux 
deux  tiers  remplie  de  j étage  morveux.  J'ai  laissé  le  chlore 
agir  pendant  un  quart  d'heure.  Au  bout  de  ce  temps,  le 
jetage  morveux....  était  transformé  en  une  sorte  de  magma 
épais  et  blanchâtre....  qui  fut,  séance  tenante,  inoculé  à 
une  ânesse  de  dix  mois,  assez  vigoureuse,  mais  épilepti- 
que.  » 

Nous  reconnaissons,  avec  M.  Peuch,  qu'en  un  quart 
d'heure  tout  le  peroxyde  de  manganèse  n'avait  pas  décom- 
posé l'acide  chlorhydrique,  mais  il  n'est  pas  moins  vrai 
que  30  grammes  d'oxyde  de  manganèse  dans  une  capacité 
de  2  litres,  correspondent  à  loO  kilogrammes  d'oxyde  et 
3,7o0  kilogrammes  d'acide  chlorhydrique  pour  une  cham- 
bre moyenne,  d'une  capacité  de  50  mètres  cubes  !  Quelle 
conclusion  pratique  peut-on  tirer  d'une  telle  expérience 
qui,  reproduite  dans  la  plupart  des  journaux  et  des  livres 
sans  les  commentaires  indispensables,  est  certainement  ca- 
pable d'égarer  l'opinion  publique  ?  On  a  déjà  trop  de  ten-  - 
dance  à  accorder  au  chlore  une  valeur  exagérée  comme 
destructeur  des  virus,  et  il  y  a  de  graves  inconvénients  à 
entretenir  la  sécurité  trompeuse  que  donne  l'emploi  de  cet 
agent  à  des  doses  souvent  minuscules. 

M.  Peuch  a  fait  une  seconde  expérience  :  il  a  mélangé 
5  centimètres  cubes  de  jetage  morveux  frais  et  50  grammes 
d'une  solution  chlorurée  au  dixième,  c'est-à-dire  conte- 
nant 45  grammes  d'eau  et  5  grammes  de  chlorure  de  chaux 
sec  à  90  degrés  chlorométriques  ;  il  a  laissé  agir  pendant 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  291 

une  dcmi-licurc,  en  agitant  à  plusieurs  reprises.  L'animal 
inoculé  avec  ce  mélange  n'a  nullement  été  incommodé. 
L'expérience  est  faite  dans  de  meilleures  conditions;  il  n'en 
faudrait  conclure  que  ceci,  à  savoir  :  qu'en  délayant  1  ki- 
logramme de  chlorure  de  chaux  sec  dans  9  litres  d'eau  sim- 
ple, on  obtient  un  mélange  avec  lequel  on  peut  laver  avec 
grand  profit  et  désinfecter  les  mangeoires,  râteliers,  stalles 
d'écuries,  etc.,  souillés  par  le  jetage  morveux....  frais. 

Bousquet  avait  anciennement  expérimenté  l'action  du 
chlore  sur  le  vaccin  ;  il  était  arrivé  à  des  résultats  négatifs. 
Il  avait  employé  du  chlorure  d'oxyde  de  sodium  fourni  par 
Labarraque  et  par  Boullay,  en  augmentant  graduellement 
la  dose  du  chlorure  jusqu'à  avoir  parties  égales  de  vaccin 
et  de  liquide  ;  dans  13  expériences,  le  vaccin  lui  avait  sem- 
blé conserver  toutes  ses  propriétés,  et  il  en  concluait  que 
le  chlore  n'a  sur  ce  virus  aucune  action  neutralisante.  Mais 
plus  tard,  en  1848,  il  reconnut  avec  une  grande  sincérité 
qu'il  avait  mal  vu. 

«  Lorsque  je  commençai  mes  expériences,  dit-il,  j'y  met- 
tais trop  de  précipitation  ;  plus  tard,  je  me  ravisai.  Je  por- 
tai le  vaccin  et  le  chlorure  sur  une  plaque  de  verre,  je  les 
agitai  longuement  avec  la  pointe  de  la  lancette,  afin  de  leur 
donner  le  temps  d'agir  l'un  sur  l'autre;  l'expérience  (l'ino- 
culation) ainsi  faite  ne  m'ayant  donné  aucun  résultat,  je 
conclus  avec  la  même  franchise  et  avec  plus  de  raison  que 
les  chlorures  décomposent,  neutralisent  le  vaccin.  »  Nous 
allons  voir  que  des  recherches  récentes  et  rigoureuses  con- 
firment cette  dernière  opinion. 

Le  D''  John  Dougall  déposait  sur  une  plaque  de  verre  un 
mélange  à  parties  égales  de  vaccin  et  de  glycérine  neutre  ; 
il  laissait  la  plaque  pendant  trente-six  heures  sous  une 
cloche  de  verre,  où  du  chlorure  de  chaux,  placé  dans  Une 
soucoupe,  dégageait  des  vapeurs  abondantes  de  chlore.  Dou- 
gall s'assura  que  le  mélange  vaccinal  prenait  rapidement 
une  réaction  acide,  et  que  l'inoculation  était  stérile^  comme 


292  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

toutes  les  fois  que  le  vaccin,  sous  l'influence  de  tout  autre 
agent,  devenait  acide. 

Le  D""  Baxter  a  repris  récemment  ces  recherches.  Dans 
des  tubes  capillaires  gradués,  il  recueille  une  quantité  dé- 
terminée d'un  même  vaccin  liquide  ;  il  mêle  celui-ci  soit  à 
son  volume  d'une  solution  chlorée  exactement  titrée,  soit  à 
son  volume  d'une  solution  salée  (NaCl  à  0,5  p.  100).  Sur  le 
même  enfant,  il  fait  au  bras  droit  3  piqûres  avec  le  vaccin 
dilué  dans  l'eau  simplement  salée,  à  l'autre  bras  3  piqûres 
avec  le  vaccin  désinfecté  et  conservé  pendant  quelques 
heures  dans  des  tubes  à  vaccin  scellés  à  la  lampe.  Les  dé- 
tails très  minutieux  du  mélange  des  liquides  et  de  la  pré- 
paration des  tubes  sont  longuement  décrits  dans  le  mé- 
moire. 

Voici  ce  que  Baxter  a  observé  : 

Il  n'y  a  pas  de  différence  dans  les  résultats  obtenus  avec 
les  deux  vaccins,  tant  que  la  lymphe  reste  alcaline  et  tant 
que  la  proportion  du  chlore  libre  dissous  dans  le  liquide 
inoculé  ne  dépasse  pas  0s'',140  pour  100;  sur  huit  enfants, 
vingt-quatre  piqûres  avec  le  vaccin  dilué  donnent  vingt  et 
une  vésicules,  tandis  que  sur  l'autre  bras,  les  vingt-quatre 
piqûres  avec  le  vaccin  désinfecté  ne  donnent  que  dix- 
sept  vésicules  ;  la  différence  est  insignifiante,  et  l'on  peut 
dire  que  le  vaccin  a  conservé  son  activité.  Au  contraire, 
quand  on  élève  la  proportion  du  gaz  chlore  à  0s'Vl63 
pour  100  volumes  du  liquide  inoculé,  aucune  des  3  pi- 
qûres ne  donne  de  vésicule,  tandis  que  sur  l'autre  bras, 
les  3  piqûres  avec  le  vaccin  dilué  donnent  trois  vési- 
cules. 

De  plus,  avec  cette  proportion  de  chlore,  la  lymphe  vac- 
cinale devient  manifestement  acide ,  et  ce  caractère  est 
décisif  pour  Baxter  comme  pour  Dougall.  On  voit  donc 
que  pour  neutraliser  sûrement  le  vaccin,  il  faudrait  que 
la  proportion  de  chlore  dissous  dans  le  mélange  total  fût  au 
moins  de  0,20  pour  100  ou  2  grammes  pour  1 ,000.  Ajoutons, 


CHLORK.  —  CHLORURES,  ETC.  293 

comme  terme  de  comparaison,  que  la  liqueur  de  Labar- 
raque  pure  contient  au  moins  2  volumes  ou  6  grammes  de 
chlore  par  litre  ;  il  suffirait  donc,  pour  neutraliser  le  vac- 
cin, d'une  solution  au  tiers  de  cette  liqueur. 

Ces  résultats  ne  diffèrent  pas  très  sensiblement  de  ceux 
qui  ont  été  obtenus,  il  y  a  quelques  années,  par  le  docteur 
Mecklemburg  ;  toutefois  ce  dernier  indique,  pour  neu- 
traliser le  vaccin,  une  proportion  de  chlore  un  peu  plus 
forte.  Après  avoir  soumis,  sous  une  cloche  en  verre,  pen- 
dant plusieurs  heures  à  des  vapeurs  saturées  de  chlore, 
un  mélange  à  parties  égales  de  vaccin  et  de  glycérine,  il 
trouva  que  les  inoculations  réussissaient  parfaitement.  En 
mêlant  à  parties  égales  du  vaccin  pur  et  Vaqua  oxymiiria- 
tica  de  la  pharmacopée  de  Berlin  (solution  de  chlore  à 
4  grammes  p.  1,000),  les  vésicules  se  développaient  encore 
normalement.  Mecklemburg  n'indique  pas  aussi  minutieuse- 
ment que  Baxter  les  conditions  matérielles  de  ses  expé- 
riences, de  sorte  que  nous  ne  pensons  pas  que  les  pre- 
mières infirment  les  secondes.  De  son  côté,  Hoffmann  (1), 
directeur  de  l'Institut  vaccinal  de  Berlin,  a  plus  récemment 
confirmé  les  résultats  obtenus  par  Baxter. 

Mais  si  l'on  étudie  l'action  du  chlore  sur  le  vaccin, 
ce  n'est  pas  assurément  dans  la  pensée  de  l'utiliser  pour 
détruire  ce  précieux  virus.  On  suppose  assez  justement 
que,  de  l'action  d'un  agent  désinfectant  sur  le  vaccin,  on 
peut  induire  son  action  sur  le  virus  varioleux.  Or,  dans 
une  salle  ou  dans  des  effets  d'habillements  souillés  par 
des  varioleux,  ce  virus  ne  se  rencontre  guère  que  sous 
forme  de  particules  desséchées  qui  pourraient  être  moins 
facilement  impressionnées  par  le  chlore. 

Baxter  a  fort  bien  compris  la  valeur  de  cet  argument,  et 
il  a  expérimenté  l'action  de  cet  agent  sur  du  vaccin  parfai- 
tement desséché.  Voici  comment  il  a  opéré  : 

(1)  Hoffmann,  Der  Preussische  Impf-Institut.{Vierteljahrsschrift  fiir  ge- 
richtliche  Medicin,  nyr'û  1878,  et  Revue  de  Hayem,l5  avril  1879,  p.  511. 


294  DÉSINFECTANTS  BN  PARTICULIER. 

Une  solution  aqueuse  saturée  de  chlore  remplissait  le 
tiers  d'une  bouteille  à  large  ouverture  ;  à  la  face  infé- 
rieure du  bouchon  de  liège,  on  fixait  les  petites  aiguilles 
d'ivoire  qui  servent  le  plus  souvent  en  Angleterre  à  con- 
server le  vaccin  et  à  l'inoculer.  La  pointe  d'ivoire  chargée 
de  vaccin  desséché  restait  plongée,  pendant  un  temps  va- 
riable, dans  cette  atmosphère  saturée  de  chlore  ;  on  la  re- 
tirait ensuite  du  flacon  en  la  laissant  encore  au  repos,  et 
ce  n'est  que  deux  ou  trois  jours  plus  tard  qu'on  s'en  ser- 
vait pour  faire  trois  piqûres  à  un  bras  ;  comparativement 
on  piquait  l'autre  bras  avec  des  aiguilles  chargées  du  même 
vaccin,  mais  non  désinfectées.  On  opérait  de  la  même  fa- 
çon pour  l'acide  phénique  et  l'acide  sulfureux. 

ACTIO^  DES  VAPECRS  DE  CHLORE  SUR  LE  VACCIN  DESSÉCUÉ. 


■ée  de  l'exposition. 

Nombre 

obter 
les  aigui 

de  vésicules 
mes  avec 
lies  vierges. 

Nombre 
obtenues 
avec  les  aig 

de  vésicules 
sur  l'autre  bras 
uilles  désinfectées 

5  minutes. 

3 

sur  3 

piq. 

1 

sur  3  piq. 

10      — 

3 

— 

1 

— 

lo       — 

3 

— 

2 

— 

30      — 

2 

— 

0 

— 

30      — 

3 

— 

0 

— 

L'on  voit  qu'à  part  une  seule  exception,  les  trois  piqûres 
faites  sur  le  bras  de  chaque  enfant  avec  les  aiguilles  vierges 
ont  produit  trois  vésicules,  tandis  que  dans  la  plupart  des 
cas  les  trois  piqûres  faites  à  l'autre  bras  de  chaque  enfant 
avec  le  vaccin  soumis  aux  vapeurs  de  chlore  n'ont  donné 
qu'une  ou  deux  vésicules,  ou  même  rien.  En  outre,  les  pre- 
mières étaient  larges,  volumineuses,  tandis  que  les  rares 
vésicules  obtenues  avec  le  vaccin  neutralisé  étaient  très  pe- 
tites, comme  avortées. 

L'on  peut  reprocher  à  ces  recherches,  comme  à  celles  de 
M.  Peuch,  de  ne  pas  avoir  dosé  les  quantités  relatives  de 
chlore  et  de  vaccin  ;  ce  reproche  n'est  plus  applicable  aux 
résultats  qui  suivent. 


CHLORE.  —  CHLORURES,  ETC.  295 

Le  D"*  G. -M.  Steriiberg  (1),  à  la  suite  d'expériences  par- 
faitement conduites  et  faites  à  l'instigation  du  Conseil  na- 
tional sanitaire  de  Washington,  est  arrivé  à  la  conclusion 
suivante  : 

En  exposant  pendant  six  heures  ou  plus,  des  plaques 
d'ivoire  chargées  de  vaccin  desséché,  dans  une  atmos- 
phère contenant  au  moins  1  volume  pour  cent  de  gaz 
chlore,  le  vaccin  cesse  d'être  inoculable.  Sternberg  ajoute, 
d'après  d'autres  expériences,  que  cette  dose  de  1  pour  100 
dans  l'air  assure  également  la  désinfection  par  les  gaz 
acide  sulfureux  et  acide  hypoazotique.  N'oublions  pas  que 
cette  proportion  est  déjà  très  considérable,  puisqu'elle  cor- 
respond, pour  une  chambre  de  50  mètres  cubes,  à  plus 
de  5  kilogrammes  de  chlorure  de  chaux  sec  à  90  degrés 
chlorométriques ,  dont  on  ferait  dégager  tout  le  chlore , 
ce  qui  est  d'une  réalisation  fort  difficile  en  pratique. 

M.  Baxter  a  étudié  la  résistance  du  virus  septicémique 
à  l'action,  du  chlore.  Tandis  que  la  sérosité  septique,  prove- 
nant du  péritoine  d'un  cobaye,  amenait  la  mort  de  l'ani- 
mal en  48  heures,  la  même  quantité  du  même  liquide  ad- 
ditionnée de  solution  aqueuse  de  chlore  ne  troubla  en  rien 
la  santé  de  deux  animaux  de  même  sorte.  Dans  un  des  <îas, 
la  proportion  de  gaz  chlore  dans  le  mélange  total  était  de 
0^"", 01815  pour  100  ;  dans  le  second  cas,  cette  proportion 
était  de  O^^loOS  pour  100. 

L'action  du  chlore  paraît  ici  un  peu  plus  puissante 
que  sur  le  vaccin.  Il  est  regrettable  que  ces  expériences 
ne  soient  pas  plus  nombreuses,  qu'elles  n'aient  pas  été 
contrôlées  par  d'autres  observateurs,  et  qu'elles  ne  fas- 
sent pas  connaître  à  quel  degré  de  dilution  s'arrête  le  pou- 
voir neutralisant  du  chlore.  Nous  n'avons  trouvé  sur  ce 


(1)  Slernberg,  Experiments  clesigned  to  test  the  value  of  certain  gaz-eous 
and  volatile  disinfectants.  (National  Board  of  Health  Bulletin  (Washing- 
ton), 1880,  t.  le--,  p.  219,  et  1881,  p.  21.  —Revue  d'hygiène  et  de  police 
sanitaire,  1880,  p.  810.) 


296  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

sujet  qu'une  indication  très  incomplète,  dans  un  mémoire 
du  D"  Burdon-Sanderson  : 

«  Je  ne  veux  dire  qu'un  mot  d'expériences  ftiites  avec 
les  antiseptiques  par  Anders.  Il  prit  un  fluide  dont  la 
propriété  septique  avait  été  reconnue  ;  il  y  ajouta  de  l'acide 
salicylique  en  quantité  suffisante  pour  agir  comme  ger- 
micide,  et  trouva  que  malgré  cela  le  virus  était  resté 
aussi  actif  qu'avant.  Le  même  résultat  fut  obtenu  avec  le 
chlore.  » 

Nous  n'avons  pu  réussir  à  nous  procurer  le  texte  même 
des  expériences  d' Anders  (1). 

Iode  et  brome. — Drus  ses  Recherches  relatives  à  V action 
des  substances  antiseptiques  sur  le  virus  de  la  septicémie, 
M.  Davaine  (2)  n'hésite  pas  à  déclarer  que  l'iode  est  le  plus 
puissant  des  antiseptiques,  ce  mot  étant  pris  ici  dans  un 
sens  très  général.  Cette  appréciation,  venant  d'un  obser- 
vateur aussi  rigoureux,  justifie  l'importance  que  des  expé- 
rimentateurs déjà  anciens  avaient  attribuée  à  l'iode  comme 
agent  de  désinfection. 

Boinet,  dans  son  Traité  cViodothérapie,  avait  dès  1840 
consacré  un  chapitre  à  cette  action  topique  de  l'iode.  Sans 
doute  Boinet  avait  le  tort  de  confondre  les  propriétés  désin- 
fectantes d'une  substance  médicamenteuse  avec  son  action 
cicatrisante,  excitante  sur  les  bourgeons  charnus  ;  c'est,  dit- 
il,  parce  que  l'iode  est  un  modificateur  puissant  et  prompt 
des  plaies  de  mauvaise  nature,  qu'il  est  un  excellent  désin- 
fectant. Velpeau,  dans  la  grande  discussion  qui  eut  Heu  en 
1859-60,  à  l'Académie  de  médecine,  affirmait  que  depuis 


(1)  Anders  (Ernsl).  Experimentelle  Beitrage  ziir  Kenlniss  der  causal  en 
Momente  putrider  Intoxication.  Dorpal,  1876,  Dissertation  inaugurale. 

(2)  Davaine,  Recherches  relatives  à  l'action  des  substances  antiseptiques 
sur  le  virus  de  la  septicémie.  (Gazette  médicale  1874,  p.  44.  Note  lue  4 
la  Société  de  biologie,  10  janvier  1874.) 


IODE.  —  BROME.  297 

30  ans  l'usage  de  la  teinture  d'iode  pour  modifier  et  as- 
sainir les  plaies  était  généralement  adopté. 

En  1852  {Union  médicale,  p.  463  et  745),  Magendie  avait 
observé  que  les  solutions  iodées  avaient  la  propriété  de  con- 
server les  matières  animales  ;  il  garda  pendant  très  long- 
temps un  fragment  de  rate  dans  de  l'eau  iodée,  sans  au- 
cune trace  de  putréfaction,  et  proposa  l'emploi  de  ce  liquide 
pour  conserver  les  pièces  anatomiques. 

M.  Duroy  a  présenté  en  1854  à  l'Académie  de  médecine 
le  résultat  de  ses  expériences  sur  l'action  désinfectante 
de  l'iode  ;  du  lait,  du  gluten,  du  sang,  de  l'albumine  furent 
placés  dans  des  flacons  et  arrosés  chaque  jour  avec  un 
peu  d'eau  pour  en  entretenir  l'humidité.  Dans  la  moitié 
des  flacons,  on  ajouta  un  peu  d'iode  ;  les  flacons  ne  con- 
tenant pas  d'iode  exhalaient  au  bout  de  peu  de  jours  une 
odeur  putride,  tandis  que  par  l'addition  d'iode,  au  bout 
d'un  mois  ces  substances  étaient  dans  un  état  parfait  de 
conservation  et  sans  aucune  odeur. 

Les  résultats  sont  satisfaisants  ;  mais  il  faut  remarquer 
que  M.  Duroy  ajoutait  1  centigramme  d'iode  métallique 
par  gramme  de  substance  putrescible  (gluten,  sang,  albu- 
mine, etc.)  ;  la  dose  est  relativement  énorme,  puisque  pour 
conserver  ou  désinfecter  un  kilogramme  de  viande,  il  fau- 
drait 10  grammes  d'iode  métallique.  Il  ne  faudrait  donc 
pas  juger  de  la  valeur  antiseptique  ou  neutralisante  de 
l'iode  par  ces  expériences. 

Selmi  a  montré,  il  y  a  longtemps,  que  la  solution  aqueuse 
de  tartre  stibié  a  la  propriété  de  dissoudre  une  quantité  no- 
table d'iode  :  6  parties  d'émétique  et  31  parties  d'eau  dis- 
solvent 4e'', 12  d'iode.  M.  Boinet  (1)  a  employé  ces  mé- 
langes, afin  d'écarter  toute  action  de  l'alcool  dans  ses 
expériences  sur  la  valeur  antiputride  des  solutions  iodées 
et  bromées.  Il  a  même  trouvé  que  la  solution  d'émétique 

(1)  Boinel,  Des  désinfectants  et  de  leurs  applications  à  la  thérapeutique. 
[Gazette  hebdomadaire,  1862,  p.  626.) 


29S  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

bromée  avait  une  action  conservatrice  plus  énergique  que 
la  dissolution  d'émétique  iodée.  Les  liqueurs  sont  acides, 
sans  doute  par  la  formation  d'acide  iodhydrique  et  anti- 
monique.  Avec  les  solutions  formulées  plus  haut,  Boinet 
a  pu  conserver  des  préparations  anatomiques  à  l'abri  de 
toute  fermentation,  sans  altération  de  la  forme,  du  vo- 
lume, de  la  structure  des  parties.  Il  a  constaté  en  outre  de 
la  façon  la  plus  manifeste  que  les  mélanges  iodés  désin- 
fectaient rapidement  les  plaies  les  plus  infectes. 

De  son  côté,  dès  I806,  guidé  par  les  expériences  de  Rey- 
noso  qui  détruisait  les  effets  vénéneux  du  curare  par  le 
brome  et  l'iode,  0.  Réveil  (1)  institua  une  série  de  re- 
cherches pour  savoir  si  le  brome  et  l'iode  détruisaient 
également  les  propriétés  toxiques  de  certains  produits 
morbides.  Il  opéra  sur  du  pus  de  chancre,  du  vaccin,  des 
matières  en  putréfaction  et  toujours,  dit-il,  lorsque  l'ex- 
périence était  bien  faite,  il  a  constaté  que  les  propriétés 
toxiques  ou  spéciales  de  ces  divers  produits  étaient  dé- 
truites. Ces  expériences  furent  faites  comparativement  sur 
l'homme  pour  le  vaccin  et  le  virus  vénérien,  et  sur  des 
animaux  pour  le  pus  et  les  matières  en  putréfaction.  0.  Ré- 
veil conclut  de  ses  expériences  :  «  que  le  chlore,  le  brome 
et  l'iode,  détruisent  d'une  manière  certaine  l'action  toxique 
des  virus,  des  venins  et  des  matières  en  putréfaction.  »  Il 
est  regrettable  que  Réveil  n'ait  pas  donné  le  détail  de  ses 
procédés  opératoires,  et  qu'on  soit  obUgé  de  s'en  rap- 
porter à  cette  appréciation  sommaire  ;  voici  les  seuls  ren- 
seignements que  contient  son  mémoire  :  «  Le  brome  a 
paru  agir  plus  énergiquement  que  l'iode  ;  mais  son  odeur 
infecte,  son  prix  plus  élevé  et  son  action  plus  irritante, 
lui  ont  fait  préférer  l'iode,  qu'il  a  employé  sous  forme  de 
teinture.  Dans  toutes  ces  expériences,  l'iode  et  le  brome 
ont  été  administrés  à  très  faibles  doses,  afin  que  par  leur 

(1)  0.  Réveil,  Loc.  cit.  [Archives  de  médecine,  janvier  1863,  p.  5.) 


IODE.  —  BROME.  299 

action  cautérisante  ils  ne  pussent  pas  s'opposer  à  l'ab- 
sorption. »  Pour  le  pansement  des  plaies,  Réveil  a  employé 
avec  succès  une  solution  contenant  de  5  à  20  grammes  de 
teinture  d'iode  par  litre  d'eau.  La  solution  la  plus  faible 
(S  p.  1,000)  appliquée  en  fomentations  ou  en  injections 
dans  des  cas  de  gangrène  de  la  bouche,  de  rétention  du  pla- 
centa, d'eczéma  du  cuir  chevelu,  enleva  complètement 
l'odeur  qui  était  infecte. 

Beaucoup  plus  récemment,  Wernitz  (1)  a  constaté  que 
l'action  du  brome  sur  les  ferments  inorganisés  oscillait 
entre  les  doses  de  1  p.  2,840  et  de  1  p.  31,1000;  pour 
l'iode,  la  dose  nécessaire  variait  de  1  p.  1,000  à  p.  24,000. 

De  son  côté  Jalan  de  la  Croix  (2)  a  trouvé  lui  aussi  que 
l'action  antiseptique  du  brome  était  plus  puissante  que  celle 
de  l'iode.  Pour  tuer  les  bactéries  adultes  dans  du  bouillon, 
il  suffit  de  1  de  brome  sur  2,550  de  liquide  total,  tandis 
que  pour  l'iode  la  proportion  doit  être  de  1  sur  2,000  ;  la 
stérilisation  des  germes  est  obtenue  avec  le  brome  par  1 
sur  336,  avec  l'iode  par  1  sur  410. 

Pour  empêcher  du  bouillon  crû  abandonné  à  l'air  libre 
de  se  peupler  de  bactéries,  il  faut  1  p.  5,600  de  brome, 
et  1  p.  2,010  d'iode;  dans  les  deux  cas,  il  faut  pour  stéri- 
liser définitivement  les  germes  une  solution  à  1  p.  850. 

Jusqu'ici  ces  expériences  ne  nous  ont  montré  que  l'ac- 
tion antiseptique  de  l'iode  et,  à  ce  titre,  ces  observations 
eussent  pu  trouver  place  dans  le  chapitre  consacré  aux  an- 
tiseptiques. Nous  avons  préféré  cependant  ne  pas  morce- 
ler cette  étude,  et  nous  croyons  devoir  laisser  ces  deux 
agents  à  la  place  qu'ils  méritent  véritablement.  En  effet, 
nous  allons  voir  que  les  recherches  modernes  ont.  fait  re- 


(1)  Iwan  Wernitz,  Ueber  die  Wirkung  der  Antiseptica  auf  ungeformte 
Fermente;  Inaul,^  Dissert.  Dorpat,  1880. 

(2)  l)r  Nicolaï  Jalan  de  la  Croix,  Bas  Yerhalten  der  Bakterien  des  Fleis- 
chivassers  gegen  einige  Antiseptica.  {Arch.  f.  experim.  Pathologie,'iO inny. 
1881,  T.  XIII,  p.  173  à  253.) 


300  DESINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

connaître  dans  l'iode  un  agent  antivirulent  dont  on  soup- 
çonnait à  peine  la  puissance.  Déjà  Rayer  avait  employé  la 
teinture  d'iode  affaiblie  comme  agent  antivirulent  dans  la 
morve  (Laborde,  Gaz.  méd.,  1874). 

M.  Davaine,  dans  un  premier  travail  (10  janvier  1874), 
avait  étudié  l'action  de  l'iode  sur  le  virus  charbonneux, 
et  dans  21  expériences,  le  mélange  de  1  partie  d'iode  mé- 
tallique avec  12,000  parties  de  virus  dilué  rendit  com- 
plètement inerte  un  liquide  virulent  dont  2  gouttes  suffi- 
saient pour  tuer  un  cobaye. 

M.  Davaine  a  repris  et  complété  ces  recherches  en  1880 
{Académie  de  médecine,  27  juillet).  Il  mélangeait  1  centi- 
mètre cube  de  sang  charbonneux  à  1  litre  d'eau  pure;  quel- 
ques gouttes  de  ce  mélange,  inoculées  à  un  cobaye,  ame- 
naient rapidement  et  sûrement  la  mort.  Dans  ce  liquide  de 
virulence  certaine,  M.  Davaine  versait  alors  quelques  gout- 
tes d'une  solution  d'iode,  représentant  une  quantité  très 
exactement  dosée  d'iode  métallique.  Au  bout  d'une  heure 
de  contact,  le  nouveau  mélange  pouvait  être  impunément 
inoculé  aux  cobayes  ;  il  ne  produisait  plus  le  charbon.  Il 
a  vu  que  cette  neutralisation  pouvait  être  obtenue  non  plus 
par  une  solution  iodée  à  1  p.  12,000,  mais,  bien  par  1 
p.  150,000,  c'est-à-dire  en  dissolvant  1  centigramme 
d'iode  métallique  dans  1  litre  et  demi  de  virus  charbon- 
neux très  dilué,  mais  encore  très  actif.  C'est  de  ces  expé- 
riences qu'est  née  l'idée  d'employer  contre  la  pustule 
maligne  les  injections  sous-cutanées  d'eau  iodée  (20  à 
50  gouttes  d'une  solution  contenant  1  gramme  d'iode  mé- 
tallique, 2  grammes  d'iodure  de  potassium,  pour  1  litre 
d'eau).  MM.  Stanis  Cézard,  Raimbert,  Balâdoni,  Rémy, 
Labbé,  Chipault,  etc.,  par  des  injections  autour  des  pus- 
tules malignes,  par  des  applications  extérieures  et  l'inges- 
tion par  l'estomac  et  en  lavements  de  solutions  sembla- 
bles, ont  obtenu  des  succès  qui  semblent  se  confirmer. 

En  agissant  sur  du  virus  septicémique  très  dilué,  mais 


IODE.  —  BROME.  301 

encore  très  actif,  et  dont  l'inoculation  était  constamment 
mortelle,  M.  Davaine  trouva  en  1873  que  la  neutralisation 
complète  était  obtenue  en  diluant  1  gramme  d'iode  métal- 
lique dans  10  litres  du  liquide  virulent.  Il  ne  s'agit  ici 
bien  entendu  que  de  l'action  locale  et  directe  de  l'iode 
sur  le  virus,  in  vaso,  ou  à  la  rigueur  au  point  qui  vient 
d'être  inoculé.  Au  contraire,  quand  on  fait  ingérer  des 
solutions  iodées  à  un  sujet  qui  a  été  antérieurement  ino- 
culé, l'action  préservatrice  fait  complètement  défaut, 
ainsi  que  l'a  constaté  M.  Colin  (d'Alforl)  en  1875.  Mais 
il  s'agit  ici  de  désinfection  interne,  et  les  conditions 
d'expérimentation  ne  permettent  plus  de  juger  par  là  la 
valeur  de  tel  ou  tel  désinfectant. 

Il  serait  à  désirer  que  les  recherches  de  M.  Davaine  sur 
la  valeur  neutralisante  de  l'iode  fussent  reprises  pour  la 
plupart  des  virus.  En  1880,  nous  avons  essayé  l'action 
de  cet  agent  sur  le  virus  du  chancre  mou  :  chez  des  ma- 
lades du  service  de  notre  collègue  et  ami,  M.  Mathieu,  des 
chancres  dont  la  nature  bénigne  venait  d'élre  constatée 
par  le  succès  de  l'auto-inoculation,  furent  pansés  avec  de 
la  charpie  imbibée  de  teinture  d'iode  ;  le  lendemain  une 
nouvelle  inoculation  fut  tentée,  et  réussit  cette  fois  en- 
core. Chez  quelques  autres  malades  dans  des  conditions 
analogues,  du  pus  de  chancrelles  fut  recueilli  dans  un 
verre  de  montre,  mélangé  avec  une  petite  quantité  de  tein- 
ture d'iode,  et  inoculé  le  lendemain  ;  il  n'y  eut  pas  de  suc- 
cès, mais  le  pus  recueihi  dans  la  même  séance  et  gardé 
dans  un  autre  verre  de  montre  sans  addition  d'iode  resta 
également  inerte  ;  de  sorte  qu'il  n'est  pas  possible  d'at- 
tribuer l'insuccès  de  l'inoculation  à  l'action  de  l'iode.  Ces 
expériences  sur  le  virus  vénérien  sont  d'ailleurs  difficiles 
et  ne  peuvent  être  tentées  que  très  rarement  ;  il  n'est 
donc  pas  étonnant  qu'elles  n'aient  pas  encore  donné  un 
résultat  positif. 


302  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

Oxygène.  —  L'oxygène  est  le  comburant  par  excellence; 
comme  le  feu,  il  brûle  et  purifie  la  matière  organique; 
cette  action  est  d'autant  plus  marquée,  que  la  proportion 
d'oxygène  est  plus  grande  ou  que  son  renouvellement  est 
plus  rapide,  et  d'autre  part  que  le  contact  de  l'oxygène 
avec  la  matière  combustible  est  plus  immédiat  et  plus 
multiplié;  l'accès  libre  de  la  lumière  et  de  l'électricité 
activent  sans  doute  d'une  façon  très  énergique  toutes  ces 
décompositions  chimiques. 

L'oxygène  est  le  grand  purificateur  dans  la  nature.  Tout 
ce  qui  multiplie  la  surface  de  contact  entre  les  substances 
nuisibles  et  l'oxygène,  agit  dans  le  sens  de  la  désinfec- 
tion. Les  corps  les  plus  poreux,  comme  le  charbon,  ou  les 
plus  finement  divisés  comme  la  terre  sèche  pulvérisée,  ont 
un  pouvoir  désinfectant  qui  peut  à  la  rigueur  se  mesurer 
par  l'étendue  du  contact  ou  de  l'abord  de  l'oxygène'.  Les 
corps  poreux  sont  donc  des  pourvoyeurs  d'oxygène,  ils 
accélèrent  le  mouvement  de  décomposition,  et  d'autre  part 
empêchent  le  dégagement  rapide,  à  l'extérieur,  des  élé- 
ments volatils  ou  des  gaz  qui  résultent  de  la  putréfaction. 
L'eau  courante,  agitée,  battue  par  l'air  au  milieu  des  ob- 
stacles qu'elle  rencontre  sur  son  cours,  devient  dans  une 
certaine  mesure  désinfectante  par  la  provision  d'oxygène 
qu'elle  renouvelle  sans  cesse.  L'eau  la  plus  aérée,  celle  qui 
tient  en  dissolution  11  à  12  centimètres  cubes  d'oxygène 
par  litre,  n'en  contient  bientôt  plus  que  1  à  2  centimètres 
cubes,  parce  que  cet  oxygène,  en  se  hxant  sur  l'azote  de 
la  matière  organique  dissoute,  tend  à  transformer  celle-ci 
en  nitrates  inoffensifs.  Il  est  évident  que  si  l'eau  peut  in- 
cessamment reprendre,  par  l'agitation,  l'oxygène  dont 
elle  a  été  appauvrie,  la  transformation  de  la  matière  orga- 
nique en  nitrates  sera  beaucoup  plus  rapide^  et  seront 
évités  ainsi  les  dangers  des  produits  intermédiaires  de 
tranforraations,  acides  butyrique,  caproïque,  etc.,  en  gé- 
néral toxiques  ) 


OXYGÈNE.  303 

Quand  il  pleut,  la  pluie  se  charge  d'ordinaire  d'un  ex- 
cès d'oxygène,  et  non  seulement  cette  pluie  lave  mécani- 
quement le  sol,  mais  encore  elle  le  purifie  à  l'aide  de  l'ex- 
cès d'oxygène,  de  l'oxygène  allotropique  ou  de  l'ozone 
qu'elle  a  dissous.  Mais  cet  effet  bienfaisant  ne  se  pro- 
duit pas  partout;  là  où  les  populations  humaines  sont 
condensées,  lorsque  l'air  est  souillé  par  des  émanations 
industrielles  de  toutes  sortes,  par  les  fumées  des  usi- 
nes, etc.,  l'ozone  disparaît;  la  pluie  qui  tombe  n'a  plus 
dès  lors  ce  pouvoir  oxydant  qui  purifie  le  sol  et  facilite 
l'assimilation  par  les  plantes  des  principes  fécondants  de 
la  terre  cultivée.  Aussi,  l'air  de  la  campagne  est-il  plus 
purifiant,  il  désinfecte  mieux  par  exemple  une  chambre  de 
malade,  que  l'air  de  la  ville. 

Il  est  donc  parfaitement  exact  que  la  ventilation,  le  libre 
accès  de  l'air,  est  un  excellent  moyen  de  désinfection.  En 
ventilant  largement  une  chambre  souillée,  en  laissant  l'air 
circuler  librement  jour  et  nuit,  par  les  fenêtres  tenues  ou- 
vertes, on  ne  dilue  pas  simplement  le  virus,  on  n'en  dis- 
sémine pas  les  éléments  de  la  même  manière  qu'avec  un 
balai  on  dissémine,  on  éparpille  la  poussière  qui  recou- 
vre le  sol  ;  la  ventilation  renouvelle  incessamment  le  con- 
tact de  l'air,  par  conséquent  de  l'oxygène  avec  les  sub- 
stances organiques  oxydables  ;  elle  détruit  leur  agrégation 
chimique  et  par  conséquent  leur  virulence.  La  ventilation 
est  tout  à  fait  comparable  à  l'agitation,  à  l'aération  de 
l'eau  souillée,  qui  en  courant  et  se  brisant  en  cascade,  re- 
nouvelle sa  provision  d'oxygène,  et  transforme  les  matiè- 
res azotées  en  azotates. 

On  comprend  dès  lors  que  l'exposition  à  l'air,  que  la  ven- 
tilation soit  d'autant  plus  efficace  que  l'air  est  plus  pur^ 
qu'il  contient  plus  d'oxygène  allotropique,  plus  d'ozone.  On 
en  pourrait  trouver  une  nouvelle  preuve  dans  ce  fait  que 
c'est  à  la  campagne,  sur  le  pré,  qu'on  réussit  le  mieux  à 
blanchir  les  toiles,  la  cire,  etc^  ;  ces  opérations,  comme  aussi 


304  DÉSINFECTANTS  EN  PARTICULIER. 

le  rouissage  à  la  rosée  ou  rosage,  seraient  peut-être  moins 
rapides,  moins  complètes,  s'il  était  possible  de  les  prati- 
quer dans  les  étroits  espaces  libres  qu'on  rencontre  au 
milieu  des  grandes  villes. 

Cette  action  puissante  de  l'oxygène  de  l'air  a  jadis  été  at* 
tribuée  à  la  rosée  du  matin,  sans  qu'on  en  comprît  bien  le 
mécanisme.  C'est  une  des  plus  anciennes  pratiques  de  la 
désinfection  que  le  sereinage,  c'est-à-dire  l'exposition  pro- 
longée au  grand  air,  en  plein  champ,  ou  dans  les  endroits 
découverts.  Renault  a  démontré  par  des  expériences  la 
réalité  de  cette  action  neutralisante  de  l'exposition  à  l'air 
sur  un  certain  nombre  de  virus  (1). 

Les  récents  travaux  de  M.  Pasteur  peuvent  aider  à  expli- 
quer ces  faits,  et  prouveraient  que  l'action  de  l'oxygène 
n'est  pas  aussi  directement  chimique  qu'on  le  pensait.  M.  Pas- 
teur, pour  ne  citer  que  la  septicémie,  admet  qu'il  y  a  plu- 
sieurs sortes  de  septicémies  et  de  vibrions  septiques.  Ces 
derniers,  non  seulement  peuvent  vivre  sans  air  (anaéro- 
bies),  mais  encore  ils  sont  tués  et  toute  virulence  disparaît, 
par  le  contact  de  V air  prolongé  peiidant  plusieurs  heures. 
Toutefois,  dans  une  couche  épaisse  de  liquide  septique,  les 
vibrions  des  zones  profondes  sont  protégés  du  contact  de 
l'air  et  restent  préservés  par  les  organismes  ou  leurs  dé- 
bris qui  forment  une  pellicule  superficielle.  En  oiitre,  le  vi- 
brion septique  en  se  désagrégeant  se  réduit  à  l'état  de  cor- 
puscules-germes, qui  peuvent  vivre  très  longtemps  dans 
l'eau,  ou  dans  l'air  à  l'état  de  poussière.  Sous  cet  état, 
ce  germe  est  presque  inattaquable  par  l'air,  par  les  liqui- 
des corrosifs  et  coagulants  tels  que  les  acides  minéraux  ; 
il  résiste  à  une  température  de  100  degrés  et  même  à  une 
ébullition  prolongée;  dans  des  conditions  de  milieu  con- 
venable, au  contraire,  il  reproduit  facilement  le  vibrion 
septique.  C'est  cette  action  destructive  de  l'air  qui  expli- 

(1)   DÉSINFECTION,  de   Reynal   [Dictionnaire    vétérinaire   de  Bouley   el 
Reynal). 


OXYGÈNE.  305 

que  les  résultats  très  inégaux  obtenus  par  ceux  qui  ont 
tenté  la  culture  ou  la  production  du  poison  septique.  M.  Pas- 
teur nous  a  conté  comment  lui-même  avait  vu  jadis  des 
liquides  de  culture  ensemencés  avec  du  poison  septique 
rester  stériles,  parce  que,  à  cette  époque,  il  ne  savait  pas 
éviter  le  contact  de  l'air;  il  fit  ses  cultures  dans  un  flacon 
rempli  d'acide  carbonique,  et  il  obtint  le  vibrion  septique 
en  plein  développement. 

M.  Pasteur  ne  craint  pas  d'affirmer  qu'une  plaie  chi- 
rurgicale simple  peut  être  impunément  exposée  à  l'air  le 
plus  chargé  de  vibrions  septiques,  ou  lavée  avec  de  l'eau 
en  contenant  des  myriades,  sans  que  le  malade  soit  atteint 
de  septicémie  ;  mais  il  faut  que  l'abord  de  l'air  soit  inces- 
sant, car  s'il  survenait  la  moindre  stagnation  dans  un 
clapier  à  l'abri  de  l'air,  dans  une  atmosphère  d'acide  car- 
bonique ou  d'un  autre  gaz,  les  corpuscules- germes  pour- 
raient passer  à  l'état  adulte,  envahir  les  sérosités  privées 
du  contact  de  l'air  et  déterminer  des  accidents  terribles. 
C'est  en  quelque  sorte  l'explication,  sinon  la  justification, 
du  succès  des  chirurgiens  qui  gardent  leurs  plaies  libre- 
ment exposées,  constamment  baignées  par  de  l'eau  renou- 
velée ou  de  l'air  pur,  pour  ainsi  dire  sans  pansement, 
comme  dans  les  cas  d'irrigation  continue.  Il  n'est  plus  pos- 
sible dès  lors  de  trouver  dans  ce  succès  un  argument  pé- 
remptoire  contre  les  théories  parasitaires  de  la  septicémie. 

Nous  croyons  que  c'est  par  un  mécanisme  analogue, 
c'est-à-dire  par  l'action  comburante  de  l'oxygène  de  l'air, 
que  la  dessication  fait  perdre  aux  hquides  virulents  leur 
activité  et  leur  inoculabilité. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'oxygène  g&zeux  ou  les  mélan- 
ges aériformes  qui  le  contiennent  tout  formé,  dont  l'action 
désinfectante  a  été  constatée  :  on  a  également  étudié  l'effet 
des  mélanges  capables  de  dégager  facilement  et  à  l'état 
naissant  le  gaz  oxygène.  Aussi,  beaucoup  de  corps  oxy- 
dants, c'est-à-dire  ceux  qui  abandonnent  aisément  leur  oxy- 

Vallin.  —  Désinfectants.  20 


306  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

gène,  peuvent  être  considérés  à  juste  titre  comme  des 
désinfectants  :  les  acides  nitreux  et  hypoazotique  (fumiga- 
tion de  Smith)  ;  l'acide  chromique,  le  chromate  de  po- 
tasse très  usité  en  Norwège  et  très  actif;  l'acide  chlo- 
rique  et  le  chlorate  de  potasse  (?)  ;  le  permanganate  de 
potasse,  l'eau  oxygénée. 

L'action  de  ces  substances  est  très  variable,  peut-être 
parce  que  nous  ne  connaissons  pas  encore  le  meilleur 
moyen  d'utiliser  leurs  propriétés  oxydantes  en  vue  de 
la  désinfection.  Plusieurs  d'entre  ces  agents  sont  à  la  fois 
des  désinfectants,  des  antiseptiques  et  des  anti virulents.  Hâ- 
tons-nous de  démontrer  par  des  faits  et  des  expériences 
directes  l'action  destructive  et  désinfectante  de  l'oxygène. 

M.  Rabot,  de  Versailles  (4),  nous  a  fait  connaître  en  1870 
l'emploi  avantageux  qu'il  a  fait  du  dégagement  de  ce  gaz 
dans  les  salles  infectées  de  l'hôpital  de  cette  ville. 

Au  commencement  de  1868,  trois  salles  affectées  au  ser- 
vice de  chirurgie  étaient  envahies  par  la  pourriture  d'hô- 
pital, qui  y  causait  des  accidents  désastreux.  Des  vices  de 
construction  de  l'hôpital,  l'encombrement  au  commence- 
ment de  l'hiver,  d'autres  causes  encore  avaient  concouru 
à  produire  l'insalubrité  de  cet  établissement;  quand  on  entrait 
dans  les  salles,  on  percevait  une  odeur  repoussante.  L'eau 
chlorurée,  le  permanganate  de  potasse,  employés  au  la- 
vage et  au  pansement  des  plaies,  n'avaient  produit  aucune 
améHoration.  M.  Rabot,  sur  la  sollicitation  de  médecins  de 
l'hôpital,  s'avisa  de  recourir  directement  à  l'oxygène  pour 
détruire  les  matières  organiques  dont  l'analyse  révélait  la 
présence  dans  l'air. 

Chacune  des  trois  salles  cubait  de  1,000  à  1,500  mètres, 
et  contenait  de  30  à  35  lits.  Chaque  soir,  M.  Rabot  fit  ar- 
liver  dans  chaque  salle,  au  moyen  d'un  tube  de  caout- 
chouc partant  d'une  cornue  de  fer  de  grande  dimension, 

(1)  Rabcit,  Méthode  d'assrnnissement  des  hôpitaux  par  V oxygène  [Ga- 
zette hebdomadaire  de  médecine  et  de  chirurgie,  5  mai  1871,  p.  137). 


OXYGÈNE.  307 

un  volume  d'oxygène  correspondant  au  millième  du  cube 
total,  suit  1  mètre  cube  de  gaz  pour  une  des  salles,  et 
1,S00  litres  pour  chacune  des  deux  autres.  Le  matin, 
au  réveil,  les  fenêtres  étaient  largement  ouvertes  et  les 
salles  aérées  comme  d'habitude,  quand  la  température  le 
permettait  ;  après  la  fermeture  des  fenêtres,  une  pareille 
dose  d'oxygène  était  de  nouveau  introduite  dans  chaque 
pièce.  En  outre,  à  chaque  extrémité  des  salles  et  le  plus 
loin  possible  des  lits,  on  installa  un  bassin  dans  lequel  on 
versait  chaque  jour  le  mélange  suivant  : 

Peroxyde  de  manganèse 300  grammes, 

Solution  d'hypochlorile  de  chaux 5,000        — 

Ce  mélange  dégageait  lentement  et  continuellement  une 
notable  quantité  d'oxygène,  soit  d'après  le  calcul  établi  plus 
loin  par  M.  Hardy,  400  litres  environ. 

On  voit  que  dans  les  24  heures  on  versait  dans  la  capa- 
cité de  la  salle  cubant  1,000  mètres  cubes  et  occupée  par 
30  personnes,  2,500  litres  environ  d'oxygène.  L'expérience 
a  prouvé  que  cette  addition  considérable  d'oxygène  n'a  pas 
rendu  l'air  plus  irritant  pour  les  voies  respiratoires  ;  non 
seulement  personne  ne  se  plaignit,  mais  tout  le  monde  fut 
unanime  à  reconnaître  qu'un  sentiment  de  fraîcheur  avait 
remplacé  la  sensation  si  pénible  de  l'air  vicié  ;  l'odeur  mé- 
phitique qui  rendait  autrefois  l'entrée  des  salles  très  désa- 
gréable diminua  progressivement,  puis  disparut  tout  à  fait. 
Les  plaies  qui  jusque-là  avaient  un  mauvais  aspect  et  ne 
tendaient  pas  à  la  cicatrisation,  se  transformèrent  et  gué- 
rirent. Les  salles  en  un  mot  furent  complètement  assainies, 
autant  qu'on  en  peut  juger  par  les  qualités  sensibles  de 
l'air  et  par  la  marche  des  maladies  en  traitement.  Ces  fu- 
migations furent  continuées  journeUement  et  sans  inter- 
ruption pendant  une  quinzaine  de  jours.  A  la  fin  de  février, 
tout  phénomène  morbide  avait  disparu,  on  abandonna  les 
fumigations.  Mais  au  bout  de  deux  mois,  les  mêmes  acci- 


508  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

dents  se  reproduisirent,  par  suite  de  la  mauvaise  disposi- 
tion des  salles;  M.  Rabot  installa  à  nouveau  ses  appareils 
qui  ne  cessèrent  de  fonctionner  du  l"""  mai  au  30  mai  ;  cette 
fois  encore,  le  résultat  obtenu  fut  excellent  et  l'on  pourrait 
dire  concluant.  Ajoutons  que  pour  masquer  aux  yeux  des 
malades  cette  opération  chimique,  dont  ils  n'auraient  pas 
compris  la  valeur  et  pour  remonter  leur  moral  affecté,  on 
faisait  brûler  à  chaque  séance  sur  une  plaque  rougie  une 
pincée  de  poudre  odoriférante  banale;  c'est  à  cette  poudre 
sans  doute  que  beaucoup  attribuèrent  l'assainissement  des 
locaux. 

M.  Rabot  a  cru  inutile  dans  son  mémoire  de  chercher 
dans  les  différentes  théories  actuellement  en  usage  une 
explication  de  l'action  de  l'oxygène  en  pareil  cas.  Il 
ne  veut  pas  élever  de  discussion  sur  la  présence  ou  l'ab- 
sence de  l'ozone  pendant  la  réaction  qui  se  produit;  l'on 
voit  que  pour  lui  l'ozone  est  encore  un  agent  probléma- 
tique. Nous  croyons  qu'il  est  sage  d'imiter  à  cette  place 
une  telle  réserve  ;  contentons-nous  d'attirer  l'attention  sur 
les  services  que  peuvent  rendre  ces  fumigations  d'oxy- 
gène. De  nouvelles  observations  sont  encore  nécessaires 
pour  en  affirmer  la  valeur,  mais  tout  doit  encourager  à  en 
poursuivre  l'emploi,  la  théorie  et  la  pratique  semblent 
d'accord  pour  en  recommander  l'usage. 

Depuis  quelques  années,  la  fabrication  économique  de 
l'oxygène,  son  utilisation  industrielle  et  thérapeutique 
ont  fait  de  grands  progrès,  et  il  serait  facile  de  reprendre 
sur  une  grande  échelle  ou  de  reproduire  les  expériences 
de  M.  Rabot. 

M.  J.  Day  (1)  a  récemment  confirmé  ces  recherches. 
Il  rappelle  que  certains  corps,  les  huiles  essentielles,  beau- 
coup de  carbures,  absorbent  l'oxygène  atmosphérique  et 

(1)  J.  Day,  Nascent  oxijrjen  as  a  disinfectant  and  disodorant  [Médical 
Times  and  Gazette,  17  ao-il,  1878,  p.  193,  et  Revue  des  sciences  médicales 
de  Hayem,  avril  1878,  p.  rjl8). 


EAU  OXYGÉNÉE.  309 

le  convertissent  en  peroxyde  d'hydrogène;  ce  dernier  se 
décompose  au  contact  du  sang,  et  l'oxygène,  très  actif,  s'en 
dégage  à  l'état  naissant.  Il  a  utilisé  cette  propriété  désin- 
fectante de  l'oxygène  en  enduisant  les  pièces  des  bandages 
d'une  solution  ainsi  composée  : 

Essence  de  lôrébenihine   1  partie. 

Benzine 1      — 

Huile  essentielle  de  verveine  ....     5  gouttes  par  once  de  liquide. 

Mais  le  mode  d'action  d'un  tel  mélange  paraîtra  peut-être 
plus  discutable  que  ne  le  pense  M.  Day. 

Nous  n'avons  pas  à  décrire  ici  le  peroxyde  cVhijdro(jène, 
ou  eau  oxygénée.  Quand  on  répand  ce  liquide,  en  appa- 
rence semblable  à  de  l'eau,  sur  les  matières  en  pleine  dé- 
composition, l'odeur  de  putréfaction  disparaît  immédiate- 
ment ;  elle  est  remplacée  par  un  arôme  particulier,  pé- 
nétrant, qui  tient  sans  doute  à  la  production  d'ozone.  L'eau 
oxygénée  abandonne  immédiatement  son  excès  d'oxygène 
à  la  matière  organique  et  il  ne  reste  plus  que  de  l'eau 
pure  ou  protoxyde  d'hydrogène  ;  malheureusement  son  ac- 
tion s'épuise  rapidement  avec  la  perte  de  son  oxygène  et 
elle  n'agit  que  sur  les  solutions  ne  contenant  qu'une  faible 
proportion  de  matière  organique  altérée.  Angus  Smith,  en 
1869,  proclamait  déjà  que  c'était  le  désinfectant  par  ex- 
cellence, le  désinfectant  de  l'avenir;  il  admettait  cependant 
que  sa  chèreté  en  rendait  l'emploi  presque  impossible  dans 
la  pratique.  Si,  dit-il  (p.  38)  l'on  pouvait  forcer  l'eau  à  se 
combiner  avec  100  volumes  d'oxygène,  aucune  souillure 
ne  pourrait  lui  résister.  » 

Les  recherches  récentes  de  MM.  Guttman,  P.  Ré- 
gnard,  etc.,  viennent,  dans  une  certaine  mesure,  confirmer 
les  prévisions  d' Angus  Smith ,  et  témoigner  de  l'action 
destructive,  désinfectante,  énergique  de  l'eau  oxygénée. 
S'inspirant  des  beaux  travaux  de  M.  Paul  Bert  sur  la 
propriété  qu'a  l'oxygène  sous  pression  de  tuer  tout  être 


310  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

vivant  et  organisé,  M.  Paul  Régnard  (1)  a  expérimenté 
l'action  de  l'eau  oxygénée^  qui  contient  chimiquement  et 
pour  ainsi  dire  toujours  en  tension,,  de  l'oxygène  à  l'état 
naissant. 

Dans  des  flacons  renfermant  une  solution  de  levure  de 
bière,  du  vin  rouge,  du  lait,  du  blanc  d'œuf,  de  la  le- 
vure sucrée,  de  l'urine,  de  l'amidon  cuit  mélangé  avec  de 
la  salive  mixte  ou  du  suc  pancréatique,  etc. ,  il  ajoute 
1  centimètre  cube  d'eau  oxygénée  par  100  grammes  de 
liquide.  Son  eau  oxygénée  est  d'ailleurs  très  pure,  exempte 
de  baryum  et  d'acide  chlorhydriquo  ;  elle  a  été  neutralisée 
par  le  nitrate  d'argent.  Dans  les  flacons  où  l'on  n'ajoutait 
pas  d'eau  oxygénée,  les  matières  organiques  se  putré- 
fiaient, se  couvraient  rapidement  de  moisissures,  déga- 
geaient une  odeur  repoussante  ;  au  contraire,  dans  ceux: 
qui  contenaient  cette  petite  quantité  d'eau  oxygénée,  les. 
matières  se  conservaient  parfaitement,  et  au  bout  d'un 
mois  elles  ne  dégageaient  aucune  odeur  appréciable.  Le^ 
résultat  est  semblable  à  ceux  que  M.  Bert  obtient  sous. 
des  cloches  où  l'oxygène  est  comprimé  à  10  et  20  atmos- 
phères; il  ne  serait  même  pas  impossible  que  dans  ces 
dernières  expériences,  le  résultat  fut  imputable  à  l'eau 
oxygénée  qui  se  produirait  pendant  la  compression. 

MM.  P.  Bert  et  Péan  (Académie  des  Sciences,  3  juillet 
1882)  ont  employé  avec  succès  l'eau  oxygénée  neutre, 
privée  d'acide  sulfurique  à  2  volumes  d'oxygène  par  litre 
pour  lavages  et  pansements  antiseptiques,  à  6  volumes 
pour  pulvérisations. 

M.  Damaschino  (2)  a  fait  une  heureuse  application  de  ces 
données,  en  employant  l'action  destructive  de  l'eau  oxy- 


(i)  Bert  et  Régnard,  Infltience  de  Veau  oxygénée  siirla  fermentation 
[Gazelle  médicale  de  Paris,  1880,  p.  359),  et  Académie  des  Sciences, 
22  mai  1882. 

(2)  Damaschino,  Du  traitement  da  muguet  par  l'eau  oxygénée  [France 
médicale,  janvier  1881,  p.  5). 


EAU  OXYGÉNÉE.  311 

gênée  au  traitement  du  muguet.  11  fait  faire  3  ou  4  fois 
par  jour  le  lavage,  avec  cette  eau,  des  muqueuses  recou- 
vertes d'algues  parasitaires,  sans  négliger  d'ailleurs  le 
traitement  général  et  le  lavage  fréquent  avec  des  eaux  alca- 
lines. Le  résultat  obtenu  a  paru  excellent,  et  constitue  une 
sorte  d'expérience  confirmative  de  celles  que  M.  Régnard 
a  faites  dans  le  laboratoire. 

L'industrie  anglaise  emploie  depuis  quelques  années 
pour  le  blanchiment  des  laines  un  liquide  incolore  , 
inodore,  désigné  sous  le  nom  de  peroxyde  d'hydrogène, 
et  dont  l'élément  actif  est  de  l'eau  oxygénée  très  diluée; 
un  litre  de  ce  liquide  peut  dégager  10  litres  d'oxygène. 
P.  Guttmann  a  expérimenté  de  son  côté  l'action  antisep- 
tique de  ce  produit.  En  mêlant  1  partie  de  la  solution 
anglaise  avec  10  parties  d'urine,  au  bout  de  9  mois 
on  ne  découvre  dans  le  mélange  ni  mauvaise  odeur,  ni 
fermentation,  ni  trace  de  bactéries  ;  il  a  obtenu  les  mêmes 
résultats  avec  de  la  bière,  delà  glycose.  Mais,  en  injectant 
sous  la  peau  d'un  lapin  1  gramme  de  cette  eau  oxygénée 
diluée,  la  mort  survient  rapidement  par  asphyxie  ;  des  bulles 
d'oxygène  deviennent  libres,  obstruent  le  cœur  droit,  les 
petites  branches  de  l'artère  pulmonaire,  et  interrompent  la 
circulation  dans  le  poumon  :  quand  ces  bulles  sont  petites, 
en  faible  quantité,  elles  se  résorbent,  et  les  accidents  dispa- 
raissent rapidement.  Il  est  d'ailleurs  facile  de  renoncer  à 
l'emploi  intravasculaire  de  l'eau  oxygénée  ! 

Que  l'oxygène  désinfecte  en  brûlant  directement  la  ma  • 
tière  suspecte  très  divisée,  ou  bien  en  asphyxiant  les 
microbes  des  fermentations  organiques,  il  est  certain  que 
son  action  est  d'autant  plus  vive  ([ue  l'oxygène  se  trouve 
à  l'état  naissant. 

Berzélius  avait  remarqué  depuis  longtemps  qu'en  met- 
tant en  contact  avec  des  dissolutions  de  chlorure  de  chaux 
certains  oxydes  métalliques,  en  particulier  des  suroxydes  de 
plomb  et  de  manganèse,  il  se  fait  à  froid  un  dégagemejit 


312  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

continu  d'oxygène;  ce  dégagement  dure  jusqu'à  décompo- 
sition complète  du  chlorure  calcique.  Floitman  avait,  en 
187S,  obtenu  le  même  effet  en  chauffant  une  dissolution 
concentrée  de  chlorure  de  chaux  dans  laquelle  il  versait 
quelques  gouttes  de  chlorure  de  cobalt  ;  Stalba  réussit 
également  avec  le  chlorure  de  cuivre.  Winkler  s'est  efforcé 
de  rendre  cette  préparation  de  l'oxygène  applicable  à  l'in- 
dustrie ;  il  opérait  sur  une  grande  échelle  :  il  dirigeait  un 
courant  de  chlore  dans  un  lait  de  chaux  contenant  quel- 
ques gouttes  d'une  dissolution  de  chlorure  de  cobalt. 

M.  Hardy,  dans  une  communication  faite  à  la  Société 
de  thérapeutique  et  publiée  dans  la  Gazette  médicale  de 
1871  (p.  134),  a  fait  ressortir  les  avantages  de  cette  com- 
binaison du  chlorure  de  chaux  et  du  dégagement  continu 
d'oxygène  pour  l'assainissement  et  la  désinfection  des  lo- 
caux. Il  fait  voir  que  «  dans  ces  réactions,  les  sels  se  dé- 
composent, l'oxyde  métallique  qui  se  forme  agit  comme 
moyen  de  transport  de  l'oxygène.  Il  se  peroxyde  d'abord, 
se  réduit  ensuite,  se  peroxyde  de  nouveau  et  continue  à 
subir  la  même  série  d'oxydations  et  de  réductions  successi- 
ves, tant  que  le  chlorure  de  chaux  n'est  pas  complètement 
transformé  en  chlorure  de  calcium.  Il  suffît  donc  d'une 
quantité  extrêmement  faible  d'oxyde  métallique  pour  pro- 
duire un  dégagement  continu  de  gaz.  »  Cette  décompo- 
sition facile  du  chlorure  de  chaux  peut  être  utilisée  au 
point  de  vue  de  i  hygiène.  Chaque  kilogramme  de  chlo- 
rure de  chaux,  en  présence  des  oxydes,  doit  fournir 
théoriquement  88  litres  d'oxygène;  mais  en  raison  des 
impuretés  que  le  sel  renferme  toujours,  la  quantité  d'oxy- 
gène est  un  peu  plus  faible.  Si  donc,  dans  un  espace  limité, 
rempli  d'air  vicié,  on  introduit  un  vase  contenant  une  quan- 
tité suffisante  de  chlorure  de  chaux,  d'eau  bouillante,  et 
des  traces  d'un  sel  de  cuivre  ou  de  cobalt,  on  obtient  im- 
médiatement un  dégagement,  d'oxygène  qui  se  mêle  à  l'air 
ambiant.  On  peut  arriver  de  cette  façon  à  purifier  l'air  des 


OZONE.  313 

puits,  des  fosses,  des  salles  de  réunion  publique,  d'hô- 
pitaux, etc.  Le  dégagement  d'oxygène  continue  à  se  faire 
lentement  quand  on  abandonne  le  mélange  à  lui-même  à 
froid.  On  pourrait  être  tenté  de  considérer  ce  procédé  simple- 
ment comme  un  perfectionnement  de  l'emploi  du  chlorure 
de  chaux,  mais  on  voit  qu'ici  ce  n'est  plus  le  chlore  qui 
en  se  dégageant  purifie  l'air,  c'est  l'oxygène  à  l'état  nais- 
sant, qui,  sous  cet  état,  paraît  agir  plus  activement  pour 
détruire  les  matières  organiques  et  peut-être  les  ferments 
organisés  contenus  dans  l'atmosphère. 

OzÔNE.  —  D'après  un  grand  nombre  de  chimistes, 
c'est  à  cet  état  allotropique  connu  sous  le  nom  d'ozone, 
qu'il  faudrait  attribuer  l'action  beaucoup  plus  vive  de 
l'oxygène  à  l'état  naissant.  L'ozone  paraît  être  un  désin- 
fectant très  puissant;  il  existe  même  aujourd'hui  une  ten- 
dance peut-être  exagérée  à  entrevoir  l'intervention  de 
l'ozône  dans  un  nombre  incroyable  de  phénomènes  chi- 
miques, et  à  invoquer  cet  agent  pour  expliquer  le  mode 
d'action  de  beaucoup  de  désinfectants. 

Ce  qui  n'est  pas  douteux  c'est  que,  à  l'état  d'ozone, 
l'oxygène  a  une  activité  particulière  ;  l'ozône,  surtout  dans 
l'air  humide,  oxyde  l'argent  à  la  température  ordinaire,  et 
le  transforme  en  bioxyde.  Il  paraît  jouer  un  rôle  considé- 
rable dans  la  nitrification  spontanîe;  les  phénomènes  élec- 
triques qui  se  produisent  dans  la  plupart  des  réactions 
chimiques  s'accompagnent  de  la  formation  d'une  quantité 
appréciable  d'ozone. 

L'ozône  existe  en  quantité  très  sensible  dans  l'atmos- 
phère. L'air  de  la  campagne  en  renferme  d'après  I!ouzeau, 
au  maximum  1  sur  4SO,000  en  poids  ou  1  sur  700,000  en 
volume.  L'air  des  villes  en  contient  une  proportii  n  beau- 
coup moindre  :  M.  Marié-Davy,  à  l'observatoire  Je  Mont- 
souris,  ne  trouve  en  moyenne  que  2  à  3,  rarement  1  milli- 
grammes d'ozone  dans  100  mètres  cubes  d'air.  La  quantité 


314  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

est  la  plus  grande  au  printemps,  forte  en  été,  faible  en-^ 
automne,  plus  faible  encore  en  hiver;  les  pluies,  les  vents,, 
etc., en  augmentent  la  production.  Les  orages,  l'électricité' 
atmosphérique,  sont  les  causes  les  plus  efficaces  de  la 
génération  de  l'ozone  dans  la  nature  ;  l'oxydation  lente  des 
matières  organiques  concourt  aussi  à  sa  production.  L'ac- 
tivité même  de  l'ozone  l'empêche  d'exister  longtemps  dans 
l'atmosphère,  où  il  rencontre  un  grand  nombre  de  ma- 
tières organiques  et  oxydables  qui  le  détruisent.  Mais- 
d'autres  substances  encore  le  détruisent ,  par  exemple- 
l'acide  sulfureux  contenu  dans  les  fumées  de  houille  ;  de- 
sorte  qu'il  n'est  pas  exact  de  dire  que  l'air  est  d'autant 
moins  pur  qu'il  contient  moins  d'ozone. 

Ce  corps,  qu'on  a  souvent  considéré  comme  de  l'oxydfr 
d'oxygène  ou  comme  de  l'oxygène  renforcé,  a  une  odeur 
qui  rappelle  celle  du  homard;  on  la  perçoit  quand  l'air 
n'en  contient  qu'un  millionième  de  son  poids  ;  elle  est 
parfois  manifeste  à  la  campagne,  au  milieu  des  champs  ou 
des  lieux  boisés. 

M.  A.  Boillot,  dans  une  note  communiquée  à  l'Académie- 
des  sciences,  le  3  mai  1875  {Comptes-Rendus,  p.  1167),  a 
démontré  le  pouvoir  décolorant  de  l'ozone  sur  les  substances 
animales  et  végétales  ;  le  blanchiment  des  tissus  peut  être 
obtenu  directement  par  l'action  de  ce  corps  qui  s'empare  de 
l'hydrogène  de  la  substance  à  décolorer.  Le  même  phéno- 
mène peut  se  produire,  par  une  voie  indirecte,  en  faisant 
agir  le  chlore  sur  les  matières  végétales  ou  animales  ;  le 
chlore  décompose  une  certaine  quantité  d'eau  pour  s'em- 
parer de  son  hydrogène  et  former  de  l'acide  chlorhy- 
drique  ;  l'oxygène  provenant  de  cette  réaction  est  trans- 
formé en  ozone  qui,  à  son  tour,  s'empare  de  l'hydrogène 
de  la  matière  et  la  décolore.  Dans  sa  thèse  de  doctorat 
es  sciences,  en  1874  (Montpellier),  M.  Houzeau  avait  déjà 
établi  que  la  puissance  de  décoloration  de  l'ozone  est  40 
fois  plus  grande  que  celle  du  chlore. 


OZONE.  31S 

D'après  Schœnbein ,  certaines  substances  organiques 
en  voie  d'oxydation,  et  particulièrement  la  térébenthine  et 
beaucoup  d'huiles  volatiles  très  odorantes,  dégagent  en 
s'évaporant  de  l'ozone  ;  on  a  même  voulu,  en  ces  derniers 
temps,  chercher  à  expliquer  par  ce  dégagement  supposé 
d'ozone,  l'action  purifiante  et  désinfectante  que  les  anciens 
attribuaient  aux  parfums  et  aux  huiles  volatiles. 

Dans  une  certaine  mesure,  ces  substances  sont  antisep- 
tiques :  le  camphre,  la  myrrhe,  les  baumes,  les  résines 
dont  les  anciens  faisaient  un  si  grand  usage  dans  l'em- 
baumement ;  mais  c'est  se  lancer  en  pleine  hypothèse  que 
d'attribuer  à  l'ozone  les  vertus  qu'elles  possèdent  d'ailleurs 
à  un  assez  faible  degré.  Angus  Smith  a  étudié  particuliè- 
rement cette  question  (1).  II  a  classé  certaines  substances 
ou  huiles  volatiles  d'après  la  quantité  d'ozone  qu'elles 
dégagent  par  l'évaporation,  et  le  tableau  suivant  permet 


Huile  essentielle  de  peau 

d'orange 

Essence  de  térébenthine 
Huile  de  genévrier . 
Essence  de  cumin  . 
Essence  de  lavande 
Acide  crésylique.  . 
Acide  pliénique  pur 

Créosote 

Acide  pyroligneux  . 

Camphre 

Huile  essentielle  de  thym 
NaphthaliQe 


Quantité  d'ozone  dégagée  par  les  subslaoces 

suivantes    en    s'évaporant  ;    le   maximum  de 

coloration  du  papier  élant  10. 


Après 
18  heures. 


Apres 
24  heures. 


Considérable 

Eaible. 
Considérable 

Nulle. 

Nulle. 

Nulle. 

Nulle. 


Nulle. 


Coloration  forle 
Croissante. 
Croissante. 

Nulle. 

Nulle. 

Nulle. 

Nulle. 


Nulle. 


Après 
48  heures. 


Nulle. 


Nulle. 


Api  es 
12  heures. 


10 
9 
5 

2  1/2 


Nulle. 


de  voir  que  leur  propriété  désinfectante  ou  antiseptique 
(1)  R. -Angus  Smiih,  Disinfectants  and  disinfection,  p .  118 


316  NEUTRALISANTS  FN  PARTICULIER. 

n'est  nullement  en  rapport  avec  la  quantité  de  ce  corps  que 
chaque  substance  dégage.  C'est  ainsi  que  la  térébenthine 
et  l'essence  d'oranges,  dont  les  propriétés  désinfectantes 
sont  tout  à  fait  contestables,  dégagent  le  plus  d'ozone, 
alors  que  l'acide  phénique,  la  créosote,  la  naphthaline, 
qui  sont  de  bons  désinfectants,  n'en  dégagent  nullement. 

Ce  tableau  et  ces  recherches  montrent  avec  quelle  ré- 
serve il  faut  accepter  les  propriétés  désinfectantes  d'une 
substance  qui  a  fait  beaucoup  de  bruit  en  Angleterre,  en  ces 
dernières  années,  dont  l'action  est  basée  sur  son  pouvoir 
ozoniseur,  et  qui  a  pris  beaucoup  de  place  aux  dernières 
pages  des  journaux  d'Outre-Manche,  sous  le  nom  de  «  Sa- 
nitas  ».  Au  contraire,  l'action  désinfectante  de  l'ozone  direc- 
tement produit  est  démontrée  par  des  expériences  précises. 
Schœnbein  avait  fait  voir  qu'en  faisant  passer  un  courant 
d'air  ozonisé  dans  un  flacon  contenant  de  la  viande  putré- 
fiée, l'odeur  infecte  disparaissait,  dès  que  et  pendant  tout 
le  temps  que  la  réaction  sur  le  papier  ioduré  indiquait  la 
présence  de  l'ozone. 

Scoutteten  (1)  fit  répandre  dans  une  salle  une  grande 
quantité  de  fumier,  dégageant  une  odeur  très  désagréable; 
il  déboucha  et  abandonna  dans  cette  salle  deux  flacons  con- 
tenant plusieurs  litres  d'air  ozonisé,  et  rapidement  la  mau- 
vaise odeur  s'atténua  ;  le  lendemain,  on  enleva  le  fumier, 
et  quelques  heures  après  cet  enlèvement,  l'air  de  la  salle 
qui  présentait  encore  très  nettement  la  réaction  de  l'ozone 
n'avait  plus  aucune  odeur  appréciable.  Richardson  et 
Wood  virent  également  disparaître  sous  l'influence  d'un 
courant  d'ozone,  l'odeur  insupportable  que  dégageait  un 
flacon  dans  lequel  on  conservait  depuis  deux  ans  du  sang 
putréfié. 

M.  F.  Bond  (2)  considère  l'ozone  comme  le  plus  actif 

(1)  ScolUteten,  Loz-ône,  IVelz  1836. 

(2)  F.  Bond,  On  tite  condition  of  efficient  disinfection  andonsomenew 
forins  of  dixinfeclant  :  Cupralum  {British  Médical  Journal,  20  February 
1875,  p.  239). 


OZONE.  311 

des  désodorants,  à  cause  de  la  rapidité  avec  laquelle  il  at- 
taque un  des  plus  invariables  constituants  de  toutes  les 
émanations  putrides,  c'est-à-dire  l'hydrogène.  Tous  les 
ozonisants  sont  des  désodorisants  actifs;  toutefois,  certains 
corps,  les  sels  métalliques  par  exemple,  sont  d'excellents 
désodorisants,  quoiqu'ils  ne  dégagent  par  d'ozone,  ils  agis- 
sent simplement  sur  l'hydrogène  sulfuré  qu'ils  décompo- 
sent. Le  permanganate  de  potasse  est  un  ozonisant  très 
puissant;  c'est  pour  cela  qu'il  désinfecte  (F.  Bond). 

En  ces  dernières  années,  plusieurs  auteurs  ont  étudié 
directement  l'action  désinfectante  de  l'ozone.  Ces  expérien- 
ces sont  très  significatives  ;  M.  Boillot  (1)  prend  un  morceau 
de  viande  fraîche  de  bœuf  pesant  100  grammes  et  le  divise 
en  deux  parties  égales.  L'une  d'elles  est  introduite  dans  un 
flacon  de  200  centimètres  cubes,  bouchant  à  l'émeri  et  con- 
tenant de  l'air;  l'autre  est  renfermé  dans  un  flacon  sem- 
blable, rempli  d'air  ozôné,  dans  la  proportion  de  5  milli- 
grammes par  litre  de  gaz.  Les  deux  flacons  sont  placés  à 
la  cave,  à  une  température  de  -]-  15°  C.  Pendant  10  jours, 
la  viande  contenue  dans  le  flacon  d'air  ozonisé  était  intacte, 
tandis  que  le  5*  jour  elle  était  en  pleine  putréfaction  dans 
le  flacon  d'air  pur.  Mais  le  18'' jour,  le  flacon  ozonisé  qu'on 
avait  ouvert  pour  examiner  le  contenu,  laissa  sans  doute 
pénétrer  quelques  germes  atmosphériques,  et  la  viande  jus- 
que-là intacte  se  putréfia  rapidement.  Il  est  probable  que 
l'ozone  avait  été  détruit,  absorbé  pendant  cette  période  de 
18  jours,  et  qu'en  renouvelant  la  provision  d'ozone, la  chair 
contenue  dans  le  flacon  ouvert  eût  continué  à  rester  intacte. 
La  même  expérience  fut  faite  avec  plein  succès,  sur  du  lait, 
au  moyen  d'oxygène  ozonisé. 

M.  Boillot  se  demande  si  la  fermentation  très  rapide  que 
le  lait  et  d'autres  substances  alimentaires  subissent  en  temps 

(1)  A.  Boillot,  Note  concernant  Vaction  de  l'ozone  sur  les  substances 
animales  {Comptes  Rendus  de  l'Académie  des  sciences,  13  décembre  1873, 
p.  1,238). 


318  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

d'orage,  ne  tiendrait  pas  à  des  changements  brusques  dans 
les  proportions  de  l'ozone  contenu  dans  l'air  à  ce  moment. 
C'est  également  à  l'ozone  qui  se  dégage  de  l'éther  azoteux 
éthylique,  que  M.  Peyrusson  (1)  attribue  les  propriétés 
désinfectantes  de  cet  agent. 

Des  expériences  récentes  de  M.  Chapuis  (2)  semblent 
démontrer  que  l'ozone  jouit  de  la  propriété  de  détruire  les 
germes  capables  de  déterminer  les  fermentations,  les  pu- 
tréfactions et  le  développement  des  moisissures.  M.  Cha- 
puis recueille  les  poussières  de  l'air  sur  des  tampons  de 
coton,  et  soumet  quelques-uns  de  ces  tampons,  dans  un 
tube,  à  l'action  d'un  courant  d'air  ozonisé;  d'autre  part, 
il  ensemence  des  solutions  aseptiques  de  levure  de  bière 
avec  les  boules  de  coton  soumises  ou  non  au  courant  d'ozone. 
Dans  les  flacons  où  l'on  introduit  les  tampons  de  coton  pu- 
rifié par  l'ozone,  le  liquide  reste  encore  limpide  au  bout  de 
20  jours  ;  au  contraire,  dans  ceux  où  l'on  a  porté  les  tam- 
pons traversés  par  de  l'air  ordinaire,  le  liquide  devient  très 
trouble  au  bout  de  peu  de  jours. 

M.  Chapuis  croit  voir  dans  ces  résultats  l'explication  de 
ce  fait  qui  a  été  souvent  signalé,  à  savoir  que  les  variations 
de  l'ozone  sont  parallèles  avec  les  variations  de  l'état  hy- 
giénique d'une  localité.  Il  se  demande  si  des  expériences 
faites  sur  des  germes  morbides  ne  prouveraient  pas  que 
cette  action  destructive  et  désinfectante  de  l'ozone  s'exerce 
également  sur  les  organismes  virulents. 

Schœnbein,  dès  1844,  préparait  l'ozone  en  plaçant  de 
petits  fragments  de  phosphore  dans  une  cupule  au  fond 
d'un  large  flacon  à  2  tubulures  ;  au  bout  de  quelques  jours, 
on  remplissait  d'eau  le  flacon  qu'on  vidait  ainsi  de  l'air 
ozonisé.   Les  tubes  ozônisateurs  décrits  par  Houzeau  en 

(1)  Peyrusson,  Sur  Vaclion  désinfectante  et  antiputride  des  vapeurs  de 
Vélher  azoteux  [Comptes  Rendus  de  V Académie  des  sciences,  28  février 
1881,  p.  492). 

(2)  Chapuis,  Aciicn  de  Vozône  sur  les  germes  contenus  dans  V air  (Bulle- 
tin de  la  Société  chimique,  1881,  p.  290). 


OZONK.  319 

18"0  sont  une  application  très  pratique  du  procédé  de 
production  de  l'ozone  par  les  décharges  électriques  dans 
l'air;  l'appareil  de  Siemens  destiné  à  cet  usage  est  en  effet 
très  coûteux  et  peu  portatif.  Houzeau  a  encore  préparé 
l'ozone  à  l'aide  du  bioxyde  de  baryum.  Les  premières  par- 
tics  du  gaz  qui  se  dégage  par  l'action  de  l'acide  sulfuri- 
•que  très  concentré  contiennent  de  l'ozone. 

On  a  proposé  un  grand  nombre  de  moyens  pour  obtenir 
à  volonté  la  production  d'une  quantité  supérieure  d'ozone 
•dans  les  locaux,  les  salles  de  malades  qu'on  veut  désinfecter. 
Un  des  premiers,  en  France,  M,  Delahousse  (1)  a  indiqué 
■d'après  M.  Le  Roux  le  moyen  de  dégager  artificiellement 
dans  les  salles  une  quantité  faible  ,  mais  continue ,  de 
•cet  agent  de  combustion.  Presque  tous  les  systèmes  pro- 
posés reposent  sur  le  même  principe.  On  contourne  un  fil 
de  platine  en  spirale  à  spires  rapprochées  ;  on  place  au- 
dessus  un  entonnoir  renversé  ;  quand  le  fil  de  platine  de- 
vient incandescent  par  le  passage  du  courant  électrique  à 
l'aide  d'un  simple  élément  de  Bunsen,  on  sent  immédiate- 
ment au-dessus  de  l'entonnoir  l'odeur  spéciale  de  l'ozone, 
•et  le  papier  iodé  donne  la  réaction  caractéristique.  L'en- 
tonnoir renversé  n'a  ici  qu'une  bien  faible  utilité,  il  ne 
sert  qu'à  favoriser  le  contrôle.  Sans  doute  pour  éviter  le 
•dégagement  d'acide  hypoazotique  dans  les  salles,  on  a  pro- 
posé de  placer  les  piles  dans  une  chambre  voisine,  et  à 
J'aide  d'un  entonnoir  dont  l'extrémité  amincie  est  recour- 
bée et  traverse  la  cloison,  de  diriger  l'ozone  dans  la  salle 
■occupée  par  les  malades. 

Quel  que  soit  le  moyen  préféré  pour  produire  le  dégage- 
ment d'ozone,  il  serait  toujours  facile  d'obtenir  ce  résultat. 
Il  est  regrettable  qu'il  n'existe  encore  aucune  observation 
rigoureuse,  démontrant  que  cette  ozonisatian  artificielle 
soit  réellement  profitable  aux  malades. 

(1)  Delahousse,  De  l'ozonisatioii  artificielle,  {Ga:.  des  hâp.  23  mars 
1862,  p.  131.) 


320  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

M.  Houzeaua  décrit  un  petit  appareil,  qu'il  appelle  ozo- 
niseur,  et  qui  permet  de  produire  jusqu'à  188  milli- 
grammes d'ozone  par  litre  de  gaz  et  par  appareil.  Celui-ci 
consiste  en  une  spirale  de  fer  métallique  placée  dans  l'in- 
térieur d'un  tube  de  verre;  cette  spirale  communique,  à 
l'aide  des  rhéophores  d'une  bobine  d'induction,  avec  une 
armature  extérieure  en  étain  ou  en  platine.  L'air,  au  con- 
tact du  tube,  se  charge  ainsi  d'une  certaine  quantité 
d'ozone  ;  les  divers  modèles  de  cet  appareil  sont  figurés 
dans  le  Dictionnaire  de  chimie  de  Wurtz  (art.  Ozône). 

M.  Lender  (Annales  de  Polli,  1875)  a  proposé  le  pro- 
cédé suivant  pour  obtenir  de  l'ozone  et  désinfecter  les 
salles  de  malades.  «  On  mélange  du  bioxyde  de  manga- 
nèse, du  permanganate  de  potasse  et  de  l'acide  oxalique. 
Ce  mélange,  mis  au  contact  de  l'eau,  produit  instantané- 
ment de  l'ozone.  »  M.  Personne  (Gazette  hebdomadaire 
1876,  p.  113)  a  expérimenté  ce  procédé  ;  il  n'a  jamais 
obtenu  qu'un  vif  dégagement  d'acide  carbonique  ,  sans 
aucune  trace  d'ozone,  et  la  théorie  indique,  d'après  M.  Per- 
sonne, qu'il  ne  peut  se  produire  autre  chose  ;  d'ailleurs  la 
température  s'élève  à  un  tel  degré,  par  la  vivacité  de  la 
réaction ,  que  l'ozone  serait  nécessairement  détruit,  s'il 
s'en  produisait.  La  vivacité  de  la  réaction  est  même  telle 
que  si  on  faisait  ie  mélange  et  l'humectation  dans  un 
ballon,  il  se  produirait  des  accidents  par  la  forte  expansion 
du  gaz  et  de  la  vapeur  d'eau.  L'accident  que  Personne  pré- 
voyait en  1876  s'est  réalisé  tout  récemment.  La  poudre 
de  Lender  est  préparé  de  la  manière  suivante  : 

Peroxyde  de  manganèse j 

Permanganate  de  polasse  .    .    .    .    /  aà  parties  égales. 

Acide  oxalique  pulvérisé ) 

On  verse  sur  une  assiette  deux  cuillerées  à  café  de  cette  poudre,  qu'on 
numectc  de  temps  en  temps  avec  un  peu  d'eau.  Cette  dose  suffit  pour 
une  chambre  de  moyenne  grandeur. 

MM.  Duchesne  et  Michel  (1)  avaient  très  prudemment  fait 

(1)  Duchesne  et  Michel,  De  la  préparation  de  l'ozone  artipeiel,  commu- 


0Z0^■|•.  3-21 

préparer  le  niélaiigc  avec  une  spatule,  sans  employer  le 
mortier  ;  la  poudre  était  placée  dans  un  flacon  depuis  cinq 
minutes,  lors(iue  tout  à  coup  une  explosion  violente  eut 
lieu  et  le  vase  fut  brisé  en  mille  morceaux. 

Les  mêmes  auteurs  relatent  un  accident  semblable  sur- 
venu dans  un  laboratoire,  où  le  pharmacien  préparait  un 
llacon  destiné  à  des  inhalations  d'ozone.  Dans  un  ballon 
d'un  demi-litre,  on  avait  versé  une  certaine  quantité  de 
permanganate  de  potasse  ;  une  des  tubulures  du  ballon  re- 
cevait un  entonnoir  rempli  d'acide  sulfurique,  qu'une  tige 
de  verre  laissait  couler  goutte  à  goutte  sur  le  permanga- 
nate ;  une  autre  tubulure  recevait  un  insuftlateur  à  deux 
boules,  à  l'aide  duquel  on  expulsait  au  dehors  les  vapeurs 
violettes  très  abondantes  qui  se  formaient.  Tout  d'un 
coup  une  explosion  formidable  se  fit  entendre  ;  le  b.allon 
disparut  en  poussière,  deux  vitres  furent  perforées  comme 
par  des  balles  ;  les  opérateurs  eurent  leurs  vêtements  brû- 
lés par  l'acide.  L'appareil  avait  déjà  fonctionné  plusieurs 
ibis  au  lit  des  malades  (des  enfants  atteints  du  croup)  ; 
on  frémit  quand  on  songe  aux  accidents  qu'il  aurait  pu 
produire.  La  matière  organique  détachée  des  bouchons,  le 
soufre  du  caoutchouc,  ont  peut-être  provoqué  cette  explo- 
sion en  se  décomposant  par  le  permanganate.  Il  faut 
connaître  le  danger  de  ces  mélanges  destinés  à  la  produc- 
tion artificioUe  de  l'ozone,  et  se  méfier  des  formules  nou- 
velles qui  pourraient  être  données  dans  ce  but. 

A  l'occasion  d'une  présentation  faite  à  l'Académie  des 
sciences  ,  en  i8"î6,  par  M.  de  Carvalho,  d'un  procédé 
d'ailleurs  très  primitif  d'assainissement  des  appartements 
par  l'ozone,  M.  P.  Thénard  a  attiré  l'attention  sur  l'action 
toxique  de  cet  oxygène  (1). 


nicalion  à  la  Sociclo  de  màlccinc  praliquo  {France  médicale,  27   octobre 
18S1,  p.   o9:>.) 

(1)  ïhôuard,   Comptes  rendus  de   V Académie    des  sciences,    Séance    du 
10  janvier  1876. 

Valli.v.  —  Di:siM  T.crAMs.  21 


322  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

«  Il  est  grandement  temps,  dit  M.  Thénard,  de  mettre  le 
public  et  même  les  savants  en  garde  contre  les  légendes 
répandues  sur  l'ozone.  L'ozone  est  un  des  plus  énergiques 
poisons  dont  sont  dotés  nos  laboratoires  ;  les  très  graves 
accidents  qu'il  a  produits  dans  le  mien  ne  laissent  aucun 
doute  à  cet  égard.  M.  Arnould  Thénard  doit  publier  bientôt 
un  travail  sur  ce  sujet.  Sous  l'influence  de  Tozône,  et  à 
des  titres  extrêmement  faibles,  il  a  reconnu  que  les  glo- 
bules du  saiig  se  contractent  rapidement  et  même  chan- 
gent de  forme  ;  que  le  pouls  se  ralentit  au  point  que  celui 
d'un  cochon  d'Inde,  battant  normalement  148  pulsations, 
tombe  à  une   trentaine  au  bout  d'un  séjour  d'un  quart 
d'heure,  répété  une  fois  par  heure,  pendant  cinq  heures 
consécutives.  Aujourd'hui  que  la  médecine  tire  de  si  sé- 
rieuses indications  du  changement  de  température  chez 
les  malades,  elle  trouvera  dans  l'application  de  l'ozone  un 
moyen  d'en  combattre  les  excès  ;  mais  de  cette  espérance 
à  jeter  à  tort  et  à  travers  de  l'ozone  dans  les  lieux  habités, 
sous  prétexte  d'en  combattre  les  miasmes,   il   y    a   loin. 
Est-on  d'ailleurs  bien  assuré  que  l'ozone  existe  dans  l'at- 
mosphère? M.  Wittmann,  en  projetant  de  l'air  à  travers 
une  flamme  de  lampe  à  émailleur,  obtient  un  air  qui  agit 
sur  le  papier  ozônométrique  comme  l'ozone  lui-même  ;  or, 
tandis  que  cet  air  désinfecte,  sans  les  acidifier  sensible- 
ment, les  flegmes  de  mauvais  goût,  l'ozone  ne  les  désin- 
fecte pas  et  les  acidifie  ;  de  plus,  tandis  que  l'ozone  ne  ré- 
siste pas  à  une  température  de  200  degrés,  l'air  modifié 
de  M.  Wittmann  s'engendre  dans  un  milieu  qui  ramolli- 
rait le  verre,  b 

Les  observations  et  les  expériences  directes  de  Schœn  - 
bein  sur  lui-même  en  4851  ,  celles  de  Ireland  d'Edim- 
bourg (Annales  d'hygiène,  T.  XIX,  p.  439),  de  Bœckel  en 
1856,de  Schwartzenbachenl850,de  Desplats  en  1857, ont 
fait  voir  que  des  doses  un  peu  fortes  d'ozone  (plus  de 
1  dix  millième)  sont  nuisibles  pour  les  organes  respira- 


PERMANGANATE  DE  POTASSE.  323 

toircs;  toutefois  Ireland  croit  qu'une  dose  bien  plus  élevée 
peut  être  supportée  sans  souffrance  par  de  gros  animaux. 
J.  Barlow  (l)  a  confirmé  par  des  expériences  l'exactitude 
des  assertions  de  Ireland,  Richardson,  Schwartzenbach, 
Redfern,  Dewar,  Day,  etc.,  sur  les  propriétés  irritantes; 
de  l'ozone.  L'ozone  diminue  le  nombre  des  respirations  et 
des  battements  du  cœur  ;  il  irrite  fortement  la  muqueuse 
respiratoire,  et  l'animal  peut  mourir  par  asphyxie  ou  par 
bronchite  suivant  la  dose  contenue  dans  l'air  ;  le  séjour  pen- 
dant 1  heure  dans  une  atmosphère  qui  contient  1  pour  100 
d'ozone  peut  amener  une  bronchite  mortelle.  L'air  ozo- 
nisé, mis  au  contact  direct  avec  le  sang,  décolore  les 
globules  rouges  (sans  doute  par  la  combinaison  de  l'ozone 
avec  l'hémoglobine)  ;  mais  il  n'est  nullement  prouvé  que 
l'ozone  pénètre  dans  le  système  circulatoire.  Il  ne  faut  donc 
point  exagérer  la  nocuité  de  cet  agent,  ni  méconnaître  les 
services  qu'il  peut  rendre. 

Permanganate  de  potasse.  —  Les  permanganates  alcalins 
sont  à  la  fois  désodorants,  antiseptiques  et  anti virulents, 
puisqu'ils  décomposent  et  détruisent  la  matière  organique 
inoculable  ou  infectante.  Nous  les  rangerons  dans  le  der- 
nier groupe,  la  propriété  la  plus  puissante  entraînant  en 
quelque  sorte  les  autres.. 

Le  permanganate  de  potasse  est  soluble  dans  lo  à 
16  parties  d'eau  froide.  Il  est  évident  qu'on  ne  doit  jamais 
l'employer  que  dissous  dans  de  l'eau  distillée  et  à  l'abri  de 
l'air,  puisqu'il  abandonne  de  l'oxygène  aux  matières  orga- 
niques et  les  brûle  en  se  décolorant.  Il  est  caustique  à  doses 
très  concentrées  ;  Réveil  donne  les  titres  suivants  :  caus- 
tique faible,  8  0/0;  moyen,  lo  0/0  ;  fort,  .60  grammes  de 
sel  dans  100  grammes  d'eau  distillée.  On  n'emploie  le  per- 
manganate comme  désinfectant  qu'à  des  .doses  très  fej- 

(i)  J.  Da.rlow,  The physiological  action  ofozonised  air  (Jounia?  ofAnaf. 
andPhijsioL,  1879,  et  Revue  de  Hayem,  T.  XVI,  p.  80.) 


324  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

bles  (1  à  10  pour  1,000);  on  peut  donc  négliger  dans  la 
pratique  son  action  légèrement  caustique.  A  l'intérieur,  il 
a  été  employé  sans  inconvénient  à  des  doses  journalières 
de  50  centigrammes  à  1  gramme  ;  il  n'est  donc  pas  toxi- 
que. 

Le  permanganate  représente  en  quelque  sorte  de  l'oxy- 
gène condensé  en  combinaison  solide,  suivant  une  figure 
heureuse  de  M.  Jeannel,  et  l'abandonnant  avec  une  faci- 
lité extrême;  il  détruit  la  matière  organique  en  formant 
de  l'eau  et  divers  acides  oxygénés,  par  la  combinaison  de 
son  oxygène  avec  l'hydrogène  et  le  carbone  de  ces  ma- 
tières. En  se  détruisant  ainsi  lui-même,  il  se  décolore,  et 
cette  décoloration  accuse  et  mesure  la  quantité  de  matière 
organique  qui  lui  a  enlevé  ou  à  laquelle  il  a  fourni  de 
l'oxygène. 

Un  grand  nombre  de  chimistes  et  de  savants,  Monier, 
Smith,  Ramon  de  Luna,  Forchammer,  Lubold,  Réveil  et 
Roger,  l'avaient  déjà  employé  à  la  détermination  des  ma- 
tières organiques  de  l'air.  Mais  c'est  Condy  (1859)  qui  pa- 
raît l'avoir  proposé  le  premier  pour  la  désinfection  de 
l'air;  le  mémoire  de  Condy.  présenté  par  Roudet  à  l'Aca- 
démie de  médecine  (17  septembre  1861),  a  exalté  peut-être 
outre  mesure  les  propriétés  désinfectantes  des  permanga- 
nates alcalins.  Les  observations  faites  par  les  Anglais  avec 
la  liqueur  de  Condy  laissent  d'ailleurs  souvent  à  désirer, 
parce  que  cette  liqueur,  qui  est  une  solution  forte  de  per- 
manganate de  potasse,  renferme  des  quantités  notables  de 
chlorure  de  potasse  libre,  de  carbonate  de  potasse  et  de 
manganate  dont  l'action  désinfectante  est  presque  nulle. 

Demarquay  (1)  a  employé  avec  grand  succès  les  di- 
lutions suivantes  :  il  faisait  préparer  une  solution  mère 
avec  10  grammes  de  permanganate  cristallisé  pour  1  litre 
d'eau  distillée  ;  on  versait  15  à  25  grammes  de  cette  solu- 

(1)  Demarquay,  Du  permanganate  de  potasse  comme  désinfectant 
[Acad.  des  se,  27  avril  1863.) 


PERMANGANATK  DR  POTASSK.  323 

tion  dans  100  grammes  d'eau  ordinaire,  pour  avoir  lui 
liquide  qui  servait  à  désinfecter  les  cancers,  les  abcès  pro- 
fonds, l'ozène,  les  pieds  fétides,  etc.  ;  ces  lotions  devaient 
être  précédées  d'un  lavage  à  l'eau  et  renouvelées  plu- 
sieurs fois  par  jour.  A  peu  près  à  la  même  époque, 
MM.  Castex,  Réveil  (1),  Ledreux  insistaient  sur  les  avan- 
tages et  l'action  désinfectante  puissante  de  cet  agent. 

La  solution  au  millième,  qui  est  journellement  employée 
dans  certains  services  chirurgicaux,  désinfecte  très  bien, 
on  pourrait  presque  dire  que  rien  ne  lui  résiste  ;  elle  est 
peu  irritante  ;  mais  son  action  est  de  courte  durée,  à 
moins  qu'on  n'emploie  une  solution  contenant  un  excès 
notable  de  permanganate,  retenue  dans  de  la  charpie  d'a- 
miante, ce  qui  est  peu  pratique.  Les  pièces  de  pansement, 
les  produits  de  sécrétion,  les  miasmes  que  l'air  contient, 
épuisent  son  action  au  bout  de  très  peu  de  temps  ;  il  désin- 
fecte énergiquement  au  moment  où  on  l'applique,  mais  il 
n'empêche  pas  les  liquides  sécrétés  ultérieurement  de  gar- 
der leur  virulence. 

Le  permanganate  a  l'inconvénient  sérieux  de  tacher  for- 
tement en  rouge-brun  la  literie,  les  linges  à  pansement,  la 
peau,  etc.  ;  l'altération  chimique  des  tissus  est  difficile- 
ment évitée  ;  mais  on  fait  disparaître  rapidement  cette  colo- 
ration en  lavant  les  linges  ou  la  peau  avec  une  solu- 
tion d'acide  chlorhydrique  à  1  0/0. 

J.  Dougall,  après  beaucoup  d'expériences,  est  arrivé  à 
considérer  le  permanganate  non  comme  un  désinfectant, 
mais  simplement  comme  un  désodorisant.  C'est,  dit-il,  un 
oxydant  énergique,  prompt  et  sûr  ;  mais  son  action  est 
limitée  ;  l'hydrogène  sulfuré,  le  sulfhydrate  d'ammoniaque 
épuisent  et  neutralisent  rapidement  son  action.  En  opérant 
sur  des  selles  typhoïdes,  il  a  calculé  la  quantité  de  perman- 
ganate de  potasse  qui  était  nécessaire  pour  oxyder  complè- 

(1)  Réveil,  Formulaire  raisonné  des  médlcdments  nouveaux  :  Pari.-:,  IS.jo, 
p.  516. 


32(5  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

tement  les  matières  organiques  ;  cette  oxydation  était  con- 
sidérée comme  complète  quand  on  avait  mêlé  aux  tnatièrës 
ssoz  de  liqueur  de  Condy  potlr  que  celle-ci  conservât 
pendant  12  heures  sa  couleur  rouge.  En  supposant  qu'un 
typhique  rende  en  24  heures  et  pendant  8  jours  20  onces 
(570  grammes)  de  matières  fécales  et  20  onces  d'urine,  il 
a  calculé  que,  à  raison  de  1  shilling  poUf  8  onces  dé 
liqueur  de  Condy,  la  désinfection  des  déjections  d'iih  ty- 
phique coûterait  415  francs  par  semaiiie! 

Ces  réserves  faites  sur  les  difficultés  et  les  inconvénients 
de  l'emploi  du  permanganate  de  potasse,  les  recherches 
récentes  ont  montré  dans  quelle  mesure  il  peut  être  ati- 
tiseptique  et  antivirulent. 

Wérnitz  a  trouvé  qu'à  la  dilution  de  1  sur  888,  il  em- 
pêche l'action  de  l'invertine,  à  1  :  10,000  celle  de  l'émul- 
sine,  à  1  :  1,570  celle  delà  pepsine. 

Baxter  ajoute  au  vaccin  liquide  son  volume  d'Uhe 
solution  titrée  de  permanganate  de  potasse  ;  tant  que  le 
mélange  total  ne  représente  que  1  partie  de  peimianganate 
cristalhsé  pour  1,000  parties  de  liquide,  le  nombre  de  vési- 
cules obtenues  n'est  guère  moindre  à  droite  qu'à  gauche; 
quand  la  proportion  du  sel  atteint  5  fiour  1,000,  on 
n'obtient  plus  une  seule  vésicule  aux  points  inoculés.  Le 
pouvoir  neutralisant  du  pei'mahgàriate  est  donc  relative- 
ment faible,  car  la  solution  à  5  pour  1,000  est  coûteuse 
et  déjà  un  peu  irritante. 

D'après  Baxter,  le  viras  septique  est  complètement  neu- 
tralisé et  inactif  dans  une  solution  de  permanganate  à 
1  sur  2,000  ;  mais  M.  Davaine  a  trouvé  cette  action 
puissante  à  une  dose  encore  plus  faible,  car  s'il  ne  donne 
pas  le  titre  minimum  de  la  solution  neutrahsante,  il  dit 
que  le  permanganate  détruit  le  virus  septique  «  à  une  dose 
plus  faible  que  l'acide  chromique  »  qui  neutralise  déjà  à  la 
dose  de  1  p.  3,000! 

Au  contraire,  M.  Jalan  de  la  Croix  a  obtenu  les  résul- 


PERMANGANATE  DE  I'OTASSE,  327 

tats  suivants  eti  ce  qtii  concerne  le  permanganate  de  po- 
tasse. Une  solution  à  1  p.  1,000  dans  un  liquide  de  cul- 
ture (bouillon)  empêche  le  développement  des  bactéries 
introduites  à  l'aide  d'une  goutte  de  bouillon  chargée  de 
ces  protorganismes  ;  la  stérilisation  complète,  des  germes 
qui  ont  été  introduits  dans  ce  liquide  de  cultute  n'est  ob- 
tenue qtie  par  là  dose  de  1  p.  iOO.  Pour  tuet'  les  bactéries 
qui  vivent  daiis  du  bouillon,  il  faut  ajouter  à  celui-ci  la 
dose  très  forte  de  1  sur  150;  celle  de  1  p.  200  est  insuf- 
fisante. Le  développement  spontané  des  bactéries  est  em- 
pêché dans  du  bouillon  crû  abandonné  à  l'air  par  la  so- 
lution à  1  p.  2,000,  et  dans  du  bouillon  cuit,  par  la  solu- 
tion à  1  p.  300,  résultat  assurément  imprévu,  et  qui  fait 
songer  à  une  erreur  d'expérience  ;  les  germes  contenus 
dans  ces  liquides  ne  sont  définitivement  stérilisés  que  par 
la  solution  à  1  p.  100  pour  le  bouillon  cuit,  et  à  1  p.  35 
pour  le  bouillon  crû,  chiffres  tout  d'abord  incroyables. 

Cette  résistance  des  bactéries,  et  surtout  des  corpus- 
cules germes,  à  des  doses  très  élevées  d'hypermanganate 
s'explique  aisément  :  quand  la  proportion  de  matière  or- 
ganique est  forte  par  rapport  à  celle  du  permanganate,  ce 
dernier  se  détruit  progressivement  et  rapidement,  en  aban- 
donnant son  oxygène  aux  matières  animales,  en  se  trans- 
formant en  manganate  qui  est  à  peu  près  inerte. 

C'est  ainsi  que  nous  croyons  pouvoir  expliquer  la  très 
faible  dose  (1  p.  4,000)  que  M.  Davaine  a  reconnue  être 
suffisante  pour  neutraliser  le  virus  septique  ou  charbon- 
neux. On  se  rappelle  que  M.  Dâvaine  emploie  des  dilutions 
virulentes  extrêmement  faibles  ;  ses  liquides  d'essais  ne 
contiennent  que  1  à  2  gouttes  de  virus  par  litre  d'eau  dis- 
tillée, c'est-à-dire  la  dose  la  plus  faible  qui  rende  cepen- 
dant le  mélange  inoculable.  C'est  dans  ce  virus  atténué 
au  maximum  qu'il  introduit  le  désinfectant,  et  dans  le 
cas  particulier,  le  permanganate;  il  n'est  donc  pas  éton- 
nant qu'une  dose  très  faible  de  permanganate  suffise  pour 


3-28  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER, 

détruire  en  l'oxydant  la  dose  si  minime  de  matière  viru- 
lente. Au  contraire,  dans  le  bouillon  ou  jus  de  viande  qui 
sert  de  liquide  de  culture  à  M.  Jalan  de  la  Croix,  la  pro- 
vision de  désinfectant  est  rapidement  usée  ;  il  ne  faudrait 
donc  pas  juger  exclusivement  par  de  telles  expériences  la 
valeur  neutralisante  de  ce  sel.  Son  action  est  très  éner- 
gique, mais  elle  s'épuise  rapidement;  au  point  de  vue  pra- 
tique, c'est  un  inconvénient  irrémédiable,  aussi  croyons- 
nous  que  l'hypermanganate  rendra  bien  plus  de  service 
comme  désodorisant  immédiat  que  comme  neutralisant 
des  virus. 

Acide  phénique.  —  Nous  avons  déjà  vu  (p.  158)  que  l'acide 
phénique  n'est  pas  un  antiseptique  aussi  puissant  que  le 
croient  certaines  personnes.  Il  a  cependant  une  action 
antivirulente  réelle  qu'il  ne  faut  pas  exagérer,  mais  qu'il 
serait  injuste  de  méconnaître. 

Les  expériences  de  Baxter  font  voir  qu'en  général  on  s'est 
fait  quelques  illusions  sur  la  valeur  désinfectante  de  l'acide 
phénique  ;  cet  acide  n'est  efficace  qu'à  la  condition  d'élever 
le  titre  des  solutions  bien  au-dessus  des  doses  communé- 
ment employées  dans  la  pratique  journalière  ;  trop  sou- 
vent, en  effet,  on  se  laisse  aller  à  mesurer  le  pouvoir  d'un 
désinfectant  par  l'odeur  qu'il  dégage.  En  expérimentant 
sur  le  virus  vaccin,  Baxter  a  vu  que  si  la  pis)portion  de 
l'acide  cristallisé  dans  le  mélange  vaccinal  reste  au-des- 
sous de  1  p.  100,  l'action  est  nulle;  elle  n'est  certaine 
qu'à  partir  de  2  p.  100.  Voici,  comme  spécimen,  l'un  des 
tableaux  de  Baxter  : 

Proportion  de  l'acide  crist.      Nombre  de  vésicules  Nombre   de  vésicules 

dans  le  li((uide  obtenues  par  3  piqûres        obtenues  sur  l'autre  bras, 

vaccinal  désinfecté.  avec  le  vaccin  pur.  avec  le  vaccin  désinfecté. 

0,23  p.   100  3  3 

0,30  —  3  3 

1,0  — 3  1 

1,0  —  3  3 

1.6  —  3  i...  0 


ACIDE  PHÉMQUE.  329 

1,:;       -      :î    3 

l,o       —      3     2 

12,0       —      3    0 

2,0         —        3      0 

2,0         —        3      0 

Les  vésicules  obtenues  avec  le  vaccin  pur  sont  volumi- 
neuses et  très  belles,  tandis  que,  cette  fois  encore,  elles 
sont  petites  avec  le  vaccin  désinfecté. 

Le  D''  Jobn  Dougall  (1)  avait  déjà  fait  des  réserves  plus 
grandes  encore  sur  les  propriétés  antizymotiques  de  l'acide 
phénique.  Il  soumit  pendant  36  heures  sous  une  cloche 
de  verre,  de  la  lymphe  vaccinale  pure  à  des  vapeurs  con- 
centrées d'acide  phénique.  Le  vaccin,  qui  s'était  desséché, 
fut  humecté  avec  un  peu  d'eau  et  de  glycérine  neutre,  et 
on  conserva  le  liquide  dans  des  tubes  capillaires  scellés  à 
la  lampe;  peu  de  jours  après,  cette  lymphe  inoculée  à  un 
enfant  développa  des  vésicules  superbes. 

Dougall  critique  d'ailleurs  les  expériences  par  lesquelles 
Baxter  a  cru  pouvoir  attribuer  à  l'acide  phénique  une 
action  destructive  sur  l'inoculabilité  des  virus.  Baxter  ino- 
culait les  virus  immédiatement  après  les  avoir  mélangés 
avec  des  proportions  déterminées  d'acide  phénique,  ou 
après  avoir  conservé  le  mélange  dans  des  tubes  capillaires 
fermés  au  chalumeau  et  complètement  à  l'abri  de  l'air;  il 
n'est  pas  étonnant  que  dans  ces  conditions  Baxter  ait  conclu 
que  l'addition  de  2  parties  d'acide  phénique  cristallisé  à 
100  parties  de  lymphe  vaccinale  détruisait  toute  virulence. 
Mais  Dougall  ayant  remarqué  que  la  lymphe  ainsi  neutra- 
lisée était  lactescente  par  le  fait  de  la  coagulation,  pensa 
que  la  raison  pour  laquelle  le  vaccin  restait  stérile  était 
peut-être  que  les  particules  infectantes  de  ce  vaccin  étaient 
recouvertes  par  la  lymphe  coagulée  qui  les  entourait;  il  se 
demanda  si  l'acide  libre  dans  le  mélange  ne  coagulait  pas 


(1)  J.  Dougall,  Carbolic  and   Zijmolic  diseuses   (The  Lancet,   30  août 
1373,  p.  295). 


330  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

le  sang  contenu  dans  les  capillaires  ouverts  par  la  lan- 
cette inoculatrice,  de  manière  à  empêcher  l'absorption  du 
vaccin.  Pour  contrôler  son  hypothèse,  Dougall  mêla  40  par- 
ties d'acide  phénique  déliquescent  à  60  parties  de  lymphe.  Il 
en  fit  deux  portions,  dont  l'une  fut  gardée  à  l'abri  de  l'air 
et  de  l'évaporation  ;  au  bout  de  2  jours,  la  portion  restée 
à  l'air  libre  fut  inoculée  sans  succès  à  un  enfant,  lequel, 
8  jours  plus  tard,  était  parfaitement  vacciné  avec  de  la 
lymphe  pure  ;  au  contraire,  la  portion  abandonnée  à  l'air 
libre  et  à  l'évaporation  pendant  15  jours,  donna  de  très 
belles  pustules  vaccinales.  Cela  montre,  d'après  lui,  que 
l'acide  phénique  se  borne  à  suspendre  le  pouvoir  infectant, 
mais  qu'il  ne  le  détruit  pas. 

Mm.  Braidwood  et  Vacher  (1)  ont  présenté,  en  1819, 
au  Congrès  de  l'Association  britannique,  le  résultat  d'expé- 
riences presque  identiques  à  celles  de  Baxter;  ils  avaient 
pour  but  d'étudier  l'action  des  divers  gerraicides  sur  le 
vaccin.  Leurs  expériences  méritent  le  même  reproche  que 
celles  de  Baxter  :  quand  ils  inoculaient,  immédiatement 
après  sa  préparation,  un  mélange  à  parties  égales  de 
vaccin  et  de  solution  d'acide  phénique  à  1  p.  100,  70  fois 
sur  100  l'inoculation  restait  négative;  cet  effet  persistait 
de  6  jours  à  dix  semaines. 

ACTION  DES    VAPEURS   D'ACIDE   PHÉNIQUE    SUR   LE  VACCIN   DESSÉCHÉ. 

Nombre  de  vésicules  Nombre  de  vésicules 

aveo  les  pointes  vierges,  avec  les  pointes  désinfectées. 

3  1 

3  2 

3  1 

3  3 

3  2 

2  0 

3  0 


(1)  Braidwood  and   Vacher,  Life-History   of  Contagiinn  {British    mé- 
dical Journal,  1880  à  1882). 


rée  de  l'exposition 

aus 

:  vapeurs. 

5 

minutes. 

10 

— 

15 

— 

20 

— 

30 

— 

30 

— 

60 

— 

ACIDE  PHËNIQUE.  3»! 

Ils  auraient,  cilx  aussi,  obtenu  lîii  l'csultàt  bien  difféi'ent, 
s'ils  avaient  laissé  le  mélange  au  contactdc  l'air  et  si  l'acidë 
pliéiiique  avait  pu  s'évaporer  ;  et  cependant,  la  concefltratioh 
de  r acide  pliéiii(|ue  est  ici  énorme,  et  on  ne  peut  songé^ 
à  l'employer  dans  la  pratique  à  lin  tel  degré. 

Sur  le  vaccin  desséché,  l'action  de  l'acide  phénique  en  va- 
peurs n'est  pas  beaucoup  plus  satisfaisante,  (F.  tableau  pré- 
cédent). En  opérant  sur  du  suc  provenant  du  broiement  de 
granulations  pulmonaires  morveuses,  Baxter  obtint  les  ré- 
sultats suivants  :  il  mélangea  un  volume  de  virus  et  un  vo- 
lume de  solutidrt  d'acide  phénique  à  4  pouf  100,  de  telle 
sorte  que  le  volume  total  contenait  2  pour  100  d'acide  phé- 
nique cristallisé  :  un  âne  auquel  on  inocula  le  liquide  resta 
bien  portant.  Au  contraire,  Tinoculalion  fut  suivie  d'acci- 
dents mortels  en  diminuant  la  proportion  d'acide  phénique  : 
on  avait  ajouté  à  un  volume  de  virus  1  volume  de  solution  à 
1  pour  100,  soit  0,5  pour  100  du  volume  total;  l'animal 
succomba  le  12"  jour  avec  des  abcès  sous-cutanés  et  intra- 
musculaires, des  noyaux  jaunâtres  dans  les  poumons,  etc. 

D'après  M,  Davaine,  l'acide  phénique,  dans  la  propor- 
tion de  1  gramme  d'acide  cristallisé  pour  100  grammes  de 
la  dilution  sepiique  réduite  au  minimum  d'inoculabilité, 
détruit  constamment  le  virus,  et  les  inoculations  ne  sont 
suivies  d'ailcun  accident.  Mais,  quand  le  titre  de  l'acide 
descend  à  1/2  pour  100,  après  une  demi-heure  de  contact, 
la  virulence  persiste  et  une  goutte  du  mélange  injectée  à 
des  lapins  amène  la  mort  dans  l'espace  de  24  à  48  heures. 

Baxter  est  arrivé  à  des  résultats  identiques  en  mêlant 
toujours  1  volume  de  virus  avec  1  volume  d'une  solution 
phéniquée  plus  ou  moins  concentrée  ;  il  se  servait,  nous 
croyons  nécessaire  de  le  répéter,  du  virus  provenant  de  la 
cavité  péritonéale  d'un  cobaye  ayant  succombé  à  une  péri- 
tonite infectieuse.  Tantôt  cette  péritonite  était  primitive  ; 
elle  résultait  «  de  l'introduction,  dans  le  péritoine,  de  pus 
putride,  d'exsudation  provenant  de  chiens  morts  de  septi- 


332  ^'EUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

cémic  artificielle ,  ou  d'exsudation  péritonéale  d'autres 
cobayes  »  ;  tantôt  cette  péritonite  était  secondaire,  elle 
était  le  résultat  de  l'injection  sous-cutanée  de  produits 
infectieux  provenant  d'autres  cochons  d'Inde  ;  dans  ce 
dçrnier  cas,  le  virus  avait  traversé  plusieurs  générations 
d'animaux  et  sa  virulence  était  beaucoup  plus  grande. 
Le  liquide  septique  recueilli  dans  la  cavité  péritonéale 
était  mélangé  avec  une  quantité  bien  déterminée  de  sub- 
stance désinfectante,  et  après  un  contact  d'une  durée  va- 
riant de  30  minutes  à  3  heures,  le  mélange  était  injecté 
sous  la  peau  de  cobayes  avec  la  seringue  de  Pravaz  : 
mais  pour  Baxter,  la  durée  du  contact  n'a  qu'une  impor- 
tance insignifiante  ;  car ,  d'après  lui ,  la  neutralisation  est 
complète  au  bout  de  5  minutes,  pourvu  que  le  mélange 
ait  été  intime.  Les  expériences  de  Baxter  ont  porté  sur 
14  lapins  ou  cobayes  répartis  en  cinq  séries. 

2  gr.  d'acide  crist.  pour    100  du  volume  tolal  :     Virus  inerte 
1  gr.  —  —  —  Virus  inerle 

0  gr.  50      —  —  —  Mort   au  bout   de  18  et 

de  48  heures. 

Nous  avons  vu  que  la  dilution  septique  employée  par 
M.  Da vaine  est  incomparablement  plus  faible  que  celle  de 
M.  Baxter  ;  ce  dernier  se  sert  de  la  lymphe  inflammatoire 
presque  pure,  tandis  que  le  premier  fait  usage  d'une  dilu- 
tion à  1  p.  10,000.  Il  peut  donc  paraître  surprenant  que 
dans  des  conditions  aussi  différentes,  la  même  proportion 
(1  p.  100)  d'acide  phénique  neutralise  également  les  deux 
virus.  L'explication  nous  paraît  facile  :  dans  ces  liquides 
virulents  ou  pseudo- virulents,  la  quantité  du  virus  lui- 
même  importe  moins  que  la  concentration  de  la  solution 
acide  ou  saline  dans  laquelle  il  est  contenu.  Que  l'on 
prenne  100  grammes  d'eau  distillée,  qu'on  y  mêle  une 
goutte  de  sang  septique,  puis  qu'on  y  dissolve  1  gramme 
d'acide  phénique  cristallisé  ;  supposons  que  le  virus  soit 


ACIDE  PHÉNIUUE.  333 

parfaitement  neutralisé  clans  cette  dilution  à  1  p.  ^,000. 
N'est-il  pas  probable  que  si  on  ajoute  une  nouvelle  goutte 
de  sang  septique  au  mélange,  la  même  dose  d'acide  con- 
tinuera à  neutraliser  le  virus,  bien  que  la  proportion  de 
ce  dernier  soit  devenue  double  (1  p.  1,000)?  Au  contraire, 
on  peut  ramener  cette  dilution  de  1  p.  1,000  au  titre  pri- 
mitif de  1  p.  2,000  en  y  ajoutant  100  grammes  d'eau  pure, 
en  doublant  par  conséquent  son  volume;  il  est  probable 
que  dans  ce  cas  le  résultat  de  la  désinfection  serait  fort  dif- 
férent, et  que  1  gramme  d'acide  phénique  dans  200  gram- 
mes de  liquide  ne  suffirait  plus  pour  neutraliser  cette  dilu- 
tion du  virus  à  1  p.  1,000. 

On  le  voit  donc,  ce  qui  importe  ce  n'est  pas  le  rapport 
entre  la  quantité  du  virus  et  la  quantité  de  l'agent  neu- 
tralisateur  ;  c'est  bien  plutôt  le  rapport  entre  la  quantité 
de  cet  agent  et  la  masse  du  véhicule  dans  lequel  est  diluée 
une  quantité  variable  du  virus.  Dans  le  cas  particulier,  il 
est  probable  qu'un  mélange  de  1  gramme  d'acide  phénique 
et  de  100  grammes  d'eau  forme  un  milieu  dans  lequel 
100  vibrions  ne  peuvent  pas  plus  vivre  que  50  vibrions, 
dans  lequel  50  centigrammes  de  matière  albuminoïde  ne  se 
coagulent  pas  moins  que  25  centigrammes  de  la  même 
substance.  Dans  la  pratique  de  l'hygiène,  on  ne  sait  jamais 
quel  est  le  degré  de  concentration  du  liquide  virulent 
qu'on  cherche  à  neutraliser  ;  ce  qu'il  faut  connaître,  c'est 
le  degré  de  concentration  que  doit  avoir  un  liquide  désin- 
fectant pour  dénaturer  et  détruire  toutes  les  particules  de 
virus  en  contact  avec  lui. 

Z.-U.  Dreyer,  de  Rostock  (1)  est  arrivé  à  des  résultats 
peu  différents.  Il  inoculait  trois  gouttes  de  sang  septique 
provenant  d'un  animal  mort  le  2^  jour  à  la  suite  de  l'injec- 
tion de  sang  putride.  Sur  un  animal  témoin,  le  sang  fut 
injecté  pur  et  amena  la  mort  au  bout  de  4  heures.  Trois 

(1)  Z.-U.  Dreyer  {Ueber  die  zunehmende  Yirulenz  der  septischen  Glftes 
Archiv  fur  experimentelle  PathoL,  187^,  2'  vol.,  p.  150-182). 


33<i  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

gouttes  du  même  sang  furent  diluées  dans  6  centimètres 
cubes  de  solution  phéniquée  à  2  0/0  ;  le  résultat  de  l'ino- 
culation fut  nul  ;  il  en  fut  de  même  avec  une  dilution  à 
3  0/0. 

Pour  le  virus  charbonneux,  M.  Davaine  employait  une 
dilution  de  1  goutte  de  sang  charbonneux  dans  100  gouttes 
d'eau  distillée;  tandis  qu'une  seule  goutte  de  ce  mélange 
injectée  sous  la  peau  d'un  cobaye  amenait  fatalement  la 
mort,  il  fallait  que  la  proportion  d'acide  phénique  dans  le 
mélange  fût  de  1  0/0  pour  que  l'inoculation  devînt  stérile. 

Il  convient  ici  de  le  rappeler,  Dougall  prétend  que  dans 
ces  conditions  l'action  neutralisante  de  l'acide  phénique  est 
passagère  ;  l'acide  ne  détruit  pas  définitivement  la  vitalité, 
l'activité  des  germes  ou  des  virus  ;  dès  que  ce  corps  très 
volatil  s'est  évaporé,  le  virus  redevient  actif.  Pettenkofer 
a  même  prétendu  que  l'acide  phénique  n'est  qu'un  simple 
coagulant  ;  il  englobe  dans  un  magma  d'albumine  coagulé 
les  corpuscules  virulents,  et  ceux-ci  seraient  capables  de 
reprendre  leur  activité  dès  qu'on  ajoute  de  l'eau  qui  redis- 
sout le  coagulum  et  après  que  tout  l'acide  phénique  a  dis- 
paru par  volatilisation. 

Il  est  donc  prudent  de  ne  pas  trop  compter  sur  les 
doses  même  assez  fortes  d'acide  phénique  pour  détruire 
l'inoculabilité  des  virus.  Que  penser,  par  conséquent,  de  ceux 
qui  se  contentent  de  répandre  quelques  gouttes  de  solution 
phéniquée  au  millième  ou  un  peu  de  sciure  de  bois  phé- 
niquée, pour  désinfecter  et  rendre  inoffensive  la  chambre 
d'un  varioleux  ?  Un  moyen  plus  puissant  consiste  à  faire 
volatiliser  sur  une  plaque  de  fer  rougie  des  cristaux 
d'acide  phénique.  Mais  dans  ce  cas  encore  la  dose  doit  être 
considérable  ;  d'après  certains  auteurs,  elle  ne  serait  pas 
moindre  que  1  kilogramme  pour  une  chambre  de  50  mè- 
tres cubes. 

Suc  DE  FEUILLES  DE  NOYER.  —  Dans  un  travajl  expérimen- 


FEUILLES  DE  NOYER.  338 

tal  très  riche  en  indications  précises,  et  que  nous  avons 
déjà  bien  des  fois  cité,  M.  Davainc  (1)  n'a  pas  dédaigné  d'ex- 
périmenter l'action  antiviriilente  d'un  agent  réputé  inoffen- 
sif, le  suc  de  feuilles  de  noyer.  Déjà  Nélaton,  au  nom  de 
M.  le  D""  Raphaël,  avait  signalé  à  l'Académie  de  médecine 
(19  septembre  1857)  l'efficacité  des  cataplasmes  de  feuilles 
de  noyer  dans  les  cas  de  pustule  maligne  ;  on  avait  ac- 
cueilli cette  assertion  avec  incrédulité  et  même  avec  un 
peu  de  dédain;  on  s'étonnait  presque  que  Nélaton,  si  sobre 
de  présentations  à  l'i^cadémie  et  d'ordinaire  si  réservé,  se 
compromit  en  présentant  cette  recette  composée  à  l'aide  de 
simples.  L'on  sait,  d'ailleurs,  que  certains  animaux  para- 
sites, et  en  particulier  les  punaises,  ont  une  grande  répu- 
gnance pour  l'odeur  de  noyer,  et  que  la  présence  de  ces 
feuilles  fraîches  chasse  assez  bien  ces  exécrables  parasi- 
tes. M.  Davaine  a  contrôlé  sans  parti  pris  les  assertions 
de  M.  Raphaël  :  il  a  broyé  dans  un  mortier  des  feuilles 
fraîches  de  noyer  avec  du  sang  charbonneux  très  viru- 
lent. Sur  sept  animaux,  au  bout  de  26,  de  o  heures,  et 
même  d'une  demi-heure  de  contact,  il  a  inoculé  quel- 
ques gouttes  exprimées  de  ce  mélange  ;  les  cobayes  ino- 
culés restèrent  bien  portants.  Le  résultat  est  assurément 
surprenant  ;  le  grand  talent  d'expérimentateur  de  M.  Da- 
vaine ne  permet  pas  de  nier  un  tel  résultat  ;  il  serait  utile 
cependant  que  ces  recherches  fussent  renouvelées  et  con- 
trôlées. 

MM.  Ch.  Talamon  et  P.  Dérignac  (2)  les  ont  toutefois 
récemment  confirmées.  Quelques  gouttes  d'une  décoction 
de  feuilles  de  noyer,  qui  leur  avait  été  remises  par  M.  Ra- 
phaël, ajoutées  au  bouillon  Liebig,  ont  empêché  tout  dé- 

(1)  Davainc,  Recherches  sur  le  traitement  des  maladies  charbon- 
lieuses  chez  l'homme.  {Bulletin  de  F  Académie  de  médecine,  séance  du 
27  juillet  1880,  p.  757.) 

(2)  Talamon  et  Dérignac,  Deux  cas  de  charbon  chez  l'homme  étudiés 
suivant  la  méthode  de  Pasteur,   (Revue  de  médecine,  T.  L,  p.  408,  1881.) 


336  NEUTRALISANTS  EN  PARTICULIER. 

veloppement  des  bactéridies  semées  dans  ce  liquide,  et  le 
ballon  est  resté  limpide. 


Cette  liste  pourrait  être  augmentée  d'un  grand  nombre 
d'agents  dont  la  valeur  neutralisante  est  encore  trop  incei^- 
taine  pour  qu'on  s'y  arrête  dès  aujourd'hui.  Mais  la  voie 
est  tracée,  l'expérimentation  thérapeutique  est  à  l'ordre  du 
jour,  et  nous  avons  le  ferme  espoir  que  d'ici  quelques 
années  l'on  aura  réalisé  dans  cette  direction  des  progrès  et 
des  découvertes  dont  on  peut  déjà  prévoir  l'importance. 


LIVRE  DEUXIÈME 


DE  LA  DÉSINFECTION 


Passer  en  revue  toutes  les  applications  des  désinfectants 
à  la  clinique  et  à  l'hygiène  publique  ou  privée,  c'est  entre- 
prendre une  tâche  considérable  et  toucher  à  presque  toutes 
les  parties  de  l'hygiène.  Nous  devons  nous  borner  ici  à  tra- 
cer un  cadre  qui  permette  de  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur 
les  ressources,  les  procédés  et  même  les  formules  qu'il  peut 
avoir  besoin  de  consulter  pour  chaque  cas  particulier.  Nous 
adopterons  les  grandes  divisions  suivantes  : 

Désînfectio7i  nosocomiale  :  désinfection  de  la  lésion,  du 
malade,  des  locaux,  du  matériel,  des  effets  et  de  la  lite- 
rie, des  moyens  de  transport,  du  personnel  médical. 

Désinfection  quarantenaire  :  Désinfection  du  navire,  des 
marchandises,  des  passagers. 

Désinfection  vétérinaire. 

Désinfection  des  aliments  et  des  boissons. 

Désinfection  des  habitations  collectives  et  privées. 

Désinfection  industrielle. 

Désinfection  municipale. 

Désinfection  du  sol,  des  champs  de  bataille,  etc. 

Ce  plan  est  assurément  loin  d'être  complet,  mais  il  nous 
paraît  capable  de  rapprocher  les  choses  comparables  ;  il  per- 
mettra sans  trop  de  peine  de  trouver  les  renseignements 
dont  on  a  besoin  dans  la  pratique. 

Vallix.  — 'Désinfectants.  22 


333  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

CHAPITRE  I. 
DÉSINFECTION   NOSOCOMIALE. 

A  la  faveur  de  cette  expression  bien  définie  et  très  com- 
préhensive  (votroç,  maladie  ;  xo[jt.£tv,  soigner),  nous  réunissons 
toutes  les  questions  qui  concernent  la  désinfection  du 
malade  et  des  objets  qui  l'entourent,  aussi  bien  à  l'hôpital 
que  dans  le  traitement  à  domicile. 

ART.  I".  —  DÉSINFECTION  DES  PLAIES  OU  DE  LA  LÉSION. 

Ce  serait  sortir  de  notre  cadre  que  de  décrire  ici  les 
pansements  désinfectants ,  et  particulièrement  les  panse- 
ments antiseptiques  qui  ont  transformé,  on  peut  le  dire,  la 
thérapeutique  chirurgicale.  Ce  qui  fera  la  gloire  de  Lister, 
ce  n'est  pas  le  pansement  qui  porte  son  nom,  c'est  un  fait 
bien  plus  général  :  c'est  l'effort  couronné  de  succès  par 
lequel  il  a  réussi  à  transformer  la  méthode  de  pansement 
de  tous  les  chirurgiens.  Sans  doute,  il  n'a  rien  inventé: 
avant  lui  Chassaignac  faisait  les  pansements  rares  ou  par 
occlusion  ;  avant  lui  Lemaire  pansait  toutes  les  plaies  avec 
l'acide  phénique.  Lister  a  eu  l'heureuse  fortune  et  le  talent 
d'entraîner  derrière  lui  tous  les  chirurgiens  dans  une  voie 
nouvelle;  des  succès  inouïs  jusqu'ici  les  ont  encouragés  à 
persévérer;  les  procédés  changeront,  la  méthode  restera. 
Le  grand  principe  de  la  méthode  antiseptique  est  d'empê- 
cher les  parties  exposées  à  l'air  d'être  souillées  par  les  ger- 
mes suspendus  dans  l'atmosphère  et  aussi  d'empêcher  les 
liquides  sécrétés  de  subir  la  décomposition  putride  ou  autre  ; 
elle  comprend  donc  à  la  fois  l'occlusion  (A.  Guérin)  et,  l'em- 
ploi des  agents  antiseptiques  (pansement  de  Lister).    Nous 


DÉSINFECTION  DES  PLAIES  OU  DE  LA  LÉSION.  339 

nous  contenterons  d'énumérer  les  pièces  qui  composent  le 
traitement  antiseptique,  suivant  la  méthode  actuelle  de 
Lister. 

Le  lavage  de  la  peau  du  malade,  des  mains  des  opéra- 
teurs, des  instruments,  des  éponges,  doit  être  fait  avec  la 
solution  phéniquée  forte  (à  S  p.  100),  exceptionnellement 
avec  la  solution  faible  (à  2,5  p.  100),  Le  pansement  se  fait 
sous  un  nuage  de  solution  phéniquée  pulvérisée,  qui  frappe 
la  région  malade,  les  pièces  de  pansement,  les  mains  des 
aides  et  détruit  les  germes  dans  l'atmosphère  qui  avoi- 
sine  la  plaie.  Le  pansement  se  compose  des  pièces  sui- 
vantes, en  allant  de  la  plaie  vers  l'extérieur  : 

A.  La  protecUve,  étoffe  de  soie  verte  mince,  sorte  de  taf- 
fetas gommé,  revêtu  de  vernis  copal  et  de  dextrine,  absolu- 
ment imperméable  à  l'acide  phénique,  et  destiné  à  protéger 
la  plaie  ;  on  lave  le  morceau  de  tissu  dans  la  solution  phé- 
niquée faible  avant  de  l'apphquer. 

B.  Par  dessus,  on  place  8  feuillets  de  gaze  antiseptique, 
humectée  die  solution  phéniquée  faible  ;  cette  gaze  est  obte- 
nue en  l'imprégnant  de  résine  et  de  paraffine  phéniquée. 

C.  Entre  le  T  et  le  8*  feuillet  de  gaze  antiseptique,  on 
place  le  Mackintosh  ou  imperméable,  tissu  de  coton  de  cou- 
leur rose,  revêtu  d'une  couche  mince  et  souple  de  caout- 
chouc ;  cette  pièce  peut  servir  pour  plusieurs  pansements  , 
mais  il  faut  chaque  fois  la  laver  avec  soin  dans  de  l'eau 
savonneuse,  puis  la  laisser  séjourner  quelques  heures  dans 
une  solution  phéniquée  forte. 

D.  Le  tout  est  fixé  avec  quelques  bandes  de  gaze  anti- 
septique, et  l'on  peut  même,  pour  empêcher  toute  pénétra- 
tion de  l'air  et  des  germes  dans  les  interstices  des  couches, 
serrer  le  pansement  à  son  bord  supérieur  et  à  son  bord 
inférieur  par  des  bretelles  bouclées  en  tissu  élastique. 

Comme  les  accidents  d'intoxication  par  absorption  d'acide 
phénique  ne  sont  pas  rares,  Lister  vient  de  substituer  à 
la  gaze  phéniquée  la  gaze  imprégnée  d'essence  d'eucalyptus- 


S40  DÉSINFECTION  NOSOGOMIALE. 

en  dissolution  dans  le  baume  de  Dammar  et  la  paraffine  (1). 
Certains  chirurgiens  remplacent  l'acide  phénique  par  l'acide 
borique  ou  l'acide  salicylique  à  saturation,  le  chlorure  de 
zinc  (8  p.  0/0),  le  sulfite  de  soude,  le  thymol,  l'essence  de 
gaultheria  ou  de  wintergreen  dissoute  dans  l'alcool,  et  par 
l'alcool  lui-même  employé  en  irrigation  continue  ou  in- 
termittente. Quant  au  pansement  par  occlusion  (panse- 
ment rare,  au  diachylum,deChassaignac,  pansement  ouaté 
d'A.  Guérin),  nous  n'avons  pas  à  nous  y  arrêter  ici. 

La  méthode  de  Lister,  et  à  plus  forte  raison  celle  de 
A.  Guérin,  sont  surtout  préventives  ;  elles  empêchent  l'in- 
fection de  se  produire  bien  plus  qu'elles  ne  la  détruisent 
quand  elle  a  eu  lieu  ;  elles  sont  antiseptiques,  non  désin- 
fectantes. 

Les  lésions  locales,  plaies  ou  ulcères,  réclament  souvent 
la  désinfection  proprement  dite,  soit  qu'on  veuille  sim- 
plement détruire  leur  mauvaise  odeur  et  prévenir  la  ré- 
sorption possible  de  liquides  putrides,  soit  qu'on  cherche 
à  neutraliser  les  principes  virulents  sécrétés  par  la  plaie  : 

1°  Nous  prendrons  comme  exemple  du  premier  cas  ; 
la  gangrène,  le  cancer,  Vo%ène,  Vempyème,  etc. 

Il  y  a,  en  général,  trois  indications  à  remplir  :  1°  nettoyer 
rigoureusement  la  plaie  ;  2°  empêcher,  à  l'aide  d'antisepti- 
ques, les  liquides  fraîchement  sécrétés  de  se  décomposer  ; 
3"^  absorber,  désodoriser  les  émanations  ou  les  liquides  dont 
la  fermentation  n'aura  pas  pu  être  évitée.  Il  faut,  en  outre, 
ne  pas  employer  de  substances  capables  d'irriter  les  sur- 
faces vives,  qui  sont  souvent  très  douloureuses. 

Depuis  plusieurs  années  que  nous  étudions  spécialement 
la  désinfection  et  les  désinfectants,  nous  nous  assurons 
de  plus  en  plus,  par  l'expérience  au  lit  du  malade,  que  si 
l'on  rencontre,  dans  certains  cas,  une  grande  difficulté  à 
faire  cesser  l'odeur  infecte  d'une  plaie,  c'est  que  cette  plaie 

(1)  Lister,  Eucalyptus  globulm  as  an  AntisepHc  (The  Lancet,  21  mai 
1881,  p.  837). 


DÉSINFECTION  DES  PLAIES  OU  DE  LA  LÉSION.  341 

a  été  mal  nettoyée.  Il  ne  s'agit  pas  ici  d'un  nettoyage, 
d'un  lavage  banal,  qui  ne  fait  jamais  défaut;  il  y  a,  entre 
le  nettoyage  que  nous  croyons  indispensable  et  celui  qui 
se  pratique  journellement,  la  même  différence  qu'entre  le 
rinçage  d'une  bouteille  et  la  purification  d'un  ballon  de 
Pasteur  destiné  à  préparer  un  liquide  de  culture  asepti- 
que. S'il  reste  dans  les  anfractuosités  d'un  ulcère  cancé- 
reux qui  bourgeonne  la  moindre  parcelle  du  putrilage  an- 
cien, la  moindre  cellule  de  ferment  putride  développée 
sous  le  pansement  de  la  veille,  les  antiseptiques,  même 
puissants,  seront  incapables  d'empêcher  l'ensemencement 
des  liquides  récemment  sécrétés;  leur  décomposition  est 
inévitable, 

La  première  condition  de  toute  désinfection  est  donc  le 
lavage  complet,  et  le  procédé  le  plus  pratique,  quand  la 
région  ou  le  degré  de  sensibilité  le  comportent,  c'est  l'ir- 
rigation par  le  jet  d'un  grand  irrigateur  ;  le  liquide  ainsi 
projeté  peut  être  additionné  d'une  des  substances  anti- 
septiques dont  nous  allons  parler  tout  à  l'heure.  Mais  ce 
premier  lavage  doit  être  complété  par  la  pulvérisation,  sur 
la  partie  malade,  d'une  solution  de  pei^manganate  de  po- 
tasse dans  l'eau  distillée.  Nous  oserions  dire  que  peu  de 
plaies  infectes  résistent  à  ce  traitement  :  il  a  réussi  entre 
nos  mains  alors  que  tous  les  autres  moyens  avaient  échoué. 
La  solution  au  4,000''  est  généralement  suffisante;  on  peut 
la  porter  sans  peine  à  4  p.  1,000;  dans  des  cas  exception- 
nels, on  peut  être  obligé  de  réduire  la  solution  à  50  centi- 
grammes de  permanganate  de  potasse  solide  pour  1  litre 
d'eau  distillée.  Il  faut  avoir  soin  de  ne  faire  préparer  qu'une 
faible  quantité  de  solution  à  la  fois,  au  plus  200  grammes, 
pour  éviter  la  réduction  par  l'air  dans  des  flacons  sou- 
vent débouchés  ou  dans  le  pulvérisateur  (exclusivement 
en  verre)  où  l'air  se  renouvelle  pendant  l'opération.  Pour  le 
lavage  d'une  plaie  de  moyenne  étendue,  comme  la  région 
mammaire,  on  n'use  guère  plus  de  30  à  40  grammes  de 


;.i2  DESLNFECTION   NOSOCOMIALE. 

liquide  ;  la  pulvérisation  ne  doit  être  arrêtée  que  lorsque 
toute  trace  d'odeur  putride  a  disparu  et  est  remplacée  par 
l'odeur  métallique  et  atramantaire  du  permanganate;  l'opé- 
ration doit  être  renouvelée  au  bout  de  12  heures.  Le  linge 
taché  sera  assez  bien  nettoyé  avec  une  solution  très  faible 
d'acide  chlorhydrique.  Le  même  effet  désinfectant  peut  être 
obtenu  par  les  solutions  d'hyposulfite  de  soude,  à  1  pour  10, 
employées  avec  succès  par  M,  Burgraeve  de  Gand,  par 
M.   Hervieux,  etc. 

La  plaie  étant  ainsi  rendue  momentanément  aseptique, 
c'est-à-dire  dépourvue  de  tout  germe  septique,  il  faut  em- 
pêcher les  liquides  fermentescibles  qu'elle  sécrète  inces- 
samment de  se  putréfier  par  le  fait  de  la  chaleur  du 
corps.  C'est  le  rôle  des  antiseptiques.  Tout  dépend  ici  de 
la  sensibihté  parfois  extrême  des  parties.  L'acide  borique, 
même  en  solution  saturée  (4  p.  100),  est  parfaitement  sup- 
porté par  les  tissus  ;  le  chloral,  qui  calme  assez  bien 
les  douleurs  lancinantes  et  profondes,  détermine  de  la 
cuisson  sur  les  excoriations  superficielles  :  la  solution  à  2 
et  même  4  0/0  est  généralement  tolérée.  L'acide  phénique 
en  solution  faible  (2,5  pour  100),  ou  dans  des  cas  excep- 
tionnels en  solution  forte  (5  pour  100), retarde  beaucoup 
la  putréfaction  ;  pulvérisée,  elle  est  parfois  anesthésiante, 
mais  elle  a  une  odeur  désagréable;  elle  amène,  dès  que  la 
surface  absorbante  est  étendue,  le  premier  degré  d'empoi- 
sonnement caractérisé  par  la  teinte  noire  de  l'urine. 
L'huile  ou  la  glycmne  phéniquée,  même  en  solution  forte 
(de  5  à  10  d'acide  cristallisé  0/0  d'huile)  est  d'ordinaire 
tolérée  par  des  plaies  qu'irritent  des  solutions  aqueuses 
à  2,  5  p.  100.  Il  faut  dans  ce  cas,  pour  s'opposer  à  la  vo- 
latilisation de  l'acide,  appliquer  directement  sur  la  plaie 
un  ou  deux  feuillets  de  papier  dit  de  soie  imbibé  d'huile, 
puis  recouvrir  avec  de  la  ouate  et  du  taffetas  gommé.  L'eau 
de  Labarraque,  l'éponge  imbibée  de  solution  d'hypochlo- 
rite  de  soude  laissée  sur  la  plaie  (Hervieux),  les  solutions 
de  sulfite  de  soude,  etc.,  rendent  aussi  des  services. 


DÉSINFECTION  DES  PLAIES  OU  DE  LA  LÉSION.  343 

11  reste  une  troisième  condition  à  remplir  :  absorber  les 
miasmes  et  les  liquides,  désodoriser  les  produits  dont  les 
antiseptiques  n'ont  pu  empêcher  la  décomposition.  Le  char- 
bon vient  ici  à  un  très  bon  rang,  sous  forme  de  sachets 
remplis  de  charbon  de  bois  finement  pilonné,  de  papier 
carbonifère,  de  charpie  et  d'épongé  carbonifères  de  Pichot 
et  Malapert  :  cet  adjuvant  est  toujours  bien  supporté  ;  le 
contact  de  l'éponge,  en  particulier,  est  très  doux,  et  les  flo- 
cons très  légers  d'épongé  fine  et  r^ée  pénètrent  dans 
toutes  les  anfractuosités.  La  poudre  de  Corne  et  Demeaux 
(plâtre  fin,  100  parties;  coaltar  ou  goudron  de  houille, 
1  à  3  parties),  qui  a  eu  une  grande  vogue  il  y  a  lo  ans, 
absorbe  les  liquides  et  fait  disparaître  momentanément 
l'odeur;  mais  elle  forme  un  enduit  lourd  et  rigide,  mal 
supporté  par  les  plaies,  et  qui  rend  celles-ci  difficiles  à 
nettoyer. 

La  poudre  d'amidon  ou  delycopode,  additionnée  d'une 
quantité  variable  (5  0/0)  d'acide  borique  ou  sahcylique, 
peut  être  appliquée  sur  les  excoriations  superficielles  et 
d'ordinaire  très  fétides  de  l'intertrigo,  etc.  Chalvet  (1)  re- 
commande, pour  le  pansement  des  plaies  fétides,  le  moyen 
suivant  :  il  applique  directement  sur  la  plaie  une  feuille 
de  papier  au  charbon,  trouée  et  imbibée  de  glycérine  ;  il 
superpose  une  couche  de  charpie  carbonifère  ;  puis  il  re- 
couvre avec  des  lames  minces  d'ouate,  entre  lesquelles  il 
emprisonne  quelques  pincées  de  chlorure  de  chaux  sec.  La 
disposition  paraît  excellente. 

Certaines  plaies  exhalent  une  odeur  fade  et  nauséabonde 
qui  résiste  à  la  plupart  des  désinfectants  ;  dans  ces  cas,  le 
suc  de  citron  fait  quelquefois  disparaître  assez  rapidement 
la  mauvaise  odeur.  11  est  difficile  cependant  de  ranger  le 
suc  de  citron  parmi  les  désinfectants,  mais  voici  l'explica- 
tion qu'on  pourrait  donner  de  ce  phénomène  :  certaines 

(1)  Chalvet,  Des  désinfectants  et  de  leurs  applications  à  la  théraptu- 
tique  et  à  l'hygiène  [Mém.  de  VAcad.  de  méd.,  186a,  T.  XXVI,  p.  iT6.) 


3ii  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

plaies  fétides  auxquelles  nous  faisons  allusion  sécrètent  des 
liquides  à  réaction  alcaline;  n'est-il  pas  vraisemblable,  ou 
tout  au  moins  possible,  que  dans  ce  milieu  alcalin  se  dé- 
veloppent, se  cultivent,  certains  protorganismes  de  la  pu- 
tréfaction à  odeur  particulièrement  nauséeuse?  En  chan- 
geant, par  l'application  d'un  suc  acide,  la  réaction  et  la 
nature  du  liquide  de  culture,  ces  protorganismes  meu- 
rent, et  avec  eux  disparaît  la  cause  de  la  mauvaise  odeur. 

Chalvet  raconte  qffe  Guersent  prescrivit  devant  lui,  dans 
un  cas  de  nécrose  du  maxillaire  inférieur  avec  fétidité  re- 
poussante, des  injections  fréquentes  avec  de  l'eau  de  feuilles 
de  noyer.  Quelques  jours  après,  non  seulement  l'odeur  in- 
fecte de  la  bouche  avait  cessé,  mais  le  malade  qui  présen- 
tait des  signes  d'un  commencement  de  résorption  putride, 
avait  repris  les  apparences  d'une  santé  meilleure,  bien  que 
le  séquestre  ne  fût  pas  encore  éliminé.  Nous  rappelons  ce 
fait,  parce  que  les  expériences  récentes  de  M.  Davaine  ont 
montré  que  l'infusion  de  feuilles  de  noyer  semble  avoir 
une  efficacité  réelle  pour  neutraliser  le  virus  charbonneux  ; 
il  serait  possible  que  la  réputation  ancienne  et  banale  des 
feuilles  de  noyer  dans  le  pansement  des  plaies  fût  justi- 
fiée, c'est  une  question  qui  mériterait  de  nouvelles  études. 

M.  Castex  a  préconisé  un  procédé  ingénieux  d'employer 
l'iode  à  la  désinfection  des  plaies,  surtout  des  plaies  de  la 
face,  où  l'application  des  pansements  est  difficile.  On  fait 
de  l'empois  avec  une  partie  d'amidon,  trois  parties  d'eau, 
et  une  quantité  variable  de  teinture  d'iode  ;  cette  sorte  de 
pommade  bleue  s'étend  comme  du  cérat  sur  des  gâteaux 
de  charpie  et  se  moule  parfaitement  sur  les  inégalités  de 
la  plaie.  L'application  détermine  une  cuisson  légère  et  de 
courte  durée.  Chalvet  a  vu  dans  un  cas  de  cancer  de  la 
face  la  féfidité  de  la  plaie  disparaître  ainsi  pendant  24  heu- 
res ,  elle  était  remplacée  par  l'odeur  de  l'iode  ;  mais  au 
bout  de  24  heures  l'odeur  de  l'iode  avait  à  son  tour  dis- 
paru, et  l'on  ne  sentait  plus  que  l'odeur  nauséabonde  du 


DÉSINFECTION  DES  PLAIES  OU  DE  LA  LÉSION.  34S 

cancer.  La  pâte  était  d'ailleurs  décolorée,  elle  était  rede- 
veriue  blanclic,  ce  qui  prouve  que  l'iodure  d'amidon  s'était 
déconqiosé. 

Il  nous  est  impossible  de  classer  avec  Chalvet  les  to- 
piques modificateurs  des  plaies  parmi  les  désinfectants 
thérapeutiques  ;  modifier  la  vitalité  des  tissus  malades 
est  tout  autre  chose  que  les  désinfecter.  Chalvet  en  ar- 
rive à  classer  la  glycérine  parmi  les  désinfectants,  parce 
que  «  la  glycérine  pure,  qui  absorbe  les  parties  aqueuses 
des  produits  morbides,  modifie  favorablement  les  surfaces 
suppurantes  »  ;  de  même  il  est  conduit  à  ranger  le  cau- 
tère actuel,  le  nitrate  d'argent  et  même  l'excision  des 
bourgeons  charnus  parmi  les  désinfectants,  parce  qu'ils 
modifient  la  vitalité  des  plaies.  Pour  un  peu  plus,  on 
rangerait  le  bistouri  parmi  les  désinfectants,  parce  que  l'a- 
blation du  tissu  gangrené  fait  disparaître  l'infection  des 
lambeaux  sanieux. 

On  a  proposé  en  ces  dernières  années,  pour  le  pansement 
des  plaies  en  campagne,  l'emploi  de  poudres  formées  d'un 
excipient  inerte,  tel  que  la  gomme  arabique,  et  un  agent 
antiseptique  en  poudre,  à  la  dose  de  2  à  4  0/0  :  acide  phé- 
nique,  acide  salicylique,  acide  borique.  On  a  même  em- 
ployé le  camphre,  le  tannin,  l'acide  salicylique  en  poudre, 
sans  aucun  mélange.  Les  poudres  peuvent  être  répandues 
avec  une  spatule  sur  la  plaie  ou  insufflées  à  l'aide  de 
petits  soufïïets  improvisés.  Le  pansement  sec  à  quelques 
avantages  pour  les  plaies  récentes  qui  sécrètent  peu  :  c'est 
un  pansement  d'attente,  par  occlusion.  Neudorfer  croit 
qu'en  campagne  on  peut  de  la  sorte  remplacer  le  panse- 
ment ordinaire  de  Lister  pour  les  malades  à  transporter 
au  loin  (1). 

La  désinfection  est  plus  difficile,  mais  s'obtient  par 
les  mêmes  moyens,  quand  la  lésion  est  profondément  ca- 

(1)  Dziewonski  et  Fix,  Antisepsie  primitive  sur  le  champ  de  bataille. 
{Revue  militaire  de  médecine  et  de  chirurgie,  juin  et  juillet  1881,  p.  182.) 


31-6  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

chée  :  cancer  de  F  utérus,  du  rectum,  etc.  Vozène,  surtout 
quand  il  y  a  carie  des  os,  fait  le  désespoir  des  malades  et 
des  médecins  ;  c'est  ici  en  vérité  que  le  lavage  et  l'entraî- 
nement préalable  des  sécrétions  altérées  est  indispensable. 
Ce  lavage  réussit  admirablement  par  le  procédé  du  pro- 
fesseur Duplay ,  qui,  au  moyen  d'un  récipient  placé  à  50  cen- 
timètres ou  1  mètre  au-dessus  de  la  tète  du  malade,  fait  passer 
dans  les  cavités  nasales,  à  l'aide  d'un  embout  ajusté  dans 
une  narine,  6  6u  8  litres  d'eau  simple,  alunée,  phéniquée 
ou  boratée,  deux  à  quatre  fois  par  jour.  Les  solutions 
plus  ou  moins  diluées  de  coaltar  saponiné,  de  chloral,  de 
permanganate  de  potasse,  la  liqueur  de  Van-Swiéten,  les 
poudres  absorbantes  de  sous-nitrate  de  bismuth  maintien- 
nent et  assurent  parfois  la  désodorisation. 

M.  le  D'"  E.  Vidal,  à  l'hôpital  Saint-Louis,  nous  a  dit 
avoir  employé  avec  succès  le  mélange  suivant  : 

Eau  de   Saint  Luc   (solulion    de  chlorure   de 

zinc  à  50  p.  100) 30  grammes. 

Acide  borique 1        — 

Ammoniaque  liquide q.  s.  pour  neutraliser 

Eau 1  litre. 

On  fait  une  injection  le  soir  avec  une  seringue  de  verre  ; 
le  matin,  un  grand  lavage  avec  un  demi-litre  de  décoction 
de  feuilles  de  noyer,  à  laquelle  on  ajoute  une  cuillerée  de  sel 
de  cuisine.  Plus  tard,  on  fait  par  jour  deux  injections  de 
chlorure  de  zinc. 

■  Il  ne  faut  pas  méconnaître  toutefois  que  l'ozène  est  l'une 
des  infirmités  dont  le  traitement,  même  palliatif,  donne  le 
plus  de  déceptions. 

Il  est  une  autre  affection  qui  s'accompagne  d'une  odeur 
extrêmement  fétide,  où  la  désinfection  est  difficile,  La 
fétidité  de  Vhaleine  a  le  plus  souvent  sa  source  dans  deux 
lésions  fréquemment  méconnues  :  1°  Taccumulation  de 
matière  caséeuse  dans  les  lacunes  de  l'amygdale  hypertro- 
phiée ;    2°   la  stagnation   et  la  décomposition  putride  de 


DI'SIM' ECTIDN  DES  PLAIES  OU  DE  LA  LESION.  S4T 

mucosités  adlicrentes  à  la  face  supérieure  du  voile  du  pa- 
lais ou  do  rarrièrc-cavité  des  fosses  nasales,  dans  les  cas 
de  rhinite  postérieure  ou  de  pharyngite  chronique.  Dans  le 
premier  cas,  la  malaxation  de  l'amygdale  avec  le  bout  du 
doigt,  la  gargarisation,  c'est-à-dire  l'acte  de  se  gargariser, 
amènent  l'expulsion  de  petites  masses  jaunâtres,  extrême- 
ment fétides  quand  on  les  écrase,  et  qui  remplissaient  les 
vacuoles  de  l'-amygdale.  La  gargarisation  doit  être  faite 
avec  de  l'eau  pure  ou  avec  une  solution  de  borax  à  2  0/0, 
dans  la  position  horiwntale  ;  les  efforts  pour  empêcher  le 
liquide  d'être  avalé  sont  beaucoup  plus  grands  dans  cette  po- 
sition, et  les  contractions  musculaires  très  énergiques,  en 
pressant  l'amygdale  en  tous  sens,  expriment  plus  facile- 
ment le  contenu  de  ses  lacunes  agrandies.  L'ablation  des 
amygdales  est  parfois  le  seul  moyen  de  faire  cesser  la 
fétidité  de  l'haleine.  Dans  le  second  cas,  c'est  l'irrigation 
nasale  à  grande  eau,  comme  dans  rozène,qui  rend  les  meil- 
leurs services.  Trôltsch,  dans  son  Traité  des  maladies 
de  Voreille,  a  donné  une  description  excellente  de  cette 
variété  particulière  de  la  pharyngite  nasale  et  énuméré 
les  moyens  thérapeutiques.  On  comprend  que  pour  obtenir 
la  désinfection  dans  ces  deux  cas,  il  faut  connaître  la  cause 
de  l'infection  ;  le  diagnostic  étant  posé,  c'est  à  la  théra- 
peutique à  intervenir. 

Les  ulcérations  des  cordes  vocales  et  l'accumulation  des 
matières  infectes  et  putréfiées  dans  les  ventricules  du 
larynx  ou  les  replis  aryténo-épiglottiques  sont  souvent  aus- 
si une  cause  de  fétidité  extrême  de  l'haleine  :  ici  encore  la 
notion  de  la  cause  indique  le  remède. 

Les  liquides  morbides  accumulés  dans  les  cavités  et 
■exposés  au  contact  de  l'air  se  putréfient  rapidement,  et 
leur  résorption  est  une  cause  de  graves  dangers  ;  il  suffit 
de  citer  le  liquide  de  Vempyème,  les  lochies.  Pour  désin- 
fecter des  abcès  froids,  il  faut  avant  tout,  éviter  la  stagnation  ; 
des  lavages  préalables,  faciles  aujourd'hui  avec  l'appareil 


348  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

de  M.  Potain,  doivent  être  faits  à  grande  eau  dans  la 
plaie;  c'est  alors  seulement  que  l'on  doit  employer  les  dé- 
sinfectants, après  s'être  assuré  qu'une  large  ouverture  de 
la  paroi  donne  une  issue  très  facile  aux  lambeaux  de  fausses 
membranes  qui  se  détachent  et  se  putréfient  souvent  dans 
ces  cas. 

On  doit  éviter  avec  un  grand  soin  d'injecter  et  de  lais- 
ser séjourner  dans  les  cavités  les  dilutions  contenant  des 
désinfectants  toxiques  :  on  a  signalé  en  ces  deïnières  an- 
nées un  assez  grand  nombre  d'empoisonnements  mortels 
à  la  suite  d'injections  phéniquées  fortes  dans  des  cavités 
pathologiques,  dans  des  cas  de  pleurésie  purulente,  kystes 
du  foie,  abcès  froids,  etc.  La  dose  journalière  de  2  grammes 
et,  dans  certains  cas  rares,  de  1  gramme  d'acide  phénique, 
introduite  dans  les  voies  d'absorption,  peut  déjà  produire 
des  empoisonnements  sérieux  :  on  comprend  aisément  quel 
danger  court  le  malade  dans  la  plaie  duquel  on  injecte 
1  litre  d'une  solution  phéniquée  à  2  0/0,  c'est-à-dire 
20  grammes  d'acide  pour  1  litre  d'eau  ;  il  suffit  que  100  à 
150  grammes  soient  retenus  dans  la  cavité  qu'on  veut 
laver  pour  qu'une  intoxication  mortelle  ait  lieu. 

La  désinfection  peut  être  obtenue  par  les  solutions  de 
permanganate  de  potasse,  par  l'alcool  plus  ou  moins 
dilué,  par  le  coaltar  saponiné,  etc.  L'iode,  dont  on  connaît 
les  propriétés  à  la  fois  désinfectantes  et  excitantes,  s'em- 
ploie avec  avantage  à  la  suite  de  l'opération  de  l'empyème; 
Le  lavage  peut  se  faire  avec  la  solution  suivante  :  teinture 
d'iode  500  grammes,  iodure  de  potassium  30  grammes, 
eau  1  litre.  La  solution,  qui  dans  certains  cas  est  beau- 
coup plus  diluée,  ne  doit  pas  séjourner  plus  de  quelques 
minutes.  Il  est  évident  qu'elle  est  non  moins  irritante  que 
désinfectante. 

.  Nous  avons  déjà  vu  que  MM.  Dujardin-Beaumetz  et  Mar- 
tineau  ont  employé  avec  succès,  dans  ces  cas,  les  injections 
de  chloral  (10   à  40  grammes  d'hydrate  de  chloral  par 


PLAIES  VENIMEUSES  OU  VIRULENTES.  349 

litre  d'eau)  :  ces  doses  énormes  de  chloral  produisaient 
une  désinfection  parfaite  et  ne  déterminaient  aucun  phé- 
nomène narcotique,  bien  qu'une  certaine  quantité  de  li- 
quide restât  dans  la  cavité  pleurale  tapissée  de  fausses 
membranes.  M.  Martineau  ajoute  à  la  solution  de  chloral, 
par  litre,  30  grammes  d'une  teinture  d'eucalyptus  obtenue 
en  mêlant  10  grammes  d'huile  essentielle  d'eucalyptus  à 
1  litre  d'alcool. 

La  désinfection  des  lochies  est  depuis  quelques  années 
poursuivie  par  beaucoup  d'accoucheurs,  qui  voient  dans 
la  stagnation  de  ces  produits  putrides  l'une  des  conditions 
les  plus  favorables  au  développement  des  accidents  post- 
puerpéraux. Cette  désinfection  doit  être  recherchée  par  des 
injections  intra-vaginales  et  même  intra-utérines,  à  l'aide 
de  solutions  phéniquées  ;  mais  ici  il  s'agit  d'une  opération 
grave,  qui  ne  doit  être  pratiquée  que  par  une  main  chi- 
rurgicale, à  l'aide  d'instruments  spéciaux,  de  canules  à 
double  courant,  assurant  de  la  façon  la  plus  certaine  l'issue 
immédiate  au  dehors  du  liquide  injecté.  La  solution  phéni- 
quée  au  millième,  la  solution  forte  d'acide  borique,  doi- 
vent être  généralement  préférées.  Ces  exemples  nous 
paraissent  suffire  pour  faire  connaître  les  ressources  dont 
le  praticien  peut  disposer. 

ART.  II.  -  PLAIES  VENIMEUSES  OU  VIRULENTES. 

Le  but  qu'on  poursuit  est  différent  quand  la  plaie  recèle 
ou  quand  elle  sécrète  des  produits  venimeux  ou  virulents  : 
pendant  un  certain  temps  le  virus  reste  localisé  au  point 
d'insertion;  en  détruisant  celui-ci  {destruction  des  piqûres 
venimeuses,  du  point  d'inoculation  des  virus  chcmcreux, 
morveuœ,  rabique,  charbonneux),  on  prévient  ou  l'on 
arrête  l'imprégnation  de  tout  l'organisme.  Nous  avons  déjà 
montré  les  progrès  qu'ont  fait  faire  à  cette  question  les 
expériences  modernes   sur  la  neutralisation  des  virus  en 


350  DÉSlNFECTiON  rsOSOCOMIALE. 

dehors  de  l'organisme.  Avant  tout,  en  pareil  cas,  il  faut 
agir  promptemcnt.  Nous  croyons  donc  utile  de  rapprocher 
dans  un  tableau  rapide  les  ressources  qui  s'offrent  au  mé- 
decin :  1°  dans  les  morsures  ou  les  piqûres  venimeuses  ; 
2°  dans  les  inoculations  ou  les  plaies   virulentes. 

Piqûres  ou  morsures  venimeuses. — M.  leD"' A.  Gautier  (1) 
a  récemment  étudié  la  nature  du  venin  des  serpents  et  l'action 
véritable  des  substances  réputées  alexiphannaques  («Xl^ew, 
repousser;  cpàpij-axov,  venin).  Pour  lui,  la  substance  active 
des  venins  est  une  matière  analogue  aux  alcaloïdes  et  com- 
parable aux  ptomaïnes  cadavériques  ;  elle  n'est  pas  détruite 
par  l'action  prolongée  d'une  température  de-|-'125''C.,  ce  qui 
la  distingue  des  virus  et  des  matières  albuminoïdes.  M.  Gau- 
tier a  mélangé  diverses  substances  réputées  alexiphar- 
maques  avec  des  doses  connues  de  venin  dissous  dans  l'eau; 
au  bout  d'un  temps  déterminé,  il  injectait  le  mélange,  par 
des  piqûres  sous-cutanées,  à  des  oiseaux  qu'un  milligramme 
de  venin  pur  tuait  constamment  en  10  à  12  minutes.  H 
a  obtenu  les  résultats  suivants  : 

Le  tannin  enraye  l'action  du  poison,  il  ne  l'annule  pas  ; 
l'oiseau  meurt  en  66  minutes.  —  Le  nitrate  d'argent  mo- 
dère et  ralentit  notablement  l'action  du  venin,  mais  il  ne 
l'empêche  pas  entièrement  ;  mort  au  bout  de  plusieurs 
heures.  — Les  essences  de  térébenthine,  de  menthe,  de 
thym,  de  camomille,  de  valériane,  de  girofle,  d'ail,  les 
alcools,  phénols,  aldéhydes,  hydrocarbures,  éthers,  sont 
sans  action.  —  V ammoniaque  a  une  action  presque  nulle  ; 
la  mort  a  lieu  au  bout  de  22  à  24  minutes,  au  lieu  d'avoir 
lieu  au  bout  de  10  à  12  minutes  ;  le  carbonate  de  soude 
et  de  potasse  est  aussi  inefficace. 

Au  contraire,  d'après  M.  Gautier,  les  alcalis  fixes  caus- 
tiques ont  une  véritable  action  spécifique  sur  les  venins. 

(1)  A,  Gautier,  Sur  le  venin  du  Naja  tripudians  [Cobra  capello 
de  Vfnde),  {Bulletin  de  VAcadémie  de  médecine,  26  juillet  1881,   p.    QiT. 


l'I.All'S  VENIMEUSES  OU  VIRULENTES.         3M 

«  Lorsqu'on  alcalinise  le  venin  par  une  solution  do  po- 
tasse ou  de  soude  caustique,  saturant  par  centimètre  cube 
lo  milligrammes  d'acide  sulfurique,  le  venin  perd  son 
efficacité.  Après  avoir  saturé  exactement  l'alcali,  et  sans 
filtration  préalable,  l'oiseau  peut  recevoir  1  milligramme 
et  1  milligramme  et  demi  de  venin,  sans  qu'il  en  résulte 
autre  chose  qu'un  peu  de  fatigue,  de  tristesse  et  d'es- 
soufflement, dont  il  revient  bientôt.  L'action  des  alcalis 
fixes  caustiques,  à  très  faible  dose,  est  d'autant  plus  remar- 
quable que  l'ammoniaque  libre  et  les  carbonates  alcalins 
ne  peuvent  y  suppléer,  et  que  la  saturation  de  l'alcali 
avant  l'injection  ne  fait  plus  renaître  l'efficacité  du  venin. 
L'action  des  alcalis  sur  le  venin  est  presque  immédiate. 
La  thérapeutique  de  l'empoisonnement  s'en  suit  :  lier  le 
membre  au-dessus  de  la  morsure,  et  faire  pénétrer,  en 
l'injectant  dans  la  plaie,  une  petite  dose  de  potasse  caus- 
tique étendue.  » 

Ce  n'est  donc  pas  de  l'ammoniaque  qu'il  faut  avoir  sous 
la  main  quand  on  craint  les  piqûres  de  ce  genre  ;  c'est 
un  petit  flacon  contenant  pour  10  grammes  d'eau  environ 
20  centigrammes  de  potasse  à  l'alcool,  c'est-à-dire  une 
solution  qui  n'est  nullement  caustique  ;  il  suffirait  d'en  faire 
pénétrer  quelques  gouttes  dans  la  plaie.  Si  l'expérience 
confirme  ces  données,  M.  Gautier  aura  fait  une  découverte 
très  importante  et  dont  les  applications  sont  nombreuses  ; 
car  il  est  vraisemblable  que  l'action  de  la  potasse  e^t  aussi 
efficace  contre  les  pic{ùres  des  autres  serpents  venimeux, 
en  particulier  contre  celles  de  la  vipère,  qui  est  commune 
dans  notre  pays. 

L'ammoniaque  paraît,,  au  contraire,  avoir  une  efficacité 
réelle  pour  désinfecter,  neutraliser  le  venin  des  insectes, 
pourvu  cju'on  ne  se  contente  pas  de  verser  sur  la  plaie 
une  goutte  d'ammoniaque  qui  se  volatilise  rapidement. 
En  expérimentant  sur  des  piqûres  de  frelon,  et  en  main- 
tenant   un  petit    tube     rempli   d'ammoniaque    renver.-é 


352  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

sur  la  plaie,  M.  Colin  d'Alfort  a  prévenu  le  gonflement 
et  les  autres  accidents.  Le  venin  des  insectes  est  géné- 
ralement acide,  tandis  que  le  venin  des  serpents  est  neutre; 
il  se  pourrait  donc  que  l'efficacité  de  l'ammoniaque  tînt 
dans  le  premier  cas  à  la  neutralisation  des  venins  acides, 

M.  le  D""  de  Lacerda  (de  Rio- Janeiro)  (1)  a  expérimenté  avec 
succès,  en  1881,  l'action  alexipharmaque  du  permanganate 
de  potasse.  La  solution  aqueuse  de  permanganate  de  potas- 
se, injectée  sous  la  peau  au  voisinage  du  point  mordu  par 
le  serpent  le  plus  venimeux,  neutralise  sûrement  d'après  lui 
l'effet  du  venin.  Les  expériences  ont  été  faites  avec  le  venin 
du  bothrops,  dont  la  morsure  cause  toujours  de  graves  désor- 
dres. Le  venin  recueilli  dans  du  coton  et  correspondant  à  de 
nombreuses  morsures  du  serpent,  était  d'abord  dilué  dans 
une  petite  quantité  d'eau  distillée,  soit  8  à  10  grammes 
cl'eau  ;  ensuite  on  remplissait  une  seringue  de  Pravaz 
avec  cette  solution  et  l'on  en  injectait  la  moitié  dans  le  tissu 
cellulaire  de  la  cuisse  ou  de  l'aine  des  chiens.  Une  ou  deux 
minutes  après,  quelquefois  plus  tard,  on  injectait  à  la 
même  place  une  quantité  égale  d'une  solution  filtrée  de 
permanganate  de  potasse  à  1/1 00^  Les  chiens  examinés 
le  lendemain  ne  montraient  aucun  signe  de  lésion  locale  ; 
tout  au  plus  y  avait-il  une  très  petite  tuméfaction  localisée 
aux  environs  de  la  piqûre  de  la  seringue,  sans  irritation 
ni  infiltration  d'aucune  espèce.  Cependant,  ce  même  venin 
qui  avait  servi  à  ces  expériences,  étant  injecté  sans  contre- 
poison sur  d'autres  chiens,  a  produit  toujours  de  grandes 
tuméfactions  locales,  des  abcès  plus  ou  moins  volumineux 
avec  perte  de  substance  et  destruction  des  tissus. 

Le  même  résultat  fut  obtenu  par  l'injection  d'un  cen- 
timètre cube  de  la  solution  de  permanganate  de  potasse 
dans  les  veines,  une  demi-minute  après  qu'on  avait  injecté 

(1)  De  Lacerda,  Sur  le  permanganate  de  potasse  employé  comme  anti- 
dote du  venin  du  serpent  [Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences, 
séance  du  12  septembre  18S1). 


PLAIES  VENIMEUSES  OU  VIRULENTES.  3o3 

dans  la  veiiKi  50  centigrammes  de  venin  au  dixième.  Lors- 
qu'on altendait  que  les   accidents  d'empoisonnement  fus- 
sent bien  établis,  quand  déjà  il  y  avait  des  contractures, 
des  troubles  respiratoires  et  cardiaques,  l'injection  dans  la 
veine  de  3  à  4  grammes  de  la  solution  de  permanganate  au 
100"  arrêtait  les  accidents  et  prévenait  la  mort.  Celle-ci 
avait  toujours  lieu  quand  on  n'injectait  pas  le  permanganate. 
On  se  demande,  toutefois,  comment  le  permanganate,  qui 
se  décompose  immédiatement  au  contact  des  matières  or- 
ganiques, peut  conserver  son  efficacité  lorsqu'il  est  injecté 
dans  une  veine  ;   il  est  impossible  d'admettre  qu'il  épuise 
son  action  en  détruisant  le  venin  contenu  dans  le  sang  de 
la  veine,   puisque   des  accidents  généraux,  contractures, 
troubles  respiratoires,  attestent  la  dissémination  du  poison 
dans  le  torrent  circulatoire  et  dans  les  centres  nerveux. 
Théoriquement  et  chimiquement,  l'action  du  permanganate 
dans  la  seconde  série  d'expériences  est  donc  incompréhen- 
sible ;  l'action  locale,  au  contraire,  s'explique  très  naturel- 
lement, bien  que  des  expériences  contradictoires   laissent 
encore  la  question  indécise. 

Plaies,  inoculations,  morsures  virulentes,  etc. —  Quand  le 
virus  suspect  est  capable  d'engendrer  une  maladie  mor- 
telle, l'indication  urgente  est  de  détruire  les  points  ino- 
culés à  l'aide  du  fer  rougi  à  blanc ,  en  ayant  soin  de 
cautériser  profondément  et  de  dépasser  les  limites  de  la 
plaie  apparente,  Mais  la  région  rend  parfois  cette  opéra- 
tion difficile  et  dangereuse,  à  la  face  notamment,  surtout 
quand  il  y  a  doute  sur  la  réalité  de  l'inoculation.  Dans 
des  cas  exceptionnels,  on  pourrait  à  la  rigueur  se  conten- 
ter de  réchauffement  à  un  degré  qui  ne  détruit  pas  sans 
retour  la  vitalité  des  tissus.  M.  Davaine  a  montré  qu'une 
température  de  SO**  C.  suffit  pour  tuer  en  quelques 
minutes  les  bactéridies  adultes  ,  et  qu'un  marteau  de 
Mayor,  plongé  dans  de  l'eau  à  -|-  51",  maintenu  pendant 

Valu?*.  —  Désinfectants.  23 


354  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

1/4  d'heure  sur  la  peau  au  niveau  d'une  vésicule  charbon- 
neuse, arrêtait  souvent  les  progrès  de  l'infection  et  empê- 
chait la  mort.  Ce  qui  semble  vrai  de  la  pustule  maligne 
ne  l'est  peut-être  pas  des  autres  virus  ;  c'est  donc  une  res- 
source à  laquelle  on  ne  peut  jusqu'à  présent  accorder 
qu'une  médiocre  confiance.  La  destruction  des  tissus  par 
les  acides  minéraux  énergiques,  acides  sulfurique,  ni- 
trique ,  ou  par  les  caustiques  potentiels ,  ne  paraît  avoir 
aucun  avantage  sur  le  fer  rouge  :  l'action  est  plus  lente  et 
plus  douloureuse.  L'action  de  l'acide  phénique,  de  l'ammo- 
niaque, est  tout  à  fait  incertaine  et  insuffisante,  au  moins 
quand  il  s'agit  de  virus  redoutables. 

Quand  Pabsorption  a  déjà  fait  pénétrer  le  virus  dans  les 
tissus  à  une  certaine  profondeur,  les  injections  sous-cu- 
tanées de  solutions  iodées  ou  phéniquées  au  voisinage  de 
la  tumeur  peuvent  encore  neutraliser  le  virus.  Chaque 
jour  en  quelque  sorte  fait  connaître  de  nouveaux  succès 
obtenus  par  cette  ingénieuse  méthode  qu'a  découverte  et 
préconisée  M.  Da vaine. 

Nous  nous  contentons  de  donner  ici  la  formule  des 
liquides  injectés  : 

Iode  métallique.    . 1  à  2    grammes. 

lodure  de  potassium 2  à  4    grammes. 

Eau  simple 1    litre. 

On  en  injecte  20  à  50  gouttes,  plusieurs  fois  par  jour,  tout  autour  du 
point  suspect. 

L'action  de  l'iode  est  peu  irritante,  et  la  dose  d'iode 
pourrait  sans  doute  être  notablement  élevée.  C'est  surtout 
dans  la  pustule  maligne  que  ce  moyen  a  été  employé  ;  on 
pourrait  sans  inconvénient  l'essayer  dans  des  cas  de  morve, 
de  farcin,  peut-être  de  rage.  M.  Davaine  faisait  administrer 
à  la  fois  des  solutions  iodées  à  l'intérieur,  en  potions  et  en 
lavements.  M.  Verneuil  a  obtenu  les  mêmes  succès  par 
l'injection  d'une  solution  phéniquée  dans  les  tissus  œdé- 
matiés  au  voisinage  de  la  pustule  maligne^ 


PLAIES  VENIMEUSES  Ot  VIRULENTES.  333 

De  incme,  au  début,  l'infection  par  \cti  virus  chancrelleux 
ou  syphilitique,  et  dans  ce  dernier  cas^  les  accidents  d'in- 
toxication peuvent  être  conjurés  par  la  cautérisation  pré- 
maturée du  point  d'inoculation.  Actuellement,  la  destruction 
des  tissus  par  le  fer  rouge  ou  les  caustiques  minéraux  reste 
le  seul  moyen  efficace.  Il  y  aurait  cependant  le  plus  grand 
intérêt  à  neutraliser  le  virus  sur  place  sans  détruire  les 
tissus  ;  dans  le  cas  de  chancre  mou,  par  exemple,  n'est-il 
pas  probable  que  l'ulcère,  accident  purement  local,  ne  se 
propage  que  par  l'infection  en  quelque  sorte  incessante 
des  bourgeons  qui  tendraient  à  la  cicatrisation,  parle  fait 
du  virus  que  sécrète  la  plaie?  Si  l'on  pouvait  neutraliser  le 
virus  ou  le  suc  déjà  virulent  des  jeunes  cellules  on  obtien- 
drait sans  doute  une  cicatrisation  rapide.  La  teinture 
d'iode,  l'acide  sulfurique  relativement  concentré,  l'acide 
sulfureux  liquide ,  la  solution  forte  de  sublimé,  que  nous 
avons  essayés  dans  cette  vue  théorique,  ne  nous  ont  donné 
jusqu'ici  aucun  résultat  avantageux. 

MSI.  Jeannel  de  Bordeaux,  etRodetde  Lyon,  ont,  après 
Ricord,  essayé  l'emploi  de  certains  liquides  désinfectants 
ou  réputés  abortifs,  destinés  à  détruire  le  virus  au  moment 
mèrae  de  l'inoculation,  immédiatement  après  le  coït  sus- 
pect. Ces  auteurs  proposaient  de  rendre  obligatoire  dans 
chaque  cabinet  des  maisons  publiques  la  présence  d'un 
flacon  rempli  du  liquide  préservatif;  une  instruction  im 
primée  aurait  invité  les  visiteurs  à  faire  usage  de  cette 
ablution.  Indépendamment  des  difficultés  pratiques  d'ap- 
plication, il  faudrait  trouver  un  liquide  dont  les  propriétés 
désinfectantes  fussent  bien  démontrées.  M.  Rodet  a  vu  les 
points  inoculés  être  préservés,  12  heures  après  l'insertion 
du  virus,  par  l'application  du  Hquide  suivant: 

Eau  distillée.   ..,.*.   ^   ..    .       32    gramiMes. 
Porclilorure  de  fer.    .......    \ 

Acide  citrique  . ',        4   grammes» 

Acide  chlorhydriquc. .    ;    .    .    .        \ 


386  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Mais  il  s'agit  là  autant  d'une  cautérisation  que  d'une 
désinfection  locale.  M.  Jeannel  a  conseillé  la  solution  sui- 
vante, destinée  à  des  lavages  prophylactiques  : 

Alun  cristallisé 15  grammes. 

Sulfate  de  fer 1  gramme. 

Sulfate  de    cuivre 1  gramme. 

Alcoolé  aromatique 60  centigrammes. 

Eau 1  litre. 

L'action  est  sans  doute  ici  bien  plutôt  astringente  que 
véritablement  désinfectante. 

C'est  également  comme  désinfectants  et  comme  abortifs 
que  certains  agents  ont  été  proposés  et  méritent  d'être 
employés  dans  les  affections  diphthéri tiques.  M.  Cousot(l) 
a  récemment  préconisé,  dans  les  cas  de  diphthérie  gut- 
turale, non  seulement  le  badigeonnage  ou  la  pulvérisation 
au  fond  de  la  gorge  avec  une  solution  de  tannin  au  10«, 
mais  encore  l'injection,  par  chaque  fosse  nasale,  d'un  mu- 
cilage de  gomme  contenant  le  10^  de  son  poids  de  tannin. 
D'après  lui,  la  face  postérieure  du  voile  du  palais  est  un 
siège  fréquent  de  fausses  membranes  méconnues,  et  la 
diphthérie  ne  devient  maligne  que  par  la  pullulation  de 
protorganismes  dans  les  fausses  membranes  situées  sur 
un  point  quelconque  des  voies  respiratoires.  Les  succès 
obtenus  par  cette  méthode  paraissent  exceptionnels,  et 
l'auteur  les  attribue  à  l'action  du  tannin  sur  les  microbes 
des  enduits  couenneux.  Nous  croyons  avec  lui  à  l'uti- 
lité des  injections  vraiment  désinfectantes  par  les  narines 
pour  atteindre  l'arrière-cavité  des  fosses  nasales  ;  mais  un 
grand  nombre  de  substances  nous  paraissent  au  moins 
aussi  avantageuses  que  le  tannin.  Nous  faisons  d'ordinaire 
injecter  au  fond  de  la  gorge,  avec  un  irrigateur,  5  ou  6 
litres  par  jour  d'une  solution  saturée  d'acide  borique  ou 
d'acide  saHcylique,  de  chloral  à  2  0/0,  ou  d'acide  citrique 

(1)  Cousot,  Za  diphthérie  et  son  traitement   (Bulletin  de  VAcad.  royale 
de  méd.  de  Belgique,  1881,  T.  XY,  p.  477.) 


PLAIES  VENIMEUSES  OU  VIRULENTES.  y."i7 

à  1  à  2  0/0.  Dans  rintorvallc,on  ])adii>oonno  les  parties  avec 
des  eolluloires  chargés  des  mêmes  substances.  Ces  liquides 
purement  antiseptiques  ou  désinfectants  nous  ont  paru 
avoir  un  effet  bien  plus  avantageux  que  les  caustiques  : 
nitrate  d'argent,  acide  chlorhydrique,  etc. 

Il  est  une  autre  maladie  locale  où  la  désinfection  de  la 
plaie  est  une  nécessité,  non  seulement  dans  l'intérêt  du 
patient  lui-même,  mais  afin  de  prévenir  la  propagation  et 
la  prolongation  de  l'épidémie:  c'est  la  })Ourriture  dliôjjital. 
Outre  le  fer  rouge,  les  acides,  les  caustiques,  on  emploie 
souvent  avec  succès  deux  agents  qui  semblent  désinfecter 
la  plaie  plutôt  que  la  cautériser  :  le  camphre  et  l'iodoforme. 
Ce  dernier  participe  sans  doute  des  propriétés  de  l'iode, 
son  congénère  ;  son  action  sur  les  plaies  n'est  pas  seule-  " 
ment  stimulante  ;  dans  les  cas  de  pourriture  d'hôpital  où 
nous  l'avons  employé  avec  des  succès  marqués,  l'iodoforme 
nous  a  paru  posséder  de  réelles  propriétés  neutrahsantes  et 
désinfectantes.  Il  en  est  de  même  de  la  bouillie  de  camphre 
et  d'alcool,  dont  on  couvre  les  plaies  serpigineuses  et  dont 
M.  le  D-^  Netter  a  obtenu  d'excellents  effets  en  1871. 

La  sueur  fétide  des  pieds  est  notablement  atténuée  par 
l'introduction  dans  les  chaussures  de  poudres  à  la  fois 
antiseptiques  et  absorbantes.  M,  le  D'"  Debout  (1)  a  ex- 
périmenté sur  les  soldats  d'un  bataillon  de  chasseurs  à 
piecl  le  mélange  suivant  :  on  satui^e  une  certaine  quantité 
de  plâtre  ;  quand  ce  plâtre  est  desséché,  on  le  pulvérise  et 
on  en  mélange  deux  parties  avec  une  partie  de  plâtre 
anhydre  ;  ce  dernier  donne  à  la  poudre  la  propriété  absor- 
bante, tandis  que  le  plâtre  éteint  lui  enlève  l'inconvénient 
de  durcir  et  de  faire  corps  dans  la  chaussure.  On  ajoute  à 
95  parties  de  celte  poudre  3  à  5  parties  de  coaltar  (goudron 
de  houille),  ou  même  de  goudron  de  bois.  Une  certaine 

(1)  D''  Debout,  Emploi  de  la  poudre  de  Corne  et  Demeaux  {plâtre  et 
coaltar),  contre  la  bromhydrose  ou  transpiration  fétide  des  pieds.  {Trav. 
du  Cons.  d'hyg.  de  Rouen  en  1818,  p.  51.) 


358  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

quantité  de  cette  poudre  était  chaque  matin  donnée  aux 
hommes  atteints  de  cette  infirmité  ;  le  succès  fut  manifeste 
et  rapide. 

L'odeur  fétide  est  principalement  causée  par  la  décom- 
position putride  de  la  sueur,  en  particulier  de  la  leucine  que 
cette  sueur  contient  et  qui,  d'après  M.  Gh.  Robin,  se  trans- 
formerait en  valérate  d'ammoniaque.  On  comprend  donc 
que  l'emploi  des  antiseptiques  et  des  absorbants ,  en  pré- 
venant cette  décomposition,  empêche  la  mauvaise  odeur. 
Le  goudron  pourrait  être  remplacé  avec  avantage  par  de 
l'acide  phénique,  salicylique  ou  borique.  En  Allemagne,  on 
emploie  avec  succès  dans  l'armée  la  poudre  suivante  : 
acide  salicylique,  3  grammes  ;  amidon,  20  grammes  ;  talc 
en  poudre,  87  grammes.  La  poudre  de  tannin  ou  de  tan 
donne  également  un  assez  bon  résultat. 

M.  Armaingaud  (1)  a  obtenu  dans  des  cas  très  rebel- 
les un  succès  complet  en  injectant  tous  les  2  jours  sous  la 
peau  d'un  point  quelconque  du  corps  (l'épaule),  de  2  à  4 
centigrammes  par  jour  de  nitrate  de  pilocarpine.  La  médi- 
cation est  violente,  la  salivation  est  considérable,  mais  la 
sueur  et  la  fétidité  des  extrémités  inférieures  ont,  paraît- 
il,  été  complètement  supprimées  pendant  toute  la  durée  du 
traitement.  La  désinfection  a  aussi  été  obtenue,  dans 
ces  cas  de  sueur  fétide,  par  l'enveloppement  exact  des  pieds 
bien  lavés,  avec  des  bandelettes  de  sparadrap.  Nous  croyons 
qu'ici  encore  ce  qui  agit,  c'est  l'occlusion,  c'est-à-dire  l'obs- 
tacle à  la  pénétration  des  protorganismes  de  l'air  capables 
d'amener  la  fermentation  des  produits  sécrétés.  Il  doit  se 
produire,  en  outre,  des  modifications  de  la  circulation  capil- 
laire, comme  dans  les  expériences  sur  les  animaux  avec 
les  enduits  imperméables. 

Nous  ne  dirons  qu'un  mot  de  certaines  affections  para- 

(l)  Armaingaufl,  Sur  Vemploi  des  injections  hypodermiques  de  nitrate 
de  pilocarpine  dans  la  sueur  fétide  des  pieds.  {Gazette  hebdomadaire, 
vol.  18,  1881,  p.  101.) 


DÉSINFECTION  EXTERNE.  359 

sitaircs  localisées,  dont  le  médecin  doit  poursuivre  la  dé- 
sinfection :  les  maladies  parasitaires  du  cuir  chevelu,  de 
la  barbe  et  des  parties  pileuses  (teignes ,  mentagre)  ;  de 
l'épidcrme  du  tronc  et  des  membres  (pityriasis  versicolor), 
de  la  gale.  Les  moyens  à  employer  pour  empêcher  la  per- 
sistance et  la  propagation  de  la  maladie  rentrent,  par  ex- 
tension, dans  la  classe  des  désinfectants  :  enlèvement  mé- 
canique du  parasite  (épilation,  IVictions  contre  la  gale), 
emploi  des  préparations  de  sublimé,  de  soufre,  de  turbith 
nitreux,  d'acide  borique,  d'huile  de  cade  et  de  goudron, 
de  teinture  d'iode.  Il  nous  suffit  de  faire  cette  énuméra- 
tion  pour  montrer  quel  rôle  jouent  les  désinfectants  dans 
la  thérapeutique  de  ces  maladies. 

ART.  III.  —  DÉSINFECTION  DU  MALADE. 

Ce  n'est  plus  seulement  une  lésion  locale  qu'il  faut  dé- 
sinfecter, c'est  le  malade  tout  entier,  et  nous  distingue- 
rons ici  la  désinfection  externe  et  la  désinfection  interne. 

DÉSINFECTION  EXTERNE.  —  Nous  voulous  surtout  parler  ici 
des  précautions  à  prendre  contre  les  individus  atteints  et 
convalescents  de  fièvres  éruptives.  La  rougeole,  la  scarla- 
tine ,  sont  assurément  contagieuses,  avant  même  que 
l'éruption  se  soit  manifestée  ;  mais  alors  le  médecin  ne 
peut  guère  intervenir  que  par  l'isolement,  et  aussi  par  la 
désinfection  des  locaux  et  des  objets  en  contact  avec  le 
malade.  C'est  surtout  pendant  la  période  de  desquamation 
que  le  danger  d'infection  et  de  transmission  peut  être 
conjuré.  Dès  que  l'état  du  malade  le  permet,  on  doit  com- 
mencer à  administrer  des  bains  savonneux  pour  entraîner 
les  pellicules  et  les  croûtes  à  demi-détachées  ;  les  cheveux 
doivent  être  coupés  très  courts  et  le  malade  se  savonnera 
fortement  la  tête  dans  le  bain  pour  détacher  les  croûtes  du 
cuir  chevelu  par  lesquelles  se  fait  souvent  la  contagion. 


360  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Aucun  malade  guéri  d'une  fièvre  éruptive  ne  devrait  être 
rendu  à  la  vie  commune  avant  d'avoir  pris  au  moins  trois 
bains  savonneux.  Avant  la  période  où  les  bains  peuvent 
être  administrés,  il  est  utile  de  badigeonner  chaque  jour 
les  croûtes  à  demi-desséchées  des  varioleux  avec  de  l'huile 
contenant  au  moins  5  0/0  d'acide  phénique  ;  le  contact  n'est 
nullement  douloureux  et  l'action  désinfectante  est  réelle. 
Dans  la  scarlatine,  dès  le  début  de  la  desquamation ,  pour 
empêcher  la  propagation  de  la  maladie  dans  un  hôpital 
rempli  de  jeunes  soldats  venant  pour  la  plupart  de  la  cam- 
pagne et  n'ayant  pas  eu  la  scarlatine ,  '  nous  avons  fait 
frotter  la  peau  des  malades,  soir  et  matin,  avec  de  l'axonge 
dans  laquelle  était  incorporé  de  l'acide  borique  (4  0/0). 
Nous  n'avons  aucune  preuve  réelle  de  l'efficacité  de  ce 
moyen,  mais  la  graisse  retient  sur  la  peau  les  poussières 
supposées  virulentes  et  concourt  peut-être  à  empêcher  le 
refroidissement  de  la  peau  régénérée. 

Pendant  le  cours  d'une  variole  confluente,  le  pus  altéré 
et  les  sécrétions  qui  imbibent  les  croûtes  dégagent  souvent 
une  odeur  infecte  :  il  y  a  danger  à  laisser  les  malades  dans 
un  tel  milieu.  L'acide  phénique  est  impuissant  dans  la  plu- 
part des  cas  contre  cette  corruption,  et,  d'autre  part,  à  cette 
époque  de  la  maladie  où  la  peau  est  ulcérée,  on  s'expose- 
rait à  de  graves  empoisonnements  par  l'acide  phénique. 
Les  bains  tièdes  et  alcalins,  renouvelés  chaque  jour,  pro- 
duisent tout  au  moins  un  bien-être  inexprimable  aux  ma- 
lades ;  ils  font  disparaître  cette  odeur  de  souris  qui  rend  le 
voisinage  des  varioleux  insupportable;  ils  ne  nous  ont  ja- 
mais semblé  avoir  produit  le  moindre  accident,  tout  au  con- 
traire. Nous  ne  saurions  trop  en  recommander  l'emploi.  Il 
en  est  de  même  des  malades  au  cours  ou  au  déclin  de  la 
fièvre  typhoïde.  Beau  disait  qu'on  doit  laver  le  sang  des 
typhoïdes  par  des  boissons  abondantes,  leur  intestin  par 
des  purgatifs  et  des  lavements,  leur  peau  par  des  ablutions 
très  fréquentes:  c'est  là,  en  effet,  la  véritable  désinfection. 


nKSfNFr.CTlON  INTRHNE.  361 

Sans  (lout(^.  los  lotions  froides  avo,c  le  vinaigre  aromatique, 
sans  doute  les  bains  froids  agissent  sur  la  température  du 
malade;  ils  agissent  certainement  aussi  en  désinfectant  sa 
peau,  en  le  débarassant  de  toutes  les  souillures  qui  contri- 
buent à  empoisonner  le  malade  et  favorisent  la  formation 
des  escbarres. 

DÉSINFECTION  INTERNE.  Les  idécs  huiiiorales  qui  ont  long- 
temps dominé  la  médecine  conduisirent  à  administrer  des 
médicaments  destinés  à  corriger  les  dyscrasies,  la  putri- 
dité  des  humeurs. 

Les  préparations  réputées  antiseptiques  ont  joué  jadis  un 
grand  rôle  dans  le  traitement  des  fièvres  adynamiques, 
putrides,  etc.,  en  particulier  les  acides  minéraux  (élixirs 
acides  de  Haller,  de  Mynsicht,  eau  de  Rabel,  esprit  de 
nitre  dulcifié,  etc.);  il  suffît  de  parcourir  le  traité  dePringle 
sur  les  Substances  septiques  et  antiseptiques  (1750),  pour 
juger  de  la  part  qu'il  attribuait  à  cette  médication  et 
comment  il  expliquait  son  action.  Cet  humorisme  doctri- 
naire a  fait  place  à  une  conception  plus  positive  et  plus 
précise  des  sources  d'infection  qui  se  produisent  au 
cours  des  maladies.  Piorry  paraît  avoir  introduit  dans  le 
langage  médical  le  mot  septicémie,  qui  tient  aujourd'hui 
une  si  grande  place  dans  la  pathologie  générale.  La  forme 
dont  Piorry  se  plaisait  à  revêtir  ses  idées  a  empêché,  pen- 
dant sa  vie,  de  rendre  justice  à  ce  qu'il  y  a  de  juste  et  de 
vraiment  physiologique  dans  beaucoup  de  chapitres  de  ses 
livres  ;  il  a  très  bien  vu  le  rôle  que  jouaient  les  selles 
putrides  des  typhoïdes,  les  sécrétions  sanieuses  de  l'utérus 
après  l'accouchement  ou  des  plaies  chirurgicales  dans  la 
production  de  l'empoisonnement  septique.  Il  proclama  l'un 
des  premiers  la  nécessité  des  lavages  incessants,  delà  désin- 
fection des  ulcérations  intestinales,  de  la  plaie  utérine,  des 
foyers  putrides  (empyème,  abcès  par  congestion,  kystes  sup- 
puré», etc.)  On  lui  reprocha  trop  longtemps  de  faire  la  méde- 


362  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE, 

cine  du  symptôme,  et  si  cette  médecine  du  bon  sens  a  été  si 
longtemps  dédaignée,  c'est  que  son  apôtre  la  compromet- 
tait par  l'excentricité  de  la  formule.  Larroque,  Beau,  Bil- 
lard (1),  Blachez,  plus  tard  Hamernyck,  Stick,  Griesinger, 
récemment  Humbert  (2),  Hallopeau,  ont  insisté  sur  la  né- 
cessité de  désinfecter  le  contenu  de  l'intestin  dans  la  fièvre 
typhoïde ,  pour  empêcher  la  résorption  des  matières  pu- 
trides ou  septiques  par  les  points  ulcérés  :  purgatifs,  dou- 
ches, lavements  fréquents  et  abondants  avec  de  l'eau  pure 
ou  l'acide  pliénique,  la  créosote,  le  permanganate  de  po- 
tasse à  1  0/0,  Facide  salicylique,  le  chloral,  Fhyposulfite 
de  soude,  le  bismuth;  ingestion  du  charbon  en  poudre. 
MM.  Maurel  (3),  Bouchard,  Noël.  Guéneau  de  Mussy, 
Féréol,  Maurice  Reynaud,  Dujardin-Beaumetz,  ont  signalé 
les  effets  excellents  qu'ils  ont  obtenus  en  désinfectant  ainsi 
par  des  lavages  le  contenu  de  l'intestin  des  typhoïdes.  On 
lira  avec  intérêt  une  discussion  qui  a  eu  lieu  sur  ce  sujet 
à  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  le  28  février  1880. 
Nous  rappellerons  seulement  que  dès  longtemps  Monneret 
conseillait  le  bismuth  à  haute  dose  pour  désinfecter  l'in- 
testin des  typhoïdes,  et  que,  dans  le  même  but,  Chalvet 
préconisait  l'ingestion  de  3  à  4  cuillerées  à  café  de  char- 
bon en  poudre  (Mémoire  académique  sur  les  désinfec- 
tants, 1863). 

C'est  au  même  ordre  de  faits  qu'il  faut  rattacher  le  trai- 
tement de  la  variole  par  le  salicylate  de  soude  préconisé 
par  M.  Baudon  (4).  Dans  le  cas  de  variole  très  confluente, 
ce  médecin  a  réussi  à  éviter  l'odeur  infecte  de  la  période 
de  suppuration  et  les  accidents  de  résorption  qui  l'accom- 

(1)  Billard,  De  l'influence  des  matières  putrides  de  l'intestin  sur  la 
marche  des  fièvres  typhoïdes.  {Gazette  des  hôpitaux,  10  janvier  1860.) 

(2)  Humbert,  Étude  sur  la  septicémie  intestinale.  (Thèse,  Paris,  1873.) 
■«"(S)  Maurol,  De  la  désinfection  des  selles  par  le  charbon.  {Société  de 
thérapeutique,  23  février  1880,  et  Gazette  hebdomadaire,  12  mars  1880, 
p.  171.) 

(4)  Baudon,  Du  traitement  de  la  variole  par  le  salicylate  de  soude. 
{Bulletin  de  thérapeutique,  30  novembre  1881,  p.  448.) 


Dh:SINFECT10N  INTIÎRNE.  363 

pagncnt  souvent,  par  le  traitement  suivant.  Avant  le  dé- 
but de  la  suppuration,  il  couvre  trois  fois  par  jour  le  vi- 
sage et  les  mains  avec  le  mélange  sui\  ant  : 

Cold  creara 100  grammes. 

Salicylale  do  soude 6        — 

INiis,  ou  saupoudre  la  peau  ainsi  graissée,  avec  : 

Talc 100  grammes. 

Acide  salicyliquc 6         — 

Les  pustules  s'affaissent  très  rapidement,  la  dessicca- 
tion se  fait  réellement  à  sec ,  et  il  y  a  cessation  à  la 
fois  de  l'incommodité  et  des  dangers  de  l'empoisonnement 
septique. 

Beaucoup  de  médecins  expliquent  encore  la  fréquence 
des  abcès  du  foie,  à  la  suite  de  dysenterie  chronique,  par 
la  résorption  des  sécrétions  septiques  qui  baignent  la 
muqueuse  ulcérée,  et  par  le  transport  de  ces  matières 
jusqu'aux  branches  intra-hépatiques  de  la  veine  porte. 
La  désinfection  des  sécrétions  intestinales  ne  doit-elle  pas 
être  une  préoccupation  constante  pour  les  praticiens  qui 
admettent  cette  pathogénie? 

Ce  n'est  pas  seulement  le  contenu  de  l'intestin  qu'on  se 
propose  de  désinfecter,  ce  sont  les  liquides  en  circulation, 
c'est  le  sang  lui-même,  dans  lequel  on  suppose  contenu 
l'élément  pathogénique  primitif  ou  secondaire. 

Déjà,  en  1860  et  1861,  PoUi  communiquait  à  l'Institut 
lombard  ses  premières  recherches  Sur  les  maladies  par 
ferment  morbifique  et  leur  traitement  par  V acide  sulfu- 
reux et  les  sulfites;  il  admettait  que  certaines  maladies 
avaient  pour  origine  et  pour  cause  des  processus  chi- 
miques analogues  à  ceux  que  l'on  observe  dans  la  fermen- 
tation des  substances  organiques.  Ces  maladies,  que  le 
premier  il  dénomma  zymotiques,  devaient  être  combattues 
par  des  agents  thérapeutiques  anti-fermentatifs.  Ce  fut 
d'abord  et  presque  exclusivement  aux  sulfites  alcalins  et 
terreux  que  Polli  recourut.  Cette  médication,  à  laquelle 


364  DÉSINFECTION  NOSOCOMTALE. 

s'attache  son  nom,  doit  être  résumée  à  cette  place  soit 
d'après  ses  propres  travaux  (1),  soit  d'après  l'exposé  très 
complet  qu'en  a  feit  M.  Constantin  Paul  (2). 

Polli  croyait  avoir  trouvé  l'agent  anti-fermentatif  par 
excellence  dans  les  sulfites  ;  en  étudiant  leur  mode  d'action 
intime,  il  arriva  à  cette  conclusion  :  qu'ils  exercent  une 
action  anti-fermentative  non  pas  seuleni'^nt  «  parce  qu'ils 
sont  toxiques  et  fermenticides,  non  pas  parce  qu'il  devien- 
nent des  oxydants  ou  des  corps  réducteurs,  mais  par  leur 
action  sur  l'agrégation  moléculaire  des  matières  organiques 
fermentescibles  ou  décomposables.  Les  sulfites  rendent  la 
complexion  chimique  desdites  matières  plus  résistante 
et  lui  permettent  de  ne  pas  se  laisser  attaquer  par  les 
agents  ordinaires  de  décomposition,  parmi  lesquels  mar- 
chent en  première  ligne  les  ferments.  » 

On  trouvera  sans  doute  cette  explication  un  peu  vague, 
mais  le  fait  expérimental  est  positif.  Polli  a  constaté  que 
l'acide  sulfureux  et  les  sulfites  empêchent  ou  arrêtent 
toutes  les  fermentations  connues,  sans  exception,  même  les 
fermentations  saligéniques  et  sinaptasiques  que  l'acide  ar- 
sénieux  et  l'acide  cyanhydrique  n'empêchent  pas,  même 
les  fermentations  diastasique,  pepsinique,  ptyalinique, 
que  n'arrête  pas  l'acide  phénique.  L'acide  sulfureux  ne 
peut  être  toléré  par  les  poumons,  tandis  que  les  sulfites 
de  magnésie,  de  chaux,  de  soude  et  leurs  hyposulfites 
sont  bien  tolérés,  passent  dans  la  circulation  à  l'état  de 
bisulfites  et  finalement  de  sulfates  ;  5  grammes  de  sul- 
fite de  magnésie  contiennent  4  litre  de  gaz  acide  sulfu- 
reux pur. 

Il  a  commencé  par  établir  l'innocuité  de  l'administration 

(1)  G.  Polli,  Des  propriétés  anti-fermentatives  de  l'acide  borique  et  de 
ses  applications  à  la  Ihérapeulique.  (Paris,  Delaliayc ,  1877,  in-8°  de 
34  pages.) 

(2)  C.  Paul,  De  l'action  physiologique  et  thérapeutique  des  sulfites  et 
des  hyposulfites.  {Bulletin  de  thérapeutique,  1865,  T.  LXIX,  p.  145, 
193,  241.) 


DÉSINFECTION  INTERNE.  365 

des  duses  élevées  de  sidfites  :  en  expérimentant  sur  lui- 
même  et  sur  plusieurs  collègues  de  bonne  volonté,  il  a  vu 
que  l'on  supporte  impunément  la  dose  de  10  à  15  grammes 
de  sulfite  de  magnésie  par  jour,  à  3  grammes  par  prise, 
avec  la  précaution  indispensable  de  boire  beaucoup  d'eau 
pure  ou  sucrée,  mais  exempte  de  tout  acide.  De  même,  la 
dose  de  20  à  24  grammes  de  sulfite  de  soude  en  solution 
aqueuse  plus  ou  moins  édulcorée,  prise  en  cinq  fois  en 
vingt-quatre  heures,  peut  être  continuée  sans  inconvénient 
par  un  adulte  pendant  plusieurs  jours  de  suite.  L'hyposul- 
fite  de  soude  ou  de  magnésie,  à  la  dose  de  15  à  20  gram- 
mes par  jour,  a  un  effet  purgatif  qui  peut  être  utilisé 
dans  certains  cas.  Ces  sels,  même  à  haute  dose,  ne  sont 
donc  nullement  toxiques. 

Polli  a  remarqué  sur  les  cadavres  des  animaux  soumis 
à  l'action  des  sulfites  que  leur  sang,  leur  urine,  avaient 
une  grande  résistance  à  la  putréfaction  ;  sa  propre  urine, 
recueillie  pendant  le  temps  où  il  ingérait  des  doses  de  sul- 
fites, ne  subissait  la  fermentation  ammoniacale,  en  plein 
été,  que  plusieurs  jours  après  celle  des  personnes  qui  n'a- 
vaient pas  pris  ces  sels. 

Pohi  a  expérimenté,  ou  d'autres  médecins  ont  employé 
sur  son  conseil,  les  sulfites  dans  les  maladies  suivantes  : 
fièvres  éruptives,  érysipèle,  fièvres  paludéennes,  typhus  et 
fièvres  typhoïdes,  pyohémie,  septico-hémie ,  fièvres  puer- 
pérales, infections  consécutives  aux  piqûres  anatomiques, 
pansement  des  plaies  de  mauvaise  nature,  etc.  Dans  une  épi- 
démie de  variole,  observée  à  l'hôpital  de  Milan,  «  sur  22  cas 
des  plus  graves  traités  par  ma  méthode,  dit  Polli,  18  ont 
guéri  !  »  L'on  trouvera  dans  le  travail  critique  de  M.  Cons- 
tantin Paul  la  substance  des  observations  de  Polli  ou  de 
ses  adeptes.  Cette  lecture,  nous  devons  l'avouer,  n'entraîne 
pas  la  persuasion.  Nous  voyons,  par  exemple  (observ.  27 
à  30^),  que  de  deux  chiens  dans  les  veines  desquels  on  in- 
jecte du  pus  putride,  celui  qui  a  pris  pendant  3  jours  avant 


366  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

l'infection  une  dose  énorme  (6  grammes  pour  un  poids  de 
6  kil.)  de  sulfite  de  soude,  est  convalescent  au  bout  de  huit 
jours  ;  mais  l'animal  à  qui  l'on  a  fait  la  même  injection  et 
qui  n'a  pas  pris  de  sulfite  de  soude  ne  guérit  pas  moins, 
seulement  avec  quelques  jours  de  retard.  Chez  8  chiens, 
on  a  inoculé  du  pus  morveux  :  1  sont  morts.  Sur  8  au- 
tres chiens  qui  ont  pris  avant  ou  après  cette  inocula- 
tion des  doses  fortes  de  sulfite,  4  seulement  moururent, 
les  4  autres  guérirent.  Dans  la  fièvre  typhoïde  les  succès 
nous  paraissent  fort  incertains. 

On  doit  reconnaître  que  le  résultat  a  été  bien  inférieur  à 
celui  qu'espérait  Polli.  Aussi  le  savant  milanais  avait-il, 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  renoncé  presque  com- 
plètement aux  sulfites  ;  il  les  avait  remplacés  par  l'acide  bo- 
rique, dont  la  supériorité  lui  paraissait  incontestable.  Voici 
les  principales  raisons  sur  lesquelles  s'appuyait  sa  préfé- 
rence : 

Le  sulfite  et  l'hyposulfite  de  soude,  dissous  dans  l'eau  et 
exposés  à  l'air  libre,  absorbent  l'oxygène  et  se  convertis- 
sent peu  à  peu  en  sulfate  de  soude;  c'est  pour  cela  que  les 
propriétés  antizymotiques  de  ces  sels  diminuent  rapide- 
ment jusqu'au  point  de  disparaître  tout  à  fait;  au  contraire, 
l'acide  borique  ne  s'altère  pas  à  l'air. 

L'acide  borique  et  les  borates  alcalins,  n'absorbant  pas 
l'oxygène,  n'en  dépouillent  pas  le  sang,  et  ne  sont,  par  con- 
séquent, ni  réducteurs  ni  désoxydants  comme  les  sulfites 
et  les  hyposulfites,  dont  l'usage  prolongé  entraîne  quelque- 
fois la  nécessité  d'avoir  recours  aux  oxydants  et  aux  ferru- 
gineux pour  vaincre  l'anémie  qu'ils  ont  produite. 

Les  borates  alcalins  n'étant  pas  décomposés  par  les  acides 
faibles,  tels  que  l'acide  carbonique,  l'acide  acétique,  l'acide 
citrique,  l'acide  tartrique,  qui  font  partie  d'un  grand  nombre 
de  boissons  communes,  la  solution  de  ces  borates  peut  être 
édulcorée  par  des  sirops  agréables  accompagnés  d'acides  vé- 
gétaux. L'usage  des  sulfites  et  des  hyposulfites,  au  con* 


DÉSINFECTION  INTERNE.  367 

traire,  ost  incompatible  avec  le  mélange  d'acides  libres, 
quelque  faibles  qu'ils  soient  (limonades,  fruits  acidulés). 
Ces  acides,  en  effet  provoquent  le  dégagement  de  l'acide 
sulfureux  et  la  précipitation  du  soufre.  Tout  au  contraire, 
le  borate  de  soude,  alors  même  qu'il  serait  décomposé  par 
les  acides  faibles  et  donnerait  ainsi  naissance  à  de  l'acide 
borique  libre,  n'en  deviendrait  que  plus  actif. 

Le  borate  de  soude  et  l'acide  borique  n'ont  pas  une  ac- 
tion sensiblement  purgative;  leur  action  est  plutôt  diuré- 
tique. Aussi,  on  peut  employer  ces  agents,  même  à  haute 
dose,  sans  produire  aucun  dérangement  intestinal,  ce  qui 
n'arrive  pas  toujours  avec  les  sulfites  et  principalement 
avec  les  hyposulfîtes  alcalins. 

Le  borate  de  soude  n'ayant  qu'une  saveur  alcaline  très 
faible,  tout  en  étant  sensiblement  soluble  dans  l'eau  (12  par- 
ties d'eau  dissolvent  1  partie  de  sel),  on  peut  l'administrer 
en  solution  étendue,  édulcorée  avec  un  sirop  aromatique 
quelconque  qui  masque  complètement  la  saveur  du  sel  et 
qui  permet  ainsi  d'en  faire  une  boisson  fort  agréable. 
L'acide  borique  étant  peu  soluble  dans  l'eau  (2  pour  100), 
et  n'ayant  presque  aucune  saveur,  on  peut  le  donner  en 
poudre,  mélangé  au  sucre,  ou  en  pastilles,  ou  même  sous 
forme  d'élixir,  ce  qui  fait  que  des  personnes  fort  délicates 
et  même  les  enfants  le  supportent  très  bien. 

Le  sulfite  de  soude  s'associe  parfaitement  au  sirop  de 
réglisse;  mais  les  autres  sirops  communs  ne  peuvent  en 
masquer  le  goût  désagréable.  Le  sulfite  de  magnésie,  en 
raison  de  sa  faible  solubilité  dans  l'eau,  doit  être  administré 
à  l'état  solide  et  on  ne  peut  en  supporter  le  mauvais  goût 
qu'en  le  prenant  soit  en  poudre  avec  beaucoup  d'eau,  soit 
en  granules.  L'hyposulfite  de  soude  a  une  saveur  franche- 
ment salée  et  amère,  qu'il  est  indispensable  de  mitiger  par 
quelques  gouttes  d'une  essence  aromatique.  Enfin,  le  borax 
et  l'acide  borique  se  trouvent  partout  et  à  très  bon  marché, 
ce  qui  n'a  pas  lieu  pour  les  sulfites  ;  la  dose  journalière  pour 


368  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

un  adulte,  de  13  à  20  grammes  de  borate  de  soude  ou  de 
4  à  5  grammes  d'acide  borique,  ne  coûte  que  quelques 
centimes,  ce  qui  est  un  avantage  précieux  pour  les  pauvres, 
pour  les  hôpitaux  et  la  médecine  à  la  campagne. 

Polli,  qui  était  plus  chimiste  que  praticien,  a  fait  expé- 
rimenter l'emploi  interne  du  borax  dans  un  grand  nombre 
de  cas  de  £èvre  intermittente,  de  lièvre  typhoïde,  de  fièvre 
par  pyohémie,  de  fièvres  puerpérales  et  miliaires,  d'affec- 
tions catarrhales  de  la  vessie  avec  urines  putrides  et  am- 
moniacales, d'érysipèle,  etc.  On  donnait  aux  malades  6, 
10,  15  grammes  de  borate  ou  4  grammes  d'acide  borique 
par  jour.  Les  médecins  qui  ont  fait  ces  expériences  dans 
plusieurs  des  hôpitaux  de  Milan  et  de  l'Italie  ont  annoncé 
des  résultats  que  Polli  trouvait  démonstratifs,  mais  qui 
nous  paraissent  encore  très  contestables,  à  n'en  juger  que 
par  les  citations  reproduites  dans  son  mémoire  de  1877. 

En  Russie,  le  Conseil  médical,  sur  la  proposition  du  pro- 
fesseur de  Cyon,  a  recommandé  l'emploi  interne  du  borax 
jusqu'à  la  dose  journalière  de  12  grammes,  comme  désin- 
fectant et  antiseptique  interne  pour  annuler  les  effets  des 
maladies  infectieuses,  telles  que  typhus,  variole, diphthérie, 
peste,  etc. 

M.  Hallopeaa  a  montré  quelle  importance  il  faisait  jouer 
à  la  désinfection  interne  dans  le  traitement  de  la  fièvre 
typhoïde.  M.  Vulpian,  en  présentant  ce  travail  à  l'Acadé- 
mie de  médecine  (21  juin  1881),  ajoutait  ce  qui  suit  : 
«  Cette  méthode  de  traitement  a  en  vue  évidemment  d'agir 
sur  l'agent  infectieux  de  la  fièvre  typhoïde.  Aujourd'hui  on 
s'accorde  généralement  à  penser  que  cet  agent  s'introduit 
dans  l'économie  par  les  voies  digestives.  On  peut  regarder 
comme  n'étant  pas  inadmissible  l'hypothèse  d'après  laquelle 
cet  agent  serait  formé  de  microbes  spéciaux,  s'arrêtant  et 
se  multipliant  dans  la  dernière  partie  de  l'intestin  grêle, 
contribuant  tout  au  moins  à  la  production  des  lésions  loca- 
les de  l'intestin  et  à  la  formation  des  matières  septiques 


DÉSINFECTION  INTERNE.  369 

absorbées  dans  cette  région  du  tube  digestif.  Si  cette  hypo- 
thèse est  vraisemblable,  ne  fait-on  pas  fausse  route  dans 
les  essais  nouveaux  de  traitement  que  l'on  tente  de  nos 
jours?  Ne  devrait-on  pas  chercher  avec  persévérance  à 
trouver  des  substances  qui,  douées  de  propriétés  antisepti- 
ques, pourraient  sans  être  entièrement  détruites  ou  sans 
avoir  été  absorbées  auparavant,  parvenir  jusque  dans  l'iléon 
et  agir  là  sur  l'agent  infectieux  typhique?  J'avais  espéré  me 
mettre  dans  ces  conditions  en  prescrivant  l'iodoforme  ;  mais 
cette  substance  est  peu  antiseptique,  et  elle  est  absorbée  plus 
facilement  que  je  ne  le  croyais.  Mais  on  pourrait  essayer 
d'autres  substances,  le  chloral  insoluble,  certains  salicy- 
lates,  tels  que  le  salicylate  de  bismuth,  peut-être  des  phé- 
nates.  Il  y  a,  suivant  moi,  des  efforts  persévérants  à  faire 
dans  cette  voie.  » 

«  L'indication  principale,  dans  la  fièvre  typhoïde,  dit 
également  M.  Hallopeau  (1),  serait  d'agir  par  un  médica- 
ment spécifique  sur  le  principe  infectieux  qui  en  déter- 
mine l'évolution,  comme  on  agit  par  le  sulfate  de  quinine 
sur  le  miasme  palustre  et  par  le  mercure  sur  le  contage 
syphilitique.  » 

Sans  chercher  s'il  est  bien  démontré  que  le  sulfate  de  qui- 
nine agit  sur  le  miasme  palustre  et  le  mercure  sur  le  con- 
tage syphilitique,  la  comparaison  nous  paraît  acceptable; 
le  problème  n'en  est  pas  moins  difficile  à  résoudre  :  com- 
ment atteindre  le  principe  infectieux  de  la  fièvre  typhoïde. 
Il  semble  cependant  que  le  contage  typhoïde  réside  plus 
particulièrement  dans  les  selles,  et  que  celles-ci  soient  fré- 
quemment l'agent  de  transmission  de  la  maladie.  On  peut 
donc  espérer  agir  utilement  sur  le  malade  lui-même  et  sur 
l'entourage  qu'il  menace,  en  cherchant  à  neutraliser  la 
virulence  hypothétique  de  ces  matières. 

(1)  Hallopeau,  Dm  traitement  de  la  fièvre  typhoïde  par  le  calome?,  le 
salicylate  de  soude  et  le  sulfate  de  quinine.  [Soc.  méd.  des  hôpitaux 
séances  du  13  août  1880  et  du  -28  mai  1831,  et  Union  médicale,  18S1.) 

Yallin.  —  Désinfectams.  24 


370  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Depuis  plus  de  10  ans,  un  certain  nombre  de  médecine 
avaient  employé  l'acide  phénique  ou  la  créosote,  soit  en 
lavements,  soit  en  potions  (5  ou  6  gouttes  de  créosote  ou 
15  à  50  centigrammes  d'acide  phénique  par  jour),  soit  en 
injections  hypodermiques  d'une  solution  d'acide  phénique 
cristalUsé  ou  de  phénate  d'ammoniaque.  Les  résultats  ob- 
tenus ont  jusqu'ici  été  incertains  ;  MM.  Pécholier  (I),  Mo- 
rache,  Skinner  (2),  paraissent  avoir  constaté  une  légère 
amélioration  par  l'emploi  de  doses  très  faibles  de  créosote  ou 
d'acide  phénique.  M.  Déclat  dit  remporter  des  succès  mer- 
veilleux par  les  injections  sous-cutanées  fréquemment  ré- 
pétées de  phénates  alcalins.  MM.  Claudot,  Desplats,  Van  Oye, 
Raymond,  en  1880  et  1881,  ont  vanté  les  bons  effets  de 
l'acide  phénique  dans  la  fièvre  typhoïde,  mais  c'est  en  partie 
à  l'action  antipyrétique  de  l'acide  qu'ils  attribuent  ces  suc- 
cès relatifs.  Nous  n'oserions  préconiser  les  doses  extraordi- 
naires de  8  à  12  grammes  par  jour  d'acide  phénique  que 
M.  Desplats  administre  en  un  grand  nombre  de  lavements 
dans  la  fièvre  typhoïde  ;  nous  avons  peine  à  comprendre 
qu'il   ne   produise  pas  d'empoisonnements.    L'emploi  de 
l'acide  phénique  paraît  rationnel  dans  la  fièvre  t5'phoïde, 
mais  le  résultat  ne  nous  semble  pas  jusqu'ici  avoir  été 
très  manifestement  avantageux. 

Notre  collègue  et  ami,  M.  Villemin,  emploie  en  ce  mo- 
ment l'acide  borique  à  la  dose  de  4  grammes  par  jour,  en 
potion,  dans  les  fièvres  typhoïdes  graves;  mais  il  est  encore 
impossible  de  formuler  une  opinion  sur  Le  résultat  obtenu. 
Dans  les  cas  de  septicémie  puerpérale  commençante, 
M.  Siredey  administre  par  les  voies  digestives  de  l'acide 
phénique  à  la  dose  journalière  de  60  cent,  à  1  gr.,  en 
ayant  soin  de  donner  le  médicament  sous  la  forme  pi- 


(1)  Pécholier,  Sur   les  indications  du  traitement  de  la  fièvre  typhoïde 
par  la  créosote  ou  Vacide  phénique.  [Montpellier  médical,  juillet  1874.) 

(2)  Sleph.  Skinner,  On  the   traitement   of  euteric  fever  by  the  use  of 
internai  Disinfection.  (The  Practitiontier,  septembre  1873.) 


DÉSINFECTION  INTERNE.  371 

lulaire  suivante  :  acide  phénique  10  centigrammes,  gomme 
arabique,  poudre  de  réglisse  et  savon,  q.  s.,  pour  1  pilule. 
Sous  l'influence  de  cette  médication,  les  lochies  perdent 
rapidement  leur  fétidité,  les  frissons  diminuent  et  dispa- 
raissent, la  température  hyperfébrile  tombe,  etc.  ;  le  savant 
médecin  de  l'hôpital  Lariboisière  a  obtenu  de  la  sorte  des 
succès  pour  ainsi  dire  inespérés.  C'est  un  encouragement 
à  tenter  cette  médication  dans  les  cas  de  septicémie  chi- 
rurgicale ;  l'insuccès  des  expériences  faites  par  Picot  de 
Tours  sur  les  animaux,  par  l'ingestion  de  silicate  de  soude 
dans  les  cas  de  septicémie  provoquée,  ne  doit  pas  éloi- 
gner des  tentatives  du  même  genre  avec  des  agents  très 
variés. 

Chauffard  (1)  a  vanté  les  effets  de  l'acide  phénique  pris 
à  l'intérieur  dans  les  cas  de  variole  grave,  à  la  dose  de 
50  centigrammes  à  1  gramme  par  jour  ;  d'autres  cliniciens 
n'en  o  it  tiré  aucun  avantage,  et  nous-mème,  après  l'avoir 
essayé  sans  succès  pendant  un  épidémie  de  variole,  nous 
y  avons  renoncé. 

Depuis  que  l'on  a  démontré  la  présence  de  bacilles  spé- 
ciaux dans  le  sang  et  dans  les  éléments  cellulaires  des  lé- 
sions chez  les  lépreux,  l'acide  phénique  a  été  administré 
chez  ces  malades  à  la  dose  progressive  de  1  gramme,  répar- 
tie en  10  pilules  de  10  centigrammes,  continuée  pendant 
plusieurs  semaines;  M.  Besnier  et  plusieurs  auteurs  alle- 
mands ont  obtenu  de  la  sorte  des  améliorations  sérieuses  ; 
nous  avons  complètement  échoué  dans  un  cas  de  lèpre 
hyperesthésique ,  malgré  la  continuation  de  la  dose  de 
1  gramme  pendant  plus  de  deux  mois. 

La  rage  a  été  combattue  par  l'injection  d'une  solution 
de  chloral  dans  les  veines  ;  ces  opérations  tentées  par  M.  Oré, 
de  Bordeaux,  n'ont  pas  donné  de  résultats  bien  encoura- 
geants. En  tout  cas,  l'on  pourrait  d'après  lui  injecter  par  jour 

(1)  Chauffard,  Du  traitement  de  la  variole  par  l'acide  phénique. 
[Société  médicale  des  hôpitaux,  séance  du  11  mars  1870,  et  discussion.^ 


372  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

jusqu'à  20  grammes  de  chloral,  pourvu  que  la  dilution  soit 
au  moins  de  1  sur  5  d'eau,  et  qu'on  n'injecte  pas  plus  de 
5  grammes  à  la  fois  de  la  solution  dans  le  torrent  circula- 
toire! 

Dans  toutes  ces  tentatives,  même  dans  la  dernière,  c'est 
bien  la  désinfection  interne  qu'on  poursuit  ;  on  suppose 
qu'un  agent  neutralisateur  détruira  le  principe  morbide  au 
sein  de  l'économie,  de  la  même  manière  que  le  mercure 
est  supposé  capable  de  détruire  le  virus  syphilitique  dans 
l'intimité  des  tissus  ou  les   liquides  du  corps  vivant. 

Cette  conception,  hypothétique  sans  doute  mais  par- 
faitement rationnelle ,  a  pris  une  grande  extension  en 
ces  dernières  années,  et  M.  Davaine  est  entré  résolument 
dans  cette  voie.  Après  avoir  commencé  par  étudier  l'action 
neutralisante  d'un  grand  nombre  d'agents  réputés  désin- 
fectants sur  la  plupart  des  virus,  il  a  été  conduit  à  em- 
ployer, dans  un  cas  urgent  et  presque  désespéré  de  char- 
bon chez  r'homme,  la  solution  de  teinture  d'iode  iodurée  en 
lavements,  en  injections  hypodermiques  au  voisinage  de 
la  pustule  maligne,  en  boissons  abondantes  et  diluées.  Nous 
ne  voulons  pas  revenir  sur  ce  point  qui  a  déjà  été  traité 
(page  300),  et  qui  concerne  à  la  fois  la  neutralisation  à  l'ex- 
térieur et  à  l'intérieur  de  l'organisme.  Le  nombre  des  succès 
obtenus  par  cette  administration  interne  de  l'iode  est  aujour- 
d'hui assez  considérable.  M.  Colin  d'Alfort  (1)  a  contesté 
la  valeur  et  la  signification  de  ces  résultats  :  il  a  inoculé 
tout  d'abord  à  l'oreille  d'animaux  une  gouttelette  de  sang 
charbonneux,  puis  immédiatement  après  il  a  injecté  sous  la 
peau  du  flanc  1  centimètre  cube  d'une  solution  aqueuse 
d'iode  iodurée,  renfermant  2  milligrammes  et  plus  d'iode 
métallique  par  centimètre  cube  ;  au  bout  de  24  heures, 
l'animal  était  mort  avec  tous  les  signes  du  charbon.  L'ex- 
périence prouve  que  l'iode  pénétrant  en  même  temps  que 

(2)  Colin,  L'Iode  est-il  un  agent  aniivirulent ?  {Bull,  de  l'Acad.    de 
méd.  12  jadv.  1873,  p.  48.) 


DÉSINFECTION  INTERNE.  373 

le  virus  charbonneux  dans  les  voies  générales  de  l'absorp- 
tion n'a  pas  réussi  à  neutraliser  ce  dernier  ;  mais  il  est 
vraisemblable  qu'en  faisant  des  injections  multiples  dans 
le  tissu  cellulaire  sous-cutané  autour  du  point  inoculé, 
on  réussirait  mieux  à  détruire  le  virus  qui  n'a  pas  encore 
infecté  tout  l'organisme  et  qui  n'a  produit  qu'une  infection 
locale. 

Les  physiologistes  et  les  praticiens  commencent  à  entrer 
dans  cette  voie  expérimentale.  Depuis  les  travaux  de  Pas- 
teur, de  Chauveau,  de  Toussaint,  depuis  que  l'on  sait  à  quel 
point  les  différences  des  milieux  de  culture  modifient  la 
vitalité  et  l'activité  des  microbes  pathogénétiques,  on  est 
autorisé  à  rechercher,  au  moins  chez  les  animaux,  l'action 
des  désinfectants,  des  neutralisants  internes  dans  chaque 
maladie  virulente  et  inoculable.  Puisqu'un  abaissement  de 
la  température  centrale  des  poules  rend  celles-ci  inoculables 
aux  bactéries  charbonneuses  que  tuait  la  température  nor- 
male des  oiseaux  (-[-42°  G.),  il  n'est  pas  absolument  impos- 
sible qu'un  abaissement  considérable  de  la  température  du 
sang  de  l'homme  atteint  de  maladie  infectieuse,  arrêté  ou 
suspende  le  développement  d'autres  microbes. 

MM.  Talamon  et  Derignac  (1)  ont  vu  chez  un  malade 
atteint  de  charbon  les  bactéries  filiformes  disparaître  du 
sang  après  inhalation  de  deux  ballons  d'oxygène  en  1:2  heu- 
res et  être  remplacées  par  un  nombre  inaccoutumé  de 
spores.  Les  auteurs  se  demandent  s'il  faut  considérer  ce 
résultat  comme  un  fait  heureux,  prouvant  que  les  bacté- 
ridies  ne  pouvaient  se  développer  dans  le  sang  plus  oxy- 
géné, ou  si  au  contraire  ce  développement  des  spores  doit 
être  regardé  comme  la  conséquence  d'une  multiplication 
plus  active  de  la  bactérie  aérobie  au  contact  de  l'oxygène. 
Le  malade  étant  mort,  il  serait  oiseux  de  disserter  dès  à 
présent  sur  la  signification  d'un  tel  phénomène  ;  mais  il 

1)  Talamon  et  Derignac,  Revue  mensuelle  de  médecine,  1881,  p.   403.) 


374  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

indique  une  voie  nouvelle  dans  laquelle  il  est  avantageux 
de  s'engager. 

Nous  avons  déjà  vu  (page  loS)  que  M.  le  D""  Bovet  de  Neu- 
châtel  a  été  conduit,  par  la  distinction  des  bactéries  et  des 
vibrions  en  aérobies  et  en  anaérobies,  à  proposer  d'utiliser 
les  propriétés  de  l'acide  pyrogallique  qui  a,  on  le  sait,  une 
avidité  extrême  pour  l'oxygène.  Il  pense  qu'on  pourrait 
ainsi  détruire,  nous  n'osons  dire  asphyxier,  les  protorga- 
nismes  aérobies.  Une  pareille  proposition  est  passible  d'ob- 
jections très  graves  sur  lesquelles  il  nous  semble  inutile 
d'insister  ;  il  suffit  de  dire  que  l'absorption  d'une  quantité 
faible  de  cet  acide  a  déterminé  des  accidents  graves  :•  on 
asphyxie  peut-être  les  bactéries ,  mais  aussi  les  globules 
sanguins,  ce  qui  entraîne  la  mort. 

C'est  à  la  désinfection  interne  que  se  rattache  l'emploi 
du  sulfate  de  quinine.  D'après  Binz,  les  sels  de  quinine 
détruisent  les  organismes  microscopiques  et  retardent  ou 
empêchentlesdécompositions  putrides.  M.  Rochefontaine(l), 
M.  Léon  Colin  (2),  ont  montré  que  cette  action  parasiticide 
des  sels  de  quinine  étaittout  à  fait  contestable,  et  que  le  mo- 
de d'action  de  ce  médicament  n'était  rien  moins  que  démon- 
tré. M.  Laveran,  qui  a  rencontré  chez  les  fébricitants  des 
éléments  figurés  qu'il  compare  aux  filaires  du  sang,  les  a 
toujours  vus  disparaître  chez  les  malades  qui  ont  pris  du 
sulfate  de  quinine  ;  il  est  conduit  à  considérer  les  sels  de 
quinine  comme  de  véritables  parasiticides,  qui  guérissent 
en  détruisant  ce  nouveau  genre  de  filaria  sanguinis.  Ce 
ne  sont  là  encore  que  de  simples  hypothèses,  et  là  se  trouve 
la  dernière  limite  des  médicaments  que  nous  pouvons  con- 
sidérer comme  des  désinfectants  internes. 


(1)  Picchefontaine,  Archives  de  physiologie,  T.  V,  p.  §90. 

(2)  Léon  Golic,  Etude  sur  les  sels  de  quinine.    (Bulletin  de  Thérapeu.- 
tiqup,  187-2,  T.  83,  p.  5.) 


DÉSINFECTION  DE  L'URINi:  ET  DES  Î^ELLES,  ETC.  375 

DÉSINTRGTION    DES    SKCRKTIONS  ,    DE    l'uRINE    ET    DES    SELLES 

DES  MALADES. — Nous  croyoDS  (Jevoir  rattacher  à  la  désin- 
fection interne  l'emploi  (le  l'acide  benzoïque  et  du  benzoate 
de  soude  qui,  ingérés  sous  forme  de  potion  glycérinée  à  la 
dose  journalière  de  1  à  4  grammes,  empêchent  la  décom- 
position de  V urée  et  h  fennentatlon  ammoniacale  de  l'uri- 
ne. MM.  A  Robin  et  Gosselin  (1)  ont  montré  qu'on  pouvait  de 
la  sorte  prévenir  les  accidents  d'empoisonnement  qui  sont 
la  conséquence  fréquente  de  la  résorption  de  ces  produits 
de  fermentation. 

La  térébenthine  paraît  avoir,  dans  une  certaine  mesure, 
une  action  comparable.  L'on  sait  à  quel  point  est  infecte 
d'ordinaire  la  salle  des  gâteux  à  l'infirmerie  de  Bicètre.  En 
1812,  M.  Constantin  Paul  (2),  chargé  de  ce  service,  cher- 
cha à  conjurer  cette  infection  qui  persistait  malgré  des 
soins  rigoureux  de  propreté.  îl  s'assura  que  la  mauvaise 
odeur  résultait  de  la  fermentation  ammoniacale  de  l'urine 
qui  souillait  la  paille  des  couchettes.  Il  fît  ajouter  aux  ali- 
ments des  malades,  chaque  jour,  à  chaque  repas,  une  pi- 
lule de  20  centigrammes  de  térébenthine  cuite  ;  l'infec- 
tion disparut  bientôt  complètement,  et  l'on  s'assura  que 
l'urine  rendue  résistait  dès  Iobs  pendant  24  heures  à  la 
fermentation.  Pendant  de  longues  années,  ce  traitement 
est  resté  général  à  l'infirmerie  des  gâteux  à  Bicêtre, 

Dans  une  séance  de  l'Académie  des  sciences  (24  juillet 
1859),  au  cours  de  la  discussion  sur  la  valeur  désinfectante 
de  la  poudre  de  coaltar,  M.  Payen  disait  avoir  fait  l'expé- 
rience suivante.  L'addition  d'une  faible  dose  d'essence  de 
térébenthine  dissoute  dans  l'eau  lui  a  suffi  pour  prévenir 
la    putréfaction    de  l'urine  pendant  plusieurs  jours;  une 


(1)  Gosscliu  et  A.    Robin,  Traitement  de  la   cystite  ammoniacale   par 
l'acide  benzoïque.  [Arch.  gén.   de  vied.   T.  XXIV,  p.  566.) 

(2)  Coûstantin  Paul,  Désinfection  des  salles  de  gâteux.  (Répertoire  de 
pharmacie,  1873,  n°  12.) 


316  DÉSINFECTION  NOSOCOMIA.LE. 

autre  partie  de  la  même  urine  abandonnée  à  elle-même 
subissait  rapidement  une  fermentation  ammoniacale  très 
prononcée.  Payen  attribuait  dès  lors  ce  résultat  à  l'ozone 
formé  par  les  vapeurs  de  térébenthine  et  qui  produit  des 
oxydations  rapides  capables  d'arrêter  le  mouvement  de  fer- 
mentation. Il  nous  a  semblé  intéressant  de  rapprocher  l'ex- 
périence de  Payen,  du  traitement  en  quelque  sorte  hygié- 
nique que  M.  C.  Paul  fit  beaucoup  plus  tard  subir  avec 
succès  aux  infirmes  de  Bicêtre. 

L'ingestion  stomacale  d'acide  borique  (4  grammes),  de 
borate  de  soude,  d'acide  salicyfique  (4  à  2  grammes)  di- 
minue également'  la  fermentation  ammoniacale  de  l'urine 
dans  la  vessie.  Mais  quand  cette  action  n'est  pas  suffisante, 
il  faut  désinfecter  directement  l'urine  dans  la  vessie,  par 
l'injection  de  certains  liquides  désinfectants.  M.  le  profes- 
seur Félix  Guyon  emploie  journellement,  dans  les  cas  de 
cystite  chronique  et  de  fétidité  de  l'urine,  l'injection  dans 
la  vessie  d'une  solution  saturée  d'acide  borique ,  soit 
4  grammes  d'acide  dissous  dans  100  grammes  d'eau  tiède 
à  4~  37°.  MM.  Picot  et  Dubreuil  ont  de  même  obtenu  des 
succès  par  les  injections  intravésicales  de  solutions  à  1 
pour  200  de  silicate  de  soude,  mais  d'autres  observateurs 
ont  vu  dans  ce  dernier  cas  survenir  des  accidents,  et  le 
moyen  est  aujourd'hui  presque  abandonné. 

Ces  lavages  désinfectants  peuvent  encore  être  faits  avec 
l'acide  phénique  (2o  centigrammes  à  1  gramme  par  litre 
d'eau),  le  sulfite  de  soude,  etc  ;  ils  doivent  toujours  être 
pratiqués  avec  ^e  l'eau  à  -j-  37°,  et  ne  pas  dépasser  no- 
tablement 50  à  60  grammes,  à  moins  qu'on  n'emploie  une 
sonde  à  double  courant. 

Dans  les  cas  de  bronchorrée  fétide ,  la  décomposition 
du  mucus  stagnant  dans  les  culs-de-sac  bronchiques  donne 
naissance  à  des  acides  gras  dont  la  fétidité  est  extrême  et 
simule  la  gangrène  :  les  expectorants,  les  vomitifs,  en  éva- 
cuant ces  produits  concrets,  réussissent  parfois  à  supprimer 


DÉSINFECTION  DE  L'URINE  ET  DES  SELLES,  ETC.  377 

la  cause  de  l'infection  et  la  fièvre  putride  qui  en  résulte.  La 
véritable  gangrène  pulmonaire  cause  l'empoisonnement  du 
malade  et  une  gêne  extrême  pour  les  autres  patients  cou- 
chés dans  la  salle.  M.  Bucquoy  (1)  a  obtenu  une  désinfection 
efficace  par  l'administration  de  potions  contenant  2  grammes 
d'alcoolature  d'eucalyptus.  La  créosote  de  bois  (30  centi- 
grammes à  1  gramme  par  jour,  diluée  dans  l'huile  ou  la 
glycérine),  la  térébenthine,  les  balsamiques  agissent  dans 
le  même  sens;  les  inhalations  de  vapeur  d'eau  chargée  de 
résine  de  bourgeons  de  sapin,  de  goudron,  d'acide  phé- 
nique,  d'iode  métallique,  de  camphre  peuvent  aussi  être 
employées.  Gannal  faisait  respirer  de  très  petites  quantités 
de  chlore,  se  dégageant  insensiblement  du  chlorure  de 
chaux,  pour  corriger  l'odeur  fétide  des  cavernes  chez  les 
phthisiciues.  Dans  des  cas  semblables,  Piorry  ne  crai- 
gnait pas  de  recommander  l'inhalation  de  vapeurs  iodées, 
et  administrait  des  vomitifs  pour  évacuer  le  contenu  pu- 
tréfié des  excavations  pulmonaires. 

Dans  la  phthisie  en  effet,  l'excavation  pulmonaire  n'est 
qu'un  abcès  interne  et  plusieurs  médecins  se  sont  avisés 
d'appliquer  à  l'ulcère  tuberculeux  du  poumon  le  panse- 
ment antiseptique  de  Lister.  D'après  le  D"*  Sinclair  Co- 
ghill  (2),  le  but  à  remplir  dans  ce  cas  est  triple  :  1°  di- 
minuer les  sécrétions  ;  2°  faciliter  l'évacuation  des  liquides 
purulents  déjà  amassés  dans  l'excavation  ;  3°  désinfecter 
l'air  qui  circule  dans  la  cavité  et  dans  les  bronches,  à  la 
fois  pour  empêcher  la  résorption  des  liquides  altérés  ou 
putrides,  et  aussi  pour  prévenir  la  dissémination  des  ger- 
mes morbides  et  virulents  que  certains  supposent  contenus 
dans  les  sécrétions  tuberculeuses.  M.  Sinclair  Coghill  se 
sert  d'un  masque  buccal,  en  forme  de  cuvette  ou  d'en- 

(1)  Bucquoy,  La  pleurésie,  dans  la  cjangrène  pulmonaire.  (Ulém.  de  la 
Soc.  méd.  des  Hôpit.  T.Xll.  1875,  p.  59.) 

(2)  D''  Sinclair  Coghill,  Antiseptic  inhalation  in  pulinonanj  affections. 
{Britisli  médical  Journal,  28  mai  1881,  p.  841,  avec  figures,  et  Archives 
générales  de  médecine,  juillet  188),  p.  89.) 


378  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

tonnoir,  composé  de  deux  enveloppes  perforées  à  la  façon 
d'un  crible  entre  lesquelles  on  interpose  de  l'ouate.  Cet 
inhalateur  est  fixé  devant  la  bouche  par  des  cordons  élas- 
tiques attachés  aux  oreilles.  La  plaque  de  coton  est  imbibée 
plusieurs  fois  par  jour  de  10  à  50  gouttes  d'une  solution 
antiseptique  ;  l'expiration  doit  se  faire  exclusivement  par 
le  nez,  l'inspiration  exclusivement  par  la  bouche  ;  il  suffit 
de  deux  séances  d'une  heure  chaque  jour  pour  s'habituer 
à  ce  mécanisme.  M.  Coghill  emploie  comme  antiseptique 
l'acide  phénique  (1  sur  40),  la  créosote,  le  thymol,  l'iode, 
en  combinaison  avec  l'éther  sulfurique  et  l'alcool  rectifié. 

Dans  les  cas  de  bronchorrée  fétide,  de  gangrène  pulmo- 
naire, de  fièvre  de  foin,  cette  méthode  de  désinfection  peut 
rendre  de  véritables  services.  L'agent  désinfectant  est 
porté  directement  sur  le  siège  du  mal  ;  mais  il  faut  qu'il 
soit  volatil  et  sans  action  irritante  sur  les  voies  respira- 
toires. MM.  Wilhams  (1),  Wilson  Hope  (2),  Carrik  Mur- 
ray  (3)  paraissent  avoir  obtenu  en  ces  derniers  temps  de 
bons  effets  de  l'emploi  de  ce  traitement  antiseptique  dans 
un  assez  grand  nombre  d'affections  pulmonaires.  On  ne  doit 
pas  oublier  toutefois  que  beaucoup  de  ces  substances  sont 
irritantes,  et  peuvent  provoquer  la  toux,  des  hémoptysies, 
des  irritations  trop  vives. 

MM.  Chiaramelli  et  Semmola  (4)  ont  employé  l'iodoforme 
dans  les  affections  chroniques  broncho-pulmonaires,  afin 
d'empêcher  la  putréfaction  des  sécrétions  accumulées 
dans  l'organe  malade.    Mais   les  auteurs   prescrivent  ce 


(1)  D"-  Williams,  Puhnonary  phthisis  treated  axtiseplically.  (Brilish 
médical  Journal,  23  juillet  1881,  p.  120.) 

(2)  D""  ^Yilsou  Hope,  Inhalation  in  phthisis.  (Biitish  médical  Journal^ 
16  juillet  1881,  p.  81.) 

(3;  D"  Carrik  Murray,  AnUseptic  treatnient  of  Imifj-diseases.  {Brilish 
médical  Journal,  23  juillet  1881,  p.  121;  22  octobre  1881,  p.  665.) 

(4)  Chiaramelli,  Annali  clinica,  janvier  188%  et  Lyon  médical,  5 
mars  1882,  p.  362, 


DÉSINFECTION  DE  L'URINE  ET  DES  SELLES,  ETC.  37!> 

médicament  par  la  voie  stomacale,  sous  forme  de  pilules  : 

lodoforme 10  centigrammes. 

Poudre  do  lycopodc 50  — 

Thridaco q.    s. 

faites  10  pilules  dout  on  prend  3  à  fi  par  jour. 

L'iodoforme  qui  est  très  volatil  s'élimine  par  le  poumon; 
l'action  sur  cet  organe  est  sans  doute  ainsi  moins  irritante 
que  si  l'on  recourait  aux  inhalations  directes. 

En  ces  dernières  années,  Schuller  (1),  Rokitansky,  ont 
fait  grand  bruit  des  résultats  excellents  qu'ils  auraient 
obtenus  par  des  inhalations  répétées  de  benzoate  de  soude 
dans  le  traitement  de  la  phthisie  pulmonaire.  Au  moyen 
d'un  pulvérisateur,  on  poudroyait  une  solution  contenant 
5  grammes  de  benzoate  de  soude  pour  100  grammes  d'eau; 
la  quantité  de  benzoate  consommée  ne  s'élevait  pas  à 
moins  de  30  à  60  grammes  par  jour  !  le  traitement  de^^ait 
être  continué  pendant  plusieurs  semaines  sans  interruption. 
Les  auteurs  partaient  de  cette  hypothèse  que  la  bactérie 
tuberculeuse  découverte  et  cultivée  par  Klebs  et  Reins- 
tadler  (2)  est  détruite  par  le  benzoate  de  soude  ;  il  fal- 
lait donc  saturer  le  poumon  et  l'organisme  entier  avec  cet 
agent  réputé  antivirulent,  afin  de  poursuivre  le  monas  tu- 
herculosum  partout  où  il  s'était  accumulé.  L'engouement 
produit  par  la  publication  des  travaux  de  Rokitansky  et 
de  Schuller  a  été  de  courte  durée,  et  ce  mode  de  traite- 
ment, cette  désinfection  des  tuberculeux,  paraît  être  déjà 
abandonné,  au  moins  comme  traitement  spécifique. 

Nous  avons  déjà  signalé  (p.  199)  les  succès  que  l'on  pré- 
tend avoir  obtenus  en  Allemagne  par  l'application  directe 
et   l'insrestion  stomacale  du  benzoate    de   soude  dans  les 


(1)  Schuller,  Ueber  fmpftuberculose.  {Arch.  fur  exper.  Puthol.  1S79.) 

(2)  A.  Reinstadler,  Ueber  Impftuberculos.{eArch.  fur  exp.  Path.  juillet 
1879  p.  203,  et  Revue  d'hygiène,  1880,  p.  521.) 


380  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

cas  de  diphtérie  bien  caractérisée,  La  question  est  encore 
à  l'étude,  mais  l'efficacité  du  remède  paraît  être  réelle. 

Nous  mentionnerons  enfin  à  cette  place,  comme  com- 
plément de  la  désinfection  interne,  les  lavages  de  Vestomac 
à  l'aide  de  la  pompe  gastrique  ou  du  simple  tube  en 
caoutchouc  armé  d'un  entonnoir.  Ces  lavages  peuvent 
être  fait  avec  de  l'eau  simple  ou  de  l'eau  de  Vichy , 
avec  des  solutions  de  chloral,  d'acide  borique  ou  sali- 
cylique,  de  permanganate  de  potasse  et  d'acide  phénique 
quand  l'estomac  renferme  des  parasites  (sarcines)  ou  des 
matières  putrides.  Ces  lavages  ont  donné  de  bons  résultats 
à  MM.  G.  Sée,  Labbé,  Beaumetz  et  à  nous  tous  dans  les 
dyspepsies  putrides, dans  la  dilatation  stomacale  avec  inertie. 

MM.  Lécorché  et  Talamon  (1)  considèrent  les  embarras 
gastriques  fébriles  non  comme  des  inflammations  catar- 
rhales  de  l'estomac,  comme  des  fièvres  typhoïdes  avortées, 
mais  comme  de  véritables  fièvres  saburrales.  Pour  eux, 
il  s'agit  d'une  sorte  d'intoxication  par  des  matières  gastro- 
intestinales mal  digérées,  en  voie  de  fermentation  putride. 
Quand  l'intoxication  est  aiguë,  rapide,  à  haute  dose,  la 
fièvre  est  intense,  parfois  à  type  rémittent  ou  intermittent; 
c'est  la  fièvre  gastrique  ou  saburrale  ;  quand  l'intoxication 
se  fait  lentement  et  à  petite  dose,  c'est  l'embarras  gastri- 
que prolongé,  caractérisé  par  l'odeur  fétide  de  l'haleine, 
les  enduits  saburraux,  les  gaz  fétides.  Le  traitement,  basé 
sur  cette  hypothèse  pathogénique,  doit  naturellement  con- 
sister en  évacuants,  en  lavages  directs  ou  indirects  de  l'es- 
tomac, dans  l'emploi  du  charbon,  etc.  Si  cette  conception 
pathogénique  est  fondée,  l'emploi  des  désinfectants  inter- 
nes pris  par  la  voie  stomacale  trouverait  ici  une  indication 
évidente. 

On  sait  que  pour  M.  Bouchardat  (2)  les  condiments  et 

(1)  Lécorché  el  Talamon,  Etudes  médicales  faites  à  la  Maison  muni- 
cipale de  santé,  1  vol.  in-S»,  1881,  p.  584. 

(2)  Bouchardat,  Traité  d'hygiène  publique  et  privée,  1881,  p.  290. 


DÉSINFECTION  DE  L'URINE  ET  DES  SELLES,  ETC.  381 

surtout  les  condiments  acres  sulfurés  (ail,  oignon,  mou- 
tarde, poivre,  raifort)  ne  sont  pas  seulement  des  excitants; 
ils  détruisent  encore  la  vitalité  des  ferments  organisés  et 
vivants  qui  troublent  souvent  la  digestion.  Ils  sont  sans 
action  nuisible  sur  les  ferments  physiologiques  qui  consti- 
tuent les  sucs  gastrique  et  pancréatique,  mais  ils  tuent  les 
ferments  figurés  accidentels,  qui  déterminent  parfois  la  dé- 
composition putride  du  bol  alimentaire  dans  l'estomac  ou 
les  intestins.  L'expérience  montre,  en  effet,  que  dans  cer- 
tains cas  des  doses  assez  fortes  de  ces  épices  sont  très  bien 
supportées  par  des  dyspeptiques  invétérés,  atteints  sans 
doute  de  dyspepsie  putride  (1). 

Nous  parlerons  longuement,  dans  un  chapitre  ulté- 
rieur, de  la  désinfection  des  matières  fécales,  des  vidan- 
ges, des  égouts.  Mais  nous  croyons  devoir  ici,  en  traitant 
de  la  désinfection  nosocomiale,  indiquer  les  moyens  de 
désinfecter  les  selles  parfois  infectantes  ou  virulentes 
rendues  par  les  malades.  Non  seulement  il  est  nécessaire 
de  désodoriser  ces  selles  qui  sont  une  cause  de  souillure 
de  l'air  de  la  salle,  mais  il  est  indispensable  de  les  neu- 
traliser avant  de  les  jeter  dans  les  fosses  ou  les  égouts 
qu'elles  pourraient  ensemencer  de  germes  redoutables. 
S'il  est  vrai,  comme  le  disait  Budd,  qu'une  seule  selle 
typhoïde  peut  infecter  le  réseau  des  égouts  d'une  grande 
ville,  n'est-il  pas  indispensable  de  dénaturer  ces  matiè- 
res avant  de  les  jeter  dans  les  fosses  ou  à  la  voirie  ? 

La  désodorisation  des  selles  est  parfois  très  difficile, 
surtout  dans  certaines  maladies  où  leur  putréfaction 
atteint  dans  l'intestin  un  degré  insupportable;  il  suffit 
de  citer  la  fièvre  typhoïde,  la  dysenterie  chronique,  etc.  ; 
dans  aucune  maladie  peut-être  la  putridité  n'est  aussi 
manifeste  et  l'odeur  aussi  tenace  que  dans  la  diarrhée 

(1)  Dujardin-Beaumelz,  Leçons  de  clinique  thérapeutique,  t.  I,  p.  366. 


382  DÉSINFECTION  NOSOCOMJALE. 

de  Cochinchine.  Voici  les  substances   qui  nous  ont  le 
mieux  réussi  : 

Chlorure  de  zinc,  sulfate  de  fer  ou  de  zinc,  15  à  30 
grammes  par  lilre,  à  employer  clans  les  24  heures, 
par  malade; 

Terre  sèche  de  jardin,  portée  au  four;  on  en  verse 
500  grammes  sur  chaque  déjection.  La  poussière  pro- 
venant des  balayures,  la  suie,  le  charbon  pulvérisé  pro- 
duisent également  un  excellent  effet  ;  les  cendres  de  foyer 
sont  moins  efficaces,  mais  d'un  emploi  très  pratique. 

11  ne  faut  compter  que  bien  faiblement  sur  les  vases 
et  les  sièges  où  les  bords  du  couvercle  sont  noyés  dans 
une  couche  d'eau,  de  glycérine  ou  de  sable  ;  ces  occlu- 
sions hermétiques  sont  illusoires,  par  la  néghgence  du 
personnel  ou  du  malade,  par  le  dérangement  facile  des 
appareils;  il  est  plus  simple  de  vider  immédiatement 
les  bassins.  Nous  trouvons  décrites  dans  le  rapport  de 
M.  Schleissner  sur  les  hôpitaux  de  Copenhague  au  Con- 
grès de  Bruxelles  en  1877,  des  chaises  destinées  aux  hô- 
pitaux et  qui  peuvent  avoir  des  avantages,  surtout  quand 
elles  servent  à  un  certain  nombre  de  malades  pendant 
la  nuit.  Entre  la  lunette  du  siège  et  le  bassin  se  trouve 
l'ouverture  d'un  conduit  qui  débouche  dans  une  cheminée 
d'appel  où  brûle  un  bec  de  gaz;  il  se  fait  donc  cons- 
tamment un  courant  d'air  rapide  du  bassin  vers  la  bouche 
aspiratrice  ;  il  est  difficile  que  les  émanations  se  dégagent 
dans  la  salle,  mais  il  est  nécessaire  que  l'appareil  reste  à 
demeure,  fixé  toujours  à  la  même  place,  ce  qui  rend  son 
emploi  difficile  pour  les  malades  atteints  de  maladies 
graves. 

Le  désodorisant  le  plus  actif  est  le  chlorure  de  zinc  ; 
à  la  dose  de  1  à  5  pour  100,  il  fait  souvent  dispa- 
raître immédiatement  l'odeur;  il  est  en  même  temps  à 
cette  dose  un  véritable  désinfectant,  il  neutralise  les  ma- 
tières suspectes. 


DÉSINFECTION  Di:  UURLNE  ET  DES  SELLES,  ETC.  383 

Les  neutralisants  sont  indispensables  dans  les  cas  de 
fièvre  typhoïde,  de  choiera,  de  dysenterie,  et  en  général 
de  toute  maladie  infeclicuse.  Le  chlorure  de  chaux  en 
poudre  désodorise  rnal,  il  substitue  une  odeur  à  une  autre, 
mais  il  doit  décomposer  la  matière  organique;  il  peut 
être  employé,  nous  le  croyons  cependant  bien  inférieur  au 
chlorure  de  zinc.  L'acide  sulfurique  dilué  au  vingtième 
(SO  grammes  par  litre  d'eau)  pour  le  rendre  plus  ma- 
niable et  moins  dangereux,  dénature  très  bien  les  matières  ; 
nous  en  faisons  un  emploi  habituel  dans  la  fièvre  typhoïde. 
Une  certaine  quantité  de  ce  mélange  ('âoO  grammes)  doit 
toujours  être  versée  par  avance  dans  le  bassin  ou  la 
chaise  percée  desliné  au  malade.  Il  ne  nous  a  pas  semblé 
que  les  matières  ainsi  traitées  fussent  capables  d'altérer 
les  tuyaux  de  chute  ou  de  conduite  ;  l'acide  est  en  grande 
partie  et  rapidement  neutralisé  par  l'ammoniaque  des 
fosses. 

M.  John  Dougall(l)  préconise  au  plus  haut  point  l'em- 
ploi de  l'acide  chlorhydrique  dilué  àl  sur  20,  pour  désin- 
fecter les  selles  typhoïdes  ;  il  fait  verser  par  avance  un 
verre  de  ce  mélange  dans  le  bassin  vide  destiné  au  malade; 
on  le  renouvelle  après  chaque  selle.  On  a  reproché  à  ce 
moyen  d'altérer  les  bassins  métalliques,  les  garnitures 
des  water-closets.  M.  Dougall  a  montré  par  de  très- 
nombreuses  expériences  que  ces  craintes  ne  sont  pas  fon- 
dées. Il  cite  l'exemple  d'un  malade  atteint  de  fièvre  ty- 
phoïde qui,  pendant  3  semaines,  avait  au  moins  10  selles 
en  24  heures  ;  pour  désinfecter  ces  selles,  on  usa  pendant 
ce  temps  3  litres  d'acide  chlorhydrique  pur  sous  forme  de 
solution  à  1  pour  20,  et  cependant  les  appareils  et  garnitures 
des  water-closets  dans  lesquels  on  versait  incessamment 
les  matières  n'étaient  nullement  endommagés.  Il  a  fait  en 
outre  des  expériences  directes  :  il  plaça  des  morceaux  de 

(1)  John  Dougall,  DUinfeclion  by  acid.  (BritUh  Médical  Journal 
8  novembre  1879, p.  7:26  et  770). 


384  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALË. 

laiton,  de  cuivre,  de  plomb,  de  fonte,  mesurant  chacun 
2  pouces  de  surface,  dans  un  liquide  représentant  1  par- 
tie d'acide  chlorhydrique  pur  et  19  d'eau  simple;  ils  y 
séjournèrent  pendant  24  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  on 
les  pesa  exactement,  et  la  comparaison  avec  le  poids 
initial  montra  que  le  laiton,  le  cuivre,  le  plomb  n'avaient 
subi  aucune  altération;  le  fer  seul  avait  perdu  4,33  pour 
100  de  son  poids.  Dans  nos  cabinets  d'aisances,  les  tuyaux 
en  fer  ou  en  fonte  ont  une  grande  épaisseur  ;  ils  sont 
placés  dans  les  parties  inférieures,  loin  de  l'orifice  de 
chute,  et  les  solutions  acides  sont,  quand  elles  y  par- 
viennent, tellement  diluées  dans  l'eau  de  lavage  et  les 
traversent  si  rapidement,  qu'elles  ne  peuvent  dégrader 
véritablement  ces  pièces  métalliques. 

Sans  méconnaître  la  valeur  des  arguments  de  M.  John 
Dougall,  nous  croyons  que  la  dose  de  1  pour  20  est  fort 
élevée,  et  qu'on  ne  peut  considérer  comme  une  chose 
indifférente  qu'un  morceau  de  fer  perde,  dans  le  mélange 
désinfectant,  près  de  5  pour  100  de  son  poids  en  24  heures  ! 
La  solution  au  centième  serait  peut-être  suffisante,  quoi- 
que nous  n'ayons  fait  aucune  expérimentation  directe  sur 
sa  valeur  neutraUsante. 

On  a  conseillé  le  permanganate  de  potasse  comme 
désodorisant  et  neutralisant  :  mais  les  doses  à  employer 
dans  ce  cas  sont  énormes;  il  faut  qu'après  la  désinfection 
obtenue  il  reste  un  excès  de  permanganate  disponible  et 
non  décomposé;  aussi  Dougall  a-t-il  calculé  qu'au  prix 
commercial  de  la  hqueur  de  Condy,  il  faudrait  dépenser 
par  an  260,000  francs  pour  désinfecter  à  l'aide  du  per- 
manganate les  selles  typhoïdes  dans  un  hôpital  où  il  y 
aurait  en  moyenne  30  cas  présents  de  fièvre  typhoïde. 
C'est  donc  un  désinfectant  auquel  on  ne  peut  recourir 
que  dans  des  cas  exceptionnels  et  dans  les  familles  ai- 
sées. La  dose  à  employer  par  jour  nous  paraît  être  deux 
litres  d'une  solution  contenant  au  moins  2  grammes  de 


DESINFECTION  DE  LURINE  385 

permanganate  à  l'état  solide  par  litre  d'eau  non  distillée. 
L'acide  phénique,  très  généralement  usité,  est  el'ii- 
-cace,  mais  à  la  condition  qu'on  emploie  des  doses  fortes  : 
1  litre  par  jour  d'une  solution  à  5  pour  100,  ce  qui  ne 
fait  pas  moins  de  50  grammes  par  jour  pour  un  malade  ! 
On  se  règle  d'ordinaire  sur  l'odeur,  et  l'on  emploie  presque 
■toujours  des  doses  illusoires.  Il  y  aurait  avantage  à  recourir 
dans  ces  cas  à  l'huile  lourde  de  houille,  qui  coûte  bon 
marché,  est  un  désodorant  et  presque  certainement  aussi 
un  neutralisant  des  matières  infectantes.  Il  suffirait  d'en 
verser  100  grammes  mêlés  à  un  litre  d'eau  dans  chaque 
bassin,  afin  que  les  matières  qui  y  seraient  successivement 
déposées  fussent  toujours  recouvertes  de  la  couche  oléa- 
gineuse et  légère  qui  surnage  le  liquide. 

En  résumé,  dans  les  cas  où  il   faut  à  la  fois  détruire 
l'odeur  et  la  virulence,  nous  croyons  qu'on  doit  donner  la 
préférence  au  chlorure  de  zinc  ou  à  l'huile  lourde  de  houille. 
Les  ustensiles  qui  servent  aux  malades,  et  en  particulier 
les   urinoirs,  les  vases  de  nuit,  s'imprègnent  fréquem- 
ment d'une  odeur  ammoniacale  insupportable  ;  dans  les 
hôpitaux,  et  même  dans  les  habitations  particulières,  les 
tables  de  nuit  contractent  au  bout  d'un  certain  temps  une 
odeur  repoussante,   surtout  quand  elles  servent  à  des  ma- 
lades atteints  de  paralysie  ou  de  catarrhes  chroniques  de 
la  vessie.  Quand  le  nettoyage  n'est  pas  complet,  quand  il 
reste  la  moindre  parcelle  de  ferment  urinaire,  l'urine  s'al- 
tère en  moins  de  24  heures,  et  nous  nous  sommes  assuré 
que  l'on  impute  parfois  à  un  état  pathologique  de  la  vessie, 
ce  qui   n'est  qu'un  véritable  ensemencement  de  l'urine 
émise.  La  moindre  fissure  des  vases,  surtout  quand  ils  sont 
poreux,  recèle  le  ferment  ammoniacal.  L'acide  chlorhydri- 
que,   dilué  au  dixième,   dissout   rapidement  les    dépôts 
urinaires,  et  détruit  en  même  temps  la  matière  organique  ; 
les  odeurs  les  plus  tenaces  disparaissent  par  ce  moyen. 
La  décence,  non  moins  que  l'hygiène,  devrait  imposer 

Valu:^.  —  Désinfectants.  25 


386  DÉSINFECTION   NOSOCOMIALE. 

comme  une  règle  la  désinfection  des  tables  de  nuit,  à 
chaque  changement  de  malade  dans  les  hôpitaux.  L'im- 
prégnation du  bois  est  extrême,  surtout  quand  ces  meubles 
sont  fermés,  et  elle  résiste  aux  lavages  les  mieux  faits. 
Dans  notre  service,  nous  obtenons  la  désinfection  de  ces 
tables  en  y  faisant  brûler  4  ou  5  grammes  de  fleurs  de  sou- 
fre dans  un  godet  en  fer,  en  ayant  soin  de  ne  pas  fermer 
complètement  la  porte  du  meuble.  Toute  trace  de  mauvaise 
odeur  disparaît  et  les  germes  de  la  fermentation  de  l'urée 
sont  complètement  détruits,  car  du  jour  au  lendemain  l'u- 
rine du  même  malade  cesse  d'être  putride  au  réveil.  Userait 
facile  d'ailleurs  d'enduire  l'intérieur  du  meuble  d'une 
couche  de  paraffine,  par  le  procédé  que  nous  indiquons 
plus  loin,  pour  rendre  le  bois  imperméable  aux  gaz  et  aux 
émanations  fétides. 

ART.   IV.  —  DÉSINFECTION    DES    LOCAUX. 

Trois  cas  peuvent  se  présenter  :  1"  les  locaux  sont 
complètement  inhabités  ;  2°  ils  sont  habités,  mais  le  ma- 
lade peut  les  quitter  momentanément;  3°  le  malade  ne 
peut  quitter  la  chambre  ou  la  salle, 

DÉSIiNFEGTION    DES    LOCAUX    NON    HABITES,   LorSqu'UU   lo- 

cal  a  été  souillé  par  le  séjour  prolongé  de  personnes  ou 
de  malades,  à  plus  forte  raison  en  cas  d'épidémie  ou  de 
maladie  transmissible ,  un  excellent  moyen  de  désin- 
fection et  d'assainissement  consiste  dans  Vévacuation 
complète  et  prolongée  des  bâtiments.  Les  salles  de  re- 
change, les  services  d'alternance  dans  les  hôpitaux  sont 
à  ce  point  de  vue  une  ressource  précieuse;  un  hôpital 
n'est  salubre  qu'à  la  condition  de  tenir  toujours  en  ré- 
serve plusieurs  salles  inoccupées,  qui  se  reposent  et  se 
purifient,  après  avoir  fonctionné  plusieurs  mois  ou  une 
année  d'une  façon  active  et  incessante,   La  même  règle 


DESINFECTION  DES  LOCAUX.  381 

est  applicable  à  certaines  parties  d'une  habitation  parti- 
culière. 

Dans  ces  cas,  les  fenêtres,  les  portes,  doivent  être  te- 
nues largement  ouvertes  le  jour  et  autant  que  possi- 
ble la  nuit  :  le  soleil  et  l'air  doivent  y  entrer  librement, 
incessamment.  Les  variations  de  sécheresse  et  d'humidité, 
de  chaleur  et  de  fraîcheur  y  activent  les  oxydations,  les 
réductions,  la  destruction  des  matières  organiques.  On  sait 
que  l'ozone  fait  absolument  défaut  dans  l'air  des  chambres 
et  des  maisons  habitées  ;  l'éloignement  des  habitants  fait 
reparaître  l'ozone,  c'est-à-dire  l'oxygène  actif,  l'élément 
par  excellence  de  la  purification  et  delà  désinfection.  L'on 
a  cité  quelques  exemples  de  salles  d'hôpital,  où  la  mala- 
die épidémique,  pourriture  d'hôpital,  infection  purulente, 
érysipèle,  a  reparu  après  un  chômage  de  quatre  ou  six 
mois.  Il  est  presque  certain  qu'on  s'était  contenté  d'éva- 
cuer la  salle,  mais  qu'on  n'avait  pas  pris  le  soin  de  la  ven- 
tiler, de  l'insoler,  de  l'aérer  largement  et  d'une  façon  pres- 
que continue  afin  d'éviter  la  stagnation  dans  les  fissures  ; 
la  désinfection  et  l'assainissement  ne  s'obtiennent  qu'à 
ce  prix. 

Il  est  difficile  de  fixer  la  durée  du  chômage  ;  cette  durée 
varie  avec  la  saison,  le  degré  d'infection,  la  nature  des 
maladies  antérieures.  Dans  des  conditions  ordinaires,  en 
été,  quand  l'épidémie  ou  la  souillure  a  été  moyenne  dans 
un  hôpital,  l'évacuation  doit  durer  au  minimum  trois  mois, 
elle  devrait  presque  toujours  être  continue  pendant  six  mois. 
Dans  une  habitation  particulière,  la  durée  peut  varier  de  15 
jours  à  3  mois.  C'est  d'ailleurs  une  occasion  pour  gratter 
ou  laver  les  murailles,  les  plafonds,  les  planchers.  Si  les 
murs  sont  enduits  de  peinture,  celle-ci  peut  être  seule- 
ment lavée  à  la  potasse  ;  il  est  préférable  d'appliquer 
une  nouvelle  couche  ;  c'est  un  moyen  de  boucher  les  fissu- 
res dans  lesquelles  peuvent  être  accumulés  des  germes 
morbides  ou  des  insectes  parasites. 


388  DESINFECTION   NOSOCOMIALE. 

Les  papiers  de  tenture,  dans  les  appartements  particu- 
liers, doivent  être  renouvelés  toutes  les  fois  que  la  chambre 
a  été  occupée  par  un  malade  atteint  d'une  de  ces  affections 
transmissibles,  graves  à  raison  de  leur  parasite,  et  qu'il 
existe  dans  l'appartement  des   personnes  susceptibles  de 
la  contracter  :  diphthérie  (enfants),  infection    puerpérale 
({femmes  en  couches)  ;  ces  papiers  sont  un  réceptacle  dan- 
'gereux  de  germes  morbides  et  d'odeurs  désagréables.  Les 
anciens  papiers  doivent  être  préalablement  arrachés.  Dans 
un  mémoire  lu  à  la  Société   de   médecine  publique  (1), 
nous  avons  mentionné  des  exemples  d'infection  manifeste 
de  l'air  des  chambres,  et  d'accidents  faisant  craindre  l'ex- 
plosion d'une  épidémie  de  fièvre  typhoïde,  par  la  superpo- 
sition de  10  à  12  épaisseurs  de  papiers  de  tenture  succes- 
sivement renouvelés  ;  la  colle  de  pâte  accumulée  entre  ces 
<;ouches  avait  subi  la  fermentation  putride  et  était  remplie 
-de  vers.  Les  peintres  emploient  fréquemment  pour  fixer 
les  papiers  à  la  m.uraille  de  la  colle  de  farine  ou  d'amidon 
«n  pleine  décomposition,  surtout  pendant  l'été;  nous  avons 
-observé  un  cas  d'empoisonnement  léger  par  ces  émana- 
tions putrides,  et  nous  a^ons  proposé  d'incorporer  dans 
«cette  colle,  comme  dans  l'enduit  gélatineux  destiné  aux 
plafonds,  une  petite  quantité  d'acide  borique  ou  salicyli- 
«cjue  qui  empêcherait  cette  décomposition,  soit  au  moment 
«de  l'application,  soit  postérieurement. 

iJans  les  chambres  particulières  de  malades,  dans  les  cas 
iTioins  graves,  on  pourrait  se  contenter  de  pulvériser 
«contre  les  papiers  qu'on  ne  veut  pas  renouveler,  des  so- 
lutions d'acide  phénique  à  2  pour  cent,  ou  de  chlorure  de 
aine  à  10  ou  20  pour  mille. 

Dans  les  habitations  collectives  oi^i  l'on  conserve 'encore 
ia  pratique  du  badigeonnage,  il  est  nécessaire  de  gratter 
-soigneusement  l'enduit  ancien  avant  d'appliquer  le  nou- 

(1)  Valliu, /)es  accidents  produits  par  les  papiers  de  tenture  récemment 
'appliqués  {Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1880,  p.  481). 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  389' 

veau.  Tout  le  monde  connaît  les  chiffres  incroyables  (4G  à 
54  pour  100)  de  matières  organiques  trouvés  dans  ces  en- 
duits par  Kuhlman,  Kirchner  et  Chalvet.  Sans  doute  il  faut 
faire  la  part  de  l'albumine  ou  de  la  gélatine  introduites 
dans  le  lait  de  chaux  ou  de  craie  pour  le  rendre  plus  adhé- 
rent ;  mais  on  comprend  que  cette  couclie  extraordinaire- 
ment  poreuse  retienne  toutes  les  matières  organiques  dissou- 
tes dans  la  vapeur  d'eau  et  les  buées  souvent  fétides  qui  se- 
condensent  sur  les  murailles  refroidies.  En  outre,  ces  surfa- 
ces rugueuses  retiennent,  beaucoup  plus  qu'une  paroi  vernie- 
et  luisante,  les  particules  solides,  les  débris  d'épiderme^ 
le  pus  desséché,  les  poussières  suspectes,  qui  flottent  en- 
si  grande  abondance  dans  les  salles  de  malades.  Rien  ne- 
prouve  mieux  la  nécessité  de  gratter  exactement  les  an- 
ciens enduits,  que  le  fait  suivant  relaté  par  Deger{Bau  cler 
Krankenhaiiser,  p.  202)  :  2  ouvriers  contractèrent  la  va- 
riole pour  avoir  gratté  et  renouvelé  les  enduits  de  chaux,,, 
dans  la  salle  des  varioleux  de  l'hôpital  général  de  Munich  :. 
la  salle  était  cependant  restée  inoccupée  pendant  un  an. 

On  a  prétendu  que  l'enduit  à  la  chaux,  qui  reste  caus- 
tique pendant  quelque  temps  avant  d'être  saturé  par  l'acide 
carbonique  de  l'air,  est  un  excellent  moyen  de  désinfection 
des  murailles,  parce  que  les  matières  albuminoïdes  forment 
avec  l'hydrate  de  chaux,  des  composés  insolubles  et  inof- 
fensifs. Ce  blanchiment  n'a  qu'un  effet  superficiel  et  peu  du- 
rable ;  en  supposant  qu'il  détruise  les  matières  organiques 
suspectes  qui  sont  à  la  surface  même  de  la  muraille,  il  n'a- 
aucune  action  sur  les  miasmes  dont  les  matériaux  poreux 
sont  imprégnés  et  parfois  saturés.  Il  importe  toutefois  dé- 
faire une  distinction  ;  on  confond  trop  souvent  le  lait  d& 
chaux,  qui  est  très  adhérent,  se  fendille  peu,  n'a  pour  ainsi 
dire  pas  d'épaisseur,  avec  le  mélange  de  craie,  d'eau  et  de 
colle  qui  sert  à  Paris  à  faire  le  badigeonnage.  Ce  dernier 
encrasse  les  murs  d'une  couche  poreuse,  épaisse,  qui  est 
un  réceptacle  d'impuretés  ;  il    se   fissure,  s'écaille  rapi- 


390  DÉSINFECTION   NOSOCOMIALE. 

dément,  et  donne  issue  de  la  sorte  aux  principes  morbi- 
fiques  qui  pourraient  être  accumulés  dans  les  porosités 
ou  les  interstices  de  la  muraille.  Ces  enduits  doivent  dis- 
paraître des  habitations  collectives,  des  casernes,  à  plus 
forte  raison  des  hôpitaux  ;  une  exception  pourrait  à  la  ri- 
gueur être  faite  en  faveur  du  lait  de  chaux  proprement 
dit,  à  la  condition  qu'il  soit  renouvelé  tous  les  trois  mois 
au  moins.  Il  y  aurait  peut-être  avantage  à  incorporer 
dans  le  lait  de  chaux,  avant  l'application,  certaines  sub- 
stances antiseptiques  telles  que  l'acide  borique  à  la  dose 
de  1  kilogramme  pour  1  hectolitre  de  lait  de  chaux  ;  cet 
acide  ne  coûtant  guère  dans  l'industrie  que  2  francs  le  ki- 
logramme, on  voit  que  la  dépense  serait  minime;  reste  à 
savoir  si  le  procédé  est  technologiquement  applicable. 

Les  boiseries  non  peintes,  les  planchers  doivent  être 
brossés  avec  de  la  potasse  et  du  savon ,  puis  humectés  d'une 
solution  phéniquée  ou  de  chlorure  de  zinc  à  2  pour  100. 
Le  simple  lavage  des  parois  (murs ,  plafonds ,  sol)  à 
grande  eau  est  un  moyen  de  désinfection  très  puissant  et 
qu'il  ne  faut  pas  négliger,  quand  le  mode  de  construction 
et  d'installation  des  salles  le  permet.  L'on  sait  qu'au  pa- 
villon modèle  établi  par  M.  Tarnier  à  la  Maternité  de  Paris, 
dès  qu'une  nouvelle  accouchée  quitte  la  chambre,  après 
guérison  simple  comme  après  décès,  on  lave  immédiate- 
ment la  cellule  à  l'aide  d'une  pompe  à  forte  pression.  On 
inonde  d'eau  pure  le  plafond,  les  murs  peints  à  l'huile  et 
vernis,  le  sol  en  ciment  ou  en  mosaïque;  on  lave  à  grande 
eau  le  lit,  les  sièges,  la  table,  la  baignoire,  en  un  mot  tout 
ce  qui  existe  dans  la  chambre  et  qu'on  a  eu  soin  de  faire 
revêtir  d'enduits  imperméables.  Ce  lavage  en  grand  paraît 
ne  pas  être  étranger  aux  succès  que  M.  Tarnier  a  obtenus 
dans  son  nouveau  pavillon. 

D'autre  part,  nous  avons  entendu  raconter  à  M.  le  pro- 
fesseur Brouardel  le  fait  suivant  :  alors  qu'il  était  chargé, 
en  1870-71,  d'un  service  de  varioleux  à  l'hôpital  improvisé 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  391 

du  quai  de  Javelle,  il  reçut  l'ordre  d'évacuer  immcklialcment 
CCS  variolcux  et  de  tenir  l'hôpital  tout  prêt  pour  recevoir 
les  blessés  à  la  suite  d'une  sortie  imminente  des  troupes 
assiégées.  Pressé  par  la  nécessité,  et  craignant  que  les 
blessés  annoncés  ne  contractassent  la  variole  en  séjournant 
dans  l'atmosphère  où  venaient  de  vivre  plusieurs  centai- 
nes de  varioleux,  M.  Brouardel  employa  le  moyen  suivant: 
A  l'aide  de  ses  infirmiers,  il  fit  lancer  avec  une  pompe  une 
grande  quantité  d'eau  simple  sur  les  murs,  le  sol,  les 
parois  ;  tout  le  matériel  fut  également  lavé  à  grande  eau 
pendant  près  d'une  journée,  après  que  les  varioleux  eu- 
rent été  évacués.  Malgré  le  bref  délai  accordé  (12  heures),  et 
l'absence  de  tout  désinfectant  chimique,  les  nouveaux  sol- 
dats introduits  dès  le  lendemain  dans  l'hôpital  restèrent 
complètement  indemnes  ;  aucun  d'eux  ne  contracta  la  va- 
riole dans  les  semaines  ou  les  mois  qui  suivirent. 

Quand  la  nécessité  est  moins  urgente,  il  est  préférable 
de  laver  toutes  les  parois  avec  un  légère  dissolution  de 
chlorure  de  zinc  (5  à  10p.  1000),  de  chlorure  de  chaux  (à 
o  p.  100),  d'acide  phénique  (2  p.  1000),  ou  avec  une  lessive 
de  potasse  ou  d'eau  seconde. 

Mais  il  faut  bien  le  reconnaître,  ce  sont  là  des  moyens 
incertains,  des  demi-mesures.  Il  est  plus  sûr,  plus  rapide, 
plus  économique  dans  la  plupart  des  cas  de  recourir  aux 
fumigations  qui  pénètrent  partout,  qui  détruisent  non  seu- 
lement les  mauvaises  odeurs,  mais  encore  les  germes  vi- 
rulents ou  les  miasmes  que  les  locaux  peuvent  contenir. 

Le  moyen  le  plus  héroïque  est,  sans  contredit,  la  fumi- 
gation par  l'acide  hypoazotique,  par  les  vapeurs  dites  ni- 
treuses.  Toute  la  matière  organique  est  détruite  chimi- 
quement, la  purification  est  complète  et  rapide.  D'après 
Payen,  pour  chaque  Ut  et  pour  l'espace  correspondant,  soit 
environ  40  mètres  cubes,  on  emploie  le  mélange  sui- 
vant : 


392  DESLNFEGTION  NOSOCOMIALE. 

Eau 2  litres. 

Acide  azotique  du  commerce  ......  1,500  grammes. 

Tournure  ou  planure  de  cuivre 300        — 

(Voyez  pour  le  détail  de  l'opération,  page  271.) 

Il  est  incontestable  que  les  quantités  sont  énormes  ; 
les  étoffes,  les  objets  métalliques  ou  de  toute  sorte  qui 
seraient  laissés  dans  la  pièce  seraient  corrodés  par  les  va- 
peurs acides.  Même  au  bout  de  48  heures,  il  est  dangereux 
d'entrer  dans  la  chambre  close  où  a  été  pratiquée  une  telle 
fumigation,  et  avant  d'y  pénétrer,  il  faut  du  dehors  ouvrir 
plusieurs  issues  à  l'air  et  laisser  s'établir  une  large  ventila- 
tion. Des  accidents  très  graves,  mêmes  mortels,  pourraient 
résulter  d'imprudences  commises  à  ce  point  de  vue  parles 
hommes  chargés  de  cette  opération.  Ce  mode  de  désinfec- 
tion doit  donc  être  sinon  abandonné  complètement,  au 
moins  réservé  aux  cas  très  rares  oi^i  l'infection  aurait  été 
excessive,  où  les  locaux  seraient  absolument  nus  ,  ne 
craindraient  aucune  altération  par  cet  agent  chimique,  et 
où  l'on  pourrait  laisser  pendant  plusieurs  jours  la  salle  se 
ventiler  largement  et  se  débarrasser  de  toute  vapeur,  avant 
d'y  placer  des  hommes  sains  ou  malades. 

La  plupart  des  inconvénients  et  de  ces  dangers  peuvent 
être  évités  par  l'emploi  de  Vacide  nitreux  proprement  dit. 
MM.  Ch.  Girard  et  Pabst  ont  trouvé  il  y  a  quelques  an- 
nées un  moyen  pratique  et  peu  coûteux  de  produire  à  vo- 
lonté Facide  nitreux,  et  ont  basé  sur  ce  procédé  plusieurs 
méthodes  applicables  à  l'hygiène. 

«  La  source  d'acide  nitreux  qu'ils  emploient  (1)  est 
l'acide  sulfurique  nitreux,  ou  cristaux  de  chambres  de 
plomb,  combinaison  cristallisée  d'acide  sulfurique  et  d'acide 
nitreux,  qui,  traitée  par  l'eau,  se  décompose  en  ses  élé- 
ments. Mais  l'acide  azoteux  ne  peut  exister  à  l'état  con- 
centré ;    il    se  décompose  en  acide   hypoazotique   et  en 

(1)  Note  inédite  do  M.  Pabst. 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  393 

bioxyde  d'azote  :  au  contraire,  si  la  décomposition  des 
cristaux  est  très  lente,  on  peut  diffuser  l'acide  nitreux 
dans  des  quantités  d'air  considérables,  et  alors  il  se  pré- 
sentera avec  ses  propriétés  habituelles  et  voisines  de  celles 
de  l'ozone. 

«  L'acide  azoteux  a  des  propriétés  oxydantes  très  éner- 
giques ;  il  brûle  toutes  les  matières  organiques  en  pous- 
sières ou  en  vapeurs  ;  il  combure  presque  tous  les  gaz, 
sauf  l'hydrogène  ;  l'acide  sulfurique  le  retient  en  combi- 
naison jusqu'au  moment  où  l'air  humide,  ou  les  gaz,  échan- 
geront leur  vapeur  d'eau  contre  une  quantité  proportion- 
nelle d'acide  nitreux.  L'acide  sulfurique  agit  donc  comme 
réservoir  distributeur,  en  quelque  sorte,  mais  il  exerce  en- 
core une  autre  action  importante  ;  il  dissout  les  vapeurs 
combustibles  que  renferme  cet  air  ou  ce  gaz,  et  les  cède 
à  l'acide  nitreux  dissous,  de  sorte  que  ce  dernier  agit 
d'abord  à  l'état  liquide,  puis  à  l'état  gazeux,  sur  les  molé- 
cules qui  auraient  échappé  à  la  première  action. 

«  L'acide  azoteux  est  connu  depuis  longtemps  comme 
l'un  des  plus  puissants  antiseptiques,  au  même  titre  et  sur  le 
même  rang  que  l'ozone  et  l'eau  oxygénée.  Il  existe  en 
proportions  très  minimes  dans  l'atmosphère,  dont  il  est  un 
des  agents  de  purification  naturelle,  on  a  trouvé  que  la 
quantité  d'acide  nitreux  et  d'ozone,  dans  l'air,  étaient  aug- 
mentée après  les  orages  ou  les  effluves  électriques  ;  en 
dehors  de  ce  cas,  on  ne  connaît  pas  de  mode  de  formation 
de  l'acide  nitreux  ;  l'ozone  paraît  exister  dans  l'oxygène 
dégagé  des  parties  vertes  des  plantes. 

«  Les  germes  de  toute  nature  sont  également  détruits  par 
l'acide  azoteux  :  si  l'on  introduit  dans  des  ballons  de  Pas- 
teur des  liquides  fermentescibles,  qu'on  fasse  le  vide  par 
ébullition,  et  qu'on  laisse  rentrer  l'air  en  le  faisant  passer 
d'abord  sur  du  coke  imprégné  d'acide  nitreux,  l'air  même 
chargé  de  germes  se  montrera  inerte  dans  le  ballon.  Pour 
charger  l'air  de  germes,  on  peut  puiser  cet  air  dans  un 


394  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

flacon  renfermant  des  pellicules  de  mycodermes,  ou  des 
poussières  que  l'on  a  préalablement  essayées  par  voie 
d'ensemencement  :  en  agitant  les  flacons,  l'air  se  charge 
suffisamment  de  germes  ;  on  peut  aussi  cultiver  du  péni- 
cillium glaucum  dans  une  assiette,  et  quand  il  a  bien 
fructifié,  arroser  les  parties  vertes  :  les  spores  sont  pro- 
jetés avec  une  petite  explosion,  et  remplissent  l'air  que 
l'on  peut  aspirer  ensuite. 

«  Dans  les  cas  où  il  s'agit  d'assainir  des  espaces  clos  et 


Appareil  pour  produire  les  vapeurs  nilreuses  ou  l'élher  nitreux.  (La 
cloche  figurée  ici  ne  sert  qu'à  recueillir  les  vapeurs  pour  une  expé- 
rience.) 

dont  la  ventilation  est  difficile,  on  a  songé  à  introduire 
dans  cet  air,  par  voie  de  diffusion  lente,  des  vapeurs  d'acide 
azoteux  qui  brûlent  les  matières  organiques  là  où  la  lu- 
mière ne  peut  arriver  :  par  exemple,  dans  les  caves  et  ma- 

(1)  La  Désinfection  par  les  oxydes  nitreux  {La  Nature,  21    mai   1881 
n»  416,  p.   386.) 


DESINFECTION  DES  LOCAUX.  395 

gasins,  les  cales  de  navire,  les  chambres  de  malades,  les 
cabinets  d'aisances,  etc.  On  produit  cet  acide  azoteux  au 
moyen  d'un  appareil  composé  d'un  vase  en  grès  verni, 
contenant  un  vase  poreux,  analogue  aux  burettes  des  piles, 
que  l'on  remplit  d'acide  sulfurique  nitreux  (cristaux  des 
chambres  de  plomb  ou  sulfate  de  nitrosyle).  Entre  les  deux 
réservoirs,  on  verse  une  couche  de  1  à  2  centimètres  d'eau. 
L'acide  traverse  lentement  le  vase  poreux,  et  se  décom- 
posant au  contact  de  l'air  humide  qu'il  y  trouve,  il  donne 
peu  à  peu  des  vapeurs  d'acide  nitreux  qui  se  mélangent  à 
l'air.  » 

Ce  procédé  a  été  appliqué  dans  une  cave  ou  couraient 
deux  lapins  et  qui  contenait  une  tinette  filtrante  dont  les 
vidangeurs  avaient  laissé  tomber  le  contenu  sur  le  sol.  Un 
vase  poreux  de  40  centimètres  de  haut  a  eu  raison  de  ces 
causes  d'infection.  Le  même  système  de  désinfection  a  été 
appliqué  à  la  Morgue,  et  dans  les  voitures  municipales  ser- 
vant au  transport  des  malades  à  Paris.  Quoique  beaucoup 
moins  irritantes  que  celles  d'acide  hypoazotique,  les  va- 
peurs d'acide  nitreux  ne  peuvent  guère  être  utilisées  que 
dans  les  locaux  non  habités. 

L'on  pourrait  également  avoir  recours  aux  fumigations 
d'acide  chlorhydrique  qui  ont  fait  tout  d'abord  la  réputation 
de  Guyton-Morveau.  Ce  dernier  pour  une  capacité  de 
100  mètres  cubes,  employait  les  proportions  suivantes  : 

Sel  marin 8o  grammes. 

Acide  sulfurique  à  66  B  .     68         — 

Proportion  qui  parait  très  faible;  on  mélange  rapide- 
ment et  l'on  se  retire.  Au  lazaret  de  Marseille,  pour  une 
capacité  de  100  mètres  cubes  on  versait  300  grammes 
d'acide  chlorhydrique  sur  150  grammes  d'acide  sulfuri- 
que ;  on  doublait  la  dose  quand  les  locaux  étaient  inoccupés. 

Ces  fumigations,  caustiques  et  dangereuses  quand  les 
doses  sont  fortes,  sont  aujourd'hui  tombées  en  désuétude. 


396  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE.    • 

au  point  que  nous  ne  connaissons  peut-être  pas  assez  les 
ressources  qu'on  en  pourrait  tirer. 

Elles  ont  été  généralement  remplacées  par  les  fumiga- 
tions de  chlore  et  par  celles  de  soufre. 

Ces  dernières  nous  paraissent  malgré  tout  mériter  le 
premier  rang.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  critiques 
dont  elles  ont  été  l'objet  de  la  part  de  Wernich,de  Gartner 
et  Schotte  (voy.  p.  253).  Un  grand  nombre  d'expériences, 
auxquelles  nous  avons  joint  les  nôtres,  montrent  qu'à  do- 
se suffisante,  l'acide  sulfureux  provenant  de  la  combustion 
du  soufre  détruit  la  mauvaise  odeur,  les  miasmes,  les  vi- 
rus, les  parasites  (punaises),  les  petits  animaux  tels  que 
souris,  rats,  etc.  Les  cadavres  de  ces  animaux  jonchent 
le  sol  ;  il  faut  craindre  toutefois  qu'ils  ne  se  putréfient 
dans  les  trous  ou  les  points  inaccessibles,  où  la  mauvaise 
odeur  seule  révèle  leur  présence. 

La  question  de  dose  est  encore  controversée,  ainsi  que 
nous  l'avons  montré  dans  la  première  partie  de  ce  livre 
(p.  262).  Au  point  de  vue  pratique,  nous  croyons  qu'il  faut 
distinguer  deux  cas. 

Le  plus  souvent ,  la  dose  de  20  grammes  de  soufre 
par  mètre  cube  est  suffisante,  surtout  quand  l'occlusion  des 
locaux  est  facile,  que  les  joints  des  portes  et  des  fenêtres 
ne  sont  pas  très  mauvais.  Après  avoir  lu  le  récit  des  ob- 
servations nombreuses  faites  en  ces  derniers  temps  par 
MM.  Czernicki,  après  avoir  fait  par  nous-mêmes  un  grand 
nombre  d'expériences,  c'est  à  ce  dernier  chiffre  de  20 gram- 
mes par  mètre  cube  que  nous  nous  arrêtons  pour  les  cas 
ordinaires.  Mais  quand  les  locaux  ont  été  infectés  par  des 
épidémies  graves  :  fièvre  puerpérale,  septicémie,  pourri- 
ture d'hôpital,  variole,  il  nous  semble  nécessaire  d'attein- 
dre la  dose  de  30  grammes  par  mètre  cube.  Nous  rappe- 
lons qu'en  brûlant  16  à  20  grammes  de  soufre  par  mètre 
cube  on  détruit  déjà  l'inoculabilité  de  plusieurs  virus,  en 
particulier  du  vaccin  desséché,  du  plus  morveux,  etc.  : 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  397 

ce  résultat  est  obtenu  quand  la  proportion  de  gaz  acide  sul- 
fureux dans  l'atmosphère  égale  1  0/0.  Un  kilogramme 
de  soufre,  en  brûlant,  dégage  près  de  700  litres  d'acide 
sulfureux,  de  sorte  que  cette  quantité  suffit  pour  une  pe- 
tite chambre  de  60  mètres  cubes.  Le  tableau  suivant  in- 
dique les  quantités  et  proportions  de  SO^  fournies  par  la 
combustion  du  soufre  dans  un  mètre  cube. 

Voici  comment  l'on  doit  procéder  à  cette  opération. 
L'acide  sulfureux  est  très  diffusible,  il  pénètre  profondé- 
ment dans  les  porosités  des  tissus  et  même  des  murailles; 
il  faut  donc  empêcher  qu'il  ne  se  diffuse  trop  promptement, 
soit  à  travers  les  fissures  des  plafonds,  des  planchers,  des 


POIDS 

PROPORTION 

POIDS 

du  soufre  brûle 

QUANTITÉS 

(en  volumes) 

de  SO-  contenu 

par 
mètre  cube. 

de  SO-  produit. 

de  SO- 

contenu  dans  100 

volumes  d'air. 

dans  un 
mètre  cube. 

litres. 

10  grammes. 

6,900 

0,69 

20  grammes. 

15 

10,4 

1,04 

30 

-20          » 

13,9 

1,39 

40       » 

.30          » 

20 

2,08 

CO       )) 

40          » 

27,8 

2,78 

80        » 

30         » 

34,7 

3,47 

100 

60         » 

41,6 

4,16 

120 

80         » 

55,6 

5,56 

160 

100         » 

69,4 

6,9i 

-200        » 

130         » 

104',! 

10,41 

300        » 

portes  et  des  fenêtres..  D'autre  part,  on  sait  qu'il  décolore 
bien  plus  énergiquement  les  tissus  humides  ou  mouifiés  que 
les  tissus  secs.  Il  est  donc  avantageux,  avant  de  faire 
brûler  du  soufre  dans  une  salle  qu'on  veut  désinfecter,  de 
charger  d'humidité  l'air  de  l'enceinte,  soit  en  aspergeant 
d'eau  le  sol  ou  le  parquet,  soit  en' passant  une  éponge 
humide  sur  les  murs,  ou  en  faisant  bouillir  de  l'eau  dans 


398  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

la  chambre  ;  cette  vapeur  d'eau,  en  pénétrant  dans  toutes 
les  fissures,  y  retiendra  l'acide  sulfureux. 

Il  faut  employer  le  soufre  en  fleur  de  préférence  au 
soufre  concassé  ;  la  différence  de  prix  est  extrêmement 
minime  (35  ou  40  francs  les  100  kilogr.)  et  l'on  est  bien 
plus  assuré  d'obtenir  une  combustion  complète.  Le  soufre 
doit  être  distribué  en  6  ou  8  foyers,  disséminés  en  divers 
points  de  la  salle  pour  une  enceinte  de  100  mètres  cubes, 
chaque  foyer  ne  devant  pas  comporter  plus  de  300  gram- 
mes de  soufre.  Il  faut  placer  le  soufre  dans  des  vases  en 
métal  qu'on  peut  improviser  avec  de  la  tôle  mince  dont 
on  relève  légèrement  les  bords  ;  ces  derniers  doivent  être 
peu  élevés,  afin  de  ne  pas  empêcher  les  courants  d'air  et 
d'éviter  la  stagnation  de  l'acide  sulfureux  qui  arrête  la 
combustion.  Les  vases  en  terre,  que  l'on  emploie  parfois 
pour  cet  usage,  peuvent  se  briser  sous  l'influence  de  la 
chaleur,  et  le  soufre  enflammé,  en  se  répandant  au  loin, 
pourrait  déterminer  des  incendies.il  est  d'ailleurs  pru- 
dent, quand  il  existe  un  plancher,  de  placer  les  vases  rem- 
plis de  soufre  au  centre  d'un  bassin  plat  ou  d'une  cuvette 
contenant  une  petite  quantité  d'eau. 

Quand  le  nombre  des  foyers  à  enflammer  est  grand, 
pour  éviter  la  suffocation  par  les  vapeurs  qui  se  dégagent 
rapidement,  il  convient  de  répandre  une  petite  quantité 
d'alcool  sur  chaque  amas  de  soufre  ;  il  est  ainsi  plus  facile 
d'allumer  tous  les  foyers  en  un  instant,  et  ceux-ci  ont  moins 
de  chances  de  s'éteindre. 

Les  issues  doivent  être  fermées  avec  soin  ;  ou  pourra 
même  coller  des  bandes  de  papier  sur  les  joints  des  portes 
et  des  fenêtres. 

La  chambre  doit  rester  close  pendant  12  heures  au  moins 
et  mieux  24  ou  48  heures  :  on  n'y  doit  entrer  qu'avec  pré- 
caution, sans  respirer,  et  il  faut  y  établir  rapidement  une 
large  ventilation.  Le  local  ne  doit  être  habité  qu'au  bout 
de  douze  heures  au  moins  de  libre  exposition  à  l'air.  Il  est 


DESINFECTION  DES  LOCAUX.  399 

préférable  de  n'y  faire  entrer  les  habitants  qu'au  bout  de 
48  heures. 

L'odeur  assez  persistante  de  soufre  détermine  non 
pas  des  bronchites,  mais  des  embarras  gastriques,  un  état 
nauséeux,  un  dégoût  complet  pour  les  aliments  ;  ces  légers 
malaises  ont  été  constatés  par  31.  le  D'  Czernicki  sur  les 
soldats  de  la  caserne  d'Avignon,  dans  des  salles  qui 
avaient  dû  être  réoccupées  12  heures  après  la  fin  de  l'opé- 
ration et  la  libre  ouverture  de  toutes  les  issues. 

M.  Mehlhausen  recommande  de  chauffer  au  préalable  la 
chambre  qu'on  veut  désinfecter  par  les  vapeurs  sulfureu- 
ses, surtout  en  hiver.  On  arrête  le  feu  au  moment  où  l'on 
enflamme  le  soufre  et  l'on  baisse  complètement  le  tablier 
de  la  cheminée.  La  chambre  ainsi  chauffée  tend  à  aspirer 
l'air  des  appartements  voisins  ;  l'air  chaud,  plus  léger,  se 
dégage  par  les  mal-joints  ou  les  porosités  des  murailles, 
désinfectant  sur  son  passage  tous  les  principes  infectieux 
qu'il  rencontre.  Quant  au  contraire  la  chambre  est  froide, 
les  locaux  mieux  chauffés  qui  peuvent  être  au  voisinage 
se  ventilent  aux  dépens  de  l'atmosphère  sulfureuse  de  la 
chambre  qu'on  veut  désinfecter. 

L'inconvénient  de  l'acide  sulfureux  est  de  couvrir  le 
fer  et  l'acier  polis  d'une  légère  couche  de  rouille  due  à  la 
formation  d'acide  sulfurique;  Pettenkofer  a  vu  les  rasoirs, 
les  clous,  mis  en  observation,  garder  leur  poli  ;  nous  avons 
constamment  obtenu  un  résultat  différent,  ce  que  nous  nous 
expliquons  difficilement.  Le  cuivre  et  l'argent  sont  noircis  ; 
les  étoffes  de  laine  ne  sont  pas  altérées  ;  celles  de  soie, 
surtout  celles  de  coton  et  de  toile,  le  sont  à  un  degré  assez 
marqué  quand  la  dose  atteint  ou  dépasse  30  grammes  par 
mètre  cube,  particulièrement  quand  l'air  est  humide. 

La  désinfection  peut  également  se  faire  à  l'aide  du 
chlore  ;  mais  ce  gaz  nous  paraît  bien  inférieur  aux 
acides  sulfureux  et  hypoazotique.  Sans  doute,  puisque  les 
locaux  sont  inhabités,  on  peut  faire  dégager  des  torrents 


400  DÉSINFECTION    NOSOCOMIALE. 

de  gaz,  comme  M.  Doremus  (1)  Fa  fait  à  New- York, 
dans  les  salles  de  l'hôpital  de  Bellevue  infectées  par  la 
pyohémie.  Des  «  centaines  de  livres  »  de  gaz  chlore 
avaient  été  dégagées  dans  les  salles  ;  mais  on  avait  laissé 
quelques  draps  étendus  sur  les  lits  inoccupés,  et  le  len- 
demain ces  draps  de  lits  étaient  devenus  si  peu  résistants, 
«  que  le  plus  léger  attouchement  suffisait  pour  les  faire 
tomber  en  pièces  !  » 

Le  D""  Doremus,  professeur  de  chimie  au  Bellevue  Hos- 
pital  médical  Collège  de  New- York,  avait  déjà  en  1865 
réussi  à  désinfecter  par  le  chlore  le  navire  «  Y  Atlanta  », 
après  une  épidémie  de  choléra  ;  il  prétendait  que  nulle 
souillure  ne  peut  résister  à  ces  fumigations  quand  elles 
sont  faites  par  un  procédé  qu'il  décrit.  Il  improvise  d'im- 
menses bassins  plats  (de  4  pieds  de  large  sur  10  de  long), 
avec  des  feuilles  épaisses  de  plomb  dont  il  relève  les  bords. 
II  y  verse,  en  parties  égales,  des  sacs  de  sel  marin  et  de 
peroxyde  de  manganèse,  et  il  en  forme  une  pâte  liquide 
avec  de  l'eau .  Les  fissures  des  portes  et  des  fenêtres 
sont  ensuite  fermées  exactement  à  l'aide  de  bandes  de  pa- 
pier collé  ;  le  sol  est  arrosé  d'eau,  on  dégage  dans  les 
salles  de  la  vapeur  d'eau  afin  de  condenser  sur  les  plafonds 
et  les  murailles  une  sorte  de  pluie  fine  qui  fixera  le 
chlore.  On  vide  alors  une  masse  énorme  d'acide  siilfurique 
dans  les  réservoirs  en  plomb  et  on  se  retire  précipitam- 
ment en  fermant  d'une  façon  hermétique  la  dernière 
issue.  Le  lendemain  et  trois  jours  de  suite,  on  recom- 
mence l'opération,  et  d'après  l'auteur,  ce  moyen  héroïque 
rend  désormais  inutile  toute  quarantaine. 

Nous  croyons  aisément  à  l'action  désinfectante  d'une 
quantité  aussi  extraordinaire  de  chlore  et  il  est  possible 
que  la  substitution,  réalisée  depuis  longtemps  en  France, 
de  l'acide  sulfurique  à  l'acide  chlorhydrique  ait  toute  l'im- 

(1)  D"'  R.  Ogden  Doremus,  Epidémies  from  a  chemical  Standpoint.  [Thi 
Sanitarian  of  New-York,  n"  76,  juillet  1879,  p.  308-318;  et  Revue  d'hy- 
giène, 1879,  p.  813.) 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  401 

portance  que  lui  attribue  le  chimiste  américain.  Mais  ne 
doit-on  pas  tenir  compte  de  la  dépense,  de  la  difficulté, 
nous  dirions  même  du  danger  d'une  opération  qui  néces- 
site le  maniement  d'une  aussi  énorme  quantité  d'acide  sul- 
furique,  et  qu'il  faut  renouveler  trois  jours  de  suite?  En 
outre,  cette  désinfection  à  outrance  n'a  rien  de  scienti- 
fique :  quelle  quantité  de  sels  et  d'acide  faut-il  employer 
par  mètre  cube?  L'au'.eur  ne  le  dit  pas.  11  semble  n'avoir 
d'autre  souci  que  d'en  mettre  trop  ! 

Le  D''  iMehlhausen  a  calculé  que  3  litres  (2'  722^'^)  de  gaz 
chlore  par  mètre  cube  d'air  ou  3  millièmes,   avaient  suffi 
pour  détruire  définitivement  dans  une  salle  tout  germe  de 
vie.  Mais  ses  expériences  lui  ont  montré  la  difficulté  qu'il  y 
a  à  faire  dégager  du  chlorure  de  chaux  ou  du  sel  marin  et 
du  peroxyde  de  manganèse,  traités  par  les  acides,  tout  le 
chlore  qu'ils  peuvent  théoriquement  abandonner.    Comme 
il  est  impossible  de  rentrer  dans  la  chambre  pour  agiter  de 
temps  en  temps  le  mélange,  la  réaction  s'arrête  bien  avant 
que  tout  le  chlore  soit  devenu  libre.  C'est  ainsi  que  pour 
une   salle  de  100  mètres  cubes,  il  a  obtenu  la  mort  des 
gros  animaux ,  mais  non  celle   des   bactéries  contenues 
dans  Furine  putride,  en  traitant  par  facide  40  grammes 
de  chlorure  de  chaux  par  chaque  mètre  cube.  Ces  quan- 
tités correspondent  à  la  dose  en    apparence   considéra- 
ble de  4  kilogrammes  de  chlorure  de  chaux  (contenant 
environ  80  litres  de  chlore  par  kilogramme)  et  de  6  kilo- 
grammes d'acide  chlorhydri(iue.    Il    faudrait   sans  doute 
porter  ces  chiffres  à  6  kilogrammes  de  chlorure  età9kilo- 
grammes  d'acide. 

Il  en  est  de  même  avec  le  mélange  classique.  Pour 
obtenir  une  désinfection  complète,  dans  une  capacité  de 
100  mètres  cubes,  il  ne  faudrait  pas  moins  de  : 

Pei'oxyde  de  manganèse,  2  kil i  fr.  30 

Chlorure  de  sodium,  2  kil 0  fr.  48 

Acide  sulfuricfuc   pur,  4  kil l  fr.  50 


3  fr.  ±8 
Vallin.  —  Désinfectants. 


402  DESINFECTION    NOSOCOMIALE. 

Ce  qui  porte  la  dépense  totale  à  plus  de  trois  francs.  La 
désinfection  la  plus  complète  avec  le  soufre  n'eut  pas  dé- 
passé la  somme  de  1  franc  20  centimes. 

Quoiqu'il  en  soit,  la  précaution  de  charger  d'humidité 
l'air  de  la  salle  avant  d'y  dégager  les  vapeurs  du  chlore  est 
aussi  utile  ici  que  dans  l'emploi  de  l'acide  sulfureux.  La 
chambre  doit  rester  hermétiquement  close  pendant  24  heu- 
res au  moins,  et  même  au  bout  de  ce  temps,  l'on  n'entrera 
qu'avec  précaution  dans  la  salle.  Il  va  de  soi  qu'à  ces 
doses  élevées,  les  tentures  ou  autres  tissus  seraient  altérés 
au  point  de  vue  de  la  couleur  et  de  la  solidité. 

Dans  certaines  circonstances  très  restreintes,  l'on  pour- 
rait recourir  à  la  projection  sur  les  parois  d'un  jet  de  va- 
peur surchauffée  ou  au  flambage  au  gaz,  suivant  le  procé- 
dé Lapparent.  Nous  aurons  l'occasion  de  parler  de  cette 
méthode,  en  traitant  de  la  désinfection  et  de  l'assainisse- 
ment des  navires.  Pour  détruire  certains  insectes,  dif- 
férentes vermines  qui  souillent  des  locaux  destinés  à 
l'habitation  de  l'homme  ou  des  animaux,  on  a  parfois  em- 
ployé des  fumigations  mercurielles,  en  projetant  sur  une 
plaque  de  fer  rougie  45  à  50  grammes  de  cinabre  ou  sul- 
fure rouge  de  mercure,  en  poudre.  Le  moyen  est  éner- 
gique, les  vapeurs  pénètrent  partout  et  détruisent  tous  les 
êtres  vivants  ;  mais  il  est  dangereux  :  on  peut  voir  la  sali- 
vation mercurielle  apparaître,  même  au  bout  d'un  long 
temps,  chez  les  individus  qui  reviennent  habiter  le  local,  et 
la  source  de  l'intoxication  reste  parfois  méconnue. 

Locaux  non  incessamment  habités.  —  Même  quand  les 
locaux  sont  habités,  on  peut  d'ordinaire  employer  dans 
une  certaine  mesure  quelques-uns  des  moyens  que  nous 
venons  de  décrire.  En  effet,  il  est  rare  que  le  séjour  de 
personnes  bien  portantes  ou  malades  ait  lieu  continuement 
dans  la  même  pièce  ;  il  est  plus  rare  encore  que  cette  con- 
tinuité de  séjour,  qui  est  par  elle  seule  une  cause  de  dan- 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  408 

•ger,  ne  puisse  être  évitée.  Sans  doute,  quand  Tinfection 
existe,  le  meilleur  moyen  de  la  faire  cesser  est  la  dissémi- 
nation des  malades,  la  dispersion,  l'évacuation  ;  c'est  la 
mesure  par  excellence,  et  c'est  presque  la  seule  qui  donne 
de  la  sécurité  en  temps  d'épidémie. 

Mais  est-ce  bien  là  de  la  désinfection  ?  pas  plus  que  le 
fait  d'abattre  tous  les  chevaux  morveux  ou  suspects  peut 
être  considéré  comme  un  moyen  de  désinfecter  une  écurie 
souillée  par  une  épidémie.  L'évacuation  est  Yultima  ratio  ; 
il  faut  savoir  s'y  résoudre  rapidement,  sans  hésiter,  dans 
les  vingt-quatre  heures,  quand  le  danger  est  menaçant  et 
que  des  moyens  plus  pratiques  de  faire  cesser  ou  d'éviter 
l'infection  sont  restés  sans  succès.  C'est  en  quelque  sorte 
un  aveu  d'impuissance  ;  c'est  souvent  une  calamité,  en 
temps  d'épidémie,  en  campagne,  etc.  Où  soignera-t-on  les 
malades  si  on  diminue  les  ressources,  toujours  trop  res- 
treintes dans  ce  cas,  des  établissements  hospitaliers  !  C'est 
par  la  prévoyance,  c'est  par  une  désinfection  journalière 
•et  préventive,  c'est  en  n'oubliant  pas  le  principlis  obsta, 
qu'on  évite  la  dure  nécessité  de  l'évacuation. 

Prenons  pour  exemple  un  hôpital,  où  le  nombre  des  ma- 
lades, la  gravité  des  affections  et  déjà  certains  indices 
précurseurs  font  craindre  l'imminence  de  l'infection  noso- 
comiale.  Par  quelles  mesures  d'assainissement  peut-on 
prévenir  l'encombrement,  ou  tout  au  moins  la  souillure 
de  l'hôpital  ? 

Le  premier  soin  doit  être  de  ne  laisser  séjourner  dans 
les  salles,  pendant  le  cours  de  la  journée,  que  les  malades 
aUtés,  ceux  qui  ont  de  la  fièvre  ou  qui  ne  sont  pas  encore 
capables  de  se  déplacer.  Tous  les  autres  doivent  passer  la 
plus  grande  partie  du  jour  dans  les  jardins  et  les  cours  si 
l'on  est  en  été,  dans  des  promenoirs  fermés  et  même 
chauffés,  en  hiver.  Il  est  en  général  facile  d'improviser  un 
promenoir,  véritable  salle  de  jour,  au  moyen  de  quelques 
portes  et  d'un  poêle  établis  dans  un  corridor  bien  éclairé, 


404  DESINFECTION   NOSOCOMIALE. 

longeant  des  magasins  ou  des  dépendances  non  habités. 
Les  malades  ne  doivent  rentrer  dans  la  salle  que  pour  les 
heures  du  sommeil,  de  la  visite  médicale  et  des  pansements. 
En  outre,  dès  que  les  hommes  sont  en  voie  de  guérison, 
il  faut  hâter  leur  départ  ;  dans  l'armée,  les  soldats  doivent 
être  envoyés  libéralement,  sinon  prématurément,  en  conva- 
lescence dans  leur  famille  ;  c'est  un  moyen  facile  et  sur 
de  dissémination,  pourvu  qu'il  ne  s'agisse  pas  de  maladies 
transmissibles.  Pour  les  assistés  civils,  il  vaut  mieux 
créer  des  dépôts  supplémentaires  de  convalescents  que  de 
laisser  s'infecter  un  hôpital  qu'il  faudra  bientôt  fer- 
mer. 

Dans  les  hôpitaux  où  il  n'existe  pas  encore  de  réfectoi- 
res distincts,  il  faut  en  improviser  ;  un  certain  nombre  de- 
viendront définitifs  et  survivront  aux  circonstances  excep- 
tionnelles qui  les  auront  fait  créer.  Dans  un  vaste  hôpital, 
les  locaux  ne  manqueront  pas,  si  l'on  cherche  bien;  mieux 
vaudrait  manger  sous  un  hangar,  dans  les  cours  mêmes 
pendant  la  belle  saison,  que  charger  l'air  des  salles  de 
l'odeur  lourde  et  malsaine  des  aliments. 

Un  ou  deux  malades  suffisent  parfois  pour  souiller  l'at- 
mosphère d'une  salle  destinée  à  20  ou  30  occupants,  et 
c'est  surtout  en  temps  d'encombrement  ou  d'épidémie  me- 
naçante que  ces  cas  doivent  être  isolés  ;  le  meilleur  isole- 
ment est  celui  que  fournit  une  tente  établie  dans  une  partie 
un  peu  reculée  des  jardins.  Les  malades  qui  ont  subi  de 
grandes  amputations,  ceux  qui  sont  atteints  de  vastes  sup- 
purations, de  diarrhée  fétide,  de  fièvre  typhoïde  grave, 
etc.,  doivent  être  retirés  de  la  communauté,  au  profit  de 
celle-ci  comme  à  leur  profit  personnel.  Si  l'on  est  dans  la 
saison  froide,  on  peut  doubler  les  tentes  ou  y  placer  un 
poêle  ;  la  plupart  de  ces  maladies  ne  redoutent  pas  d'ail- 
leurs une  ventilation  très  large  et  une  température  un  peu 
basse.  Ces  évacuations  partielles  évitent  souvent  une  éva- 
cuation générale  ultérieure. 


DESINFECTION  DES  LOCAUX.  40Ô 

Dans  un  hôpital  qui  menace  de  s'infecter,  les  fenêtres 
doivent  être  tenues  largement  ouvertes,  pendant  toute  la 
durée  du  jour.  Excepté  dans  la  saison  la  plus  froide,  la 
présence  des  grands  malades  retenus  seuls  à  la  chaml)re 
n'est  pas  un  empêchement  aussi  grand  qu'on  pourrait  le 
croire  au  premier  abord.  M.  Gosselin,  lorsqu'il  prit  le  ser- 
vice de  chirurgie  à  la  Pitié  en  1861,  trouva  des  salles  telle- 
ment infectées  qu'il  était  impossible  de  faire  la  moindre 
opération  sans  voir  survenir  Térysipèle  infectieux.  Avant 
lui,  les  fenêtres  de  la  salle  étaient  condamnées  et  vissées 
dans  les  trois  quarts  de  leur  hauteur,  par  crainte  des  cou- 
rants d'air  ;  il  les  fit  ouvrir  largement  toute  la  journée,  tant 
que  la  température  ne  tombait  pas  au  dessous  de  -j-  4°  G.  ; 
la  nuit  même  on  en  laissait  toujours  une  ouverte.  Rapi- 
dement, l'infection  des  salles  disparut  ;  les  opérations  na- 
guère impossibles  donnèrent  de  beaux  succès.  Pendant  trois 
ans,  jusqu'à  son  discours  à  la  Société  de  chirurgie  (16  no- 
vembre 1864),  il  continua  cette  heureuse  pratique.  îl  se 
proposait  de  ne  fermer  les  fenêtres  que  lorsque  les  dan- 
gers de  cette  ventilation  libérale  s'accuseraient  par  des  ma- 
ladies aiguës  de  poitrine  ;  en  trois  ans,  il  n'observa  qu'une 
pneumonie  et  une  pleurésie,  cjui  guérirent.  De  même,  en 
Crimée,  Baudens  visitant  les  hôpitaux  encombrés  de 
typhiques  défonçait  en  passant  les  carreaux  avec  sa  canne  ; 
de  même  aussi  Michel  Lévy,  pendant  l'épidémie  de  cho- 
léra de  1849,  établissait  une  ventilation  continue,  de  jour 
et  de  nuit,  dans  les  salles  du  Val-de-Gràce. 

Cette  désinfection  incessante,  journalière,  est  toute  puis- 
sante ;  elle  est  moins  difficile  qu'il  ne  semble.  On  préserve 
avec  des  paravents  les  malades  placés  près  des  fenêtres  ; 
on  déplace  ceux  à  qui  le  froid  serait  nuisible  ;  on  double 
les  couvertures  ;  on  allume  du  feu  la  nuit  ou  même  le  jour 
dans  les  salles,  etc.  Cette  ventilation  qu'on  pourrait  pres- 
que appeler  «  à  outrance  »  peut  d'ailleurs  être  réservée 
pour  les  circonstances  exceptionnelles  qui  nous  occupent. 


40Ô  DÉSINFECTION  N0S0G0M14LE. 

en  C3  moment  ;  c'est  la  désinfection  préventive,  la   plus 
simple  et  peut-être  la  plus  efficace. 

Dans  les  salles  ainsi  occupées,  il  est  possible,  sans- 
troubler  par  trop  le  repos  des  malades,  de  laver  avec  une 
éponge  humide  les  peintures  des  murailles .  Ce  lavage  est 
en  temps  ordinaire  complètement  négligé,  et  la  couleur 
primitive  disparaît  trop  souvent  sous  une  couche  de 
poussières  suspectes  et  de  matières  organiques  en  fer- 
mentation. Il  ne  sert  de  rien  que  l'enduit  des  murailles  soit 
imperméable,  si  on  laisse  cet  enduit  se  recouvrir  d'une 
couche  de  fumier.  Dans  un  hôpital  bien  tenu,  ce  lavage 
devrait  avoir  lieu  au  moins  toutes  les  semaines  ;  il  est  in- 
dispensable à  des  intervalles  plus  rapprochés  encore , 
quand  la  salle  s'infecte.  Il  peut  être  fait  rapidement,  avec 
un  linge  ou  une  éponge  humectés  d'une  solution  d'acide 
phénique  ou  de  chlorure  de  zinc,  toutes  deux  à  2  grammes 
au  moins  pour  lOO. 

Le  sol  des  salles  est  constitué  le  plus  souvent  par  des 
planchers.  Même  quand  il  est  ciré,  ce  plancher  s'imprègne 
de  liquides  qui  y  tombent  accidentellement  :  résidus  ali- 
mentaires, liquides  des  pansements,  excrétions  ou  sécré- 
tions pathologiques,  poussières  et  croûtes  virulentes  de  la 
variole,  etc.  C'est  là  une  cause  puissante  d'infection  à  la- 
quelle il  est  difficile  de  remédier.  On  peut  l'atténuer  en: 
répandant  sur  le  sol,  soit  en  permanence,  soit  aux  heures 
du  service,  une  couche  de  sciure  de  bois  ou  de  sablon 
phénique.  Cette  ;poudre,  humide  mais  non  mouillée,  re- 
tient les  poussières  dangereuses,  les  empêche  de  voltiger 
au  loin,  et  le  résidu  du  balayage,  au  lieu  d'être  jeté  au  vent^ 
doit  être  détruit  par  le  feu  immédiatement  et  sur  place. 

Tous  ces  moyens  accessoires  de  désinfection  peuvent 
être  employés  en  présence  des  malades.  Mais  il  est  rare 
que  ceux-ci,  surtout  dans  une  habitation  particulière,  ne 
puissent  être  déplacés  chaque  jour  pendant  quelques  heu- 
res ;  ce  changement  d'air  et  de  chambre  doit  toujours  être 


DlLSlNFKCÏiON  DES  LOCAUX.  407 

recommandé  et  tenté,  à  quelque  prix  que  ce  soit,  surtout 
dans  les  maladies  graves  et  de  longue  durée.  Il  faut  pro- 
fiter de  cette  évacuation  momentanée  de  la  chambre  pour 
ouvrir  largement  toutes  les  issues  et  balayer  Tair  impur 
stagnant  sous  les  meubles,  dans  les  angles  ou  les  points 
morts  de  la  pièce. 

On  peut  faire  plus  ;  les  appareils  de  pulvérisation  ren- 
dent ici  les  plus  grands  services.  Nous  avons  déjà  dit  que 
le  fait  seul  du  poudroiement  de  Teau  est  un  moyen  d'assai- 
nissement, de  balayage  de  l'air,  en  entraînant  mécanique- 
ment les  poussières  et  les  particules  organiques,  en  activant 
leur  oxydation  et  leur  destruction  par  leur  contact  avec 
des  globules  d'eau  très  aérés  ;  c'est  ainsi  que  la  neige 
ou  une  grande  pluie  purifient  l'atmosphère.  Cette  action 
est  encore  plus  marquée  quand  l'eau  poudroyée  tient 
en  dissolution  une  substance  désinfectante  capable,  dans 
une  certaine  mesure,  de  détruire  la  vitalité  de  ces  bac- 
téries dont  M.  Miquel  compte  jusqu'à  6,000  par  mètre 
cube  dans  l'air  des  salles  de  l'Hôtel-Dieu  au  lieu  de 
82  dans  un  mètre  cube  d'air  pris  à  Montsouris.  La  so- 
lution de  chlorure  de  zinc  à  2  pour  100,  qui  serait  peut- 
être  irritante  en  présence  du  malade,  est  ici  très  re- 
commandable;  de  même  la  solution  de  permanganate  de 
potasse  à  1/2  pour  100  d'eau  distillée,  pourvu  qu'on  ait 
soin  de  ne  pas  la  projeter  contre  les  tentures  ou  les  meu- 
bles qu'elle  pourrait  légèrement  altérer.  L'eau  phéniquée  à 
2  pour  100  peut  être  employée,  malgré  son  odeur  forte  et 
tenace.  La  plupart  des  solutions  en  usage  dans  le  panse- 
ment de  Lister  ont  ici  leur  application,  non  seulement  en 
pulvérisation  dans  l'air,  mais  en  projection  contre  les  pa- 
piers de  tenture,  les  rideaux,  les  tapis,  les  meubles  tendus 
d'étoffes. 

Les  substances  dont  l'odeur  est  agréable  (essence  de 
wintergreen,  thymol,  salicol,  la  diméthylrésorcine  ourésol, 
éther  méthylique  de  la  résorcine,  corps  proposé  récemment. 


^08  DÉSINFECTION   K0S0C05IIALE. 

par  M.  Pab&t)  et  qui  n'altèrent  pas  les  tissus  sont  naturel- 
lement préférables.  Sur  les  sollicilations  très  pressantes 
de  l'inventeur,  nous  avons  expérimenté  de  la  sorte  un 
mélange  vendu  sous  le  nom  de  vinaigre  antiseptique 
de  Pennés,  et  composé  d'acide  salicylique  (2  p.  100), 
d'acétate  d'alumine,  d'alcoolé  concentré  d'eucalyptus,  de 
verveine,  de  lavande  et  d'acide  acéiique.  Ce  liquide,  d'une 
odeur  d'abord  agréable,  mais  qui  à  la  longue  rappelle  celle 
des  macérations  anatomiqucs  dans  l'alcool,  fait  assez  bien 
disparaître  les  mauvaises  odeurs  d'une  chambre  de  malade, 
ei  pulvérisation  à  la  dose  de  10  à  15  grammes.  D'après 
l'action  bien  connue  des  substances  qui  entrent  dans  sa 
composition,  il  est  sans  doute  antiseptique  non  moins  que 
désodorisant;  à  ce  point  de  vue  il  est  d'un  usage  utile  pour 
purifier  l'atmosphère  nosocomiale.  Mais  il  doit  être  em- 
ployé hors  de  la  présence  des  malades,  car  sa  poussière 
provoque  l'éternuement  et  la  toux  comme  l'acide  salicylique 
en  poudre.  Même  en  présence  du  malade  dans  la  chambre, 
cette  purification  de  l'air  par  la  pulvérisation  de  liquides 
désinfectants  appropriés  est  une  ressource  très  précieuse, 
qui  commence  à  prendre  dans  la  pratique  usuelle  la  place 
qu'elle  mérite  (1).  Depuis  quelques  années,  nous  en  avons 
fdit  un  usage  fréquent  et  nous  en  avons  retiré  les  meil- 
leurs services. 

Quelques  précautions  sont  nécessaires  quand  le  malade 
ne  peut  quitter  sa  chambre  :  on  ferme  les  rideaux  de  son 
lit,  on  évite  de  diriger  le  spray  de  son  côté,  on  peut  à  la 
rigueur  recouvrir  sa  tête  avec  un  voile  ou  une  pièce  de 
mousseline  pendant  la  durée  de  l'opération,  etc. 

3"  Locaux  incessamment   occupés.    —  Il  est    enfin   des 


(1)  Dcscroizilles,  Rappout  sur  les  mesurps  prophylactiques  contre  l:i 
transmiseion  de  la  diphthérie  dans  les  hôpitaux,  {Société  médicale  des 
hopitiux,  27  novembre  1881).  —  Parroî,  De  l'isolement  des  malades  at- 
teints d'affections  cont.igieuses  dans  les  hôpitaux  d'enfants  [Bulletin  de 
l'Académie  de  médecine,  2  mai  1882,  p.  ^-90). 


DliSINFECTION  DES  LOCAUX.  409 

circonstances  où  l'on  ne  peut,  même  momentanément, 
évacuer  la  chambre  ou  la  salle  souillée,  et  la  désinfec- 
tion doit  avoir  lieu  en  présence  même  du  malade.  C'est  en 
particulier  ce  qui  arrive  quand  le  patient  dégage  d'une 
manière  incessante  des  émanations  infectes  :  cancer,  gan- 
grène, évacuations  involontaires,  etc.  Dans  ces  cas,  la  ven- 
tilation permanente  de  jour  et  de  nuit,  la  propreté  extrême 
des  parties  malades,  de  la  literie,  deviennent  rapidement 
insuffisantes  pour  assurer  la  salubrité  des  locaux .  Aux 
moyens  que  nous  venons  de  décrire,  il  faut  alors  ajouter 
les  suivants  : 

Nous  mentionnerons  tout  d'abord  le  dégagement  con- 
tinu cVoJCijgène  artificiellement  préparé,  à  la  dose  de  1  litre 
par  mètre  cube,  pour  la  durée  totaled'une  nuit.  Nous  avons 
dtjà  signalé  (p.  304)  les  bons  effets  que  M.  Rabot  de  Ver- 
sailles a  obtenus  par  ce  moyen  dans  les  salles  infectées  de 
l'hôpital  de  cette  ville.  Il  est  sans  doute  assez  difficile  de 
se  procurer,  en  dehors  d'un  hôpital,  des  quantités  consi- 
dérables d'oxygène.  Toutefois,  l'emploi  industriel  de  ce 
gaz  prend  depuis  quelques  années  une  grande  importance, 
en  particulier  pour  l'amélioration  de  l'éclairage  au  gaz  ; 
un  habile  ingénieur  a  trouvé  récemment  le  moyen  de  dia- 
lyser  par  une  sorte  de  filtration  l'oxygène  contenu  dans  le 
mélange  aérien.  On  trouvera  peut-être  dans  la  production 
très  économique  de  ce  gaz  le  moyen  d'utiliser  un  procédé 
de  désinfection  encore  peu  connu,  mais  qui  paraît  sérieux 
et  inoffensif. 

En  attendant,  on  pourrait  employer  le  mélange  préconisé 
par  MM.  Floitman  et  Hardy,  pour  dégager  de  petites  quan- 
tités d'oxygène  naissant,  en  ajoutant  des  traces  d'un 
oxyde  métallique  à  du  chlorure  de  chaux  (p.  305).  Mal- 
heureusement la  quantité  d'oxygène  est  très  faible , 
puisque  un  kilogramme  de  chlorure  de  chaux,  auquel  on 
ajoute  de  l'eau  chaude  et  quelques  grammes  seulement 
d'oxyde  de  cuivre,  de  cobalt  ou  de  manganèse,  peut  dé- 


410  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

gager  88  litres  d'oxygène  ;  pour  obtenir  la  quantité  d'oxy- 
gène utile,  il  ne  faudrait  donc  pas  moins  d'un  kilogramme 
de  chlorure  de  chaux  pour  une  salle  de  80  mètres  cubes, 
et  le  dégagement  du  chlore  pourrait  déjà  être  gênant. 

M.  le  D''  A.-W.  Mayo  Robson  a  proposé  de  remplacer  le 
spray  ou  nuage  antiseptique  dont  on  enveloppe  les  mains 
de  l'opérateur  et  le  pansement  toutes  les  fois  qu'on  le  re- 
nouvelle, par  un  courant  d'air  continu  que  des  soufflets 
mécaniques  feraient  incessamment  passer  dans  la  cham- 
bre. Cet  air  traverserait  des  réservoirs  contenant  de  la 
pierre  ponce  imbibée  d'huiles  volatiles,  en  particulier 
d'huile  essentielle  de  cajeput  ou  d'eucalyptus.  Des  expé- 
riences dont  il  donne  le  détail  lui  ont  prouvé  que  l'air 
ainsi  chargé  de  vapeurs  aromatiques  prévenait  les  mau- 
vaises odeurs  et  empêchait  la  pullulation  des  organismes 
dans  les  miheux  de  culture.  C'est  probablement  par  le  dé- 
gagement d'ozone  que  ces  essences  agissent  et  leur  em- 
ploi pourrait  être  tenté  dans  le  cas  qui  nous  occupe. 

L'ozone  est  un  purificateur  puissant  :  depuis  longtemps 
on  en  a  proposé  la  production  artificielle  et  le  dégagement 
lent  dans  les  salles  de  malades.  Nous  avons  indiqué  les  ap- 
pareils qui  ont  été  imaginés  pour  verser  directement  un 
excès  d'ozone  dans  les  locaux  infectés  (p.  315).  Il  faut  bien 
reconnaître  que  ce  mode  d'assainissement  est  encore  très 
théorique,  et  que  l'expérience  n'a  pas  fixé  sa  valeur  pra- 
tique. Les  travaux  récents  de  M.  Chapuis  (p.  31 3 j  sont 
cependant  de  nature  à  encourager  de  nouvelles  recher- 
ches. 

C'est  sans  doute  par  ozonisation  indirecte,  c'est  en  déga- 
geant insensiblement  de  l'ozone,  que  Véther  nitreux  ou 
azotite  d'éthyle  produirait  la  désinfection,  la  purification 
des  locaux  encombrés  et  odorants.  Les  expériences  que 
nous  avons  faites  dans  notre  service  au  Val-de-Grâce  en 

(1)  W.  Mayo  Robson,  A  substitiite  for  carboUc  spray  [British  médical 
journal,  15  octobre  1881,  p.  625). 


DÉSliSFECTION  DES  LOCAUX.  411 

1881  ne  nous  ont  pas  donné  des  résultats  aussi  satisfaisants 
qu'à  M.  Peyrusson  (p.  211).  L'odeur  d'une  chambre  ha- 
bitée par  un  cancéreux  n'a  pas  été  notablement  modifiée; 
nous  n'avons  vu  disparaître  que  l'odeur  fade  d'une  chambre 
occupée  depuis  longtemps  par  un  infirme  alité,  mais  où 
l'odeur  n'était  pas  véritablement  fétide.  Le  mélange  d'ai- 
cool  (4  parties)  et  d'acide  azotique  (1  partie)  doit  être  fait 
avec  beaucoup  de  prudence,  par  crainte  d'explosion;  mais 
il  se  conserve  très  bien,  et  il  dégage  incessamment  de  pe- 
tites quantités  d'un  composé  gazeux  dont  l'odeur  est  agréa^ 
ble.  Il  suffit  de  placer  sur  un  meuble  ou  par  terre,  pour 
une  chambre  ordinaire,  une  assiette  contenant  50  à  60  gram- 
mes du  mélange  indiqué;  l'évaporation  se  fait  lentement. 
A  cette  dose  l'éther  nitreux  n'est  pas  irritant  pour  les  bron- 
ches, mais  au  bout  de  quelques  jours  tous  les  objets  en  fer 
qui  se  trouvent  dans  la  chambre  sont  couverts  d'une  couche 
de  rouille  légère,  mais  fort  désagréable.  M,  Peyrusson  dit 
avoir  désinfecté  par  ce  moyen  une  salle  de  gâteux  à  l'hô- 
pital de  Limoges  ;  malgré  notre  insuccès  relatif,  ce  moyen 
mérite  d'être  expérimenté  de  nouveau. 

M.  Pabst  a  préconisé,  dans  les  locaux  habités,  l'emploi 
de  l'éther  azoteux  à  l'aide  d'un  appareil  analogue  à  celui 
qu'il  a  décrit  plus  haut  pour  le  dégagement  de  l'acide  azo- 
teux. L'acide  sulfurique  nitreux  (cristaux  des  chambres  de 
plomb),  est  placé  dans  un  vase  cylindrique  poreux  et  ce 
dernier  est  contenu  dans  un  vase  en  grès  verni  un  peu 
plus  grand.  Dans  l'intervalle  qui  sépare  les  deux  vases,  on 
verse,  non  plus  de  l'eau,  comme  lorsqu'on  veut  obtenir  le 
dégagement  de  l'acide  nitreux,  mais  de  l'alcool,  qui  pro- 
duit le  dégagement  d'éther  azoteux.  En  effet,  l'acide  sulfu- 
rique nitreux,  au  contact  de  Falcool,  donne  des  vapeurs 
d'azotite  d'éthyle  ou  éther  nitreux  qui  se  diffuse  dans  l'air 
de  la  salle  et  détruit  les  germes  ou  principes  organiques 
qui  peuvent  y  être  contenus.  L'alcool  étant  bien  plus  volatil 
que  l'eau,  il  faut  renouveler  souvent  le  contenu  des  vases. 


412  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Il  est  bon  de  fermer  le  vase  poreux  avec  un  couvercle  de 
terre.  Ce  système  a  été  appliqué  dans  plusieurs  chambres 
de  malades,  et  dans  le  service  des  diphtéritiques  à  l'hôpital 
des  Enfants  ;  les  résultats,  au  point  de  vue  de  la  destruc- 
tion des  principes  contagieux  de  l'air,  ne  sont  pas  encore 
très  positifs  (1). 

Dans  une  chambre  habitée  par  un  malade,  il  est  presque 
impossible  d'avoir  recours  aux  fumigations  d'acide  sulfu- 
reux. Toutefois,  il  n'est  pas  impossible  de  dégager  dans 
la  salle  assez  de  ce  gaz  pour  que  son  action  désinfectante 
s'exerce  lentement  et  insensiblement,  trop  peu  cependant 
pour  qu'il  en  résulte  une  irritation  appréciable  des  bronches 
et  des  muqueuses  très  sensibles. 

On  fabrique  depuis  quelques  années  en  Angleterre  une 
îampe  désinfectante  (Price  and  C°)  dans  laquelle  on  brûle 
du  sulfure  de  carbone  ;  ce  dernier  en  brûlant  dégage  de 
l'acide  sulfureux  et  de  l'acide  carbonique.  Des  expériences 
ont  été  faites  avec  cet  appareil  par  M.  le  D'"  Macdonald  (2) 
professeur  d'hygiène  navale  à  l'École  de  médecine  militaire 
deNetley.  Une  once  de  sulfure  de  carbone  ainsi  brûlée  dans 
un  espace  clos  de  l^'^SOO,  arrêta  les  mouvements  des 
bactéries  de  la  putréfaction  contenues  dans  une  infusion  de 
viande  ;  cette  infusion  était  devenue  acide  ;  mais  au  bout  de 
quelques  heures  d'exposition  à  l'air,  les  mouvements  des 
bactéries  reparurent.  A  la  £n  de  l'expérience,  l'on  trouva 
dans  l'air  de  l'enceinte  une  proportion  d'acide  sulfureux 
égale  à  1,16  pour  cent.  Ce  moyen  parait  donc  avoir  une 
efficacité  assez  sérieuse.  Malheureusement,  le  sulfure  de 
carbone  bout  à-f-  46°  C,  la  tension  de  sa  vapeur  est  con- 
sidérable ;  il  peut  très  facilement  s'enflammer  par  le  voi- 
sinage de  corps  incandescents,  et  donner  lieu  à  des  déto- 
nations dangereuses. 


(1)  Note  manusciite  de  M.  Pabst. 

("2)  Parkcs,  .1.  Manual  of  pratical  hyr/ièiie,  Loiidon   1878,   5°  édition 
(De  Chaumont),  p.  517. 


DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  *13 

Un  médecin  de  Paris  a  imaginé  un  moyen  ingénieux  et 
pratique  d'employer  le  soufre  comme  désinfectant  dans  les 
chambres  do  malade  et  dans  certaines  conditions  de  la  vie 
privée.  Une  quantité  variable  de  fleurs  de  soufre  a  été 
mélangée  avec  la  stéarine  fondue,  et  le  mélange  coulé  dans 
des  moules  ne  diffère  des  bougies  ordinaires  que  par  une 
teinte  un  peu  jaunâtre.  Lorsqu'on  laisse  brûler  une  de  ces 
bougies  soufrées  pendant  15  minutes  dans  une  chambre 
de  malades,  on  perçoit  en  y  entrant  une  odeur  aigrelette, 
légère,  d'acide  sulfureux  ;  et  l'on  constate  que  les  odeurs 
fétides  qui  existaient  avant  l'allumage  ont  complètement 
disparu.  Notre  confrère  nous  a  dit  avoir  réussi  à  faire  ainsi 
disparaître  presque  absolument  l'infection  horrible  d'une 
chambre  occupée  par  une  femme  atteinte  de  cancer  de 
l'utérus  ;  toutes  les  deux  heures,  on  allumait  deux  de  ces 
bougies  dans  la  chambre,  et  on  les  laissait  brûler  pendant 
1/4  d'heure  ;  la  quantité  d'acide  sulfureux  qui  se  déga- 
geait ainsi  n'était  pas  suffisante  pour  provoquer  la  toux  de 
la  malade. 

Nous  avons,  depuis  plusieurs  années,  expérimenté  ces  bou 
gies  dans  notre  service  au  Val-de-Grâce,  en  particulier  dans 
une  chambre  occupée  par  un  malade  atteint  de  diarrhée  de 
Cochinchine ,  et  dont  les  matières  répandaient  comme 
toujours  une  odeur  insupportable  et  très  tenace  ;  dans  un 
autre  cas,  il  s'agissait  d'un  cancer  ulcéré  de  la  bouche 
(ostéosarcome  de  la  mâchoire);  la  fétidité  était  extrême. 
Nous  fîmes  brûler,  en  plusieurs  reprises,  deux  de  ces  bou- 
gies à  la  fois  dans  chaque  chambre,  en  vingt-quatre  heu- 
res ;  l'infection  fut  très  notablement  diminuée,  sans  toute- 
fois disparaître  complètement  ;  en  entrant  dans  la  chambre 
alors  que  les  bougies  étaient  alkimées  depuis  une  demi- 
heure,  on  percevait  une  odeur  piquante,  légèrement  ap- 
préciable, d'acide  sulfureux  ,  mais  l'odorat  n'était  pas 
autrement  offensé.  Le  séjour  dans  la  pièce  n'amenait  pas 
la  toux  ;  il  en  eût  peut-être  été  autrement  s'il  se  fût  agi  de 


414  DÉSINFECTION   NOSOCOMIALE. 

malade  atteint  de  maladie  des  voies  respiratoires,  et  l'irri- 
tation des  bronches  est  un  inconvénient  qui  devra  limiter 
l'emploi  d'ailleurs  facile  et  rationnel  de  ce  moyen. 

Quels  que  soient  les  progrès  qu'ait  faits  la  chimie  depuis 
le  commencement  du  siècle,  il  est  impossible  de  rejeter 
à  priori  le  résultat  de  l'expérience  des  médecins  distingués 
qui  ont  proclamé  les  succès  obtenus  avec  les  fumigations 
acides.  Ce  sont  les  fumigations  d'acide  chlorhydrique  qui  ont 
fait  la  fortune  et  la  renommée  de  Guyton-Morveau  ;  c'est 
avec  les  vapeurs  nitreuses  que  Smith  arrêtait  les  épidémies 
de  typhus  sur  les  pontons  anglais  où  s'encombraient  nos 
soldats  prisonniers.  Les  relations  que  nous  avons  citées 
(p.  264  et  suiv.)  disent  très  expressément  que  ces  fumiga- 
tions étaient  faites  chaque  jour  au-dessous  des  lits  occupés 
par  les  malades,  et  qu'elles  étaient  conduites  de  manière  à 
ne  pas  provoquer  la  toux. 

Le  procédé  était  donc  tout  à  fait  différent  de  celui  qu'on 
emploie  aujourd'hui  pour  désinfecter  avec  l'acide  hypo- 
azoùque  ;  le  premier  est  un  procédé  de  médecin  cHnicien, 
l'autre  est  un  procédé  de  chimiste;  dans  un  cas,  il  s'agit 
d'un  agent  thérapeutique,  dosé  avec  prudence  ;  dans  l'au- 
tre, d'un  poison  redoutable  qui  détruit  tout  ce  qu'il  touche. 
Il  y  aurait  donc  lieu  de  ne  pas  laisser  tomber  dans  un 
oubli  complet  et  ne  pas  condamner  deux  moyens  de  dé- 
sinfection dont  la  découverte  a  été  considérée,  il  n'y  a  pas 
centans,  comme  un  bienfait  pour  l'humanité,  et  qui  ont  valu 
des  récompenses  nationales  à  leurs  auteurs.  Il  pourrait  être 
utile  d'y  recourir  encore  dans  les  hôpitaux  encombrés,  en 
temps  d'épidémie,  en  campagne,  dans  les  circonstances 
rares  où  les  moyens  de  dissémination  seront  vraiment  im- 
possibles. 

Si  l'on  se  reporte  aux  indications  que  nous  avons  don- 
nées (page  263),  on  voit  qu'en  réalité  Smith  se  contentait  de 
promener  dans  tous  les  coins  d'une  salle  de  malades,  jus- 
qu'à formation  d'un  brouillard  manifeste,  et  deux  fois  par 


•    LliSlNFECTION  DES  LOCAUX.  415 

jour,  deuxiieiits  vases  de  terre  conlenant  chacun  12  gram- 
mes d'acide  sulfurique  concentré.  Ces  vases  reposaient  sur 
du  sable  chauffé,  et  lorsque  l'acide  avait  atteint  une  cha- 
leur suffisante  (?),  on  y  versait  dans  chacun  d'eux  12  gram- 
mes de  nitrate  de  potasse  pulvérisé.  Quand  la  ventilation 
de  la  salle  n'était  pas  très  active,  on  ne  dépensait  guère 
que  la  moitié  des  doses  indiquées  ci-dessus. 

Guyton-Morveau,  qui  donnait  la  préférence  aux  vapeurs 
d'acide  chlorhydrique,  employait  les  doses  suivantes  pour 
une  salle  de  100  mètres  cubes  occupée  par  des  malades  : 

Chlorure  de  sodium 65  gramme? 

Acide  sulfurique  à  Gô»  B 68  — • 

On  diminue  l'intensité  et  la  brusquerie  de  l'action,  en 
diluant  l'acide  dans  son  volume  d'eau .  Dans  l'un  ni 
l'autre  cas,  l'opération  ne  provoquait  la  toux  des  malades. 
Ce  sont  donc  deux  moyens  de  désinfection  que  l'on  pour- 
rait expérimenter  de  nouveau,  en  temps  d'épidémie,  sans 
commettre  d'imprudence. 

Le  moyen  qui  est  resté  le  plus  populaire,  non  seulement 
dans  le  public,  mais  parmi  les  médecins,  c'est  l'assiette  de 
chlorure  de  chaux  ou  dlujpochlorite  de  soude  que  l'on 
maintient  en  permanence  sous  le  lit  des  malades.  Après 
l'engouement  exagéré  dont  le  chlore  a  joui  pendant  si 
longtemps,  il  faut  éviter  aujourd'hui  de  pousser  la  réac- 
tion trop  loin  et  de  tomber  dans  l'excès  opposé.  Le  déga- 
gement lent  et  continu  d'une  petite  quantité  de  chlore  a 
certainement  une  action  utile  sur  les  miasmes  et  même 
sur  les  mauvaises  odeurs  ;  mais  cette  action  est  faible, 
insuffisante  ;  elle  inspire  une  sécurité  trompeuse.  Nous 
venons  de  voir  qu'il  fallait  plusieurs  kilogrammes  de  chlo- 
rure de  chaux  pour  désinfecter  véritablement  une  chambre 
un  peu  grande  ;  quelle  action  sérieuse  peut  avoir  la  pincée 
de  cette  poudre  qu'on  répand  sur  une  soucoupe  au  voisi- 
nage des  malades. 


4!6  DÉSINFECTION   NOSOCOBOALE. 

Guyton-Morveau  attachait  la  plus  grande  importance  à 
l'emploi,  dans  les  chambres  de  malades,  d'un  petit  appa- 
reil qu'il  avait  imaginé  ;  dans  un  flacon  en  verre  se  trou- 
vait le  mélange  producteur  du  chlore  ;  en  donnant  plu- 
sieurs tours  de  vis  à  l'étui  protecteur,  le  bouchon  hermé- 
tique se  soulevait  et  laissait  passer  quelques  centimètres 
cubes  du  gaz  purificateur  ;  Guyton-Morveau  a  consacré 
plusieurs  planches,  à  la  fin  de  son  Traité,  à  la  description 
de  cet  appareil  dont  l'insuffisance  est  aujourd'hui  manifeste. 

Il  est  bien  préférable  de  faire  usage  du  chlorure  de 
chaux,  soit  en  poudre,  soit  humecté  d'eau  simple;  mais  la 
quantité  ne  doit  pas  être  illusoire  :  deux  assiettes  contenant 
chacune  100  grammes  au  moins  de  chlorure  délayé  sont 
un  miniraum  pour  une  chambre  ordinaire.  La  seule  limite 
doit  être  la  gène  causée  par  l'odeur  que  certaines  person- 
nes trouvent  très  désagréable,  et  par  l'irritation  des  voies 
respiratoires.  Les  aspersions  sur  le  sol,  sur  le  lit,  à  l'aide 
de  liqueur  de  Labarraque,  sont  un  moyen  commode  et 
usuel  d'obtenir  le  dégagement  insensible  du  chlore. 

L'expérience  prouve  que  dans  ces  conditions,  le  chlore 
réussit  mal  à  faire  disparaître  la  fétidité  de  l'air  ;  on  rem- 
place une  mauvaise  odeur  par  une  autre  qui  ne  l'est  pas 
beaucoup  moins.  Il  est  incontestable  qu'on  décompose  ou 
qu'on  détruit  une  certaine  quantité  des  particules  organiques 
suspendues  dans  l'air  ;  mais  ces  particules  résistant  plus 
au  chlore  qu'à  l'acide  sulfureux  et  à  d'autres  acides,  la 
désinfection  reste  incomplète. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  aux  clous  fumants,  aux 
trochisques  réputés  désinfectants  qui  continuent  à  être  en 
usage  dans  une  certaine  partie  du  public.  Ces  parfums 
masquent  les  mauvaises  odeurs;  ils  ne  les  détruisent  pas. 
Quelle  action  sé:neuse  peut  avoir  le  benjoin,  le  sucre  brû- 
lé, etc?  Une  seule  exception  pourrait  être  faite  en  faveur 
de  l'acide  acétique  ou  du  vinaigre  qu'on  répand  sur  une 
pelle  rougie  ;  mais  l'action  désinfectante  est  bien  faible. 


DÉSINFECTION  DES  LOCAIX.  417 

M.  Schœuffelé,  pharmacien  de  l'armée,  a  proposé  erv 
18G9,  un  petit  appareil  destiné  à  répandre  plus  facilement 
des  vapeurs  d'acide  phénique  dans  une  salle  ou  une  cham- 
bre de  malade.  Un  vase  à  large  surface,  rempli  d'une  solu- 
tion assez  concentrée  d'acide  phénique  est  placé  au  milieu 
de  la  salle,  sur  un  support  élevé  d'un  mètre  au-dessus  du 
sol.  Six  ou  dix  mèches  de  coton  de  la  grosseur-  du  doigt, 
longues  de  1  mètre  et  nouées  ensemble  à  une  extrémité, 
plongent  par  cette  extrémité  dans  le  bassin.  De  ce  point 
central,  les  mèches  ressortent  du  bassin  et  leurs  chefs  li- 
bres pendent  en  couronne  vers  le  sol.  Ces  mèches  s'imbi- 
bent de  la  solution  phéniquée  par  capillarité  et  augmentent 
considérablement  la  surface  d'évaporation.  Un  large  vase 
placé  a  terre  reçoit  l'excès  du  liquide  qui  pourrait  s'y  dé- 
verser. L'appareil  est  ingénieusement  disposé,  mais  les 
vapeurs  d'acide  phénique  sont  moins  actives  que  leur 
odeur  n'est  désagréable. 

C'est  surtout  quand  le  malade  est  confiné  dans  sa 
chambre,  qu'on  ne  saurait  trop  insister  sur  la  nécessité  de 
veiller  à  ce  qu'aucune  source  de  mauvaise  odeur  ou  d'alté- 
ration de  l'air  n'existe  autour  de  lui  :  les  sécrétions  mor- 
bides (suppurations,  écoulements  sanieux,  crachats),  les 
déjections  alvines,  les  cataplasmes,  les  préparations  culi- 
naires doivent  être  enlevées  immédiatement  ;  les  vases  de 
nuit  et  les  meubles  où  on  les  garde  doivent  être  tenus  dans 
un  état  de  propreté  extrême  et  désinfectés  souvent  par 
les  moyens  indiqués.  Les  parties  souillées  du  corps  doivent 
être  lavées  fréquemment  à  l'aide  de  solutions  antiseptiques 
(acide  borique  à  3  p.  100,  thymol,  i  p.  1000,  etc.).  Les 
rideaux  des  lits  et  des  fenêtres  seront  fréquemment  les- 
sivés, battus  ou  aérés;  la  literie  (couvertures,  matelas, 
oreillers)  sera  tous  les  mois  épurée  à  la  vapeur  ou  au  soufre, 
etc.  Les  tapis  de  laine  à  demeure  concourent  fortement  à 
entretenir  les  mauvaises  odeurs  des  chambres  à  coucher, 
dans  les,  cas  de  maladie  prolongée;  les  tapis  mobiles  ou  les 

Vallin.  —  Désinfectants.  27 


418  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

nattes  ont  l'avantage  de  pouvoir  être   chaque  jour  battus 
ou  exposés  au  grand  air. 

Lorsque  dans  une  famille  habitant  le  même  apparte- 
ment, un  des  membres,  un  enfant  par  exemple,  est  atteint 
d'une  maladie  transmissible  (fièvre  éruptive,  diphthérie, 
coqueluche,  etc.),  on  a  proposé  l'emploi  de  certains 
moyens  de  désinfection  pour  préserver  le  reste  de  l'appar- 
tement. On  a  conseillé,  par  exemple,  de  tendre  devant 
les  portes  de  communication  des  rideaux  ou  des  portières 
imprégnés  de  liquides  désinfectants,  de  solutions  phéni- 
quées,  chlorurées,  etc.,  dans  la  pensée  que  les  miasmes 
ou  les  poussières  virulentes  seraient  arrêtés  ou  neutrali- 
sés par  ces  écrans.  L'idée  nous  paraît  plus  ingénieuse  que 
pratique  :  ces  toiles  entretiennent  une  humidité  et  une 
odeur  fort  gênantes  dans  la  chambre  des  malades,  car  on 
ne  peut  employer  pour  les  humecter  qu'une  solution  phéni- 
quée  à  2  pour  100,  le  thymol  (1  gr.  de  thymol  et  10  gr. 
d'alcool ,  pour  1  litre  d'eau),  ou  la  liqueur  de  Labarraque 
étendue  de  deux  fois  son  volume  d'eau.  Il  faut  maintenir  ces 
toiles  humectées  jour  et  nuit  pendant  quinze  jours, 
ou  un  mois,  ce  qui  est  peu  praticable,  à  moins  de  les 
placer  de  l'autre  côté  de  la  porte,  dans  une  chambre  inter- 
médiaire qui  reste  inoccupée.  La  barrière  est  en  outre' 
bien  incertaine  pour  empêcher  les  contagions,  de  sorte 
que  rinconvénient  est  grand  pour  un  bénéfice  petit.  Sans 
nier  que  ce  moyen  puisse  rendre  des  services  dans  des  cas 
déterminés,  nous  pensons  qu'en  général  il  y  a  plus  de 
sécurité  et  moins  d'inconvénients  à  éloigner  de  l'apparte- 
ment les  personnes  pour  lesquelles  on  redoute  la  conta- 
gion . 

Quand  un  malade  dégage  des  miasmes,  des  poussières- 
ou  des  germes  qu'on  suppose  virulents,  il  ne  suffit  pas  d'em- 
pêcher ces  produits  de  pénétrer  dans  les  chambres  ou  dans- 
les  appartements  voisins,  il  faut  encore  les  empêcher  de  se 
dégager  dans  l'atmosphère  des  rues  et  des  places,  où  ils 


DESINFECTION  DES  LOCAUX.  419 

pourraient  propager  la  maladie  parmi  les  habitants  de  la 
ville  ;  c'est  souvent  en  effet  de  cette  manière  qne  les  fiè- 
vres éruplives  se  contractent  dans  les  grands  centres, 
sans  qu'il  soit  possible  de  remonter  à  la  source  de  la  con- 
tagion. La  désinfection  n'est  véritable  que  si  on  détruit 
surplace  tous  lesprincipessuspects  que  dégage  un  malade, 
et  nous  savons  combien  cette  désinfection  est  difficile. 

On  a  proposé  de  détruire  par  le  feu  toutes  les  particules 
qui  souillent  l'air  sortant  d'une  chambre  de  malade,  en 
particulier  dans  les  hôpitaux  consacrés  aux  varioleux,  aux 
typhiques,  etc.  M.  Wœstyn,  à  l'Académie  des  sciences 
en  1811,  recommandait  de  placer  des  cadres  filtrants, 
remplis  d'ouate  d'amiante,  dans  une  cheminée  ou  orifice 
d'appel;  cette  ouate  serait  retenue  entre  deux  plaques  de 
toile  métaUique;  de  temps  en  temps,  une  couronne  de  becs 
de  gaz  placée  au-dessous  du  filtre  porterait  celui-ci  au 
rouge  et  détruirait  les  impuretés  retenues.  Plus  tard,  il 
a  remplacé  ces  cadres  filtrants  par  des  couronnes  de  becs 
de  gaz  de  dimensions  décroissantes  et  placées  au  centre 
des  cheminées  d'appel,  de  telle  façon  que  l'air  impur  de  la 
salle,  aspiré  par  le  tirage,  se  flambât  nécessairement  au 
contact  du  foyer  situé  sur  son  passage. 

A  l'hôpital  Lariboisière ,  les  impuretés  de  l'air  des 
salles,  aspirées  par  le  système  ventilateur,  se  brûlent  en 
partie  dans  la  chambre  de  chauffe  au  sommet  de  l'édifice. 
Dans  les  hôpitaux  modernes  de  nos  grandes  villes,  où 
la  ventilation  se  fait  le  plus  souvent  par  des  cheminées 
d'appel  s'ouvrant  à  la  partie  inférieure  ou  supérieure  de  la 
salle,  suivant  la  saison,  il  serait  peut-être  utile  et  certai- 
nement facile  de  disposer  quelques  couronnes  concentri- 
ques de  becs  de  gaz,  dans  les  cheminées  d'appel  des  salles 
d'isolement,  en  particulier  dans  celles  consacrées  aux  va- 
rioleux. 

A  la  prison  de  la  Santé  et  à  Mazas,  à  Paris,  une  haute 
cheminée  centrale  de  30  mètres  d'élévation,  alimentée  en 


420  DESINFECTION   NOSOCOMIALE. 

toute  saison  par  un  foyer  au  charbon^  aspire  au  moyen 
de  voûtes  et  de  conduits  l'air  de  toutes  les  cellules;  l'air 
neuf,  frais  en  été  ou  chauffé  en  hiver,  entre  dans  la  cellule 
par  un  large  orifice  situé  à  2  mètres  du  sol  ;  après  avoir 
servi  à  la  respiration,  il  est  aspiré  à  travers  la  cuvette  de 
latrine  qui  se  trouve  dans  chaque  cellule  ;  cet  air  usé,  avant 
d'être  rejeté  dans  l'atmosphère,  est  entraîné  dans  la  che- 
minée d'appel,  au  voisinage  du  foyer  incandescent  qui 
détruit  toutes  les  matières  organiques  qu'il  contient. 
M.  le  D"  Latapie  a  récemment  proposé  de  telles  chemi- 
nées aspiratrices  à  foyer  central  avec  auvent  au-dessus  de 
chaque  lit,  pour  désinfecter  à  la  fois  les  salles  par  le  renou- 
vellement de  l'air,  et  purifier  l'air  souillé  avant  de  le  re- 
jeter dans  l'atmosphère. 

Des  cheminées  d'un  bon  modèle  donnent  en  partie  ce 
résultat  :  c'est  ainsi  qu'à  Edimbourg,  à  Glasgow  et  dans 
plusieurs  Fever-hospitals  de  Londres,  les  cheminées  sont 
maintenues  en  pleine  activité  et  chauffées  au  charbon  de 
terre  en  toute  saison,  même  pendant  l'été;  dans  la  sai- 
son chaude,  on  place  devant  la  cheminée  un  paravent 
pour  protéger  les  malades  contre  le  rayonnement  calori- 
fique. Dans  les  hôpitaux  de  varioleux,  une  partie  des  ger- 
mes virulents  se  brûle  ainsi  en  traversant  le  brasier.  Ce 
moyen  de  désinfection  en  même  temps  que  de  ventilation 
est  excellent  ;  on  ne  saurait  trop  le  recommander  pour  les 
chambres  des  malades.  Il  implique  que  l'on  a  adopté 
pour  des  cheminées  une  disposition  telle,  que  l'air  neuf  pris 
a,u  dehors  n'arrive  à  la  partie  supérieure  de  la  salle  qu'a- 
près s'être  échauffé  en  traversant  les  espaces  ménagés 
derrière  la  plaque  du  foyer,  et  que  l'air  impur  de  la  partie 
intérieure  de  la  salle,  qui  vient  de  servir  à  la  respira- 
tion, alimente  seul  la  combustion.  Cette  disposition  est 
heureusement  réalisée  dans  le  type  de  cheminée  connu 
sous  le  nom  de  Douglas-Galton,  et  que  le  capitaine  du 
génie  français,  Belmas,  a  le  premier  décrit  et  figuré  en 
1832. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITEIUE,  ETC.        in 

Un  feu  vif  et  clair  clans  une  large  cheminée  est  donc  un 
excellent  moyen  d'assainissement  d'une  chambre  de  ma- 
lade. Môme  quand  le  feu  est  éteint,  pendant  la  nuit  pnr 
exemple,  la  chaleur  que  conservent  les  parois  de  la  chemi- 
née entretient  une  ventilation  très  active. 

Dans  les  saisons  où  il  est  difficile  d'allumer  le  feu,  nous 
avons  souvent  retiré  un  bon  effet  d'un  moyen  extrême- 
ment simple  et  cependant  efficace.  Au  lieu  de  placer  la 
veilleuse  sur  un  meuble,  on  la  place  dans  la  cheminée 
même,  où  elle  donne  une  lumière  suffisante  ;  en  même 
temps  elle  détermine  une  ventilation  fort  active  parce 
qu'elle  est  continue,  surtout  lorsque  la  s?ction  de  la  che- 
minée est  très  grande.  Nous  nous  sommes  plusieurs  fois 
assuré  que  par  ce  moyen  l'odeur  de  renfermé  était  beau- 
coup moins  marquée  dans  la  chanîbre  des  malades  le  matin 
au  réveil. 

ART.  V.  —  DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA 
LITERIE,  ETC. 

La  désinfection  nosocomiale  ne  doit  pas  porter  seulement 
sur  l'air,  sur  les  locaux,  souillés  par  les  malades;  elle  doit 
porter  encore  sur  les  vêtements,  la  literie,  le  linge  de  corps, 
qui  tous  sont  en  contact  immédiat  avec  la  peau  et  qui  s'im- 
prègnent des  sécrétions  morbides. 

Il  ne  sert  de  rien  d'isoler  les  malades  suspects,  de  pu- 
rifier les  locaux  qu'ils  habitent,  d'empêcher  l'air  contaminé 
de  se  répandre  au  dehors,  si  Ton  ne  désinfecte  pas  minu- 
tieusement le  hnge  et  les  vêtements  qu'ils  ont  salis.  Tout 
le  monde  connaît  la  fréquence  des  cas  de  variole  ,  de 
scarlatine,  de  diphthérie  ,  de  fièvre  typhoïde,  de  choléra, 
observés  chez  les  personnes  qui  lavaient  le  linge  sale  pro- 
venant des  hôpitaux  où  régnaient  ces  maladies.  Nous  avons 
été  témoins  d'une  petite  épidémie  de  variole  survenue 
dans  la  hngeried'un  établissement  où  les  varioleux  étaient 


4â2  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

parfaitement  isolés  à  rex:trémité  d'un  vaste  jardin  ;  une 
enquête  nous  apprit  que  les  personnes  atteintes  avaient  été 
occupées  quinze  jours  auparavant  à  compter  le  lin^e  sale 
des  malades  ;  pendant  cette  opération,  les  draps  et  les 
les  linges  qu'on  étalait  pour  les  compter  soulevaient  une 
poussière  assez  forte  pour  provoquer  des  éternuements  :  il 
est  assez  probable  que  la  poussière  provenant  du  pus  va- 
rioleux  dont  les  draps  étaient  souillés  a  été  inoculée  direc- 
tement par  la  muqueuse  respiratoire. 

Dans  plusieurs  hôpitaux  anglais,  on  détruit  par  le  feu 
les  vêtements  et  le  linge  apportés  à  l'hôpital  par  un  malade 
atteint  de  maladie  transmissible.  A  Londres,  on  a  proposé 
de  fermer  momentanément,  sauf  indemnité,  l'atelier  des 
lingères  ou  des  couturières  atteintes  de  maladies  conta- 
gieuses, ou  soignant  dans  leur  demeure  un  cas  de  ce 
genre.  Au  Congrès  d'hygiène  de  Paris  en  1878,  M.  le 
D""  Smith  (1)  signalait  un  cas' mortel  de  fièvre  typhoïde 
transmise  à  une  jeune  fille  d'illustre  naissance,  par  une 
robe  de  bal  que  l'ouvrière  aurait  cousue  et  ajustée  dans  la 
chambre  et  presque  sur  le  lit  où  elle  soignait  un  de  ses 
enfants,  atteint  de  cette  maladie. 

Ces  cas  rappellent  ceux  qui  ont  fait  tant  de  bruit  dans 
les  récentes  comme  dans  les  anciennes  épidémies  de 
peste,  où  la  maladie  aurait  été  fréquemment  transportée 
par  des  châles,  des  robes  ou  des  étoffes  provenant  d'indivi- 
dus morts  de  la  peste  dans  des  pays  souvent  fort  éloignés. 

Même  en  laissant  de  côté  ces  faits  obscurs  ou  incertains, 
il  n'est  pas  douteux  que  les  effets  ayant  servi  aux  mala- 
des sont  une  cause  fréquente  de  dissémination  de  maladies 
transmissibles  dans  les  hôpitaux  et  dans  les  habitations  par- 
ticuHères.  En  effet,  quand  un  varioleux  a  succombé  ou  bien 
a  quitté  l'hôpital  après  guérison,  quel  traitement  fait-on 
subir  aux  couvertures,  aux  oreillers,  aux  matelas  qu'il  a 

(1)  Compte  rendu  officiel  du   Congrès  international   dliijgiène,   Paris, 
1S80,  Imprimerie  nationale,  T.  I,  p.  726. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.        423 

souillés  ?  Trop  souvent,  on  se  contente  d'exposer  ces  pièces 
pendant  plusieurs  heures  au  soleil,  puis  on  les  fait  battre 
en  plein  air  comme  on  bat  les  tapis  ;  on  soulève  ainsi  des 
nuages  d'une  poussière  composée  en  grande  partie  de  glo- 
bules de  pus  variolique  et  de  cellules  épidermiques  viru- 
lentes :  cette  poussière  féconde  est  semée  à  pleines  mains 
dans  l'atmosphère,  et  c'est  miracle  qu'elle  ne  rencontre 
pas  plus  souvent  un  terrain  fertile. 

Quand  les  enveloppes  extérieures  portent  des  traces  trop 
apparentes  de  suppuration,  on  lave  ces  toiles  ;  le  contenu, 
laine,  crin  ou  plume,  est  battu  sur  une  claie,  et  la  literie 
ainsi  remise  à  neuf  esi  portée  au  magasin  en  attendant 
qu'elle  transmette  la  variole  à  un  malade  qui  sera  venu  à 
l'hôpital  pour  se  faire  guérir  d'une  entorse  ou  d'un  panaris. 
On  n'intervient  d'une  façon  sérieuse  qu'en  temps  d'épi- 
démie, et  quand  l'attention  publique  est  fortement  excitée 
de  ce  côté.  Sans  doute  dans  la  plupart  des  établissements 
hospitaliers  il  existe  des  instructions  imprimées,  décrivant 
parfois  minutieusement  les  opérations  de  désinfection  que 
doivent  subir  les  effets  provenant  de  malades  atteints  de 
maladies  contagieuses;  dans  plusieurs  hôpitaux,  il  y  a 
même  un  réduit  réservé  aux  fumigations  sulfureuses  ou 
chlorées,  mais  ce  réduit  a  reçu  parfois  une  autre  destina- 
tion, quelquefois  on  en  a  presque  oublié  l'existence;  et  il 
serait  intéressant  de  relever,  dans  chaque  hôpital,  le  nom- 
bre de  kilogrammes  de  soufre,  d'acide  chlorhydrique  ou 
de  chlore,  dépensés  à  cet  effet  pendant  le  cours  d'une 
année. 

La  vérité  est  que  ces  fumigations  pour  être  efficaces 
nécessitent  une  intervention  compétente,  elles  laissent  une 
odeur  désagréable  et  très  tenace,  elles  compromettent  sou- 
v-ent  la  couleur  des  tissus,  l'intégrité  des  parties  métalh- 
ques,  elles  exposent  aux  dangers  d'incendie  et  à  l'altération 
d'un  matériel  dont  l'administrateur  est  responsable  :  cette 
.crainte  des  dégradations  du  matériel  est  l'obstacle  véri- 


424  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

table,  et  j'ajoute  légitime,  à  toutes  les  mesures  de  désin- 
fection que  les  médecins  réclament  dans  les  hôpitaux. 

Il  importe  donc  d'étudier  ici  la  question  sans  exagéra- 
tion, sans  idée  préconçue,  en  se  plaçant  avant  tout  au 
point  de  vue  delà  pratique.  C'est  l'expérimentation  directe 
qui  seule  peut  nous  permettre  d'éviter  les  tâtonnements  ou 
la  déception. 

Avant  d'entrer  dans  l'examen  et  l'appréciation  des 
moyens  particuliers  de  désinfection  des  vêtements,  il  est 
certaines  considérations  générales  qu'il  est  utile  de  rappe- 
ler. Nous  les  trouvons  nettement  formulées  dans  une  cir- 
culaire publiée,  le  29  juillet  1879,  parle  Conseil  sanitann^. 
de  Washington,  applicable  non  seulement  à  la  fièvre 
jaune,  mais  à  toutes  les  maladies  virulentes  (1)  il  nous  a 
semblé  utile  d'en  donner  ici  la  traduction. 

«  ...  2.  La  désinfection, -en  l'absence  de  toute  infection  spécifique, 
et  quand  on  se  propose  simplement  de  rendre  le  sol,  les  eaux,  les 
objets  malpropres  et  souillés,  incapables  de  propager  des  germes 
morbides,  la  désinfection  est  un  pauvre  moyen  qui  ne  remplace  pas 
la  propreté  ;  elle  n'est  utile  que  pour  permettre  de  faire  le  nettoyage 
sans  odeur  et  sans  incommodité.  Dans  ces  cas,  les  meilleurs  désin- 
fectants sont  le  sulfate  de  fer,  l'acide  phénique,  la  chaux  vive  fraî- 
chement préparée,  la  poudre  récente  de  charbon,  le  chlorure  de 
zinc,  le  chlorure  d'alumine,  et  le  permanganate  de  potasse. 

«  ...  3.  On  rencontre  deux  grandes  difficultés  quand  on  veut  dé- 
truire la  vitalité  des  germes  (de  la  fièvre  jaune);  c'est,  première- 
ment, de  mettre  l'agent  désinfectant  en  contact  direct  avec  le  prin- 
cipe morbide  ;  c'est  ensuite  de  ne  pas  détruire  ou  altérer  les  objets 
qu'on  veut  purifier. 

"  ...  4.  Quand  le  germe  de  la  fièvre  jaune  est  sec  ou  en  partie 
desséché,  on  ne  peut  espérer  le  détruire  avec  un  désinfectant  volatil 
ou  gazeux.  Il  faut  d'abord  l'humecter  ou  le  soumettre  à  une  tempé- 
rature de  -\-  120''  centigr.,  pour  obtenir  une  sécurité  parfaite. 

«  ...  5.  Pour  désinfecter  ou  détruire  des  vêtements,  de  la  literie 


(1)  Circular  n"  Q,  relative  to  Disinfection  and  précaution  arymeasures. 
{National  Board  of  Health  Bulletin,  Washington,  2  août  1872,  n"  5, 
p.  39.) 


DÉSINFECTION  DES  Vl'TEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.        423 

ou  des  objets  mobiliers,  il  fcaiit  les  remuer  le  moins  possible  tant 
qu'ils  sont  secs.  Avant  de  les  déplacer  ou  de  les  secouer,  il  faut  les 
mouiller  complètement,  soit  avec  une  solution  d'un  désinfectant  chi- 
mique, soit  avec  de  l'eau  bouillante,  afin  d'empêcher  les  germes 
desséchés  de  se  répandre  dans  l'air  sous  forme  de  poussière. 

"  ...  8.  Dans  les  localités  oià  la  fièvre  jaune  a  régné  l'année  pré- 
cédente, on  doit  prendre  les  précautions  suivantes  : 

K  Les  étoffes  et  tissus  qui  ont  été  exposés  à  l'infection  l'année  pré- 
cédente, et  qui  sont  ensuite  restés  enfermés  ou  empaquetés  dans  un 
lieu  non  ventilé,  ne  doivent  pas  être  ouverts  ou  déroulés  ;  il  faut 
les  brûler  ou  les  mettre  dans  l'eau  bouillante  pendant  une  demi- 
heure  au  moins,  ou  dans  une  étuve  chauffée,  ou  enfin,  il  faut  les  dé- 
sinfecter suivant  la  nature  et  la  qualité  de  chaque  objet... 

Deux  moyens  nous  paraissent  avoir  une  supériorité  in- 
contestable: la  chaleur  et  les  fumigations  d'acide  sulfu- 
reux; le  chlorure  de  chaux,  le  chlorure  de  zinc,  les  fumi- 
gations de  chlore,  de  cinabre,  etc.,  ne  viennent  qu'à  un 
rang  bien  inférieur.  Nous  étudierons  d'abord  chacun  de 
ces  moyens  de  désinfection  au  point  de  vue  de  leurs  ap- 
plications et  de  leur  mode  d'emploi. 

Nous  insisterons  ici  encore  une  fois  sur  la  différence 
d'action  de  la  chaleur,  suivant  qu'elle  est  sèche  ou  humide, 
en  nous  autorisant  des  recherches  expérimentales  de  Koch 
et  de  Wolffhiigel,  recherches  qui  ont  paru  alors  que  la 
première  partie  de  ce  livre  était  déjà  imprimée  (1). 

Tandis  que  les  bacilles  ou  bactéries  adultes  sont  détruites 
facilement  par  une  température  de  ■--  100°  à  -j-  105°  centi- 
grades, les  spores  ont  une  résistance  extraordinaire  ;  ces 
faits,  bien  connus  depuis  longtemps,  ressortent  d'une  façon 
évidente  des  nouvelles  expériences  faites  au  laboratoire  de 
l'Office  sanitaire  de  l'empire  allemand.  On  contrôlait  l'action 
désinfectante  des  hautes  températures  non  seulement  par 
l'ensemencement  des  liquides  de  culture  aseptiques  avec 

(1)  D>'  Robert  Koch  et  D"  Gustave  Wolffhiigel,  Untersiichung''n  uef)er 
die  Disinfection  mit  heisser  Luft.  —  Koch,  Gaffky,  Lœffler,  Versuche 
itber  die  Verwerthbarkeit  heisser  Wasserdampfe  zii  Desinfectionsiwecken. 
iMitlheilungen  aus  dem  kaiseii.  Gesundlieitsamle,  T.  I,  1881,  p.  301  et 
3^2 —  Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  mars  1882,  p.  248.) 


426 


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DÉSLNFECTlOxN  DES  VETEMEATS,  DR  LA  LITERIE,  ETC.        427 

les  protorganismes  ainsi  chauffés,  mais  encore  par  l'ino- 
culation à  des  animaux,  de  spores  ou  de  bacilles  charbon- 
neux qu'on  venait  de  soumettre  à  la  chaleur.  Voici  les 
conclusions  du  mémoire  des  auteurs  : 

1°  Les  bactéries  dépourvues  de  spores  ne  peuvent  sup- 
porter pendant  une  heure  et  demie  l'exposition  à  un  air 
chaud  de  100  degrés  centigrades; 

2"  Les  spores  des  moisissures  (Schimmelpilzen)  ne  sont 
tuées  que  par  l'exposition  pendant  une  heure  et  demie  à  de 
l'air  chauffé  à  -{-  110°  ou  -|-  115°  centigrades. 

3"  Les  spores  de  bacilles  ne  sont  détruites  que  par  un 
séjour  de  3  heures  dans  une  atmosphère  de  -|-  140°  centi- 
grades  

Au  contraire,  un  tableau  (p.  426)  du  mémoire  de 
MM.  Koch,  Gaffky  et  Lœffler,  montre  que  les  spores  char- 
bonneuses et  les  spores  de  la  terre  de  jardin  ont  perdu 
toute  vitalité  par  une  exposition  pendant  10  minutes  à  de 
la  vapeur  marquant -]-  110°  centigrades.  Au-dessous  de 
cette  température,  ils  ont  obtenu  les  résultats  inscrits  au 
tableau  ci-dessus  (le  signe  f  indique  la  mort  définitive  des 
spores  et  l'impossibilité  d'ensemencer  les  liquides  de  cul- 
ture avec  les  protorganismes  ainsi  échaudés). 

Nous  reviendrons  sur  les  applications  de  ces  données 
et  le  mode  d'emploi  de  la  chaleur.  Quoiqu'il  en'soit,  avec 
les  réserves  que  nous  avons  faites,  p.  337,  nous  croyons 
qu'on  peut  fixer  à  -\~  110°  G.  la  température  minimum 
à  laquelle  doivent  être  soumis  les  principes  rnorbifiques, 
de  nature  inconnue,  qui  peuvent  transmettre  des  mala- 
dies. 

Quand  on  poursuit  la  désinfection,  la  température  doit 
toujours  être  portée  leplu^  haut  possible;  il  n'y  a  qu'une 
limite,  une  seule,  c'est  la  détérioration  des  objets  ou  des 
tissus  qu'on  veut  désinfecter.  On  comprend  combien  il  est 
important  de  bien  déterminer  cette  limite,  afin  de  ne  pas 
compromettre  un  matériel  coûteux  ou  considérable. 


428  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Il  faut  donc  résoudre  les  deux  questions  suivantes  : 
1°  Quelle  température  peuvent  supporter  impunément  les 
matières  vestimentaires  et  les  tissus?  2°  Quels  sont  les  ap- 
pareils qui  permettent  de  désinfecter  par  la  chaleur  ? 

A.  — Action  de  la  chaleur  sur  les  tissus. 

D'une  manière  générale,  les  tissus  de  laine  s'altèrent 
plus  rapidement  que  ceux  de  coton  ;  il  faut  ensuite  distin- 
guer les  altérations  légères  de  la  couleur,  et  celles  qui 
portent  sur  la  solidité  des  tissus  :  dans  nos  expériences, 
la  température  de  -|-  110°  C,  commençait  à  donner  à  la 
laine  blanche  une  très  légère  teinte  de  roussi,  sans  au- 
cune diminution  de  la  résistance  du  tissu;  à  -|-  158°  C, 
ce  même  tissu  avait  une  teinte  jaune  des  plus  prononcées, 
et  c'est  à  ce  degré  seulement  que  sa  solidité  paraissait  s'al- 
térer. Occupons-nous  donc  surtout  de  la  laine,  et  prenons 
pour  exemple  l'action  de  la  chaleur  sur  les  couvertures  de 
lit  en  laine  blanche.  Les  observations  faites  à  ce  sujet  par 
les  auteurs  qui  ont  expérimenté  les  appareils  désinfectants 
à  air  chaud  sont  un  peu  contradictoires. 

Ransom  (1),  dont  le  mémoire  est  très  complet,  dit  que  la 
laine  blanche,  le  coton,  le  linge  de  toile,  la  soie,  le  papier 
peuvent  être  chauffés  à  -[-  121°  pendant  3  heures,  sans 
altération  appréciable  ;  cependant,  la  laine  présentera  un 
très  léger  changement  de  couleur,  surtout  si  elle  est  neuve; 
peut-être,  dit-il,  ce  changement  est-il  simplement  celui  qui 
se  produit  quand  on  a  lavé  même  une  seule  fois  la  fla- 
nehe.  Si  on  continue  la  même  température  pendant  7  à 
8  heures,  on  voit  de  légers  changements  de  couleur,  mais 
sans  autre  altération  de  la  laine  blanche,  du  coton,  de  la 
soie,  etc.  Il  ajoute  que  la  température  de  -[-  14:6°  c,  con- 


(I)  W.  H.  Ransom,  On  the  mode  of  disinfecling  by  heat.  {The  British 
médical  JouinaJ,  6  sept.  1873,  p.  274.) 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       429 

tinuée  environ  3  licures  roussit  fortement  la  laine  blanche, 
plus  faiblement  le  coton  et  la  toile,  mais  cependant  ne 

Effet  de  la  chaJcur  sur  les  objets  exposés. 


OBJETS  EXPOSl'S. 

rcnipérature 
de 

Durée  de 
l'exposi- 

Temp. 

l'erte 
de 

Teinte 
de 

l'appareil. 

tion. 

centrale. 

poids 

roussi. 

Oi'cillor  de  crin,  13  cent,  d'é- 

paisseur,liumidité  normale. 

-1-121  à  128" 

8  heures 

+  119,5 

1/10<= 

Non. 

—  Le  même,  presque  sec. 

-t-  125°  c. 

2\40' 

+  105 

1/40= 

Noii. 

Couvertures  blanches,  en  24 

doubles,    1-2    cent,    d'é- 

paisseur, humides 

+  m 

6'>,30' 

+  101 

1/120 

Un  peu  roussies,  mai* 

Coussin  de  plume;  1.3  cent. 

11011  iléler. 

d'épaisseur,  humide 

+  116 

7i",20' 

+  111 

1/10= 

Non. 

Coussin  de  laine  ;  13  cent. 

d'épaisseur,  humide 

+  lUàU8 

23h 

-f  122? 

1/10' 

iS'on. 

Oreiller   de   crin,    14    cent. 

d'épaisseur,  sec 

-f  146 

4 's  45' 

+  146 

1/170 

Coussin  de   laine,  14  cent. 

d'épaisseur,  humide 

+  148 

10'\30- 

-1-  138 

1/10'' 

roussi,  altéré. 

compromet  pas  sérieusement  les  autres  caractères  exté- 
rieurs de  ces  tissus.  Si  on  continue  cette  température  pen- 
dant 5  heures,  l'altération  extérieure  est  manifeste,  et 
p'feut-ètre  la  texture  est-elle  déjà  compromise:  les  tissus  de 
laine  filée  deviennent  poussiéreux,  ils  perdent  très  légè- 
rement d3  leur  poids  au  blanchissage,  mais  leur  résis- 
tance ne  paraît  pas  encore  affaiblie,  surtout  quand  on  a 
laissé  les  tissus  reprendre  pendant  plusieurs  heures  leur 
humidité  normale  que  la  chaleur  leur  avait  fait  perdre. 
Ransom  a  également  recherché  dans  quelle  mesure  et  au 
bout  de  combien  de  temps  la  température  pénétrait  les 


430  i>ÉSlNFECT10N  NOSOCOMIALE. 

parties  centrales  des  pièces  épaisses,  et  il  a  résumé  dans 
le  tableau  précèdent  un  grand  nombre  de  recherches. 

La  conclusion  de  Ransom  est  que  la  température  de 
-|-  120°  à  125°  C.  pendant  une  heure  ou  une  heure  et 
demie,  est  à  la  fois  efficace  et  inoffensive  pour  les  tissus. 

Le  savant  professeur  d'hygiène  militaire  à  l'école  de 
Netley,  M.  de  Ghaumont  (1),  a  répété  ces  expériences  en 
1875  et  est  arrivé  aux  résultats  suivants  : 

1°  Les  articles  de  laine  sont  plus  altérables  par  la  cha- 
leur que  ceux  de  coton  ou  de  lin. 

2°  Les  articles  de  laine  commencent  à  perdre  leur  cou- 
leur après  une  exposition  de  6  heures  à  une  chaleur  sèche 
de  4"  100"  G.,  ou  après  2  heures  à  la  température  de 
-]-  105''  G.;  au  delà  de  ces  limites,  l'altération  croît  avec 
la  durée  de  l'exposition  ou  l'élévation  de  la  température. 

3"  Les  tissus  de  coton  et  de  hn  peuvent  être  exposés 
impunément  pendant  6  heures  à  -{-  100°  G.,  ou  pendant 
4  heures  à  -j-  105". 

En  résumé,  d'après  lui,  la  température  sèche  ne  doit  pas 
être  prolongée  plus  de  6  heures  à-]-100°,  ou  plus  de  4  heu- 
resà-|-105°  G.  Voici  d'ailleurs  l'un  de  ses  tableaux,  résumant 
les  observations  faites  sur  des  couvertures  de  laine 
blanche. 

!2  h.  Pas  de  changement. 
4  h.  — 

6  h.  Très  légère  nuance  jaunâtre. 
!2  h.  Très  légère  teinte  jaune. 
4  h.  Teinte  jaune  de  plus  en  plus  foncée. 
6  11.  —  — 

14  h.  Forte  couleur  jaune. 
1  13  h.  Sur  une  plaque  de  fer,  teinte  jaune  marquée, 
-j-  110"  C.  '  14  h.  Sur   une    plaque    de    porcelaine,    très    forte    couleur 

(      jaune. 
4-  120°  G.       9  h.  Très  forte  couleur  jaune. 

Ainsi,  tandis  que  M.  Ransom  prétend  qu'on  peut  élever 

(1)  De  Ghaumont,  Report  on  thc  effects  of  hijh  température  uponwol- 
len  and  other  fabrics.  (The  Lancet,  11  décembre  1875.) 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.        i'M 

impunémciiL  la  température  jusqu'à  -\-  120"  pendant 
3  heures  sans  altération  apparente  des  tissus  de  laine, 
M.  de  Chauinont  déclare  que  la  température  sèche  de  lOo" 
n'est  pas  sans  quelque  inconvénient,  continuée  pendant 
2  heures.  La  question  est  importante  au  point  de  vue  pra- 
tique, car  si  les  moyens  de  désinfection  proposés  par  les 
médecins  ne  donnent  pas  une  entière  sécurité, on  peut  être 
assuré  que  les  administrateurs  et  les  agents  comptables 
auront  une  répugnance  absolue  à  les  employer. 

Nous  avons  dû,  à  notre  tour,  reprendre  ces  expériences 
et  voilà  à  quels  résultats  nous  sommes  arrivé  (1). 

Il  est  presque  impossible  de  conserver  aux  tissus  de 
laine  la  blancheur  éclatante  qu'ils  ont  lorsqu'ils  sont  neufs; 
mais  une  exposition  pendant  2  heures  à  -[-  110°,  ne  leur 
donne  pas  une  teinte  plus  jaune  qu'un  premier  lavage  à  l'eau 
chaude.  Gela  est  si  vrai,  qu'en  soumettant  à  -f-  110°  pen- 
dant 3  heures  une  pièce  de  flanelle  qui  a  déjà  été  lavée 
avec  précaution,  il  est  impossible  de  trouver  une  différence 
de  teinte  avec  une  pièce  identique  qui  n'a  pas  été  soumise 
à  cette  température.  Cependant,  à  partir  de -j- 11 5°  et  surtout 
de -[-120°,  la  différence  devient  sensible  quand  la  tempéra- 
ture a  été  maintenue  au  moins  2  heures. 

Quant  aux  tissus  de  coton  et  de  toile,  la  température  de 
-j-  110°  et  115°  n'en  change  pas  la  couleur  d'une  façon 
appréciable;  la  nuance  ne  commence  à  s'altérer  qu'à 
-f-  12o,  continués  pendant  plus  de  2  heures. 

Pour  apprécier  la  solidité  des  tissus,  nous  avons  taillé 
des  lanières  de  laine  dans  une  même  pièce.  Les  unes  ont 
été  immédiatement  soumises  aux  tractions  d'un  dynamo- 
mètre, et  ne  se  rompaient  que  par  un  effort  variant  de 
26  à  26  1/2  kilogrammes  ;  des  bandes  identiques  ont  été 
soumises  aux  mêmes  épreuves  après  l'action  de  la  chaleur, 
et  nous  avons  obtenu  les  chiffres  suivants  : 

(1)  VaIlin,Z)e  la  désinfection  par  l'air  chaud,  (Annales  d'hygiène  et  de 
médecine  légale,  1877,  T.  48,  p.  276.) 


432  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

+  110»  c.  pendant  4  heures.  —  26kil.,  500. 

+  120"  c.  —         4  heures.  —  26  kil. 

+  133°  c,  pendant  2  heures.  —  26  kil. 

+  150°  c.  —   2  heures.  —  25  kil.  —  24  kil.,  500. 

C'est  donc  seulement  au  voisinage  de  -j-  150°  que  les 
tissus  de  laine  commencent  décidément  à  perdre  leur 
résistance. 

Nous  avons  recherché  si  les  hautes  températures  rendaient 
le  crin  et  la  laine  plus  cassants  et  plus  friables.  On  a  pris 
des  quantités  identiques  en  poids  de  crin  et  de  laine  bien 
battus.  Les  unes  ont  été  soumises  pendant  4  heures  à  une 
température  de  -}-  120°;  quand  on  les  faisait  battre  forte- 
ment au  sortir  de  l'étuve,  elles  abandonnaient  une  couche, 
mince  toutefois,  de  détritus  et  de  fragments;  lorsque  le  bat- 
tage  n'avait  lieu  que  24  ou  48  heures  après  la  sortie  de 
l'étuve,  quand  le  crin  ou  la  laine  avaient  eu  le  temps  de 
reprendre  leur  eau  hygrométrique,  la  quantité  de  détritus 
n'excédait  en  rien  celle  qu'abandonnait  la  matière  première 
non  exposée  à  la  chaleur.  On  s'explique  ainsi  l'observation 
faite  par  le  docteur  Lake,  à  l'infirmerie  de  Southampton  : 
les  matelas  étaient  désinfectés  par  le  séjour  pendant  8  heures 
dans  une  étuve  chauffée  à  -f-  113-120"  C;  les  employés 
remarquaient  qu'après  le  battage  et  la  réfection,  le  déchet 
était  un  peu  plus  élevé  que  d'ordinaire  quand  l'opération 
était  faite  au  sortir  de  l'étuve,  tandis  qu'au  bout  de  2  ou  3 
jours  la  différence  n'était  plus  appréciable.  Le  docteur 
Lake  reconnaît  d'ailleurs  que  la  T.  de  -f-  120°  était  trop 
élevée,  et  que  celle  de  -|-  105°  eût  été  suffisante. 

Ces  résultats,  en  ce  qui  concerne  la  laine,  ne  s'appU- 
quent  qu'à  l'emploi  de  la  chaleur  sèche.  Dans  l'eau  bouil- 
lante, au  contraire,  la  laine,  surtout  la  laine  riche  en  suint 
servant  à  la  fabrication  des  matelas,  subit  des  altérations 
très  graves  sur  lesquelles  nous  insisterons  un  peu  plus  loin. 

MM.  R.  Kochet  G.  Wolffhugel,dans  le  mémoire  cité  plus 
haut,  sont  arrivés  en  1881  à  des  conclusions  identiques. 
«  Le  chaleur  portée  à  -]-  146°  C.   pendant  3  heures  en- 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,    ETC.        433 

dommage  d'une  façon  manifeste  les  objets  exposés.  Un 
sac  en  toile  contenant  des  lambeaux  de  tissus  fut  laissé 
pendant  3  heures  dans  nneétuve  sèche  chauffée  jusqu'à 
-(-152°  C.  ;  au  bout  de  ce  temps  les  chiffons  ou  tissus 
étaient  dans  l'état  suivant  : 

Soie   blanclic jaunie. 

Soie  rouge la  couleur  est  plu  s  claire;  le  brillant  a  disparu. 

Tissu  de  lin coloration  brunâtre  assez  régulière. 

Ouate brunâtre,  odeur  de  roussi. 

Gaze coloration  jaune . 

Laine  blanche teinte  jaune,  odeur  de  brûlé. 

Drap  bleu tciutc  pâlie. 

—     noir très  peu  altéré. 

Papier  de  journaux..  teinte  très  brune. 

Jute teinte  plus  foncée  ;  mais  peu  d'altération . 

Crin sans  changement. 

Varech odeur  de  brûlé . 

Plumes  blanches jaunies . 

Cuir devenu  plus  foncé,    plus  dur  par  places ,  plus 

facile  à  déchirer. 

En  résumé,  une  température  de  -j-  105-110''  centigra- 
des, continuée  pendant  1  à  2  heures,  assure  la  destruc- 
tion de  presque  tous  les  germes  morbides,  et  ne  com- 
promet en  rien  la  solidité  ni  l'apparence  des  objets  vesti- 
mentaires et  de  literie.  La  température  de  -[-  120°  ne  doit 
être  atteinte  que  dans  des  cas  particuliers  ;  elle  roussit 
légèrement  les  tissus  de  laine  blanche,  mais  n'en  altère 
pas  encore  la  solidité. 

B.  —  Description  et  choix  des  appareils. 

L'immersion  dans  l'eau  bouillante  et  le  maintien  de 
rébuUition  pendant  1  heure,  est  un  moyen  facile  d'ap- 
phcation  de  la  chaleur  à  la  désinfection.  Ce  moyen,  excel- 
lent et  d'un  usage  journalier  pour  le  linge  de  corps  ei  la 
literie,  cesse  d'être  applicable  pour  les  vêtements  de  drap 
et  même  de  coton;  la  laine  sèche   très  lentement.,  beau- 

Vallin.  —  Désisfectamj.  28 


434  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

coup  de  vêtements  seraient  déformés  et  détériorés  par 
l'eau  chaude  ;  l'ébullition  dans  Teau  enlève  à  la  laine  et 
au  crin  toute  leur  élasticité  ;  enfin  certains  objets,  comme 
les  fourrures,  ne  peuvent  être  plongés  dans  l'eau.  Il  en  est 
de  même  de  l'air  chaud  employé  directement.  Sans  doute, 
on  peut  utiliser,  surtout  dans  les  maisons  particulières, 
la  chaleur  obtenue  par  un  réchaud  allumé  dans  un  es- 
pace très  restreint  et  très  clos,  un  placard,  un  réduit  de 
petite  dimension  dans  la  muraille.  C'est  de  la  sorte  que, 
dans  un  grand  nombre  d'établissements  de  bains,  on  ob- 
tient une  étuve  rudimentaire  qui  sert  à  chauffer  le  linge 
destiné  aux  baigneurs.  C'est  une  ressource  précieuse  dans 
un  appartement  privé,  pour  désinfecter  les  vêtements  d'un 
enfant  convalescent  de  variole  ou  de  scarlatine  avant  de 
le  renvoyer  à  l'école,  par  exemple.  Mais  c'est  un  moyen 
infidèle  si  l'on  ne  chauffe  pas  assez,  dangereux  si  l'on 
chauffe  trop  et  parce  que  le  feu  peut  se  communiquer  aux 
objets  exposés. 

Il  est  donc  indispensable  d'avoir  recours  à  des  appareils 
ou  étuves  à  désinfection,  soit  qu'on  emploie  l'air  chaud  et 
sec,  soit  qu'on  fasse  arriver  directement  la  vapeur  d'eau 
au  contact  des  objets  exposés. 

Étuves  sèches.  —  Quel  que  soit  le  type  adopté,  tout 
appareil  à  désinfection,  et  particulièrement  toute  étuve  à 
air  chaud  et  sec,  doit  remplir  les  conditions  suivantes  : 

1°  Certitude  d'action  ; 

2"  Sécurité  ; 

3°  Rapidité  et  simplicité  ; 

4°  Économie, 

La  certitude  d'action  et  la  sécurité  ne  s'obtiennent  que 
pçir  la  fixité  et  l'uniformité  de  la  température.  Toutes  les 
parties  de  l'appareil  doivent  être  au  même  degré  ;  aucun 
point  des  parois  ne  doit  être  en  contact  direct  avec  le  feu, 
sinon  ces  parois  s'enflamment  si  elles  sont  combustibles. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       433 

OU  bien  rougissent,  et  alors  détruisent  les  parties  de  vête- 
ments qui  les  touchent.  Le  feu  doit  être  caché,  et  autant 
que  possible  dans  une  localité  complètement  distincte  de 
celle  où  les  pièces  à  désinfecter  sont  déposées.  Dans  les 
l)remières  étuves  qui  ont  été  construites  en  Angleterre, 
des  incendies  ont  eu  lieu,  des  vêtements  ont  ainsi  été 
brûlés  ;  c'est  ce  qui  est  arrivé  notamment  dans  la  cité 
mortuaire  de  Goldenlane,  à  Londres,  dans  une  chambre 
voûtée,  de  2  mètres  de  haut,  à  parois  revêtues  de  bri- 
ques vernies,  mais  où  un  cordon  de  becs  de  gaz,  allumé 
au  niveau  du  sol,  enflamma  un  vêtement  mal  suspendu 
qui  devint  le  point  de  départ  d'un  incendie.  La  tempéra- 
ture doit  être  constamment  au  même  degré,  pendant  la 
nuit  comme  pendant  le  jour,  fût-ce  même  sans  disconti- 
nuité pendant  quinze  jours  ;  cette  fixité  absolue,  indépen- 
dante de  la  négligence  des  employés,  seule  garantie  d'une 
désinfection  efficace  en  même  temps  qu'elle  écarte  tout 
danger  d'incendie,  n'est  possible  qu'à  l'aide  de  thermo- 
régulateurs automatiques.  Nous  n'hésitons  pas  à  dire  qu'il 
faut  absolument  rejeter  toute  étuve  qui  n'est  pas  munie 
d'un  de  ces  appareils.  Sans  eux,  on  a  une  sécurité  trom- 
peuse; le  matériel  n'est  pas  désinfecté,  ou  bien  il  est  ex- 
posé à  être  brûlé,  et  la  peur  d'un  accident  conduira  toujours 
les  employés,  les  administrateurs,  à  préférer  la  désinfection 
insuffisante,  qui  engage  leur  responsabilité  d'une  façon 
moins  évidente  et  moins  brutale  qu'un  incendie. 

D'ailleurs,  depuis  quelques  années  ces  thermo-régula- 
teurs se  sont  simplifiés  et  perfectionnés  à  tel  point  (mo- 
dèles de  Schlœsing,  de  d'Arsonval,  de  Wisnegg),  qu'on 
peut  les  trouver  et  les  faire  réparer  partout  en  cas  d'acci- 
dents. Le  principe  de  tous  ces  appareils  est  très  simple  : 
un  fluide  (mercure,  glycérine,  eau,  air)  en  se  dilatant  par 
la  chaleur  de  l'enceinte,  s'élève  dans  un  tube  et  obstrue 
plus  ou  moins  l'orifice  par  lequel  s'échappe  le  gaz  à  éclai- 
rage, source  d'échauffement  de  cette  enceinte;   la  flamme 


436  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

et  par  conséquent  la  température  baissent  donc  quand  le 
gaz  passe  difficilement;  le  liquide  du  thermomètre  s'abaisse 
dès  lors  en  se  refroidissant  et  laisse  passer  une  plus  grande 
quantité  de  gaz,  ce  qui  élève  de  nouveau  la  température. 
La  bonne  disposition  de  ces  thermo-régulateurs  nous  pa- 
raît une  condition  si  essentielle  du  fonctionnement  des 
étuves  à  air  chaud,  que  nous  croyons  utile  de  donner  ici 
le  dessin  et  la  description  des  appareils  les  plus  simples 
et  les  plus  ingénieux. 

L'un  des  premiers  régulateurs  de  ce  genre  est  celui  de 
Bunsen,  qui  a  subi  un  grand  nombre  de  perfectionne- 
ments. Dans  la  modification  figurée  ci-dessous,  l'air  con- 
tenu dans  un  tube  hermétique  se  dilate  par  la  chaleur, 
refoule  de  bas  en  haut  le  mercure  dans  un  tube  étroit  ter- 


FiG.  2.  —  Thermo-régulateur  do  Bunsen,  modifie  par  M.  Raulin. 


miné  à  sa  partie  supérieure  par  une  cuvette  dans  laquelle 
plonge  l'extrémité  inférieure,  taifiée  en  bec  de  plume  o, 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       437 

d'un  tube  par  lequel  le  gaz  arrive  en  a  au  brûleur  :  plus 
le  mercure  s'élève  dans  la  cupule  terminale,  plus  l'immer- 
sion du  tube  abducteur  augmente  et  retient  le  passage  du 
gaz.  En  établissant,  par  un  robinet  gradué,  une  fine  com- 
munication entre  le  tube  c  et  le  tube  «,  on  empêche  l'in- 
terception d'être  complète  et  le  brûleur  de  s'éteindre  par 
le  changement  brusque  de  pression.  L'appareil  construit 
par  M.  Wiesnegg,  à  Paris,  est  entièrement  en  fer  pour 
éviter  les  ruptures  et  les  accidents. 

Un  autre  type,  classique  en  France  et  qui  se  trouve 
dans  tous  les  laboratoires,  est  celui  de  M.  Schlœsing.  Le 
mercure  du  thermomètre,  en  se  dilatant  par  la  chaleur, 
s'avance  dans  un  tube  horizontal  fermé  par  une  membrane 


FiG.  3.  —  Thermo-régulateur  de  Schlœsing. 

élastique  ;  cette  membrane,  refoulée  par  le  mercure,  chasse 
devant  elle  une  palette  en  cuivre  parfaitement  plane  qui, 


438  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

en  s'appliquent  plus  ou  moins  exactement  sur  l'extrémité 
du  tube  abducteur,  diminue  ou  empêche  le  passage  du  gaz 
de  E  en  S  ;  une  fissure  empêche  le  brûleur  situé  en  S  de 
s'éteindre  complètement  quand  la  lamelle  s'applique  trop 
brusquement  ou  trop  exactement  au  devant  de  l'extrémité 
horizontale  du  tube  E  par  lequel  le  gaz  arrive  dans  le 
ballon  avant  de  sortir -en  S,  En  versant  du  mercure  dans 
l'entonnoir  qui  surmonte  le  thermomètre,  et  par  la  ma- 
nœuvre du  robinet  placé  en  dessous,  on  règle  exactement 
les  limites  d'oscillation  de  la  température.  On  obtient  très 
facilement  une  précision  à  deux  degrés  près.  En  établis- 
sant une  communication  directe  entre  les  tubes  E  et  S,  et 
en  réglant  l'arrivée  du  gaz  dans  la  jonction  par  un  ro- 
binet, on  prévient  sûrement  l'extinction  par  les  change- 
ments brusques  de  pression. 

Les  deux  appareils  qui  précèdent  peuvent  certainement 
être  utihsés  dans  la  pratique  industrielle,  mais  ils  con- 
viennent surtout  pour  les  grands  laboratoires.  Il  nous 
semble  que  celui  qui  nous  reste  à  décrire,  le  thevjno- 
régulateur  à  air  de  MM.  d'Arsonval  et  Wiesnegg,  est 
le  mieux  approprié  aux  exigences  d'une  étuve  à  désinfec- 
tion. Ce  n'est  plus  un  appareil  de  science  demandant  à 
être  manié  par  une  main  exercée  et  savante,  c'est  un  in- 
strument qui  peut  être  laissé,  quand  il  a  été  réglé,  entre 
les  mains  des  ouvriers,  de  la  même  manière  qu'un  mano- 
mètre ou  une  soupape  de  sûreté.  Nous  ne  pouvons  entrer 
dans  les  détails  de  la  description  de  l'appareil  figuré  ci- 
dessous  :  l'air  contenu  dans  le  tube  fermé  servant  de  ther- 
momètre à  air  et  relié  par  un  tuyau  métallique  au  régula- 
teur, distend  une  cavité  formée  par  deux  membranes 
de  caoutchouc,  membranes  qui  forment  soupape  obturatrice 
et  peuvent  ouvrir  et  fermer  le  tube  où  circule  le  gaz.  L'on 
règle  la  température  maximum  ou  minimum  qu'on  veut 
atteindre  par  un  pas  de  vis  et  en  chargeant  de  quelques 
grajïunes   (30  à  100    grammes)  le   plateau  qui  surmonte 


DÉSINFECTION  DES  VÈTI-.JIENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       439 

l'appareil  ;  quand  ce  dernier  est  réglé,  il  fonctionne  indéfi- 
niment, d'une  façon  tout  à  fait  automatique.  C'est  ce  type 
qui   est  définitivement  adopté  pour  l'étuve  à  désinfection 


FiG.  4 


Thermo-rûgulaleur  à  air,  à  double  membrane,  de  MM.  d'Ar- 
son  val  cL  ^YiesneÊrfi■. 


de  l'hôpital  Saint-Louis,  et  ce  modèle  de  grande  dimension 
(30  centimètres  de  hauteur)  ne  dépasse  pas  le  prix  de  150 
francs  :  les  modèles  ordinaires,  ayant  20  centimètres  de 
hauteur  et  du  prix  approximatif  de  50  francs,  sont  très 
suffisants  pour  de  petites  étuves  à  désinfection. 

En  un  instant,  on  peut  régler  ces  appareils  pour  la 
température  qu'on  désire,  soit  de  -j-  103  à  120°.  D'ordi- 
naire, les  oscillations  de  l'enceinte  ne  varient  pas  de  plus 
de  2°  par  semaine,  mémo  en  l'absence  de  toute  surveil- 
lance, ce  qui  donne  une  sécurité  presque  absolue.  Nous 
décrirons  même  plus  loin  un  appareil  automatique  qui  ar- 
rête complètement  et  définitivement  le  chauffage,  quand 


440  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

par  extraordinaire,  la  température  dépasse  le  degré  con- 
venu. 

Il  n'est  pas  moins  nécessaire  que  l'étuve  puisse  fonc- 
tionner rapidement,  presque  instantanément  ;  sans  cela, 
on  laisse  s'accumuler  les  objets  à  désinfecter,  jusqu'à  ce 
qu'il  s'en  forme  un  amas  considérable,  avant  de  commen- 
cer une  opération  nouvelle.  C'est  le  grand  avantage  des 
étuves  chauffées  au  gaz  de  pouvoir  fonctionner  instanta- 
nément, on  peut  le  dire,  même  pour  une  seule  pièce  conta- 
minée, et  d'arrêter  l'opération  sans  dépense  inutile  de  la 
chaleur  déjà  produite.  Enfin,  la  condition  d'économie  s'im- 
pose ;  une  bonne  étuve  doit  entraîner  non  seulement  une 
faible  dépense  de  premier  établissement,  mais  aussi  une 
faiblesse  d'entretien,  soit  en  combustible,  soit  en  main- 
d'œuvre  et  en  personnel. 

Les  étuves  sèches  peuvent  être  chauffées  :  4°  par  un 
foyer  direct  (becs  de  gaz  ou  fourneau),  2°  par  la  vapeur 
circulant  sous  pression  dans  des  espaces  hermétiques  ou 
des  serpentins  qui  tapissent  l'enceinte. 

Nous  décrirons  d'abord  les  appareils  ou  types  suivants, 
où  le  chauffage  a  lieu  directement  par  un  foyer  :  étuve  du 
D"  Ransom,  à  Nottingham;  four  Léoni  ;  appareil  désinfec- 
tant de  Nelson  et  Somer,  à  Londres  ;  étuve  à  gaz  de  l'hô- 
pital Saint-Louis,  à  Paris  ;  chambre  à  air  chaud  de  M.  Hers- 
cher. 

Étuve  de  Ransom.  —  M.  le  D''  Ransom,  médecin  en  chef 
de  l'hôpital  de  Nottingham,  qui  a  beaucoup  étudié  la  désin- 
fection par  la  chaleur  (1),  a  fait  construire  ce  four  en  1871 
par  MM.  Goddard  et  Massey,  de  Nottingham.  Le  plan  dé- 
taillé de  cet  appareil  n'avait  jamais  été  publié,  même  en 
Angleterre;  sur  nos  instances  très  pressantes,  les  cons- 
tructeurs ont   bien    voulu   consentir  à    dresser  pour  la 

(1)  D"'  Ransom,  Oa  the  mode  of  disinfecting  by  heat   {British  médical 
Journal,  6  septembre  1873,  p.  274.) 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       441 

Revue  d'hygiène  le  dessin  ci-joint  que  nous  empruntons  à 
ce  recueil,  {Octobre,  18'9)  (1). 


FiG.  s.  —   Coupe    du  four  de  la  station  de  désinfection  de  Notlingliam 
(appareil  de  Ransom,  perfectionné). 

L'étuve  X  est  en  tôle  recouverte  de  panneaux  en  bois  ; 
pour  empêcher  la  déperdition  du  calorique,  l'intervalle 
qui  sépare  les  deux  parois  est  rempli  de  sciure  de  bois  ou 
de  tourteaux  de  graine  de  lin  ;  la  partie  inférieure  repose 
sur  un  soubassement  en  maçonnerie.  L'air  qui  y  arrive  est 
échauffé  par  le  brûleur  circulaire  G,  percé  d'un  grand 
grand  nombre  de  trous  par  où  s'échappe  le  gaz;  une 
pomme  perforée  donne  passage  à  un  courant  d'air  qui  se 
mélange  au  gaz  et  assure  la  combustion  complète  du  car- 
bone. Le  thermo-régulateur  automatique,  figuré  en  HR, 
permet  de  régler  la  température  au  degré  voulu.  Qu'il 

(l)  E.  Vallin,  Des  appareils  à  désinfection  applicables  aux  hôpitaux  et 
aux  lazarets  [Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  octobre  1879,  p.  813 
et  893). 


442  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

s'agisse  du  thermo-régulateur  de  Schlœsing  ou  de  d'Arson- 
val,  quand  la  chaleur  de  l'étuve  devient  un  peu  trop  forte 
le  mercure  du  thermomètre  ou  le  liquide  chauffé,  en  se 
dilatant,  applique  devant  l'orifice  intérieur  qui  donne  pas- 
sage au  gaz  une  petite  valve,  laquelle  diminue  ou  suspend 
presque  complètement  le  débit  du  tuyau.  Le  thermomètre 
placé  en  K  indique  la  température  maximum,  qui  ne  dé- 
passe jamais  124°  C.  La  température  minimum  est  donnée 
par  le  thermomètre  placé  au  sommet  de  l'étuve,  près  de 
la  cheminée  d'évacuation  ;  elle  n'est  jamais  inférieure 
à +  120°  C. 

L'appareil  a  pendant  plusieurs  années  marché  de  la  sorte 
sans  surveillance,  sans  besoin  de  réparations  et  sans  acci- 
dents ;  on  peut  lire  dans  le  British  médical  Journal  du 
6  septembre  18T3  le  rapport  fait  par  M.  le  D''  Ransom  sur 
le  fonctionnement  excellent  de  cette  étuve  à  l'hôpital  de 
Nottingham.  Plus  tard  cependant  il  est  survenu  un  acci- 
dent ;  à  l'infirmerie  de  Southampton,  des  vêtements  dépo- 
sés dans  l'étuve  ont  été  détruits  par  un  incendie,  bien  que 
le  régulateur  continuât  à  indicjuer  la  température  de 
125°  centigrades  et  que  rien  ne  parût  dérangé  dans  l'appa- 
reil. Il  est  vraisemblable  que  des  allumettes  chimiques 
oulDliées  dans  un  vêtement  avaient  provoqué  cet  incendie. 
Comme  une  sécurité  absolue  est  la  condition  sine  qiiâ  non 
du  succès  de  ces  appareils,  on  y  a  introduit  les  perfec- 
tionnements suivants  : 

Dans  la  cheminée  d'évacuation  de  l'air  chaud  se  trouve 
une  valve  métallique  pivotant  sur  un  axe  horizontal  ;  un 
contre-poids  suspendu  à  l'un  de  ses  bords  maintient  cons- 
tamment tendue  une  chaîne  fixée  par  Tune  de  ses  extré- 
mités au  bord  opposé  de  la  valve,  et  par  l'autre  extrémité 
au  robinet  d'arrêt  C,  actionné  lui-même  par  le  contre- 
poids M.  En  un  point  de  cette  chaîne  qui  traverse  la 
cheminée  de  l'étuve,  se  trouve  un  chaînon  en  métal  fusible, 
lequel  en  se  fondant  amène  la  rupture  de  la  chaîne,  au  cas 


DKSINFECTION  DES  VÉTE3IEIN'TS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.        U3 

OÙ,  par  une  cause  imprévue,  la  température  de  l'étuve 
dépasserait  le  maximum  fixé  à  l'avance.  Alors,  instantané- 
ment, le  contrepoids  supérieur  fait  basculer  et  ferme  la 
valve  A;  en  même  temps,  l'obturateur  métallique  F  glisse 
dans  la  direction  de  la  tige  qui  le  supporte,  vient  fermer 
l'orifice  inférieur  de  l'étuve  et  empêche  complètement  l'ar- 
rivée de  l'air  chaud  au  cas  ou  le  brûleur  à  gaz  continuerait 
à  marcher.  Maison  même  temps,  le  contrepoids  M,  par  un 
agencement  que  le  plan,  très  fidèlement  reproduit,  ne  laisse 
pas  très  bien  comprendre,  ferme  le  robinet  d'arrêt  C,  placé 
sur  le  tuyau  d'arrivée  du  gaz,  et  celui-ci  s'éteint.  Depuis 
plusieurs  années  que  cet  appareil  fonctionne  dans  un  grand 
nombre  de  services  publics,  il  paraît  qu'il  n'est  survenu 
aucun  accident  et  que  le  matériel  désinfecté  n'a  jamais 
transmis  de  maladies.  II  est  possible  d'élever  la  température 
jusqu'à  -j-  175"  centigrades,  mais  il  est  prudent  et  il  est 
suffisantde  ne  pas  dépasser -|-  120°,  surtout  pour  les  objets 
en  laine,  qui  roussissent  assez  facilement;  pour  les  chiffons 
de  toile  ou  de  coton,  pour  des  drilles,  il  n'y  aurait  aucun 
inconvénient  à  élever  la  température  de  10  degrés  au  delà. 

Des  grilles  de  fer,  horizontales  et  mobiles,  permettent 
de  superposer  plusieurs  couches  d'objets  très  volumineux 
et  en  particuHer  des  matelas,  des  oreillers,  etc.  Il  existe 
deux  modèles,  l'un  plus  petit,  réservé  aux  hôpitaux,  aux 
prisons,  qui  cube  environ  1  mètre  et  demi  ;  l'autre,  plus 
vaste,  employé  dans  les  stations  imbliques  de  désinfection, 
mesure  1",  5-{-  1",  5  -f-l™,  80,  soit  environ  4  mètres  cubes. 
Voir  la  disposition  générale  de  l'appareil,  page  444. 

La  quantité  de  gaz  brûlé  n'est  pas  aussi  considérable 
qu'on  pourrait  le  croire;  pour  une  température  constante 
de  -j-  120"  centigrades,  elle  est  de  1  mètre  cube  par  heure 
pour  le  petit    modèle  (1),  et  de  1  mètre  et  demi  pour  le 

(1)  A  Paris,  le  prix  du  mètre  cube  de  gaz  est  de  30  centimes  pour  les 
paiticuliers;  ce  prix  est  notablement  moindre  (15  centimes)  pour  les 
grandes  adminislralious  ou  les  services  publics. 


444  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

plus  grand  ;  une  séance  de  désinfection  dure  au  plus  trois 
heures,  et  pendant  ce  temps  on  peut  purifier  à  la  fois  un 
nombre  considérable  d'objets  et  en  particulier  plusieurs 
matelas.  Le  prix  des  appareils  est  assez  élevé;  il  est  de 
2,000  à  3,000  francs,  somme  qu'il  faut  presque  doubler 


FiG.  6.  —  Vue  d'ensemble  de  l'éLuve  de  Ransom. 

pour  la  construction  des  locaux  et  pour  les  accessoires. 
Dans  nos  hôpitaux,  oii  ce  qu'on  appelle  V épuration  de  la 
literie  laisse  tant  à  désirer,  oii  la  désinfection  du  linge  et 
des  vêtements  provenant  des  maladies  contagieuses  se 
fait  à  peine,  l'on  dépense  plusieurs  fois  chaque  année  le 
revenu  de  cette  somme.  Cette  considération  d'ailleurs  doit 
être  sans  valeur,  au  moins  dans  une  certaine  mesure, 
quand  il  s'agit  d'assurer  la  salubrité  publique  et  de  faire 
cesser  la  contagion  qui  désole  parfois  nos  hôpitaux. 


DÉSlNFECTIOiN  DES  VÊTEMENTS,  DE   LA  LITEIUE,   ETC.      443 

Cet  appareil  paraît  très  bien  conçu  ;  on  s'accorde  à  dire 
qu'il  donne  de  bons  résultats;  malheureusement  nous  n'en 
avons  aucune  expérience  personnelle  ;  en  tout  cas ,  il 
mérite  d'être  essayé  en  France,  où  il  n'a  encore  jamais  été 
introduit  (1). 

Four  Léoui,  de  Londres.  —  Ce  modèle  ne  diffère  du 
précédent  que  par  les  détails  de  la  disposition  intérieure  ; 
il  est  également  chauffé  au  gaz.  Un  de  ces  fours  a  été  cons- 
truit, en  ces  dernières  années,  à  l'hôpital  Saint-Pierre  de 
Bruxelles,  dans  une  dépendance  de  l'établissement  consacrée 
aux  bains  et  au  traitement  des  galeux  ;  le  four  a  coûté 
3,500  francs  pour  la  maçonnerie,  les  accessoires  2,000. 
Un  second  four  semblable  existe  à  la  nouvelle  buanderie 
des  hospices.  Enfin,  l'on  en  a  récemment  établi  un  autre 
pour  ce  qu'on  appelle  VOEuvre  des  vieux  vêtements.  Il 
s'est  fondé  depuis  peu  d'années  à  Bruxelles,  avec  le  patro- 
nage et  la  coopération  pécuniaire  de  la  municipalité,  une 
association  philanthropique  qui  distribue  des  vêtements 
convenables  aux  enfants  des  classes  nécessiteuses;  ces 
pauvres  enfants  ne  possédaient  parfois  que  des  haillons  ou 
des  vêtements  avec  lesquels  ils  n'osaient  se  présenter  à 
l'école;  on  ne  saurait  donc  trop  applaudir  à  une  œuvre 
aussi  pratique  et  aussi  intelligente.  Il  était  nécessaire  de 
désinfecter  les  vieux  vêtements  qui  devaient  servir  à  pré- 
parer des  habillements  pour  ces  enfants  ;  les  ressources  de 
la  Société  étant  très  restreintes,  l'entrepreneur  a  réussi  à 
établir  un  four  du  système  Léoni  pour  la  somme  totale  de 
1,500  francs,  y  compris  l'étuve,  la  maçonnerie,  etc. 

(1)  Pour  ceux  de  nos  confrères  qui  auraient  l'occasion  de  visiter  les 
hôpitaux  anglais,  nous  donnons  ici  l'indication  de  quelques  établissements 
oiiil existait  en  1879  desfours  de  ce  modèle  :  à  Londres;  LondonFever  hos- 
pital,  —  Homerton  Sinall-pox  Hospital,  —  Qiicen  Charlotte'^  lijinfj-in 
Hospital  (maternité),  —  the  Inftrmary,  in  Highgale;  à  Portsmoulh,  the 
Counlij  Lunatic  A.sylum;  à  Norwich,  Nor folle  and  Norwich  Hospital;  à 
Noitingham,  the  General  Hospital;  à  Bradfort,  the  Fever  Hospital;  à 
Sheflield,  the  Fever  Hospital,  etc. 


4i6  DÉSINFECTION  NOSOGOMIALE. 

Ce  four  ou  armoire  à  désinfection,  dont  M.  Janssens  (de 
Bruxelles)  et  M.  Gibert  (de  Marseille)  ont  bien  voulu  nous 
envoyer  les  plans,  est  chauffé  par  une  couronne  de  becs 
de  gaz;  la  chaleur  peut  être  graduée  à  volonté  ;  on  la  main- 
tient d'ordinaire  entre  -j-  105°  et  -\-  130°  G.;  malheureu- 
sement nous  n'avons  pas  de  renseignements  précis  sur  le 
mécanisme  du  réglage  de  la  température,  ce  qui  est  à  notre 
avis  la  pièce  la  plus  importante  de  ces  sortes  d'appareils. 
Toutefois,  M.  Janssens  nous  apprend  que  l'on  est  très  satis- 
fait à  Bruxelles  du  fonctionnement  des  trois  fours  de  désin- 
fection, et  voici  quelques  renseignements  qu'il  nous  a 
fournis  au  Congrès  international  d'hygiène,  à  Paris,  en 
1878. 

L'appareil  consiste  en  une  armoire  cyUndrique,  formée 
d'une  carcasse  métallique  et  de  parois  en  terre  réfractaire  ; 
le  tout  repose  sur  un  massif  de  fondation  en  maçonnerie. 
Le  gaz  brûle  à  la  partie  inférieure,  distribué  par  des  robi- 
nets, et  une  cheminée  surmonte  le  tout.  Dans  l'appareil, 
on  peut  placer  six  matelas  à  la  fois  ou  une  quantité  corres- 
pondante de  vêtements  qui  sont  désinfectés  en  2  ou  3  heures. 
Pour  l'opération,  la  température  est  d'abord  portée  au  degré 
voulu,  soit -^  130°  G.  (en  15  ou  20  minutes),  avec  une 
dépense  de  850  litres  de  gaz;  ensuite,  par  la  manœuvre 
convenable  des  robinets,  on  continue  pour  maintenir  la 
température  à  dépenser  1  mètre  cube  600  Htres  par  heure. 
Pour  désinfecter  6  matelas,  on  consommerait  donc  4  mè- 
tres cubes  100  litres  de  gaz,  soit  une  somme  de  20  cen- 
times seulement  par  matelas. 

Chambre  désinfectante  du  D'  Scott  (1).  —  Le  D'' Charles 
Mason  Scott,  de  Dalkey,  a  fait  construire  par  MM.  Maguire 
and  Son,  de  Dublin,  un  appareil  qui  est  très  usité  en  An- 
gleterre. 

(1)  The  sanitarij  Record,  15  février  1881,  p.  285,  et  15  mars  1S81, 
p.  331,  et  A.-J.  Martiri;  L'Exposition  internationale  médicale  et  sanitaire 
de  Londres.  [Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  octobre  1881,  p.  873.) 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.        447 

C'est  une  chambre  carrée  chauffée  soit  au  gaz,  soit  au 
coke  ou  à  la  houille  ;  la  température  y  est  portée  d'ordi- 
naire jusqu'à  -|-  1:21)°  C.  Mais  un  mécanisme  ferme  le 
robinet  si  par  accident  la  chaleur  atteignait  -|-  160"  C. 


FiG.  7.  —  Appareil  à  désinfecliou  par  l'air  chauffé  au  gaz,  du  D''  ScotL 
(Maguire  et  fils,  constructeurs). 


Dans  le  modèle  perfectionné  qui  se  trouvait  à  l'Exposition 
sanitaire  de  Londres  en  1881  et  qui  est  reproduit  ici,  le 
pyromètre  de  l'appareil  primitif  était  remplacé  par  un 
thermo-régulateur  (N),  et  la  température  peut  être  graduée 
à  volonté.  Le  chauffeur  à  gaz  élève,,  dit-on,  en  10  minutes 
la  températui^e  de  -|-  10  à  -j-  126°  C,  et  en  15  minutes  à 
-j-  150°  C.  On  prétend  qu'une  exposition  d'une  demi-heure 
à  -|-  12i>  est  suffisante  pour  les  vêtements;  il  faut  un 
séjour  de  1  heure  pour  la  literie. 


448  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Ajjpareil  de  Nelson  et  Somer.  —  Dans  plusieurs  hôpi- 
taux anglais,  on  a  adopté  un  appareil  à  désinfection  assez 
simple,  désigné  sous  le  nom  de  Nelson's  disinfecting  Ap- 
paratus  (1).  Il  se  compose  d'un  grand  bahut  en  forte  tôle, 
de  la  forme  d'une  commode,  contenant  une  caisse  métal- 
lique de  dimension  un  peu  plus  petite.  Dans  l'intervalle  qui 
sépare  inférieurement  les  deux  caisses,  se  trouve  un  long 
tuyau  percé  de  trous  par  lesquels  brûle  le  gaz;  les  pro- 
duits de  la  combustion  circulent  avec  l'air  chaud  dans  les 
intervalles  latéraux  qui  sont  plus  étroits  et  s'échappent 
par  un  orifice  supérieur;  une  petite  ventouse  assure  l'arrivée 
de  l'air  nécessaire  à  la  combustion.  Des  traverses  de  fer 
ou  des  crochets  placés  dans  la  caisse  intérieure  servent  à 
supporter  les  pièces  à  désinfecter  et  à  les  tenir  éloignées 
de  la  paroi  inférieure  surtout,  qui  est  fortement  chauffée  et 
pourrait  les  détériorer.  Cette  caisse  interne  est  munie  d'une 
ventouse  et  d'un  tuyau  d'évent  par  lequel  les  effluves  pro- 
venant des  objets  désinfectés  peuvent  être  entraînées  dans 
une  cheminée.  Le  couvercle  de  l'appareil  se  manoeuvre  à 
l'aide  d'un  contrepoids. 

L'appareil  paraît  simple,  peu  coûteux,  très  maniable, 
mais  il  doit  être  mai  aisé  de  régler  la  température  sans  une 
surveillance  attentive,  et  la  détérioration  des  effets  par  leur 
contact  possible  avec  les  parois  métalliques  surchauffées 
doit  être  facile.  Dans  un  autre  appareil  de  MM.  Nelson  et 
Somer,  un  fil  en  métal  fusible  actionne  le  robinet  du  gaz 
à  l'aide  d'un  contre  poids  comme  dans  l'appareil  de  Ran- 
som.  Ce  robinet  se  ferme  et  éteint  le  gaz,  quand  la  chaleur, 
dépassant  le  degré  calculé,  amène  la  fusion  du  fil. 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  décrire  ici  d'autres  appareils 
analogues,  chauffés  soit  au  gaz,  soit  par  un  foyer  de  char- 
bon, usités  en  Angleterre.  Ces  appareils  ont  le  grand 
inconvénient  de  n'avoir  pas  de  thermo-régulateur,   et  la 

(I)  W,  Eassie^  A  Dictlonnarij  of  sanitarij  appliances.    —  DisiufecUon 
by  Hot  Air  [The  sanitarij  Record,  13  décembre  1880,  p.  207). 


49 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC 

température  de  l'enceinte  est  subordonnée  à  l'intelligence 
ou  à  la  vigilance  d'un  employé  subalterne  ;  telle  est  la 
chambre  désinfectante  fixe  de  Fraser  (1),  très  employée 
dans  les  Nurses'  Institutes,  et  dont  le  prix  ne  s'élève  pas 


Fjg.  8.  —  Chambre  désinfectante  fixe  de  Fraser 


à  moins  de  2,250  francs.  Dans  un  travail  très  complet,  pu- 
blié en  1881  par  le  D' G.  Paddock  Bâte  (2),  médecin  sanitaire 
de  la  paroisse  de  Bethnall-Green,  à  Londres,  nous  voyons 
que  ce  four  existe  dans  13  paroisses,  sur  25  qui  ont  des 
appareils  spéciaux  de  désinfection  pour  les  vêtements  et  la 
literie.  La  figure  ci-jointe  montre  le  mode  de  fonctionne- 
ment :  c'est  un  four  dont  la  sole  est  au  niveau  de  la  rue, 
et  dans  lequel  on  introduit  un  caisson  monté  sur  roues 
rempli  des  objets  à  désinfecter.  La  température  se  maintient 
d'ordinaire  de  -{-  123°  à  -\-  125"  C.  ;  mais  comme  il  n'y  a 
pas  de  régulateur,  il  est  parfois  arrivé,  par  la  négligence 
des  agents,  que  des  vêtements  ont  été  rendus  endommagés 

(1)  Eod.  loco,  13  octobre  18S0,  p.  158. 

(2)  D'  G.  Paddock  Baie,  The  dm:ifection  of  clotliing  and  beddir.g  ,Lon. 
don  1881.  —  Analyse  in  Médical  Times  and  Gazette,  10  décembre  1881, 
p.  686. 

Vallin.  —  Désinfectants.  29 


4S0  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

à  leurs  propriétaires.  LeD''  Bâte  a  observé  le  cas  contraire: 
les  agents  avaient  tellement  peur  de  brûler  les  vêtements, 
qu'ils  rendaient  des  objets  mal  désinfectés  et  contenant 
encore  des  pous  vivants  !  rien  ne  prouve  mieux  la  nécessité 
de  régulateurs  automatiques. 

ÉUive  de  Vhôpitai  militaire  d'Amersfoort,  en  Hollande. 
—  Dans  un  mémoire  qu'il  a  bien  voulu  nous  envoyer, 
notre  ami,  M.  le  D'"  Ruysch  (1),  médecin-inspecteur  de  la 
province  de  Brabant  et  Limbourg,  décrit  et  figure  une 
étuve  à  désinfection  que  le  génie  militaire  a  établie  à 
l'hôpital  d'Amersfoort.  Cette  étuve  a  1™,  40+l"\  85+0"^,  94  ; 
c'est  une  petite  chambre  construite  en  briques  et  en  ciment. 
Un  poêle  ordinaire,  en  fonte,  est  placé  à  l'une  des  extré- 
mités de  la  chambre,  reposant  sur  un  socle  en  pierre  pour 
éviter  les  accidents.  Ce  poêle  s'allume  en  dehors  de  l' étu- 
ve, on  peut  le  faire  rougir.  De  la  calotte  du  poêle  partent 
deux  tuyaux  de  fumée  en  tôle,  qui  longent  horizontalement 
les  deux  parois  de  la  chambre,  à  70  centimètres  au-dessus 
du  sol,  et  qui,  après  s'être  réunis  à  l'extrémité  opposée  à 
leur  origine,  se  terminent  par  un  tuyau  vertical,  lequel  se 
dégage  à  travers  la  paroi  latérale  de  l'étuve.  La  disposi- 
tion est  simple,  elle  doit  être  très  économique,  elle  paraît 
efficace.  On  obtient  rapidement  une  température  de-|-  130° 
C.  qui  se  maintient;  on  pourrait  atteindre  -j-  150°.  Un 
simple  thermomètre  dont  le  réservoir  fait  saillie  dans 
l'étuve  permet  de  suivre  la  marche  de  la  température  ;  c'est 
là,  à  vrai  dire,  le  point  faible  de  l'appareil,  qu'il  est  fa- 
cile d'improviser  partout. 

Étuve  à  gaz  de  l'hôpital  Saifd-Loiiis.  —  L'Assistance 
publique  du  département  de  la  Seine  a  fait  construire,  à 
l'hôpital  Saint-LoLiis,  en  1881,   une  étuve  à  désinfection 

(1)  P""  Ruysch,  J-^rs  oî)?r  onismeliihg  [MiUtatr  Genesskundig  Archief, 
18.il,  afuiering    ,  avec  planche). 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       4r>i 

chauffée  au  gaz  et  à  température  constante.  M.  le  D'  Vi- 


Coupe    M  N. 


FiG    9.  —  Étuve  à  désinfection  de  l'hôpital  Saint-Louis. 

A.  Arrivée  du  gaz.  H.  Tuyau  des  rampes  à  gaz. 

B.  Régulateur  de  pression.  i.   Prises  d'air. 

C    Régulateur  de  température.  J.  Cheminée  d'évacuation. 

D.  Thermomètre   à    glycérine    ac-  K.  Registre. 

tionnanl  le  thermo-régulateur.  L.  Cercle  pour  suspendre  les  habits. 

E.  Tuyau  des  allumeurs.  R.  Robinets  d'arrêt. 

F.  Allumeurs.  p^  Portes 

G.  Rampes  à  gaz. 


4o2  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

dal  (1)  a  vu  fonctionner  cet  appareil  dans  l'hôpital  où 
l'appelle  chaque  jour  son  service;  il  en  a  donné  une  des- 
cription très  complète,  d'après  les  notes  et  les  plans  de 
M.  l'ingénieur  Lelaurin  qui  a  construit  cette  étuve. 

La  température  est  constante;  en  chauffant  pendant 
plusieurs  heures  consécutives  à -[- 120°  C,  les  oscilla- 
tions ne  dépassent  pas  deux  degrés.  En  fonctionnant 
pendant  2  à  3  heures  par  jour,  l'appareil  suffit  aux  besoins 
de  l'hôpital  et  au  service  des  nombreux  malades  externes 
en  traitement  pour  gale  ou  phthiriase;  or,  pendant  l'année 
1880,  le  nombre  des  galeux  seulement,  traités  à  Saint-Louis 
n'a  pas  été  moindre  de  10,149. 

L'appareil  qui  cube  environ  11  mètres  a  coûté  2,800  fr.; 
il  consomme  6  mètres  de  gaz  à  l'heure,  soit  proportion- 
nellement un  quart  de  plus  que  l'étuve  de  Ransom.  Nous 
croyons  utile  de  reproduire  en  partie  la  description  donnée 
par  M.  Lelaurin  : 

«  C'est  une  enceinte  de  forme  circulaire,  ayant  2", 20  de  diamètre  surS^jOO 
de  hauteur,  et  d'environ  11  mètres  cubes  do  capacité;  elle  est  construite 
en  briques  et  présente  deux  enveloppes  séparées  par  un  intervalle  isolant. 
Le  plafond  qui  la  recouvre  a  été  formé  de  deux  assises  de  briques  creuses 
et  protégées  par  une  toiture  en  fer  liourdée  en  plâtre.  Cette  capacité  est 
divisée  en  deux  parties  superposées  par  une  plaque  de  tôle  perforée  formant 
une  sorte  de  gri'lage  horizonlal.  La  partie  supérieure  reçoit  les  objets  à 
épurer  suspendus  à  un  cercle  mobile  autour  d'un  axe  de  rotation  centrale; 
La  chambre  inférieure  renferme  l'appareil  de  combuslion  du  gaz  qui  doit 
fournir  le  calorique,  et  qui  se  compose  de  quatre  rampes  portant  chacune 
une  double  rangée  de  brûleurs. 

L'air  nécessaire  à  la  combustion  est  introduit  dans  la  chambre  de  chauffe 
pnr  trois  gaines  munies  de  grilles  à  valves  mobiles  qui  permettent  de  réglée 
à  volonté  le  volume  d'air  appelé. 

Les  produits  de  la  combustion  s'échappent,  à  la  partie  supérieure  de 
l'étuve,  par  une  cheminée  centrale  dans  laquelle  se  trouve  un  registre  qu'on 
peut  ouvrir  ou  fermer  de  l'extérieur,  au  moyen  d'une  tige  de  manœuvre 
articulée,  et  qu'on  peut  fixer  en  divers  points,  de  manière  à  faire  passer 
dans  l'étuve  un  volume  d'air,  variable  suivant  les  besoins,  et  dont  le  maxi- 
mum correspond  à  la  quantité  slriclement  nécessaire  à  l'entretien  de  la 
combu-tion  du  gaz.  Ce  registre  porte  une  échancrure  qui  empêche  l'obtu- 

(l)  D-'  E.  Vidal,  Note  sur  V étuve  à  désinfection  de  l'hôpital  Saint-Louis, 
communication  à  la  Société  de  médecine  publique  {Revue  d'hygiène  et  de 
police  sanitaire,  20  naai  1881,  p.  4iJ.5). 


DIlSJNFECTION  des  VÉTEMEiNTS,  DE  LA  LITEIU!:,  ETC.       4.>3 

ration  ciinplèle,  afin  d'ûvilcr  loule  accuuuikiliun  de  i^'az  et  d'éciirlcr  toil 
danger  d'explosion. 

Deux  portos  en  lôlc  à  double  parwi  donnent  accès,  l'une  dans  l'étuve 
proprement  dite,  l'autre  dans  la  chambre  de  chauffe;  celle-ci  sert  en  mémo 
temps  à  ralluma!,'c. 

Le  gaz,  avant  d'arriver  aux  brûleurs,  passe  préalablement  dans  un  réicu- 
latcur  de  pression  qui  réduit  celle-ci  et  la  mainiient  sensiblement  cons- 
tante, quelles  que  soient  les  variations  qui  se  produisent  dans  la  canali- 
sation générale. 

Il  traverse  ensuite  un  régulateur  de  temoérature  destiné  à  maintenir 
dans  l'éluvc  le  degré  de  chaleur  qu'il  convient  d'obienir  et  de  ne  pas 
dépasser. 

Cet  appareil,  du  système  d'Arsonval,  renferme  une  valve  en  caoutchouc 
portant  un  obturateur  qui,  sous  l'influence  d'un  thermomètre  à  glycérine, 
donne  passage  à  un  volume  de  gaz  proportionnel  à  la  température 
acquise,  et  ferme  l'orifice  d'introduction  à  peu  près  complètement,  lorsque 
la  limite  fixée  à  cette  température  est  atteinte.  Le  réservoir  du  thermomô- 
Ire  se  compose  d'une  série  de  tubes  en  cuivre  ;  ils  sont  pendants  et  tous 
branchés  sur  un  tuyau  aboutissant  au  régulateur.  Ce  réservoir  fait  tout  le 
lourde  l'étuve.  Dans  ces  tubes,  la  glycérine  est  remplacée  actuellement 
par  de  l'air  dont  le  coefficient  de  dilatation  par  la  chaleur  est  plus  consi- 
dérable et  qui  n'altère  pas  les  membranes.  Le  régulateur  adopté  est  celu 
de  MM.  d'Arsonval  et  Wiesnegg,  dont  la  description  se  trouve  page  439. 

Pour  obvier  à  l'inconvénient  résultant  de  l'extirction  complète  qu 
pourrait  se  produire  au  cas  oii  la  température  s'élèverait  trop  rapidement, 
les  rampes  à  gaz  sont  bordées  de  petits  tuyaux  donnant  de  faibles  jets  de 
gaz,  dits  iillumeurs,  dont  le  nombre  et  l'intensité  sont  insuffisants  pour 
maintenir  la  température  au  d<'gré  limite  et  qui  sont  alimentés  par  une 
conduite  branchée  avant  le  régu'atcur.  Ils  sont,  par  conséquent,  toujours 
en  ignition;  ils  rallument  instantanément  les  brûleurs,  si  ceux-ci  vienuent 
à  s'éteindre,  aussitôt  que  par  l'abaissement  de  la  température  le  régulateur 
donne  de  nouveau  passage  à  une  faible  quantité  de  gaz.  Un  thermomètre 
ordinaire,  dunt  l'échelle  est  visible  au  dehors  de  l'étuve,  per.not  de  cons- 
tater à  tout  moment  la  température. 

Cette  température  qui  est  ordinairement  réglée  à  120  degrés,  peut  être 
à  volonté  portée  à  130  et  HO  degrés;  mais  une  fois  fixée,  elle  est  faci- 
lement njaintenue  à  deux  degrés  près,  pendant  plusieurs  heures.  Jusqu'ici, 
le  fonctionnement  de  l'appared  qui  est  en  service  depuis  six  mois  est 
des  plus  réguUers.  Cependant,  pour  donner  toute  garantie  contre  une 
élévation  excessive  de  température,  dans  le  cas  où  il  arriverait  un  accident 
au  régulateur,  il  sera  établi  dans  l'étuve  un  pyromètre  à  lames  métalliques 
dont  la  dilatation  fermera  progressivement  le  robinet  d'arrêt  du  gaz.  Dans 
ces  lamés  métalliques  sera  intercalée  une  plaque  fusible  dont  la  destruction, 
à  température  limite  de  fusion,  amènera  la  fermeture  complète  de  ce  robinet 
soiis  l'action  d'un  contrepoids. 

La  consommation  du  gaz  ne  dépasse  pas,  dans  cet  appareil,  six  mètres 
cubes  à  l'hpure,  lorsque  le  régime  est  établi;  elle  serait  certainement 
réduite,  si  l'étuve,  qu'on  a  utilisée  telle  qu'elle  existait,  se  trouvait  à 
l'abri  dans  l'intérieur  d'un  bâtiment  et  si  sa  forme  était  plus  appropriée 
à  l'usage  auquel  elle  est  destinée.  L'ouve:  ture  fréquente  de  la  porte  pour 
le  chargement  et  le  déchargement,  dont  la  durée  est  d'environ  cinq  minutes, 
et  qui  abaisse  brusquement  la  température  de  plus   de   23  degrés,   cause 


434  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

une  perte  de  chaleur  considérable,  récupérée  par  un   supplément  de  con- 
sommalion  qui  figure  dans  la  dépense  indiquée  ci-dessus.  » 

Chambre  à  air  chaud  de  M.  Herscher.  —  A  la  suite  des 
différentes  publications  que  nous  avions  faites  sur  la 
désinfection  par  l'air  chaud,  nous  avions  reçu  un  grand 
nombre  de  lettres  de  collègues  nous  demandant  à  quel  type 
d'étuve  il  fallait  donner  la  préférence,  l'administration  hos- 
pitalière de  leur  ville  ayant  consenti  à  la  construction  d'une 
chambre  de  désinfection  dans  l'hôpital.  Sur  notre  propo- 
sition, la  Société  de  médecine  inihlique  et  d'hygiène  pro- 
fessionnelle a  décidé,  en  1881,  la  formation  d'une  com- 
mission chargée  de  présenter  un  modèle  réunissant  tous 
les  desiderata.  M.  Herscher,  l'ingénieur  et  constructeur  bien 
connu,  a  présenté,  au  nom  de  cette  Commission  dont  il 
était  rapporteur,  un  appareil  qui  a  été  approuvé  par  la 
Société  (1)  dans  sa  séance  du  22  juin  1881. 

La  Commission  a  cherché,  avant  tout,  à  assurer  une 
distribution  égale  de  la  chaleur  dans  toutes  les  parties  de 
la  chambre  destinée  à  la  désinfection.  Dans  presque  tous 
les  appareils  construits  jusqu'ici,  le  foyer  est  installé  en 
contre-bas  du  sol,  ce  qui  fait  que  l'air  circule  de  bas  en 
haut.  C'est  le  contraire  qui  doit  avoir  lieu,  si  l'on  veut 
éviter  les  veines  de  température,  parfois  très  inégales,  que 
le  thermo-régulateur  le  plus  exact  ne  pourra  jamais  révéler, 
puisqu'il  n'indique  que  des  moyennes.  Dans  les  séchoirs 
industriels  méthodiquement  installés,  le  chauffage  se  fait 
toujours  par  couches  horizontales  isothermes,  avec  orifice 
d'évacuation  près  du  sol,  correspondant  à  une  cheminée 
de  sortie. 

La  circulation  de  l'air  chaud  de  haut  en  bas  exige  que 


(!)  Des  appareils  à  dJsinfeotionpar  l'air  chaud,  destinés  d  la  purifi- 
cation des  vêtements,  literie,  etc.,  Rapport  fait  au  nom  d'une  Commission 
composée  de  MM.  Marié-Davy,  André,  Hudelo,  Napias,  Rochard,  Vallin,  et 
Herscher,  rapporteur,  Société  de  médecine  publique,  22  juin  1881  [Revue 
d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  juillet  1881,  p.  585. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       455 

les  parois  de  l'étuve  soient  parfaitement  garanties  contre 
le  refroidissement  extérieur.  Il  faut  donc  construire  les  murs 


FiG.  10.  —  Vue  perspective  de  l'étuve  proposée  par  M.  Herscher 
et  adoptée  par  la  Société  de  médecine  publiquu. 


456  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

de  la  chambre  en  briques,  et  les  revêtir  intérieurement  d'un 
parement  en  bois  de  3  à  4  centimètres  d'épaisseur  simple- 
ment juxtaposé.  Les  deux  portes  sont  à  double  paroi, 
fermant  hermétiquement,  avec  bourrelets  en  corde  talquée. 
Pour  éviter  de  surchauffer  la  paroi  de  l'étiive  en  contact 


'm. 

Echelle  de  0.02  p.rm. 


FiG.  n.  —  Intérieur  de  l'étuve. 


LÉGENDE  DES   FIGURES   10  et  11. 


a.  Chambre  de  chauffe. 

h.  Etuve  à  désinfeclion,  garnie  en  bois  intérieurement. 

c.  Rampes  d'allumage,  toujours  ouvertes. 

d.  Rampes  de  chauffage  réglables  par  le  thermomètre  rcgulateur. 

e.  Régulateur  de  température  (système  d'Arsonval,  à  air). 
ë .  Tube  d'air  du  régulateur,  exposé  à  la  chaleur. 

f.  Porte  à  coulisse  pour  l'introduction  de   l'air  nécessaire  au   fonction- 

nement de  l'appareil. 
Q.  Cheminée  d'évacuation  de  l'air  qui  a  traversé  l'étuve. 
ft.  Ecran  de  garantie  en  lôle. 
k.  Chariot  à  pattes  couplées,  avec  traverses  pour  l'accrochage  des  objets 

à  désinfecter. 
/.  Châssis  fixe  en  avant  de  l'étuve  et  portant  des  rails  de  roulement. 
V .  Châssis  analogue  devant  l'autre  porte  de  l'étuve. 
mm.  Cadres  en  bois  pour  accrocher  les  matelas. 


direct  avec  le  foyer,  l'air  est  chauffé  à  la  température  vou- 
lue avant  son  entrée  dans  la  chambre  de  désinfection. 


DESINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.        437 

A  cet  effet,  on  a  ménagé  une  chambre  latérale  de  chauffe, 
séparée  du  reste  de  l'enceinte  par  une  cloison  en  briques 
qui  s'arrête  à  quelques  décimètres  du  plafond.  Dans  cette 
chambre  de  chauffe,  on  peut  installer  soit  une  rampe  de 
becs  de  gaz,  soit  simplement  un  poêle  ordinaire  à  coke,  ou 
mieux  un  calorifère  muni  du  foyer  Perret,  ce  dernier  per- 
mettant de  brûler  du  combustible  de  très  faible  valeur 
d'acquisition  (poussier  de  coke,  menus  de  charbon,  houilles 
maigres,  etc.)  Une  cheminée  d'évacuation  placée  dans 
un  coin  de  la  chambre  de  chauffe,  et  recevant  l'air  par  une 
ouverture  ménagée  à  la  partie  la  plus  inférieure  de  la  cloi- 
son de  séparation,  entraîne  au  dehors  l'air  qui  s'est  chargé 
d'humidité  et  de  souillures  après  avoir  traversé  l'enceinte 
réservée  à  la  désinfection. 

M.  Herscher  croit  que  pour  ces  étuves  à  air  chaud  le 
gaz  d'éclairage  est  de  beaucoup  le  meilleur  moyen  de 
chauffage  ;  on  l'allume  au  moment  précis  où  l'on  en  a 
besoin,  et  les  5,000  calories  que  fournit  chaque  mètre  cube 
de  gaz  brûlé  sont  entièrement  utilisées  au  profit  de  la 
chambre  à  désinfection.  En  outre,  le  gaz  en  brûlant  dé- 
gage une  quantité  considérable  de  vapeur  d'eau,  environ 
600  grammes  par  mètre  cube  de  gaz  brûlé,  et  l'on  sait  que 
l'air  chaud  et  humide  détruit  bien  plus  sûrement  que  l'air 
chaud  et  sec  la  vitalité  des  protorganismes.  Le  gaz  enfin 
permet  seul  de  régulariser  rigoureusement  la  température 
avec  un  thermo-régulateur  automatique. 

Dans  le  cas  où  l'on  n'emploierait  pas  le  gaz  comme 
source  de  calorique,  il  faudrait  ménager  dans  les  parois  de 
la  chambre  des  ventouses  de  ventilation,  afin  de  modérer 
la  température  quand  le  thermomètre  ordinaire,  qu'on 
aurait  fréquemment  consulté,  indiquerait  un  degré  trop 
élevé.  Pour  ne  pas  être  obligé  de  compter  sur  la  vigilance 
d'un  employé  subalterne,  il  serait  possible  sans  doute 
d'installer  un  bon  thermomètre  à  mercure,  actionnant  une 
sonnerie  électrique  placée  à  l'extérieur  quand  la  colonne 


438  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

mercurielle  atteindrait  le  degré  maximum  (-[-  110°  C.) 
au  niveau  duquel  on  fixerait  l'autre  électrode. 

Il  se  fait  d'ordinaire  une  grande  déperdition  de  calo- 
rique lorsqu'il  faut  maintenir  les  portes  del'étuve  ouvertes 
pendant  tout  le  temps  nécessaire  pour  suspendre  ou  reti- 
rer chacune  des  pièces  qu'on  veut  désinfecter.  Pour  éviter 
cet  inconvénient,  M.  Herscher  a  disposé  des  traverses  rou- 
lant sur  des  espèces  de  rails  fixés  en  dehors  de  l'étuve  : 
quand  les  vêtements,  les  matelas  ont  été  attachés  à  ces 
traverses,  on  ouvre  rapidement  la  porte  de  l'étuve,  et  en 
un  instant  on  fait  glisser  ces  traverses  à  l'intérieur  de 
l'enceinte.  Pendant  cette  courte  opération,,  la  température 
ne  baisse  que  d'un  petit  nombre  de  degrés. 

L'étuve  doit  toujours  avoir  d'un  côté  une  porte  d'entrée, 
et  du  côLé  opposé  une  porte  de  sortie. 

La  chambre  d'épuration  a  1"\  50  de  largeur  intérieure, 
2  mètres  de  hauteur  et  2''\  23  de  longueur  ;  on  y  peut  donc 
désinfecter  à  la  fois  plusieurs  matelas.  Si  ceux-ci  ne  sont 
pas  défaits,  et  quand  ils  ne  sont  pas  humides,  un  séjour  de 
4  heures  nous  paraît  suffisant  pour  que  les  parties  centrales 
aient  dépassé  la  température  de  -j-  100°  C.  Sans  défaire 
les  matelas,  ce  qui  entraînerait  une  grande  main  d'œuvre 
et  une  assez  forte  dépense,  il  est  avantageux  sinon  néces- 
saire de  couper  tout  au  moins  les  fils  qui  servent  à  les 
piquer,  et  de  soulever  la  laine  et  le  crin  avec  les  deux 
mains  à  travers  l'enveloppe,  pour  rendre  le  passage  de 
l'air  chaud  plus  facile  et  plus  rapide. 

Pour  les  vêtements  ordinaires,  une  heure  d'exposition 
suffit,  pourvu  qu'ils  ne  soient  pas  trop  humides.  L'étuve 
décrite  cube  G™, 750;  elle  dépenserait  au  maximum  4  à  6 
mètres  cubes  de  gaz  par  heure. 

M.  Herscher  a  calculé  qu'une  étuve  de  la  sorte,  avec  sa 
cour  d'enceinte,  les  constructions  accessoires,  coûterait  au 
moins  7,000  à  8,000  francs.  On  diminuerait  la  dépense 
en  diminuant  la  profondeur  de  l'étuve,  ce  qui  obligerait  à 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       4o!J 

suspendre  les  matelas  en  hauteur  et  non  plus  en  largeur, 
et  en  substituant  des  suspensions  fixes  au  châssis  mobile 
d'accrochage.  On  la  réduirait  encore  en  employant  des 
poêles  à  charbon  au  lieu  du  gaz,  ce  qui  abaisserait  le  prix 
à  2,000  francs  et  peut-être  même  jusqu'à  1,500  francs.  La 
suppression  du  régulateur  de  température  ne  donnerait 
qu'une  économie  insignifiante  (30  à  150  fr.)  et  compro- 
mettrait le  bon  fonctionnement  de  l'appareil. 

Nous  croyons  personnellement  qu'il  y  aurait  avantage 
à  munir  cette  grande  étuve  sèche  d'un  générateur  à  va- 
peur qui  pourrait  être  mobile  sur  le  poêle  placé  dans  la 
chambre  de  chauffe.  On  pourrait  à  un  moment  donné,  au 
cours  de  l'opération,  dégager  pendant  une  demi-heure  un 
fort  jet  de  vapeur  à  -f-  100°  ou  -f-  105°  qui  rendrait  la  dé- 
sinfection beaucoup  plus  sûre  et  plus  rapide.  On  enlève- 
rait ensuite  le  générateur,  et  l'étuve  mixte,  désormais  sèche, 
continuant  à  fonctionner,  enlèverait  toute  l'humidité  de 
l'enceinte  et  des  objets,  sans  que  ces  derniers  aient  pu 
être  altérés. 

Dans  le  groupe  d'étuves  sèches  que  nous  allons  mainte- 
nant décrire,  l'air  se  chauffe  au  contact  de  doubles  parois 
ou  de  larges  tuyaux  circulaires  ou  ovoïdes,  serpentant  le 
long  des  parois  internes  de  l'appareil,  et  dans  lesquels  la 
vapeur  atteint  une  pression  de  2  atmosphères  au  moins  et 
une  température  de  -j-  120°.  La  vapeur,  toutefois,  ne  pé- 
nètre pas  directement  dans  l'étuve  et  n'arrive  pas  en  con- 
tact avec  les  objets  exposés. 

Déjà,  en  1832,  pendant  l'épidémie  de  choléra  qui  régna 
à  Manchester,  le  D--  Henry  (1)  avait  établi  plusieurs  étu- 
ves  de  désinfection  à  l'air  chaud,  qui  quoique  très  simples, 
paraissent  avoir  très  bien  fonctionné,  mais  dont  la  des- 
cription n'est  pas  donnée. 

(l)  D''  Henry,  de  Londres,  Nouvelles  expériences  sur  les  propriétés  dé- 
sinfectantes (les  températures  élevées  [Journal  de  pharmacie  et  des  sciences 
accessoires,  18:32,  T.  XYIII,  p.  229). 


460  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Le  D""  Esse,  qui  a  étudié  particulièrement  ces  questions 
d'hygiène  hospitalière  dans  son  grand  ouvrage,  a  fait  éta- 
bhr  à  l'hôpital  de  Berlin  deux  systèmes  d'étuves  à  désin- 
fection dont  la  description  doit  trouver  place  ici. 

Dans  un  premier  appareil,  deux  cylindres  de  fer  de  di- 
mension un  peu  différente  sont  emboîtés  l'un  dans  l'autre, 
de  telle  façon  qu'un  intervalle  de  quelques  centimètre^  les 
sépare  latéralement  et  à  la  partie  inférieure.  Le  plus  petit 
(diam.  ^  90  c.  ;  haut.  =  4,40),  est  destiné  à  recevoir  les 
vêtements  à  désinfecter  ;  on  les  suspend  au  moyen  de  cro- 
chets disposés  circulaireraent  le  long  de  la  paroi  ;  celle-ci 
est  intérieurement  tapissée  d'un  treillage  en  bois  pour  em- 
pêcher le  contact  avec  la  surface  métallique  surchauffée. 
Ce  cylindre  est  introduit  dans  un  autre  un  peu  plus  grand 
(diam.  =:  1  mètre,  haut.  1,50),  recouvert  à  l'intérieur  de 
douelles  et  de  feutre  pour  éviter  la  déperdition  du  calori- 
que; on  peut  encore  enterrer  ce  cyhndre  dans  le  sol,  de 
telle  façon  que  son  bord  supérieur  soit  à  la  hauteur  d'une 
table,  ce  qui  en  rend  le  maniement  et  l'abord  plus  fa- 
ciles. 

Ces  deux  caisses  sont  hermétiquement  fermées  au  moyen 
d'un  couvercle  assez  compliqué  qui  se  manie  à  l'aide  d'un 
contrepoids.  Dans  l'intervalle  qui  sépare  ces  cyhndres,  on 
fait  arriver  de  la  vapeur  à  une  pression  de  deux  atmo- 
sphères ;  une  soupape  de  sûreté  permet  de  mesurer  exacte- 
ment la  pression,  et  par  conséquent  la  température;  l'air 
contenu  dans  le  cylindre  intérieur  s'élève  en  moins  d'une 
heure  h  ^  HT  C.  L'eau  de  condensation  qui  se  dépose 
entre  les  deux  cylindres  s'écoule  à  l'aide  d'un  tuyau  dans 
le  générateur  de  vapeur,  quand  la  pressioji  devient  moins 
forte  dans  cette  chaudière  que  dans  l'espace  intercylindri- 
que; la  température  se  maintient  avec  une  grande  con- 
stance, pendant  un  temps  très  long;  elle  ne  baisse  que  fai- 
blement et  pendant  très  peu  de  temps  lorsqu'on  est  forcé 
de  soulever  le  couvercle. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       AUl 

Ce  petit  modèle,  qu'on  peut  considérer  comme  une  ébau- 
che du  second,  ne  sert  guère  que  pour  la  désinfection  des 
pièces  d'habillement,  en  particulier  pour  les  habits  des  ga- 
leux ou  des  gens  souillés  de  vermine.  Pour  la  désinfection 
des  matelas,  on  a  construit  une  grande  caisse  en  tôle  de 
8  pieds  de  long  sur  3  1/2  de  large  et  4  de  haut  :  sa  paroi 
interne  est  tapissée  par  les  spirales  assez  rapprochées  d'un 
système  de  tuyaux  en  fer,  de  2  centimètres  1/2  de  dia- 
mètre, dans  lesquels  circule  de  la  vapeur  à  une  pression 
de  deux  atmosphèr.es.  Une  garniture  en  bois  treillage  est 
superposée  à  cette  série  de  tuyaux  parallèles,  dont  la  cha- 
leur élevée  serait  peut-être  capable  d'endommager  légère- 
ment les  objets  suspendus  dans  l'intérieur  de  la  boîte  et 
exposés  à  leur  contact.  L'appareil  fonctionne  à  peu  près 
comme  celui  qui  vient  d'être  décrit,  le  tuyau  en  serpentin 
qui  nous  semble  trop  étroit  remplaçant  le  cylindre  inté- 
rieur ;  il  est  plus  simple,  moins  coûteux  et  on  peut  lui 
donner  les   plus   grandes  dimensions  (1). 

L'appareil  de  Esse  a  un  inconvénient  qu'il  ne  faut  pas 
dissimuler.  Les  cylindres  étant  hermétiquement  fermés, 
l'air  chaud  reste  stagnant  dans  l'intérieur  de  l'étuve,  ce 
qui  rend  tout  d'abord  plus  difficile  la  pénétration  de  la  cha- 
leur dans  les  parties  centrales  des  masses  volumineuses  et 
mauvaises  conductrices,  comme  les  matelas  ou  les  pa- 
quets de  couvertures.  Cet  inconvénient  est  surtout  évident 
quand  les  pièces  sont  humides  ;  l'évaporation  de  l'eau  qui 
imbibe  les  tissus  entretient  pendant  une  partie  de  l'opéra- 
tion un  refroidissement  relatif  des  parties  centrales,  sur- 
tout quand  les  articles  sont  de  gros  volumes  ou  superpo- 
sés. 

C'est  à  cette  influence  qu'il  faut  attribuer  le  résultat 
d'une  des  expériences  de  Ransom  :   un  coussin  de  crin, 


(1)  On  trouvera  ces  deux  étuves  très  clairement  décrites  et  figurées 
dans  le  livre  de  MM.  Rotli  et  Lex,  Handbuch  der  militar.  Gesundlieits- 
pflege;  1872,  t.  I,  p.  504. 


462  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE . 

très  épais,  très  humide,  fut  soumis  dans  son  appareil  à 
la  température  de  -f  1"^^°  G.  ;  au  bout  de  3  heures  20,  le 
crin  était  sérieusement  altéré  par  la  chaleur,  et  cepen- 
dant la  température  centrale  du  coussin  n'avait  pas  dé- 
passé -j-  81"  C.  ;  l'intensité  de  l'évaporation  avait  maintenu 
à  ce  chiffre  modéré  les  parties  centrales  dont  la  désinfec- 
tion était  insuffisante,  quoique  la  température  des  cou- 
ches superficielles  eût  déjà  gravement  altéré  la  matière 
première.  Il  ne  faut  pas  oublier  toutefois  que  c'est  là  un 
cas  exceptionnel,  et  un  coup  d'œil  jeté  sjur  le  tableau  de  la 
page  429  montre  que  la  température  pénètre  d'ordinaire 
plus  facilement  les  parties  centrales  (1). 

Un  renouvellement  rapide  de  l'air  chaud  dans  l'appa- 
reil retarderait  beaucoup  moins  réchauffement  des  parties 
centrales  ;  aussi  l'appareil  d'Esse,  excellent  pour  les  vête- 
ments, doit  désinfecter  plus  difficilement  les  matelas  qu'on 
y  porte  entiers,  sans  les  défaire. 

Ce  défaut  a  été  évité  dans  la  grande  étuve  qui  a  été  éta- 
blie en  ces  dernières  années  à  Vhdpital  de  Moabit,  près 
de  Berlin  (2).  A  la  suite  des  deux  grandes  épidémies  de 
fièvre  récurrente  et  de  typhus  pétéchial  qui  régnèrent  à 
Berlin  en  1813,  on  se  décida,  sur  le  conseil  de  Virchow, 
à  instituer  une  désinfection  sérieuse  ;  on  renonça  définiti- 
vement aux  fumigations  de  chlore  et  d'acide  phénique, 
qui  ne  peuvent  avoir  d'efficacité  réehe  quand  il  s'agit  d'un 
hôpital  de  SOO  lits  ;  on  recourut  à  l'emploi  de  la  chaleur 
sèche.  L'appareil,  établi  sur  le  principe  de  ceux  de  Esse, 
après  avoir  subi  diverses  modifications,  a  été  reconstruit 
en  mars  1879. 


(1)  Voir  à  ce  sujet  la  discussion  qui  a  eu  lieu,  à  la  Société  de  médecine 
publique,  de  notre  mémoire  :  De  la  désinfection  par  l'air  chaud  [Bulletin 
de  la  Société  de  médecine  publique  et  dlvjgiène  professionnelle,  T.  I, 
1877-1878,  p.  231  et  31;^). 

(2)  H.  Merke,  Die  Desinfection-Einrichtung  im  stadtischem  Barracken- 
Lazareth  zii  Moabit  (Borlia)  [Virchoui's  Archiii.,'^i  septembre  1879,  p.  498, 
avec  planches). 


DliSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       mîi 

Des  fondations,  s'élève  une  cliambre  carrée  dont  les 
murs  sont  à  double  paroi  ;  l'externe  a  13  centimètres 
d'épaisseur,  l'interne,  25  centimètres  ;  entre  les  deux  existe 
un  intervalle  de  1  centimètres,  rempli  de  sciure  de  bois 
sèche  et  formant  un  matelas  isolant  pour  empêcher  la  dé- 
perdition du  calorique  intérieur.  Le  fond  de  la  chambre, 
en  ciment  imperméable,  est  également  à  double  paroi  et 
l'intervalle  qui  les  sépare  est  beaucoup  plus  considérable. 
Il  en  est  de  même  du  plafond,  de  sorte  que  l'étuve  repré- 
sente deux  chambres  en  maçonnerie,  emboîtées  l'une  dans 
l'autre,  dans  toute  leur  étendue,  et  séparées  par  une  cou- 
che isolante. 

Les  dimensions  intérieures  utilisables  sont  les  sui- 
vantes :  longueur,  3  mètres  ;  largeur  1"\50  ;  hauteur, 
2"\24,  soit  une  capacité  de  9™", 390.  Cet  édicule  de  3'", 40 
environ  est  surmonté  d'une  cheminée  de  2  mètres  de  hau- 
teur ;  celle-ci  contient  une  valve  métallique  à  contrepoids, 
qui  permet  d'ouvrir  ou  de  fermer  hermétiquement  toute 
communication  avec  l'extérieur. 

L'étuve  est  fermée  par  une  première  porte  intérieure 
en  fer,  de  l",oO  de  hauteur  sur  O'^^IS  de  largeur  ;  une  se- 
conde porte  extérieure,  superposée  à  la  première,  mais 
séparée  par  un  intervalle  de  0"\20  à  0"\30,  assure  l'oc- 
clusion hermétique  et  empêche  la  déperdition  du  calori- 
que. Aux  quatre  angles  du  toit  sont  disposées  de  petites 
cheminées  en  poterie  ou  mitrons;  elles  communiquent 
avec  l'espace  isolant  qui  sépare  les  deux  parois  de  la  cham- 
bre et  empêchent  l'humidité  de  la  sciure  de  bois  qui  rem- 
pHt  cet  intervalle. 

Un  épais  tuyau  de  cuivre,  de  8  centimètres  de  diamètre, 
traverse  la  double  paroi  et  va  à  l'intérieur  s'aboucher  avec 
une  chaudière  à  vapeur  assez  puissante  servant  d'ordinaire 
à  d'autres  usages,  bains,  buanderie.  Ce  large  tuyau,  véri- 
table serpentin,  décrit  tout  le  long  de  la  paroi  interne  de 
la  chambre,  en  bas  et  sur  les  côtés,  un  très  grand  nombre 


46i 


DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 


de  spires  écartées  entre  elles  de  12  centimètres  et  restant 
distantes  de  la  paroi  également  de  12  centimètres.  Cet 


Fig.  12.  —  Étuve  à  désinfeclioii  do  l'hôpital  Moabit,  prés  de  Berlin. 

C.  d.    e.  Intervalle  isolant,    rempli   de    sciure    do   bois,  entre   les  deux 
parois  a  el  b. 

f.  Cheminées  de  ventilation  des  espaces  c. 

g.  Cheminée  do  ventilation  de   l'étuve,  avec  registre  en  h. 

k.  Section  des  tubes  dans  lesquels  circule  la  vapeur  sous  pression. 
M.  Crochets   pour  suspendre  les  effets. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC-       i^ 

écartement  rend  faciles  des  lavages  fréquents  à  grande 
eau,  non  seulement  des  spirales  métalliques,  mais  aussi 
des  murs  de  la  chambre  ;  les  parois  sont  en  ciment  imper- 
méable et  le  fond  est  incliné  en  pente  vers  un  caniveau 
qui  conduit  l'eau  de  lavage  au  dehors.  Le  serpentin  est 
complètement  fermé  et  sans  discontinuité;  aux  points  décli- 
ves se  trouvent  des  robinets  qui  permettent  d'évacuer  au 
dehors  l'eau  de  condensation  qui  pourrait  s'accumuler  dans 
les  tuyaux.  De  chaque  côté  de  la  porte,  un  peu  au-dessus 
du  sol,  l'on  voit  deux  orifices  de  5  centimètres  de  dia- 
mètre qui  font  office  de  ventouses  et  permettent  d'établir 
une  ventilation  très  puissante  dès  qu'on  ouvre  la  plaque 
obturatrice  de  la  cheminée  ;  le  courant  d'air  résultant  de  la 
différence  de  la  température  est  alors  si  violent,  que  des 
feuilles  de  papier  sont  rapidement  entraînées  dans  la  che- 
minée d'évacuation.  A  droite  de  la  porte  se  trouve  un 
«  pyromètre  »  donnant  exactement  la  température  de  la 
chambre,  et  dont  le  cadran  se  trouve  à  l'extérieur. 

Il  est  regrettable  que  le  mémoire  ne  donne  aucun  détail 
sur  la  nature,  le  mécanisme  et  le  fonctionnement  de  ce 
«  pyromètre  »  {sic).  S'agit-il  d'un  thermomètre  à  mercure 
ou  à  un  autre  liquide,  ou  bien  d'un  véritable  pyromètre? 
Rien  surtout  n'indique  qu'il  fonctionne  comme  régulateur 
automatique  de  la  température.  Ici,  d'ailleurs,  ce  doit  être 
la  pression  de  la  vapeur  dans  la  chaudière  ou  dans  le  ser- 
pentin qui  règle  la  température,  et  les  détails  sur  ce  point 
font  presque  complètement  défaut. 

Quand  on  veut  faire  fonctionner  l'étuve,  on  remplit  la 
chambre  d'objets  de  literie  ou  de  vêtements  accrochés  à 
des  tringles  horizontales;  on  ferme  hermétiquement  les 
deux  portes.  Le  tuyau  de  la  machine  à  vapeur  est  ouvert, 
et  celle-ci  circule  sous  pression  dans  l'intérieur  du  serpent- 
tin,  jusqu'à  ce  que  le  «  pyromètre  »  marque  -|-  125"  cen- 
tigrades; cette  température  est  obtenue  au  bout  d'une 
demi-heure  environ  ;  on  la  maintient  à  ce  degré  pendant 

Vallin'.  —  Désinfectants.  .30 


463  DÉSENFECTION  NOSOCOMIALE. 

une  heure  encore.  Durant  la  première  demi-heure,  on  tient 
ouvertes  les  ventouses  inférieures  et  la  plaque  obturatrice 
de  la  cheminée,  afin  de  chasser  rapidement  l'humidité  qui 
se  dégage  des  effets  ou  de  la  literie  (1);  enferme  ces  orifices 
fendant  la  seconde  demi-heure  pour  que  réchauffement 
soit  bien  complet. 

L'opération  terminée,  les  portes  sont  ouvertes,  et  la  tem- 
pérature de  Tétuve  tombe  en  15  minutes  à  -\-  35°  ou 
-f-^O^G.  Quand  on  pénètre  dans  la  chambre,  on  ne  sent  au- 
cune odeur  appréciable.  Deux  heures  suffisent  pour  le  char- 
gement, le  déchargement  de  l'étuve  et  une  opération  com- 
plète de  désinfection.  On  peut  y  porter  à  la  fois  120 
couvertures  de  laine,  ou  les  vêtements  de  60  personnes  ; 
il  est  donc  facile  de  faire  8  à  9  fonctionnements  en  24  heu- 
res, et  un  hôpital  de  1,000  lits  peut  être  desservi  par  un 
seul  appareil. 

En  1813,  pendant  l'épidémie  de  choléra,  en  1876  et  1878 
pendant  l'épidémie  de  typhus  et  de  fièvre  récurrente,  on 
n'observa  pas  un  seul  cas  de  ces  maladies  parmi  le  person- 
nel employé  au  blanchissage,  tandis  que  ces  cas  de  trans- 
mission étaient  autrefois  communs.  On  est  donc  en  droit 
de  penser  que  cette  désinfection  par  la  chaleur  a  détruit  ou 
neutralisé  les  principes  morbides  ou  virulents. 

L'un  des  médecins  de  l'hôpital,  M.  le  D"  Werner,  a  fait 
d'ailleurs  avec  cet  appareil  des  expériences  qui  sont  vrai- 
ment satisfaisantes.  Il  a  imbibé  des  boules  d'ouate  de  liqui- 
des putrides  dans  lesquels  fourmillaient  vibrions  et  bac- 
téries; ces  boules  souillées  furent  enveloppées  et  serrées 
dans  cinq  nouvelles  couches  d'ouate  neuve  ;  le  paquet  ainsi 
préparé  fut  laissé  pendant  une  heure  dans  l'étuve  chauffée 
à  -j-  125°.  Au  bout  de  ce  temps,  les  tampons  d'ouate  furent 

(1)  Nous  nous  demandons  s'il  ne  serait  pas  plus  avantageux  de  fermer 
au  contraire  ces  ventouses  pendant  la  première  heure  de  l'opération,  afin 
d'avoir  un  excès  d'humidité  favorable  à  la  destruction  complète  des 
germes;  les  orifices  de  ventilation  ne  seraient  ouverts  que  pendant  la 
dernièrô  heure,  pour  dessécher  complètement  les  objets. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       467 

déroulés;  ils  étaient  très  secs  à  l'intérieur;  on  les  introdui- 
sit dans  des  flacons  flambés,  remplis  de  liquide  de  culture 
et  au  bout  de  quatre  semaines  ce  liquide  était  resté  stérile, 

L'expérience  paraît  péremptoire,  cependant  Wolffhiigel 
nous  apprend  dans  son  mémoire  publié  en  1881  qu'il  a 
répété  cette  même  expérience  en  présence  de  M.  Merke, 
dans  un  appareil  à  peu  près  identique  ;  au  bout  de  1  h,  1/2 
d'exposition  dans  l'étuve  sèche  chauffée  de  -j-  HOà  -|- 125", 
la  plupart  des  spores  et  bacilles  avaient  conservé  leur 
aptitude  à  se  reproduire.  (Voyez  plus  loin,  p.  487.) 

L'appareil,  tel  qu'il  existe  aujourd'hui  à  l'hôpital  Moabit. 
a  coûté  au  total  2,035  marcks,  soit  2,544  francs.  On  se 
proposait  de  faire  construire,  sur  un  modèle  analogue,  des 
appareils  portatifs  qui  pourraient,  en  cas  d'épidémie,  être 
transportés  aux  foyers  même  de  la  maladie,  et  rendraient 
les  plus  grands  services,  à  la  ville  comme  à  la  campagne, 
contre  la  propagation  de  la  variole,  de  la  scarlatine,  de  la 
diphthérie,  de  la  fièvre  puerpérale. 

Four  à  désinfection  de  Christiansand  (Norvège.).  —  Il 
existe  dans  le  port  de  Christiansand  un  établissement  quaran- 
tenaire,  dans  le  lazaret  duquel  on  a  construit  en  ces  dernières 
années  un  four  de  désinfection  assez  analogue  à  ceux  que 
nous  venons  de  décrire.  Il  est  chauffé  par  la  chaleur  qui 
circule  dans  de  larges  tuyaux  à  section  ovale  et  rangés 
sous  la  sole  même  de  l'étuve.  Celle-ci  est  disposée  de  ma- 
nière à  pouvoir  être  au  besoin  chauffée  directement  à  feu 
nu.  On  se  loue  beaucoup  de  la  facilité  et  del'efficacité  d'em- 
ploi de  cet  appareil. 

Appareils  a  désinfection  par  la  vapeur.  Les  expérien- 
ces toutes  récentes  de  MM.  Koch,  Gaffky  et  Loeffler  ont 
confirmé  l'opinion  que  nous  émettions  dans  notre  premier 
mémoire,  en  septembre  1817,  à  savoir  que  la  chaleur  humide 
doit  être  préférée  à  la  chaleur  sèche  dans  l'établissement 


468  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

des  étuves  à  désinfection.  Nous  avons  vu  p.  426  que, 
d'après  ces  auteurs,  l'exposition  des  parties  les  plus  cen- 
trales des  objets  infectés,  pendant  10  ou  15  minutes,  à 
de  la  vapeur  marquant  +  100"  à  105°  C,  était  suffisante 
pour  détruire  sans  retour  et  sûrement  toute  vitalité  des 
spores  et  toute  virulence. 

La  projection  directe  d'un  jet  de  vapeur  dans  une  en- 
ceinte bien  fermée  contenant  les  objets  suspects  aurait  l'in- 
convénient d'abaisser  immédiatement  la  température  de  la 
vapeur  au-dessous  de -|- 100°,  par  conséquent  de  condenser 
celle-ci  :  non  seulement  la  température  ne  serait  plus  suffi- 
sante'pour  désinfecter,  mais  les  objets  seraient  profondé- 
ment mouillés,  et  il  serait  long  et  difficile  de  les  faire  sécher. 
La  caisse  en  communication  avec  l'alambic,  dont  se  ser- 
vaient MM.  Koch,  Gaffky  et  Lœffler  dans  leurs  expérien- 
ces, avait  tout  au  moins  l'inconvénient  de  laisser  les  objets 
complètement  humides  ou  mouillés  au  sortir  de  l'appareil, 
dans  un  état  où  il  est  impossible  de  les  rendre  à  leurs 
possesseurs.  Il  est  donc  nécessaire,  dans  la  pratique,  de 
pouvoir  terminer  l'opération  par  le  passage  d'un  courant 
rapide  d'air  très  chaud  et  très  sec. 

Nous  ne  connaissons  guère  qu'un  appareil  affecté  spé- 
cialement à  la  désinfection  par  la  vapeur  ;  il  a  été  construit 
par  M.  Washington  Lyon  de  Gornhill,  à  Londres  (1).  C'est 
un  vaste  tonneau  en  fer  forgé,  suspendu  suivant  son  dia- 
mètre horizontal  entre  deux  roues,  ou  sur  deux  supports 
fixés  dans  le  sol  de  telle  sorte  que  le  bord  inférieur  n'est 
distant  du  sol  que  de  quelques  centimètres.  D'après  le 
dessin  que  nous  avons  sous  les  yeux,  ce  tonneau  doit  avoir 
environ  2"', 25  de  profondeur,  et  1™,20  de  diamètre.  Il  est 
intérieurement  revêtu  d'un  véritable  tonneau  en  bois,  de 
dimension  un  peu  plus  petite,  de  manière  à  laisser  entre 

(1)  D.  Paddock  Bâte,  The  disinfection  of  clothing  and  bedding,  [Médi- 
cal Times  and  Gazelle,  10  décembre  1881,  p.  686;  et  Sunitary  Record,. 
15  avril  1881,  p.  373,  et  13  octobre  158,  avec  figures). 


DÉSINFECTION  DES   VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  l'TC.       4ii9 

les  deux  enveloppes  un  intervalle  de  quelques  centimètres. 
Ces  enceintes  se  ferment  toutes  deux  en  môme  temps 
d'une  façon  très  hermétique  au  moyen  d'une  porte  repré- 
sentée par  la  partie  postérieure  du  tonneau.  Une  chau- 
dière allante  pression,  tout  à  fait  indépendante  de  la  cham- 
bre de  désinfection,  envoie  à  l'aide  de  tuyaux  de  raccord 
de  la  vapeur  surchauffée,  à  une  pression  de  28  livres  an- 
glaises par  pouce  carré,  dans  l'enceinte  oîi  l'on  a  disposé 
les  vêtements,  la  literie,  etc.  On  commence  par  dégager 
la  vapeur  dans  l'intervalle  qui  sépare  la  chambre  en  bois 
du  tonneau  métallique,  afin  d'échauffer  les  parois  de  l'é- 
tuve  et  de  diminuer  la  condensation  de  la  vapeur  refroi- 
die. Cet  inconvénient  ne  doit  pas  être  complètement  évité, 
car  des  tuyaux  de  dégorgement  existent  dans  l'étuve  même 
et  dans  l'espace  intermédiaire,  pour  laisser  écouler  les  eaux 
de  condensation. 

Cependant  le  D'"  Bâte  qui  a  vu  fonctionner  l'appareil 
fixe  de  Washington  Lyon  à  Londres  et  qui  s'en  loue 
beaucoup,  ne  paraît  pas  avoir  constaté  cette  condensation, 
ou  plutôt  celle-ci  ne  lui  a  pas  semblé  avoir  d'inconvénients 
pratiques.  Au  contraire,  il  croit  que  la  pression  directe 
de  la  vapeur  et  le  mouvement,  le  renouvellement  de 
celle-ci,  rendent  beaucoup  plus  rapide  la  pénétration  de  la 
chaleur  au  centre  des  gros  objets  à  désinfecter,  tels  que  des 
matelas.  Il  rapporte  quelques  expériences  qu'il  a  faites 
à  ce  sujet  avec  le  D""  Sedgwick  Saunders,  médical  officer 
of  health  pour  la  cité  de  Londres.  Un  matelas,  au  milieu 
duquel  avait  été  placé  un  thermomètre  à  maxima  et  à  mi- 
nima,  fut  porté  dans  l'étuve  à  vapeur  de  M.  Lyon.  Au  bout 
de  quelques  minutes,  la  température  de  l'intérieur  de 
l'étuve  était  de  -f- 127"  C.  Le  matelas  y  séjourna  pen- 
dant 1  heure  et  demie,  et  quand  on  le  retira  le  thermomè- 
tre placé  tout  à  fait  au  centre  marquait  -f  126°  C.  M.  Bâte 
ajoute  qu'on  n'a  jamais  trouvé  les  objets  endommagés  ou 
mouillés,  parce  que  dès  que  la  pression  cesse,  l'eau  qu'ils 


470  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

contiennent  s'évapore  rapidement;  «  les  objets  restent 
donc  presque  secs  »,  ce  que  nous  ne  comprenons  pas 
très  bien.  M.  Bâte  ajoute  que  «  cet  appareil  a  rincoïivénient 
de  coûter  plus  cher  que  les  autres  et  de  nécessiter  pour 
le  faire  marcher  un  employé  habile  et  exercé  ;  mais  la  rapi- 
dité et  la  certitude  d'un  échauffement  suffisant  sont  une 
compensation  suffisante  ». 

Pour  dessécher  rapidement  les  objets  que  la  vapeur  en 
se  condensant  vient  d'humecter,  il  serait  sans  doute  pos- 
sible de  faire  alterner  dans  l'enceinte,  avec  le  jet  de  vapeur, 
un  jet  d'air  brûlé  et  sec,  à  -{-  110°ou  115°,  qui,  en  se  re- 
nouvelant, absorberait  et  entraînerait  toute  l'eau  condensée. 
De  petites  machines  à  vapeur,  munies  d'un  injecteur  Giffard, 
pourraient  servir  à  atteindre  ce  but.  Cette  combinaison 
peut  avoir  des  avantages  quand  il  s'agit  de  désinfecter 
de  grandes  masses  de  matières  peu  susceptibles  :  des  amas 
de  chiffons,  par  exemple,  dans  un  lazaret,  de  grandes  quan- 
tités de  laine  et  de  crin  pour  literie  des  services  publics  ; 
elle  parait  moins  facilement  applicable  aux  conditions  plus 
restreintes  de  la  désinfection  nosocomiale. 

Nous  ne  connaissons  pas  d'appareils  fonctionnant 
actuellement  et  disposés  pour  désinfecter  la  literie  ou  les 
vêtements  par  la  vapeur.  Mais  il  nous  semble  qu'il  serait 
extrêmement  facile  d'utiUser  dans  ce  but  les  divers  modèles 
d'étuves  sèches  que  nous  avons  précédemment  décrits,  en 
particulier  ceux  où  l'air  intérieur  est  chauffé  à  l'aide  de 
vapeur  sous  pression  circulant  dans  des  tuyaux  fermés.  Il 
suffirait  d'établir  sur  un  de  ces  tuyaux  un  robinet  de  déga- 
gement, permettant  à  un  moment  donné  de  remplir  l'en- 
ceinte de  vapeur  à  plus  de  100  degrés,  soit  alors  que  les 
objets  ont  déjà  séjourné  dans  l'air  chaud  et  sec,  soit  au 
moment  même  de  leur  introduction.  Au  bout  de  15  à  45 
minutes,  on  fermerait  le  robinet,  et  les  orifices  de  venti- 
lation ménagés  dans  la  plupart  de  ces  appareils,  en  parti- 
culier dans  celui  de  l'hôpital  de  Moabit,  entraîneraient  de 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       471 

grandes  quantités  d'air  chaud  qui  enlèverait  très  rapide- 
ment toute  l'humidité.  Nous  allons  voir  tout  à  l'heure  que 
dans  le  lazaret  de  désinfection  établi  par  le  docteur  Petruchs- 
ky  à  Stettin,  en  1871,  en  3  minutes  on  séchait  complè- 
tement, dans  un  séchoir  ad  hoc,  les  vêtements  mouillés 
par  l'exposition  pendant  5  minutes  à  de  la  vapeur  à 
-f-lOO"  C.  L'étuve  sèche,  chauffée  au  gaz  ou  autrement 
mais  bien  ventilée  et  dont  nous  avons  décrit  plusieurs 
types,  pourrait  servir  de  caisse  à  désinfection,  en  y 
dirigeant  un  jet  de  vapeur  provenant  du  générateur 
le  plus  élémentaire,  placé  sur  un  simple  fourneau  ;  dans 
une  enceinte  déjà  chauffée  à  -{-  100  degrés,  on  n'aurait 
pas  à  craindre  que  la  température  de  la  vapeur  tombât 
au-dessous  de  -[-100°;  en  ouvrant  les  orifices  de  ventila- 
tion, l'étuve  sèche  transformée  en  séchoir  ferait  en  quel- 
ques instants  disparaître  toute  humidité.  L'on  aurait  ainsi 
une  étuve  mixte,  et  la  possibilité  d'utiliser  avec  un  appareil 
unique  la  désinfection  par  l'air  sec  pour  les  objets  facile- 
ment altérables,  et  la  désinfection  par  la  vaj)eur  à-f-100° 
pour  les  autres. 

Pour  éviter  l'abaissement  delà  vapeur  d'eau  au-dessous 
de  -|-100%  et  en  même  temps  la  nécessité  d'une  pression 
de  la  vapeur  dans  des  chaudières  ou  des  tuyaux  hermé- 
tiques, MM.  Koch,  Gaffkyet  Lœffler  (1)  ont  imaginé  de  dé- 
gager la  vapeur  de  solutions  aqueuses  de  différents  sels. 
Magnus  a  en  effet  démontré  que  la  vapeur  qui  se  dégage 
dans  ces  conditions  est  presque  à  la  même  température  que 
celle  à  laquelle  bout  le  liquide  salin  ;  il  a  vu  que  la  tempé- 
rature delà  vapeur  était -|- 105", 25  C.  quand  l'ébullition 
avait  lieu  à  -j-lOI",  C.  et  -\-i\i\'l  C,  quand  le  point 
d'ébullition  de  la  solution  sahne  était  -{-[HQ".  MM.  Koch, 

(1)  Koch,  Gaffky  et  Lœffler,  Versiiche  ueber  die  Verwerthbarkeit 
heisser  Wasserdûmpfe  zti  Desinfectionszwecken,  (Recherches  sur  la  valeur 
de  la  vapeur  d'eau  bouillante  au  point  de  vue  de  la  désinfection)  in 
Mittheilungen  aus  dem  Kaiserlichen  Gesundheitsamte,  T.  1.,  Berlin,  1881, 
in-4»  ;  p.  321. 


472  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Gaffky  et  Lœffler  se  servent  de  l'appareille  plus  rudimen- 
taire,  contenant  40  litres  d'une  solution  de  sel  de  cuisine 
à  25  0/0.  Dans  l'intérieur  du  chapiteau  de  l'alambic 
sont  disposées  des  tablettes,  sur  lesquelles  on  place  des  pa- 
quets de  vêtements  ou  de  tissus  qui  ont  jusqu'à  40  centi- 
mètres d'épaisseur  et  50  de  longueur.  Au  bout  de  1  heure, 
la  température  à  l'intérieur  du  chapiteau  s'élève  à  -j-92°C., 
au  bout  de  i  h.  1/2  à  -j-97°,  et  10  minutes  plus  tard 
à  -|-99°  C.  Quand  l'appareil  est  en  marche  depuis  2  h.  1/2, 
la  température  reste  presque  indéfiniment  à  -|-100°,  sans 
baisser  d'un  degré.  Au  centre  des  plus  gros  paquets,  la 
température  variait  toujours  de-]-101°à  -1-101°.5,  et  ne 
descendait  jamais  au-dessous.  Il  va  de  soi  qu'il  serait  aisé 
de  diminuer  de  beaucoup  le  refroidissement  de  cette  va- 
peur, dont  la  température  initiale  était  de  -|-  105°  à  110". 
Il  ne  s'agit  évidemment  que  d'un  appareil  rudimentaire 
suffisant  pour  des  expériences  de  laboratoire.  Mais  il  serait 
facile  de  construire,  sur  ce  principe  ingénieux  et  fécond,  de 
grandes  étuves  à  désinfection  qui  pourraient  être  utilisées 
dans  les  établissements  publics. 

APPAREILS  MOBILES.  A  côté  de  CCS  appareils  fixes,  à 
demeure,  nous  devons  en  décrire  quelques  autres  qui  peu- 
vent se  transporter  au  domicile  des  malades  ;  c'est  la  dé- 
sinfection qui  vient  pour  ainsi  dire  au-devant  de  l'individu 
ou  du  matériel  infecté. 

Au  premier  rang  se  place  Vétuve  ambulante  de  Fraser  (1) 
(Fraser's  perambulatory  disinfecting  apparatus).  C'est 
un  fourgon  à  quatre  roues,  traîné  par  un  cheval,  et  à  peu 
près  identique  aux  fours  roulants  (à  pain)  de  l'armée  fran- 
çaise en  campagne.  Un  coup  d'œil  sur  le  dessin  ci-joint 
rend  toute  explication  inutile.  Cette  voiture,  avec  son 
fourneau  par  avance  allumé,  s'arrête  devant  la  porte  des 
maisons  où  l'on  a  signalé  des  maladies  contagieuses  et  la 

(1)  Sanitary  Record,  loco  cilalo,  13  décembre  1880,  p.  208. 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       ATS 

désinfection  se  fait  sur  place  pendant  le  stationnement  de 
la  voiture  qui  reste  attelée. 


FiG.  13.  —  Étuve  ambulante  de  Fraser. 

Un  autre  appareil,  inventé  par  le  D""  Rogers  (1)  d'East 
Retford,  diffère  du  précédent  par  les  détails  d'exécution, 
mais  est  construit  sur  le  même  principe.  Pour  éviter  les 
poussières  dangereuses  qui  peuvent  se  dégager  par  la 
manipulation  du  linge  infecté  soit  dans  la  chambre  du  ma- 
lade, l'escalier,  soit  dans  la  rue  même  où  des  curieux  sta- 
tionneraient autour  de  la  voiture,  on  a  imaginé  le  disposi- 
tif suivant.  On  porte  une  caisse  en  bois,  une  sorte  de 
malle,  dans  la -chambre  du  malade  ;  on  remplit  la  caisse  des 
objets  suspects  ;  on  descend  dans  la  rue  la  malle  fermée 
qui  s'ajuste  exactement  sur  un  orifice  ménagé  à  la  partie 
supérieure  de  la  voiture.  En  tirant  successivement  le  fond 
de  la  malle  qui  est  à  coulisses  et  le  couvercle  qui  ferme 
l'orifice  de  la  voiture,  le  contenu  de  la  malle  tombe  dans 
la  chambre  de  désinfection  par  avance  chauffée.  Quand 
l'opération  est  terminée,  on  ouvre  directement  l'étuve  pour 


(1)  Saniiary  Record,  13  décembre  1880,  p.  208 


474  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

retirer  les  effets  qui  ne  peuvent  être  dès  lors  la  cause  d'au- 
cun danger.  Il  nous  paraîtrait  encore  préférable  de  porter 
dans  le  four  ambulant,  la  malle  remplie  des  objets  souil- 
lés ;  sans  l'ouvrir,  l'opération  serait  peut-être  un  peu  plus 
longue,  mais  le  possesseur  des  objets,  pouvant  conserver  la 
clef  de  la  caisse  pendant  la  durée  de  la  désinfection,  serait 
rassuré  contre  la  chance  de  tout  contact  de  ses  vêtements 
avec  d'autres  plus  malpropres  ou  plus  souillés. 

Dans  rappureil  de  Stobès  etni  Seagrave  de  Londres^ 
traîné  également  par  un  cheval,  le  système  de  chauffage 
est  tout  à  fait  en  dehors  de  la  caisse  désinfectante  ;;  il  est 
placé  entre  le  cheval  et  la  voiture,  à  la  place  occupée  or- 
dinairement par  le  siège  du  cocher.  Un  fourneau  à  coke 
chauffe  une  série  dé  tablettes  horizontales  et  superposées  en 
terre  réfra;Ctaire;  au  moyen  d'un  soufflet  fixe  semblable  à 
un  soufflet  de  forge,  on  fait  traverser  ces  intervalles  dis- 
posés en  zigzag  par  un  courant  d'air  ou  par  de  la  vapeur 
d'eau..  Cet  air  brûlé  ou  cette  vapeur  surchauffée  sont  conduits 
par  un  large  tuyau  à  la  partie  supérieure  de  la  chambre 
désinfectante,  dont  ils  élèvent  la  température  au  degré 
voulu.  Cet  appareil  est  figuré  en  plan  et  en  élévation  dans 
le  Dictionnary  of  sanitary  appliances  de  W.  Eassie  {Sani- 
tary  Record,  1880.) 

L'un  des  appareils  de  Scott  et  Maguire  dont  nous  avons 
déjà  parlé  (p.  446)  est  disposé  sur  roues  et  transportable  à 
la  main  ;  il  se  chauffe  au  gaz  ou  au  charbon.  Ses  dimen- 
sions sont  variables  ;  le  plus  petit  modèle  mesure  0™%671, 
(61X91X'^»21)  '■>  il  P®"*  ^^^®  transporté  au  voisinage  im- 
médiat de  la  chambre  infectée. 

A  ce  point  de  vue,  il  présente  quelque  analogie  avec 
celui  que  M.  le  D""  Albenois,  (1)  de  Marseille,  a  fait  cons- 
truire en  1881  pour  la  désinfection  des  vêtements  des  va- 
rioleux.  A  la  suite  des  épidémies  de  variole  qui  ont  sévi  à 

(/)  Bulletin  mensuel  de  démographie  de  Marseille,  isinvier  1881,  p.  100, 
et  Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  30  avril  1881,  p.  342. 


DÉSINFKGTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       47S 

Marseille  en  ces  dernières  années, le  service  municipal  avait 
décidé  l'incinération  deshardes  souillées  par  les  varioleux; 
une  indemnité  pécuniaire  était  payée  par  la  ville  aux  in- 
téressés. Cette  mesure  resta  sans  efficacité,  parce  que  les 
parents  des  malades  ne  remettaient  que  les  vêtements  hors 
de   service,   et   gardaient    les   vêtements  neufs  quoique 
souillés  par  les  varioleux  ;  en  outre,  on  ne  brûlait  que  les 
vêtements  des  individus  qui  avaient  succombé,  et  nulle- 
ment ceux  des  3/4  des  sujets    atteints  qui   guérissaient. 
C'est  alors  qu'on  recourut  à  la  désinfection,  et  M.  Albenois 
fit  construire  une  étuve  simple,  portative,  efficace.  Elle  se 
compose  d'une  caisse  en  tôle,   garnie  de  bois,  mesurant 
1"\10X1'"X^'"^^-   Au-dessous  de  la  paroi  inférieure,  se 
trouve  un  fourneau  que  l'on  peut  chauffer  au  charbon  de 
bois  ou  au  coke.  La  paroi  inférieure  porte  un  cadre  grillagé 
sur  lequel  on  dispose  les  objets  à  désinfecter  :  entre  la 
paroi  inférieure  et  ce  cadre  se  trouve  une  rigole  remplie  de 
solution  phéniquée  que  la  chaleur  évapore,  de  sorte  que  l'ac- 
tion d'une  vapeur  désinfectante  s'ajoute  à  celle  de  la  cha- 
leur. Un  thermomètre  dont  la  boule  est  à  l'intérieur  de  la 
caisse  et  la  tige  à  l'extérieur,  indique  la  température.  Une 
petite  cheminée  donne  issue  à  la  vapeur  et  aux  émanations 
provenant  des  effets.  L'appareil  ne  coûte  que  400  francs  ;  les 
gardiens  de  la  paix,  chargés  de  la  désinfection,  portent 
l'appareil  à  domicile  et  désinfectent  sur  place  avec  facilité 
les  objets  suspects.  Sans  doute  le  système  est  rudimentaire; 
mais  il  est  simple,   économique,  et  il  permettra  d'intro- 
duire dans  la  population  les  habitudes  de  désinfection,  qui 
sont  encore  si  peu  répandues  dans  notre  pays.  ^ 

Au  cours  de  la  discussion  qui  eut  lieu  au  congrès 
allemand  d'hygiène  publique  à  Stuttgard,  le  16  septem- 
bre 1879,  le  D'  Heussner  (1)  préconisa  un  moyen  extrème- 

(1)  D--  Franz  Hofmann,  Ueber  DesinfecHonsmaasregeln  ;  Bericht  der 
Auschusses  iiber  die  siebente  Versammlung  der  deiilschen  Vereins  fur 
{ôffentliche  Gesundheitspflege  z-u  Stuttgart  von  15  bis  17  seplember  1879, 
Deutsche  Viertelj.  fur  âff  Gesundh.  T.  XII,  1880,  p.  41  à  53). 


470  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

ment  simple,  qu'on  emploie  avec  succès  depuis  longtemps 
à  l'hôpital  de  Barmen  pour  désinfecter  la  literie  et  les  vête- 
ments souillés.  On  introduit  tous  ces  objets,  même  les  ma- 
telas, dans  une  grande  cuve  en  bois  munie  d'un  cou- 
vercle, et  l'on  projette,  à  l'aide  d'un  tuyau,  de  la  vapeur 
au  centre  de  la  cuve.  Au  bout  de  quelque  temps  {uach 
einiger  Zeit),  on  retire  tous  ces  effets,  et  l'on  ne  saurait 
croire,  dit  l'auteur,  avec  quelle  rapidité  ils  deviennent  secs. 
Il  est  regrettable  que  Heussner  ne  dise  pas  plus  précisé- 
ment combien  de  temps  dure  l'opération  complète,  quelle 
température  atteint  le  centre  des  objets  exposés,  et  quelle 
preuve  on  a  que  la  désinfection  a  été  bien  réelle. 

Lazarets  de  désinfection.  Il  ne  suffît  pa-^  '  adopté 

un  type  d'étuve,  il  faut  l'aménager.  ^  ction- 

nement,  la  garnir  de  ses  acc'^  talla- 

tion  complète  qui  mé»"'''  nfec- 

tion. 

Dans  les  Iles  Brit  .  hui  dans 

presque  toutes  les  gr  ans  beaucoup 

de  petites,  des  institu  poration  disinfec- 

ting  Stations,  affectées  au  oervice  public  de  la  commune. 
Indépendamment  de  l'étuve  réservée  à  l'hôpital,  on  a  établi 
dans  un  quartier  reculé  de  la  ville  un  véritable  lazaret  de 
désinfection.  Lorsque  l'officier  sanitaire  est  informé,  par 
la  déclaration  de  la  famille,  du  logeur  ou  du  médecin  trai- 
tant, de  l'existence  d'une  maladie  transmissible  dans  une 
maison  particulière,  il  visite  les  locaux  et  prescrit  des  me- 
sures d'isolement  et  d'assainissement,  parmi  lesquelles  la 
désinfection  du  linge,  de  la  literie,  des  vêtements  qui  ont 
servi  au  malade,  est  de  rigueur.  Dans  certains  cas,  cette 
désinfection  est  faite  d'office,  mais  souvent  aussi  les  inté- 
ressés, les  parents,  envoient  tout  ce  matériel  suspect  à  la 
station.  La  rétribution  est  minime,  parfois  gratuite,  et  le 
service  est  assuré  avec  la  même  régularité  que,  chez  nous, 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       477 

celui  de  la  voirie,  ou  plutôt  des  bains  et  lavoirs  munici- 
cipaux.  Nous  avons  sous  les  yeux  les  noms  de  plus  de 
vingt-cinq  communes  (Corporations)  où  cette  institution 
fonctionne  ;  à  Londres,  il  existe  quatre  ou  cinq  stations  de 
ce  genre.  M.  le  D""  Bâte  nous  apprend  que  sur  ol  paroisses 
qui  ont  un  service  sanitaire  organisé,  44  possèdent  des 
appareils  spéciaux  de  désinfection  pour  les  vêtements  et 
la  literie. 

Comme  exemple  de  cette  installation  en  Angleterre, 
nous  donnons  la  description  de  la  station  municipale  de  dé- 
sinfection de  Nottingham  {Public  disinfecting  station  for 
ISottinghani  borough)  dont  M.  le  D''  Ransom  a  bien  voulu 
nous  adresser  le  dessin. 

La  station  se  compose  d'une  enceinte  de  18  mètres  de 
longueur  sur  7"",  5  de  largeur.  A  gauche  et  à  droite  se 
trouvent  deux  cours,  avec  remises  pour  les  voitures  de 
transport,  et  ayant  chacune  environ  6  mètres  de  largeur, 
sur  l"",  5  de  profondeur.  Au  mur  de  séparation  des  deux 
cours  s'appuie  un  petit  pavillon,  contenant  un  fourneau 
pour  brûler  le  contenu  des  paillasses  souillées  ou  les  objets 
de  peu  de  valeur  qui  ne  valent  pas  la  peine  d'être  désin- 
fectés. Au  milieu  de  l'enceinte  s'élève  le  bâtiment  de  l'é- 
tuve;  celle-ci  est  au  centre,  elle  ouvre  à  droite  et  à  gauche 
sur  deux  chambres  servant  de  vestiaires  et  ayant  chacune 
environ  4°\  5  de  côté.  L'ensemble  se  compose  donc  de 
deux  moitiés  symétriques,  absolument  distinctes  et  indé- 
pendantes ;  à  gauche  arrivent  le  linge  et  la  literie  sus- 
pects; à  droite,  ils  sortent  purifiés.  La  seule  communica- 
tion a  Heu  par  l'intérieur  de  l'étuve,  qui  est  constamment 
chauffée.  Des  fourgons  fermés  vont  chercher  le  matériel 
contaminé  chez  les  particuliers  ou  dans  les  établissements 
publics  (prisons,  dépôts  de  mendicité,  asiles  de  nuit,  etc.j  ; 
les  employés  exclusivement  affectés  au  service  de  l'arrivée 
entrent  par  la  porte  de  gauche,  déchargent  les  colis  sur  les 
étagères  dans  la  chambre  qui  précède  l'étuve,  et  remisent 


4~8  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

leurs  voitures  sous  un  hangar  fermé  au  fond  de  la  pre- 


mière cour.  Les  objets  sont  successivement  enfournais  par 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       479 

la  porte  d'entrée  de  l'étuve.  Au  bout  de  quelques  heures, 
les  employés  du  service  de  départ  ouvrent  de  leur  côté  la 
porte  de  sortie  de  l'étuve,  et  disposent  les  objets  dans  le 
vestiaire  ;  puis,  des  voitures  remisées  dans  la  deuxième 
€our  et  consacrées  exclusivement  aux  transports  vont 
restituer  ce  matériel  purifié  à  leurs  propriétaires. 

On  peut  dire  que  ce  système  si  simple  ne  laisse  rien  à 
désirer  ;  il  est  probable  qu'on  lave  de  temps  en  temps 
avec  des  liquides  désinfectants  les  voitures  qui  vont  cher- 
cher et  apportent  le  matériel  contaminé. 

Il  faut  insister  sur  la  nécessité  de  munir  toute  étuve  de 
deux  portes  opposées,  l'une  servant  à  enfourner,  l'autre  à 
défourner  les  objets  en  traitement.  Cette  indépendance 
absolue  du  service  d'arrivée  et  du  service  de  départ  s'im- 
pose, elle  doit  se  traduire  par  un  personnel  et  un  matériel 
erttièrement  distincts,  n'ayant  aucune  communication  et  ne 
pouvant  jamais  dans  la  même  journée  passer  d'un  des 
deux  services  à  l'autre.  La  commission  de  la  Société  de 
médecine  publique  en  1881  a  particulièrement  insisté  sur 
cette  séparation  des  services,  et  M.  Herscher  n'a  pu  faire 
mieux  que  de  reproduire  presque  tous  les  détails  du  lazaret 
anglais,  dans  le  modèle  qu'il  a  figuré  dans  son  rapport  et 
que  la  Société  a  adopté. 

A  la  suite  d'un  rapport  de  MM.  Pasteur  et  Colin  au  Con- 
seil d'hygiène  et  de  salubrité  de  la  Seine  (11  juin  1881), le 
Préfet  de  police  a  prescrit  la  création  à  Paris  d'un  certain 
nombre  de  postes  ou  lazarets  municipaux  de  désinfection 
munis  d'étuves  chauffées  à  la  vapeur,  à  régulateur  auto- 
matique, et  élevant  la  température  intérieure  entre  100 
et  110  degrés  sur  l'un  des  modèles  que  nous  avons  pré- 
cédemment décrits.  A  l'heure  où  nous  écrivons  ces  lignes 
ce  projet  est  en  pleine  voie  d'exécution,  mais  aucun 
poste  n'est  encore  en  fonctionnement,  et  il  nous  est  impos- 
sible d'en  donner  une  description  de  visu. 

Nous  devons  ici  une  mention  spéciale  au  lazaret  de  dé- 


480  DÉSINFECTION  NOSOGOMIALE. 

sinfection  que  M.  le  D'  Petruchsky  (1)  a  établi  à  Stettin  en 
4870-11,  pendant  l'épidémie  de  variole  qui  sévissait  sur  les 
troupes  et  les  prisonniers  réunis  en  grand  nombre  dans 
cette  place.  La  disposition  était  telle  que  le  corps  et  les 
vêtements  de  l'homme  étaient  désinfectés  en  même  temps 
et  d'une  façon  complète. 

L'appareil  de  désinfection  (/7{/ 15)  proprement  dit  se  com- 
posait d'une  chaudière  à  vapeur  remplie  d'eau  phéniquée  : 
la  vapeur  chargé  d'acide  phénique  pénétrait  dans  un  vaste 
cylindre  métallique  B,  où  l'on  plaçait  les  habits  du  soldat  :  en 
une  minute,  ces  vêtements  étaient  profondement  humec- 
tés, pénétrés  par  une  chaleur  égale  au  moins  à  100°,  et 
par  l'acide  phénique  ;  au  bout  de  2  minutes,  on  les  reti- 
rait de  l'un  de  ces  cylindres  et  on  les  passait  rapidement 
dans  une  étuve  sèche  (12),  chauffée  au  gaz  ;  au  bout  de  3 
à  4  minutes  la  dessication  était  parfaite.  Pendant  ce 
temps,  le  soldat  après  s'être  déshabillé  dans  une  cham- 
bre voisine  de  l'entrée,  avait  passé  sous  une  forte  dou- 
che ou  pluie  d'eau  chaude  alcaline  ou  phéniquée  ;  au  sor- 
tir de  la  douche,  on  lui  rendait,  par  une  lucarne  située 
dans  la  chambre  destinée  à  se  rhabiller,  les  vêtements 
laissés  5  minutes  auparavant  au  vestiaire  et  qu'on  avait  eu 
déjà  le  temps  de  désinfecter  et  de  sécher.  Après  un  court 
séjour  dans  une  chambre  à  peine  chauffée  (8),  l'homme 
sortait  définitivement  du  lazaret  ;  16  hommes  et  leurs  vête- 
ments pouvaient  ainsi  être  désinfectés  à  la  fois,  et  l'opé- 
ration ne  durait  pas  plus  de  10  minutes  pour  l'escouade. 
Cette  installation,  improvisée  dans  des  circonstances  épi- 
démiques  spéciales  pour  toute  une  garnison,  a  fonctionné 
à  la  satisfaction  générale,  et  cet  exemple  mérite  d'être  re- 
tenu et  imité..  Le  dispositif  adopté  est  excellent  et  peut 
servir  de  modèle  pour  les  établissements  de  ce  genre  . 

(1)  W.  Rolh  und  Lex,  Ilandbiich  der  militur  Gesundheitspflege,  T.  1, 
p.  544,  planche  I. 


DÉSINFECTION  DES^VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       481 


Mètres 


Fig.  15.  Lazaret  de  désinfection   établi  à  Stetlin  en  1871, 
par  le  D""  Petruschky. 

1.  Poste  de  garde.  —  2.  Cabinet  du  médecin.  —  3  et  4.  Gardiens.  — 
o.  Salle  où  les  hommes  se  désliahillent.  —  6.  Salle  de  douches  chauffée, 
avec  chaudière  et  serpentin  en  cuivre.  —  7.  Salle  où  les  hommes  se  rha- 
billent. —  8  Salle  d'altentô  à  température  fraîche.  — 9.  Poste  et  sortie. 
—  11).  Salle  des  visites  médicales.  -  11.  Étuves  à  vapeur  figurées 
en  B.  —  12.  Étuve  sèche  pour  sécher  les  vêtements  au  sortir  des  chau- 
dières à  vapeur. 


Vallix.  —  Désinfectants. 


31 


182  DtÉSINFECTIOJ*  NOSOtOMlALET.. 


?  II.  ACIDE  SULFUREUX. 


Nous  avons  déjà  dit  que,  malgré  certaines  expériences; 
contradictoires  de  Schotte  et  Gartner,  de  Koch  et  Gustave 
Wolffhiigel,  la  dose  de  2.0  grammes  de  soufre  brûlé  par 
mètre  cubenous-paraît,  en  général,  suffisante  pour  détruire 
les  miasmes  et  la  plupart  des  principes  suspects  ;  la  dose 
de  30  grammes  et  au  delà  n'est  nécessaire  que  dans  des 
cas  exceptionnels,  quand  la  virulence  est  réelle.  Nous  de- 
vons rechercher  ici  quelle  est  l'action;  de  l'acide  sulfureux, 
produit  de  la  combustion  du  soufre,  sur  les  tissus  et  les 
parties  accessoires  des  vêtements,  les> boutons  métalliques,, 
garnitures,  etc.  Nous  avons  fait  surce- point  un  grand  nom- 
bre d'expériences  dont  nous  donnerons  ici  le  résumé  : 
ces  expériences  étaient  faites  dans  une  chambre  cubant 
50  mètres,  bien  close  et  servant  habituellement  à  la  désin- 
fection du  matériel  d'un  grand  hôpital. 

Action  sur  la  couleur  et  la  résistance  des  tissus.  — 
Des  bandes  de  toile,  de  coton,  de  drap  d'uniforme  (bleu, 
gris,  rouge),  de  flanelle,  de  couvertures  de  laine,  furent 
déchirées  dans  une  même  pièce  ;  la  moitié  de  chaque  bande 
fut  soumise  aux  fumigations  sulfureuses.  Une  moitié  de 
chaque  bande,  laissée  intacte,  fut  soumise  à  des  tractions 
à  l'aide  d'un  dynamomètre,  et  l'on  inscrivit  le  nombre  de 
kilogrammes  sous  l'effort  desquels  elle  se  rompait.  L'autre 
moitié  de  la  même  bande  était  soumise  aux  fumigations 
sulfureuses,  soit  à  l'état  sec,  soit  après  avoir  été  trempée 
dans  l'eau  ;  au  bout  de  48  heures  d'exposition,  on  mesu- 
rait la  traction  nécessaire  pour  amener  la  rupture. 

Ces  expériences  furent  faites  successivement  après  avoir 
brûlé  50  grammes,  30  grammes,  et  15  grammes  de  sou- 
fre par  mètre  cube.  Nous  croyons  inutile  de  reproduire  ici 
pour  chaque  espèce  de  tissu  et  pour  chaque  dose  de  soufre 
les  chiffres  que  nous  avons  relevés.  Il  suffit  de  dire  que 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       483 

nous  n'avons  pas,  contrairement  à  notre  attente,  relevé  la 
moindre  différence  dans  la  résistance,  même  après  avoir 
exposé  le  tissu  à  une  atmosphère  où  l'on  avait  brûlé 
50  grammes  de  soufre  par  mètre  cube.  Il  n'y  eut  de  même 
aucune  différence  entre  les  bandes  sèches  et  les  bandes 
mouillées. 

Il  n'est  pas  douteux  qu'en  employant  des  doses  de  sou- 
fre beaucoup  plus  considérables,  nous  serions  arrivé  â  dé- 
truire la  solidité  des  tissus  ;  mais  nous  n'avons  pas  voulu 
dépasser  les  doses  usitées  dans  la  pratique  de  la  désinfec- 
tion. 

Les  résultats  furent  un  peu  différents  en  ce  qui  concerné 
la  décoloration.  Il  est  inutile  de  parler  ici  de  l'action  de 
l'acide  sulfureux  sur  les  tissus  de  soie,  de  coton  et  de  fil  : 
quand  ces  tissus  sont  teints  et  surtout  mal  teints,  l'acide 
sulfureux  en  altère  la  couleur;  cela  est  évident,  puisque  cet 
acide  sert  journellement  dans  l'industrie  à  blanchir,  à  dé- 
colorer les  tissus.  La  soie  résiste  mieux  que  le  coton,  peut- 
être  parce  qu'elle  reçoit  d'ordinaire  des  teintures  plus 
soignées.  Quand  les  étoffes  sont  humectées  d'eau,  la  dé- 
coloration est  notablement  plus  marquée. 

Nous  avons  de  préférence  multiplié  les  expériences  sur 
les  tissus  de  laine,  en  particulier  sur  les  draps  d'uniforme 
usités  dans  l'armée. 

Pour  les  draps  d'uniforme,  de  couleur  bleue  et  grise, 
qu'ils  aient  été  secs  et  mouillés,  et  même  avec  la  dose  de 
50  grammes  de  soufre  par  mètre  cube,  il  n'est  pas  possible 
de  distinguer  les  bandes  exposées  au  soufre  de  celles  qui 
ont  été  conservées  comme  échantillons. 

Qudnd  au  drap  rouge  garance,  il  n'y  a  pas  de  différence 
appréciable  après  exposition  pendant  48  heures  à  la  dose 
de  15  grammes,  à  l'état  sec  ou  à  l'état  mouillé. 

Lorsque  la  dose  de  soufre  a  atteint  30  grammes,  les 
bandes  humectées  ont  déjà  une  teinte  plus  crue,  un  peu 
jaune,  qui  permet  de  les  reconnaître;  quand  le  drap  est 
resté  sec  la  différence  n'est  pas  appréciable. 


484  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Il  en  est  tout  autrement  à  la  dose  de  50  grammes  :  la 
bande  de  drap  garance  mouillée  prend  une  teinte  rouge 
jaune  fort  déplaisante  et  la  confusion  n'est  pas  possible  à 
première  vue  :  si  le  drap  est  resté  sec  la  différence  est  moins 
évidente,  mais  elle  est  très  nette  et  l'hésitation  est  difficile. 
L'odeur  des  objets  de  laine  soufrés  n'est  persistante 
et  désagréable  que  pour  les  couvertures  de  laine  ;  les  draps 
perdent  plus  facilement  cette  odeur. 

Action  sur  les  métaux.  Les  boutons  en  cuivre  des  tuni- 
ques d'uniforme  ont  pris  une  teinte  brune  des  plus  pro- 
noncées et  qui  ne  disparaissait  que  par  un  fourbissage  com- 
plet. 

Pettenkofer,  dans  des  expériences  faites  en  1817  pour 
le  gouvernement  allemand,  a  noté  que  les  métaux  brillants, 
excepté  l'argent,  n'étaient  pas  altérés  par  les  fumigations 
au  soufre.  Nous  avons  obtenu  un  résultat  tout  différent. 
Des  instruments  de  chirurgie  en  acier  poli  (bistouris,  ci- 
seaux^, ont  été  laissés  dans  la  chambre  à  désinfection  par 
le  soufre;  ils  ont  pris  une  teinte  grisâtre  ou  noirâtre  et 
un  aspect  terne  rappelant  la  rouille.  Dans  la  salle  de  désin- 
fection, les  supports  en  fer,  les  verrous  des  portes,  les  clous, 
sont  couverts  de  rouille  et  dans  un  état  de  dégradation 
manifeste.  Cette  altération  est  d'autant  plus  marquée  que 
l'air  était  plus  humide;  l'oxydation  du  fer  continue  et 
augmente  longtemps  après  que  les  opérations  de  désinfection 
sont  terminées.  Cette  action  est  due  évidemment  à  l'acide 
sulfurique  qui  tend  à  se  former  pendant  la  combustion  du 
soufre,  par  l'oxydation  de  l'acide  sulfureux.  Les  expérien- 
ces que  nous  avons  faites  avec  M.  Marty  (p.  245)  démon- 
trent en  effet  que  la  quantité  d'acide  sulfurique  engendré 
est  considérable:  c'est  là  certainement  un  des  inconvé- 
nients de  la  désinfection  par  le  soufre. 

Nous  avons  ^'nulu  voir  quelle  était  la  diffusibilité,  la 
force  de  pénétration  des  vepeurs  sulfureuses,  si  ces  vapeurs 
pouvaient  atteindre  les  parties  les  plus  reculées  des  paquets 


DESINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  HTEÎ\IE.  ETC.       485 

volumineux.  Gartner  et  Schotte  avaient  tire  de  leurs  ex- 
périences cette  conclusion  que  la  désinfection  est  très  diffi- 
cilement obtenue  quand  les  tissus  sont  épais,  poreux,  peu 
accessibles  à  l'air.  Nous  n'avons  pas  reproduit  les  expé- 
riences de  ces  auteurs,  qui  s'assuraient  du  résultat  de  la 
désinfection  par  la  faculté  que  conservaien  les  tissus 
exposés  de  pouvoir,  au  sortir  de  la  fumigation,  inoculer 
les  bactéries  dont  ils  avaient  été  précédemment  imprégnés 
à  des  liquides  de  culture  préparés  aseptiquement.  Nous 
avons  été  arrêté  par  la  difficulté  d'une  telle  étude  et  par 
cette  considération  qu'il  ne  faut  pas  juger  trop  rigoureuse- 
ment des  résultats  à  obtenir,  au  point  de  vue  de  l'hygiène 
pratique,  par  la  manière  dont  se  comportent  les  protorga- 
nismes  quelconques  de  la  putréfaction  dans  un  bouillon 
d'épreuve.  Nous  avons  montré  que  la  dose  de  soufre  de 
20  à  30  grammes  par  mètre  cube,  en  brûlant,  détruit 
l'inoculabilité  des  virus  morveux  et  vénérien  frais,  etc.  ; 
nous  avons  alors  recherché  si  les  vapeurs  sulfureuses  pé- 
nétraient les  parties  les  plus  profondes  des  objets  exposés. 

Des  carrés  de  papier  bleu  de  tournesol  ont  été  enfermés 
dans  des  enveloppes  gommées  et  cacheté/^s  ;  celles-ci  ont 
été  portées  au  centre  de  matelas  recousus  exactement  apèrs 
l'insertion;  d'autres  ont  été  laissées  au  centre  de  traversins 
et  d'oreillers  de  plumes,  les  uns  suspendus  par  un  angle, 
d'autres  superposés  au  nombre  de  trois;  d'autres  enfin 
ont  été  placées  au  milieu  de  couvertures  de  laine  pliées  en 
32  plis,  reposant  à  plat  sur  une  table. 

Dans  la  chambre  cubant  46  mètres,  toutes  les  issues  étant 
bien  fermées,  nous  avons  fait  brûler  dans  5  plateaux  en 
fer  au  total  2  kilogr.  300  gr.  de  soufre,  soit  50  grammes 
par  mètre  cube.  Au  bout  de  48  heures,  la  chambre  fut 
ouverte;  tout  le  soufre  était  brûlé,  il  n'en  restait  aucune 
trace. 

Le  papier  de  tournesol  avait  dans  tous  les  cas  passé  au 
rose  vif,  ce  qui  prouve  que  l'acide  sulfureux  avait  pénétré 


486  DESINFECTION  NOSOCOMIÂLE. 

au  centre  même  des  matelas  et  des  traversins  superposés. 
Le  même  résultat  fut  obtenu  dans  plusieurs  expériences 
semblables. 

Il  fut  également  obtenu  en  ne  brûlant  que  15  grammes  de 
soufre  par  mètre  cube,  et  cependant,  dans  un  de  ces  der- 
niers cas,  le  papier  bleu  de  tournesol  avait  été  placé  dans 
une  enveloppe  de  lettre  bien  cachetée  ;  celle-ci  avait  été 
fortement  roulée  et  serrée  dans  une  pièce  d  ouate,  puis 
enveloppée  dans  un  grand  carré  de  drap  bleu  d'uniforme 
roulé  et  serré  fortement  avec  une  corde  ;  ce  paquet  avait 
été  porté  au  centre  d'un  traversin  ;  et  celui-ci,  après  avoir 
été  recousu,  avait  été  placé  sur  une  table  et  recouvert 
d'un  oreiller  rempli  de  plumes.  Malgré  tous  ces  obstacles 
à  la  pénétration  du  gaz,  ce  papier  fut  trouvé  d'un  rose  vif. 

Les  vapeurs  d'acide  sulfureux  sont  donc  très  diffusibles, 
très  pénétrantes  et  l'on  peut  à  la  rigueur  purifier  des  matelas 
et  des  traversins  sans  être  obligé  de  les  défaire,  ce  qui  est 
un  avantage  précieux  au  point  de  vue  de  la  rapidité  et  de 
l'économie. 

Nous  devons  toutefois  reconnaître  que  ces  expériences 
ont  été  tout  récemment  reprises  par  leD''G.  Wolffhiigel  (1), 
et  qu'elles  ont  donné  des  résultats  beaucoup  moins  satis- 
faisants. 

L'auteur  opérait  sur  des  balles  de  chanvre  et  de  lin  qui 
avaient  été  comprimées  à  la  presse  hydraulique,  puis  desser- 
rées ;  quand  on  se  contentait  de  faire  brûler  15  grammes  de 
soufre  par  mètre  cube  d'espace,  au  bout  de  6  heures  l'acide 
n'avait  pas  pénétré  les  parties  profondes,  ce  qui  peut  à  la 
rigueur  se  comprendre.  En  opérant  sur  des  paquets  de  vê- 
tements en  drap,  de  flanelle,  d'ouate,  de  30  à  60  centimè- 
tres de  diamètre,  l'action  destructive  pénétrait  difficilement 


(1)  Wolffhiigel,  Ueber  deii  Werth  der  schivefligen  Sauve  als  Desinfec^ 
tionsmiltei  [Mittheilungen  aus  dem  Kaiserlicheii  Gesundheitsamte;  Berlin, 
1881,  T.  1,  p.  22-i,  et  Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  mars  1882, 
p.  239). 


DÉSINFECTION  DES  TÉTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       487 

au  centre  des  paquets;  même  au  bout  de  6  heures,  les  spo- 
res placées  en  ces  points  pouvaient  après  l'opération  ense- 
mencer des  liquides  de  culture.  Nous  rappelons  quel'auteur 
expérimentait  surtout  sur  les  spores  de  la  terre  de  jardin,  le 
bacillus  subtilis  du  foin,  etc.^  c'est-à-dire  sur  les  éléments 
dont  la  résistance  aux  agents  de  destruction  est  extrême, 
qui  ne  sont  pas  tués  par  l'ébullition  prolongée  pendant 
plusieurs  heures,  et  qui  ont  fait  très  longtemps  le  déses- 
poir de  Tyndall,  de  Pasteur,  de  Panum,  et  de  tous  ceux 
qui  ont  étudié  expérimentalement  la  génération  dite  spor 
tanée.  Ces  spores  de  la  terre  de  jardin,  du  bacillus  sublUis, 
résistent  à  ce  point,  que  Wolffliiigel  ne  réussissait  pas  à  les 
stériliser,  même  après  une  exposition  de  93  heures  dans 
une  atmosphère  contenant  jusqu'à  10  pour  100  d'acide 
sulfureux  (en  volume),  c'est  à  dire  dans  le  produit  de  la 
combustion  de  plus  de  140  grammes  de  soufre  par  mètre 
cube  d'espace!  On  pourrait  dire  de  la  même  façon  que  l'é- 
bullition prolongée  dans  l'eau  est  incapable  de  désinfecter 
des  vêtements  souillés,  parce  que  les  spores  charbonneuses 
ont  pu  résister  à  cette  ébullition;  faut-il  pour  cela  nier  l'ac- 
tion désinfectante  de  l'eau  bouillante? 

Nous  ne  craignons  pas  de  dire  que  malgré  ces  excep- 
tions et  des  inconvénients  (rouille  des  objets  en  fer,  colo- 
ration noire  du  cuivre  et  de  l'argent,  altération  faible  des 
tissus  teints,  de  coton,  de  fd  et  même  desoie;  décoloration 
des  draps  d'uniformes  par  les  doses  très  élevées),  malgré 
ces  inconvénients,  l'acide  sulfureux  est  un  désinfectant 
puissant  et  d'un  emplo-i  facile  ;  il  donne  moins  de  sécurité 
que  la  chaleur  et  que  la  vapeur  portées  à  plus  de  100  de- 
grés ;  il  est  bien  des  circonstances  oîi  il  ne  peut  remplacer 
cette  dernière,  et  réciproquement;  mais  il  vient  au  second 
rang,  immédiatement  après  elle,  et  l'hygiéniste  serait 
désarmé  s'il  rejetait  ce  précieux  agent  sous  le  prétexte  qu'il 
n'est  pas  infaillible. 


488  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

g  III.  —  CHLORE,    CHLORURES,  ETC. 

Nous  ajouterons  peu  de  chose  à  ce  que  nous  avons  déjà 
dit  du  chlore.  Ce  gaz  altère  profondément  les  étoffes  aux 
doses  que  l'expérimentation  a  montrées  capables  de  neu- 
traliser les  virus.  Nous  rappelons  le  résultat  auquel  est  ar- 
rivé le  D'  0.  Doremus,  à  New- York  ;  la  désinfection  avait 
été  si  bien  faite,  et  le  dégagement  de  chlore  avait  été  si 
abondant,  que  les  draps  abandonnés  sur  les  lits  tombaient 
en  écailles  au  moindre  attouchement!  On  est  donc  placé 
entre  ces  deux  alternatives  :  ne  pas  détruire  les  principes 
infectants,  ou  détruire  les  tissus. 

M.  le  professeur  Regnault  (1),  rapporteur  de  la  sous- 
commission  de  désinfection  à  l'Assistance  publique  en 
1866,  a  montré  que  l'hypochlorite  de  chaux  est  préférable 
au  mélange  de  bioxyde  de  manganèse  et  d'acide  chlorhy- 
drique  pour  exécuter  dans  les  hôpitaux  des  fumigations 
chlorées,  rapides  et  énergiques.  Voici  la  formule  qui  aurait 
le  mieux  réussi  pour  la  désinfection  des  matelas  et  au- 
tres objets  de  hteris,  en  cas  d'épidémies  puerpérales  ou 
cholériques  ;  mais  oii  était  le  contrôle  ? 

FUMIGATION   CHLORÉE    POUR  DÉSINFECTION. 

Chlorure  de  chaux  sec 500  grammes. 

Acide  chlorhydnque, 1,000        — 

Eau 3,000        — 

Mélangez  l'eau  et  l'acide  dans  une  terrine  en  grès,  d'une  capacité  de 
8  à  10  litres,  et,  au  moment  de  sortir  de  la  salle,  projetez  dans  ce  mé- 
lange le  chlorure  de  chaux  préalablement  renfermé  dans  un  sachet  de 
toile  dont  l'ouyerlure  est  soigneusement  liée.  Ces  quantités  de  matières 
fournissent  environ  45  litres  de  chlore. 

Cetle  formule  a  été  adoptée  par  le  Formulaire  des 
hôpitaux  de  Paris.  Dix  terrines  semblables  suffisent  pour 
désinfecter  20  à  25  matelas  contaminés  ou  suspects.  La 

(l)  Regnault,  Traité  de  pharmacie,  8"  édition,  1875,  t.  II,  p.  497. 


DÉSINFECTION  DES  VÉTEMENNS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.      489 

pièce  exactement  close  ne  doit  être  ouverte  qu'au  bout  de 
48  heures. 

En  1871,  Payen  indiquait  dans  une  séance  de  l'Aca- 
démie des  sciences  les  moyens  suivants,  adoptés  d'après 
lui  par  le  service  de  l'Assistance  publique,  pour  l'as- 
sainissement du  mobilier  et  des  objets  de  literie.  Les  ma- 
telas, avant  d'être  cardés,  sont  soumis  aux  fumigations 
d'acide  hypoazotique  (on  ne  dit  pas  si  les  vapeurs  altèrent 
ou  non  le  crin  et  la  laine)  ;  tous  les  objets  en  laine  et  le 
linge  peuvent  sans  inconvénients  être  immergés,  durant 
plusieurs  heures,  dans  des  cuves  contenant  une  partie  de 
chlorure  de  soude  marquant  200°  chlorométriques,  et  trois 
parties  d'eau.  Les  lits  de  fer  peints  à  l'huile,  les  buffets, 
tables  de  nuit,  sont  soumis  d'abord  à  la  fumigation,  puis 
lavés  avec  la  solution  de  chlorure  de  chaux. 

La  notice  n°  8  annexée  à  l'article  324  du  règlement 
provisoire  sur  le  service  de  santé  dans  les  hôpitaux  mili- 
taires français,  contient  les  prescriptions  suivantes  en  ce 
qui  concerne  l'emploi  du  chlorure  de  chaux,  comme  agent 
de  désinfection  des  objets  de  fil  et  de  coton. 

«  Quant,  aux  toiles  des  paillasses  et  des  matelas,  elles  doivent,  comme 
tous  les  objets  en  toile,  être  désinfectées,  lavées  et  blanchies  au  moyen 
d'une  solution  de  chlorure  de  chaux  (150  litres  d'eau  pour  1  kilogramme 
de  chlorure). 

«  Les  objets  en  toile  sont  mis  à  Iremper,  pièce  à  pièce,  dans  cette  so- 
lution; après  un  quart  d'heure  d'immersion,  on  les  foule  et  on  les  passe 
une  seconde  fois  dans  une  nouvelle  solution  faite  au  même  titre  que  la 
première.  On  les  rince  ensuite  à  l'eau  claire.  A  défaut  do  chlorure  de 
chaux,  les  effets  en  toile,  linge  de  corps  ou  objets  de  literie,  doivent  être 
lavés  à  grande  eau,  puis  lessivés  et  blanchis.  » 

La  quantité  de  chlorure  de  chaux  indiquée  dans  cette 
notice,  émanée  sans  doute  du  Conseil  de  santé  de  l'armée, 
de  longues  années  avant  les  travaux  de  Baxter,  contient 
précisément  la  proportion  de  chlore  reconnue  par  cet  au- 
teur être  nécessaire  pour  détruire  la  virulence  du  vaccin, 
c'est-à-dire  un  demi-litre  de  gaz  chlore  par  litre  d'eau. 
En  effet,  1  kilogramme  de  chlorure  de  chaux,   marquant 


490  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

au  moins  80°  chlorométriques,  représente  80  litres  de 
chlore  gazeux,  ce  qui,  pour  150  litres  d'eau,  donne  un 
demi-litre  par  litre. 

Nous  avons  fait  quelques  expériences  pour  savoir  dans 
quelle  mesure  cette  dilution  pouvait  altérer  la  solidité  ou 
la  couleur  des  tissus.  Nous  avons  laissé  des  étoffes  de  coton, 
de  soie,  de  laine  plonger  pendant  un  temps  variable  dans 
la  solution  indiquée,  et  nous  avons  obtenu  le  résultat  sui- 
vant. 

Solution  contenant  15  grammes  de  chlorure  de  chaux 
sec  par  litre  d'eau  : 

1°  Immersion  pendant  une  heure,  suivie  d'un  lavage  à 
grande  eau; 

Drap  gris  bleuté  d'imifornie.  —  La  teinte  bleuâtre  a 
notablement  pâli. 

Drap  bleu  de  roi.  —  La  teinte  paraît  un  peu  moins 
foncée. 

Drap  garance  d'uniforme.  —  Il  a  pris  une  teinte  plus 
foncée,  un  peu  vineuse,  la  différence  est  grossièrement 
appréciable  ; 

2°  Immersion  pendant  15  minutes,  suivie  d'un  lavage 
à  grande  eau.  —  Les  draps  ont  subi  les  mêmes  altérations 
que  ci-dessus,  et  l'œil  ne  peut  faire  de  différence  entre  ceux 
qui  ont  été  immergés  un  quart  d'heure  et  ceux  qui  ont  été 
immergés  une  heure.  Un  écheveau  de  laine  à  tricoter,  de 
couleur  rouge  foncé,  de  belle  qualité,  a  pris  une  teinte 
beaucoup  plus  claire,  un  peu  jaunâtre,  après  quinze  mi- 
nutes seulement  d'immersion.  La  comparaison  a  été  faite 
avec  des  morceaux  des  mêmes  bandes  de  drap,  plongés 
pendant  une  heure  dans  de  l'eau  pure,  puis  séchés.  La 
résistance  de  ces  tissus  ne  paraît  nullement  diminuée, 
même  après  une  heure  de  séjour  dans  la  solution  chloru- 
rée :  la  couleur  seule  est  atteinte. 

La  soie,  les  tissus  teints  de  coton,  de  toile,  subissent 
des  altérations  de  couleur  très  variables  suivant  la  qualité 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  ETC.       491 

et  la  nuance  des  étoffes.  En  général,  les  étoffes  de  coton 
et  de  toile  sont  fortement  décolorées,  même  au  bout  d'un 
quart  d'heure;  la  soie  résiste  davantage,  et  plusieurs 
échantillons  étaient  presque  intacts  au  bout  d'une  heure 
d'immersion.  Le  résultat  dépend  évidemment  de  la  qua- 
lité de  la  teinture.  La  solidit  j  des  bandes  de  calicot  et  de 
toile  ne  paraît  pas  compromise,  au  bout  d'une  heure,  à 
cette  dose. 

La  désinfection  par  l'immersion  dans  des  liquides,  ad- 
missible pour  le  lainage  blanc  et  le  linge  de  corps,  est  donc 
une  opération  compromettante  pour  les  vêtements  propre- 
mentsdits  ;  les  fumigations  gazeuses,  et  surtout  l'exposition 
;à  la  chaleur  sont  de  beaucoup  préférables- 

Le  règlement  sanitaire  de  l'armée  allemande  du  29  avril 
1869,  dit  que  pour  désinfecter  le  linge  de  corps  et  de  lit 
souillé  par  les  malades  atteints  de  maladies  contagieuses, 
on  doit  employer  l'un  des  agents  désinfectants  ci-dessous, 
aux  doses  suivantes  :  acide  phénique  et  sulfate  de  zinc,  à 
i  sur  120  ;  chlorure  de  zinc,  à  1  sur  240  ;  l'immersion  doit 
durer  de  12  à  36  heures.  Ce  dernier  sel  nous  paraît,  ici 
comme  ailleurs,  bien  supérieur  aux  deux  autres. 

Tandis  que  Smith  employait  les  acides  en  fumigations, 
John  Dougall  (1)  les  emploie  sous  forme  de  solutions 
aqueuses  assez  concentrées,  et  il  a  consacré  un  long  tra- 
vail à  démontrer  la  supériorité  des  désinfectants  acides. 

«  L'acide  chlorhydrique,  à  la  dose  de  1  partie  d'acide 
«  concentré  pour  20  parties  d'eau,  est  principalement  em- 
«  ployé  pour  désinfe'cter  les  selles  typhoïdes,  les  literies 
«  et  le  linge  des  personnes  atteintes  de  maladies  infec- 
«  tieuses.  » 

Pour  les  selles,  il  fait  verser  par  avance  au  fond  du 
bassin  une  tasse  de  ce  mélange  à  o  0/0. 11  fait  asperger  avec 
cette  solution  les  vêtements  et  les  conserve  humides  pen- 

(1)  John  Dougall,  de  Glascow,  Duinfetioii  by  acid  {British  midicai 
Journal,  la  nov.  1879,  p.  771). 


492  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

dant  4  heures,  ou  simplement  il  les  trempe  dans  la  solu- 
tion pendant  1  heure  ;  les  tissus  de  laine  résistent  beau- 
coup mieux  à  l'action  de  l'acide  que  les  tissus  de  coton 
ou  de  toile.  On  lave  ensuite  à  l'eau  froide  et  l'on  fait 
bouillir  pendant  1  heure  dans  l'eau  pure. 

Nous  avions  peine  à  comprendre  comment  une  solution 
d'acide  chlorhydrique  à  5  0/0  pouvait  ne  pas  altérer  pro- 
fondément les  tissus,  surtout  les  tissus  de  laine.  Nous 
avons  répété  les  expériences  de  Dougall  :  les  morceaux 
de  drap  de  troupe,  de  couleur  garance,  qui  avaient  été 
plongés  pendant  1  heure  dans  le  liquide  et  qui  avaient 
ensuite  été  lavés  à  grande  eau,  avaient  pris  en  séchant  une 
nuance  jaunâtre  des  plus  désagréables;  leur  résistance  dy- 
namométrique n'était  cependant  pas  diminuée. 

Dans  la  solution  à  1  0/0,  après  immersion  pendant  une 
heure,  le  résultat  était  aussi  mauvais  ;  la  nuance  garance 
était  devenue  légèrement  jaunâtre  et  la  différence  n'était 
douteuse  pour  personne  quand  les  deux  morceaux  d'une 
même  bande  étaient  placés  à  côté  l'un  de  l'autre. 
Dougall  dit  cependant  que  les  tissus  de  laine  résistent 
beaucoup  mieux  que  les  autres,  c'est  ce  qui  nous  a  décidé 
à  ne  pas  poursuivre  davantage  nos  expériences. 

Le  National  Board  of  Health  de  Washington  (1)  et  le 
Conseil  sanitaire  de  Californie  recommande  d'immerger  les 
serviettes,  les  mouchoirs,  draps,  couvertures,  etc.,  ayant 
servi  à  un  varioleux,  dans  4  litres  et  demie  d'eau  bouil- 
lante contenant  250  grammes  de  sulfate  de  zinc,  ou  15  gram- 
mes de  chlorure  de  zinc,  ou  un  mélange  de  120  grammes 
de  sulfate  de  zinc  et  de  60  grammes  de  sel  commun.  L'ins- 
truction ajoute  que  le  cadavre  du  varioleux  sera  lavé  avec 
une  solution  de  force  double,  puis  enveloppé  dans  un  drap 
trempé  dans  le  même  liquide. 


(1)    Small-pox   régulation  in   California     {National   Board   of  Health 
(Washington),  24  (Jéce.nbre  1881,  p.  219  el  23  février  1882,  p.  319). 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,  DE  LA  LITERIE,  LTC.       493 
g  IV.  —  PRATIQUE  DES  OPÉRATIONS  DE  DÉSINFECTION. 

Sous  le  bénéfice  des  indications  qui  précèdent,  nous 
allons  passer  rapidement  en  revue  de  quelle  façon  il  con- 
vient d'intervenir  dans  chaque  cas  particulier. 

VÉTEMEMS.  Tout  iudividu  qui  entre  à  l'hôpital  doit  im- 
médiatement déposer  ses  vêtements  au  vestiaire;  ceux-ci, 
avant  d'être  rangés  et  étiquetés,  doivent  être  désinfectés, 
pour  détruire  les  parasites  (poux,  punaises,  acarus  de  la 
gale,  etc.),  les  virus  (fièvres  éruptives,  etc.),  ou  les  mias- 
mes qu'il  peuvent  retenir  dans  leurs  plis.  Avec  une  étuve 
bien  installée,  un  séjour  pendant  1  heure,  à  une  tempéra- 
ture de  4-  110°  C,  donnerait  toute  sécurité,  A  défaut  d'é- 
tuve,  ces  vêtements  doivent  être  passés  au  soufre  (10  à  30 
grammes  par  mètre  cube  d'espace)  et  séjourner  dans  le 
local  à  fumigations  pendant  24  heures.  Dans  les  prisons, 
les  asiles,  les  dépôts,  etc.,  la  même  mesure  est  indispensa- 
ble ;  un  appareil  à  désinfection  devrait  toujours  exister 
entre  la  porte  d'entrée  et  le  vestiaire. 

Lorsque  ces  vêtements  sont  souillés  par  des  déjections 
ou  sont  dans  un  état  extrême  de  malpropreté,  le  passage  à 
la  chambre  de  désinfection  par  le  soufre  ou  la  chaleur  est 
insuffisant;  le  lavage  est  indispensable.  On  a  peine  à 
comprendre  que  dans  certains  établissements  que  nous 
avons  visités  (1),  on  fasse  un  paquet  des  vêtements  apportés 
par  l'arrivant,  «  quel  que  soit  l'état  de  sordidité  dans  lequel 
ils  se  trouvent  »,  et  qu'après  un  court  séjour  dans  le  local 
de  désinfection,  on  les  emmagasine  dans  un  vestiaire  où  il 
resteront  pendant  plus  d'une  année.  Un  pareil  état  de  cho- 
ses est  intolérable  et,  quelle  que  soit  la  valeur  d'un  désin- 
fectant, il  ne  peut  remplacer  le  lavage,  le  plus  élémentaire 
comme  le  plus  indispensable  des  moyens  de  purification, 


(1)  E.  Vallin,   Des  appareils  à  d'sinfeciim,  (Revue  d'hygiène  et  de  po- 
lice sanitaire,  octobre  18"9,  p.  816). 


494  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

En  Angleterre,  quand  les  vêtements  apportés  à  l'hôpitaE 
par  un  malade  sont  trop  sordides,  on  les  détruit  par  le  feu 
et  on  indemnise  le  porteur  ou  sa  famille  à  l'aide  dune  pe- 
tite somme.  Depuis  que  les  étuves  à  désinfection  se  sont 
multipliées,  on  a  trouvé  avantage  et  économie  à  rempla- 
cer l'action  destructive  du  feu  par  l'action  épuratrice  de  la 
chaleur  limitée  à  -{•  120°  C.  Nous  avons  dit  (p.  475)  qu'à 
Marseille  on  a  dû  renoncer  également  à  cette  destruction  par 
le  feu  ;  les  familles  n'apportaient  que  les  vêtements  sans 
valeur  et  conservaient  ceux  qui  étaient  en  bon  état,  bienque- 
souillés  par  le  principe  contagieux  ;  on  a  recours  main- 
tenant à  la  désinfection  obligatoire  paruneétuve  portative. 

L'on  vient  de  voir  que  les  désinfectants  chimiques,  aux; 
doses  préconisées,  altèrent  facilement  la  couleur  des  tissus- 
ou  des  étoffes  teintes,  mais  compromettent  plus  difficile- 
ment leur  résistance  et  leur  solidité.  Les  étoffes  de  coton, 
de  fil,  de  soie  même,  déteignent  assez  rapidement  par  les 
fumigations  d'acide  sulfureux  et  surtout  par  l'immersion 
dans  l'eau  chlorurée  ;  les  draps  de  couleur  sont  eux-mê- 
mes atteints  dans  leur  nuance  quand  la  dose  est  trop  forte.. 
Au  contraire,  le  linge  de  corps,  ou  le  lainage  blanc  (cou- 
vertures, gilets  de  flanelle,  etc),  supportent  sans  aucun 
inconvénient  le  contact  de  ces  agents  chimiques.  Pour  les 
tissus  teints,  surtout  ceux  de  fil  et  de  coton,  la  chaleur 
nous  paraît  le  seul  moyen  de  désinfection  qui  ne  soit  pas 
compromettant.  Les  draps  et  laines  de  couleur  supportent 
impunément  l'action  des  vapeurs  produites  par  la  combus- 
tion de  15  à  30  grammes  de  soufre  par  mètre  cube.  Cette  dose 
ne  doit  pas  dépasser  10  grammes,  si  l'on  veut  ne  pas 
compromettre  l'intégrité  des  robes  de  femmes,  blouses 
d'hommes,  pantalons  en  toile  de  couleur,  etc. 

Dans  les  maisons  particulières,  lorsqu'il  survient  un 
cas  de  maladie  transroissible  (variole,  diphthérie),  il  faut 
désinfecter  les  vêtements  portés  par  le  malade  ;  un  enfant  ne 
peut  retourner  à  l'école  avec  les  vêtements  qu'il  portait 


DÉSINFECTION  DES  VÊTEMENTS,   DE  LA  LITERIE,  ETC.       493 

quelques  jours  avant.  En  attendant  qu'il  existe  dans  chaque 
quartier  ou  chaque  ville  un  lazaret  de  désinfection,  des 
étuves  publiques  gratuites  ou  non,  ou  des  étuves  portati- 
ves qu'on  fera  venir  chez  soi,  devant  sa  porte,  comme 
on  y  fait  venir  un  bain  chaud,  on  peut  improviser  les  res- 
sources suivantes  : 

Dans  un  réduit,  un  placard  profond  ou  une  armoire,  on 
suspend  les  vêtements  suspects  ;  dans  un  coin  éloigné  et 
avec  les  précautions  nécessaires  pour  éviter  un  incendie, 
on  place  un  réchaud  allumé  qui  chauffe  à  -f-  100°  l'espace 
clos,  ou  bien  on  y  allume  du  soufre.  Le  moyen  est,  en  som- 
me, d'une  application  assez  facile;  un  thermomètre  traver- 
sant la  porte  ou  suspendu  en  dedans  montre  si  l'on  a 
atteint  la  température  nécessaire. 

A  la  rigueur  on  peut  employer  la  chaleur  d'un  four  de 
cuisine  ou  de  boulanger,  dont  la  chaleur  est  tombée  à  quel- 
ques degrés  au-dessus  de-{-  100°.  En  temps  d'épidémie,  à  la 
campagne,  le  four  banal,  quelques  heures  après  la  cuisson 
du  pain,  pourrait  rendre  de  grands  services  pour  désinfec- 
ter la  hterie  ou  les  habits.  Il  faudrait  vaincre  une  répu- 
gnance assez  naturelle,  quoique  les  dangers  de  souillure 
du  four  ne  soient  réellement  pas  admissibles. 

LlXGE    SALE    ET    LIXGE    A    PANSEMENTS.    Le    linge   Salc  Ct  IcS 

linges  à  pansement  salis  ne  doivent  jamais  séjourner  dans 
les  salles,  dans  les  chambres  des  malades  ni  dans  leur 
voisinage  immédiat.  Dans  beaucoup  d'hôpitaux  d'appa- 
rence magnifique,  en  entrant  dans  des  salles  luxueuses, 
l'odorat  est  révolté  par  l'odeur  qui  se  dégage  des  cabinets 
oi^i  l'on  entasse  le  linge  sale  ou  les  pièces  qui  ont  servi  aux 
pansements.  Dans  l'antichambre  de  chaque  service  devrait 
s'ouvrir  et  se  fermer  hermétiquement  l'orifice  d'une  tré- 
mie, d'un  conduit  incliné  en  planches  ou  ménagé  dans  la 
muraille,  par  lequel  le  linge  sale  descendrait  directement 
vers  l'étuve  ou  le  local  de  désinfection. 


496  DÉSliNFECTIOIV  NOSOCOMIALE. 

En  l'absence  d'appareils  de  toute  sorte,  en  temps  d'épi- 
démie ou  pour  certaines  maladies  contagieuses,  on  peut 
procéder  comme  il  suit  : 

A  la  porte  de  la  salle,  on  place  un  réservoir  (baquet  ou 
tonneau),  rempli  d'une  des  solutions  désinfectantes  ci- 
dessous  :  chlorure  de  chaux  1  kilogr.  pour  300  litres 
d'eau;  —  chlorure  de  zinc,  acide  phénique  ou  sulfate  de 
zinc,  2  à  10  grammes  par  litre;  —  acétate  d'alumine, 
2  grammes  par  litre.  On  y  plonge,  au  moment  même  où 
on  les  éloigne  du  malade,  les  draps,  le  linge  de  corps, 
etc.,  qu'il  vient  de  souiller.  Après  une  immersion  d'une 
ou  de  plusieurs  heures,  on  retire  de  l'eau  ces  objets,  on  les 
exprime  rapidement,  et  on  les  porte  à  la  buanderie.  Nous 
avons  utilisé  avec  profit  un  pareil  système,  à  l'ambulance 
des  varioleux  installée  au  théâtre  du  Mans,  en  janvier  1871, 
de  telle  sorte  que  le  linge  souillé  par  les  varioleux  n'était 
plus  exposé  à  contagionner  le  linge  des  habitants  de  la 
ville  dans  les  bateaux  à  laver  où  il  était  porté. 

Un  bassin  spécial  doit  être  affecté  au  linge  à  pansements 
sali;  le  titre  de  la  solution  désinfectante  peut  alors  être  dou- 
blé. D'ailleurs,  le  linge  à  pansement  qui  n'a  pas  encore  servi 
doit  être  l'objet  d'une  désinfection  particulière.  Avant  d'être 
introduit  chaque  jour  dans  les  salles,  les  compresses,  les 
bandes,  la  charpie,  —  puisqu'on  la  conserve  encore,  — 
devraient  avoir  été  portées  pendant  1  heure  dans  l'étuve 
à  désinfection  qui  nous  semble  l'accessoire  indispensable 
d'un  hôpital;  c'est  le  complément,  ou  plutôt  l'élément  de  tout 
pansement  antiseptique.  La  ouate,  dont  l'emploi  se  gé- 
néralise, ne  devrait  jamais  séjourner  dans  les  salles:  les  pa- 
quets, cachetés  encore  et  ficelés,  devraient  passer  par  l'é- 
tuve avant  de  servir  à  un  pansement.  Un  jour  viendra  où 
cette  pratique  paraîtra  aussi  simple  et  aussi  naturelle  que 
celle  qui  consiste  à  chauffer  le  linge  qu'on  apporte  à  un 
baigneur;  l'une  n'est  pas  plus  difficile  que  l'autre. 


DÉSI>TECTIO.\  DE  LA  LITERIE.  497 

Matelas,  literie.  Trop  souvent,  après  une  maladie  ou  un 
décès,  on  se  contente  de  faire  carder  les  matelas,  opération 
qui  doit  être  considérée  comme  nulle  au  point  de  vue 
de  la  désinfection  proprement  dite,  de  la  destruction 
des  germes.  Il  faut  bien  l'avouer,  c'est  à  peu  près  la  seule 
qui  se  fasse  dans  nos  hôpitaux,  et  l'on  citerait  difficile- 
ment un  établissement  qui  possède  une  installation  où  l'é- 
puration se  fasse  par  la  vapeur,  ou  par  des  fumigations 
véritablement  efficaces.  Ce  statu  quoest  intolérable,  et  cette 
réforme  est  une  des  premières  qui  s'imposent  à  ceux  qui 
voudraient  transformer  notre  hygiène  nosocomiale. 

Lorsque  le  cardage  se  fait  dans  des  appareils  mécaniques 
bien  fermés,  munis  de  ventilateurs  et  de  [uyaux  d'aspira- 
tion pour  les  poussières,  il  ne  cause  que  peu  de  danger; 
les  débris  de  laine,  conduits  par  les  cheminées  d'appel, 
sont  retenus  dans  une  sorte  de  chambre  fihrante  qu'on 
débarasse  toutes  les  semaines  des  poussières  ténues,  irri- 
tantes et  infectes  qui  en  tapissent  les  parois.  Il  serait 
désirable  de  détruire  ces  poussières  dans  les  tuyaux  d'éva- 
cuation eux-mêmes;  si  l'on  pouvait  en  obtenir  la  destruc- 
tion par  le  feu  sans  dégagement  d'odeurs  insupportables, 
ce  procédé  donnerait  à  ce  point  de  vue  une  sécurité  com- 
plète. 

On  peut  se  demander,  en  effet,  ce  que  deviennent  les 
poussières  ainsi  jetées  dans  l'atmosphère  ;  elles  contiennent 
parfois  des  germes  morbides  qui  peuvent  se  développer  et 
engendrer  des  maladies,  des  inoculations  peut-être,  quand 
elles  tombent  sur  un  terrain  favorable.  Comment  s'étonner 
après  cela  que  certaines  maladies  contagieuses  se  dévelop- 
pent sans  qu'on  puisse  remonter  à  la  source,  et  que  faut- 
il  penser  de  l'opinion,  aujourd'hui  bien  surannée,  de  la 
génération  spontanée  de  cet  ordre  de  maladies  ? 

Dans  une  discussion  récente  à  la  Société  de  médecine 
publique,  M.  Du  Mesnil  citait  le  cas  suivant  :  les  locataires 
d'une  maison  très  peuplée  se  plaignaient  de  l'odeur  fétide 

VaLLIN.   —   DÉsl>FECTAMi.  32 


498  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

qui  se  dégageait  d'un  atelier  d'épuration  de  matelas  et 
objets  de  literie.  Le  locataire  du  rez-de-chaussée  dans 
la  cour,  dont  le  logement  était  en  face  du  local  où  l'on 
épurait  les  matelas,  fut  bientôt  atteint  de  variole  ;  la 
femme  fut  atteinte  à  son  tour;  le  mari  mourut;  trois 
ouvrières  travaillant  dans  cette  maison  furent  égale- 
ment atteintes  de  la  variole  (1).  Le  fait  n'est-il  pas  con- 
cluant? 

Au  Congrès  international  d'hygiène,  à  Turin,  en  1880, 
M.  le  D"-  Drouineau  (2)  a  signalé  le  danger  que  fait  courir 
à  la  voie  publique  l'industrie  des  matelassiers  ambulants 
qui  viennent  encore  parfois  carder  les  matelas  en  plein 
air,  dans  les  cours  étroites  au  centre  de  nos  maisons. 
M.  Drouineau  va  jusqu'à  demander  que  tout  matelas  qui 
circule  sur  la  voie  publique  soit  muni  d'une  étiquette 
comparable  à  la  patente  nette  ou  brute  que  doit  présenter 
chaque  navire.  C'est  aller  un  peu  loin.  Il  nous  a  semblé 
suffisant  de  concentrer  cette  industrie  gênante  et  malsaine 
dans  des  usines  soumises  à  l'autorisation,  par  conséquent 
surveillées,  et  munies  de  tous  les  appareils  nécessaires 
pour  détruire   les  poussières  suspectes. 

Même  dans  une  grande  ville  comme  Paris, il  n'existe  qu'un 
nombre  très  restreint  d'établissements  où  l'épuration  de  la 
literie  se  fasse  d'une  façon  sérieuse  et  efficace  :  nous  avons 
visité  les  plus  importants  de  ces  établissements,  et  nous  y 
avons  fait  quelques  observations  qui  peuvent  avoir  de  l'in- 
térêt. 

Mais,  auparavant,  nous  croyons  devoir  rappeler  quelques 
faits  empruntés  à  un  important  travail  de  M.  Lefranc(3), 
pharmacien  principal  de  l'armée. 

(J)  Bertillon,  Un  mode  de  propagation  de  la  variole  et  de  la  diphthérie ; 
Discussioa  par  M.VI.  Vidal,  Léou  Colin,  Vallio,  Du  Mesnil.  {Revue  d'hygiène 
et  de  police  sanitaire,  13  juin  1880,  p.  470). 

(3)  Drouineau,  De  la  désinfection  des  objets  de  literie  (Revue  d'hygiène 
et  de  police  sanitaire,  15  novembre  1880,  p.  965;  Discussion,  loc.  cit, 
p.  904). 

(  b\Lefranc,  Des  laites  de  couchage  au  point  de  vue  hygiénique  [Recueil 


DÉSINFECTION  DE  LA  LITERIE.  499 

Afin  de  conserver  aux  laines  destinées  aux  matelas 
leur  force,  leur  souplesse  et  leur  élasticité,  on  n'en  pratique 
le  désuintage  que  d'une  façon  très  incomplète,  à  l'eau 
froide  non  alcaline.  Le  suint,  qui  est  le  produit  de  la  trans- 
piration du  mouton,  est  un  mélange  de  sels  minéraux  et 
d'une  grande  quantité  de  composés  organiques.  Dans  les 
laines  en  suint  non  lavées,  le  suint  représente  près  de  50 
pour  100  du  poids  total.  La  suintine  et  les  suintâtes  secs 
ne  descendent  jamais  au-dessous  de  15  pour  100,  de  sorte 
que  dans  une  salle  de  30  lits,  chaque  matelas  pesant  10  ki- 
logrammes, il  peut  exister  de  35  à  50  kilogrammes  de  ma- 
tière éminemment  putrescible,  en  contact  direct  avec  les 
malades.  Sous  l'influence  de  l'humidité  et  de  réchauffement 
par  les  malades  couchés,  par  l'action  combinée  des  ma- 
tières contaminantes  de  toutes  sortes  (germes,  miasmes, 
déjections  fécales  et  pathologiques,  débris  et  excréments 
de  la  teigne  fripière  et  des  mites),  cette  fermentation  pu- 
tride est  très  active,  surtout  pendant  l'été,  dans  les  ma- 
telas en  service  et  contribue  pour  une  forte  part  à  la  mau- 
vaise odeur  qui  règne  dans  les  habitations  collectives.  En 
expérimentant  sur  plusieurs  milliers  de  kilogrammes  de 
laine  en  service  dans  les  hôpitaux,  M.  Lefranc  s'est  assuré 
que  les  débris  et  excréments  des  animaux  parasites,  que 
les  poussières  de  la  laine  rongée  par  les  vers,  véritable 
guano,  atteignent  souvent  1  pour  100  du  poids  des  laines, 
soit  100  grammes  pour  un  matelas  de  10  kilogrammes. 
Nous  possédons  un  large  flacon  de  ce  guano  d'un  genre 
particulier,  ainsi  que  200  grammes  d'acide  urique  extrait 
par  notre  collègue  de  l'urate  de  chaux  provenant  des  excré- 
ments de  la  larve  de  cette  teigne  de  la  laine.  M.  Lefranc  a 
pu  fabriquer  plusieurs  kilogrammes  d'acide  urique  avec  le 
guano  résultant  du  cardage  des  matelas  dans  un  grand 
hôpital. 

des   mémoires  de  médecine   militaire,  octobre  1879,   p.    510,    et  Revue 
d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  15  janvier  1880,  p.  73). 


500  •  DÉSINFECTION  NOSOCOftlIALE. 

On  comprend  que  cette  matière  organique  en  décompo- 
sition putride  puisse  devenir  un  milieu  de  culture  favorable 
pour  le  développement  de  protorganisnles  morbifiques.  Il 
est  donc  indispensable  d'épurer  fréquemment  la  laine  des 
matelas,  non  seulem.ent  pour  détruire  les  larves  qui  y  font 
presque  constamment  des  dégâts,  mais  encore  et  surtout  au 
point  de  vue  de  l'hygiène.  La  difficulté  ici  est  sérieuse  :  c'est  le 
suint  qui  donne  l'élasticité  de  la  laine;  or,  l'élasticité  est 
une  des  qualités  que  le  commerce  recherche  le  plus  pour 
les  matelas.  Quand  la  laine  est  trop  bien  nettoyée,  privée 
de  suint,  elle  se  tasse,  les  matelas  s'affaissent ,  et  for- 
ment une  couche  à  la  fois  trop  mince  et  trop  dure. 
Les  matières  persistantes  du  suint  se  dissolvent  dans 
l'eau  à  -|-  100°;  une  laine  qu'on  a  fait  bouillir  pendant  une 
heure  charge  l'eau  d'une  matière  extrêmement  fétide, 
riche  en  produits  sulfurés;  après  ce  traitement,  la  laine 
ressemble  à  du  coton  ou  à  de  la  charpie,  elle  se  feutre  faci- 
lement, elle  a  perdu  sans  retour  son  élasticité. 

Aussi  la  désinfection,  V épuration  des  matelas,  exige-t- 
elle  certaines  précautions,  qu'en  l'absence  de  toute  notion 
scientifique  l'expérience  a  apprises  aux  industriels. 

L'opération  se  fait  de  la  façon  suivante  :  la  laine  à  épu- 
rer est  immédiatement  placée  dans  des  cuves  en  tôle,  d'un 
mètre  de  haut  sur  un  mètre  de  diamètre  environ,  qu'on 
ferme  avec  un  couvercle  pendant  l'opération.  Vers  les 
deux  tiers  de  cette  profondeur,  se  trouve  un  fond  mobile, 
en  tôle  percée  d'un  très  grand  nombre  de  petits  trous. 
Dans  ce  tiers  inférieur  est  enroulée,  en  forme  de  serpen- 
tin, l'extrémité  d'un  tuyau  qui  communique  avec  une  chau- 
dière à  vapeur  placée  au  centre  de  l'établissement,  parfois 
à  une  grande  distance  de  certaines  cuves.  Le  serpentin 
est  également  percé,  à  son  anneau  supérieur,  d'un  grand 
nombre  de  trous  par  lesquels  la  vapeur  s'échappe  dans  le 
compartiment  inférieur,  et  de  là,  par  le  fond  mobile  percé 
de  trous,  à  travers  la  laine  amassée  sur  ce  dernier.  La  va- 


DÉSINFECTION  DK  LA  LITERIE.  50i: 

peur  mouille  la  laine,  se  condense,  et  retombe  à  travers  les 
trous  de  la  plaque  mobile  dans  le  réservoir  d'où  émerge  le 
serpentin.  Cette  exposition  à  la  vapeur  dure  de  une  demi- 
heure  à  deux  heures,  suivant  les  besoins,  le  degré  de 
souillure  supposé  de  la  laine.  Après  cela  on  retire  la  laine 
qui  est  très  humectée,  on  la  porte  avec  précaution,  et 
sans  la  tasser,  dans  un  séchoir  à  l'air  libre,  sur  des  claies 
où  on  l'abandonne  à  l'évaporation  pendant  sept  à  huit 
jours.  Dans  les  ateliers  que  nous  avons  visités,  on  nous  a 
dit  que  si  l'on  voulait  brasser  la  laine  ainsi  mouillée,  par 
exemple  dans  un  cylindre  fermé  à  parois  chauffées  par  la 
vapeur,  comme  on  le  fait  pour  l'épuration  des  plumes,  la 
laine  se  feutrerait  et  ne  pourrait  plus  être  cardée. 

Les  notions  que  nous  rappelions  tout  à  l'heure  donnent 
facilement  l'explication  du  phénomène  que  l'expérience  a 
fait  connaître  à  l'industrie.  Après  l'exposition  à  la  vapeur, 
le  suint  est  à  l'état  liquide,  sous  forme  d'un  enduit  goni- 
meux,  d'un  vernis  qui  humecte  chaque  poil;  si  en  cet  état 
on  brasse  la  laine,  si  on  la  comprime,  il  y  a  une  sorte 
d'agglutination  des  poils  ;  ceux-ci  après  la  dessiccation  du 
vernis,  ne  peuvent  plus  se  séparer,  et  la  laine  ne  se  laisse  pas 
carder.  Au  contraire,  en  portant  la  laine  sur  des  claies  au 
sortir  des  bassins,  le  suint  à  demi -liquide  se  dessèche  sur 
chaque  poil  et  lui  restitue  son  élasticité  primitive.  On  com- 
prend quel  inconvénient  il  y  aurait  à  entasser,  à  presser 
en  ballots  comprimés  des  laines  encore  humides  qui  au- 
raient été  ainsi  désinfectées  dans  un  lazaret.  Ce  passage  à  la 
vapeur  est  toujours  suivi  d'un  cardage  ultérieur,  et  l'on  peut 
dire  que  cette  épuration  est  sérieuse,  efficace;  sans  doute, 
la  température  de  la  laine  n'atteint  guère  que  100°,  mais 
c'est  une  température  humide;  l'on  pourrait  presque  dire 
que  la  laine  a  traversé  de  l'eau  bouillante;  or,  la  presque 
totalité  des  germes  morbides  sont  détruits  par  l'ébullition. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  la  vapeur  doit  être  em- 
ployée avec  une  certaine  prudence   dans  la  désinfection 


S02  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

des  laines  et  crins  de  literie  ;  l'étuve  à  air  chaud  et  sec 
est  d'ailleurs,  en  pareil  cas,  un  moyen  dont  l'efficacité  est 
réelle.  La  température  sèche  de  -f-  120°  n'altère  en  rien 
la  solidité  de  la  laine,  pourvu  qu'on  ne  soumette  pas 
celle-ci  au  cardage  au  moment  même  où  elle  sort  de 
l'étuve;  il  faut  lui  laisser  reprendre,  par  une  exposition 
à  l'air  libre,  pendant  24  ou  48  heures,  l'eau  hygromé- 
trique que  la  chaleur  avait  soustraite  ;  elle  perd  bientôt 
une  friabilité  qui  n'était  que  la  conséquence  d'une  extrême 
dessiccation. 

Lorsque  les  literies  ont  été  profondément  souillées  par 
du  sang,  du  pus,  de  l'urine,  des  matières  fécales,  les  li- 
quides d'un  accouchement,  ou  quand  un  cadavre  y  a  long- 
temps séjourné,  on  a  recours  à  un  lavage  préalable.  Dans 
les  établissements  spéciaux,  ce  lavage  se  fait  avec  une 
lessive  alcaline  à  une  température  qui  ne  dépasse  pas 
-f-60°G.;  la  laine  est  ensuite  séchée  et  portée  dans  la  cuve 
à  vapeur  ou  dans  l'étuve. 

En  général,  il  est  très  désirable  que  les  matelas  soient 
ouverts,  que  la  laine  soit  retirée  de  son  enveloppe  et  sou- 
mise directement  à  l'action  de  la  vapeur  ou  de  l'air  chaud; 
la  désinfection  ne  donne  une  sécurité  complète  qu'à  ce 
prix,  car  on  est  sûr  que  la  chaleur  a  pénétré  également 
partout.  Mais  cette  opération  est  longue,  coûteuse;  il  n'est 
pas  nécessaire,  il  est  à  peine  possible  de  la  faire  aussi 
souvent  qu'il  conviendrait  de  soumettre  la  literie  à  la 
désinfection.  Nous  croyons  donc  qu'on  pourrait  se  con- 
tenter du  moyen  terme  suivant.  Dans  les  hôpitaux,  sou- 
mettre à  la  désinfection  avant  de  le  porter  dans  les  ma- 
gasins, tout  matelas  qui  vient  de  servir  à  un  malade  sorti 
guéri  pour  une  affection  banale  :  dans  ce  cas,  le  matelas 
peut  être  soumis  en  entier,  sans  être  défait,  pourvu  qu'il 
ne  soit  ni  mouillé  ni  humide,  à  l'étuve  ou  à  l'appareil  ap- 
proprié. Au  contraire,  toutes  les  fois  qu'un  matelas  a  servi 
à  un  malade  qui  a  succombé  ou  qui  était  atteint,  eùt-jj 


^ 


DÉSINFECTION  DE  LA  LITERIE.  503*^ 

guéri,  d'une  affection  transmissible  ou  suspecte,  ce  ma- 
telas et  cette  literie  devraient  être  complètement  défaits  ; 
le  contenu  serait  exposé  directement  à  la  désinfection  par 
la  vapeur  ou  par  l'étuve  sèche,  puis  cardé  ;  les  enveloppes 
seraient  lessivées  à  l'eau  bouillante.  Le  crin  et  la  plume 
ont  beaucoup  moins  à  craindre  l'action  de  l'eau  chaude 
et  de  la  vapeur  ;  leur  désinfection  se  fait  à  peu  près  comme 
celle  de  la  laine. 

Jusqu'ici  nous  avons  préconisé  spécialement  la  vapeur 
ou  l'air  chaud.  Quand  les  appareils  ad  hoc  sont  installés, 
c'est  le  procédé  le  plus  sûr,  le  plus  expéditif  et  le  moins 
coûteux.  Il  en  est  d'autres  qui  sont  une  ressource  précieuse, 
ce  sont  les  fumigations  d'orpiment  et  d'acide  sulfureux. 
La  compagnie  des  lits  militaires  emploie,  paraît-il,  l'asso- 
ciation de  ces  deux  agents  chimiques,  et  M.  Lefranc  qui 
en  a  fait  usage,  dit  en  avoir  retiré  un  très  bon  effet. 

Il  conseille  de  disposer  la  laine  en  couche  assez  épaisse 
sur  des  toiles  de  tente  ou  des  bâches  superposées  et  ten- 
dues d'une  extrémité  à  l'autre  de  la  chambre;  un  espace 
de  250  mètres  cubes  est  nécessaire  pour  fumiger  10  quin- 
taux métriques  de  laine,  correspondant  à  100  matelas. 
Au-dessous,  on  allume  un  mélange  composé  de  3  kilo- 
grammes de  soufre  et  1  kilogramme  d'orpiment  (sulfure 
jaune  d'arsenic)  ;  cette  poudre  doit  être  répartie  en  un 
grand  nombre  de  foyers  ;  elle  assure  un  dégagement 
de  près  de  2,000  litres  d'acide  sulfureux  et  de  60  litres 
de  vapeurs  arsenicales. 

Cette  fumigation,  d'après  M.  Lefranc,  devrait  toujours 
être  suivie,  et  non  précédée,  d'un  lavage  par  lixiviation  à 
l'eau  froide  légèrement  alcaline  ou  phéniquée,  soit  1  kilo- 
gramme d'acide  phénique  cristallisé  et  40  kilogrammes  de 
carbonate  de  soude  dans  40  mètres  cubes  d'eau  pour 
10  quintaux  de  laine,  sans  doute  pour  neutraliser  l'acide 
sulfuriqae  formé.  Le  premier  lavage,  en  raison  du  désuin- 
tage  qui  se  complète,  entraîne  un  déchet  de  5  0/0  ;  le 
déchet  serait  moindre  après  les  opérations  ultérieures. 


SOI  DÉSINFECTION  NOSOCOMIàLE: 

L'adjonction  de  l'orpiment  nous  paraît  surtout  avoir  en 
vue  la  destruction  plus  radicale  des  parasites  qui  mangent 
la  laine,  et  de  leurs  œris.  C'est  un  poison  très  violent  qui 
peut  rendre  l'opération  de  la  désinfection  dangereuse,  non 
seulement  pour  les  hommes  qui  en  sont  chargés,  mais  pour 
le  voisinage.  Il  ne  faudrait  donc  y  recourir  que  dans  le 
cas  où  la  souillure  de  la  literie  serait  exceptionnelle,  après 
une  épidémie,  par  exemple,  ou  quand  la  laine  est  envahie 
par  les  vers.  Le  lavage  à  l'eau  alcaline,  après  l'opération, 
est  dans  ces  cas  tout  à  fait  indispensable. 

L'Instruction  qui  accompagne  le  Règlement  sur  les  hô- 
pitaux militaires  recommande  le  procédé  suivant  : 

«  Les  vêtemeiils,  les  couverlures,  tous  les  effets  de  lainage  ayant  servi 
aux  malades  atteints  d'une  affection  contagieuse,  doivent  être  désinfectés 
avec  soin.  On  les  lave  d'abord  et  on  les  laisse  ensuite  immergés  dans 
l'eau  pendant  vingt-quatre  heures.  On  les  soumet  le  lendemain  à  un  nou- 
veau lavage;  chaque  pièce  doit  être  lavée  séparément  et  frottée  avec  de 
la  terre  glaise,  puis  rincée  dans  l'eau  claire;  enfin,  on  fait  sécher.  Quand 
tous  ces  effets  sont  secs,  on  les  suspend  dans  une  salle  dont  les  ouver- 
tures sont  bien  closes,  et  on  les  soumet  pendant  quarante-huit  heures  à 
l'action  de  l'acide  sulfureux  produit  par  la  combustion  d'une  quantité 
suffisante  (?)  de  soufre.  On  les  expose  ensuite  à  l'air  libre,  et  on  les  remet 
en  service. 

«  La  laine  des  matelas  est  d'abord  lavée  et  ensuite  immergée  dans 
l'eau  pendant  vingt-quatre  heures.  Le  lendemain,  cette  laine  est  passée 
rapidement  dans  une  eau  légèrement  alcaline,  puis  rincée  à  l'eau  claire 
et  séchée  à  l'air.  On  l'expose  plus  tard,  comme  les  effets  et  les  couver- 
tures, à  l'action  de  l'acide  sulfureux.  » 

La  quantité  de  soufre  à  employer  n'est  pas  indiquée  ici  : 
elle  ne  doit  pas  être  moindre  de  15  grammes  par  mètre  cube; 
elle  pourrait  être  poriée  jusqu'à  50  grammes,  si  l'on  n'avait 
à  craindre  que  l'acide  sulfurique  produit  n'altérât  peut-être  la 
matière  première.  Ici  encore, "il  nous  semble  préférable  de 
soumettre  la  laine  à  un  lavage  alcahn,  après  les  fumigations, 
et  non  pas  avant.  La  laine  garde  pendant  longtemps,  après 
l'exposition  aux  vapeurs  de  soufre,  une  odeur  fade,  très 
tenace,  capable  de  produire  des  malaises  gastriques;  le 
lavage  à  la  soude  a  l'avantage  de  la  faire  disparaître  rapi- 


DÉSINFECTION  DE  LA  LITERIE,  503; 

dément  en  transformant  l'acide  sulfureux  en  sulfite  ;  il  em- 
pêche aussi  Faction  corrosive  de  cet  acide  qui  pourrait,  en 
se  continuant,  altérer  la  solidité  de  la  laine.  Il  faut,  toute- 
fois, ne  pas  exagérer  la  nécessité  de  ces  lessivages  multi- 
ples qui,  pratiqués  comme  le  conseille  l'Instruction,  cons- 
tituent une  opération  longue  et  qui  fatiguent  la  laine  ;  si  les 
médecins  exigeaientqueleprocédéfùtminutieusement  suivi, 
ils  ne  pourraient  réclamer  la  désinfection  que  dans  des 
circonstances  exceptionnelles  et  rares.  Si  l'on  veut  être 
pratique,  il  faut  simplifier  au  maximum  l'opération,  afin 
qu'elle  devienne  usuelle,  journalière,  expéditive  et  qu'elle 
ne  détériore  pas  le  matériel  confié  à  la  garde  des  fonction- 
naires administratifs. 

Aussi  pensons-nous  que  dans  la  plupart  des  cas  on 
peut  se  contenter  des  fumigations  à  l'aide  de  l'acide  sul- 
fureux ;  la  diffusibiUté  extrême  de  ces  vapeurs  nous  fait 
espérer  qu'on  pourrait,  comme  dans  l'emploi  de  la  chaleur, 
ne  défaire  complètement  les  matelas  qu'après  un  décès  ou 
après  une  maladie  transmissible  ;  la  fumigation  simple, 
au-dessous  des  matelas  entiers  suspendus  sur  des  claies, 
suffirait  pour  les  cas  ordinaires. 

Quel  que  soit  le  mode  d'épuration  adopté,  il  est  une 
précaution  indispensable  et  qui  est  trop  souvent  néghgée  : 
les  literies  épurées,  la  laine  ou  la  plume  qui  sortent  des 
étuves  à  vapeur,  à  air  chaud,  ou  des  chambres  de  fumiga- 
tions, ne  doivent  jamais  être  portées  et  abandonnées  dans 
les  salles  où  se  trouvent  d'autres  pièces  qui  n'ont  pas  en- 
core été  soumises  à  la  désinfection.  Très  souvent,  les  opé- 
rations de  réfection  de  la  literie  se  font  dans  la  salle  même 
où  l'on  apporte  du  dehors  les  matelas  et  les  oreillers  souil- 
lés ;  les  poussières  qui  se  dégagent  de  ces  pièces  au  mo- 
ment où  on  les  verse  ou  quand  on  les  carde  peuvent 
souiller  de  nouveau  la  plume  et  la  laine  désinfectées.  Ces 
diverses  opérations  doivent  se  faire  dans  des  locaux  dis- 
tincts, sans  communication  au  moins  directe  l'un  avec 
l'autre. 


m  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

II  est  enfin  une  mesure  plus  radicale  que  les  autres, 
c'est  la  destruction  par  le  feu  de  la  literie  contaminée  par 
les  maladies  transmissibles.  Au  pavillon  d'isolement  qu'il  a 
fait  construire  à  la  Maternité  de  Paris,  M.  Tarnier  depuis 
près  de  cinq  ans  fait  brûler  tout  matelas  qui  a  servi  à  une 
accouchée,  celle-ci  n'eùt-elle  présenté  aucun  accident. 
M.  Stadfeld,  chirurgien  en  chef  de  la  Maternité  de  Copen- 
hague, nous  apprenait  au  Congrès  de  Bruxelles,  en  1876, 
que  les  matelas  ne  servent  jamais  qu'à  une  seule  accou- 
chée; on  les  brûle  également  à  chaque  changement  de 
malade.  M.  Stadfeldt  a  remplacé  les  matelas  ordinaires 
par  des  sacs  de  toile  remplis  de  paille  très  finement  ha- 
chée ;  le  couchage  est  très  bon,  il  est  économique.  M.  Tar- 
nier emploie  la  balle  d'avoine,  qui  donne  un  couchage  ex- 
cellent; le  sac  ainsi  rempli  remplace  le  matelas  et  le  som- 
mier ;  à  chaque  départ,  on  brûle  la  balle  d'avoine  et  on 
envoie  le  sac  d'enveloppe  à  la  lessive.  La  dépense  dépasse 
à  peine  celle  de  la  réfection  d'un  matelas.  M.  E.  Trélat  (1), 
lors  delà  discussion  sur  la  désinfection  par  l'air  chaud,  à  la 
Société  de  médecine  publique  et  d'hygiène  professionnelle, 
en  1878,  proposait  de  généraliser  cette  mesure,  et  afin  de 
la  rendre  pratique,  de  s'ingénier  à  trouver  des  matières 
premières  très  peu  coûteuses,  avec  lesquelles  on  pourrait 
fabriquer  toutes  les  fournitures  d'habillement  et  de  literie 
servant  dans  les  hôpitaux.  La  proposition  mérite  qu'on  y 
réfléchisse. 

Au  risque  de  nous  répéter,  nous  croyons  utile  de  repro- 
duire ici  quelques-unes  des  conclusions  du  rapport  que 
nous  avons  présenté,  en  1878,  à  la  Société  de  médecine 
publique,  au  nom  d'une  commission  composée  de 
MM.  Leroy  de  Méricourt,  Trélat,  Hudelo  et  Vallin,  rappor- 
teur, conclusions  qui  ont  été  approuvées  et  votées  par  la 
Société  : 

(1)  Bulletin  de  la  Société  de  médecine  publique  et  d'hygiène  profession- 
nelle, 1878,  T.  1,  p.  322. 


DÉSINFECTION  DE  LA  LITERIE.  507 

«  La  chaleur  est  le  moyen  le  plus  efficace,  le  plus  expé- 
ditif,  le  moins  dispendieux  d'assurer  une  désinfection 
sérieuse...  Les  recherches  de  Tyndall  prouvent  que  ce  qui 
assure  la  destruction  des  protorganismes,  en  général,  c'est 
moins  l'élévation  de  température  que  l'application  inter- 
mittente d'une  chaleur  voisine  de  -\-  100"  centigrades.  Les 
germes  ou  corpuscules,  souvent  réfractaires  quand  ils  sont 
très  anciens  et  très  desséchés,  peuvent  ainsi,  dans  l'inter- 
valle des  opérations  de  chauffage,  se  transformer  en  orga- 
nismes adultes  qu'une  température  inférieure  à  -\-  100° 
détruit  aisément.  Ces  notions  sont,  dans  une  certaine 
mesure  et  par  analogie,  applicables  à  la  destruction  des 
miasmes  et  des  germes  morbides. 

a  Tout  établissement  sanitaire  devrait  être  muni  d'une 
étuve  spacieuse  oii  les  objets  contaminés  seraient  soumis 
pendant  une  ou  deux  heures  à  un  courant  de  vapeur  sur- 
chauffée à  -{-  105°  centigrades  environ.  Le  linge  sale,  les 
couvertures,  les  objets  de  literie  ayant  servi  aux  malades  at- 
teints d'affections  réputées  transmissibles  ou  suspectes  (fiè- 
vres éruptivcs,  érysipèles,  fièvres  typhoïdes,  grandes  suppu- 
rations, puerpéralité  normale,  etc.)  devraient  être  portés 
à  l'étuve  au  sortir  de  la  salle  et  avant  d'être  soumis  à 
aucune  autre  manipulation.  Ce  n'est  qu'après  cette  première 
désinfection  qu'on  procéderait  au  lessivage,  au  nettoyage, 
à  la  réparation  des  objets  souillés  ou  dégradés. 

c  Après  ces  opérations,  le  matériel  remis  en  état  séjour- 
nerait dans  les  magasins  ;  mais  chaque  pièce,  au  fur  et  à 
mesure  des  besoins,  immédiatement  avant  d'être  remise  en 
circulation  dans  les  salles,  passerait  une  seconde  fois  à 
l'étuve  ;  on  ferait  ainsi  disparaître  toute  trace  d'humidité 
et  l'on  rendrait  la  désinfection  complète.  La  charpie,  la 
ouate,  le  linge,  les  coussins  destinés  aux  pansements  et 
aux  appareils  subiraient  le  même  traitement  avant  d'être 
mis  en  service.  Cette  mesure  pourrait  sans  inconvénient 
être  généralisée  et  appliquée  à  tout  le  matériel  distribué 
aux  entrants,  sans  distinction  de  maladie. 


S08  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

«  Pour  certaines  affections  plus  particulièrement  viru- 
lentes et  reconnues  transmissibles  (diphthérie,  infection 
purulente,  septicémie,  fièvre  puerpérale,  choléra,  etc., 
en  cas  d'épidémie  et  sur  la  désignation  des  médecins) , 
il  est  désirable  que  les  pièces  de  literie  soient  intérieu- 
rement garnies  d'une  matière  de  peu  de  valeur,  telle  que 
la  balle  d'avoine,  la  paille  finement  hachée,  qui  pour 
rait  être  détruite  par  le  feu  après  avoir  servi  à  un  ma- 
lade ;  l'expérience  prouve  que  la  dépense  est  minime 
(2  fr.)  et  n'excède  pas  celle  qu'occasionne  l'épuration  par 
la  méthode  ancienne  (1).  » 

Nous  pensons  que  les  efforts  faits  par  la  Société  de  mé- 
decine publique  et  par  nous-même  en  faveur  de  la  propaga- 
tion de  la  désinfection,  n'ont  pas  été  tout  à  fait  étrangers 
à  la  création  des  deux  étuves  qui  fonctionnent  aujour- 
d'hui à  l'hôpital  Saint-Louis,  et  à  celle  des  étuves  munici- 
pales que  la  Préfecture  de  police  fait  construire  à  Paris, 
sur  le  rapport  de  MM.  L.  Colin  et  Pasteur  (Annales 
crhijgiène,  1880,  T.  IV,  p.  dl). 

ART.    V.  —  DÉSINFECTION    DU   MATÉRIEL  CHIRURGICAL. 

Les  instruments  et  les  objets  qui  servent  au  traitement 
des  malades  sont  parfois  une  cause  d'infection,  de  transrais- 
siondemaladies, d'empoisonnements.  Il  y  a  quelques  années, 
un  certain  nombre  de  cas  de  syphilis  transmise  par  le 
cathétérisme  de  la  trompe  d'Eustache,  dans  le  cabinet  du 
même  médecin  auriste,  ont  causé  une  grande  émotion  dans 
le  monde  médical.  Une  sonde  en  argent,  et  à  plus  forte 
raison  une  sonde  en  gomme  noire  ou  en  caoutchouc, 
peuvent  déterminer  une  fermentation  indéfinie  de  l'urine 
dans  la  vessie,  en  transportant  dans  ses  orifices  mal  lavés 


(1)  E.  Vallin,  Sur  la  désinfection  par  l'air  chaud,  Rapport  à  la  So- 
ciété de  médecine  publique  et  d'Iii/giène  professionnelle  [Bulletin  de  la 
Société,  1878,  T.  I.  334.) 


DÉSINFECTION  DU  MATÉRIEL  CHIRURGICAL.  509 

une  petite  quantité  de  ferment  ammoniacal,  provenant  d'un 
cathétérisme  antérieur  chez  un  malade  atteint  de  catarrhe 
purulent  de  la  vessie.  Récemment  encore,  au  Congrès  in- 
ternational de  Londres,  M.  Tarnier  (1)  attirait  l'attention 
sur  le  danger  des  sondes  vésicales  mal  nettoyées.  «:  Les 
sondes  dont  je  me  sers,  dil-il,  sont  en  caoutchouc  rouge  et, 
avant  leur  usage,  plongées  dans  une  solution  phéniquée. 
C'est  là  une  précaution  indispensable  ;  avant  d'y  recourir, 
j'ai  vu  deux  cas  de  mort  par  néphrite  consécutive  à  une  cys- 
tite, par  suite  de  l'usage  d'un  cathéter  mal  nettoyé.  » 

Les  stylets,  les  trocarts  mal  lavés  et  souillés  de  pus  al- 
téré, peuvent  introduire  dans  une  plaie,  dans  une  cavité 
pleurale,  le  poison  septique  ou  l'infection  purulente.  L'opé- 
ration de  la  saignée  pratiquée  avec  une  lancette  malpropre 
a  causé  parfois  des  phlébites  graves,  etc.  Il  est  inutile  d'in- 
sister ;  ces  exemples  prouvent  la  nécessité  d'une  désin- 
fection préalable,  minutieuse,  des  instruments  destinés  aux 
opérations  ou  aux  pansements. 

Toutes  les  fois  qu'il  est  possible,  le  flambage  est  une 
excellente  mesure.  Rien  n'est  plus  facile  que  de  passer  un 
stylet  d'argent  ou  une  sonde  cannelée  dans  la  flamme 
d'une  lampe  à  alcool  ou  d'une  simple  bougie,  immédiate- 
ment avant  de  sonder  une  plaie.  Les  instruments  plus 
délicats  doivent  être  plongés  ou  lavés  dans  une  solution 
concentrée  d'acide  phénique,  ou  dans  l'huile  phéniquée 
(10  pour  100).  Jamais  une  thoracentèse  ne  doit  être  pra- 
tiquée sans  avoir  fait  pas  jer  plusieurs  fois  un  pareil  mélange 
à  travers  les  aiguilles  ou  les  trocarts,  autrement  on  s'expose 
à  transformer  un  épanchement  séreux  en  épanchement 
purulent. 

Les  éponges  deviennent  facilement  une  cause  d'infection 
des  plaies  ;  leur  nettoyage,  leur  désinfection  est  difficile. 
Après  chaque  pansement,  une  éponge  devrait  toujours  être 

(1)  Transactions  of  the  intsrnational  médical  Congress,  honlon,  18S1, 
T.  IV,  }j.  391. 


MO  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

plongée  dans  une  solution  de  permanganate  de  potasse  au 
millième,  et  lavée  à  plusieurs  reprises  dans  des  solutions 
nouvelles.  Certains  chirurgiens  gardent  en  permanence 
les  éponges  plongées  dans  des  solutions  phéniquées  fortes 
(à  5  p.  100),  et  expriment  ce  liquide  au  moment  même  de 
les  porter  sur  une  plaie.  Le  lavage  peut  encore  se  faire 
avec  une  solution  de  chlorure  de  zinc  à  5  pour  100,  c'est 
le  moyen  le  plus  économique,  le  plus  simple  et  le  plus  sûr. 

Il  est  même  préférable  de  supprimer  les  éponges  et 
de  les  remplacer  par  des  plumasseaux  d'ouate,  de  filasse,  de 
jute,  d'oakum  (étoupe  de  vieux  cordages  goudronnés). 
Ces  matières  premières  sont  presque  sans  valeur,  et  sont 
jetées  dès  qu'elles  ont  servi  à  laver  la  plaie  d'un  malade. 
L'éponge  peut  encore  être  remplacée  par  l'irrigateur,  qui 
lave  les  plaies  sans  les  exposer  à  des  contacts  dangereux. 

Les  canules  d'instruments  doivent  être  également  l'objet 
d'une  attention  sérieuse  ;  elles  ont  souvent  été  accusées 
d'avoir  transmis  des  infections  puerpérales  en  servant 
successivement  à  plusieurs  accouchées.  Aujourd'hui,  dans 
beaucoup  de  services  d'accouchement,  chaque  femme  a 
sa  canule  pour  injection  ;  quand  la  femme  est  guérie  ou 
morte,  on  détruit  la  canule,  ou  bien  on  la  désinfecte  en  la 
soumettant,  comme  les  éponges,  à  l'action  des  liquides 
que  nous  venons  d'énumérer. 

ART.  VI.  —  DÉSINFECTION  DU  PERSONNEL  MÉDICAL 
OU  AUXILIAIRE. 

Depuis  un  certain  nombre  d'années,  beaucoup  d'accou- 
cheurs font  jouer  un  rôle  considérable  dans  le  dévelop- 
pement et  l'origine  de  l'infection  puerpérale  à  la  trans- 
mission directe  d'un  virus  putride  ou  septique,  du  doigt 
ou  des  instruments  du  médecin,  à  la  vulve  et  à  l'utérus 
de  l'accouchée  ou  de  la  parturiante.  En  France,  MM.  Her- 


DÉSINFECTION  DU  PERSONNEL  MÉDICAL.  511 

vieux,  Siredey,  Tarnier,  Pinard,  etc.,  érigent  maintenant  en 
principe  qu'il  faut  s'abstenir  de  toute  fréquentation  des 
-amphithéâtres  d'anatomie,  et  même  des  salles  de  grande 
chirurgie,  du  toucher  des  femmes  atteintes  de  maladies 
puerpérales  infectieuses,  quand  on  est  appelé  à  assister 
des  parturiantes.  MM,  Tarnier  et  Siredey  nous  ont  cité 
plusieurs  cas  où  des  femmes,  jusque  là  en  excellent  état 
puerpéral,  ont  été  accidentellement  touchées  ou  secourues 
par  un  médecin  ou  un  interne  qui  avait  quelques  heures 
auparavant  manié  des  pièces  anatomiques,  fait  des  opéra- 
tions sur  le  cadavre,  etc.  Dans  les  24  heures,  la  tempéra- 
ture s'élevait  à  -|-  41",  les  lochies  devenaient  fétides,  il  se 
déclarait  des  phlébites,  des  péritonites,  des  lymphites  par- 
fois mortelles.  Quelle  responsabilité  terrible  n'encourt  pas 
le  médecin  entre  les  mains^  et  par  les  mains  de  qui  arrive 
un  pareil  désastre  ? 

Depuis  longtemps  déjà  l'attention  est  portée  sur  ce  point, 
dans  tous  les  pays  :  des  chirurgiens  anglais  ont  renoncé 
spontanément  pendant  plusieurs  mois  à  la  pratique  de 
l'obstétrique,  parce  que  toutes  les  malades  mouraient  entre 
leurs  mains  d'infection  puerpérale,  alors  que  la  maladie 
était  presque  inconnue  dans  la  clientèle  des  confrères  ou 
des  sages-femmes  de  la  même  localité.  En  Angleterre,  où 
la  responsabilité  du  médecin  est  si  souvent  et  par-fois  si 
abusivement  mise  en  cause  devant  la  justice,  les  tribu- 
naux ont  condamné  des  médecins  à  des  dommages  et  inté- 
rêts pour  avoir  transmis  à  leurs  clientes  l'infection  puer- 
pérale ! 

L'un  des  cas  les  plus  anciens  et  des  plus  curieux  est 
celui  de  ce  médecin  de  Philadelphie,  le  D''  David  Rutter,  qui 
dans  l'espace  de  4  ans,  vers  1840,  eut  dans  sa  clientèle 
privée  95  cas  d'infection  puerpérale,  avec  18  décès,  tan- 
dis que,  pendant  le  même  temps,  plusieurs  de  ses  con- 
frères pratiquant  dans  la  même  ville  n'eurent  pas  un 
seul  cas  de  la  maladie.  Le  D''  Piutter,  convaincu  qu'il  se- 


^12  ■  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

mjiait  derrière  lui  la  contagion,  résolut  de  s'abstenir  de 
toute  clientèle  pendant  plusieurs  semaines  ;  au  bout  de  ce 
temps,  et  après  avoir  pris  toutes  les  mesures  de  désinfec- 
tion jugées  possibles,  il  voulut  reprendre  l'exercice  de  sa 
profession  ;  mais  les  cas  de  fièvre  puerpérale  qui  avaient 
disparu  recommencèrent  chez  ses  malades.  Le  cas  paraissait 
merveilleux,  lorsqu'on  apprit  que  le  D""  Rutter  était  atteint 
depuis  plusieurs  années  d'un  ozène  très  fétide;  on  put 
dès  lors  supposer  que  ses  mains,  souillées  de  muco-pus 
riche  eh  bactéries,  allaient  partout  inoculer  ces  germes 
chez  les  femmes  en  couches  confiées  à  ses  soins.  M.  le  pro- 
fesseur Depaul,  dans  la  discussion  sur  la  fièvre  puerpérale,  à 
l'Académie  de  médecine,  a  fait  connaître  deux  cas  de  sa 
pratique,  où  il  fut  appelé  à  assister  des  femmes  en  couches 
au  moment  même  où  il  venait  de  terminer  des  autopsies 
de  femmes  mortes  d'accidents  puerpéraux.  Malgré  les 
ablutions  les  plus  minutieuses ,  ses  mains  conservaient 
encore  cette  odeur  tenace  de  l'autopsie  ;  dans  les  deux 
cas,  les  femmes  assistées  succombèrent  en  peu  de  jours. 
Des  faits  analogues  ont  été  observés  et  relatés  par  un  grand 
nombre  de  médecins  (D""  Moir,  d'Edinburgh,  D''  Holmes, 
D""  Huntley,  British  med.  journal,  1870.)  Tout  le  monde 
connaît  le  fait  de  Semmelweis,  le  médecin  en  chef  de 
la  Maternité  de  Prague,  qui  fît  cesser  les  épidémies  de 
fièvre  puerpérale  en  surveillant  d'une  manière  toute  spé- 
ciale la  propreté  des  mains  des  élèves  et  des  sages-femmes, 
et  en  les  obligeant  à  les  tremper,  après  un  lavage  très 
soigné,  dans  une  solution  contenant  30  grammes  de  chlo- 
rure de  chaux  par  litre.  Nous  tenons  de  M.  Siredey  qu'une 
sage-femme  de  Paris,  chez  qui  l'Assistance  publique  faisait 
accoucher  ses  assistées,  lui  fournissait  à  un  certain  mo- 
ment un  nombre  inaccoutumé  de  cas  d'infection  puerpé- 
rale :  une  enquête  minutieuse  apprit  à  notre  savant  col- 
lègue que  cette  sage-femme  donnait  dans  son  domicile -les 
soins  les  plus  intimes  à  une  parente  atteinte  de  cancer 


DÉSINFECTION  DU  PERSONNEL  MÉDICAL.  513 

ulféic  (le  l'iilcrus  ;  il  est  probable  que  le  doigt  mal  lavé  et 
souillé  d'ichor  cancéreux  allait  contaminer  l'utérus  des 
nouvelles  accouchées  et  inoculait  en  quelque  sorte  un  em- 
poisonnement septique.  Les  exemples  de  ce  genre  sont 
devenus  si  nombreux  qu'il  faudrait  fermer  les  yeux  à  la 
lumière  pour  nier  la  possibilité,  sinon  la  fréquence  de  ce 
mode  de  contamination. 

Le  pansement  antiseptique  des  nouvelles  accouchées,  et 
même  des  parturiantes,  s'impose  donc  avec  plus  de  force 
encore  aujourd'hui  que  pour  les  blessés  ordinaires  des 
salles  de  chirurgie.  C'est  à  la  désinfection  très  rigoureuse 
des  mains  des  médecins  et  des  élèves,  des  instruments 
obstétricaux,  des  éponges,  des  canules  à  injection,  etc., 
c'est  aussi  à  F  isolement  immédiat  de  toute  nouvelle  accouchée 
qui  présente  le  moindre  mouvement  fébrile,  que  M.  Si- 
redey  attribue  l'abaissement  considérable  de  la  mortalité 
à  la  maternité  de  l'hôpital  Lariboissière.  Cette  mortalité 
était  de  1  sur  11  au  lendemain  de  l'ouverture  de  ce  ma- 
gnifique hôpital  ;  malgré  des  soins  incessants,  elle  n'avait 
pu  descendre  au-dessoiis  de  1  sur  18  ;  elle  tomba  tout  à 
coup  à  1  p.  50,  et  bientôt  à  moins  de  1  p.  100,  à  partir  du 
jour  où  M.  Siredey  imposa  le  nettoyage  antiseptique  des 
mains  et  de  tout  ce  qui  pouvait  être  mis  en  contact  avec 
les  parties  génitales  des  femmes  en  couche. 

M.  Tarnier  exige  l'abstention  complète  des  travaux  d'a- 
natomie,  des  autopsies,  de  la  fréquentation  des  amphi- 
théâtres, de  la  part  de  tous  les  internes  de  son  service  à 
la  Maternité,  et  aujourd'hui  un  grand  nombre  de  médecins 
des  services  d'accouchement  imposent  aux  autres  et  s'im- 
posent à  eux-mêmes  le  même  sacrifice.  A  l'infirmerie 
de  la  Maternité,  M.  Hervieux  a  depuis  10  ans  arrêté  pour 
ainsi  dire  l'endémie  traditionnelle  des  fièvres  puerpérales 
(10  décès  jadis  sur  100  accouchements)  en  séparant  en 
deux  services  très  distincts  les  affections  gynécologiques 
communes  et  les  femmes  atteintes  d'infections  puerpérales. 

Vallin.  —  Désinfectants.  33 


ril4  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Ce  résultat  n'est  pas  dû  seulement  à  l'isolement  et  à  la  sup- 
pression de  l'infection  miasmatique  ;  il  faut  faire  une  part 
très  grande  à  ce  fait  que  les  élèves,  les  infirmières,  le 
matériel  qui  touchent  les  parties  génitales  des  femmes  déjà 
infectées,  n'ont  aucune  communication  avec  les  femmes  de 
l'autre  service,  réservé  exclusivement  aux  maladies  gyné- 
cologiques communes. 

M.  Tarnier  est  allé  plus  loin,  et  il  a  fait  adopter  à  l'hô- 
pital Tenon  et  dans  le  pavillon  qui  porte  son  nom,  dans 
le  jardin  de  la  Maternité,  l'isolement  absolu  de  toute 
parturiante,  pendant  10  jours,  depuis  le  commencement 
du  travail,  jusqu'à  la  sortie  définitive.  Quand  une  femme 
accouchée  dans  le  pavillon  ïarnier  présente  des  symptômes 
d'infection  puerpérale,  elle  n'est  plus  visitée  ni  soignée 
par  la  sage-femme,  ni  par  le  médecin  habituel;  c'est  un 
médecin  d'un  hôpital  voisin  qui  vient  chaque  jour  la  vi- 
siter, et  elle  est  soignée  par  une  infirmière  affectée  exclu- 
sivement à  son  service.  Quelle  que  soit  l'issue  de  la  puer- 
péralité,  même  quand  les  couches  se  sont  terminées  heu- 
reusement, tout  le  matériel  est  lavé,  purifié,  désinfecté  : 
le  coussin  de  balle  d'avoine  qui  remplace  toute  autre  li- 
terie est  emporté,  la  toile  est  lessivée,  la  balle  d'avoine  est 
brûlée  :  les  parois  de  la  chambre,  le  sol,  le  plafond  sont 
lavés  à  la  pompe  à  incendie;  le  lit,  les  sièges,  les  tables, 
tous  en  fer,  sont  lavés  à  l'acide  phénique  ;  la  place  est 
ainsi  parfaitement  désinfectée  avant  de  recevoir  une  nou- 
velle parturiante.  Le  résultat  a  été  excellent:  depuis  5  ans, 
il  n*y  a  eu  que  6  décès  sur  1,223  accouchemenls,  dans 
un  hôpital!  (Progrès  médical,  1882,  p.  511). 

La  désinfection  ne  doit  pas  seulement  porter  sur  le  ma- 
tériel ;  la  méthode  antiseptique  ou  préventive  doit  être 
minutieusement  appliquée.  Personne,  sans  exception,  ne 
devrait  toucher  une  fomme  en  couches  sans  avoir  lavé  ses 
mains  au  savon,  à  la  brosse  à  ongles,  longuement,  lente- 
nient)  à  grande  eau;  après  le  lavage,  et  pour  enlever  toute 


DÉSINFECTION  DU  PERSONNEL  MÉDICAL.  515 

trace  de  ces  émanations  fétides  que  laisse  par  exciii[)lcr(Ui- 
topsic  du  péritoine,  les  mains  doivent  être  humectées  avec 
une  solution  pliéni(piée  forte  (5  p.  100),  ou  plus  faible  mais 
alors  additionnée  d'alcoolé  de  thymol.  Cette  solution  a  une 
odeur  désagréable,  excorie  les  mains  ouïes  rend  rugueuses; 
M.  Tarnier  se  sert  avec  le  plus  grand  avantage  d'une 
solution  au  millième  de  sublimé,  de  liqueur  de  Van-Swié- 
ten  :  c'est  un  antiseptique  des  plus  puissants,  inodore,  qui 
n'altère  nullement  la  peau  des  mains  et  qui  ne  peut 
avoir  aucun  inconvénient.  L'acide  salicylique,  dissous  dans 
de  l'eau  de  Cologne,  à  la  dose  de  5  p.  400,  est  également 
un  désinfectant  très  pratique  préconisé  en  Belgique.  Nous 
comprendrions  que  chaque  médecin  appelé  auprès  d'une 
accouchée  suspecte  prescrivît  dès  la  première  visite  une 
deces solutions,  qui  resterait  à  demeure  dans  la  chambre  et 
lui  servirait  chaque  jour  à  se  purifier  les  mains  avant  de 
quitter  la  maison  pour  aller  voir  ou  toucher  peut-être  une 
autre  malade. 

L'on  peut  encore  employer  la  pommade  dont  se  sert  jour- 
nellement Nussbaum:  vaseline,  90  grammes  ;  acide  phé- 
nique  cristahisé,  10  grammes.  Ce  mélange  ne  rancit  pas, 
il  pénètre  profondément  dans  les  pores  et  les  plis  de  la  peau  ; 
Une  produit  pas  cette  rudesse  de  la  peau  qu'entraîne  l'u- 
sage prolongé  des  solutions  phéniquées  et  qui  s'accompagne 
trop  souvent  d'une  diminution  de  la  délicatesse  du  tou- 
cher. 

Le  professeur  Volkmann  (1),  de  Halle,  M.  Lucas  Cham- 
pionnière,  croient  qu'avec  ces  lavages  rigoureux  et  anti- 
septiques, il  n'est  pas  indispensable  d'interdire  aux  élèves 
et  aux  médecins  accoucheurs  la  pratique  des  travaux 
anatomiques.  M.  Volkmann  passe  deux  heures,  en  été-,  à 
son  cours  de  médecine  opératoire,  où  il  manie  des  cada- 
vres à  demi-corrompus;    quelques    instants  après,  il   ne 

ii]  Volkmann,  Centralblall  fur  Gijnœcologie,  septembre  1880,  et  Revue 
d'hijgiène  et  de  police  sanitaire,-  1881,  p.  3-il. 


516  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

craint  pas  d'aller  faire  ses  opérations  à  la  clinique  obstétri- 
cale, où  néanmoins  il  obtient  de  remarquables  succès.  Il 
est  vrai  que  le  chirurgien  allemand  savonne  pendant  un 
quart  d'heure  ses  mains  et  ses  avant-bras  jusqu'au  coude, 
et  qu'il  enduit  ensuite  l'épiderme,  bien  essuyé,  mais  ramolli 
et  gonflé,  avec  une  solution  forte  de  vaseline,  de  glycérine 
ou  d'huile  phéniquées. 

M.  Lucas  Championnière  a  obtenu  de  la  même  manière, 
à  la  maternité  de  Cochin,  le  résultat  suivant  en  1878  :  on 
a  fait  à  l'hôpital,  dans  l'année,  770  accouchements;  un 
bon  nombre  ont  nécessité  des  opérations  obstétricales  sé- 
rieuses. Il  y  a  eu  en  tout  5  décès,  dont  2  seulement  par 
maladies  puerpérales  ;  les  3  autres  décès  comprennent  :  1 
phthisique,  arrivée  au  dernier  période  de  la  maladie,  et 
morte  vingt  et  un  jours  après  l'accouchement,  d'accidents 
thoraciques  ;  I  malade,  venue  d'un  service  de  médecine 
avec  une  péricardite  aiguë  au  cours  de  sa  grossesse,  et  qui 
mourut  4  jours  après  l'accouchement;  1  éclamptique,  morte 
deux  heures  après  son  entrée. 

Résultat  :  aucun  décès  à  la  suite  d'opérations. 

mortalité  brute  —  6,0  décès  pour  1,000 accouchements. 
'  mortalité  puerpérale  —  2,3  pour  1,000. 

Et  cependant  chaque  matin  les  femmes  en  couches 
étaient  explorées  par  les  élèves  du  service;  mais  on  exi- 
geait de  ceux-ci,  avant  le  toucher,  un  lavage  minutieux  des 
mains  etl'imbrocation  des  doigts  avec  l'huile  phéniquée  à 
haute  dose.  Pour  les  deux  années  1878  et  1879,  en  retran- 
chant les  décès  dus  à  des  causes  tout  à  fait  exceptionnelles, 
M.  Lucas  Championnière,  sur  i,455accouchements, ne  trouve 
que  6  décès,  soit  4,1  décès  pour  1,000   accouchements. 

M.  Lucas  Championnière,  et  peut-être  aussi  M.  Siredey, 
en  tireraient  volontiers  cette  conclusion  que  nous  n'oserions 
admettre,  à  savoir,  qu'il  est  inutile  de  consacrer  des  som- 
mes considérables  à  des  nouvelles  maternités  composées 
de  chambres  parfaitement  isolées,  puisque,  avec  des  soins 


DÉSINFECTION  DU  PERSONNEL  MÉDICAL.  517 

rigoureux  de  propreté  et  la  méthode  antiseptique  on  peut 
réduire  à  ce  point  la  mortalité  des  accouchées. 

Tout  récemment,  un  médecin  distingué  de  Cologne,  le 
D''  Rheinstaedler  (1),  proposait  de  rendre  obligatoire  pour 
les  sages-femmes  l'emploi  des  antiseptiques.  Nous  n'ose- 
rions aller  jusque  là;  il  suffit  à  l'accoucheur  consciencieux 
de  savoir  que  la  moindre  négligence  dans  l'emploi  des  dé- 
sinfectants peut  faire  de  lui  un  meurtrier. 

De  même  en  ce  qui  concerne  l'abstention  absolue  des 
études  cadavériques,  il  est  possible  qu'on  puisse  l'éviter  à 
l'aide  de  précautions  minutieuses.  Mais  ici  le  danger  est  si 
redoutable  qu'il  vaut  mieux  pécher  par  excès  de  prudence 
et  s'imposer  la  gène  très  grande  de  la  suppression  tempo- 
raire des  autopsies;  il  est  d'ailleurs  facile  de  faire  prati- 
quer celles-ci  par  une  personne  qui  n'entre  pas  dans  les 
salles  d'accouchement.  Les  vêtements  qui  ont  séjourné  an- 
térieurement dans  l'amphithéâtre  d'anatomie,  ou  bien  ceux 
avec  lesquels  on  a  assisté  une  femme  atteinte  d'infection 
puerpérale,  doivent  être  préalablement  désinfectés,  par 
exemple  par  l'exposition  aux  vapeurs  de  soufre. 

Autrefois,  il  existait  dans  chaque  salle  d'accouchement 
un  vase  contenant  de  la  ouate  et  de  l'huile,  qui  pendant 
toute  l'année  servait  à  oindre  le  doigt  et  les  instruments 
avant  le  toucher  ou  une  opération  gynécologique;  il  y  a 
peut-être  là  une  cause  fréquente  de  souillure  et  même  de 
contagion.  L'huile  doit  être  très  fréquemment  renouvelée 
et  contenir  de  1  à  2  pour  100  d'acide  phénique. 

Les  placentas,  après  l'accouchement,  doivent  être  im- 
médiatement plongés  (Empis)  dans  une  solution  de  chlorure 
de  zinc  (à  5  p.  100)  ou  de  chlorure  de  chaux  (à  30  gr.  par 
litre)  ;  un  baquet  rempli  de  cette  solution,  et  placé  en  de- 
hors de  la  salle  d'accouchement,  serait  destiné  à  recevoir 

(1)  D"'  Rheinstaedler,  Vorschlage  ziir  Einfïtli  iing  der  obligatorischen 
Antisepsis  fur  die  Hebammeiv  {Vierteljahresbericht  fiir  gerichtliche 
Medicin  und  offentliche  Sanitatswesen  von  H.  Eulcnberg,  octobre  1882, 
ï.  3oS  p.   323). 


.•>18  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

ainsi  tous  les  débris  placentaires,  les  caillots,  etc.  ;  le 
mieux  serait  peut-être  de  les  détruire  dans  le  foyer  de  la 
chaudière  des  bains  ou  de  la  buanderie. 

Les  linges  souillés  par  les  lochies,  le  pus,  le  sang, 
devraient  être  jetés  immédiatement  dans  le  même  hquide, 
en  attendant  qu'ils  puissent  être  conduits  de  chaque  cham- 
bre, par  une  trémie,  dans  une  étuve  à  désinfection  ados- 
sée au  pavillon.  Pour  éviter  le  transport  direct  des  germes 
dangereux  par  les  mains  souillées  de  l'accoucheur  ou 
par  l'air,  les  parties  génitales  ,  après  l'accouchement  et 
même  pendant  le  travail,  peuvent  d'ailleurs  être  recouver- 
tes d'une  compresse  trempée  dans  une  solution  de  phénol; 
à  mesure  que  la  tête  se  présente  à  la  vulve  après  les  fortes 
douleurs,  l'on  badigeonne  les  parties  de  lanière  et  de  l'en- 
fant avec  un  pinceau  chargé  d'huile  phéniquée;  immédia- 
tement après  l'accouchement,  on  injecte  dans  le  vagin  de 
l'eau  tiède  phéniquée  à  2  p.  100.  Quand  les  lochies  de- 
viennent fétides,  la  plupart  des  accoucheurs,  Tarnier, 
Siredey,  Lucas  Championnière,  Pinard,  Zweifel,  Bischoff, 
Shucking,Fritsch  et  Kiistner,  font  immédiatement  des  injec- 
tions vaginales  avec  la  solution  phéniquée  ou  salicylée  à 
2  p.  100.  Les  injections  intra-utérines  doivent  être  réser- 
vées pour  les  cas  exceptionnels  où  la  fétidité  persiste,  oi^i 
des  caillots,  des  débris  de  placenta  ont  séjourné  dans  l'u- 
térus (1)  ;  elles  nécessitent  des  soins  particuliers,  une  canule 
à  double  courant,  une  pression  très  faible,  pour  éviter  le 
passage  du  liquide  dans  le  péritoine.  M.  Lucas  Champion- 
nière voudrait  qu'on  supprimât  complètement  l'eau  pure 
des  services  d'accouchements,  et  qu'on  évitât  tous  les  cata- 
plasmes, cérats,  épithèmes,  capables  de  transporter  des 
germes  morbides. 

Nous  ne  pouvioi  s  ne  pas  insister  sur  cette  désinfection 

(1)  Revue  des  sciences  médicales  de  IJaijem,  18"0,  T.  XIII,  p.  198.  — 
J.  Rendu,  De  l'utilité  des  larcirjes  inirn-utérins  nntiseptiques  dans  tin- 
fectiun  puerpérale.  Thèse  de  Paris,  1879. 


DÉSIISFIXITIUN  DU  l'El\SUNNl:L  MlÏDlCAL.  r,IO 

puerpérale  que  les  accoucheurs  modernes  tendent  de  \)h\9. 
en  plus  à  considérer  comme  la  condition  essentielle  du 
succès.  Le  pansement  antiseptique  dans  toute  sa  rigueut' 
serait  appelé  à  rendre  encore  plus  de  services  en  gynê- 
cologie  et  en  obstétrique  que  dans  la  pratique  de  la 
chirurgie  générale. 

Ce  n'est  pas  seulement  pour  les  accoucheurs  que  ces 
pratiques  rigoureuses  de  désinfection  sotit  nécessaires. 
Sans  doute,  les  anciens  médecins,  ceux  des  deux  ou  trois 
siècles  qui  ont  précédé  le  nôtre,  sont  tombés  dans  un  excès 
ridicule  en  revêtant,  pour  aller  visiter  les  pestiférés,  les 
varloleux,  les  contagieux  en  général,  ces  vêtements  de 
formes  bizarres,  ces  masques  grotesques  à  figure  d'oiseau 
que  nous  ont  transmis  les  vieilles  estampes,  et  qui  trans- 
formaient les  visites  des  médecins  en  promenades  de  carna- 
val. La  réaction  nous  a  fait  tomber  dans  Uti  excès  contraire. 
Nous  ne  prenons  aucune  précaution  pour  aller  voir  Un 
malade  contagieux,  et  le  dédain  que  nous  avons  pour  notre 
propre  danger  tious  expoS'3  à  compromettre  la  sécurité  des 
familles  où  nous  allons  porter  nos  soins.  Nous  connaissons 
un  cas  récent,  où  un  médecin  étiiinent  a,  de  son  pro- 
pre aveu,  apporté  d'un  hôpital  la  scarlatine  et  ultérieu- 
rement Une  diphthérie  très  grave  à  un  enfant  auprès 
duquel  il  était  appelé  en  consultation',  pour  une  rougeole 
qui  commençait  cette  série  de  trois  infections  successives. 
Qui  pourrait  dire  qu'il  n'en  est  jamais  arrivé  ainsi  pour 
des  maladies  puerpérales,  des  septicémies  chirurgicales,  des 
lièvres  éruptlves  ou  autres?  La  constatation  rigoureuse 
de  ces  cas  est  d'une  difficulté  extrême,  nous  le  reconnais- 
sons, mais  la  possibilité  d'un  tel  accident  doit  tenir  notre 
vigilance  en  éveil. 

Nous  ne  voulons  pas  aborder  Ici  tous  les  points  de  la 
prophylaxie  nosocomlale  et  professionnelle  ;  mais  n'est-ce 
pas  faire  en  quelque  sorte  de  la  désinfection  préventive 
que  de  remettre  à  la  fin  du  service  ou  à  la  fin  de  la  journée 


520  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

les  visites  aux  contagieux,  d'éviter  les  contacts,  les  ex- 
plorations inutiles,  etc.?  Nous  avons  vu  des  médecins 
découvrir  presque  chaque  jour  des  convalescents  de  va- 
riole et  de  scarlatine,  soulever,  en  rejetant  les  draps  et  les 
couvertures,  des  flots  de  poussières  virulentes,  dont  les 
écailles  étaient  visibles  sur  le  drap  noir  de  leurs  vête- 
ments. N'y  a-t-il  pas  là  un  véritable  danger? 

La  désinfection  proprement  dite  est  difficile.  Les  houp- 
pelandes longues  et  serrées  au  poignet,  en  tissu  permet- 
tant des  lavages  très  fréquents  et  adoptées  dans  certains  hôpi- 
taux, ont  l'avantage  de  mettre  le  médecin  à  l'abri  des  para- 
sites, des  germes  et  des  contaminations  de  tout  genre  ;  la 
mode  les  a  presque  partout  remplacées  par  des  tabliers, 
qui  sont  plus  élégants,  mais  ne  préservent  guère. 

Nous  avons  vu ,  dans  un  service  de  varioleux,  les 
infirmiers  soulever  dans  leurs  bras  des  malades  couverts 
de  pustules,  et  le  pus  laisser  des  traînées  visibles  sur 
leurs  vêtements  de  laine;  ces  mêmes  infirmiers  allaient 
souvent  chercher  des  aliments,  des  remèdes  dans  les  par- 
ties communes  de  l'hôpital  ;  n'est-il  pas  vraisemblable 
qu'ils  ont  parfois  disséminé  dans  tout  l'hôpital  les  pous- 
sières virulentes  qui  s'étaient  desséchées  sur  leurs  vête- 
ments ?  Le  mieux  est  de  ne  pas  laisser  les  infirmiers  sortir 
de  la  salle,  pas  plus  que  les  malades  convalescents.  Mais, 
dans  la  pratique,  cette  mesure  rencontre  de  grandes  diffi- 
cultés. On  atténuerait  certainement  le  danger  en  faisant 
porter  dans  le  service  à  ces  infirmiers  des  vestes  de  toile 
ou  des  blouses  d'une  couleur  très  spéciale,  couvrant  et  pro- 
téo'eant  leurs  vêtements  ;  quand  ils  sortiraient  de  la  salle, 
ils  seraient  tenus  de  retirer  ce  vêtement  et  de  le  suspendre 
dans  l'antichambre,  pour  le  reprendre  en  rentrant  de  nou- 
veau dans  la  salle. 

A  la  Maternité  royale  de  Copenhague,  d'après  MM.  Schleis- 
ner  et  Stadfeld  (Congrès  de  Bruxelles,  1876),  une  ou  deux 
élèves  sages-femmes  assistent  exclusivement  une  femme 


DÉSINFECTION  DU  PERSONNEL  MÉDICAL.  521 

en  travail  dans  une  chambre  isolée,  et  la  suivent  six 
heures  après  dans  la  division  des  femmes  en  couches. 
Quand  la  femme  sort,  les  élèves  restent  pendant  trois 
jours  en  congé,  sans  venir  à  l'hôpital.  Au  bout  de  ce 
temps,  elles  ne  peuvent  pénétrer  dans  les  salles  de  la  Ma- 
ternité qu'après  s'être  soumises  à  une  fumigation  désin- 
fectante, par  le  procédé  suivant.  La  personne  tout  habillée 
se  tient  pendant  un  quart-d'heure  dans  un  petit  cabinet 
où  l'on  fait  brûler  du  soufre  ;  pour  empêcher  la  toux  ou 
l'asphyxie,  elle  passe  la  tète  à  travers  l'ouverture  laissée 
libre  par  l'absence  d'un  des  carreaux  de  la  fenêtre;  la 
disposition  est  telle  qu'on  n'est  nullement  gêné  par  les  va- 
peurs sulfureuses.  Quand  la  parturiante  a  succombé  à  des 
accidents  puerpéraux,  l'élève  sage-femme  prend  un  congé 
de  quinze  jours,  et  pendant  ce  temps  ne  peut  reparaître 
à  l'hôpital.  Ces  mesures  sont  bien  sévères,  mais  M.  Stad- 
feld  leur  attribue  la  diminution  très  marquée  de  la  morta- 
lité. 

A  Venise  (1),  on  impose  la  désinfection  à  toute  personne 
qui  sort  du  pavillon  des  varioleux. 

Dans  plusieurs  hôpitaux  de  Suisse  et  d'Allemagne,  ces 
pratiques  sont  imposées  en  temps  d'épidémie  ;  la  désinfec- 
tion a  lieu  par  les  vapeurs  de  soufre  ;  le  médecin,  les"elèves 
et  les  employés  se  placent  tout  habillés,  au  sortir  de  la 
salle,  dans  une  boîte  à  fumigations,  la  tête  étant  libre  hors 
de  l'appareil. 

Nous  n'oserions  dire  que  ces  pratiques  sont  indispen- 
sables ;  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'exagération  peut  dis- 
créditer les  mesures  les  plus  utiles.  Il  conviendrait,  en  tout 
cas,  de  les  réserver  pour  les  cas  exceptionnels. 

Pendant  la  dernière  épidémie  de  peste  à  Wsttlianka, 
instruits  par  rex.périence  et  après  avoir  vu  succomber 
presque  tous   leurs   collègues  (moins  un),   les  médecins 

(1)  Joanny  Rendu,  De  l'i/tolement  des  varioleux  à  l'étranger  et  en  France 
[Gazette  hebdom acUlre,  1 81S,  ii"^  16  à  "20). 


522  DÉSINFECTION  NOSOCOMlALE. 

russes  avaient  reconnu  la  nécessité  de  ne  pas  séjour- 
ner pendant  plus  de  5  minutes  auprès  d'un  pestiféré.  Au 
bout  de  ce  temps,  ils  allaient  respirer  au  dehors  et  faisaient 
provision  d'un  air  relativement  pur,  avant  de  s'approcher 
d'un  nouveau  malade.  C'est  à  cette  pratique  qu'ils  attri- 
buent l'immunité  relative  qu'ils  ont  eue  plus  tard.  Il  y  a  là 
quelque  chose  de  comparable  à  ce  que  M.  le  D""  Mac-Cormac 
recommandait  récemment  au  Congrès  international  de  Lon- 
dres (1881)  :  éviter  de  faire  des  respirations  profondes,  sus- 
pendre même  sa  respiration^  lorsqu'on  se  met  eU  contact 
immédiat  avec  un  contagieux  pour  l'explorer  ou  l'auscul- 
ter. Il  ne  faut  pas  beaucoup  compter  sur  de  pareils 
moyens. 

ART.   VI.  —  DÉSINFECTION  DES   VÉHICULES   AYANT   SERVI 
AU    TRANSPORT    DES    MALADES. 

Cette  désinfection  a  été  jusqu'à  présent  très  négligée  ; 
elle  est  indispensable,  trop  d'exemples  l'ont  démontré. 

Un  wagon  de  chemin  de  fer,  une  diligence,  une  voiture 
de  place,  un  brancard,  une  chaise  à  porteur,  peuvent  être 
souillés  par  un  malade,  et  transmettre  ainsi  une  affection 
contagieuse  soit  à  un  individu  sain,  soit  à  une  personne 
atteinte  d'une  maladie  différente.  Trop  souvent  en  France 
un  varioleux  en  pleine  éruption  ou  convalescent  se  fait 
conduire  à  l'hôpital  ou  ailleurs  dans  une  voiture  publique,- 
sans  qu'il  soit  possible  jusqu'ici  de  prendre  aucune  mesure 
prohibitive.  En  Angleterre,  en  pareil  cas,  le  cocher  surveillé 
par  la  police  est  déclaré  en  contravention  (1);  sa  voiture  est 
saisie,  conduite  à  la  fourrière  et  désinfectée  à  ses  frais, 
sauf  recours  contre  le  malade  ou  ses  représentants;  la  dé- 
pense monte  parfois  à  100  francs  et  au  delà. 

(1)  Fauvcl  et  Vallin,  De  f  isolement  des  malades  dam  les  hôpitaux, 
Rapport  au  Congrès  international  fFhygiène  à  Paris,  en  1878,  Compte 
rendu  siénographiqiie,  Paris  1880,  T.  1,  p.  704. 


DI'.SIiNFECTION  DES  VI'HLGULES,  ri33 

En  Angleterre,  en  Belgique,  l'asslstanee  publique  ou  la 
police  urbaine  entretient  des  voitures  spéciales  pour  ces 
transports  ;  à  Paris,  le  préfet  de  police  vient  d'en  faire 
construire  un  certain  nombre  qui  sont  mises  à  la  dis- 
position du  public,  A  chaque  fonctionnement,  ces  voitures 
doivent  être  désinfectées,  afin  qu'un  varioleux  qui  la  quitte 
ne})uissepas  donner  la  variole  au  scarlatineux  qui  y  rentre 
une  demi-heure  plus  tard  (1).  A  Paris,  la  désinfection  se  fait 
à  l'aide  de  l'acide  nitreux  qui  se  dégage  en  se  dialysant 
à  travers  une  éprouvette  en  terre  poreuse,  renversée  sut* 
un  vase  plein  d'eau  alcoolisée,  et  dans  lequel  on  a  introduit 
des  cristaux  des  chambres  de  plomb,  d'après  le  procédé 
de  MM.  Girard  et  Pabst.  Il  faut  de  même  désinfecter  le 
brancard  qui  sert  à  transporteries  malades  de  leur  domicile 
à  l'hôpital,  à  moins  que,  comme  en  Angleterre,  il  n'existe 
un  grand  nombre  de  ces  véhicules,  ayant  chacun  une  couleur 
spéciale  affectée  exclusivement  à  la  même  maladie.  Ces  voi- 
tures ou  ces  brancards  doivent  être  construits  et  agencés  de 
telle  sorte  que  leur  désinfection  soit  rapide,  facile,  peu  coû- 
teuse. Les  parois  intérieures  et  extérieures  doivent  être  im- 
perméables, peintes  et  vernies  ;  les  tissus  de  laine  ou  autres 
en  seront  proscrits  ;  les  garnitures  des  coussins  doivent 
ê(re  mobiles,  et  exclusivement  en  cuir  ou  en  toile  vernis, 
faciles  à  laver  à  grande  eau  ou  à  l'éponge  avec  des  solu- 
tions d'acide  phénique  ou  de  chlorure  de  zinc  à  2  0/0  (2). 
L'intérieur  doit  pouvoir  être  lavé  à  grande  eau,  à  l'aide  de 
pompes  à  incendie.  Les  acides  nitreux,  hypoazotique,  sul- 
fureux, à  l'état  de  gaz,  l'acide  phénique  en  vapeurs  obte- 
nues en  brûlant  5  à  10  grammes  d'acide  cristalHsé  sur  une 
pelle  rougie,  sont  des  agents  très  utiles  pour  désinfecter 
les  voitures  tendues  d'étoffes  et  capitonnées.   Les  wagons 

(1)  A.-J.  Martin,  Le  transport  (les  personnes  atteintes  de  maladies 
contar/ieKses  [Revue  dltygiène  et  de  police  sanitaire,  1880,  p.  138). 

(â)  A.  Collie,  On  some  public  health  points  in  the  ménagement  of  a 
smaU-pox  Hospttal.  [Médical  Tinws  and  Gazelle,  5  juin  1880,  p.  (303-678, 
et  Rei'ue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1880,  p.  816.) 


524  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

de  voyageurs  ou  de  bagages,  quand  ils  ont  reçu  des 
malades  suspects,  pendant  une  guerre  ou  une  épidémie, 
doivent  être  désinfectés  comme  les  autres  locaux.  Une  com- 
mission spéciale  nommée  à  cet  effet  aux  États-Unis  vient 
de  consacrer  un  long  mémoire  à  cette  question  (1).  En  Rus- 
sie, après  la  guerre  contre  les  Turcs,  on  y  faisait  des  fumiga- 
tions d'acide  sulfureux,  d'acide  phénique  cristallisé  jeté  sur 
une  plaque  rougie,  d'acide  hypoazotique,  de   chlore,  etc. 

LeDr  y.  Fatio  (:2),  deGenève,  a  communiquéàl'Académie 
des  sciences  (12  avril  et  26  octobre  1880)  le  résultat 
d'expériences  dont  il  a  été  chargé  par  le  département  fédé- 
ral du  commerce  et  de  l'agriculture  en  février  1880.  Il  a 
fait  voir  que  50  centimètres  cubes  d'acide  sulfureux  anhydre 
ou  liquide  par  mètre  cube  d'air,  suffiraient  à  tuer  en  deux 
heures  le  phylloxéra  et  ses  œufs  dans  un  wagon  fermé  ;  les 
mêmes  effets  mortels  pouvaient  être  obtenus  immédiatement 
à  l'air  libre,  en  pulvérisant  contre  les  parois  d'un  wagon 
découvert,  à  40  ou  50  centimètres  de  distance,  la  même 
dose  d'acide  liquide  par  mètre  carré  de  surface.  Il  a  répété 
ces  expériences  dans  un  espace  de  6  mètres  cubes  15,  qu'on 
avait  soin  de  clore  très  imparfaitement  ;  la  dose  de  50  cen- 
timètres cubes  d'acide  liquide  par  mètre  cube  d'espace  suffit 
à  tuer  en  quelques  minutes  soit  le  phylloxéra,  les  insectes 
mous  de  nature  analogue  et  leurs  œufs,  soit  tous  les  végé- 
taux purement  herbacés  ;  les  graines  parfaitement  sèches 
soumises  à  la  même  influence  ont  pu  toutefois  germer  et 
pousser  après  cette  désinfection. 

Il  serait  désirable  que  les  mêmes  expériences  fussent 
faites  sur  les  germes  microscopiques,  sur  les  microbes,  les 
virus,  etc.  L'auteur  a  vu  que  la  destruction  de  la  vie 
ou  de  l'activité  est  d'autant  plus  prompte  et  plus  cer- 
taine,,  que  les   corps   exposés    étaient  plus   humides    et 

(1)  The  Sanitarinn,  New-York,  1882. 

(2)  D''  Fatio,  Dcsinfeclion  défi  véhicules  par  l'acide  sulfureux  anhydre 
[Archives  des  sciences  de  la  bibliothèque  universelle  de  Genève,  avril  ol 
novembre  1B80  ;  cl  La  Nature,  2  juillet.  1881,  n°  422,  p.  70). 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  525 

pénétrés  de  liquides.  Toutefois,  l'humidité  excessive  de 
l'atmosphère  fixe  une  partie  des  vapeurs  d'acide  sulfureux 
et  diminue  d'autant  l'action  sur  les  objets  qu'on  veutdétruire 
ou  désinfecter. 

M.  Fatio  emploie  un  flacon  muni  d'une  lance  articulée, 
et  injecte  sous  pression  la  dose  de  fluide  désinfectant  qui  lui 
paraît  nécessaire;  les  50  centimètres  cubes  d'acide  liquide 
qu'il  emploie  par  mètre  cube  d'espace,  correspondent  à  la 
quantité  d'acide  sulfureux  développé  par  la  combustion  de 
33  à  36  grammes  de  soufre  dans  un  mètre  cube.  Le  jour 
où  la  fabrication  de  l'acide  sulfureux  liquide  se  sera  géné- 
ralisée et  où  le  prix  de  ce  produit  sera  notablement 
abaissé,  il  sera  sans  doute  possible  de  recourir  à  ce  moyen 
de  désinfection  pour  les  voitures  destinées  au  transport  des 
malades;  actuellement,  l'acide  sulfureux  ne  peut  être 
employé  qu'à  l'aide  de  la  combustion  du  soufre  à  l'air 
libre. 

L'emploi  de  ces  divers  agents  ne  présente  d'ailleurs  ici 
rien  de  particulier  et  nous  renvoyons  au  chapitre  consacré 
à  la  DÉSINFECTION  DES  LOCAUX.  Il  cu  cst  (\q  même  pour  les 
navires  (1)  qui  servent  si  souvent  à  l'évacuation  des 
malades,  dans  les  épidémies  au  cours  d'une  campagne 
(désinfection  des  navires).  La  désinfection  est  aussi  indis- 
pensable ici  que  dans  une  salle  d'hôpital  infectée,  une 
prison,  et  tout  local  où  a  régné  une  maladie  contagieuse. 

ART.  VU.  —  DE  LA  DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE  DES 
MALADES,  ETC. 

France.  — Tandisque,  depuis  une  époque  si  reculée,  des 
lois  et  des  règlements  de  police  imposent  la  désinfection 

(1)  Miller  et  Kowalew-Runski,  Note  sur  ra<isainissement  des  bateaux  à 
vapeur  employés  au  transport  des  malades  de  l'armée  russe  de  la  Tur- 
quie d'Europe  aux  ports  russes  de  la  mer  Noire  ;  analyse  par  M.  le  D' 
Milliot  [Nice  médical,  1879,  p.  149,  et  Gazette  médicale  de  Paris,  1879.) 


523  DÉSINFECTION  N080C0MIALE. 

des  écuries,  desétables  des  voitures  publiques  où  ont  séjour- 
né des  animaux  atteints  de  maladies  contagieuses,  et  em- 
pêchent la  libre  circulation  de  ces  animaux  sur  les  marchés 
et  les  voies  publiques,  en  France,  il  n'existe  à  notre  con- 
naissance, en  dehors  des  prescriptions  quarantenaires,  au- 
cune loi  qui  prescrive  les  mesures  de  désinfection  pour 
les  hommes  malades  et  les  objets  qu'ils  ont  contaminés.  Au- 
jourd'hui, dans  notre  pays,  un  varioleux  ou  un  scarlati- 
neux  en  pleine  desquamation  peut  circuler  dans  nos 
rues,  entrer  dans  un  musée,  une  éghse,  une  salle  de  con- 
cours, de  spectacle  ou  de  restaurant  ;  il  peut  venir  secouer 
sur  nous  la  poussière  de  ses  habits  et  semer  la  maladie  au- 
tour de  lui,  sans  qu'aucun  règlement  de  police,  sans  qu'une 
loi  punisse  ce  délit  contre  la  sécurité  publique.  S'il  meurt, 
sa  famille  pourra  impunément  vendre  à  l'enchère  la  cou- 
verture, l'oreiller,  les  vêtements  souillés  encore  de  pus  vi- 
rulent ;  presque  partout  l'hôtelier  pourra,  vingt-quatre 
heures  après  le  décès,  louer  la  chambre  à  un  voyageur  de 
passage  ou  à  un  nouvel  occupant  qui  emménagera  avec 
toute  sa  famille.  En  wagon,  en  diligence,  en  omnibus, 
nous  sommes  exposés  à  être  enfermés  côte  à  côte  en  hiver, 
toutes  issues  fermées,  avec  un  malade  ou  un  convalescent 
qui  promène  librement  sa  variole  ou  sa  scarlatine  ;  il  nous 
arrive  fréquemment  de  monter  dans  une  voiture  de  place 
que  vient  de  laisser  libre  un  même  malade  qui  s'est  fait 
conduire  à  l'hôpital  ou  dans  une  maison  de  santé. 

Quelques  personnes  étrangères  à  la  médecine  qui  lisent 
ces  lignes  trouveront  peut-être  que  cette  liberté,  que  cette 
absence  de  prohibition  est  une  chose  toute  naturehe  ;  la 
crainte  de  porter  atteinte  à  la  liberté  individuelle  ne  doit 
pas  faire  oublier  le  droit  qu'a  la  collectivité  de  ne  pas 
être  victime.de  l'imprévoyance  ou  de  la  négligence  d'un 
seul.  Toute  comparaison  gardée,  en  quoi  la  liberté  indi- 
vidueUe  est-elle  plus  atlehite  parce  qu'il  sera  défendu  à  cet 
homme  de  renvoyer  à  l'école  son  fils  couvert  encore  de 


DÉSINFECTION  OULU.ATOIHE.  527 

BqLiaines  variolcuses,  que  parce  qu'il  n'a  pas  le  droit  d'at-. 
teler  son  cheval  morveux  à  sa  voiture  ou  de  conduire  un 
mouton  charbonneux  au  marché?  Espérons  qu'un  jour  vien- 
dra oi!i  les  hommes  seront  aussi  bien  protégés  que  les  che- 
vaux et  les  moutons  contre  la  transmission  des  maladies 
contagieuses.  Actuellement  les  Français  ne  sont  guère 
garantis  que  par  l'article  1382  du  Code  civil,  qui  rend 
chacun  responsable  du  préjudice  causé  à  son  voisin  :  le 
particulier  à  qui  un  voisin  imprudent  a  donné  la  variole, 
peut  à  ses  risques  et  périls  lui  intenter  un  procès  et  de- 
mander des  dommages-intérêts,  mais  les  représentants  de 
la  loi  et  de  l'autorité  publique  ne  prendront  pas  l'initiative 
d'une  poursuite. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  des  règlements  qui  régissent 
certaines  administrations  particulières,  telles  que  les  hôpi- 
taux, les  lycées,  les  prisons,  etc.  ;  là  encore  il  y  a  des  lacunes 
des  imperfections  à  signaler.  Nous  devons  nous  restreindre 
aux  prescriptions  émanées  des  pouvoirs  publics  et  pouvant 
avoir  une  sanction  pénale.  Quelques  tentatives  ont  été  faites 
en  ce  sens  dans  ces  dernières  années  par  certaines  muni- 
cipalités, et  les  signaler  c'est  peut-être  exciter  à  de  nou- 
veaux efforts. 

Au  cours  de  l'épidémie  de  variole  qui  sévissait  en  cette 
ville  et  à  la  suite  du  rapport  de  M.  Gibert  sur  la  propaga- 
tion de  la  variole  par  les  chiffons  et  vieux  vêtements,  la 
municipalité  de  Marseille  prit,  en  1819,  un  arrêté  ordon- 
nant la  désinfection  des  hardes  souillées  par  les  varioleux. 

Nous,  maire  de  Marseille,  vu  la  loi  des  16-24  août  1790  ;  vu  la  loi  du 
18  juillet  1837; 

Attendu  que  l'admiaistratiou  municipale,  en  établissant  un  bureau 
gratuit  de  vaccination,  a  voulu  mettre  à  la  portée  de  tous  les  habitants 
un  moyen  efficace  de  préservation  contre  les  suites  dangereuses  de 
l'épidémie  variolique  ; 

Attendu  qu'il  y  a    lieu  de  rappeler   au  sentiment   de    la  préservation 
sociale  ceux  qui,  par  leur  insouciance  aveugle,  compromettent  non  seule- 
.  ment  leur  propre  santé,  mais  s'exposent  encore  à  devenir  «ne  cause  de 
danger  pour  la  santé  publique  ;  Arrêtons  : 

Art.   1.  —  Les  commissaires  de  pdlice  de  Marseille  sont  ténus  de  ntius 


528  -        DESINFECTION  NOSOCOMIALE 

adresser  un  rapport  hebdomadaire  relatant  le  nom  et  le  domicile  des 
malades  atteints  de  la  petite  vérole  dans  leur  arrondissement  respectif, 
ainsi  que  les  mesures  sanitaires  prescrites  par  eux  et  exécutées  sous 
leur  surveillance. 

Art.  2.  —  Les  appartements  occupés  par  les  varioleux,  les  objets  de 
literie,  le  linge  et  les  vètemenls  dont  ils  auront  fait  usage  durant  la 
maladie,  devront  être  désinfectes,  conformément  aux  instructions  qui 
seront  transmises  aux  intéresses  par  les  soins  du  commissaire  de  police 
du  quart  er.  Les  locataires  et  loueurs  en  garni  pourront  être  rendus 
responsables  de  la  non-désinfection  des  appartements  infectes. 

Art.  3.  —  II  est  interdit  de  désinfecter  et  de  laver  lo  linge  et  les 
liardes,  contaminés  par  des  varioleux,  dans  les  buanderies  et  lavoirs  où  le 
•  linge  du  public  est  traité. 

Art.  4.  —  Lorsque  le  malade  et  sa  famille  seront  indigents,  les  ingré- 
dients chimiques  de  désinfection  pourront  leur  être  délivrés  gratui- 
tement. 

Art.  5.  —  Il  est  formellement  interdit  à  tout  directeur  et  directrice 
d'école  publique  de  recevoir  dans  leurs  classes  des  élèves  non  vac- 
cinés. 

Art.  6.  —  Il  est  formellement  interdit  aux  brocanteurs,  fripiers  et 
chiffonniers  d'acheter  ou  de  vendre  des  objets  ayant  appartenu  à  des 
varioleux. 

Art.  7.  —  Défense  est  faite  à  tout  entrepreneur  de  travaux  pour  lo 
compte  de  la  ville  d'employer  dans  les  chantiers  ou  ateliers  des  ouvriers 
non  vaccinés  ou  non  revaccinés. 

Art.  8.  —  Les  dispositions  des  articles  6  et  7  ne  sont  pas  applicables 
aux  individus  précédemment  atteints  de  la  petite  vérole. 

Art.  9.  —  M.  le  commissaire  central  est  chargé  do  l'exécution  du 
présent  arrêté. 

Fait  à  Marseille,  le  7  mars  1879. 
Signé   Ramagxi. 


C'est  à  la  suite  de  cet  arrêté  qu'on  a  ordonné,  sur  un 
simple  ordre  de  service,  l'incinération  des  vêtements  conta- 
minés par  les  varioleux,  et  M.  le  D''  Albenois,  directeur 
du  bureau  communal  de  démographie  et  de  statistique  de 
Marseille,  nous  écrit  qu'il  n'y  a  pas  eu  d'arrêté  spécial  à  ce 
point  de  vue.  Les  indemnités^  pour  l'incinération  des  bardes 
de  varioleux  décédés  ont  grevé  le  budget  de  la  ville  de 
13,000  francs  en  1880,  ce  qui  prouve  que  la  mesure  a  été 
appliquée  sur  une  large  échelle. Toutefois,  elle  n'a  pas  été  sui- 
vied'une  décroissance  parallèle  de  l'épidémie,  parcequeson 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE  529 

mode  d'application  laissait  à  désirer  (1).  On  ne  détruisait 
que  les  effets  des  malades  qui  avaient  succomba,  nullement 
ceux  des  malades  qui  guérissaient;  de  sorte  que  les  7/8 
des  sujets  atteints  continuaient  à  souiller  l'air  par  les 
germes  contenus  dans  leurs  vêtements.  D'autre  part,  on 
s'aperçut  que  les  parents  ne  livraient  à  l'incinération  que 
les  pièces  de  vêtements  usées  ou  hors  de  service,  et  gar- 
daient les  vêtements  neufs  ou  en  bon  élat.  La  mesure 
était  donc  coûteuse  et  illusoire,  on  l'a  supprimée,  et  l'on 
fait  la  désinfection  sur  place  à  laide  de  l'étuve  portative 
imaginée  par  M.  Albenois  et  que  nous  avons  décrite  plus 
haut. 

Au  Havre,  malgré  les  efforts  persévérants  de  M.  Gibert, 
et  de  M.  Launay,  directeur  de  la  santé  et  du  Bureau  muni- 
cipal d'hygiène,  malgré  l'activité  et  le  bon  vouloir  éprouvé 
de  M.  Siegfried,  maire  de  la  ville,  l'autorité  n'a  pris  encore 
aucune  mesure  pour  rendre  la  désinfection  obligatoire  et 
donner  une  sanction  pénale  à  ses  instructions.  On  a  cru 
préférable  d'agir  d'abord  par  persuasion,  et  M.  le  D''  Launay, 
à  qui  nous  avons  demandé  des  renseignements  précis  sur 
cette  partie  de  son  service,  nous  écrit  qu'on  a  toujours 
réussi  à  obtenir  l'exécution  des  mesures  de  désinfection  en 
exposant  le  but  et  la  nécessité  de  ces  mesures  ;  les  méde- 
cins et  les  agents  ont  toujours  été  accueillis  volontiers  par 
les  intéressés  d'abord  et  ensuite  par  les  voisins. 

Le  Bureau  municipal  d'hygiène  du  Havre  a  rédigé  et  fait 
imprimer  en  1880  une  Instriwtiou  sur  ladésinfecUon.  dans 
les  cas  de  maladies  épidémiques  ou  transmissihles  ; 
cette  très  courte  brochure  est  claire,  sagement  écrite. 

«  Toutes  les  fois  que  le  bureau  d'hygièac  re.;oil  l'avis  d'un  cas  do 
maladie  coiUagieusc,  ou  le  buUelin  d'un  décès  occasionne  par  une  affec- 
tion zymotique,  nous  écrit  M.  Launay,  nous  adressons  immédiatement  à 
la  famille  un  exempl.iire  de  cette  Instruction.  En  outre,  depuis  un  peu 
plus  de  deux  ans,  il  existe  dans  tous  les  postes  de  police  do  la  vjlle  un 

[i)Dul  l    .  de  Marseille,  janvier  LSSl,  p.  100, 

et  Revue  d'hyjièns  et  de  police  s  m  taire,  1881,  p^  349. 

Vallin.  —  Désinfectants.  34 


530  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

dépôt  de  matières  désinfectantes  qui  sont  renouvelées  à  mesure  des  be- 
soins par  les  soins  du  bureau  d'iiyçiène.  Ces  matières  sont  les  suivantes  r 
soufre  concassé,  chlorure  de  chaux,  sulfate  de  fer,  sulfate  de  zinc,  eau 
phéniquée  à  10  pour  100.  Ces  matières  sont  délivrées  gratuitement  à  tous 
les  indi!,^cnts  sur  la  production  d'une  ordonnance  des  médecins  trailants. 
ou  des  médecins  du  bureau  d'hygiène,  qui  indiquent  les  doses,  le  mode 
d'emploi  et    surveillent  rusago... 

Pendant  toute  la  durée  de  l'épidémie  de  variole  qui  a  sévi  au  Havre, 
c'est-à-dire  depuis  janvier  1880  jusqu'à  ce  jour,  nous  avons  fait  désin- 
fecter de  très  nombreux  logements  d'indigents  à  l'aide  de  fumigations 
sulfureuses. 

Sauf  à  l'hôpital  où  fouclionne  depuis  environ  un  an  une  armoire  à  dé- 
sinfection par  la  chaleur,  et  un  petit  local  spé'  ial  pour  'a  désinlccLion  dos 
vêtements  des  entrants  par  les  vapeurs  sulfureuses,  nous  n'avons  rien 
en  ville  pour  faire  cette  opération.  La  désinlectiod  des  vêtements  et  ob- 
jets de  literie  à  conserver  a  donc  lieu  sur  place,  soit  par  fumigation,  soit 
par  immersion  dfins  un  liquide  approprié  (sulfate  de  zinc  30  grammes, 
sel  marin  13  grammes,  par  litre  d'eau);  on  fait  en  même  temps  la  désin- 
fection du  logement. 

Chez  les  indigents,  il  nous  est  souvent  arrivé  de  faire  détruire  par  le 
feu  des  vêlements  el  des  objets  de  literie  sans  valeur,  qui  étaient  immé- 
diatement remplacés  par  le  bureau  de  bienfaisance  ou  par  les  personnes 
charitables. 

Ce  sont  les  agents  de  la  police  municipale,  désignes  à  cet  effet,  qui  opè- 
rent et  surveillent  la  désinfection.  Dès  leçons  pratiques  leur  ont  été  don- 
nées sur  place  pour  l'accomplissement  de  ce  travail  qu'ils  exécutent  avec 
le  plus  grand  soin.  Ces  agents  restent  donc  dans  ce  cas  sous  ma  direc- 
tion et  sous  celle  des  médecins  du  bureau  municipal  d'hygiène;  chaque 
désinfection  est  constatée  par  un  courl  procès-verbal. 

Notre  intervention  n'a  lieu  que  dans  les  habitations  des  familles  indi- 
gentes, s,ur  l'avis  des  médecins  du  bureau  d'hygiène  et  suivant  une  for- 
mule inscrite  au  bulletin  annexe,  à  joindre  à  chaque  constatation  d'une 
maladie  épidémique  ou  contagieuse;  en  voici  le  modèle,  analogue  à  ceh'i 
de  Bruxelles  : 

La  désinfection  du  |  A  eu  lieu  —  aura  lieu  —  par  les  soins  de  'a- 
logement  ou  des   ef-  <         famille. 

fe.ls.  I     Demande  l'intervention  de  l'autorité. 

Moyens  de  désinfection  indiqués  : 
Employés  : 

Dans  es  fa'nilles  aisées,  la  désinfection  est  aujourd'hui  fréquemment 
appliquée  au  Havre  par  les  soins  des  familles  elles-mêmes,  sous  la  direc- 
tion des  médecins  traitants  ;  un  teinlui'ier-dégraisseur,  très  bien  dirigé 
par  plu-ieurs  de  nos  confrères,  est  souvent  chargé  de  l'exécution  des  dé- 
tails de  l'opération,  tant  pour  les  appartements  que  pour  les  vêtements 
et  objets  de  literie. 

Notre  distingué  confrère,  M.  Launay,  nous  excusera 
d'avoir  reproduit  en  grande  partie  les  renseignements 
qu'il  a  bien  voulu  nous  adresser  sur  notice  demande  ;  ces 
renseignements   nous   ont  paru    intéressants  et  il  nous  a 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  531 

semblé  utile  d'en  faire  profiter  les  lecteurs  de  ce  livre.  La 
municipalité  du  Havre  qui  fait  de  si  i^énéreux  efforts  pour 
perfectionner  l'hygiène  de  la  ville,  poursuit  depuis  deux 
ans,  par  la  voie  de  la  persuasion,  une  tentative  qui  pa- 
raît avoir  pleinement  réussi.  Avant  de  prendre  des  arrê- 
tés concernant  la  désinfection  obligatoire,  il  faut  faire 
l'éducation  des  esprits,  modifier  les  mœurs,  faire  dispa- 
raître les  préjugés;  c'est  peut-être  le  moyen  de  rendre  un 
jour  les  sanctions  pénales  inutiles. 

A  Paris,  VOrdonnance  du  préfet  de  'police,  en  date  du 
T  mailSlS,  concernant  la  salubrité  des  logements  loués  en 
garni,  fait  allusion  au  cas  où  des  maladies  contagieuses  se 
développeraient  dans  une  de  ces  habitations,  et  voici  ce 
qu'elle  dit  : 


Art.  12.  Tontes  les  fois    qu'un  cas    de   maladie  épidémiqne    ou   conta 
gieiise  se  sera  manifesté  dans  un  i^arni,  la  personne  qui  tiendra  ce  garni 
devra  en  faire  immédiatement  la  déclaration  au  commissaire  de  police  de 
son  quartier  ou  de  sa  circonscription,  lequel  nous  transmettra  cette  dé- 
claration. 

Un  membre  du  conseil  de  salubrité  sera  délégué  pour  constater  la  gra- 
vité de  la  maladie  et  provoquer  les  mesures  propres  à  en  prévenir  la 
propagation. 


L'on  voit  que  l'ordonnance  ne  prononce  pas  même  le 
mot  de  désinfection.  Cependant,  depuis  quelques  années, 
à  Paris,  le  commissaire  de  police  sanctionne  les  pres- 
criptions faites  par  le  membre  du  conseil  d'hygiène  délé- 
gué d'après  l'aiHicle  cité,  et  impose  les  mesures  de  désin- 
fection qui  auront  pu  être  jugées  nécessaires. 

Plus  récemment,  le  Préfet  de  police,  qui  a  tous  les  droits 
attiMbués  aux  maires  par  les  lois  des  16  et  24  aoi^it  1790 
et  du  18  juillet  1837,  a  rédigé,  en  date  du  20  février  1880, 
une  Instruction  sur  les  préca  utions  à  prendre  concer- 
nant la  variole,  qui  contient  les  paragraphes  suivants  ayant 
trait  à  la  désinfection  : 


532  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

INSTRUCTION 

sur  les  précautions  à  prendre  concernant  la  variole. 

Après  cvacuatiou  de  la  chambre  contamiuce  par  le  malade,  on  pla- 
cera aux  quatre  coins  quatre  terrines  contenant  chacune  un  kilogramme 
de  chorure  de  chaux  et,  dans  ce  chlorure,  il  sera  versé  environ  2o  gram- 
mes d'acide  chlorhydrique  étendu  d'un  décilitre  d'eau.  La  chambre  res- 
tera fermée  48  heures.  Elle  sera,  immédialement  après,  lavée  à  l'eau  phé- 
niquce. 

Le  meilleur  mode  de  désinfection  des  objets  qui  ont  été  en  conlact 
avec  le  malade  consisterait  à  les  maintenir  quelques  heures  dans  une 
ctuve  à  113"  environ.  Si  celte  mesure  ne  peut  être  prise,  on  procédcia 
comme  il  est  dit  ci  après.  Tous  les  linges,  les  matelas  (enveloppe  et 
laine),  etc.,  seront  submergés  dans  de  l'eau  phéniquée  au  centième.  Les - 
meubles  resteront  exposés  aux  vapeurs  de  chlore  qui  se  dégageront  du 
chlorure  de  chaux  pendant  les  48  heures.  Les  habits,  robes,  etc.,  seront 
suspendus  dans  la  chambre  pendant  le  même  laps  de  temps. 

Les  balayures  et  les  papiers  de  tenture  qui  auiaiont.  été  arrachés 
seront  détruits  par  le  feu  et  non  jetés  aux  ordures. 

Pour  le  transport  d'un  malade  a  l'hôpital,  on  emploiera  de  préférence 
le  branrard  et  surtout  le  brancard  à  roulettes,  s'il  en  existe  un  au  com- 
missariat ou  dans  un  poste  de  police  voisin.  Ce  brancard  sera  ensuite 
désinfecté  avec  soin.  Si  ce  transport  ne  peut  avoir  lieu  que  dans  une 
voilure  de  place,  le  cocher  recevra  l'ordre  de  battre  et  de  brosser  les 
coussins  elles  parois  de  sa  voiture.avant do  prendre  d'autres  voyageurs. 

Quand  un  décès  par  variole  a  eu  lieu,  la  notification 
arrivée  l'état  civil;  le  commissaire  de  police,  averti,  fait 
distribuer  l'instruction  précédente  aux  personnes  qui 
habitent  la  maison,  et  pi^évient  l'un  des  membres  de  la 
commission  d'hygiène  de  l'arrondissement;  ce  membre 
vient  par  lui-même  s'assurer  que  les  mesures  conseillées 
ont  été  bien  exécutées  :  en  cas  de  négligence  ou  de  re- 
fus, le  service  de  la  police  fait  opérer  la  désinfection  par 
ses  agents. 

On  ne  peut  méconnaître  que  les  moyens  de  désinfection 
indiqués  dans  l'Instruction  sont  tîncore  assez  insuffisants. 
La  submersion  des  matelas  (enveloppe  et  laine)  dans  de 
l'eau  phéniquée  au  100"  est  un  moyen  peu  pratique  et  d'une 
efficacité  qui  n'est  pas  absolue.  Qui  oserait  dire  qu'une 
voiture  de  place  sera  désinfectée  après  le  transport  d'un 
varioleux,  quand  on  en  aura  battu  et  brossé  les  coussins  et 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  533 

les  parois?  Ce  n'est  là  qu'un  commencement  ;  c'est  le 
moyen  d'introduire  peu  à  peu  les  habitudes  de  désinfection 
dans  nos  mœurs,  ce  n'est  pas  une  désinfection  définitive. 
Le  Règlement  du  31  août  1863  sur  les  hôpitaux  mili- 
iaires,  consacre  plusieurs  articles  à  la  désinfection  des 
effets  et  des  locaux. 

Art,  324.  Lorsque  les  effets  en  laine  ont  besoin  d'être  désinfectés,  la 
désinfecliou  est  prescrite  par  le  médecin  en  chef,  et  est  exécutée  sous  la 
direction  du  pharmacien  en  chi'f,  d  ns  le  local  à  ce  destiné,  en  se  con- 
formant aux  procédés  indiqués  dans  la  notice  n"  8,  faisant  suite  au  pré- 
sent règlement.  Il  en  est  de  même  de  la  laine  des  matelas,  après  un  ser- 
vice prolongé  dans  les  salles. 

Art.  6.o5.  Les  salles  blanchies  à  l'eau  de  chaux  reçoivent  un  premier 
blanchissage  au  commencement  du  printemps,  et  un  second  au  commen- 
cement (le  l'automne,  lorsque  c  la  est  reconnu  nécessaire;  celles  peintes 
à  l'huile  sont  entretenues  par  dos  lavages  fréquents.  Les  corps  des  latri- 
nes sont  toujours  blanchis  aux  deux  époques  indiquées  ci-dessus;  les 
enceintes,  les  corridors,  les  vestibules  ne  sont  blanchis  que  lorsque  la 
nécessité  en  est  reconnue.  On  a  soin  de  faire  gratter  les  murs  avdnl  d'ap- 
pliquer le  nouvel  enduit. 

Art.  656.  Les  fournitures  de  coucher  sur  lesquelles  un  malade  est  dé- 
cédé sont  immédiatement  enlevées  et  remplacées;  la  toile  des  malelas  est 
lavée,  ainsi  que  celle  de  la  pai  lasse  dont  la  paille  est  mise  hors  de  ser- 
vice. Les  autres  effets  sont  exposés  à  l'air  pendant  quelques  jours  et  soi- 
gneusement nettoyés;  ils  sont  désinfectés,  ainsi  que  li  lame  et  le  crin 
des  matelas,  si  le  médecin  en  chef  le  juge  nécessaire.  Dans  le  cas  où, 
par  suite  de  maladie  contagieuse,  ces  effets  ne  peuvent  être  désinfectés, 
ils  sont  brûlés  suivant  les  formalités  prescrites  à  l'article  381  du  présent 
règlement. 

L'article  657  prescrit  les  mêmes  recommandations  pour  les  effets  de 
coucliage  des  sortants. 

Nous  avons  reproduit  (p.  504)  la  Notice  n"  8,  indiquant 
la  manière  de  procéder  aux  opérations  de  désinfection  des 
vêtements.  A  ces  indications  sommaires  se  borne  ce  qui 
concerne  la  désinfection  dans  les  hôpitaux  militaires;  les 
médecins  de  l'armée  sont  d'ailleurs  restés  presque  complè- 
tement étrangers  à  la  rédaction  de  ce  règlement. 

Pays-Bas.  —  L'une  des  meilleures  lois  qui  règlent  la 
désinfection  obligatoire  à  la  suite  des  cas  de  maladies 
contagieuses  de  l'homme,  est  assurément  celle  que  le 
gouvernement  des  Pays-Bas  a  édictée  il  y  a  peu  d'années, 


S34  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

et  qui  est  connue  sous  ce  titre  :  Loi  de  prévoijance  contre 
les  maladies  contagieuses,  du  4  décembre  1872.  Nous 
croyons  devoir  en  reproduire  ici  un  certain  nombre  d'ar- 
ticles où  il  est  question  plus  particulièrement  des  mesures 
de  désinfection. 


LOI    HOLLANDAISE    DU    4    DECEMBRE    1872. 

Art.  2.  Le  bourgmestre  est  autorisé,  après  avis  d'un  méitecin,  à  faire 
transporter  les  malades  atteints  de  maladie  contagieuse  (choiera,  typhus 
et  fièvre  typhoïde,  variole  et  varioloïde,  rougeole,  diphlhérie,  scarlaiine),. 
et  qui  se  trouveraient  dans  un  logement,  aux  hôpitaux  publics  institués 
dans  ce  but,  pourvu  que  la  situation  du  malade  le  permelte.  Les  frais 
de  transport  sont,  en  cas  d'indigence,  à  la  charge  des  cummunes. 

Art.  3.  Le  bourgmestre  est  autorisé  à  ordonner  des  mesures  de  désin- 
fection dans  les  logements  mentionnés  à  l'article  précédent,  sur  l'avis  de 
l'employé  médical,  pour  prévenir  le  développement  de  la  maladie,  et  en 
cas  de  besoin,  de  les  exécuter  d'office.  En  cas  d'opposition  à  cette  me- 
sure, le  bourgmestre  fermera  ces  logements  pour  un  temps  désigné  d'ac- 
cord avec  l'employé  médical. 

Art.  4.  Le  bourgmestre  est  autorisé,  sur  le  rapport  de  ce  fonctionnaire 
ou  d'un  médecin  de  la  commune,  à  nettoyer  et  à  désinfecter,  aux  frais 
de  la  commune,  les  maisons,  cabanes  et  bateaux,  qui  constitueraient 
des  foyers  de  contagion  ou  qui  menaceraient  de  le  devenir. 

Art.  5.  Le  bourgmestre  est  autorisé  à  faire  désinfecter,  aux  frais  de  la 
commune,  tout  objet  contaminé  ou  soupçonné  de  l'être,  ou  de  les  dé- 
truire après  en  avoir  fait  l'acquisition. 

Art.  6.  Après  l'apparition  de  la  maladie  contagieuse,  les  bourgmestres 
et  les  échevins  peuvent  faire  enlever  aux  frais  de  la  commune  tout  entas- 
sement de  fumier  ou  d'immondices,  en  quelques  lieux  qu'ils  se  Irouvent; 
nelloyer  les  égouts  et  les  canaux  et  prendre  toutes  mesures  en  faveur  de 
la  propreté  publique.  Toutefois,  l'intéressé  aura  préalablement  été  mis 
en  demeure  d'y  pourvoir  à  ses  propres  frais  dans  un  délai  fixé... 

Art.  9.  Le  transport  des  malades  aux  hôpitaux  ou  à  leur  demeure  est 
permis  en  se  conformant  au'c  prescriptions  indiquées  dans  les  ordonnan- 
ces royales...  Ce  transport  est  défendu  par  les  moyens  dont  le  public 
fait  usage.  Les  voitures  ou  bateaux  par  lesquels  le  transport  a  eu  lieu 
doivent  être  immédiatement  désinfectés  par  les  soins  et  aux  frais  du  pro- 
priétaire... 

Art.  14.  Les  habitants  des  maisons  et  bateaux  où  ont  sévi  des  mala- 
dies contagieuses,  ne  pourront  fréquenter  les  écoles  que  huit  jours  après 
la  terminaison  de  la  maladie  et  avec  une  dérlaration  écrite  d'un  méde- 
cin. Ce; le  défense  cessera  aus-itôt  que  la  désinfection  aura  eu  lieu,  selon 
l'article  25  (îe  cotte  loi.  Le  premier  paragraphe  de  cet  article  n'est  pas 
applicable  dans  les  maladies  sus-dénommées,  pour  les  écoles  exclusive- 
ment fréquentées  par  des  élèves  âgés  de  plus  de  douze  ans... 

Art.  23.  Les  prescriptions  concernant  la  manière  de  brûler  ou  détruire 
de  toute  autre  façon  les  objets  saisis  d'après  la  présente  loi,  la  désinfec- 


BESINFECTIOX  OBLIGATOIRE.  ."35 

lion  tles  objets  susp'^cts  désignés  à  l'arlicle  8,  celle  des  bâtiments,  vélii- 
■cules  ou  bateaux,  la  mise  hors  d'ctal  de  nuire  de  las  de  fumier  ou  d'im- 
mondices, le  placement  et  la  disposition  d(-s  marques  dont  il  s'agit  à  l'ar- 
ticle 20  fafliches  portant  :  Mala'lies  conlighusei),  seront  rù-jd.is  par  nous. 
Art.  30.  Les  contraventions  aux  stipulations  précédentes  seront  punies 
d'une  amende  de  o  à  100  florins,  et  de  un  jour  à  un  mois  do  prison 
(suit  le  détail). 

Donné  à  La  Haye,  le  4  décembre  1872. 
Glillaume. 

A  cette  loi,  se  trouve  annexée  une  Instruction  indi- 
quant les  règles  à  sui\re  pour  assurer  la  désinfection  des 
personnes  et  des  objets  suspects. 

IXSTRLCTIOX  AXXEXÉE  AU  DÉCRET  ROYAL  DU  17  AVRIL  1873, 

Concernant  la  combiisUon  et  l'incinération  des  objets  infectés,  conformé- 
ment à  la  loi  du  4  décembre  1872.  (Bulletin  des  lois  du  royaume  des 
Pays-Bas,  n"  43.) 

La  combustion  ou  la  désinfection  des  objets  infectés  ou  expropriés,  aura  lieu 
dans  un  ou  plusieurs  endroits,  désignés  par  le  bourgmestre,  de  manière 
que  la  sauté  pub'iquc  n'en   soit  nullement  mise  en  d^m^ier. 

Avec  l'approbation  du  bourgmestre  et  sous  sa  surveillance,  la  rlésin- 
fection  pourra  également  avoir  lieu  dans  des  établissements  particuliers, 
disposés  pour  cet  usage,  ou  dans  la  maison  et  les  dépandaiices  où  se 
trouvent  les  objets  infectés. 

g  l.  Hardes,  tant  habillement  de  dessous  que  de  dessus  et  literie,  nom- 
mément :  draps,  taies  d'oreillers,  courtes-pointes,  couvertures.  Les  effets 
de  na  ure  à  être  lavés,  draps  et  taies  d'oreillers,  seront  rapidement  plongés 
dans  un  seau  contenant  une  solution  suffisante  d'acide  ph 'nique  (à  4  0/0.) 
Puis  ils  seront  lavés  dans  de  l'eau  chaude  et  ensuite  soumis  à  l'ébuUitioa 
pendant  un  quart  d'heure  dans  cette  même  eau;  enfin,  ils  seront  nettoyés 
dans  de  l'eau  froide. 

Les  pièces  qu'endommageraient  la  lessive  et  l'ébullition  seront  furaigées 
au  gaz  acide  sulfureux  ou  à  l'acide  phénique,  ou  humectées  avec  une 
solution  de  ce  dernier  acide,  pourvu  que  la  nature  de  l'étoffe  admette 
l'un  ou  l'autre  de  ces  moyens. 

Les  effets  de  dessus  des  personnes  qui  ont  été  en  contact  avec  les 
malades  ou  avec  les  cadavres,  en  cas  de  maladie  contagieuse,  seront  mouil- 
lés avec  une  solution  d'acide  phénique,  puis  brossés  et  exposés  à  l'air. 

Matelas,  traoersins,  oreill''rs,  lits.  Les  plumes,  la  laine  et  le  crin 
seront  étendus  dans  un  local  aéré  et  ariosés  deux  ou  trois  fois  avec  une 
solution  d'acide  phénique  ;  ils  seront  bien  imprégnés  et  remués  à  l'aide 
d'un  râteau,  plusieurs  fuis  par  jour.  Puis  on  f^•ra  sécher  et  l'on  mettra 
à  l'air  les  objets  nettoyés.  On  pourra  également  recourir  au  nettoyage 
â  la  vapeur;  l'emploi  de  cellc-d  est  obligatoire  pour  la  désinfection 
de  tout  remplissage  de  matelas,  traversins,  oreillers,  comme  paille, 
varech,  fougère,   etc. 

Les  sommiers  élastiques  seront  arrosés  d'une  solution  d'aciJe  phénique 


536  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

do  force  double  ;  par  conséquent  de  une  partie  d'acide  phéniq-ie  sur 
vinql-cinq  parties  d'eau,  ou  1/4  de  kilogramme  sur  un  demi- seau  rrcau. 
Ensuite  ils  saront  sécliés,  é,ioussetés  et  expoiés  à  l'air. 

Bois  de  lits.  Les  bois  de  lits,  coiicheties,  berceaux,  nattes,  bamacs,  lits 
de  camp,  même  déjà  fumigés,  seront  frottés  aussitôt  que  possible  avec  de 
l'eau  plicniqucc,  nettoyés  avec  do  l'eau,  ensuite  lavés  avec  du  savon, 
scchés  et  acres. 

Meuble^,  ustensiles  de  ménage  et  autres  petits  objets.  Les  objets  qui  ne 
peuvent  être  lavés  devront  subir  une  fumigation  parle  gaz  acide  sulfureux; 
les  meubles  d'acajou  et  d'autre  bois  fin  seront  soumis  à  cette  fumigation, 
à  moins  qu'ils  ne  proviennent  d'un  appartement  déjà  fumigé. 

Les  objets  qui  ne  peuvent  être  ni  lavés  ni  fumigés  au  gaz  acide  sulfu- 
reux, d  àvent  cire  exposés  à  des  fumigations  d'acide  phénique,  et  épon- 
gés avec  une  solution    pbéniquée. 

Les  papiers,  livres,  journaux,  portefeuilles  seront  ouverts  ou  dévelop- 
pés, puis  exposés  aux  vapeurs  d'acide  phénique. 

Les  instruments,  par  exemple  les  instruments  de  chirurgie  et  d'ob- 
stélrique,  seringues,  outils  d'arlisan,  seront  lavés  avec  de  l'eau  phcniquée. 

Les  marchandises  qui  doivent  être  désinfectées  seront  traitées  d'après 
leur  nature  selon  les  règles  ici  données. 

Objets  en  contact  avec  les  cadavres.  Les  tréteaux  et  couvercles  de  cer- 
cueils, lîs  couvertures,  manteaux  de  deuil,  seront  humectés  avec  une  so- 
ution  d'acide  phénique,  puis    brusscs. 

I  !2.  Déjections  des  malades.  En  cas  de  choléra  asiatique  ou  de  fièvre 
typhoïde,  on  versera  dans  les  pois  où  seront  recueillies  les  déjections 
environ  un  verre  à  bière  d'une  mixture  de  sulfate  de  fer  et  d'acide  phé- 
nique. Les  vases  devront  être  directement  portés  hors  de  l'appartement, 
nettoyés  et  garnis  par  avance  de  ladite  solution.  L'éloignement  de  ces 
matières  et  des  eaux  de  lavage  se  fera  de  telle  manière  que  la  santé  pu- 
blique n'en  soit  pas  mise  en  danger;  on  évitera  de  les  jeter  dans  les 
égouls  ou  dans  les  eaux  publiques. 

En  cas  de  scarlatine  ou  de  diphlhérie,  les  matières  provenant  de  la 
cavité  nasale,  de  la  bouche  et  de  la  gorge  on  de  la  trachée,  lorsqu'elles 
auront  été  recueillies  dans  des  vases,  crachoirs,  etc.,  seront  traitées  comme 
les  déjections  des  cholériques.  Si  ces  matières  sont  recueillies  sur  des 
linp'cs  de  colon  nu  de  toile,  ceux-ci  seront  soumis  à  l'ébullition  pendant 
une  heure,  à  moins  qu'on  ne  préfère  les  brûler. 

Les  eaux  de  lavage  ou  de  pansements  à  la  suite  d'autres  maladies 
contagieuses  seront  désinfectées  par  l'addition  d'eau  phéniquée, 

g  3.  Rèr/les  concernant  la  désinfection  des  locaux.  On  éloignera  d'un 
appartement  qui  doit  être  désinfecté  tout  ce  qui  pourrait  être  endomma;,'é  par 
le  gaz  acide  sulfu.-eux,  tels  que  objets  dorés,  étoffes  teintes  de  coton, 
de  toile,  de  soie,  de  laine  et  de  velours.  Sauf  la  literie,  on  peut  laisser 
dans  l'appartement  les  autres  objets  de  couchage,  tels  que  couvrtures, 
courtes-pointes  de  coton  ou  de  soie  teintes.  Tous  ces  objets,  de  même  que 
les  meubles  de  l'app^irtement,  qui  de  plus  pourront  être  lavés  et  désin- 
fectés à  l'acide  phénique,  seront  traités  selon  les  règles  données  au 
paragraphe  2. 

Après  que  les  fenêtres,  la  cheminée  et  autres  ouvertures  auront  été  bien 
closes,  on  placera  dans  l'appartement  un  récipient  contenant  de  la  braise 
sur  laquelle  on  répandra  du  soufre  en  fragments.  L'appartement  restera 
fermé  pendant  6ou  Sheures.  Ensuite  la  cheminée  etles  autresbaies  seront 


DESINFECTION  OBLIGATOIRE.  537 

flosobslruées  et  les  fenêtres  restcronl  ouvertes  pendant  quelque  temps.  Puis 
les  tapis  de  pieds,  s'il  y  en  a  dans  l'appartement,  seront  enlevés  et  épousse- 
tcs  en  plein  air.  Le  plancher  ou  le  parquet,  li  boiserie,  le  plafond,  se- 
ront froitôs  avec  de  l'eau  pliéniquée,  lavés  à  l'eau  simple,  puis  à  l'eau  de 
savon.  Ensuilc  l'apparlemonl  sera  largement  aéré.  Les  chambres  où  se 
trouvent  des  malades  seront  désinfectées  à  l'aide  de  fumii;ations  d'a- 
cide phonique,  de  manière  que  l'odeur  en  soit  sensible  sans  incommoder 
les  malad'  s.  Devant  la  partie  extérieure  de  la  porte  d'une  chambre  de 
malade,  on  suspendra  un  drap  plus  grand  que  la  porte,  trempé  dans  de 
l'eau  phéniquce  et  qui  en  sera  tenu  mouillé. 

Dans  un  appartement  où  se  trouve  le  cadavre  d'une  personne  morte  de 
maladie  conlaj,'ieuse,  on  dégagera  des  vapeurs  d'acide  phénique.  Les  habits 
et  la  couverture  du  cadavre  seront  humeclés  avec  une  solution  phéniquce. 
An  fond  du  cercueil,  on  répandra  de  la  sciure  mêlée  d'acide  phénique 
(loO  grammes  d'acide  pour  !2  litres  de  sciure.) 

Entre  les  plis  des  vêtements  et  du  linceul,  ou  répandra  le  même  mé- 
lange. 

Quand  le  cadavre  aura  été  éloigné  de  l'appartement,  on  y  fera  des  fu- 
migations d'acide  plitnique.  Si  l'appartement  a  servi  comme  chambre  de 
malade,  on  procédera  selon  les  règles  prescrites  plus  haut 

Les  maisons  où  on  dépose  des  cadavres  seront  désinfectées  avec  du 
gaz  acide  sulfureux. 

§  -4.  Règles  concernant  la  désinfection  des  voitures  et  bateaux.  Les  voi- 
tures ou  bateaux  ayant  servi  au  transport  d'un  malade  ou  d'un  cadavre 
seront  désinfectés,  après  chaque  transport,  par  des  fumigations  d'acide 
phénique.  La  boiserie  intérieure  sera  ensuite  frottée  avec  de  l'eau  phéni- 
quée.  Ces  voitures  ou  bateaux  tendus  de  drap,  peluche,  velours,  soie, 
damas  ou  coton,  ne  peuvi'nt  être  exposés  au  gaz  acide  sulfureux. 

Les  objets  existants  dans  la  chambre  du  bateau  qui  a  servi  à  trans- 
porter un  malade  ou  un  cadavre,  seront  traités  comme  ceux  d'une  chambre 
de  malade. 

Les  caisses,  paniers,  chariots,  brouettes,  traîneaux,  brancards,  dans 
lesquels  des  objets  infectés  ont  été  transportés,  seront,  après  chaque 
transport,  fumigés  au  soufre  dans  un  local  fermé,  et  ensuite  frottés  avec 
de  l'eau   phéniquce. 

§  5.  Règles  concernant  l'assainissement  des  fumiers  et  autres  agglomé- 
rations d'ordures. 

Fumiers,  tas  d'ordures.  Quand  l'enlèvement  n'est  pas  possible  ou  est 
inopportun,  les  tas  d'ordures,  fumiers,  ou  immondices,  seront  cou- 
verts d'une  couclie  de  charbon,  de  poussière  de  tourbe,  de  cendres  ou  de 
terre,    ou  bien  de  gazons. 

Quand,  après  l'enlèvement,  la  désinfection  est  nécessaire,  elle  sera  faite 
avec  un  mélange  de  sulfate  de  fer  et  d'acide  phénique. 

Etables  à  cochons  et  autres  an'maux,  à  proximité  des  habitations. 
Chaqu'î  jour  le  fumier  et  les  ordures  seront  enlevé-,  les  c.ables  seront 
nettoyées.  Tout  autour  on  arrosera  avec  de  l'eau  phéniquée. 

Cabinets  d'aisances,  égouts,  puisards,  tuyaux,  conduites  d'eau,  fosses. 
Les  cabinets  d'aisances,  urinoirs,  fosses  mobiles  et  puisards,  surtout  les 
parois  des  entonnoirs,  seront  désinf -ctés  avec  une  quantité  suffisante  du 
mélange  de  sulfate  de  fer  et  d'acide  phénique.  Les  amas  provenant  du 
curage  des  égouts,  puisards  et  conduites  d'eau,  seront  traités  selois  les 
règles  concernant  les  fumiers  et  les  tas  d'ordures.  Ensuite  ils  seront  lar- 


538  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

gement  arrosés  d'une  quantité  de  la  mixture  de  sulfate  de  fer  et  d'acide 
carbolique.  Cette  opération  sera  renouvelée  chaque  jour. 

De  même,  les  fosses  seront  curées,  et  l'on  y  jettera  de  la  solution 
de  sulfate  de  fer,  jusqu'à  ce  que  l'odeur  ait  disparu.  On  recommencera 
toutes  les  fois  que  la  mauvaise  odeur  reparaîtra. 

Les  balayures  des  rues,  ruelles,  passages,  couloirs  ou  portes,  après 
avoir  été  enlevées,  seront  traitées  selon  les  règles  concernant  les  amas  d'or- 
dures. Ensuite,  les  places  où  ces  ordures  ont  été  déposées  seront  arrosées 
avec  une  solution  d'acide  phénique,  lavées  et  frottées. 

Quand  des  lombes  devront  être  désinfectées,  on  les  couvrira  d'une 
couciie  de  cliarbon,  poussière  de  tourbe  ou  cendres,  d'au  moins  un  dé- 
cimètre d'épaisseur  ;  on  disposera  par  dessus  de  la  terre  ou  du  gazon.  La 
ten-e  sera  ensemencée  de  plantes  luxuriantes. 

Notre  ami,  M.  leD''Ruysch,  inspecteur  adjoint  des  pro- 
vinces duBrabantetdu  Limbourg,  en  nous  envoyant  la  tra- 
duction qu'il  a  bien  voulu  faire  pour  nous  des  Instructions 
qui  précèdent,  ajoute  les  observations  suivantes  :  «  Le  con- 
seil des  inspecteurs  médicaux  de  l'État,  présidé  par  le 
Ministre  de  l'intérieur,  a  compris  que  ce  règlement  a  be- 
soin d'être  revisé.  Dans  notre  dernière  séance  annuelle,, 
qui  a  eu  lieu  à  La  Haye,  le  comité  a  nommé  une  com- 
mission de  revision,  composée  de  MM.  les  inspecteurs 
Lubach,  Dozy  et  Riiysch.  Nous  déposerons  notre  rapport 
d'ici  peu  de  temps  et  nous  demanderons  probable- 
ment la  construction  obligatoire  d'étuves  à  désinfection 
par  la  chaleur,  dans  chaque  hôpital,  garnison,  station  ma- 
ritime et  quarantenaire,  suivant  le  modèle  que  j'ai  décrit 
dans  ma  hrochure  :  Jets  over  onts-metting  (1).  » 

Belgique. — Toutle  monde  sait  avec  quelle  perfection  est' 
organisé  le  bureau  d'hygiène  de  Bruxelles  par  son  savant 
directeur,  le  Dr  Janssens,  et  avec  quelle  précison  il  fonc- 
tionne. Ce  n'est  pas  le  lieu  d'exposer  cette  organisation  : 
nous  nous  contenterons  de  rappeller  ce  qui  concerne  les 
mesures  de  désinfection. 

En  vertu  de  \ Arrêté  royal  du  31  mal  1848,  sur  la  pré- 


(1)  Voyez  l'analyse  de  ce  travail,    Revue  d'hygiène  el  de  police  sani- 
taire, 1881,  p.  807. 


DESINFECTION  OBLIGATOIRE.  539 

:servalion  des  maladies  épidJmiques  etconiafjieuses,  et  par 
un  arrêté  du  collège  des  bourgmestres  et  échevins  de  la 
ville  de  Bruxelles,  tout  médecin  qui  a  été  appelé  à  donner 
ses  soins  à  une  personne  atteinte  de  maladie  contagieuse 
ou  transmissible,  doit  envoyer  immédiatement  au  bureau 
d'hygiène  un  Avis  sanitaire  donnant  l'indication  de  la 
maladie  et  l'adresse  exacte  du  malade.  Sous  la  rubrique  : 
Observations,  il  indique  s'il  y  a  ou  non  possibilité  d'isoler 
complètement  le  malade  dans  son  habitation  ;  si  des  mesures 
spéciales  d'assainissement  et  de  désinfection  sont  néces- 
sitées par  l'état  du  logement,  des  égouts,  par  la  qualité 
de  l'eau  à  boire,  etc.  ;  si  le  patient,  en  cas  de  variole,  a 
été  ou  non  vacciné  ou  revacciné,  si  la  désinfection  a  eu 
lieu  ou  doit  avoir  lieu  par  les  soins  de  la  famille,  quels 
sont  les  moyens  de  désinfection  indiqués  ou  employés. 
Au  bout  de  quelques  heures,  ces  renseignements  arrivent 
au  bureau  d'hygiène,  qui  envoie  immédiatement  un  méde- 
cin divisionnaire  pour  faire  une  enquête  et  des  agents  pour 
exécuter  tous  les  travaux  ou  opérations  de  désinfection  et 
d'assainissement  qu'il  a  jugés  nécessaires.  En  même  temps 
un  avis  est  adressé  à  M.  Van  Mierlo,  ingénieur  du  service 
des  égouts,  lequel  fait  procéder  par  des  employés  de  la 
voirie  à  la  désinfection  des  égouts  publics  situés  dans  le 
voisinage  de  la  maison  contaminée,  ainsi  que  des  latrines 
et  branchements  d'égouts  qui  existent  dans  l'habitation 
même. 

L'état  de  ces  latrines,  urinoirs,  puisards,  embranche- 
ments d'égout,  fait  l'objet  d'une  enquête  spéciale,  qui  porte 
principalement  sur  le  degré  d'immersion  des  sterfpusts 
ou  coupe-air  destinés  à  intercepter  toute  communication 
entre  les  gaz  de  l'égoût  public  et  l'air  de  l'habitation  ;  un 
bulletin  signé  par  le  conducteur,  visé  par  l'ingénieur  de 
service,  et  constatant  cet  état,  est  envoyé  immédiatement  au 
directeur  du  bureau  d'hygiène.  Ce  dernier  transmet  ces 
documents  au  bourgmestre,  qui,  dans  la  même  journée. 


MO  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

prescrit  par  un  arrêté  les  travaux  à  faire,  sanctionne  ceux 
qui  ont  été  déjà  faits  et  met  les  dépenses  à  la  charge  de 
qui  de  droit  (1).  Tout  cela  se  fait  rapidement,  sûrement, 
sans  protestation,  parce  que  tout  le  monde  en  reconnaît  la 
nécessité,  et  que  l'opinion  publique,  mieux  éclairée  à 
Bruxelles  qu'ailleurs,  se  prononcerait  contre  les  récalci- 
trants. Les  vêtements  appartenant  ou  ayant  appartenu  aii 
malade  sont  portés  dans  des  étuves  désinfectantes  à  l'air 
chaud,  complètement  gratuites  ;  ce  sont  les  fours  Léoni, 
dont  nous  avons  donné  la  description  plus  haut. 

Les  linges  sont  plongés  dans  un  seau  contenant  une 
solution  de  chlorure  de  zinc.  Une  histruction  autogra- 
phiée  pour  l'emploi  des  désinfectants  est  distribuée  à 
toutes  les  personnes  intéressées  :  elle  contient  un  grand 
nombre  des  prescriptions  reproduites  dans  l'Ordre  du  Con- 
seil sanitaire  de  l'Etat  de  l'illinois,  qu'on  trouvera  plus  loin. 

Nous  croyons  utile  de  donner  ici  le  fac-similé  du  bul- 
letin de  désinfection  établi  à  l'occasion  de  chaque  cas  de 
maladie  transmissible,  à  Bruxelles  : 


PROPHYLAXIE    DES    MALADIES    TRANSMISSIBLES 

Désinfection. 

En  conformilé  de  l'art.  13  des  instruclions  qui  régissent  le  service  mé- 
dical de  l'état  civil,  et  des  ordres  de  Service  des  5  Août  1879  et  5  Jan- 
vier 1881,  je  soussigné,  porte  à  la  connaissance  de  M.  le  commissaire  de 
police  de  la  e  Division  que  les  mesures  de  désinfection  suivantes  ont 
été  prescrites  à  l'occasion. 

,,         l  cas        j 
d  un     •    j ,   .      de 
/   deces 

Signalé  au  bureau  d'hygiène  le 

Dans  la  maison  sise  n»  "  étage. 


(1)  Nous  remercions  ici  notre  excellent  confrère  et  ami,  M.  Janssens,  des 
renseignemcnis  qu'il  a  bien  voulu  nous  adresser  sur  noire  demande.  On 
consultera  avec  fruit  la  brochure  suivante  :  Prophylaxie  administrative 
contre  la  propagation  des  malaiies  contagieuses  et  spécialement  delà  va- 
riole, par  le  Dr  E.  Janssens  {Rapport  pri^senté  à  l'Assemblée  nationale 
scientifique  d'hygiène  et  de  médecine  publique  de  1880;  Bruxelles,  1880.) 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  541 


,,  ,  .  1  fuiui''atioiis  sulfureuses. 

Habitation  j  f^^^^;^,,^;^,,,  phcuiquccs. 

Lieux  d'aisances,  cgouts  :  Sulfate  de  fer  1  kilog.  par  10  litres  d'eau. 

Linges,  etc.,  240  grammes  de  sulfate  de  zinc  et  120  grammes  de  sel  com- 
mun par  10  litres  d'eau.  Solution  de  chlorure  de  chaux.  Ébillition. 
Autres  moyens 


Bruxelles,  le  188      a        heure. 

Le  médecin  de  la        "  Division. 

Transmis  à  M.  l'Inspecteur  en  chef  du  service  d'hygiène  avec  information 
que  les  mesures  indiquées  ci-dessus  ont  été  appliquées  le  IfeS     . 

Bruxelles,  le  188 

Le  Commissaire  de  police, 

D'autre  part,  le  bureau  d'hygiène  met  à  la  disposition 
des  médecins  et  des  particuliers  des  bulletins  dits  d'assai- 
nissement des  rues  ou  impasses  et  des  habitations  insa- 
lubres. Ce  bulletin  contient  dans  autant  de  cases  renon- 
ciation des  principales  causes  d'insalubrité  :  humidité,  dé- 
faut d'aération,  encombrement,  dépôts  de  fumiers  et 
d'immondices,  stagnation  des  eaux  pluviales  ou  ménagères, 
malpropreté  des  chambres,  des  cours  et  escaliers,  cons- 
truction vicieuse  des  cabinets  d'aisances,  des  urinoirs,  des 
regards  d'égouts,  etc.  Chacun  peut  remplir  ces  bulletins, 
signaler  au  bureau  l'existence  de  la  maison  ou  de  l'égout, 
et  indiquer  les  mesures  de  désinfection  ou  d'assainissement 
qui  lui  paraissent  utiles.  Le  bureau  utilise  ces  renseigne- 
ments, qui  servent  avant  tout  à  attirer  son  attention  sur  les 
causes  d'insalubrité. 

Une  ordonnance  du  Conseil  communal,  du  21  mars  1881, 
assure  le  transport  des  contagieux  exclusivement  par  des 
voitures  spéciales  appartenant  à  l'administration.  Après 
chaque  transport  la  voiture  est  désinfectée  au  moyen  des 
procédés  recommandés  par  le  service  d'hygiène,  et  sous  sa 
surveillance. 


542  DESINFECTION   NOSOCOMIALE. 

Toute  voiture  quelle  qu'elle  soit,  qui,  en  contravention  à  la  présente- 
ordonnance,  aura  servi  au  transport  d'une  personne  atteinte  de  maladie 
contagieuse  ou  transmissible,  sera  soumise  à  une  desinfection  immcdiato- 
et  complète.  » 

Les  infractions  seront  punies  des  peines  de  police,  sans- 
préjudice  des  mesures  que  l'autorité  locale  croirait  devoir 
prendre  ou  prescrire  dans  l'intérêt  de  la  salubrité  publique. 

Italie. — La  désinfection  se  faisait  depuis  longtemps,  à 
Turin,  par  les  soins  de  l'autorité  municipale,  et  c'est  en 
voyant  le  fonctionnement  du  bureau  d'hygiène  de  cette- 
ville,  que  M.  le  D'' Janssens,  qui  a  fait  une  partie  de  ses 
études  à  cette  Université,  a  eu  l'idée  de  créer  à  Bruxelles 
ce  service  municipal  d'hygiène,  à  l'imitation  duquel  se 
sont  créés  récemment  ceux  du  Havre,  de  Nancy,  de  Mar- 
seille, de  Reims,  etc. 

A  Turin,  le  syndic  (maire)  a  pris  depuis  de  longues 
années  une  ordonnance  de  police  (VII  Uffizio,  Polizia),  dont 
voici  les  termes  principaux  : 

Attendu  que  le  sieur  X,..  est  déclaré  atteint  d'une  maladie  dange- 
reuse et  transmissible  (diffusiva),  ordonne  ce  qui  suit  :  1°  son  habita- 
tion est  interdite.  2"  Il  egt  défenlud'en  emporter  des  objets  quelconques, 
avant  que  les  opérations  de  dosinfecLion  aient  eu  lieu.  3°  On  fermera  les 
pories  et  les  fenêtres  pendant  12  heures  ;  durant  ce  temps,  tous  les  objets 
et  particulièrement  ceux  ayant  servi  a  l'usage  personnel  du  malade,  tels 
que  paillasse,  matelas,  couvertures  de  lit,  seront  soumis  aux  fumigations 
de  gaz  chlore  ;  le  linge  de  corps,  avant  d'être  emporte,  sera  plongé  dans 
une  solution  d'hypochlorite  de  chanx.  4°  Les  parois  intérieures  seront 
grattées  et  blanchies  au  lait  de  chaux  auquel  on  ajoute  )  OiO  d'hypo- 
chlorite de  chanx.  Le  sol  sera  lavé  avec  une  solution  d'acide  phénique 
ou  d'hypochlorite  de  chaux.  5°  Ceci  fait,  on  tiendra  les  fenêtres  et  les 
portes  largement  ouvertes  jour  et  nuit  ;  l'on  ne  pourra  y  habiter  que 
quand  tout  sera  bien  sec.  6"  Les  latrines  seront  désinfectées  par  de  l'acide 
phénique  ou  de  l'hypochlorito  de  chaux.  1"  En  cas  d'infraction,  on  pro- 
cédera aux  fins  que  de  droit. 

Le  bulletin  imprimé  contenant  ces  prescriptions  se 
termine  par  une  constatation,  signée  par  le  médecin  ins- 
pecteur, que  les  mesures  prescrites  ont  été  réellement 
appliquées. 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  543 

Angleterre.  — En  Angleterre,  c'est  la  loi  désignojc  sous 
le  nom  de  Public  Health  Act,  1875,  qui  impose  tou- 
tes les  mesures  capables  d'empêcher  la  propagation  des 
maladies  épidémiques  ou  contagieuses. 

L'article  120  autorise  les  autorités  sanitaires  à  prendre 
toutes  les  mesures  nécessaires  pour  assurer  la  désinfection 
des  locaux  ou  des  vêtements  souillés  par  les  malades 
atteints  d'affections  contagieuses,  pendant  le  cours  de  la 
maladie,  après  l'évacuation  à  l'hôpital,  après  la  mort  ou 
après  la  convalescence.  Ce  sont  les  employés  subalternes 
{servants)  de  l'autorité  sanitaire  locale  qui  sont  chargés  de 
ce  soin,  sous  le  contrôle  des  médecins  sanitaires.  (Médical 
officer  of  Health.) 

L'article  122  ajoute  qu'il  est  nécessaire,  pour  désinfecter 
convenablement  et  rapidement  tous  les  objets  matériels, 
d'avoir  dans  chaque  ville  ou  quartier  un  local  et  des 
appareils  affectés  spécialement  à  cet  usage,  le  tout  en  bon 
état  de  fonctionnement  et  prêta  servir.  Partout  où  cette  ins- 
tallation n'existera  pas  déjà,  elle  devra  dorénavant  être 
assurée.  Il  vaudra  souvent  mieux  détruire  les  objets,  en 
particulier  la  literie  et  les  vêtements  profondément  souiUés 
quede  les  désinfecter;  l'article  121  donne  explicitement  ce 
droit  aux  autorités  sanitaires,  sous  la  réserve  d'indemniser 
les  intéressés. 

L'article  123  de  la  même  loi  dit  que  pour  empêcher 
la  propagation  des  maladies  infectantes  par  l'usage  de 
voitures  publiques,  l'autorité  sanitaire  assurera  des  moyens 
de  transport  pour  conduire  les  malades  à  l'hôpital  et  les 
en  ramener. 

Les  articles  126  à  129  indiquent  les  pénalités  encourues: 

1°  Par  toule  personne  qui,  altcinte  d'une  maladie  infectieuse  dange- 
reuse, s'expose  volontairement  et  sans  prendre  de  précautions  conire  la 
propagation  de  cette  maladie,  dans  une  rue,  une  place  publique,  une 
boutiijue,  une  hôtellerie,  une  voilure  publique,  ou  qui  pénétre  dans  une 
de  ces  voitures  sans  avoir  averti  le  propriétaire  ou  le  conducteur  qu'il 
est  dans  un  tel  état  de  santé; 


544  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

2'  Toute  personne  qui,  élant  chargée  de  soigner  un  tel  malade,  permet 
à  ce  dernier  de  s'exposer  ainsi; 

3°  Toute  personne  qui  donne,  prête,  transmet  ou  expose  sans  désinfec- 
tion préalable,  des  pièces  de  literie,  de  vêlements,  de  cliiffons,  susceptibles 
d'avoir  été  conlamiuées  par  de  tels  malades; 

4°  Tout  propriétaire  ou  conducteur  de  voiture  qui  n'a  pas  as'^uré  la 
désinfection  de  sa  voiture  immédiatement  après  qu'il  a  transporté  une 
personne  atteinte  d'une  maladie  contagieuse  ; 

5°  Le  propriétaire  de  toute  maison  dans  laquelle  une  personne  a  été 
atteinte  d'une  de  ces  maladies,  qui  louera  sciemment  à  prix  d'argent  celte 
maison  ou  partie  de  cette  maison  sans  l'avoir  auparavant  désinfectée, 
ainsi  que  le<  objets  qu'elle  contient,  de  manière  à  saLisfaire  le  médecin 
légalement  qualifié  qui  en  fera  l'inspection  ; 

6»  Toute  personne  qui,  montrant  une  maison  ou  une  partie  de  maison 
pour  la  donner  en  location,  fera  de  fausses  déclarations  quant  à  l'exis- 
tence lie  malades  infectieuses,  soit  actuellement,  soit  dans  les  six  semai- 
nes précédentes. 

Nous  avons  décrit  précédemment  les  lazarets  ou  sta- 
tions publiques  de  désinfection  qui  existent  dans  un  grand 
nombre  de  municipalités  ou  de  paroisses  en  Angleterre 
(p.  441  et  suiv.);  nous  n'avons  pas  à  y  revenir. 

Dans  le  Règlement  du  service  médical  dans  Varmée 
anglaise  (1),  la  section  V  consacrée  aux  maladies  infec- 
tieuses contient  de  nombreuses  prescriptions  concernant  la 
désinfection  (§  644  à  662).  Nous  croyons  utile  d'en  résu- 
mer ici  les  principaux  articles. 

g  044.  En  cas  de  maladie  infectieuse  (choléra,  scarlatine,  etc.),  le  malade 
sera  envoyé  à  l'iijpital  avec  sa  literie;  la  paille  sera  brûlée;  le  ri^ste  delà 
literie,  ainsi  que  ses  vêlements  et  tous  les  effets  portés  par  le  malade,  se- 
ront désinfectes  par  la  chaleur  sèche  ou  par  tout  autre  moyen  ;  ces  piè- 
ces spront  ensuite  plongée,  dans  l'eau  bouillante,  et  savonnées  et  lavées. 
Les  pièces  d'équipement  qui,  par  leur  nature,  ne  pourraient  subir  ce  trai- 
tement, seront  portées  à  l'hôpital,  fumigées,  exposées  à  l'air  et  au  soleil 
pendant  une  semaine,  baltucs  el  brossées.  Ces  objets  ue  seront  mis  en 
service  qu'après  la  cessation  complète  de  l'épidémie. 

g  ()4S.  Quand  un  cas  de  scarlaline  a  eu  lieu  dans  une  caserne,  on  évacue 
les  chambrées,  on  maintient  les  fenêtres  ouvertes  pendant  un  temps  suf- 
fisant pour  assurer  une  ventilalion  complète.  L'équipement,  le  plancher, 
les  boiseries  peintes  seront  frottés;  la  literie,  les  couvertures  seront  com- 
plètement nettoyées  et  désinfeclées  avant  d'être  remis  en  service,  les  pla- 
fonds seront  blanchis  ;  les  papiers  de  tenture,  s'il  y  en  a,  seront  com- 
plètement arrachés  avant  d'èlre  renouvelés;  s'il  n'y  a  pas  de  papier,  les 
murs  seront    grattés,    blanchis   ou  réparés.  Le  médecin    qui  a  soigné  ou 

(il  Régulations  for  thc  médical  Depnrlmenl  of  Ber  Majesiy's  Anni/, 
War  Office,  l'''-  novembre  1878,  in  8",  p.  109. 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  M5 

dvacuo  le  malade  adresse  son  rapport  à  l'ofricicr  commandant  qui  assure 
l'éxecution  des  mesures  précédentes.  Ces  opérations  seront  faites  par  les 
soins  du  génie.  Le  renouvellement  du  papier  ou  de  la  pointure  sera  limité 
à  la  cliambre  où  le  cas  a  eu  lieu. 

g  653  à  633.  Toutes  les  fois  que  celaserajugé  nécessaire,  les  locaux  d'une 
caserne  souillés  par  une  maladie  infectieuse  seront  évacués,  laissés  inoc- 
cupés, blanchis,  fumigés,  aussi  longtemps  qu'il  le  faudra.  La  literie  et  les 
vêtements  qui,  dans  un  hôpital,  auront  servi  à  un  homme  atteint  d'une 
maladie  infectieuse,  subiront  le  même  traitement  que  ci-dessus.  Le  crin  du 
matchis  sera  retiré,  mis  à  l'air,  battu,  et  si  cela  est  possible  soumis  à  la 
chaleur  sèche,  à  une  température  qui  ne  sera  pas  inférieure  à  -f-  100" 
centigrades,  pendant  au  moins  deux  heures.  Le  reste  de  la  literie,  les 
couvertures,  tous  les  vètenienls  portés  par  l'homme  depuis  son  admis- 
sion à  l'hôpital  seront  également  désinfectés  par  la  chaleur  sèche  ou  les 
agents  chimiques,  plongés  dans  l'eau  bouillante,  battus  à  l'air,  puis  sa- 
vonnés à  l'eau  chaude,  etc. 

g  6S7.  Quand  les  fumigations  seront  jugées  nécessaires,  on  les  fera 
par  l'un  des  procédés  suivants  : 

FUMIGATIONS    DE    CHLORE. 

Sel  commun 115  grammes. 

Oxyde  de  manganèse  en  poudre  ....  28  — 

Acide  sulfurique 28  — 

Eau S6         — 

On  mêle  l'eau  et  l'acide,  on  verse  les  sels  dans  un  vase  de  faïence,  qu'on 
pose  sur  un  pot  rempli  de  sable  chaud.  (On  ne  dit  pas  malheureusement 
pour  quel  espace  cube  suffit  cette  faible  quantité  do  réactifs.) 

FUMIGATIONS    DE  GAZ   ACIDE    NITREUX. 

Rognures  de  cuivre lo  grammes. 

Acide  nitrique -10         — 

Eau 40         — 

Versez  les  liquides  sur  lo  cuivre,  dans  un  petit  ballon. 

FUMIGATIONS    AVEC    LE    GAZ   ACIDE    SULFUREUX. 

Brûlez  deux  onces  de  soufre  dans  un  pot  do  terre  ;  on  ferme  toutes  les 
ouvertures  avant  de  commencer  l'opération  et  l'on  sort  rapidement.  Au 
bout  de  deux  à  trois  heures,  on  ventile  largement.  Les  chambrées  strout 
complètement  vidées  avant  la  fumigation.  (Le  règlement  ne  dit  pas  pour 
quelle  capacité  conviennent  les  doses  prescrites  ci-dessus.) 

Toutes  ces  opérations  seront  faites  par  les  subordonnés  du  service  mé- 
dical de  l'armée.  Le  commissariat  fera  face  à  toutes  les  dépenses  néces- 
saires . 

États-Unis.  —  Aux  États-Unis  d'Amérique,  le  National 
Board  of  Health,  institué  à  Washington  par  décret  du 

Vallin.  —  Désinfectants.  35 


546  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

3  mars  18T9  (1),  a  pour  but  principal  de  prévenir  Fintro- 
duction  des  maladies  contagieuses  et  infectieuses  aux 
Etats-Unis;  aussi  a-t-il  donné  une  grande  importance  à 
toutes  les  questions  qui  concernent  la.  désinfection  en  géné- 
raF,  et  celle  des  navires  en  particulier. 

Ge  Conseil  a  le  droit  de  préparer  des  ordonnances  sani- 
taires qui  ont  force  de  loi  dès  qu'elles  sont  approuvées 
par  le  Président  des  États-Unis.  Plusieurs  de  ces  ordon- 
nances sont  consacrées  à  la  désinfection,  aux  cas  où  elle 
est  obligatoire,  aux  moyens  à  l'aide  desquels  elle  doit  être 
faite;  on  en  trouvera  le  texte  dans  le  Bulletin  hebdoma- 
daire publié  régulièrement  par  le  Conseil  {National  Board 
of  Health  Bulletlri)  et  dans  le  volumineux  compte  rendu 
déposé  chaque  année  sur  le  bureau  da  Congrès.  Mais,  outre 
ces  prescriptions  applicables  aux  provenances  extérieures, 
aux  quarantaines,  etc.,  il  en  existe  d'autres  imposées  soit 
par  le  Conseil  national  de  santé  de  Washington,  soit  par 
les  Conseils  sanitaires  de  chacun  des  États-Unis,  conseils 
institués  sur  les  mêmes  bases  que  le  précédent.  Dans  l'im- 
possibilité d'indiquer  les  mesures  de  désinfection  obliga- 
toires prises  dans  les  divers  États,  nous  nous  contentons 
de  résumer  les  règlements  {régulations)  édictés  par  le 
Conseil  sanitaire  de  l'État  de  l'Illinois,  en  janvier  1882, 
pour  empêcher  l'extension  de  la  variole  (2),  et  qui  repro- 
duisent en  grande  partie  ceux  que  la  ville  de  Bruxelles 
met  en  vigueur  depuis  plusieurs  années  avec  tant  de  suc- 
cès. 

1°  Dès  qu'il  est  rendu  compte  de  l'existence  d'un  cas  de  variole  dans 
une  localité,  la  vaccination  et  la  revaccina  Lion  doivent  avoir  lieu  d'une 
façon  systématique  ; 


(1)  E.  Vallin,  Le  régime  sanitaire  des  Etats-Unis  [Revue  (Vhijrjiène  et  de 
police  sanitaire,  1880,  p.  353). 

(2)  Order,  rides  and  rerjulalions  of  ihe  Illinois  Slate  of  Health,  con- 
cerning  the  prévention  of  Small-Pox,  3  janvier  1882  [National  Board  of 
Health  BuJlelin,  vol.  3.,  n°32,  4  février  1882,  p.  279,  et  10  décembre  1881, 
p.  187). 


DESINFECTION  ODLIGATUIHE.  547 

ii"  L'isolemcnl  des  makules  tloil  avoir  lieu  prompt  jmeiit  cl  rigoureuse- 
■jnent...,  nue  alHclic  porluut  le  mot  Vahioliî  est  appliiui-e  sur  la  mai- 
son, etc.  ; 

3"  La  cliambre  choisie  pour  y  placer  le  malade  doit  cire  grande,  aérée, 
isolée.  Tous  les  orûcments,  tapisseries,  draperies  et  tous  les  objets  qui  ni 
sont  pas  indispensables  doivent  être  enlevés.  La  chambre  doit  être  ven- 
tilée nuit  et  jour;  rien  n'est  plus  désinfectant  que  l'air  pur.  Placez  le  lit 
«autant  que  possible  au  milieu  de  la  chambre;  évitez  cependant  les  cou- 
rants d'air  sur  le  malade;  si  la  chambre  du  malade  communique  avec  une 
autre  qui  soit  occupée,  ne  laissez  ouverte  qu'une  seule  porte  pour  l'entrée 
et  U  sortie;  fixez  devant  le  cadre  de  la  porte  des  pièces  de  tissu  de  coion 
dépende  valeur, qu'on  humecte  en  pcrm;incnce  avec  une  solution  aqueuse 
de  thymol  (thymol  28  grammes,  alcool  à  8o",  84  grammes;  une  cuillerée 
à  thé  pour  deux  litres  d'eau),  ou  de  chlorure  de  zinc  (35". .50  pou 
deux  litres  d'eau).  Le  drap  ainsi  tendu  ne  doit  pas  être  cloué  par  tous  les 
bords  à  la  porte,  mais  il  doit  être  laissé  libre  et  flottant  du  côté  de  la  ser- 
rure, pour  qu'on  puisse  le  soulever  et  le  porter  de  côlé  en  entrant.  Il  doit 
être  assez  long  pour  traîner  de  10  à  12  pouces  sur  le  sol;  il  faut  l'enlre- 
Icnir  constamment  humide  par  le  desinfectant  ; 

4°  Toutes  les  sécrétions  nasales,  buccales  du  malade  doivent  être  reçues 
sur  des  chiffons  et  immédiatement  brûlées  ;  les  mêmes  préc;iulions  doi- 
vent être  prises  pour  les  produits  de  la  desquamation.  Les  vases  de  nuit 
doivent  contenir  conslamment  un  litre  environ  d'une  solution  de  sulfate  de 
fer  à  1  kilogramme  de  sel  pour  o  à  8  litres  d'eau. 

Les  évacuations  alvines  et  l'urine  seront  rcueillies  dans  ces  v^ases,  et 
enfouies  au  moins  à  100  pieds  de  tout  pu  ts  ou  source.  Les  cuillers,  les 
plats  ou  vases  qui  ont  servi  au  malade  doivent  être  immédiatement  plon- 
gés dans  l'eau  bouillante.  Ln  seau  rempli  d'une  solution  de  chlorure  de 
zinc  (sulfate  de  zinc  .oOO  à  800  grammes,  sel  commun  400  à  500  grammes 
eau  2o  litres),  doit  rester  en  permanence  dans  la  chambre;  on  y  plongera 
immédiatement  tous  les  linges,  objets  de  literie  ou  d'habillement  qui  au- 
ront servi  au  malade,  avant  de  les  emporter  hors  de  la  chambre  :  ces  ob- 
jets seront  ensuite  soumis  à  la  lessive  bouillante  aussitôt  que  pos- 
sible ; 

5°  On  ne  doit  pas  employer  dans  la  chambre  du  malade  plus  de  deux 
personnes,  dont  une,  autant  que  possible,  garde-malade  de  profession  et 
exercée;  les  relations  du  malade  avec  les  autres  membres  de  sa  famille  ou 
les  étrangers  doivent  être  aussi  restreintes  que  possible.  Si  l'une  des  per- 
sonnes qui  soignent  le  malade  était  obligée  de  sortir  de  la  maison,  elle 
devrait  au|)aravant  changer  complètement  de  vêtements,  et  ne  porter  au 
dehors  que  des  effets  qui  n'ont  jamais  été  exposés  à  l'infection;  les  mains 
la  face,  les  cheveux  devraient  cire  lavés  avec  un  demi-gallon  (2  litres 
230)  d'eau  auquel  on  aura  ajouté  une  grande  cuillerée  d'esprit  de  thymol 
ou  deux  cuillerées  d'acide  phJnique.  Après  cela,  la  personne  devrait 
s'exposer  au  grand  air  avant  de  s'approcher  de  qui  que  ce  soit  ; 

6»  Les  médecins  et  les  autres  visiteurs  indispensables,  avant  d'entrer 
dans  la  chambre  du  malade,  devraient  prendre  un  vêtement  de  pardessus, 
le  bien  boutonner  du  haut  en  bas,  et  placer  un  mouchoir  ou  un  foulard 
autour  de  la  gorge  et  du  cou.  Ce  pardessus  improvisé  peut  être  en  toile 
cirée  ou  en  caoutchouc;  dés  qu'on  a  quitté  la  chambre  du  malade,  le  vê- 
tement et  le  cache-nez  doivent  être  purlés  au  grand  air,  plongés  dans  la 
solution  de  chlorure  de  zinc,  et  pendus  hors  de  la  maison,  JAisqu'à  lapro- 


548  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

chainc  visite.  La  séciirilô  n'est  obtenue  qu'au  prix  d'une  exposition  au 
grand  air  de  tout  objet  d'habillement  qui  a  été  de  quelque  façon  que  ce 
soit  sujet  à  la  contagion.  Toutes  les  fois  que  cela  sera  possible,  les  pré- 
cautions recommandées  au  n°  o  pour  les  gardiens  obligés  de  sortir  devront 
être  prises  par  le  médecin  et  les  visiteurs.  Les  médecins  et  les  prêtres 
peuvent  transporter  la  contagion  tout  aussi  bien  que  les  laïques  ;  ils 
doivent  donc  prendre  les  mêmes  précautions  (1). 

"7°  Aucun  habitant  de  la  maison,  pendant  toute  la  durée  de  la  maladie 
ne  doit  s'aventurer  dans  une  voilure  publique,  une  assemblée,  un  lieu  de 
rassemblement  tel  qu'une  église  ou  une  école  ;  après  la  maladie  terminée 
les  habitants  de  la  maison  doivent  attendre  la  permission  du  médecin 
pour  reprendre  ainsi  la  vie  publique.  On  ne  doit  pas  envoyer  les  lettres 
écrites  par  le  malade,  et  tous  les  colis  postaux  (i)  proveuant  de  la  maison 
devraient  être  exposés  par  avance  à  une  chaleur  sèche  de  +  120  à  130"  G. 
On  ne  doit  pas  laisser  les  animaux  domestiques,  chiens,  chats,  etc.,  en- 
trer daas  la  chambre  du  malade  ;  il  vaut  encore  mieux  les  renvoyer  de  la 
maison. 

Les  latrines  doivent  être  complètement  désinfectées,  pendant  toute  la 
durée  de  la  maladie,  avec  la  solution  de  couperose  obtenue  en  dissolvant 
environ  60  livres  (27  kilogramme?)  de  sulfate  de  fer  qu'on  suspend  dans 
un  panier  au  centre  d'un  baril  [d  barre!)  d'eau  ;  trois  ou  quatre  gallons 
(13  à  2-2  litres)  de  cette  solution,  à  laquelle  on  peut  ajouter  un  demi-litre 
d'acide  phénicpie  impur,  doivent  être  jetés  dans  la  fosse  tous  les  trois  ou 
quatre  jours.  Los  walcr-closcts  doivent  ê;re  désinfectés  en  jetant  dans  la 
cuvette,  après  chaque  visite,  environ  1  litre  de  cette  solution. 

8°  Après  la  guérison,  le  malade  doit  chaque  jour  et  pendant  trois  ou 
quatre  jours,  prendre  un  bain  avec  une  faible  solution  désinfectante,  par 
exemple  la  solution  aqueuse  de  thymol  précédemment  indiquée,  ou  une 
solution  de  35  grammes  de  chlorure  de  zinc  pour  22  kilogrammes  d'eau. 
La  tête  doit  être  soigneusement  savonnée  (shimpoed)  pendant  le  bain,  et 
le  convalescent  doit  revêtir  des  vêtements  et  linges  qui  n'aient  jamais  été 
exposés  à  la  contamination. 

Les  malailcs  doivent  être  gardés  à  la  maison  au  moins  deux  semaines 
après  que  les  croûtes  ont  toutes  disparu  ; 

9°  En  cas  do  mort,  les  vêtements  qui  servent  à  ajuster  le  corps  doivent 
être  aspergés  de  solution  de  thymol,  et  le  corps  doit  être  enveloppé  dans 
une  toile  cirée  désinfectante  (3).  et  placé  dans  un  cercueil  bien  herméti- 
que (in  an  air  tigbt  cof tîu;  ;  ce  dernier  doit  rester  dans  la  chambre  du  ma- 
lade jusqu'au  moment  même  de  l'enterrement.  On  ne  doit  point  permettre 

(1)  L'esprit  de  thymol  peut  s'obtenir  dans  ce  cas  en  ajoutant  28  gram- 
mes do  thymol  à  85  grammes  d'alcool  à  8.^°.  Ce  désinfectant  n'a  pas 
l'odeur  désagréable  de  l'acide  phénique  et  est  très  efficace. 

(2)  D'après  un  ordre  récent  de  M.  Halton,  les  colis  postaux  déclarés  sus- 
ceptibles de  contagion  (liable  lo  contagion)  peuvent  être  exclus  des  cour- 
riers, mis  en  quarantaine  jusqu'à  ce  que  la  prohibition  soit  levée,  et  alors 
seulement  adressés  après  qu'on  les  aura  complètement  désinfectés  sous  la 
surveillance  de  l'autorité  médicale. 

(3)  On  peut  employer  à  cet  usage  une  chemise  complètement  imprégnée 
du  liquide  désinfectant  indiqué  ci-dessus,  mais  d'une  force  double,  soit 
225  grammes  de  sulfate  de  zinc  et  112  grammes  de  sel  commun  pour 
4  kilogrammes  et  demi  d'eau. 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRR.  549 

dans  ce  cas  de  funérailles  publiques  soil  à  la  maison,  soit  ;ï  l'église,  et 
les  personnes  seules  qui  sont  nécessaires  pour  enlerrer  le  cor|)s  doivent 
cire  autorisées  à  aller  au  cimetière.  Les  autorités  locales  doivent  prendre 
la  charge  de  l'enterrement,  et  surveiller  les  soins  à  donner  à  la  prépara- 
tion du  corps  ; 

10°  Après  la  guérison  ou  la  mort,  tous  les  objets  qui  ont  été  portés  par 
le  malade  ou  qui  ont  été  en  contact  avec  lui,  tout  ce  qui  se  trouvait  dans 
la  cliambre  doit  être  désinfecte  à  fond  par  des  fumigations  d'acide  sulfu- 
reux. Pour  faire  celte  opération,  il  faut  exactement  fermer  toutes  les  is- 
sues (fenêtres,  portes,  trous  de  serrures,  foyers  de  cheminées)  en  y  collant 
sur  les  joints  des  bandes  de  papier.  On  place  alors  un  fourneau  rempli 
de  braise  sur  un  vase  contenant  un  peu  cî'eau,  pour  éviter  les  incendies, 
et  l'on  y  fait  brûler  trois  ou  quatre  livres  (1  k.  400  à  1  k.  800)  de  soufre. 
Tous  les  objets  contenus  dans  la  chambre  qui  auraient  trop  de  valeur 
pour  être  détruits  par  le  feu,  ceux  qui  ne  pourraient  être  l-ivés  ou  exposes 
à  la  chaleur  sèche,  doivent  être  étalés  sur  des  chaises  ou  sur  des  claies 
(matelas  et  descentes  de  lit),  de  manière  que  les  deux  faces  soient  bien  ex- 
posées aux  fumigations  ;  les  rideaux  doivent  être  bien  étalés  et  dégagés 
dans  toute  leur  hauteur,  afin  que  les  vapeurs  de  soufre  ou  de  chlore  les 
atteignent  partout.  La  chambre  doit  être  tenue  bien  close  pendant  vingt- 
quatre  heures.  Après  celte  fumigation,  qu'on  pourra  renouveler,  le  sol  et 
les  boiseries  seront  lavés  à  l'eau  chaude,  les  murailles  et  les  plafonds  se- 
ront blanchis  ;  s'ils  :.ont  tendus  en  papier,  le  papier  sera  enlevé.  Les  ob- 
jets exposés  aux  fumigations  devront  être  abandonnés  pendant  plusieurs 
jours  à  l'air  libre  et  au  grand  soleil.  Si  malheureusement  ou  avait  été 
obligé  de  laisser  les  tapis  sur  le  sol  de  la  chambre  pendant  la  maladie,  il 
ne  faudrait  les  lever  qu'après  la  fumigation,  et  alors  les  battre  et  les  se- 
couer en  plein  air,  et  les  lai.-ser  hors  de  la  maison  pendant  une  semaine 
et  plus.  S'ds  n'avaient  pas  grande  valeur,  il  faudrait  les  brûler;  il  vaut 
beaucoup  mieux  les  enlever  de  la  chambre  dès  le  début  de  la  maladie, 
toutes  les  fois  que  cela  est  possible. 

Quand  ces  opérations  sont  terminées,  il  faut  laisser  les  portes  et  les 
fenêtres  de  la  chambre  largement  ouvertes  autant  que  possible  pendant 
une  ou  deux  semaines.  Quand  la  maison  est  suffisamment  isolée,  on  peut 
exposer  au  dehors  les  objets  qu'elle  contenait;  tous  ceux  qui  restent  sus- 
pects, doivent  être  détruits.  Cette  désinfection  et  la  destruction  des  objets 
doivent  être  faites  par  les  soins  de  l'autorité. 

11°  Tous  les  objets  de  vêtements  et  de  literie  qui  peuvent  être  lavés  doi- 
vent être  plongés  de  suite  dans  la  solution  de  chlorure  de  zinc  ;  on  les 
fera  ensuite  bouillir  complètement  et  sans  retard.  Les  toiles  des  matelas 
et  des  oreillers  devront  être  traitées  de  la  même  manière,  et  le  contenu, 
crin  ou  plume,  doit  être  chauffé  au  four.  Si  cela  est  impossible,  il  faut  le 
détruire  par  le  feu,  comme  on  doit  toujours  le  faire  pour  la  paille,  le  va- 
rech, la  mousse,  les  feuilles  de  maïs  et  autres  remplissages.  Les  vêtements 
des  gardes-malades  doivent  èlrc  parfaitement  fumigés  et  nettoyés  avant  de 
sonir  de  la  chambre,  et  encore  mieux  brûlés  quand  cela  est  possible. 

L'attention  a  déjà  été  attirée  sur  la  réalité  du  transport  de  la  maladie 
à  des  points  éloignés  par  les  chiffons  et  hs  vieux  papiers.  Les  autorités 
devront  mettre  en  quarantaine  le  chargement  de  navire  de  cette  espèce 
qui  ne  seront  pas  accompagnés  d'un  certificat  attestant  qu'ils  ont  été  dé- 
sinfectés sous  les  yeux  d'inspecteurs  compétents.  En  tout  cas,  les  pro- 
priétaires des  établissements  où  les  matières  sont  employées  sont  invités  à. 
revacciner  tous  leurs  ouvriers. 


550  DÉSINFECTION  NOSOCOMIALE. 

Enfin  si,  par  suite  de  négl'igence  ou  de  retard  dans  l'application  de  ce&- 
mesures,  la  maladie  tend  à  devenir  cpidémiquc,.  les  écoles  privées  et  pu- 
bliques doivent  être  fermées,  les  services  rcliiçieux  suspendus,  et  les  réu-' 
nions  j^opulaires  prohibées,  dans  les  exhibitions,  cirques,  théâtres, 
foires,  etc .     .• 


Liste  des  meilleurs  désinfectants. 

En  général,  lumière  du  soleil,  savon  et  eau,  propreté  parfaite.  Pour 
les  cas  particuliers,  les  moyens  suivants  sont  les  plus  efficaces,  les  plus 
simples  et  les  moins  clxers. 


Désinfection  par  la  couperose. 

Sulfate  de  fer  .   .  1  livre  à  1  livre  et  demie  (453  à  678 grammes). 
Eau 1  gallon  (4  k.  500). 

Désinfection  par  le  soufre. 

Soufre  en  bâtons.    .   .  2  livres  f900  grammes). 

Pour  une  chambre   de    10  pieds    carrés  (ou    3'  m.  048),  et  dans   la 
même  proportion  pour  les   chambres  plus  grandes. 

Désinfeclion  par  les  sels  de  zinc. 

Sulfate  de  zinc  .    .    .  450  à  675  grammes. 
Sel  commun     ....  340  grammes. 
Eaa 27  litres. 

On  peut  encore  employer  la  dissolution  de  15  grammes  de  chlorure  de 
zinc  clans  4  litres  d'eau. 

Solution  aqueuse  de  thymol. 

Elle  se  fait  en  ajoutant  une  cuiller  à  thé  d'esprit  de  thymol  à  deux 
litres  d'eau.  L'esprit  de  thymol  a  la  composition  suivante  : 

Thymol  —  1   partie 

Alcool  à  83  —  3  parties. 

Cette  solution  remplace  toutes  les  préparations  d'acide  phonique  ;  elle 
est  aussi  efficace  et  a  une  odeur  agréable. 

Nous  n'avons  pas  craint  de  traduire  et  de  reproduire 
ces  Instruclions  malgré  leur  grande  étendue,  parce  qu'elles 
indiquent  jusqu'où  Ton  a  pu  aller  aux  Etats-Unis,  dans  c» 
pays  si  jaloux  do  la  liberté  individuelle,  lorsque  les  inté- 


DÉSINFECTION  OULIGAïOIUE.  5S1 

rèls  de  la  communauté  sont  exposés  à  être  compromis  par 
la  négligence  ou  l'imprudence  d'un  seul.  L'Ordre  qmenous 
avons  sous  les  yeux  dit  que  les  officiers  de  police,  les 
shérifs,  les  constables  et  autres  fonctionnaires  de  l'Etat 
doivent  concourir  à  l'exécution  de  ces  règlements.  Au- 
cune indemnité  n'est  due  par  la  communauté  au  proprié- 
taire des  objets  qu'il  aura  infectés  par  sa  faute,  et  qu'il  aura 
fallu  détruire.  Toutefois,  on  accordera  une  indemnité  aux 
personnes  qui  ne  sont  en  aucune  façon  responsables  de  la 
contagion  et  dont  les  objets,  souillés  malgré  eux  ou  malgré 
les  précautions  qu'elles  ont  prises,  auront  dû  être  détruits 
par  les  autorités  sanitaires  dans  l'intérêt  de  la  sécurité  pu- 
blique. L'Ordre  recommande  de  poursuivre  aussi  sévère- 
ment que  des  meurtriers  ceux  qui  cherchent  à  dissimuler 
les  cas  de  variole.  Une  copie  des  instructions  qui  précè- 
dent est  envoyée  immédiatement  dans  toute  maison  où  se 
développe  un  cas  de  variole,  et  la  reproduction  en  a  lieu  en 
temps  d'épidémie  dans  tous  les  journaux. 

Quelques-unes  de  ces  prescriptions  nous  paraissent  ex- 
cessives, par  exemple  celle  de  faire  laver  avec  une  solu- 
tion de  thymol  la  figure,  les  mains  et  les  cheveux  du  mé- 
decin ou  de  tout  visiteur  qui  quitte  la  chambre  d'un  ma- 
lade. Une  précédente  ordonnance  de  juin  1881  prescri- 
vait même  ce  lavage  avec  une  solution  d'acide  phénique 
ou  de  permanganate  de  potasse,  ce  qui  devait  singulière- 
ment parfumer  les  personnes  ou  donner  une  couleur 
acajou  fort  désagréable  à  la  peau  ! 

Dans  plusieurs  des  Etats  de  l'Union,  où  la  variole  a  sévi 
par  petites  épidémies  en  ces  dernières  années,  les  Con- 
seils de  santé  ont  édicté  des  règlements  analogues  dont  la 
sévérité  paraîtrait  insupportable  en  France.  Il  faut  ajouter 
qu'avant  ces  derniers  temps,  les  cas  de  variole,  c'est-à-dire 
de  la  maladie  évitable  (preventible)  par  excellence,  éLaient 
extrêmement  rares  et  que  ces  mesures  étaient  par  suite 
rarement  applicables.  En  1819,  il  y  a  eu  dans  toute  l'an- 


S52  DESINFECTION  NOSOCOMIAlE. 

née,  à  New-York,  2S  décès  par  variole  sur  une  population 
de  1,206,577  habitants,  et  ce  chiffre  paraissait  tellement 
élevé  qu'on  a  pris  les  mesures  les  plus  sévères  contre  l'im- 
portation de  la  variole  par  les  immigrants  !  A  Paris,  on 
compte  fréquemment  dOO  décès  varioleux  par  mois,  pour 
une  population  de  2  millions  d'habitants  sans  que  l'atten- 
tion soit  éveillée  et  que  le  public  s'inquiète  (1).  La  va- 
riole s'éteindrait  peut-être  chez  nous,  aussi  bien  qu'en 
Amérique,  si  les  mesures  de  précaution  n'étaient  pas 
aussi  dédaignées,  et  si  la  désinfection  devenait  un  jour 
obligatoire. 

Suisse.  —  Une  loi  sur  les  épidémies,  votée  par  les 
Chambres  fédérales  le  31  janvier  1882,  mais  qui  sera  sou- 
mise dans  quelques  mois  au  vote  populaire  ad  référen- 
dum, rend  obligatoires  non  seulement  la  dénonciation  par 
le  médecin  de  tout  cas  de  maladie  contagieuse,  l'isolement 
des  malades  et  de  ceux  qui  les  soignent,  mais  la  désin- 
fection du  malade,  de  toute  personne  et  de  tout  objet  avec 
lequel  il  aura  été  en  contact.  La  loi  ne  s'applique  en  temps 
ordinaire  qu'à  la  variole,  au  choléra  asiatique,  au  typhus 
pétéchial  et  à  la  peste  ;  mais,  temporairement  et  en  cas 
de  danger  général,  les  autorités  cantonales  peuvent  éten- 
dre l'application  de  la  loi  à  la  scarlatine,  à  la  diphthérie,  au 
typhus,  à  la  dysenterie  et  à  la  fièvre  puerpérale  (2).  Les 
particuliers  ou  fonctionnaires  qui  éludent  les  prescriptions 
de  la  présente  loi  sont  punis  d'une  amende  qui  peut  s'éle- 
ver jusqu'à  1,000  francs,  sans  préjudice  d'un  emprisonne- 
ment qui  peut  être  de  six  mois. 

Nous  ne  reproduirons  ici  que  les  articles  de  la  loi  qui 
ont  trait  à  la  désinfection  obligatoire. 


(1)  E.  Vallin,  La  variole  aux  Etats-Unis.  [Revue  d'hygiène  et  de  police 
sanitaire,  1881,   p.  995.) 

(2)  D.  L.    Dunant,    La   loi  fédérale  suisse  concernant    les  épidémies. 
[Revue  d' hygiène  et  de  police  sanitaire,  avril  1882,  p.  299.) 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  553 


LOI  fi<;deuale  suisse 

Concernant  les  mesures  à  prendre  contre  les  épidémies 
offrant  un  danger  général  (Du  13  janvier  1882.) 

Anr.  2.  Le  Conseil  fédéral  est  chargé  de  surveiller  l'exécution  de  la  loi 
et  de  prendre  les  mesures  à  cet  effet. 

Art.  3.    L'exécution  de  la  loi  appartient  aux  cantons. 

AitT.  5.  A  l'approclie  d'épidémie  offrant  un  danger  général,  les  au- 
torités cantonales  doivent  se  pourvoir  à  temps  des  matières  désin- 
fectantes... 

Art.  1.  Toute  personne  atteinte  d'une  maladie  épidémique  offrant 
un  danger  général  doit  cire  isolée...  L'isolement  doit  durer  jusqu'à  ce 
quelaguérison  ait  été  constatée  par  un  certificat  médical,  ou  que  le  ma- 
lade ouïe  cadavre  ait  été  transporté  ailleurs,  et  que  la  désinfection  ait 
été  effectuée. 

Art.  10.  Dans  chaque  cas  de  maladie,  toutes  les  personnes  et  tous 
les  objets  qui  ont  été  en  contact  avec  le  malade  ou  avec  le  décédé 
doivent  être  désinfectés  sous  la  surveillance  et  la  lesponsabilité  de  l'au- 
torité locale  compétente  et  à  frais  publics.  Après  la  guérison  ou  la  mort 
du  malade,  sa  maison  ou  sa  demeure  doivent  être  également  désinfectées, 
ainsi  que  les  fosses  d'aisances  et  les  canaux  (d'égoutsj. 

Art.  11.  Les  objets  dont  la  valeur  ne  serait  pas  en  rapport  avec 
les  frais  de  la  désinfection,  ainsi  que  ceux  dont  l'usage  offrirait  un  dan- 
ger de  contagion  même  après  cette  opération,  peuvent  être  détruits  sur 
l'ordre  de  l'autorité.  Le  propriétaire  aura,  toutefois,  droit  à  une  indem- 
nité  équitable. 

Art.  12.  Le  trafic  et  le  commerce  de  linge  sale,  ainsi  que  des  vê- 
tements, hardes  ou  chiffons  ayant  déjà  servi,  sont  interdits  dans  toute 
commune  ou  règne  une  épidémie  grave. 

En  cas  de  nécessité,  les  autorités  cantonales  devront  étendre  cette  in- 
terdiction aux  communes  avoisinantes,  et,  s'il  y  a  danger  pour  les  can- 
tons limitrophes,  elles  devront  provoquer  des  mesures  analogues  de  la 
part  des  autorités  de  ces  cantons. 

Dans  le  cas  où  l'exécution  de  ces  mesures  serait  négligée,  le  Conseil 
fédéral  devra  intervenir  d'office.  De  même,  en  cas  de  danger  pressant,  il 
pourra  interdire  l'importation  en  Suisse  des  objets  onumérôs  plus  haut, 
ainsi  que  tous  autres  facilitant  la  transmission  des  virus. 

Les  industries  et  les  fabriques  qui  manipulent  ces  objets,  soit  pour  les 
écouler,  soit  pour  les  travailler,  ainsi  que  celles  qui  s'occupent  du  blan- 
chissage du  linge  sale,  seront  surveillées  par  la  police  sanitaire,  confor- 
mément aux  dispositions  de  la  présente  loi,  spécialement  en  ce  qui  con- 
cerne la  désinfection. 


NoRwÈGE.  —  En  Norwège,  la  Loi  du  16  mai  1860  et  le 
Règlement  du  14  mars  1874  de  la  Commission  sanitaire- de 
Christiania,  imposent  la  déclaration  et  la  désinfection  des 
maladies  contagieuses;  des  agents  subalternes, sous  les  or- 


554  DESINFECTION  NOSOCOMIALE. 

dres  des  médecins  de  la  municipalité,  s'assurent  que  les- 
locaux  et  les  vêtements  ont  été  bien  désinfectés. 

Les  infractions  sont  punies  d'une  somme  de  11  francs 
à  1,000  francs  (1). 

La  désinfection  se  fait  à  l'aide  de  l'acide  sulfureux  et  de 
la  chaleur. 

Danemark.  —  Les  prescriptions  sont  à  peu  près  identi- 
ques à  celles  qui  sont  imposées  en  Norwège  et  en  Belgique, 

Allemagne.  —  A  Berlin,  où  l'article  9  du  Règlement  du 
8  août  1835  rend  obligatoire  la  déclaration  des  maladies- 
graves  et  dangereuses,  la  préfecture  de  police,  où  sont  cen- 
tralisés les  services  sanitaires,  fait  prendre  les  mesures 
suivantes  : 

Quand  un  cas  de  typhus  pétéchial  ou  abdominal,  ou  de 
variole,  se  déclare  dans  une  maison  particulière,  le  méde- 
cin du  district  est  chargé  de  faire  des  recherches  sur  la 
salubrité  locale;  le  malade  est  transporté  dans  un  hôpital 
d'isolement  quand  il  ne  peut  être  suffisamment  isolé  chez 
lui.  Une  commission  sanitaire  désinfecte  l'habitation  et 
les  effets  du  malade  ;  la  désinfection  est  faite  avec  les 
substances  spécifiées  et  d'après  une  instruction  jointe  aux 
règlements. 

En  1868,  le  ministre  de  la  guerre,  en  Allemagne,  a  pu- 
blié une  Instruclion  sur  la  désinfection  en  général;  nous 
y  relevons  quelques  indications. 

Les  moyens  auxquels  on  peut  avoir  recours  sont  :  1"  le  permanganate- 
de  potasse  ou  de  soude;  2°  le  sulfate  de  fer  (solution  contenant  1  partie 
de  sel  pour  33  à  40  parties  d'eau  ;  3'  le  sulfate  de  zinc;  solution  forte,. 
1  partie  sur  80  parties;  solution  faible,  1  partie  sur  liO  parties  d'eau.  Oq; 
peut  le  remplacer  par  le  chlorure  de  zinc;  en  solution  forte  conteuant. 
1  partie  sur  1  jO  partie  d'eau  ;  en  solution  faible,  contenant  1  partie  sur 
248   parties  d'eau. 


(1)  D''  Bantzen,  L'i  prophylaxie  des  maladies  contagieuses  en  Norwège, 
Revue  dlujgiène  et  de  police  s:ni/<aire,  juillet  1882,  p.  534]. 


DÉSINFECTION  OBLIGATOIRE.  tioH 

Pour  la  (lésiufertioii  des  plaies,  on  emploie  le  permanganalc  ;  pour 
relie  des  cxcrémenl-,  la  solulion  de  sulfate  de  fer.  Quand  on  aura  lieu 
d'^  redouter  l'ullératiou  des  objets  par  la  rouille,  on  substituera  les  sels 
de  zinc  à  ceux  de  fer.  Pour  la  désinfection  des  chaises  pecées  et  des 
objets  analogues  dont  il  y  aurait  inconvénient  à  mouiller  les  parois 
avec  les  solutions  précitées,  on  peut  brûler  du  soufre  ou  des  mèches 
soufroes.  Pour  le  ncltoyaijc  des  vases  de  nuit,  l'acide  chlorhydrique  est 
très  utile. 

En  ca<  de  maladie  contagieuse  (choiera,  typhus,  variole),  les  linges  et 
objets  de  literie  des  malades  si  ront  plongés  pendant  quarante-huit  heures 
dans  une  solution  de  sulfate  de  zinc,  afin  de  préserver  de  toute  contagion 
les  personnes  chargées  du  blanchissage.  La  paille  des  paillasses  sera 
brûlée,  le  crin  et  la  laine  des  matelas  seront  passés  à  l'eau  houillante  (?) 
Les  pièces  d'iiabillemcnt  seront  pour  plus  de  sûreté  désinfectées  par  l'air 
chaud  dans  des  étuves  de  +  93  à  112"  ;  on  pourra  dans  certains  cas 
les  laver  dans  une  solution  faible  de  sulfate  de  zinc.  Les  espaces  habités, 
seront  désinfectés  par  des  fumigations  d'acide  acétique.  On  désinfectera 
les  salles  vides,  des  hôpilaux  en  y  plaçant  des  vases  remplis  de  chlorure 
de  chaux.  Le  sol  et  les  parois  des  chambres  seront  nettoyés  avec  soin  et 
laves  avec  la  solution  forte  de  sulfate  de  zinc.  Les  enduits  seront  renou- 
v^e'és  toutes  les  fois  qu'on  le  jugera  nécessaire. 

Les  locaux  plus  petits,  après  avoir  été  bien  clos,  pourraient  être  désin- 
fectés par  les  fumigations  directes  de  chlore  ou  d'acide  sulfureux. 

Pour  faire  disparaître  l'o  leur  de  chlore  après  la  fumigation,  on  peut' 
faire  évaporer  dans  la  chambre  de  J'ainmoniaque  liquide.  On  détruira 
par  le  feu  les  objets  capables  de  transmettre  la  contagion,  en  particulier 
tout  le  matériel  qui  a  servi  au  pansement  des  plaies. 

Un  autre  règlement  Sur  le  service  médical  des  armées 
en  campagne,  du  29  avril  1869,  dit  que  le  linge  de  corps 
ou  de  litei'ie  sou'llé  par  les  malades  (typhus,  variole),  doit 
être  lavé  dans  une  solution  de  chlorure  de  chaux,  d'acide 
phénique,  ou  dans  une  solution  faible  de  sulfate  de  zinc 
(1  :  120),  de  chlorure  de  zinc  (1  :  240)  ;  on  le  laissera  sé- 
journer dans  les  solutions  pendant  12  à  lo  heures,  puis 
on  lave  de  la  façon  ordinaire. 


556  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

CHAPITRE  II 
DÉSINFECTION   QUARANTENAIRE 

Sans  entrer  dans  le  détail  de  notre  régime  quarante- 
naire,  il  est  indispensable  de  rappeler  ici  les  distinctions 
établies  par  le  Règlement  de  police  sanitaire  maritime 
du  22  février  1876,  en  particulier  par  les  articles  36,  37 
et  38. 

Quand  un  navire  arrive  en  patente  nette,  c'est-à-dire 
provient  d'un  port  où  il  n'existe  aucune  maladie  conta- 
gieuse, il  est  admis  à  la  libre  pratique  ;  il  n'est  soumis  à  la 
désinfection  que  dans  des  cas  exceptionnels,  par  exemple  si 
son  chargement  présente  de  mauvaises  conditions  hygié- 
niques et  comprend  certaines  marchandises  dites  suscep- 
tibles. 

Un  navire  est  dit  suspect,  quand  il  arrive  en  patente 
brute,  c'est-à-dire  d'un  port  ou  règne  une  maladie  épi- 
démique,  et  qu'il  n'a  pas  eu  de  cas  de  la  maladie  pendant 
la  traversée.  Dans  ce  cas,  il  est  soumis  à  une  courte  quaran- 
taine d'observation,  pour  attendre  les  limites  de  l'incuba- 
tion. Cette  quarantaine  d'observation,  pour  les  passagers, 
peut  avoir  lieu  à  bord,  et  non  dans  un  lazaret  ;  elle  n'entraîne 
pas  nécessairement  la  désinfection  générale  du  navire, 
excepté  quand  ce  dernier  provient  d'un  pays  où  règne  la 
peste.  A  part  cette  exception,  et  d'autre  part  quand  les 
marchandises  ne  sont  ])as  susceptibles,  quand  les  conditions 
hygiéniques  du  bord  sont  bonnes,  la  désinfection  ne  se  fait 
pas.  Elle  a  lieu,  si  le  mauvais  état  du  navire,  l'encombre- 
ment, la  malpropreté  des  passagers,  la  nature  des  mar- 
chandises paraissent  dangereux  au  point  de  vue  de  l'hy- 
giène. La  désinfection  du  navire  ne  peut  avoir  lieu  tant 
que  les  passagers  restent  à  bord  ;  Mélier,  dans  sa  relation 


RÈGLEMENT  SANITAIRE  MARITIME.  557 

de  la  fièvre  jaune  à  Saint-Nazaire,  en  1863,  a  montré  en 
effet  qu'il  est  difficile  d'ouvrir  les  panneaux  d'un  navire 
mal  tenu,  de  ventiler  les  cales,  de  déplacer  la  cargaison, 
sans  menacer  la  santé  des  personnes  continuant  de  sé- 
journer à  bord.  On  peut  toutefois  profiter  du  temps  de 
l'observation  pour  désinfecter  les  vêtements  des  passa- 
gers. Lorsque  le  navire  n'a  pas  de  passagers,  la  désin- 
fection peut  commencer  à  bord  dès  le  début  de  la  qua- 
rantaine d'observation.  L'autorité  sanitaire,  c'est-à-dire  le 
directeur  de  la  santé  du  port,  est  juge  de  la  nécessité  du 
déchargement  sanitaire  ou  de  la  désinfection,  dans  tous 
les  cas  de  quarantaine  dite  d'observation,  excepté  pour 
les  provenances  de  peste. 

Quand  un  navire  est  infecté,  c'est-à-dire  que  non  seule- 
ment il  vient  d'un  port  infecté,  mais  qu'il  y  a  eu  des  ma- 
lades ou  des  cas  suspects  à  bord  pendant  la  traversée, 
on  lui  impose  une  quarantaine  de  rigueur.  Cette  quaran- 
taine ne  peut  se  faire  que  dans  un  port  à  lazaret  ;  elle  né- 
cessite le  débarquement  des  passagers  au  lazaret,  le  dé- 
chargement dit  sanitaire  des  marchandises  susceptibles, 
soit  au  lazaret,  soit  sur  des  allèges,  avec  les  purifications 
convenables  ;  elle  comprend,  en  outre,  la  désinfection  des 
effets  à  usage,  celle  des  objets  dits  susceptibles  et  celle 
du  navire.  Le  déchargement  sanitaire  et  la  désinfection 
ne  peuvent  commencer  que  lorsque  tous  les  passagers  et 
les  personnes  inutiles  à  bord  ont  quitté  le  navire. 

Nous  n'avons  pas  à  insister  ici  sur  l'utilité,  la  modéra- 
tion et  l'opportunité  de  ces  mesures  de  désinfection.  On  en 
trouvera  la  justification  dans  le  savant  rapport  de  M.  Fau- 
vel,  inspecteur  général  des  services  sanitaires,  rapport 
qui  a  servi  de  base  et  qui  contient  les  commentaires  au 
décret  du  22  février  1816  (1). 

(1)  Rapport  au  Comité  consultatif  d'hygiène  publique,  piéseiué  à  l'ap- 
pui du  règlement  tjéiicral  de  police  sanilairo  marilime,  préparé  par  une 
commission  composée  de  3IM.  Ozennc,  Amé,Bergeroû,  Dumoulier  de  Fré- 


558  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

Nous  croyons  ne  pouvoir  nous  dispenser  de  reproduire 
ici  la  partie  du  Règlement  sanitaire  maritime,  consacrée 
à  la  désinfec;ion, 

TITRE  VIII.  —  Bes  mesures  de  désinfection. 

Art.  47.  —  Les  mesures  de  désinfection  peuvent  être  appliquées  aux 
hardes  et  effets  à  usage,  à  la  cargaison  et  au  navire  lui-même. 

Art.  48.  —  Les  marchandises  et  objets  de  toute  sorte  arrivant  par  un 
navire  en  patente  nette  et  en  bon  état  liygiénique,  qui  n'a  eu  ni  mort 
ni  malades  suspects,  sont  dispenses  de  tout  traitement  sanitaire  et  admis 
immédiatement  à  la  libre  pratique,  comme  le  bâtiment  lui-même,  l'équi- 
page et  les  passagers. 

Art.  49.  —  Sont  exceptés  les  drilles,  les  chiffons,  les  cuirs,  les  crins 
et  en  général  tous  les  débris  d'animaux  qui,  même  en  patente  nette,  peu- 
vent être  l'objet  de  mesures  de  désinfection  que  déterminera  l'autorité 
sanitaire.  Sont  également  exceptées  les  matières  organiques  en  élat  de 
décomposition.  Dans  ce  dernier  cas,  s'il  y  a  impossibiliié  de  désinfecter 
'ces  matières  et  danger  de  leur  donner  libre  pratique,  l'autorité  s;ini- 
. taire  en  ordonne  la  destruction,  après  avoir  fait  constater  par  procès- 
verbal  (conformément  à  l'art.  3  de  la  loi  du  3  mars  1822)  la  néceisito  de 
là  mesure  i-t  consign-r  sur  ledit  procès-verbal  les  observations  du  pro- 
priétaire ou  de  son  représentant. 

Art.  50.  —  Les  marchandises  et  objets  de  toute  sorte  arrivant  par  un 
navire  (-n  patente  brute,  ou  dans  des  conditions  hygiéniques  dangereuses, 
ou,  à  plus  forte  raison,  par  un  navire  qui  a  eu  pendant  la  traversée  des 
accidents  de  maladie  réputée  importable,  peuvent  être  soumis  à  des  me- 
sures de  désinfection. 

Art.  51.  —  Sauf  le  cas  de  peste,  de  fièvre  jaune,  do  choléra,  de  variole, 
de  typhus  à  bord,  ces  mesures  ne  sont  point  obligatoires  ;  la  nécessité  de 
leur  application  est  laissée  au  jugement  dé  l'autorité  sanitaire. 

Art.  52.  —  Ces  mesures  elles-mêmes  sont  variables  suivant  les  cas  et  la 
n.'iture  des  olijets  à  désinfecter. 

Art.  53.  —  Sous  ce  rapport,  les  marchandises  et  objets  divers  sont  ran- 
gés dans  trois  classes  : 

La  première  est  composée  d'objets  dits  susceptibles,  et,  à  ce  titre,  sou- 
mis à  une  désinfection  oi  ligatoire.  Elle  comprend  les  hardes  et  tous  effets 
à  usage,  les  drilles,  chiffons,  cuirs,  peaux,  plumes,  crins,  les  débris  d'ani- 
maux en  général,  la  laine,  les  matières  de  soie. 

La  seconde,  comp  isée  de  matières  moins  compromettantes  et  pour  le^- 
guell^s  la  désinfection  est  facultative,  comprend  le  coton,  le  lin,  le  cliun- 
vre  à  l'état  brut. 

La  troisième,  formée  d'objets  ou  de  substances  considérés  comme  non 

dilly,  Le?oucst,  Meurand,  Roux,  Tardieu,  Proust,  secrétaire,  et  Fauvel ,  rap- 
por leur.  (Recueil  des  travaux  du  Comité  consulta lif  d'hygiène, 'iS~\  T.  V. 
p.  41  à  91.)  —  On  consultera  également  avec  grand  profit  l'excjllent  ar- 
ticle Quarantaines  du  Dictionnaire  encyclopédique,  par  M.  Léon  Golin,  et 
du  même  auteur  l'ouvrage  désormais  classique  :  Traité  des  maladies  épi-^ 
démiques,  Paris,  1879. 


CFUFFONS.  5S9 

■susceptibles,  est  exempte  do  désinfection.  Elle  comprend  les  objets  neufs 
manufac  urés,  les  iji-ains  et  autres  suhstance^  alimentaires,  les  bois,  les 
rùsines,  les  mélaux,  enlin  toutes  les  marchandises  et  objets  qui  ne  rentrent 
pas  daus  les  deux,  premières  clas-cs. 

Art.  5i.  —  En  cas  de  patente  brute  ou  d'infection  à  bord,  les  lettres, 
papiers  et  paquets  sont  soumis  aux  purifications  d'usage.  Toutefois,  ces 
papiers  ou  objets  quelconques,  provenant  d'un  pays  sain  et  embarqués 
sur  un  navire  en  patente  brute  pourront  être  admis  immédiatement  à  la 
libre  pratique,  après  purification  extérieure,  si  le  tout  est  contenu  dans 
une  cnveloiipe  scellée  officiellement. 

Art.  55.  —  Le  droit  est  réservé  à  l'administrai  ion  dos  postes  de  se  faire 
représenter  à  la  purification  des  lettres  et  dcpcches  qui  lui  sont  confiées; 
le  même  droit  est  réserve  aux  consuls  et  autres  repr^'sentants  des  puis- 
sances étrangères  pour  les  lettres  et  dépèches  olTicielles. 

Art.  5â.  —  Los  animaux  vivants  peuvent  être  l'objet  de  mesures  do  dé- 
sinfection. 

Des  certificats  d'oiigine  peuvent  être  exigés  pour  les  animaux  embar- 
qués sur  un  navire  provenant  d'un  port  au  voisinage  duquel  règne  une 
épizoolie. 

Des  certificats  analogues  peuvent  être  délivrés  pour  dos  animaux  em- 
barques en  France. 

Lorsque  dos  cuirs  verts,  des  peaux  ou  débris  frais  d'animaux  sont  ex- 
pédiés de  Fraace  à  l'étranger,  ils  peuvent,  à  la  demande  de  l'expéditeur, 
être  l'objet  de  certificats  délivrés  après  la  déclaration  d'un  vétérinaire 
assermenté. 

Art.  S7.  —  Les  procédés  de  désinfection  sont  appropriés  à  la  nature 
dos  objels  auxquels  on  les  applique,  depuis  l'ohjet  de  prix,  qu'il  faut  désin- 
fecter sans  l'altérer,  jusqu'à  la  substance  sans  valeur  qu'il  peut  être  con- 
venable lie  détruire. 

Des  instructions  déterminent  les  procédés  à  mettre  en  pratique. 

Le  Règlement  français  de  1816,  continuant  une  distinc- 
tion d'ailleurs  assez  bien  fondée,  établit  ainsi  que  nous 
venons  de  le  voir  trois  catégories  de  marchandises  ou 
d'objets,  au  point  de  vue  de  la  désinfection  :  P"  classe,  les 
matière  dites  susceptibles,  dont  la  désinfection  est  obliga- 
toire et  peut  èti^e  imposée  mémo  en  certains  cas  de  patente 
nette  (diùUes,  chiffons,  crins,  cuirs,  débris  d'animaux  ou 
matièt^es  organiques  en  voie  de  décomposition)  ;  S**  classe, 
matières  pour  lesquelles  la  quarantaine  est  facultative  (co- 
ton, lin,  chanvre,  à  l'état  brut);  3'  classe;  matières  non 
susceptibles  :  ce  sont  toutes  les  autres. 

La  désinfection  des  matières  susceptibles  mérite  une 
attention  spéciale  ;  nous  devons  nous  y  arrêter. 

Chiffons.  —  Les  mesures  sévères  prises  contre  les  chif- 


560  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

fons  sont  justifiées  ;  il  est  peu  de  marchandises  qui  soient 
plus  dangereuses.  Même  en  dehors  de  toute  importation, 
le  commerce  des  chiffons  à  l'intérieur  est  une  cause  d'in- 
salubrité et  de  propagation  des  maladies  contagieuses. 
M.  E.  Gibert  (1)  a  montré  qu'à  Marseille,  où  le  commerce 
des  chiffons  se  fait  sur  une  énorme  échelle,  la  variole  était 
d'autant  plus  fréquente  dans  un  quartier,  que  le  nombre 
des  dépôts  de  chiffons  y  était  plus  grand  ;  les  maisons  des 
chiffonniers  et  des  fripiers  étaient  particulièrement  attein- 
tes. A  Paris,  l'insalubrité  des  maisons  où  se  trouvent  les 
dépôts  de  chiffons  est  incessamment  signalée  par  les  com- 
missions des  logements  insalubres,  et  la  variole  exerce 
constamment  des  ravages  dans  certaines  cités  où  ce  com- 
merce se  fait  sur  une  large  échelle.  Dans  un  grand  nombre 
de  papeteries  à  New-York,  en  Belgique,  en  Hollande,  la 
variole,  la  fièvre  typhoïde  ont  atteint  les  personnes  occu- 
pées à  trier  des  chiffons  provenant  des  localités  où  ré- 
gnaient ces  maladies. 

On  sait  quelle  quantité  extraordinaire  de  vieux  vête- 
ments, de  chiffons,  arrive  chaque  année  dans  nos  ports 
de  tous  les  points  de  l'Orient  (20  millions  de  kilogram- 
mes par  an).  Ces  débris,  abandonnés  par  les  Arabes,  les 
Turcs  ou  les  Asiatiques,  sont  dans  un  état  de  sordidité 
extrême,  contiennent  souvent  des  germes  de  variole,  de 
fièvres  et  de  maladies  pestilentielles  parmi  lesquelles  la 
peste  et  le  choléra.  Il  y  a  là  un  danger  véritable  sur  lequel 
l'attention  a  été  plus  vivement  encore  attirée  en  ces  der- 
nières années. 

La  France  consomme  pour  ses  papeteries  100  millions 
de  kilogrammes  de  chiffons  par  an  ;  l'étranger  en  importe 
dans  nos  ports  20  millions,  et  Marseille  reçoit  le  tiers  de 
cette  importation  ;  on  voit  donc  que  les  mesures  de  désin- 

(1)  E.  Gibert,  Influence  du  commerce  des  chiffons  et  vieux  vêtements  non 
désinfectés  sur  la  propagation  de  la  variole  et  autres  maladies  contagieuses. 
[Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1879.  T.,  1.  p.  596). 


CHIFFONS.  531 

fection  sont  indispensables.  Aussi,  cette  question  a  soulevé 
de  longues  discussions  au  Comité  consultatif  d'hygiène  en 
1879;  elle  a  été  l'objet  de  plusieurs  rapports  de  M.  Fau- 
vel  (1)  et  un  décret  en  date  du  15  avril  1879  a  rendu  obli- 
gatoire la  désinfection  de  cette  marchandise,  dans  tous 
les  ports  où  elle  serait  admise  et  où  la  désinfection  serait 
praticable.  Voici  l'historique  de  cette  mesure. 

En  1878,  en  raison  du  mauvais  état  sanitaire  de  beau- 
coup de  pays  d"où  vient  l'exportation  des  chiffons,  le  Con- 
seil sanitaire  de  Marseille,  usant  du  droit  donné  par  l'ar- 
ticle 49  du  Règlement  général,  décida  que  la  désinfection 
obligatoire  serait  étendue  aux  chiffons  et  drilles  de  toute  pro- 
venance. Les  navires  chargés  de  cette  marchandise  désertè- 
rent dès  lors  le  port  de  Marseille,  débarquèrent  les  balles 
de  chiffons  dans  les  autres  ports  du  littoral,  en  particulier 
à  Cette,  ou  en  Espagne  d'où  les  navires  espagnols  les  intro- 
duisaient en  France.  C'est  alors  qu'intervint  le  décret  du 
15  avril  1879,  par  lequel  l'importation  en  France  des  chif- 
fons et  drilles  par  la  voie  maritime  ne  pouvait  avoir  lieu 
dans  la  Méditerranée  que  par  Marseille,  dans  l'Océan  que 
par  Pauillac  et  Saint-Nazaire,  dans  la  Manche  que  par  Cher- 
bourg, c'est-à-dire  par  les  ports  où  la  désinfection,  rendue 
obligatoire,  pouvait  être  opérée  d'une  manière  suffisante. 

Le  décret  toutefois  «  ne  s'applique  qu'aux  chiffons  pro- 
prement dits,  c'est-à-dire  à  toute  la  friperie,  à  tous  les  vieux 
vêtements  en  laine,  lin,  soie  et  coton,  lesquels  doivent 
toujours  être  soumis  à  la  désinfection  obligatoire,  à  rai- 
son des  dangers  qu'ils  présentent.  Quant  aux  vieux  cor- 
dages (drilles),  aux  mèches  d'étoupes,  aux  filets  et  autres 
objets  analogues,  aux  vieux  papiers  et  registres,  enfin  aux 
substances  végétales  qui  constituent  ce  qu'on  nomme  pâte 


(1)  Fauvel,  Rapport  sur  V imporlation  et  la  désinfection  des  drilles  et 
chiffons  en  France  [Recueil  des  travaux  du  Comité  consultatif  d'hygiène 
publique  de  France,  1880,  T.  IX,  p.  29  à  64).  —  Analysé  dans  la  Revue 
d'hygiène  ec  de  police  sanitaire,  1830,  p.  lIOS.j 

Vallin.  —  Désinfectants.  36 


m  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

à  papier,  ils  ne  doivent  pas,  à  moins  de  circonstances 
exceptionnelles,  être  soumis  à  la  désinfection  ;  celle-ci  leur 
sera  cependant  applicable  toutes  les  fois  qu'ils  se  trou- 
veront mélangés  dans  une  proportion  quelconque  avec  les- 
objets  de  la  première  catégorie.  » 

A  la  suite  de  nouvelles  réclamations,  et  sur  l'avis  du 
Comité  consultatif,  une  circulaire  ministérielle  du  2S  août 
1879  fit  savoir  aux  Directeurs  de  la  santé  que  tout  port 
français  où  la  désinfection  des  chiffons  aurait  été  recon- 
nue possible  au  moyen  d'un  procédé  économique  et  sur, 
pourrait  être  autorisé  par  l'administration,  sur  la  demande 
du  Directeur  de  la  santé,  à  recevoir  cette  marchandise  et 
à  la  désinfecter,  sauf  le  cas  de  patente  brute  de  choléra,  de 
fièvre  jaune  ou  de  peste  du  pays  d'origine. 

La  plupart  des  importateurs,  pour  éviter  les  retards  et  la 
dépense  de  la  désinfection  dans  les  ports  français,  firent 
dès  lors  décharger  leurs  navires  dans  les  ports  de  l'Es- 
pagne, et  entrer  leurs  marchandises  par  la  voie  de  terre  à 
travers  les  Pyrénées.  Le  Comité  consultatif  fut  conduit  à 
proposer  au  Ministre  l'installation  d'un  service  de  désin- 
fection à  la  frontière  de  terre,  service  qui  serait  annexé  au 
bureau  dédouanes;  l'importation  par  voie  de  terre  doit  être 
limitée  aux  seuls  bureaux  de  douane  munis  de  chambres 
ou  appareils  de  désinfection. 

Ces  sages  mesures  n'ont  pu  être  qu'incomplètement  ap- 
pliquées, parce  que  l'on  n'est  pas  fixé  sur  les  appareils  les 
plus  avantageux  pour  assurer  cette  désinfection. 

La  Circulaire  ministérielle  du  9  août  1879  fit  appel  à 
l'expérience  de  tous  les  Directeurs  de  santé,  et  les  pria  de 
faire  connaître  en  détail  les  procédés  de  désinfection  qu'ils 
appliquaient  dans  leurs  stations,  avec  les  améliorations  que 
leur  suggérerait  leur  pratique.  Pareille  invitation  fut  faite 
à  tous  nos  consuls  dans  les  ports  étrangers  de  faire  con- 
naître les  procédés  en  vigueur  dans  les  lazarets  de  ces 
ports;  c'est  en  partie  à  l'aide  de  ces  renseignements,  que 


CHIFFONS.  56? 

M.  Fauvel  a  rédigé  en  1881,  au  nom  d'une  Commission 
composée  de  MSI.  Wurtz,  président;  Chatin,  Girard,  Jac- 
quot,  Legouest,  Proust,  Quentin,  Rochard  et  Fauvel,  un 
rapport  considérable  sur  la  désinfection  appliquée  aux 
provenances  maritimes  {i),  rapport  qui,  après  une  longue 
discussion,  a  été  approuvé  définitivement  par  le  Comité 
consultatif  d'hygiène. 

La  circulaire  du  25  août  1879  imposait,  en  attendant,  un 
mode  uniforme  de  désinfection  par  le  dégagement  du 
chlore  ;  les  quantités  de  substances  indiquées  (chlorure  de 
sodium  100  grammes,  oxyde  noir  de  manganèse  15  gram- 
mes, acide  sulfurique  50  grammes,  eau  60  grammes,  pour 
un  local  de  100  mètres  cubes),  pour  la  production  de  ce 
gaz  sont  évidemment  insuffisantes;  il  faudrait  les  décu- 
pler, et  au  delà  (voy.  p.  121  et  215). 

hQ  chlore  d'ailleurs  convient  mal  pour  une  aussi  énorme 
quantité  de  matière;  il  est  peu  efficace,  son  emploi  est 
coûteux  ;  le  dégagement  du  gaz  est  toujours  de  beaucoup 
inférieur  à  celui  que  la  théorie  indique,  parce  qu'il  est  im- 
possible d'agiter  constamment  le  mélange  et  de  renouveler 
le  contact  de  l'acide  et  des  sels  ;  enfin,  les  industriels  an- 
glais ont  constaté  que  la  désinfection  par  le  chlore  nuisait 
notablement  à  la  qualité  du  papier  (Parsons). 

Le  sereinage,  ce  moyen  primitif  bien  qu'efficace,  dont 
abusaient  singulièrement  les  anciens  lazarets,  est  impra- 
ticable :  l'exposition  à  l'air  et  à  la  rosée  demanderait  ici  un 
espace  considérable,  une  surveillance  difficile,  un  retard 
(plusieurs  mois)  très  préjudiciable  au  commerce.  Il  n'y 
faut  pas  songer. 

L'immersion  dans  la  mer  ou  dans  un  liquide  désinfec- 
tant (solution  de  chlorure  de  zinc)  aurait  de  grands  incon- 


(2j  Le  décret  du  15  avril  1879  et  les  circulaires  du  9  et  du  25  août  1879 
sont  imprimés  à  la  fin  du  Recueil  des  travaux  du  Comité  consultatif  d'hy- 
giène publique  de  France,  T.  IX.  1S80,  p.  3i7.  Le  Rapport  sur  la  désin- 
fection est  en  cours  d'impression  et  parailra  dans  le  T.  XI  du  recueil. 


564  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

vénients  pour  une  marchandise  encombrante,  qui  se  vend 
au  poids,  et  dont  la  dessiccation  ultérieure  serait  rendue 
longue  et  difficile,  surtout  en  raison  de  la  propriété  hygro- 
métrique de  ces  sels. 

Le  D""  Bayhs,  en  Angleterre,  avait  proposé  de  répandre 
sur  les  chiffons  une  poudra  fortement  phéniquée  que  le 
triage  aurait  disséminée  partout;  mais  la  dépense  s'élevait 
à  2  francs  50  par  tonne  et  la  sécurité  n'était  pas  absolue. 

On  ne  peut  songer  qu'aux  fumigations  et  à  la  chaleur. 

V acide  hypo azotique  altérerait  peut-être  trop  les  tissus  : 
il  n'a  aucun  avantage  sur  V acide  sulfureux  qui  est  écono- 
mique, expéditif,  efficace,  et  qui  a  beaucoup  d'avantages. 
La  dose  de  soufre  par  mètre  cube  d'espace  du  local  occupé 
doit  être  de  30  grammes  ;  on  multipliera  les  foyers  de  com- 
bustion. Les  balles  seront  défaites  et  les  chiffons  étalés  en 
couches  épaisses  de  20  à  30  centimètres,  sur  des  claies 
disposées  en  étage.  On  chauffera  un  peu  la  salle,  on  y 
rendra  l'air  humide  en  arrosant  fortement  le  sol.  Vingt- 
quatre  heures  après  la  clôture  des  issues  et  l'allumage  du 
soufre,  on  peut  rendre  la  marchandise  à  ses  proprié- 
taires. S'il  ne  fallait  faire,  avec  i»IM,  Gartner  et  Schotte, 
quelques  réserves  sur  l'action  neutralisante  du  soufre, 
nous  penserions  que  ces  fumigations  (1)  viennent  au  pre- 
mier rang  après  la  désinfection  par  la  chaleur,  au  moins 
quand  il  ne  s'agit  que  de  chiffons  proprement  dits,  des- 
tinés à  la  fabrication  du  papier,  et  dont  on  ne  craint  pas 
d'altérer  la  couleur  (2). 

(1)  Toutefois,  clans  un  excellenl  rapport  adressé  au  Local  government 
Board  en  1881,  à  l'occasion  do  diverses  épidémies  do  variole  parmi  les 
trieurs  de  chiffons  dans  les  papeteries,  M.  le  D""  Franklin  Parsons  nous 
apprend  que  la  désinfection  par  l'acide  sulfureux  rend  le  chiffon  moins 
résistant,  altère  plus  tard  la  couleur  du  papier  fabriqué  par  suite  de  la 
transformation  de  l'acide  sulfureux  en  acide  sulfurique,  et  que  les  pape- 
tiers l'ont  rejetée.  11  donne  la  préférence  à  la  vapeur  d'eau  à  -\-  120°  C. 
Des  expériences  rigoureuses  lui  ont  montré  qu'il  n'était  pas  nécessaire  de 
défaire  les  balles  quand  elles  n'avaient  pas  été  serrées  à  la  presse  hydrau- 
lique. {Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  août  1882).    ■ 

(2)  Dans  le  rapport  que  nous  venons   de  citer,    31.  Fauvel    propose  de 


CHIFFONS.  565 

Toutefois  la  chaleur  nous  paraît,  ici  encore,  l'agent  de 
désinfection  par  excellence,  et  c'est  celui  auquel  M.  Fauvel 
donne  la  préférence  dans  son  rapport.  La  chambre  à  air 
chaud  proposée  par  M.  Herscher  (page  454),  chauffée  par 
un  ou  deux  poêles  en  fonte,  nous  semble  parfaitement 
adaptée  au  but  qu'on  poursuit,  11  serait  facile  de  trans- 
former dans  ce  sens  une  vaste  salle  de  chacun  de  nos 
lazarets  ;  les  murailles  épaisses  de  ces  bâtiments,  et  à 
l'intérieur  une  cloison  de  séparation  en  briques,  rendraient 
inutiles  les  détails  ingénieux  décrits  pour  une  étuve  de 
petit  modèle,  à  construire  de  toutes  pièces  dans  nos  hôpi- 
taux. Il  ne  s'agit  plus  ici  d'une  étuve,  mais  d'un  magasin 
d'une  capacité  de  100  mètres  au  moins,  où  l'on  doit  pou- 
voir désinfecter  en  24  heures  le  chargement  d'un  navire 
de  moyen  tonnage.  Une  séance  de  désinfection  ne  dure- 
rait pas  2  heures,  en  disposant  les  chiffons  sur  des  claies  ; 
un  intervalle  de  deux  heures  entre  deux  opérations  serait 
largement  suffisant  pour  le  refroidissement  et  la  manuten- 
tion des  marchandises  ;  on  pourrait  donc  en  16  heures  faire 
au  moins  4  opérations,  portant  chacune  sur  10  ou  20  mille 
kilogrammes  et  peut-être  beaucoup  plus. 

La  projection,  dans  une  chambre  ainsi  disposée  et  bien 
close,  d'un  jet  considérable  de  vapeur  surchauffée,  et,  une 
heure  après,  à  l'aide  d'un  injecteur  Giffard,  d'air  brûlé  à 
-j-130°  ou  140°,  conduirait  encore  mieux  au  même  but. 
L'expérience  seule,  faite  sur  une  grande  échelle,  dira  quel 
procédé  est  le  plus  pratique  et  le  plus  économique. 

Pour  éviter  le  transbordement,  toujours  long  et  coûteux, 
du  navire  aulazaret,  M.  Fauvel  propose  très  judicieusement 
de  construire  une  vaste  chambre  à  air  chaud,  en  tôle,  à 
doubles  parois  rendues  non  conductrices  par  l'interposition 


substituer  l'acide  sulfureux  au  chlore  pour  toutes  les  fumii^'ations  désin- 
fectantes dans  les  lazarets;  en  même  temps  il  conseille  de  laver  les  lin- 
ges et  objets  contamines  susceptibles  de  lavage,  à  l'aide  d'une  solution 
de  cLlorure  de  zinc. 


566  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

de  laine,  de  scories,  et  disposée  sur  le  pont  d'un  chaland 
qui  serait  conduit  le  long  du  navire.  Les  balles  de  marchan- 
dises seraient  directement  portées  dans  cette  étuve  mobile, 
ouvertes  ou  au  moins  desserrées,  et  désinfectées  presque 
sur  place,  sans  perte  de  temps  ni  main-d'œuvre.  Un  gé- 
nérateur de  vapeur  spécial,  établi  à  proximité,  alimente- 
rait une  sorte  de  batterie  de  chauffage  formant  calorifère, 
installée  dans  une  chambre  contiguë  à  la  première.  L'air 
pris  à  l'extérieur  serait  porté,  au  contact  de  ces  surfaces 
de  chauffe,  à  une  température  suffisante,  et  introduit  par  la 
partie  supérieure  dans  la  chambre  aux  chiffons  par  un  in- 
■  jecteur  spécial  ayant  la  double  propriété  de  produire  l'en- 
traînement et  l'humidification  de  l'air  chaud. 

Cette  double  action  est  déjà  appliquée  industriellement 
à  d'autres  usages,  et  on  peut  compter  sur  son  fonctionne- 
ment pratique.  La  marine  fait  usage,  pour  un  autre  objet, 
de  petites  machines  soufflantes  alimentant  d'air  comprimé 
des  injecteurs  d'entraînement.  Ces  injecteurs  ne  sont  pas 
pourvus  d'un  jet  central  ;  mais  l'industrie  fabrique  des  in- 
jecteurs comportant  ledit  jet,  se  réglant  d'une  manière  in- 
dépendante, au  moyen  d'un  simple  robinet,  et  permettant 
une  humidification  facultative.  Une  petite  machine  souf- 
flante à  vapeur,  desservie  par  le  générateur  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut,  alimenterait  d'air  comprimé  la  base 
de  l'injecteur,  au  centre  duquel  existerait  facultativement 
une  injection  d'eau;  cette  eau  serait  prise  au  générateur 
lui-même,  de  telle  sorte  que  le  mélange  lancé  à  travers  les 
chiffons  remplirait  ainsi  les  conditions  de  température  et 
d'humidité  nécessaires  à  la  désinfection.  Cette  manière 
d'opérer  aurait  en  outre  pour  conséquence  d'éviter  soit  les 
veines  de  température  inégale,  soit  le  rayonnement.  (Ncte 
manuscrite  de  MM.  Geneste  et  Herscher.) 

Voilà  des  moyens  pratiques,  immédiatement  utilisables, 
dont  une  courte  expérience  faite  dans  un  port  et  particu- 
lièrement à  Marseille  montrerait  les  avantages  et  les  desi- 


CUIRS,  CORNES,  CRINS  ET  LAINES.  567 

derata.  Une  salle  de  ce  genre  dans  tous  nos  lazarets,  ou 
un  tel  ponton  dans  chaque  port,  assurerait  la  désinfec- 
tion de  bien  d'autres  marchandises  encore  que  des  chiffons 
et  permettrait  peut-être  d'abréger  la  durée  des  quarantai- 
nes. 

CUIRS,  CORNES,  CRINS  ET  LAINES,  —  Le  transport  des  cuirs 
de  l'Amérique  du  Sud,  de  la  Turquie  et  de  l'Egypte  dans 
nos  ports  constitue  un  commerce  très  important,  et  à  di- 
verses reprises  des  circulaires  ministérielles  en  France  ont 
été  nécessaires  pour  prévenir  l'insalubrité  que  ces  ma- 
tières engendrent  sur  les  navires  et  dans  les  ports  (1). 

On  doit  distinguer  d'une  parties  cuirs  secs,  dont  l'insalu- 
brité est  nulle  ou  minime,  et  d'autre  part  les  cuirs  frais  ou 
verts  et  les  peaux  non  tannées  ni  salées,  qui  causent  une 
infection  extrême.  D'après  les  dépêches  du  Ministre  de  l'agri- 
culture et  du  commerce,  en  date  du  30  juin  et  du  12  juillet 
1867,  les  cuirs  secs  peuvent  être  débarqués  immédiatement 
ou  après  une  simple  exposition  à  l'air  {sereinage)  ;  les  cuirs 
frais  doivent  être  préalablement  soumis  à  une  préparation 
désinfectante  capable  d'annihiler  leur  virulence  ou  de  faire 
disparaître  leur  mauvaise  odeur;  l'immersion  dans  un  bain 
chloruré,  la  salure,  sont  recommandées  par  une  dépêche 
ministérielle  du  2  mars  1872.  Ces  prescriptions  sont  par- 
ticulièrement sévères  pour  les  provenances  des  pays  oii 
sévissent  des  épidémies  ou  des  épizooties  bien  constatées. 

Même  en  patente  nette,  les  cuirs  peuvent  être  le  sujet 
de  mesures  sanitaires,  quand  ceux  qui  sont  en  balles  ont 
reverdi  Tpeudànt  la  traversée,  et  quand  ceux  qui  sont  en 
saumure  ont  subi  une  décomposition  putride.  Ces  cuirs 
altérés  ne  sont  pas  tolérés  en  balles,  sous  les  hangars; 
selon  les  cas,   ils  sont  soumis  au  sereinage,  à  la  venti- 


(1)  Du  traitement  sanitaire  imposé,  à  Marseille,  aux  cuirs  et  autres 
débris  animaux,  etc.  Rapport  par  M.  H.  Boiiley  {Recueil  des  travaux 
du  Comité  consultatif  d'hygiène  publique,  T.  V,  187G,  p.  511). 


îJG8  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

lation,  à  la  dessiccation.  Il  est  rare  qu'il  faille  les  remettre- 
en  état  par  un  traitement  aluné,  phéniqué  ou  chloruré. 
Quand  les  cuirs  secs  et  d'ailleurs  en  bon  état  arrivent  en 
patente  brute,  on  les  soumet  pendant  quatre  ou  cinq 
jours  à  l'étalage  à  l'air  libre,  puis  chaque  peau  est  succes- 
sivement livrée  au  baguettage.  Jusqu'à  présent,  aucune 
épidémie  de  peste  bovine  n'a  été  importée  de  Turquie  ni 
d'Egypte  dans  nos  ports  de  la  Méditerranée,  où  se  font  de 
grands  arrivages  de  ces  cuirs. 

INfon  seulement  les  peaux  en  saumure  et  les  cuirs  verts 
sont  une  cause  d'infection  par  la  fermentation  qu'ils  su- 
bissent dans  les  cales  chaudes  et  humides,  mais  encore  ils 
peuvent  transporter  des  germes  de  maladies  contagieu- 
ses (1),  en  particulier  la  morve  ou  la  pustule  maligne. 
L'aspersion  avec  des  solutions  de  chlorure  de  chaux 
(1  pour  100),  d'acide  phéniqué  (1  pour  1000),  nous  paraît 
un  moyen  de  désinfection  à  peu  près  illusoire.  Les  fumiga- 
tions d'acide  sulfureux  pourraient  rendre  ici  encore  des 
services  ;  il  serait  sans  doute  possible  de  faire  les  fumiga- 
tions directement  dans  les  cales,  qu'on  désinfecterait  du 
même  coup. 

Les  crins,  les  laines,  méritent  une  attention  particuliè- 
re ;  ils  s'imprègnent  facilement,  dit-on,  du  principe  des 
maladies  épidémiques  (fièvre  jaune,  peste,  choléra),  et  de 
fait,  on  comprend  qu'ils  emprisonnent  et  immobilisent  une 
certaine  couche  de  l'air  contaminé  provenant  directement 
du  foyer.  En  outre,  ils  ont  comme  les  cuirs,  et  plus 
fréquemment,  déterminé  des  cas  isolés  de  pustule  mali- 
gne ou  de  charbon,  en  particulier  à  la  prison  de  Metz  en 
1844  (2).  En  ces  dernières  années,  on  s'est  beaucoup  ému 

(1)  C'est  à  un  chargement  de  cuirs  verts  que  M.  Jaccoud  attribue  la 
petite  épidémie  de  typhus  qu'il  vil  sévir  sur  le  paquebot  la  Gironde, 
revenant  de  la  Plala,  en  1873. 

(2)  D""  Ibreliste,  Compte  rendu  des  travaux  de  la  Société  de  médecine  de 
Metz,  1844,  p.  48.  —  Tardieu,  Dictionnaire  d'hygiène  publique,  1882,  T.  I. 
Art.  CniNiERs. 


CUIRS,  CORNES,  CRINS  ET  LAINES.  569 

en  Angleterre  de  petites  épidémies  de  maladies  charbon- 
neuses, de  symptomatologie  obscure  (pneumonies  septi- 
ques,  etc.)  survenues  dans  les  fabriques  de  tissus  de  laine  ; 
dans  le  sang  de  la  plupart  des  individus  qui  ont  succombé, 
on  a  trouvé  les  bacilles  du  charbon.  Ces  petites  épidémies 
ont  été  surtout  constatées  à  Bradfort,  à  Shipley,  dans  les 
manufactures  de  mohair  et  d'alpaga  ;  comme  on  les  observe 
de  préférence  parmi  les  ouvriers  qui  font  le  triage  des  lai- 
nes et  qui  respirent  les  poussières  que  l'opération  dégage, 
on  les  a  désignées  sous  le  nom  de  luoolsorters  disease  (ma- 
ladie des  trieurs  de  laine  (1).  A  Glasgow,  M.  Russell  a  ob- 
servé des  cas  analogues  parmi  les  ouvriers  d'une  fabrique 
où  l'on  travaillait  des  crins  provenant  de  Russie.  Ces  faits 
avaient  déjà  été  signalés  depuis  longtemps  ;  leur  fré- 
quence plus  grande  montre  combien  des  mesures  de  désin- 
fection sont  nécessaires  pour  prévenir  ultérieurement  les 
maladies  des  ouvriers  des  fabriquas.  Les  crins  et  les  laines 
provenant  des  pays  oîi  le  sang  de  rate  fait  habituellement 
des  ravages,  devraient  être  désinfectés  sur  place,  s'il  est 
possible,  à  l'aide  de  l'acide  sulfureux,  ou  dans  les  lazarets 
aa  moyen  de  la  chaleur  sèche.  Cette  désinfection,  que  l'ar- 
ticle 49  du  règlement  sanitaire  permet  de  rendre  obliga- 
toire, ne  nous  paraît  pas  beaucoup  moins  nécessaire  pour 
le  crin  et  la  laine  que  pour  les  chiffons.  Avec  une  bonne 
installation,  le  dommage  pour  le  commerce  serait  insigni- 
fiant, le  bénéfice  pour  l'industrie  et  la  santé  publique,  con- 
sidérable. Reste  la  question  de  savoir  si  l'État  a  le  droit 
d'intervenir,  quand  il  s'agit  non  d'un  danger  public,  d'une 
menace  d'épidémie  qui  peut  s'étendre  à  toute  une  popula- 
tion, mais  simplement  d'accidents  professionnels  limités  à 

(1)  D"-  Bell,  On  luoolsorters  disease.  (The  Lancet  1880,  p.  871,  61,  etc. 
—  Revu".  d'hygiène  et  de  police  sanitaire.  Août  1880,  p.  727.)  —  Report 
on  the  so-called^i  Woolsorters'  disease  y>.  as  observed  ai  Bradford  and  in 
neighbouriiitj  di  trlcts  in  the  West  Riding  of  Yorkshire  {Report  of  the 
médical  officer  of  the  Local  Government  Board  for  1880;  London,  1881, 
p.  66  à  136.  — D--  J.  B.  Russel's,  Report,  [eodem  loco,  1880.  p.  521,545}. 


570  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

un  petit  nombre  d'ouvriers  qui  connaissent  les  dangers 
auxquels  ils  s'exposent  en  venant  volontairement  travailler 
dans  une  usine. 

VÊTEMENTS  ET  OBJETS  QUI  OiNT  SERVI  A  l' USAGE  DES  MALA- 
DES A  BORD.  —  Ils  doivent  être  l'objet  d'une  désinfection 
rigoureuse  ;  le  linge  sale,  la  literie  sont  particulièrement 
dangereux.  On  devra  détruire  les  objets  sans  valeur,  lessi- 
ver le  linge  ou  le  plonger  dans  des  liquides  désinfectants  ; 
on  emploiera  d'ailleurs  les  moyens  indiqués  précédemment 
et  en  particulier  la  solution  de  chlorure  de  zinc  à  2  pour 
cent. 

LETTRES,  COLIS  POSTAUX,  ETC.  —  Lcs  lettres  et  colis  pos- 
taux seront  soumis,  dit  l'article  54,  aux  purifications 
d'usage.  D'ordinaire  on  taillade  légèrement  les  lettres  et 
les  papiers,  pour  y  permettre  la  pénétration  des  gaz  dé- 
sinfectants ;  on  les  soumet  ensuite  aux  vapeurs  de  soufre. 
Il  serait  très  facile  de  les  porter,  sans  les  lacérer,  dans  une 
étuve  à  -}-  120°,  à  l'aide  d'une  caisse  en  fil  de  fer  treillage 
pour  les  mettre  à  l'abri  de  tout  incendie  et  des  détourne- 
ments ;  ce  procédé  de  désinfection  est  assez  expéditif  pour 
qu'il  n'en  résulte  aucun  retard  sérieux.  Jadis  on  les  expo- 
sait aux  vapeurs  du  vinaigre  projeté  sur  une  plaque  rou- 
gie,  procédé  complètement  illusoire. 

On  a  discuté  l'utilité  de  la  désinfection  des  lettres  pos- 
tales. Certains  faits  semblent  cependant  prouver  que  des 
maladies  contagieuses  ont  pu  être  transmises  par  ce  véhi- 
cule. Récemment,  en  Angleterre,  on  a  donné  une  impor- 
tance exagérée  à  quelques  cas  de  transport  de  la  variole 
ou  de  la  scarlatine  par  des  lettres  écrites  par  des  convales- 
cents, en  pleine  desquamation  ;  certains  même  avaient 
craint  que  la  boîte  aux  lettres  tout  entière  ne  fût  ainsi  con- 
taminée, et  que  les  lettres  en  contact  avec  la  première  ne 
fussent  capables  de  propager  au  loin  des  épidémies  ! 


LA  CARGAISON.  S71 

LES  PERSONNES.  —  La  désinfection  des  personnes  s'entend 
de  celles  qui  sont  bien  portantes,  et  des  malades.  Ces  der- 
nières doivent  être  rigoureusement  isolées  pendant  la  tra- 
versée :  leurs  déjections  (vomito,  choléra,  etc.)  sont  je*- 
tées  immédiatement  à  la  mer  ;  les  taches  de  souillure  sur 
le  parquet  ou  les  murailles  des  cabines  doivent  être  lavées 
sans  aucun  retard  avec  des  liquides  désinfectants,  parmi 
lesquels  la  solution  forte  de  chlorure  de  zinc  à  5  pour  100 
nous  paraît  excellente.  La  literie,  les  linges  souillés  par 
ces  déjections,  devraient  être  immédiatement  lessivés  à 
l'eau  bouillante,  soumis  à  la  vapeur  de  la  machine,  ou 
même  jetés  à  la  mer;  le  sacrifice  est  nul  quand  il  s'agit 
d'empêcher  un  cas  de  fièvre  jaune  de  transmettre  l'épi- 
démie à  bord.  La  promiscuité,  presque  inévitable  sur  un 
navire  de  transport  ou  de  commerce,  doit  rendre  encore 
plus  nécessaires  et  plus  rigoureuses  les  mesures  de  désin- 
fection que  nous  avons  indiquées  pour  les  hôpitaux.  A 
l'arrivée  au  port  de  débarquement,  les  malades  sont  débar- 
qués dans  les  lazarets  de  1^''  ou  de  2"  ordre,  où  ils  sont 
rigoureusement  isolés  des  autres  quarantenaires.  En  cas 
de  mort  ou  de  guérison,  les  vêtements  qui  leur  ont  servi 
avant  ou  pendant  la  maladie  doivent  être  désinfectés  ou 
même  brûlés. 

Les  passagers  bien  portants,  mais  ayant  fait  la  traversée 
sur  un  navire  où  il  y  avait  eu  des  malades,  sont  tenus  en 
quarantaine  d'observation  ou  de  rigueur,  suivant  la  nature 
de  la  maladie  et  le  port  d'arrivée.  Au  lazaret,  ils  sont  isolés 
rigoureusement  par  groupes  de  même  provenance  ;  là  on 
leur  assure  la  possibilité  de  prendre  des  bains,  on  leur 
fournit  du  linge  blanc,  on  désinfecte  leurs  vêtements  par 
les  moyens  indiqués  précédemment  ;  c'est  la  mesure  que 
l'on  désignait  jadis  sous  le  nom  de  spoglio  dans  les  laza- 
rets italiens. 

LA  CARGAISON.  —  Jusqu'cn  I80I,  époquc  où  eut  lieu  la 


572  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

conférence  sanitaire  de  Paris,  les  mesures  prises  contre  les 
marchandises  étaient  excessives.  Jadis,  par  la  combinai- 
son des  règlements  et  des  différentes  pratiques  :  quaran- 
taine swr  fer,  quarantaine  au  lazaret,  etc.,  la  quarantaine 
des  marchandises  pouvait  aller  de  10  à  80  jours  et  au  delà; 
et  ce  n'est  que  plus  tard,  en  1837,  que  la  durée  en  a  été 
diminuée  (1).  Celle  des  hommes  était  toujours  plus  ou 
moins  exagérée  :  un  de  nos  ministres  actuels ,  disait 
Mélier  en  1863,  en  a  fait  une  de  90  jours.  Mélier,  dans  son 
rapport  à  l'Académie,  cite  l'exemple  d'un  navire,  parti  de 
Marseille  en  1850  pour  un  port  étranger,  et  chargé vd'ar- 
ticles  de  Paris,  modes,  meubles  divers,  curiosités.  Comme 
il  y  avait  alors  quelques  cas  isolés  de  choléra  à  Marseille, 
le  navire,  arrivé  au  port  étranger,  fut  envoyé  au  lazaret 
pour  y  subir  le  déchargement  avec  déballage  de  la  mar- 
chandise, dispersion  des  objets,  exposition  à  l'air,  se- 
reine, etc.,  qui  salit,  défraîchit,  perdit  tous  ces  objets; 
l'armateur  fut  ruiné. 

Il  serait  injuste  de  méconnaître  la  valeur  de  cette 
sereine  ou  exposition  prolongée  à  l'air,  au  soleil,  à  la 
rosée  ;  il  se  produit  là,  par  l'action  de  l'oxygène  ou  de 
l'ozone,  des  phénomènes  chimiques  dont  nous  avons  la 
preuve  par  le  blanchiment  des  toiles  écrues,  de  la  cire,  etc. 
Mais  que  do  temps  exige  une  telle  opération  !  Quelles  im- 
menses surfaces  elle  nécessite  !  Que  de  manutentions  dis- 
pendieuses et  de  retard  pour  le  commerce  !  Quels  dégâts 
inévitables  cette  exposition  à  la  pluie  et  au  soleil  n'en- 
traîne-t-elle  pas  pour  la  plupart  des  marchandises. 

Ces  pratiques  vexatoires,  ridicules  et  peu  efficaces, 
n'ont  disparu  qu'avec  une  extrême  lenteur  sous  le  décri 
pubhc  ;  nulle  part  la  routine  n'a  conservé  plus  longtemps 
son  empire  que  dans  nos  anciens  lazarets  :  aujourd'hui, 


{\)  Recueil  des  procès-verbaux  de   la  conférence  sanitaire,    tenue  à 
Paris  en  1851,  2  vol.  in-folio;  Paris,  Imprimerie  impériale. 


LA  CARGAISON.  513 

i'on  admet  que  dès  que  les  marchandises  ont  ?'o?wp?^  charge, 
c'est-à-dire  sont  sorties  de  la  cale,  les  germes  morbides 
sont  dissipés  ou  détruits  ;  il  faut  se  défier  de  toute  exagé- 
ration dans  cette  nouvelle  voie. 

Dans  la  marine  de  l'État,  le  désarrimage  des  navires  de 
guerre  est  parfois  prescrit  comme  mesure  de  salubrité  et 
d'assainissement  :  de  nombreux  exemples  prouvent  l'effi- 
cacité de  cette  mesure,  qui  ne  se  distingue  pas  de 
ce  que  31élier  a  institué  sous  le  nom  de  déchargement  sa- 
nitaire en  1863,  à  l'occasion  de  l'épidémie  de  fièvre  jaune 
à  Saint-Nazaire. 

Voici  comment  Mélier  décrit  ce  déchargement  sanitaire, 
dans  le  rapport  qu'il  adressa  à  cette  époque  à  l'Académie 
de  médecine. 

On  fait  d'abord  descendre  à  terre  les  passagers  et  toutes 
les  personnes  qui  ne  sont  pas  indispensables  à  bord,  afin 
de  les  soustraire  à  l'action  du  foyer  qui  va  être  mis  à  dé- 
couvert; ces  hommes  débarqués  sont  mis  en  observation 
sur  un  ponton  ou  dans  des  locaux  isolés.  On  leur  donne  un 
bain,  du  linge  blanc  et  des  effets  propres  (spoglio  des  Ita- 
liens). On  enlève  les  panneaux  du  navire,  on  ouvre  les 
écoutilles,  afin  de  faire  pénétrer  Fair  jusque  dans  les  par- 
ties bondées,  encombrées  et  reculées  du  navire  ;  il  est  de 
plus  nécessaire  d'enlever  le  premier  plan  des  marchan- 
dises, afin  de  mettre  à  nu  le  haut  de  la  face  interne  des 
parois  du  navire.  On  prépare  alors  un  lait  épais  de  chlo- 
rure de  chaux,  à  l'aide  d'une  partie  de  chlorure  pour  1  par- 
ties d'eau.  On  projette  cette  solution  contre  les  points  de- 
venus accessibles  des  parois  intérieures  du  navire;  Fas- 
persion  à  l'aide  d'un  balai  est  un  moyen  plus  commode 
que  la  projection  à  l'aide  d'une  pompe.  La  solution  des- 
cend ainsi  lentement,  en  humectant  les  surfaces,  jusqu'au 
fond  de  la  cale,  et  pénètre  dans  le  fardage,  c'est-à-dire 
dans  Famas  de  fagots  et  de  menu  bois  sur  lequel  reposent 
les  premières  couches  de  marchandises.  Cette  solution, 


814  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

agitée  par  les  mouvements  de  tangage  et  de  roulis  du" 
navire,  pénètre  partout  et  désinfecte  tout  ce  qui  s'y  trouve;: 
le  chlore  devenu  libre  se  dégage  entre  les  interstices,  et. 
peu  à  peu  gagne  les  régions  supérieures;  il  y  a  donc  en; 
quelque  sorte  un  chlorurage  descendait,  puis  un  chloru- 
rage  ascendant.  On  continue  ces  aspersions  pendant  tout 
le  temps  que  dure  le  déchargement,  et  l'action  incessante 
du  chlore  diminue  ou  fait  disparaître  le  danger  de  l'opéra- 
tion. En  outre  chaque  caisse,  à  mesure  qu'elle  est  déchar- 
gée, est  badigeonnée  avec  un  balai  trempé  dans  le  lait  de 
chaux.  Ces  caisses  ou  marchandises  ne  sont  expédiées 
qu'après  une  exposition  à  l'air  de  12  à  24  heures. 

Après  ce  déchargement,  Mélier  faisait  procéder  à  V as- 
sainissement :  ce  dernier  consistait  en  un  nettoyage  com- 
plet, un  grattage  à  vif,  des  lavages  à  l'eau  chlorurée,  puis 
en  un  et  quelquefois  plusieurs  blanchiments  au  moyen  du 
lait  de  chaux  chlorurée.  Parfois,  on  y  joignait  des  fumiga- 
tions de  chlore  gazeux. 

Les  désinfectants  doivent  être  non  seulement  répandus 
à  la  surface  de  la  paroi  interne,  mais  dans  l'intervalle  qui 
sépare  les  divers  feuillets  constitutifs  de  la  paroi,  à  sa- 
voir :  le  vaigrage,  que  Mélier  compare  ingénieusement  à 
la  plèvre,  le  hordage,  qui  est  le  tégument  externe,  alors 
que  les  courbes  ou  couples  représentent  les  côtes  ou  l'os- 
sature de  la  paroi  du  navire.  Les  feuillets  circonscrivent 
des  espaces  incomplètement  clos,  où  les  détritus  peuvent 
pénétrer^  dont  ils  ne  peuvent  que  très  difficilement  sortir, 
et  où  la  stagnation  de  l'air  est  presque  complète  ;  on 
comprend  qu'à  la  rigueur  ces  cavités  puissent  retenir,  jus- 
qu'au port  d'arrivée  et  jusqu'au  jour  du  déchargement, 
une  petite  partie  de  l'atmosphère  infectante  du  port  de 
départ.  Il  faut  donc  désobstruer,  ramoner  en  quelque 
sorte  ces  espaces  ou  7nailles  dont  la  souillure  est  extrême  : 
on  se  ferait  difficilement  idée,  dit  Mélier,  de  tout  ce  qu'elles 
contiennent  de  vase  durcie,  de  détritus  divers,  de  saletés 


LE  NAVIRE.  875 

de  toutes  sortes.  On  doit  y  verser  des  solutions  désinfec- 
tantes, y  pratiquer  de  véritables  injections  forcées  au 
moyen  du  jet  de  la  pompe. 

Ainsi  que  nous  allons  le  voir  tout  à  l'heure,  il  est  rela- 
tivement facile  de  désinfecter  la  surface  libre  de  la  paroi 
interne  ;  mais  il  est  évident  que  le  grattage,  le  flambage, 
ne  sont  pas  applicables  à  ces  surfaces  irrégulières,  étroi- 
tes, inaccessibles. 

LE  NAVIRE.  —  Autrefois,  on  incendiait  les  navires  en- 
vahis par  une  épidémie  grave  ;  le  Donostiara  fut  incen- 
dié dans  le  port  du  Passage;  le  6  octobre  1821,  au  dire 
de  Robert,  le  navire  du  capitaine  Fohn,  qui  avait  eu 
deux  décès  à  bord  par  fièvre  jaune  fut  brûlé  sur  la  rade 
de  Séon,  près  de  Marseille  (1).  Plus  souvent  encore  on 
les  submergeait,  "on  les  coulait. 

Le  sabordement  est  un  souvenir  et  aussi  un  diminutif 
de  ces  mesures  barbares.  Au  niveau  de  la  Hgne  de  flottai- 
son, on  ouvre  un  certain  nombre  d'ouvertures  opposées; 
la  mer  y  entre  à  la  marée  haute,  inonde  toutes  les  par- 
ties, et  l'agitation  du  navire  par  les  flots  y  détermine  des 
courants  violents  qu'on  a  comparés  à  ceux  qu'on  déter- 
mine en  secouant  une  bouteille  pleine  d'eau  pour  la  laver  ; 
à  la  marée  basse,  cette  eau  de  lavage  s'écoule  et  est  rem- 
placée par  de  l'eau  pure  6  heures  plus  tard. 

C'est  cette  mesure  que  Mélier  fit  prendre  en  1862  pour 
désinfecter  le  navire  V Anne-Marie  qui  avait  apporté  la 
fièvre  jaune  à  Saint-Nazaire.  Mélier  raconte  que  le  sa- 
bordement de  ce  navire  eut  lieu  le  13  août  ;  V Anne-Marie 
resta  huit  jours  entiers,  c'est-à-dire  jusqu'au  22,  soumise 
au  mouvement  seize  fois  répété  de  la  marée.  Au  bout  de 
ce  temps,  les  ouvertures  ayant  été  fermées  à  marée  basse, 
le  navire  se  releva  de  lui-même  à  la  marée  haute. 

(1)  Robert,  Guide  sanitaire  des  gouvernements  européens;  Paris,  Cre| 
TOt,  1826. 


576  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

«  Après  l'avoir  mis  à  flot,  dit  Mélier  (1),  il  s'agissait  de 
le  nettoyer.  Cette  opération  du  nettoyage  a  été  des  plus 
laborieuses.  Comme  on  le  sait,  les  eaux  de  la  Loire,  te- 
nant en  suspension  un  sable  fin  et  vaseux,  sont  généra- 
lement troubles.  Déposé  dans  le  navire,  ce  sable  s'y  était 
accumulé  pendant  les  huit  jours  d'échouage  et  avait 
formé  dans  la  cale  un  dépôt  considérable.  Tout  ce  qui 
était  dans  le  navire  en  était  recouvert  et  comme  enve- 
loppé. Il  y  avait  sous  cette  vase  des  bois,  des  débris  de 
toutes  sortes,  des  voiles  de  rechange,  des  restes  de  provi- 
sions, de  la  literie,  des  vieux  effets,  etc.,  tout  cela  en  dé- 
composition plus  ou  moins  avancée,  prêt  à  fermenter  ou 
en  fermentation.  » 

L'opération  ne  demanda  pas  moins  de  quinze  jours  du 
travail  le  plus  pénible  et  le  plus  insalubre.  Tl  fallut  in- 
staller et  maintenir  allumés  en  permanence  plusieurs 
poêles ,  pour  dessécher  la  cale  et  les  parois  du  navire 
que  l'eau  de  mer  avait  pénétrées.  Il  n'est  pas  douteux  que 
le  dessèchement  partiel  est  resté  très  incomplet,  et  que 
le  bois  imprégné  d'eau  de  mer  s'est  maintenu  humide 
pendant  plusieurs  mois  et  plusieurs  années  après  cette 
série  d'opérations.  N'est-ce  pas  ici  le  lieu  de  rappeler  que 
Turner,  et  après  lui  la  plupart  des  hygiénistes,  ont  figuré 
l'hygiène  navale  par  un  triangle,  dont  les  trois  côtés  sont  : 
la  propreté,  la  sécheresse  et  la  ventilation  des  navires. 

On  ne  peut  méconnaître  le  bénéfice  réalisé  par  la  mé- 
thode que  préconisait  Mélier,  bénéfice  qui  se  résume 
en  deux  mots  :  sécurité  plus  grande,  économie  de  temps  ; 
c'est  l'intervention  efficace  et  rationnelle,  substituée  à  la 
temporisation  décevante  et  arbitraire  qui  formait  la  base 
de  l'ancien  système  quarantenaire.  Cependant,  M.  Le- 
roy de  Méricourt  (2)  croit  avec  raison  qu'on  peut  faire 
mieux  encore  que  ne  proposait  Mélier. 

(1)  Mélier,  lielalion  de  la  fièvre  jaune  survenue  à  Saint-Nazaire  en  1662, 
{Mémoires  de  VAcfidémie  de  médecine,  T.  XXVI,  1863,  p.  47), 

(2)  Leroy  de  Méricourt,   Assainissement  de  la  cale  des  navires  contc~ 
mines  {Archiv  s  navales,  1865,  T.  III.  p.  201). 


LE  NAViRR.  57-7 

Le  sabordement  est  une  mesure  extrême,  plutôt  faite 
pour  rassurer  les  populations  par  son  apparente  rigueur, 
qu'elle  n'est  vraiment  efficace  ;  c'est  une  opération  longue, 
coûteuse  et  difficile,  qui  rend  humide  pour  toujours  le 
navire  ainsi  rempli  par  l'eau  de  mer  ;  rien  ne  prouve 
d'ailleurs  que  les  miasmes  et  les  vers  dont  le  bois  peut 
être  imprégné  soient  de  la  sorte  détruits  par  l'eau. 

M.  Leroy  de  Méricourt  propose  de  faire  le  décharge- 
ment sanitaire  et  le  lavage  à  l'eau  douce  des  cales  in- 
fectées, en  munissant  les  hommes  employés  d'un  appa- 
reil respiratoire  à  air  comprimé.  L'ouvrier  ne  respire 
plus  dès  lors  l'air  souillé  des  navires,  mais  l'air  comprimé 
contenu  dans  un  appareil  qu'il  porte  sur  le  dos  ;  on  pour- 
rait le  mettre  d'ailleurs  en  communication  avec  l'air  pur 
pris  librement  à  l'extérieur,  à  l'aide  des  scaphandres  qui 
servent  journellement  pour  le  travail  sous  l'eau.  On  peut 
faire  dans  les  cavités  du  navire  des  fumigations  désin- 
fectantes^ qu'un  ouvrier  muni  d'un  de  ces  appareils  pour- 
rait diriger  et  surveiller.  Mais  aucun  moyen  n'est  plus  effi- 
cace que  le  flambage  et  la  carbonisation  légère  des  parois 
par  la  méthode  qu'a  préconisée  le  savant  directeur  des 
constructions  navales,  M.  de  Lapparent.  M.  Leroy  de  Méri- 
court propose  de  généraliser  cette  méthode  d'assainisse- 
ment et  de  désinfection  pour  tous  les  navires  infectés  ;  il 
décrit  ainsi  le  procédé  de  flambage  par  -un  gaz  inflam- 
mable, qui  rend  tant  de  service  contre  lo.  pourriture  des 
bois  : 

«  Avec  un  chalumeau  communiquant  à  un  réservoir  de 
gaz  d'éclairage  muni  d'un  régulateur,  on  lèche  la  superficie 
du  bois  comme  avec  une  véritable  langue  de  feu.  On  dé- 
termine à  sa  surface  une  chaleur  considérable  qui  a  pour 
premier  effet  de  chasser  l'eau  contenue  dans  les  couches 
superficielles  et  de  faire  passer  à  l'état  sec  les  parties  fer- 
mentescibles  ;  en  second  lieu,  au-dessous  de  la  couche 
externe  complètement  carbonisée  dans   l'épaisseur   d'un 

Vallix.  —  Désinfectants  37 


57g  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

quart  ou  d'un  tiers  de  millimètre,  se  trouve  une  surface 
torréfiée,  c'est-à-dire  presque  distillée  et  imprégnée  des 
produits  de  cette  distillation  qui  sont  des  matières  créoso- 
tées  empyreumatiques  ;  sur  les  navires  à  parois  en  fer,  le 
flambage  suroxyde  et  fait  tomber  en  poussière  la  couche 
de  rouille  qui  les  tapisse.  » 

On  ne  saurait  trop  louer  ou  généraliser  ce  procédé  si 
simple,  si  ingénieux  et  si  efficace  ;  il  est  appelé  à  rendre 
de  grands  services,  non  seulement  sur  les  navires,  mais 
dans  nos  demeures  fixes,  sur  les  murailles  de  nos  hôpi-^ 
taux  après  une  épidémie.  11  n'est  malheureusement  pas 
applicable  aux  faces  opposées  et  profondes  des  revête- 
ments intérieurs  et  extérieurs  de  la  paroi  du  navire,  à  ces 
espaces  irréguliers  et  inacessibles  qui  recouvrent  d'une 
double  cuirasse  la  carcasse  du  bâtiment  et  qui  servent  de 
réceptacles  à  des  immondices  de  toute  espèce.  Il  n'est 
guère  que  la  vapeur  surchauffée  ou  les  gaz  désinfectants 
(chlore,  acide  sulfureux,  acide  hypoazotique,  etc.),  qui 
puissent  assurer  cette  désinfection  profonde.' 

Depuis  de  longues  années,  M.  le  W  Fauvel  a  préconisé 
l'utilisation  de  la  valeur  provenant  des  machines  mêmes 
qui  sont  à  bord,  pour  purifier  toutes  les  parties  du  navire. 
M.  Leroy  de  Méricourt  a  plus  récemment  montré  combien 
cette  méthode  était  d'un  emploi  facile,  aujourd'hui  que  le 
nombre  des  navires  marchant  à  la  vapeur  augmente  de 
plus  en  plus. 

Il  nous  semble  évident  que  cette  ressource  est  supé- 
rieure à  toutes  les  autres,  autant  par  son  efficacité  à  peu 
près  absolue  que  par  la  facilité  de  l'exécution  ;  car,  pour 
les  navires  qui  ne  possèdent  pas  eux-mêmes  de  machine, 
il  suffirait  de  faire  approcher  un  remorqueur  ou  tout  autre 
bâtiment  à  vapeur,  qui  assurât  ainsi  leur  désinfection. 
Cette  opinion  a  recueilli  récemment  l'unanimité  des  suf- 
frages dans  la  discussion  sur  les  quarantaines  maritimes, 
qui  a  eu  lieu  le  C  mai  1879  au  Congrès  de  l'Association 


LE  NAVIRE.  979 

médicale  américaine,  à  Atlanta.  M.  le  D"  A.-N.  Bell,  de 
New-York,  est  venu  faire  le  récit  des  opérations  d'assai- 
nissement dont  il  a  été  chargé  en  1847,  sur  les  steamers 
le  Vixen,  le  Mahones  et  le  Cumherland,  tous  trois  sus- 
pects ou  infectés  de  fièvre  jaune  (1).  La  cargaison  fut 
portée  sur  le  pont,  les  écoutilles  furent  fermées,  et  au 
moyen  d'une  manche  en  cuir  la  vapeur  de  la  chaudière  fut 
directement  projetée  sur  toutes  les  parois  intérieures  du 
navire;  pendant  3  heures,  la  vapeur  fut  lancée  avec  toute 
la  force  que  les  chaudières  pouvaient  déployer.  Puis  on 
ouvrit  les  écoutilles,  et  en  quelques  minutes  toutes  les 
surfaces  étaient  parfaitement  sèches  ;  la  peinture  était  sou- 
levée en  ampoules,  quelques  minces  cloisons  étaient  fen- 
dues ou  fissurées,  mais  les  rats  et  les  cancrelats  qui  in- 
festaient le  navire  furent  tous  détruits  ;  ils  avaient  été 
cuits  et  bouilUs  dans  leurs  repaires  et  on  les  ramassait  à 
pleins  seaux.  A  la  campagne  suivante,  l'état  sanitaire  de 
l'équipage  fut  excellent,  et  bien  qu'on  croisât  à  Port-au- 
Prince,  à  Saint-Domingue,  à  Kingston,  aucun  cas  de  fiè- 
vre jaune  ne  reparut  à  bord.  L'opinion  fut  généralement 
admise,  au  Congrès  d'Atlanta,  que  la  vapeur  surchauffée 
était  le  plus  puissant  de  tous  les  désinfectants,  et  que  les 
agents  chimiques  donnaient  trop  souvent  une  sécurité  trom- 
peuse. 

A  cette  époque,  les  hygiénistes  américains  étaient  encore 
sous  le  coup  du  dépit  causé  par  les  tentatives  infructueu- 
ses de  désinfection  par  le  soufre,  du  navire  le  Plymouth^ 
revenu  des  Antilles  avec  la  fièvre  jaune  à  bord,  en  1818. 
Non  seulement  on  avait  évacué  le  navire,  on  l'avait  re- 
mis sur  les  chantiers,  on  l'avait  lavé  et  réparé  dans  toutes 
ses  parties,  on  l'avait  laissé  pendant  3  mois  exposé,  du- 
rant l'hiver  rigoureux  de  Boston,  à  une  température  de 

(1)  The  American  médical  Association  {The  Sanitarian,  Juin  1879, 
n°  7S,  p.  236-286;  —  Bévue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire^  octobre 
lS79j  p.  827). 


580  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

—  17°  C.  ;  mais  encore  on  avait  fait  brûler  dans  ses  ca- 
vités jusqu'à  100  livres  de  soufre,  et  on  avait  retenu  pen- 
dant 48  heures  dans  ses  flancs  cette  atmosphère  purifiante. 
Au  bout  de  3  mois,  le  15  mars,  il  appareille  de  nouveau,  il 
emporte  un  équipage  neuf,  et  huit  jours  après  son  dé- 
part, en  pleine  mer,  sans  avoir  eu  aucun  contact  sus- 
pect depuis  Boston,  deux  cas  de  fièvre  jaune  se  dévelop- 
pent à  bord  ! 

Cette  expérience  prouve  assurément  combien  il  est  dif- 
ficile de  désinfecter  un  navire  contaminé  :  il  ne  faut  pas 
cependant  exagérer  son  importance  et  sa  signification.  Le 
navire,  quoique  de  construction  assez  récente,  était  at- 
teint de  pourriture,  c'est-à-dire  que  le  bois  avait  subi  cette 
transformation  humique  dont  la  nature  et  la  cause  sont 
encore  si  obscures  et  qui  semble  rendre  plus  facile  l'im- 
prégnation du  navire  par  les  miasmes  ou  les  germes  vi- 
rulents. En  outre,  on  avait  bien  débarqué  tout  l'équipage  ; 
mais  une  partie  du  matériel  débarqué  avant  la  désinfection 
avait  été  placée  dans  des  magasins,  y  resta  plusieurs  mois 
enfermée,  et  fut  replacée  dans  le  navire  au  moment  du 
départ  sans  avoir  été  soumise  à  des  fumigations  purifica- 
trices. Quel  désinfectant  pourrait  être  efficace,  si  on  ino- 
cule de  nouveau  la  maladie  au  navire  avant  de  l'envoyer 
faire  une  nouvelle  campagne  dans  les  régions  tropicales? 
Ici,  dès  que  les  conditions  de  température  deviennent  fa- 
vorables, dès  que  le  navire  arrive  dans  la  zone  méridio- 
nale, les  germes  introduits  à  Boston  avec  le  matériel  réin- 
tégré se  développent  et  créent  une  nouvelle  épidémie;  il 
ne  faut  point  se  presser  d'accuser  l'inefficacité  de  l'acide 
sulfureux. 

En  1877,  à  la  suite  de  la  conclusion  de  la  paix  et  pen- 
dant l'évacuation  de  l'armée  russe  de  Turquie,  des  bateaux 
à  vapeur  transportèrent  les  blessés  de  l'armée  des  Balkans 
à  Odessa,  Sébastopol,  Nicolaiew,  Théodosie.  Un  grand 
nombre  de  malades  atteints  de  fièvre  typhoïde  ou  de 


LE  NAVIRE.  S81 

typhus  avaient  souillé  les  navires  ;  ceux-ci  furent  désin- 
fectés par  le  chlore  qui  rendit  peu  de  service,  par  le  sou- 
fre qui  parait  avoir  mieux  réussi  ;  mais  le  D""  Kowalew- 
Runski  (1)  nous  apprend  que  le  mécontentement  fut  gé- 
néral, parce  que  les  vêtements  des  soldats  transportés 
conservaient  une  odeur  désagréable  de  soufre  longtemps 
après  la  désinfection. 

Nous  croyons  cependant  que  ce  moyen  pratique,  éco- 
nomique, peu  dangereux  en  ce  qui  concerne  le  danger 
d'incendie,  peut  rendre,  quand  il  est  convenablement  ap- 
pliqué^ de  bien  autres  services  que  le  chlorure  de  chaux 
et  même  que  le  chlore  gazeux. 

On  ne  peut  méconnaître  que  l'aspersion  avec  un  lait  de 
chlorure  de  chaux,  recommandé  par  Mélier,  soit  d'une 
efficacité  bien  incertaine  quand  il  s'agit  de  fléaux  comme 
la  fièvre  jaune,  le  choléra,  la  variole,  etc.  Les  médecins 
russes  ne  paraissent  pas  en  avoir  tiré  grand  profit  pour 
la  désinfection  des  paquebots  ramenant  les  malades  de  la 
Turquie  d'Europe,  Et  cependant  on  employait  la  dose 
élevée  de  3  kilogrammes  de  chlorure  de  chaux  mélangés 
à  3  kilogrammes  d'acide  chlorhydrique  pour  20  mètres 
cubes,  et  les  écoutilles  restaient  fermées  pendant  24  heures 
après  le  début  de  l'opération.  Puisque  le  chlore  n'a  eu 
qu'une  action  douteuse  à  une  telle  dose,  comment  aurait  pu 
agir  la  solution  plus  faible  de  1  partie  de  chlorure  de  chaux 
pour  20  parties  d'eau,  avec  laquelle  on  humectait  le  lest 
et  les  parois  de  la  cale?  Si  le  chlore  gazeux  ainsi  prodigué 
n'a  pas  empêché  quelques  cas  de  contagion  de  se  produire, 
c'est  peut-être  qu'ici  encore,  immédiatement  après  la  dé- 
sinfection, on  introduisait  dans  le  navire,  avec  le  maté- 
riel réintégré  ou  les  passagers,  de  nouveaux  germes  de 
contagion.  On  n'a  pas  tout  fait  quand  on  a  laissé  fumer  du 

(1)  D""  Kowalew-Runski,  Désinfection  des  paquebots  employés  au  trans- 
port de  l'armée  russe  de  la  Turquie  d'Europe  à  Nicolaieiv,  (Gouiple- 
rendu  par  M    Milliot,  Gazette  médicale  de  Paris.  1880   p.  l60\. 


5S2  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

soufre  OU  du  chlorure  de  chaux  dans  un  local  infecté,  et  la 
désinfection  comprend  une  série  d'opérations  et  de  soins 
vigilants  qu'un  médecin  instruit  et  attentif  est  seul  ca- 
pable de  bien  diriger. 

Le  flambage,  la  vapeur  surchauffée,  les  fumigations  de 
soufre,  celles  de  chlore  gazeux,  voilà,  dans  leur  rang  d'ef- 
ficacité, les  moyens  qui  nous  paraissent  véritablement  ca- 
pables d'assurer  l'assainissement  des  parois,  des  espaces, 
de  la  cargaison  d'un  navire. 

Même  en  l'absence  de  toute  souillure  épidémique,  le 
navire  a  une  tendance  naturelle  à  s'infecter,  et  l'emploi 
des  désinfectants  est  souvent  nécessaire.  La  cale  est  le 
véritable  foyer  d'infection  d'un  navire  ;  c'est  sur  ce  point 
que  s'est  concentrée  depuis  plusieurs  siècles  la  vigilance 
des  hygiénistes  de  la  marine.  La  sentine  est  le  confluent 
des  divers  égouts  de  la  cale  ;  au  milieu  d'un  limon  ferru- 
gineux qui  se  décompose  par  l'action  des  matières  orga- 
niques et  qui  déverse  des  émanations  sulfureuses,  sont 
ensevelis  des  monceaux  de  blattes,  de  cancrelats,  de  rats, 
de  débris  animaux  et  végétaux  de  toutes  sortes  ;  l'eau  qui 
délaie  cette  boue  noire  et  infecte  constitue  le  marais  nautique 
dont  M,  Fonssagrives  a  rendu  la  notion  classique.  En  tout 
temps  il  faut  nettoyer,  désinfecter  la  cale  ;  à  plus  forte 
raison,  qurind  le  navire  est  en  quarantaine  (1). 

Un  navire  est  rarenient  étanche,  même  quand  il  est 
neuf;  les  vaisseaux  en  feF,  les  cuirassés,  donnent  seuls  à 
cet  égard  une  satisfaction  presque  complète  à  l'hygiéniste: 
la  cale  contient  donc  inévitablement  de  l'eau.  Les  uns  pensent 
qu'il  y  a  toujours  trop  d'eau  dans  la  cale  d'un  navire  en 
bois  et  qu'il  ne  faut  pas  remuer  les  boues  ;  d'autres,  qu'il 
vaut  mieux  délayer  et  entraîner  cette  boue  noire  et  fétide 
et  la  laver  à  grande  eau.  C'est  cette  dernière  opinion  qui 
ssrable  aujourd'hui  prévaloir  dans  la  marine.  Les  grands 

(1)  Instructions  ministérielles  du  30  août  1861,  et  du  14  Juin  1862 
prises  sur  le  rapport  de  Mèlier. 


LE  NAVIRE.  883 

navires  de  l'Etat  ont  presque  tous  dos  rohinetsiWtH  de  cale, 
situés  bien  au-dessous  de  la  ligne  de  flottaison  et  permet- 
tant de  faire  arriver  avec  une  grande  force  l'eau  extérieure 
dans  les  bas-fonds  qu'il  faut  laver  ;  les  pompes  expulsent 
ensuite  l'eau  qui  a  remué  et  entraîné  les  boues.  Parfois, 
on  ouvre  le  soir  les  robinets  de  cale  et  on  laisse  séjourner 
l'eau  tonte  la  nuit,  afin  que  le  marais  nautique  soit  couvert 
et  que  l'exhalation  des  miasmes  putrides  soit  moins  active  ; 
on  ne  fait  jouer  les  pompes  que  le  matin,  M.  Fonssa- 
grives  (1)  approuve  ce  mode  de  lavage,  employé  sur  cer- 
tains vaisseaux  de  l'État.  .. 

Mais  avant  de  verser  au  dehors  à  l'aide  des  pompes  une 
eau  infecte  et  corrompue  qui,  lorsqu'on  l'agite,  empeste 
l'atmosphère  autour  du  navire,  il  est  bien  préférable  de  la 
désinfecter.  M.  le  D'"  For  né  (2)  a,  dans  ce  but,  expérimenté  le 
sulfate  de  fer  dont  M.  Fonssagrives,  dès  1856,  avait  proposé 
l'emploi  ;  15  kilogrammes  de  sulfate  de  fer  projetés  à 
l'état  de  cristaux,  suffisaient  pour  désinfecter  chaque  fois 
les  eaux  vannes  d'un  bâtiment-écurie,  pendant  l'expédition 
du  Mexique  ;  le  sel  coûtant  20  centimes  le  kilogramme, 
M.  Forné  estimait  que  pour  une  somme  de  100  francs  un 
bâtiment  peut  ainsi  désinfecter  sa  cale  tous  les  six  jours 
pendant  un  an.  M.  Fonssagrives  pense  même  que  le  sul- 
fate de  fer  peut  avoir  une  action  favorable  pour  la  conser- 
vation des  bois,  ou  arrêter  la  marche  de  la  carie  du  bois 
en  détruisant  les  champignons  qui  la  produisent.  M.  Leroy 
de  Méricourt  a  proposé  d'utiliser  pour  cet  usage  les  eaux 
de  décapage  qui  abondent  dans  nos  arsenaux  ;  elles  sont 
très  riches  en  sulfate  de  fer  et  leur  valeur  vénale  est  pres- 
que nulle.  Les  observations  ultérieures  de  M.  Bourel-Ron- 


(1)  Fonssagrives,  Traité  d'hijgiène  navale;  Paris,  Baillicre,  1877,  2"  Edi- 
tion, p.  407. 

(2)  Forné,  Du  protosiilfate  de  fer  comme  désinfectant  des  eaux  de    la 
cale  [Archives  de  médecine  navale,  1864,  T.  1.  p.  239). 


384  DÉSINFECTION  QUARANTENAIRE. 

cière  semblent  toutefois  avoir  diminué  les  espérances  et 
satisfaction  qu'avaient  causées  les  premiers  essais. 

M.  Bérenger-Féraud  (l),qui  a  eu  d'ailleurs  Toccasion  de 
constater  les  bons  effets  du  sulfate  de  fer,  donne  la  pré- 
férence au  permanganate  de  potasse;  deux  litres  d'une 
solution  au  centième  lui  ont  suffi  pour  désinfecter  la  cale 
du  Jérôme-Napoléon.  Mais  la  dépense  est  grande,  puisque 
la  désinfection  d'un  vaisseau  coûterait  ainsi  300  francs 
par  mois;  ne  fût-ce  que  par  cette  raison,  le  moyen  est  peu 
praticable. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  expériences  rigoureuses  faites 
par  Max  Pettentkofer  (2),  en  1876,  sur  plusieurs  navires 
de  l'empire  d'Allemagne  et  sur  la  proposition  du  gouver- 
nement ;  en  voici  le  résultat  sommaire  : 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut  (p.  71),  le  lait 
de  chaux  agit  comme  absorbant  bien  plus  que  comme  an- 
tiseptique; il  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  fasse  incom- 
plètement disparaître  la  mauvaise  odeur.  En  outre ,  il 
forme  des  dépôts  lourds  qui  encrassent  les  pompes  éva- 
cuatrices  et  les  mettent   rapidement  hors  de  service. 

Le  chlorure  de  zinc  a  donné  au  contraire  d'excellents 
résultats.  En  dissolvant  une  partie  de  chlorure  de  zinc 
cristallisé  dans  200  parties  d'eau  de  cale,  ou  1  partie  de 
liqueur  de  Burnett  (qui  contient  1  kilogr.  de  sel  pour 
2  kilogr.  du  liquide)  dans  100  parties  d'eau  de  cale,  toute 
odeur  disparaissait,  et  au  bout  de  4  semaines  le  mélange 
était  sans  changement.  Mais  ces  doses  énormes  ne  sont 
pas  pratiques. 

La  dose  adoptée  par  la  commission  allemande,  à  la 
suite  d'expériences  répétées  sur  une  très  vaste  échelle  et 
sur  plusieurs  vaisseaux  de  la  flotte,   est  de  2  litres  de 

1)  Bérenger-Féraud  {Archives  navales,    1864,  T.  1). 

(2)  Max  vou  Pettenkofer,  Bericht  iiber  Désinfection  von  Schiffen, 
(Berichte  der  Cholera-Kommission  fur  das  Deutsche  Reioh;  Berlin,  Cai  1 
Heymann's  Verlag,  1871J,  in-4»,  p.  310.) 


LE  NAVIRE.  583 

liqueur  de  Burnett  par  mètre  cube  ou  1000  litres  'd'eau 
de  cale  ;  elle  correspond  à  un  kilogramme  de  chlorure  de 
zinc  cristallisé  par  mètre  cube.  Dans  ces  conditions, 
l'odeur  sulfhydrique  disparaissait  complètement  et  n'ava't 
pas  reparu  au  bout  de  14  jours;  on  percevait  cependant 
encore  une  légère  odeur  de  graisse  rance,  caractéristique 
des  acides  gras  qui  existent  en  abondance  dans  l'eau  des 
cales  ;  cette  odeur  très  tenace  et  d'une  fétidité  qui  n'a  peut- 
être  pas  son  égale,  n'était  pas  détruite  par  une  dose  moitié 
moindre  de  sel  de  zinc;  avec  la  proportion  indiquée 
(1  kil.  de  chlorure  solide  par  mètre  cube)  la  désinfection 
pouvait  être  considérée  comme  suffisante.  Ce  sel  et  le 
précipité  qu'il  forme  n'altère  pas  les  métaux,  les  cuirs, 
les  bois,  et  les  dépôts  ne  gênent  nullement  le  jeu  des 
pompes. 

Toutefois,  M.  le  professeur  Pettenkofer,  à  qui  nous 
avions  demandé  quelques  renseignements  sur  la  com- 
position de  la  liqueur  de  Burnett  employée  dans  ces  expé- 
riences et  sur  la  valeur  de  cette  désinfection,  a  bien  voulu 
nous  transmettre  les  renseignements  qu'il  avait  à  cet  effet 
demandés  à  M.  leD''  Wenzel,  médecin  général  de  la  marine 
militaire  allemande.  Nous  extrayons  de  la  lettre  de  M.  le 
D''  Wenzel  les  indications  très  intéressantes  qui  suivent. 

«  La  solution  de  Burnett  employée  dans  la  marine  impé- 
riale de  l'empire  d'Allemagne  contient  50  à  60  pour  100 
de  chlorure  de  zinc.  Cette  solution  agit  bien  plus  comme 
désodorisant  que  comme  désinfectant  proprement  dit.  Les 
conclusions  de  1876  ne  reposaient  que  sur  le  résultat  de 
l'examen  microscopique;  les  organismes  étaient  immo- 
biles, mais  on  n'avait  pas  recherché  s'ils  étaient  capables 
d'ensemencer  et  de  fertiliser  des  liquides  de  culture.  Des 
recherches  plus  récentes  faites  au  lazaret  de  la  marine  à 
Kiel  ont  montré  qu'une  solution  contenant  jusqu'à  8  pour 
100  de  chlorure  de  zinc  ne  stérilisait  pas  définitivement 
tous  les  germes.  Les  expériences  faites  à  l'Office  sanitaire 


586  DÉSINFECTION  QUARÂNTENAIRE. 

de  Berlin  {Mittheilungen  des  Kaiserlichen  Gesiindheitsamte, 
1881,  p.  261  et  262)  concordent  avec  ces  résultats.  Il  faut 
donc  faire  des  réserves  sur  la  valeur  vraiment  désinfec- 
tante du  chlorure  de  zinc;  au  contraire  son  action  désodo- 
rante  est  puissante  et  incontestable...  » 

Le  chlorure  de  zinc  était  jadis  d'un  emploi  vulgaire 
dans  la  flotte  anglaise  ;  en  1870,  il  a  été  interdit  par  les 
lords  de  l'Amirauté,  à  la  suite  de  quelques  empoisonne- 
ments dont  avaient  été  victimes  des  marins  qui  en  avaient 
accidentellement  avalé  (1).  La  causticité  du  chlorure  de 
zinc  est  en  effet  redoutable,  et  cet  agent  réclame  une  sur- 
veillance qui  ne  doit  pas  être  très  diPficile  à  bord.  La  puis- 
sance antiseptique  de  ce  sel,  son  prix  modéré,  quand  on 
se  contente  de  solutions  concentrées  et  impures  prove- 
nant des  résidus  de  fabrication,  nous  paraissent  des  rai- 
sons sérieuses  pour  le  préférer  au  sulfate  de  fer  et  à  tous 
les  autres  désinfectants  des  eaux  de  la  cale. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  terminer  ce  cha- 
pitre par  les  paroles  suivantes  de  M,  Fonssagrives  :  «  Il  ne 
faut  pas  oublier  que  la  désinfection  chimique  constitue 
Vultima  ratio  de  l'hygiène  navale,  et  que  l'idéal  qu'il  faut 
toujours  poursuivre  est  de  n'en  pas  avoir  besoin.  Je  n'irai 
pas  jusqu'à  dire  qu'il  faut  renoncer  aux  désinfectants; 
mais  j'estime  que,  dans  des  circonstances  ordinaires,  on 
peut  sinon  s'en  passer  au  moins  en  user  avec  modération 
et  que  tous  les  désinfectants  du  monde  ne  sauraient  sup- 
pléer, pour  la  bonne  tenue  d'une  cale,  la  propreté  et  la 
vigilance.  Mieux  vaut  prévenir  la  fétidité  d'une  cale,  que 
d'avoir  à  la  combattre.  » 

(1)  De  Freycinet,  Assainissement  industriel,  p.  57. 


LOI  DU  21  JUILLET  1881.  587 

CHAPITRE  III 
DÉSINFECTION  VÉTÉRINAIRE 


Les  règles  applicables  à  la  désinfection  nosocomiale  sont 
également  applicables  aux  animaux  malades,  et  une  écurie, 
une  étable,  les  objets  qui  ont  été  en  contact  avec  des  ani- 
maux infectés,  ne  sont  pas  purifiés  autrement  qu'une  salle 
de  malades,  des  literies  souillées,  etc. 

La  question  se  simplifie  d'ailleurs  beaucoup  en  ce  qui 
concerne  les  bètes  malades  ;  le  plus  souvent,  quand  elles 
sont  gravement  atteintes,  on  ne  les  soigne  pas,  on  les 
abat  ;  on  abat  même  les  bètes  suspectes  ;  c'est  une  désin- 
fection préventive,  ou  plutôt  on  prévient  l'infection.  Même 
dans  ce  cas,  il  faut  désinfecter  les  locaux  et  les  objets 
souillés  par  les  animaux  malades  ou  suspects,  il  faut  désin- 
fecter leurs  cadavres,  afin  d'empêcher  la  propagation  et 
la  dissémination. 

La  police  sanitaire  des  animaux  est  fort  en  avance  sur 
celle  des  hommes  :  ceux-ci  ne  sont  pas  aussi  bien  protégés 
que  ceux-là  contre  les  dangers  provenant  des  voisins;  il 
est  vrai  qu'on  ne  reconnaît  pas  aux  animaux  le  droit  qu'on 
attribue  à  l'homme  de  se  rendre  malade  ou  de  s'empoi- 
sonner si  tel  est  son  bon  plaisir.  Une  loi  récente,  qui  ser- 
vira peut-être  dans  l'avenir  de  modèle  pour  une  loi  sem- 
blable en  faveur  des  hommes,  vient  de  régler  la  police 
sanitaire  des  animaux.  Cette  loi,  en  date  du  21  juillet  1881, 
à  l'élaboration  de  laquelle  M.  Bouley  a  eu  la  plus  grande  part, 
contient  les  prescriptions  suivantes  qui  ont  trait  à  la 
désinfection  : 

Titre  le*".  Art.  5.  Après  la  constatation  de  la  maladie  (contagieuse), 
le  préfet  statue  sur  les  mesures  à  mettre  à  exécution  dans  le  ca§ 


588  DESINFECTION  VÉTÉRINAIRE. 

particulier.  Il  prend,  s'il  est  nécessaire,  un  arrêté  portant  décla- 
ration d'infection.  Cette  déclaration  peut  entraîner,  dans  les  localités 
qu'elle  détermine,  l'application  des  mesures  suivantes  : 

1°  (Isolement) 

2°  et  3"  (Interdiction  des  localités  et  des  foires  ou  marchés) 

4°  La  désinfection  des  écuries,  étables,  voitures  ou  autres  moyens 
de  transport,  la  désinfection  ou  même  la  destruction  des  objets  à 
l'usage  des  animaux  malades  ou  qui  ont  été  souillés  par  eux,  et 
généralement  des  objets  quelconques  pouvant  servir  de  véhicules  à 
la  contagion. 

Un  règlement  d'administration  publique  déterminera  celles  de  ces 
mesures  qui  seront  applicables  suivant  la  nature  des  maladies 

Art.  14.  La  chair  des  animaux  morts  de  maladies  contagieuses 
quelles  qu'elles  soient,  ou  abattus  comme  atteints  de  la  peste 
bovine,  de  la  morve,  du  farcin,  du  charbon  et  de  la  rage,  ne  peut 
être  livrée  à  la  consommation. 

Les  cadavres  ou  débris  des  animaux  morts  de  la  peste  bovine  et 
du  charbon,  ou  ayant  été  abattus  comme  atteints  de  ces  maladies, 
doivent  être  enfouis  avec  la  peau  tailladée,  à  moins  qu'ils  ne  soient 
envoyés  à  un  atelier  d'équarrissage  régulièrement  autorisé. 

Les  conditions  dans  lesquelles  devront  être  exécutés  le  transport, 
l'enfouissement  ou  la  destruction  des  cadavres  seront  déterminées 
par  le  règlement  d'administration  publique  prévu  à  l'article  o. 

Art.  lo.  La  chair  des  animaux  abattus  comme  ayant  été  en  con- 
tact avec  des  animaux  atteints  de  la  peste  bovine  peut  être  livrée  à 
la  consommation,  mais  leurs  peaux,  abats  et  issues,  ne  peuvent  être 
sortis  du  heu  de  l'abattage  qu'après  avoir  été  désinfectés. 

Art.  16.  Tout  entrepreneur  de  transport  par  terre  ou  par  eau  qui 
aura  transporté  des  bestiaux  devra  en  tout  temps  désinfecter,  dans 
les  conditions  prescrites  par  le  règlement  d'administration  publique, 
les  véhicules  qui  auront  servi  à  cet  usage. 

Titre  iv.  Art.  33.  Tout  entrepreneur  de  transports  qui  aura  con- 
trevenu à  l'obligation  de  désinfecter  son  matériel,  sera  passible  d'une 
amende  de  100  à  1,000  francs.  11  sera  puni  d'un  emprisonnement  de 
dix  jours  à  deux  mois,  s'il  est  résulté  de  celte  infraction  une  con- 
tagion parmi  les  autres  animaux. 

Art.  33.  Si  la  condamnation  pour  infraction  à  l'une  des  disposi- 
tions de  la  présente  loi  remonte  à  moins  d'une  année,  ou  si  cette 
infraction  a  été  commise  par  des  vétérinaires  délégués,  des  gardes 
champêtres,  des  gardes  forestiers,  des  officiers  de  police  à  quelque 
titre  que  ce  soit,  les  peines  peuvent  être  portées  au  double  du 
maximum  fixé  par  les  précédents  articles. 

Titre  v.  Art.  37.  Les  frais  d'abattage,  d'enfouissement,  de  trans- 
port, de  quarantaine,  de  désinfection,  ainsi  que  tous  les  autres  frais 
auxquels  peut  donner  lieu  l'exécution  des  mesures  prescrites  en 
vertu  de  la  présente  loi,  sont  à  la  charge  des  propriétaires  ou  con- 
ducteurs des  animaux 


WAGONS  ET  VOITURES  DE  TRANSPORT.  589 

La'désinfectioa  des  wagons  de  chemins  de  fer,  prescrite  par  l'ar- 
licle  16,  a  lieu  par  les  soins  des  compagnies;  les  frais  de  celte 
désinrection  sont  iixcs  par  le  ministre  des  travaux  publics,  les  com- 
pagnies entendues. 

Déjà,  avant  la  promulgation  de  la  loi  actuelle  sur  la  po- 
lice sanitaire  des  animaux,  le  Ministre  de  l'Agriculture  et 
du  Commerce  avait  adressé  en  date  du  22  octobre  1880  une 
circulaire  à  tous  les  préfets  de  la  République,  réglant  les 
mesures  de  désinfection  à  appliquer  aux  wagons  qui  au- 
raient servi  au  transport  des  animaux.  Nous  reprodui- 
sons ici  l'ordonnance  du  Préfet  de  police  de  la  Seine,  ré- 
digée en  conformité  avec  la  circulaire  ministérielle. 

Vu  l'arrêté  du  Ministre  des  travaux  publics,  en  date  du  27  oc- 
tobre 1877,  quia  prescrit  aux  compagnies  de  chemins  de  fer  de  faire 
désinfecter,  à  la  réquisition  des  préfets,  les  wagons  ayant  servi  au 
transport  du  bétail,  et  qui  a  autorise  ces  compagnies  à  percevoir, 
pour  frais  de  désinfection,  une  taxe  de  trois  francs  par  wagon  ; 

Vu  la  loi  des  l(j-2i  août  1790  ; 

A'u  les  arrêtés  du  gouvernement,  du  12  messidor  an  VIII  et  3  bru- 
maire an  IX; 

Vu  les  instructions  de  M.  le  Ministre  de  l'agriculture  et  du  com- 
merce, en  date  du  22  octobre  1880; 

Ordonne  ce  qui  suit  : 

Art.  l".  Il  est  prescrit  aux  compagnies  de  chemins  de  fer  qui 
ont  des  gares  situées  dans  le  ressort  de  la  Préfecture  de  police,  de 
faire  nettoyer  et  désinfecter,  dans  les  vingt-q  latre  heures  qui  sui- 
vront le  déchargement,  tous  les  wagons  qui  auront  servi  au  trans- 
port des  animaux  de  quelque  espèce  que  ce  soit. 

Immédiatement  après  l'embarquement  des  animaux,  il  sera  collé 
sur  chaque  wagon  une  étiquette  imprimée,  portant  la  mention  sui- 
vante. 

GARE  DE        {nom  de  la  gare  ejcpéditrlce  ou  de  transit  .■). 

A    DESINFECTER    A    l' ARRIVEE. 

Après  la  désinfection,  cette  étiquette  sera  remplacée  par  une. 
autre  portant  : 

GARE  DE  {iioni  de  la  gare  desti?ia faire). 

DÉSINFECTÉ. 


590  DÉSINFECTION  VÉTÉRINAIRE. 

Il  est  interdit  de  mettre  en  chargement  aucun  wagon  à  bestiaux 
qui  ne  porte  cette  seconde  étiquette. 

Ai't.  2.  Les  hangars  et  cours  servant  à  recevoir  les  bestiaux  dans 
les  gares  des  chemins  de  fer  ;  les  rampes  et  quais  d'embarquement  et 
de  débarquement  ;  le  matériel  spécial  employé  pour  l'introduction 
des  animaux  dans  les  wagons,  devront  être  nettoyés  par  le  balayage 
et  le  lavage  à  grande  eau  après  chaque  expédition  ou  chaque  arrivée 
d'animaux. 

Art.  3.  La  présente  ordonnance  sera  notifiée  aux  compagnies  de 
chemins  de  fer  qui  ont  des  gares  situées  dans  le  ressort  de  la  Préfec- 
ture de  police. 

La  circulaire  ministérielle  du  22  octobre  1880  est 
venue  réaliser  un  vœu  maintes  fois  exprimé  dans  les  rap- 
ports sur  les  épizooties,  présentés  aux  Conseils  d'hygiène 
des  départements.  Des  exemples  extrêmement  nombreux 
ont  prouvé  que  des  épizooties  désastreuses  avaient  souvent 
pour  origine  la  maladie  contractée  dans  les  wagons  par  des 
animaux  transportés  d'une  ville  ou  d'une  contrée  dans  une 
autre.  On  peut  lire  à  ce  sujet  les  doléances  faites  en  1878 
par  M.  Verrier  de  Rouen,  M.  Griois  d'Amiens,  M.  Canone 
de  Bourg,  devant  les  conseils  d'hygiène  de  leurs  départe- 
ments (1).  En  1880,  au  Congrès  d'hygiène  de  Turin,  sur 
la  proposition  de  M.  le  professeur  Bassi,  là  section  vétéri- 
naire avait  adopté  un  ordre  du  jour  exprimant  le  vœu 
qu'une  désinfection  régulière  des  wagons  fut  adoptée  par 
tous  les  gouvernements,  en  vue  de  prévenir  la  diffusion 
des  maladies    contagieuses  des  animaux  domestiques  (2). 

Une  grave  question,  qui  intéresse  au  plus  haut  point 
l'hygiène  publique  comme  aussi  l'hygiène  vétérinaire 
et  agricole,  est  celle  de  la  disparition  des  cadavres  des  ani- 
maux morts  de  maladies  virulentes.  Depuis  une  époque 
très   ancienne,  ces  cadavres  doivent  être  enfouis  profon- 

(1)  E.  Vallin,  Rapport  au  Ministre  de  l'Agriculture  et  du  Commerce 
sur  les  travaux  des  Conseils  d'hygiène  et  de  salubrité  en  1878,  fait  au 
nom  du  Comité  consultalif  d'hygiôno;  {Recueil  des  travaux  du  Comité 
consultatif  d'hygiène.  1880,  T-X.  p.  130) 

(2)  Compte  rendu  du  Congrès  de  Turin  {Revue  d'hygiène  et  de  police  sa- 
nitaire, 1880,  p.  912.) 


CADAVRES  DES  ANIMAUX  SUSPECTS.  591 

dément  et  avec  certaines  précautions  bien  déterminées. 
L'article  5  de  l'arrêté  du  Parlement  de  1145  et  celui  du 
Conseil  du  16  août  1784  sont  à  ce  point  de  vue  très-expli- 
cites. 

Ces  décisions  ont  été  confirmées  par  les  arrêtés  du  27 
vendémiaire  an  II,  l'article  461  du  Gode  pénal,  l'ordon- 
nance du  n  janvier    1815. 

Aussitôt  que  la  béte  est  morte,  au  lieu  de  la  traîner,  ou  doit  la 
transporter  à  l'endroit  où  elle  doit  être  enterrée,  endroit  qui  sera, 
autant  que  possible,  au  moins  à  50  toises  des  habitations.  On  la  jette 
seule  dans  une  fosse  de  huit  pieds  de  profondeur,  avec  toute  sa 
peau  tailladée  en  plusieurs  parties  (afin  qu'elle  ne  puisse  être 
vendue),  et  on  la  recouvre  de  toute  la  terre  sortie  de  la  fosse...  Il 
est  défendu  de  jeter  les  bêtes  mortes  dans  les  bois,  les  rivières  ou 
la  voirie,  et  de  les  enterrer  dans  les  étables,  cours  et  jardins,  sous 
peine  de  300  francs  d'amende. 

Nous  avons  vu  que   l'article  14  de  la  loi  du  21  juillet 
1881  confirme  ces   prescriptions,  tout  en  réservant  pour 
un  règlement  d'administration  qui  n'a  pas  encore  paru  les 
conditions  du  transport,  de  l'enfouissement  ou  de  la  des 
truction  du  cadavre. 

Pendant  longtemps,  en  effet,  on  a  cru  que  la  décompo- 
sition au  sein  de  la  terre,  que  la  putréfaction,  assurait  la 
destruction  des  germes  virulents  que  les  cadavres  d'ani- 
maux pouvaient  contenir.  En  1876,  à  l'Académie  de  méde- 
cine, M.  H.  Bouley  rappelait  que  pendant  le  siège  de  Paris 
il  avait  fait  enfouir  dans  les  fumiers  un  grand  nombre  de 
cadavres  de  bovidés  qui  avaient  péri  par  suite  du  typhus  du 
bétail  ;  cette  opération  paraissait  avoir  eu  un  plein  succès, 
puisque  plusieurs  années  après  il  n'avait  encore  été  fait 
nulle  mention  d'épizooties  survenues  dans  le  voisinage  des 
fermes  où  ces  enfouissements  avaient  eu  lieu  ;  on  pensait 
alors  que  la  température  élevée  qui  existe  au  centre  des 
fumiers  était  capable  d'activer  la  destruction  des  matières 
organiques  et  même  des  particules  virulentes.  Aujourd'hui 
une  plus  grande  réserve  s'impose  et  l'on  pourrait  craindre 


592  DÉSINFECTION  VÉTÉRINAIRE. 

que  cet  ensevelissement  dans  du  fumier  ne  convertît  ce- 
lui-ci en  un  immense  champ  de  culture  où  se  développe- 
raient des  microbes  pathogénétiques. 

Les  célèbres  expériences  de  M.  Pasteur  ont  montré  en 
effet  que  les  corpuscules-germes  de  plusieurs  des  microbes 
viruliformes  résistent  presque  indéfiniment  à  la  putréfac- 
tion,  oii  à  une  température  voisine  de  100°.  Les  vers 
de  terre  ramènent  à  la  surface  du  sol,  avec  leurs  dé- 
jections, ces  spores  microscopiques  qu'ils  sont  allés  cher- 
cher au  fond  des  fosses  d'enfouissement  et  la  terre 
pulvérulente  amassée  au-dessus  de  ces  fosses  peut,  en 
s'introduisant  dans  les  fosses  nasales  ou  la  bouche  des 
moutons  qui  passent  ou  séjournent  en  ces  endroits,  leur 
inoculer  le  charbon.  C'est  ainsi  que  les  épizooties  de  sang 
de  rate  se  perpétuent  dans  certaines  localités  ;  c'est  ainsi 
que  justifient  leur  nom  ces  places  maudites,  où  l'on  a  en- 
foui jadis  des  moutons  charbonneux  et  qu'un  troupeau  ne 
peut  traverser  sans  payer  immédiatement  son  tribut  à  la 
maladie. 

Un  médecin  de  Limoges,  M.  le  D""  Thouvenet,  a  récem- 
ment proposé  de  faire  dans  tous  ces  cadavres  d'animaux 
des  injections  antiseptiques  ou  désinfectantes,  avant  de  les 
enfouir.  Il  conseille  de  faire  dans  une  veine  l'injection 
forcée  d'un  certain  nombre  de  litres  d'une  solution  au  cen- 
tième d'acide  sulfurique,  azotique  ou  chlorhydrique.  Par  un 
mécanisme  comparable  aux  procédés  d'hydrotomie,  les 
tissus  seraient  imprégnés  de  ce  liquide  et  l'auteur  pense 
que  toute  crainte  de  danger  ultérieur  serait  évitée.  Mais 
il  est  évident  que  cette  opération  serait  difficile,  longue, 
coûteuse,  qu'elle  nécessiterait  l'usage  d'un  bon  instru- 
ment et  d'un  opérateur  assez  exercé;  le  fermier  ne  se 
résoudra  jamais  à  cette  perte  de  temps  et  à  cette  dépense. 
En  outre,  il  est  inadmissible  que  dans  un  cadavre  où  les 
microbes  pullulent,  tous  ces  protorganismes  soient  atteints 
et  détruits  par  le  liquide.  Il   serait  plus   rationnel   d'en- 


CADAVRES  DES  ANIMAUX  SUSPECTS.  593 

voyer,  avec  certaines  précautions  et  sous  de  bonnes  ga- 
ranties, ces  cadavres  à  l'équarrisseur  ou  à  la  fonderie  de 
suif  qui  les  transformerait  par  la  cuisson  en  matière  d'en- 
grais. Mais  il  n'y  a  pas  partout  d'équarrisseur,  et  les  fon- 
deries de  suif  où  une  telle  opération  est  possible  sans  dan- 
ger n'existent  qu'au  voisinage  immédiat  de  l'abattoir  d'une 
très  grande  ville.  La  destruction  parle  feu,  l'incinéra- 
tion, est  au  contraire  une  ressource  radicale,  qui  assure 
la  désinfection    d'une   façon  absolue. 

Au  Congrès  internationnal  d'hygiène  réuni  à  Turin  (i),  au 
mois  de  septembre  1880,  la  section  d'hygiène  vétérinaire 
a  voté  l'ordre  du  jour  suivant,  à  la  suite  d'un  rapport  de 
M.  Brusasco,  sur  la  transmissibilité  du  charbon. 

"  La  section  propose  de  joindre  aux  mesures  prophylactiques 
déjà  en  vigueur,  dans  les  cas  de  mort  des  animaux  charbonneur, 
les  mesures  suivantes  : 

l'^  La  cuisson  dans  des  chaudières  ou  des  fourneaux  ambulants, 
dans  les  lieux  où  il  n'y  a  pas  d'équarrissage  ; 

2°  La,  torréfaction  de  la  terre  des  écuries  et  du  produit  d'incrusta- 
tion des  murs  ;  la  torréfaction  et  la  désinfection  de  toutes  les  matières 
et  de  tous  les  outils  infectés  ; 

3°  Le  revêtement  du  sol  des  écuries  par  une  couche  d'asphalte  ; 

4°  L'établissement  de  stations  destinées  à  l'enterrement,  avec 
cuisson  préalable,  des  animaux  morts  du  charbon  ou  d'autres 
maladies  qui  les  rendent  impropres  à  l'alimentation.  » 

Enfin,  à  la  même  époque,  le  Congrès  d'hygiène  réuni 
tout  entier  au  Crématoire  de  Milan,  a  acclamé  et  signé,  sur 
la  proposition  de  MM.  de  Cristoforis  et  Lacassagne,  un 
vœu  en  faveur  de  V Incinération  obligatoire  des  animaux 
atteints  ou  morts  de  maladies  transmissibles.  Il  n'est  pas 
douteux  que  tous  les  hygiénistes  ne  s'associent  à  ce 
postulatum  ;  le  difficile  est  de  rendre  cette  incinération 
pratique,  facile,  peu  coûteuse,  dans  toutes  les  campagnes. 

On  voit  qu'on  ne  peut  plus  dire  comme  autrefois,  morte 

(1)  Compte-rendu  du  Congrès  d'hygiène  de  Turin,  Revue  d'hygiène  et 
de  police  sanitaire,  15  octobre  1880,  p.  913. 

Vallin.  —  Désinfectants.  38 


594  DÉSINFECTION  VÉTÉRINAIRE. 

la  bête,  mort  le  venin.  Cela  est  surtout  vrai  pour  les  lo- 
caux, les  objets  de  toutes  sortes  que  l'animal  malade  a 
pu  souiller  pendant  sa  vie.  Ici,  comme  dans  nos  hôpitaux, 
il  faut  tout  désinfecter.  Renault,  dont  les  nombreuses  ex- 
périences sur  les  désinfectants  ne  sont  parvenues  jusqu'à 
nous  que  par  les  notes  que  M.  Reynal  a  pu  utiliser  pour 
son  article  Désinfection  du  Nouveau  dictionnaire  pratique 
de  médecine,  de  chirurgie  et  d'hygiène  vétérinaires  (T.  IV, 
1858,  p.  685),  Renault  avait  la  plus  grande  confiance 
dans  l'emploi  de  l'eau  bouillante  pour  désinfecter  les  ob- 
jets ou  les  locaux  souillés  par  des  virus.  Dans  ces  expé- 
riences, les  matières  virulentes  traitées  par  l'eau  bouillante 
et  inoculées  ensuite  sont  toujours  restées  sans  effet. 

Quand  une  écurie  a  été  souillée  par  des  animaux  malades 
ou  simplement  suspects,  il  est  donc  très  utile  de  répandre 
à  grands  flots  de  l'eau  bouillante  sur  le  sol,  les  murailles, 
les  cloisons  de  séparation,  les  mangeoires,  les  râteliers  ;  la 
friction  avec  des  brosses  rudes  ou  des  balais  de  toutes 
les  parties  ainsi  échaudées  assurera  la  destruction  et  l'en- 
lèvement de  toutes  les  particules  virulentes.  Les  harnais, 
les  ustensiles  d'écurie,  les  couvertures  de  laine,  la  plupart 
des  objets  qui  ont  été  en  contact  avec  les  animaux  peuvent 
être  traités  de  la  même  façon.  Le  ciiir  devient  dur  et  cas- 
sant après  cette  immersion  dans  l'eau  bouillante  ;  on  peut 
diminuer  cet  inconvénient  en  imprégnant  les  cuirs  encore 
humides  avec  de  la  graisse,' de  l'huile  de  pied  de  bœuf,  etc. 

Il  va  de  soi  que  les  litières  anciennes,  les  fumiers  seront 
préalablement  enlevés.  Il  serait  prudent  d'humecter  d'abord 
ces  détritus  avec  des  liquides  antiseptiques  et  anti-vi- 
rulents ;  le  chlorure  de  zinc,  à  10  et  même  50  grammes  par 
litre  d'eau,  nous  paraîtrait  ici  très  bien  indiqué  ;  les  acides 
sulfurique,  chlorhydrique,  azotique  dilués  (à  50  grammes 
par  litre)  seraient  sans  doute  très  applicables.  Le  sol  impré- 
gné par  les  liquides  des  litières  devrait  être  également 
arrosé  de  solutions  plus  concentrées  ;  il  serait  même  utile,. 


ÉCURIES,  LITIÈRES,  ETC.  595 

dans  certains  cas,  d'enlever  la  première  couche  de  terre 
et  de  la   remplacer  par  un  cailloutage  ou  un  pavage  neuf. 

Mais  ces  lavages  ne  sont  pas  applicables  aux  parties 
élevées  et  reculées  des  étables,  où  les  toiles  d'araignées 
sont  des  réceptacles  à  poussières  de  toutes  sortes.  Avant  de 
pratiquer  l'enlèvement  de  ces  souillures,  il  est  néces- 
saire de  faire  des  fumigations  énergiques  :  celles  d'a- 
cide sulfureux  sont  supérieures  à  toutes  les  autres  ;  la 
dose  de  soufre  doit  être  portée  à  100  grammes  par  mètre 
cube,  en  raison  delà  porosité  des  murailles  mal  construites, 
des  larges  fissures  de  la  toiture,  de  la  difficulté  en  un 
mot  d'assurer  l'occlusion  du  local  qu'on  désinfecte.  Les 
fumigations  d'acide  hypoazotique,  d'acide  chlorhydrique, 
seraient  ici  particulièrement  applicables,  si  les  opérations 
et  les  ingrédients  chimiques  qu'elles  nécessitent  n'expo- 
saient pas  à  de  sérieux  dangers  les  personnes  souvent 
très  ignorantes  qui  en  pourraient  être  chargées. 

Après  ces  fumigations,  quelles  qu'elles  soient,  les  murs 
seront  blanchis  à  feau  de  chaux  chlorurée  et  phéniquée;  il 
est  désirable  que  les  locaux  restent  inoccupés  et  large- 
ment ventilés  pendant  quelques  semaines. 

M.  Pasteur,  -  en  faisant  connaître  plus  parfaite- 
ment l'épizootie  qui  dépeuple  les  basses-cours  sous  le  nom 
de  choléra  des  poules,  a  montré  que  les  lavages  avecFa- 
cide  sulfurique  dilué  ou  la  térébenthine  suffisent  d'ordinaire 
à  désinfecter  le  sol,  les  fumiers,  les  perchoirs,  les  clôtures 
des  poulaillers.  Une  instruction  spéciale  sur  le  choléra  des 
poules  a  été  rédigée  par  le  Ministre  de  l'agriculture  et  du 
commerce,  en  date  du  6  avril  1880,  et  envoyée  à  tous  les 
préfets  des  départements.  Nous  y  trouvons  les  indications 
suivantes,  concernant  la  désinfection    des  basses-cours  : 

«  Des  recherches  scientifiques  récentes  ont  établi  d'une  façon  cer- 
taine que  le  choléra  des  poules  est  produit  par  un  organisme  mi- 
croscopique, qui  se  développe  dans  les  intestins,  passe  dans  le  sang 
et  s'y   multiplie  avec   une    rapidité  extraordinaire.   Ce  parasite  est 


596  DESINFECTION  VETERINAIRE. 

évacué  dans  la  fiente  et  peut  ensuite  passer  dans  les  animaux  qui 
picolent  les  fumiers  ou  mangent  les  grains  qui  ont  pu  être  salis  par 
la  fiente. 

Si  cet  animal  vient  à  mourir  et  qu'il  y  ail  lieu  de  craindre  le  clio- 
léra  des  poules,  il  faut  aussitôt  faire  sortir  les  volailles  de  la  basse- 
cour  et  les  maintenir  isolées  les  unes  des  autres.  On  doit  ensuite 
nettoyer  la  basse-cour  et  le  poulailler  en  enlevant  le  fumier  et  en 
lavant  à  grande  eau  les  murs,  les  perchoirs  et  le  sol.  L'eau  employée 
contiendra  par  litre  5  grammes  d'acide  sulfurique,  et  on  se  servira 
pour  ce  lavage  d'un  balai  rude  ou  d'une  brosse.  Quand  il  se  sera 
écoulé  une  dizaine  de  jours  sans  qu'aucune  mort  se  soit  produite, 
on  pourra  considérer  le  mal  comme  disparu,  et  on  ne  maintiendra 
plus  dans  l'isolement  que  les  volailles  qui  manifestei'aient  de  l'abat- 
tement, de  la  tristesse,  de  la  somnolence. 

Ces  conseils  et  ce  procédé  opératoire  nous  paraissent 
applicables  à  la  plupart  des  maladies  épizootiques  ;  il  n'y 
aurait  aucun  inconvénient  à  doubler  tout  au  moins  la  dose 
d'acide  sulfurique  ;  la  solution  au  vingtième  n'est  même  ni 
coûteuse,  ni  caustique. 

Dans  un  travail  récent  et  qui  peut  servir  de  modèle, 
MM.  Arloing,  Cornevin  et  Thomas,  suivant  la  voie  tracée 
par  Baxter,  Davaine,  etc.,  ont  fait  de  nombreuses  expé- 
riences pour  juger  l'action  neutralisante  des  divers  désin- 
fectants sur  le  microbe  du  charbon  symptomatique,  de 
cette  maladie  qu'ils  ont  démontrée  être  voisine,  mais 
spécifiquement  différente  du  charbon  ou  sang  de  rate.  Ils 
ont  montré,  par  le  résultat  de  leurs  inoculations,  combien 
l'action  destructive  est  plus  facilement  obtenue  sur  le 
virus  frais  que  sur  le  viras  desséché,  et  combien  la  répu- 
tation de  certains  désinfectants  est  usurpée,  au  moins  pour 
ce  virus  particulier.  Ils  ont  enfoncé  dans  de  la  chaux  vive 
de  très  minces  lanières  musculaires  des  tumeurs  char- 
bonneuses ;  triturées  après  48  heures  de  contact,  leur  suc 
était  presque  sûrement  inoculable.  Le  tannin  est  inactif, 
de  sorte  que  le  tannage  des  peaux  d'animaux  infectés  ne 
doit  pas  donner  de  garantie.  Le  sulfate  de  fer  au  cinquième 
est  inerte.  L'acide  sulfureux,  héroïque  contre  certains 
virus,  n'a  pas  d'action  sur  le  microbe  du  charbon  symp- 


ÉCURIES,  LAITIÈRES,  ETC.  597 

tomatiqiie.  Le  chlore  et  le  sulfure  de  carbone,  qui  agissent 
sur  le  virus  frais,  sont  impuissants  sur  le  virus  desséché. 
Le  brôiiie  en  vapeurs  est  le  plus  héroïque  de  tous  les 
agents,  môme  contre  le  virus  sec.  L'alcool  phéniqué,  même 
à  saturation,  est  beaucoup  moins  efficace  que  la  solution 
aqueuse  à  2  p.  100,  résultat  très  inattendu  que  Koch 
vient  de  signaler  à  l'Office  sanitaire  de  Berlin,  L'essence 
de  térébenthine,  dont  M.  Pasteur  a  montré  l'efficacité  contre 
le  bacillus  anihmcis  ou  microbe  du  sang  de  rate,  ne  dé- 
truit pas  le  microbe  du  charbon  symptomatique. 

Au  premier  rang,  les  auteurs  placent  la  solution  aqueuse 
de  sublimé,  même  au  titre  de  1  p.  5,000  ;  puis  l'acide 
salicylique  au  millième,  et  l'acide  phéniqué  à  2  p.  100;  ce 
dernier  agent  annihile  le  virus  frais  après  8  hernies  de 
contact,  et  le  virus  desséché  après  20  heures. 

Nous  reproduisons  ici  le  tableau  de  leurs  expériences  (1)  : 


ACTION  SUR  LE   VIRUS   FRAIS 


Ne  délruisent  pas  la  virulence  : 

Alcool  phéniqué  (à  saluration). 

Glycérine. 

Ammoniaque. 

Benzine. 

Chlorure  de  sodium  (dissol.  salurce) 

Chaux  vive  et  eau  de  chaux . 

Polysulfuie  de  calcium. 

Chlorure  de  manganèse  (dissol.  1  :  3j 

Sulfate  de  fer  (dissol.  1  :  5). 

Sulfate  de  quinine  (dissol.  1  :  10). 

Borate  de  soude  (1  :  5). 

Hyposulfite  de  soude  (1:2). 

Acide  tannique  (1  :  5). 

Essence  de  térébenthine. 

Ammoniaque 

Acide  sulfureux    ^  en  vapeurs. 

Chloroforme 


Détruisent  la  virulence  : 

Acide  phéniqué  (solution  à  2  :  100). 

—  salycilique  (1   :  1000). 

—  borique  (1  :  5). 

— ■    azotique  (dii.  1  :  20). 
— •     sulfurique  (dihié). 

—  chlorhydrique  (1  :  2). 

—  oxalique  (à  saturation). 
Alcool  salicylique         (id). 
Soude  (solution  1   :  5). 
Potasse  (solution  1  :  5). 
Iode. 

Salicylate  de  soude  (solution  1  :  o). 

Permanganate  de  potasse  (1  :  20). 

Sulfate  de  cuivre  (1   :  S). 

Nitrate  d'argent  (solution  1  :  1000). 

Sublimé  (dissol.  1  :  5000). 

Brome  1 

Chlore  <  en  vapeurs. 

Sulfure  de   carbone    / 


(1)  Arloing,  Cornevin  et  Thomas,  Note  relative  à  la  conservation  et  à 
la  destruction  de  la  virulence  du  microbe  du  charbon  symptomatique, 
{Lyon  médical,  11  juin  1882,  p.  182;  Société  de  biologie,  séance  du  10 
imnlS^2,  et  Recueil  de  médecine  vétérinaire,  deBouley,  15  mai  1882,  p.  467). 


598 


DESINFECTION  VETERINAIRE. 


ACTION  SUR  LE  VIRUS  DESSECHE  : 


Ne  détruisent  pas  la  virulence 

Acide  oxalique. 
Permanganate  de  potasse. 
Soude 
Chlore 


Sulfure  de  carbone 


en  vapeurs. 


Détruisent  la  virulence  : 

Acide  phénique  (2  :  100). 

—  salicylique  (1  :  1000). 

—  nitrate  d'argent  (1  :  1000;. 
Sulfate  de  cuivre  (1  :  5). 
Acide  chlorhydrique  (1  :  2). 
Acide  borique  (1  :  5). 

Alcool  salicylique  (à  saturation). 
Sublimé  (1  :  5000). 
Brome  en  vapeurs. 


Ces  résultats  ont  une  grande  importance  ;  ils  substituent 
des  notions  précises  et  rigoureuses  à  des  hypothèses  ou  à 
des  idées  préconçues.  Il  est  nécessaire  de  faire  remarquer 
une  fois  de  plus  qu'il  ne  s'agit  ici  que  du  microbe  du 
charbon  symptoraatiqjie,  et  qu'il  serait  prématuré  de  con- 
clure à  la  même  action  des  divers  désinfectants  sur  les 
autres  virus.  Il  serait  désirable  que  le  même  travail  fut 
entrepris  pour  toutes  les  maladies  virulentes  et  inocu- 
lables. 


DÉSINFECTION  DES  ALIMENTS  ET  DES  BOISSONS.  599 

CHAPITRE  IV. 
DÉSINFECTION  DES  ALIMENTS  ET  DES  BOISSONS. 

En  principe,  les  aliments  ne  devraient  jamais  avoir  be- 
soin d'être  désinfectés  ;  quand  ils  sont  infectés  ou  infects, 
on  doit  les  jeter  ou  les  détruire  et  ne  pas  les  introduire 
dans  le  corps  de  l'homme.  Toutefois,  il  faut  tenir  compte 
de  certaines  nécessités  inévitables  (villes  assiégées,  armées 
■en  campagne),  de  la  cherté  des  subsistances  et  des  diffi- 
cultés de  vie  pour  les  classes  pauvres  ou  peu  aisées,  etc.  ; 
il  faut  donc  dans  bien  des  cas  de  la  pratique  pactiser 
avec  l'ennemi,  et  améliorer,  rendre  au  moins  inoffensif,  ce 
qu'il  n'est  pas  possible  de  détruire.  Ce  sujet  d'ailleurs  ne 
nous  arrêtera  pas  longtemps. 

Nous  avons  donné  au  mot  désinfecter  une  acception  si 
large,  que  nous  devons  y  rattacher  les  opérations  ou  les 
procédés  capables  de  faire  disparaître  le  danger  provenant  de 
l'ingestionde  viandes  souilléespar  des  virus  (viande  d'ani- 
maux charbonneux,  septicémiques,  etc)  ou  par  des  para- 
sites (trichines,  échinocoques,  etc.).  La  chaleur  est  le. 
moyen  par  excellence  de  détruire  tous  les  germes  doués  de 
vie  :  la  trichine  ne  résiste  pas  à  la  température  de  70^  C. 
maintenue  pendant  un  quart  d'heure  ;  il  est  probable  que 
cette  température  minimum  suffit  également  pour  détruire 
les  échinocoques,  les  principes  du  charbon,  de  la  morve 
et  des  autres  maladies  virulentes.  Mais  la  température  ne 
pénètre  que  très  lentement  les  parties  centrales  des  mor- 
ceaux volumineux  ;  nous  avons  démontré  (1)  par  des  ex- 

(1)  E.  Vallia,  De  la  tempéralure  centrale  des  viandes  préparées 
[Bulletin  de  la  Société  médicale  des  hôpitaux,  28  janvier  1878,  p.  9)  ;  et 
De  la  résistance  des  trichines  à  la  chaleur,  mémoire  lu  â  l'Académie  de 
dnédecine  {^eywe  dlnjcjiène  et  de  police  sanitaire,  1881,  p.  177). 


600  DESINFECTION  DES  ALIMENTS. 

périences  très  nombreuses  que  certains  points  limités  des 
viandes  rôties  servies  sur  nos  tables  (roastbeefs  ou  gigots) 
n'atteignaient  parfois  qu'à  peine  -j-SO"  G.  Pour  les  jambons, 
au  bout  de  2heures  l/2d'ébullitionla  température  centrale 
n'atteignait  que  -[-52°  à  55"  C,  température  insuffisante 
pour  détruire  avec  certitude  absolue  les  trichines  ;  elle 
était  de  -|-  70°  au  bout  d-e  4  heures  ;  l'ébullition  doit 
être  continuée  au  moins  trois  quarts  d'heure  par  kilo- 
gramme pour  donner  toute  garantie  contre  l'empoi- 
sonnement par  les  trichines.  Il  est  évident  que  pour  de  la 
viande  fraîche  et  non  desséchée  une  ébullition  continuée 
pendant  1  heure  élèverait  à  80  ou  100  degrés  la  tempé- 
rature, au  centre  de  morceaux  assez  volumineux.  C'est  ce 
qui  explique  la  rareté  très  grande  des  accidents  chez  les 
gens  de  la  campagne  qui  mangent  la  viande  de  moutons 
charbonneux,  après  l'avoir  fait  longtemps  bouillir;  toute 
viande  suspecte  perd  une  grande  partie  de  sa  nocuité  par 
une  ébullition  ou  une  cuisson  prolongée  ;  la  répugnance 
qu'elle  inspire  quand  elle  est  insuffisamment  cuite  est 
d'ailleurs  une  bonne  garantie  contre  le  danger. 

Des  recherches  récentes  de  MM.  H.  Bouley  et  Gibier  (1) 
ont  montré  qu'en  faisant  séjourner  des  jambons  volumi- 
neux et  infectés  de  trichines  vivantes,  pendant  deux  heures, 
dans  une  chambre  refroidie  à  12  degrés  au-dessous  de  0, 
les  trichines  sont  définitivement  mortes  et  que  la  viande 
peut  dès  lors  être  mangée  impunément  ;  au  dégel,  ces  viandes 
salées  restent  fermes  et  peuvent  être  conservées  pendant 
plusieurs  semaines  ou  plusieurs  mois,  comme  auparavant. 

Les  altérations  de  la  viande  déjà  cuite  sont  beaucoup 
plus  dangereuses,  par  le  développement  de  moisissures 
toxiques  ou  de  ptomaïnes  ;  une  nouvelle  cuisson  serait  le 
seul  remède  dans  le  premier  cas  ;  mais  comment  savoir 

(1)  Bouley  et  Gibier,  De  l'action  des  basses  températures  sur  la  vîtalilé 
des  trichines  contenues  dans  les  viandes  {Comptes-rendus  de  l'Académie 
des  sciences,  '■26  juin  1882). 


DÉSINFECTION  DES  VIANDES  ALÏÉIAÉKS.  601 

s'il  s'agit  de  parasites  végétaux,  destructibles  par  la  cha- 
leur, ou  de  poisons  chimiques  (ptomaïnes)  qui  ne  sont  nul- 
lement décomposés  à  -[-100  degrés  ? 

L'enveloppement  dans  de  la  poudre  de  charbon  est  un 
bon  moyen  de  désinfection  ou  tout  au  moins  de  désodori- 
sation,  quand  la  viande  crue  a  subi  très  rapidement  un  com- 
mencement de  fermentation  putride  pendant  l'été  ou  par  un 
temps  d'orage;  mais  la  cuisson  est  indispensable  pour  écar- 
ter ou  diminuer  le  danger.  L'humectation  des  surfaces  avec 
une  solution  saturée  d'acide  salicylique  ou  borique  pré- 
serve assez  bien  les  viandes  des  accidents  de  ce  genre, 
en  été  ;  les  surfaces  imprégnées  doivent  être  lavées  ou 
enlevées  avant  que  les  viandes  ne  soient  soumises  à  la 
cuisson  ou  servies  sur  les  tables.  Les  fumigations  d'acide 
sulfureux  ou  les  lavages  avec  les  solutions  de  cet  acide 
peuvent  arrêter  le  travail  de  fermentation  et  faire  disparaître 
la  mauvaise  odeur,  non  seulement  de  la  viande,  mais  de 
divers  aliments.  Quand  ceux-ci  sont  destinés  à  être  soumis 
à  une  haute  température,  rôtis  ou  bouillis,  toute  trace  d'a- 
cide sulfureux  disparait  et  cet  acide  ne  semble  pas  pouvoir 
causer  le  moindre  accident.  Trop  souvent,  on  désinfecte  le 
poisson,  les  crevettes  avancées  ou  avariées,  en  les  lavant 
dans  une  solution  de  chlorure  de  chaux  ;  ces  artifices  re- 
lèvent plus  delà  police  sanitaire  que  de  l'hygiène  et  doivent 
être  condamnés  ;  un  aliment  gâté  et  envahi  par  la  fermen- 
tation ammoniacale  ou  putride  doit  être  jeté  et  détruit. 

Nous  renvoyons  à  ce  que  nous  avons  dit  (p.  181  et  suiv.) 
sur  l'emploi  alimentaire  de  l'acide  salicylique  pouîr  la 
conservation  du  lait,  du  vin,  de  la  bière,  du  beurre,  du 
poisson,  etc.,  et  pour  le  traitement  de  ces  aliments  déjà 
altérés  ou  décomposés;  tout  au  plus  pourrait-on  autoriser 
son  emploi  pour  la  conservation  des  vins  et  des  bières  fai- 
bles, en  fixant  un  maximum  qui  ne  dépasserait  pas  15  gram- 
mes par  hectolitre  de  vin,  et  6  à  8  grammes  pour  la  bière. 
Malheureusement,  le  dosage  rapide  de  ces  petites  quan- 


€02  DESINFECTION  DES  ALIMENTS- 

tités  d'acide  est  presque  impossible  dans  des  liquides 
aussi  complexe  que  le  vin  et  la  bière,  et  le  contrôle  de- 
viendrait illusoire. 

Depuis  quelques  années,  en  Allemagne,  le  bisulfite  de 
chaux  fait  concurrence  à  l'acide  salicylique  pour  la  conser- 
vation des  bières  faibles.  On  ajoute  100  à  WÙ"'^'  de  la 
liqueur  par  hectolitre.  Ce  produit  contient  en  moyenne  5  à 
6  pour  100  d'acide  sulfureux,  dont  une  partie  reste  libre  ; 
c'est  donc  une  addition  de  0s'-06  à  0,12  d'acide  sulfureux 
par  htre  de  bière.  Cet  antiseptique  ne  semble  pas  être 
nuisible  à  une  telle  dose  ;  nous  n'avons  toutefois  aucune 
expérience  personnelle  sur  ce  point,  et  il  est  prudent  de 
réserver  son  jugement,  quand  il  s'agit  d'une  substance 
alimentaire,  d'un  usage  journaher,  qui  se  consomme  à 
hautes  doses  comme  la  bière. 

L'eau  destinée  aux  boissons  est  parfois  de  mauvaise  qua- 
lité, chargée  de  principes  suspects  ou  nuisibles  ;  pendant  les 
expéditions  en  Afrique,  dans  les  déserts  arides,  plus  rare- 
ment sur  les  navires,  on  est  pourtant  obligé  d'en  faire  usage. 
On  améliore  l'eau  gâtée  des  citernes  en  y  versant  une  notable 
quantité  de  charbon  de  bois  ou  mieux  de  braise  de  bou- 
langer récemment  éteinte  ;  l'odeur  sulfhydrique  disparaît 
presque  immédiatement;  les  gaz  et  même  une  partie  de  la 
matière  organique  sont  fixés  par  le  charbon.  Chevallier  a 
beaucoup  insisté  sur  la  valeur  de  ce  moyen  de  désinfection 
de  l'eau  (1).  L'emploi  de  filtres  au  charbon  rend  les  mêmes 
services  ;  mais  il  est  indispensable  de  les  nettoyer  au  moins 
une  fois  par  mois  en  les  imprégnant  d'une  solution  au 
centième  de  permanganate  de  potasse,  et  en  les  rinçant 
ensuite  avec  de  F  eau  acidulée  par  quelques  grammes  d'a- 
cide chlorhydrique. 

Quand  Faltération  de  l'eau  est  plus  forte,  l'ébullition  puis 

(1)  Chevallier,  Du  charbon  sous  le  rapport  de  l'hygiène  publiqîie  (An- 
nales d'hygiène  et  de  médecine  légale,  1856,  T.  VI,  p.  68,  et  1874, 
T.  42). 


DÉSINFECTION  DES  ALCOOLS.  (.03 

la  précipitation  des  matières  organiques  par  une  très 
petite  quantité  d'alun,  la  liltration  et  l'aération,  constituent 
la  série  d'opérations  à  l'aide  de  laquelle  on  peut  user 
sans  danger  d'une  eau  impure  qu'on  est  forcé  de  boire. 
Dans  une  circulaire  adressée  en  janvier  1879  à  toutes 
les  autorités  sanitaires  de  la  Grande-Bretagne,  le  médecin 
en  chef  du  Local  Government  Board,  M.  Seaton,  recom- 
mandait les  mesures  suivantes  de  désinfection  de  l'eau  en 
cas  de  maladie  épidémique  (1)  : 

«  Quand  malheureusement  la  seule  eau  disponible  est  soupçonnée  de 
contenir  des  impuretés  organiques  dangereuses,  elle  doit  tout  au  moins 
ctre  bouillie  avant  de  servir  aux  boissons,  mais  elle  ne  doit  pas  être  bue 
plus  de  vingt-quatre  heures  après  qu'elle  a  été  bouillie.  Sous  la  sur- 
veillance d'un  médecin  ou  d'une  autre  personne  compétente,  la  quantité 
d'eau  nécessaire  pour  la  journée  peut  être  désinfectée  en  employant 
avec  précaution  la  liqueur  désiufeclante  de  Condy  (solution  de  permanga 
nate  de  potasse). 

On  doit  ajouter  cette  liqueur  goutte  à  goutte,  en  ayant  soin  d'agiter  de 
telle  façon  que,  une  heure  après  le  mélange,  l'eau  à  boire  ainsi  traitée 
présente  encore  une  teinte  rosée,  mais  la  plus  légère  que  l'œil  puisse 
encore  distinguer.  La  filtration  simple,  par  les  procédés  ordinaires,  ne 
■donne  par  elle-même  aucune  garantie  de  purification  ;  mais  la  filtration 
combinée  avec  les  moyens  qui  précèdent  (ébullition,  action  du  perman- 
ganate), est  un  bon  moyen  de  désinfection.  On  ne  saurait  trop  répéter 
que  l'addition  du  vin  et  de  l'eau-de-vie  à  l'eau  n'enlève  pas  à  celle-ci 
ses  qualités  dangereuses.  » 

La  désinfection  et  la  rectification  des  alcools  «  mauvais 
goût  »  est  une  question  industrielle  qui  se  rattache  par 
certains  côtés  à  l'hygiène.  Depuis  que  la  destruction  d'une 
partie  de  nos  vignes  réduit  considérablement  la  production 
d'alcool  vinique  en  notre  pays,  on  est  forcé  d'utiliser  plus 
qu'autrefois  les  alcools  de  grains,  de  betteraves,  etc.  On 
sait  que  ces  produits  doivent  leur  goût  détestable  et  leurs 
propriétés  pernicieuses  à  certains  alcools  et  acides  de  la 
série  grasse  :  aldéhydes  éthylique  et  butylique,  alcools 
amyhque,  isopi^opylique,  dont  la  toxicité  est  aujourd'hui 
démontrée. 

(1)  Edv.  Seaton,  General  mémorandum  on  the  proceedings  luicli  are 
advisable  in  places  attaked  or  threatened  hy  épidémie  disease,  [Local 
Government  Board ^  Médical  Report  for  1878  ;  London,  18~9,  p.  346). 


604  DÉSINFECTION  DES  ALIJIENTS. 

Déjà  les  distillations  fractionnées  et  bien  conduites  ont 
réussi  à  débarrasser  l'alcool  éthylique  des  principes  nui- 
sibles qui  l'accompagnent  ;  M.  Isidore  Pierre  (1)  a  parti- 
culièrement étudié  cet  important  sujet,  distingué  les  mau- 
vais goûts  de  tête,  les  mauvais  goûts  de  queue,  c'est  à 
dire  les  parties  qui  se  condensent  au  commencement  ou  à 
la  fin  des  opérations  de  distillation.  On  a  essayé  d'autres 
moyens  de  désinfecter  les  phlegmes  :  l'huile  d'olives,  le 
charbon  de  bois,  le  noir  animal;  ces  moyens  ont  de  sérieux 
inconvénients.  Plus  récemment  on  a  proposé  des  procédés 
qui  ont  pour  but  de  brûler  (insufflation  de  l'air  dans  les 
phlegmes  à  une  température  variable),  ou  déshydrogéner  les 
principes  empyreumatiques  toxiques  ou  désagréables  qu'en- 
traîne la  distillation  :  l'électrolyse  (méthode  Naudin  et  Schnei- 
der), l'action  du  froid  et  du  vide  (méthode  Raoul  Pictet),  l'ac- 
tion de  l'ozone  (brevets  Widemann,  Einsenmann)  (2).  Nous 
nous  garderons  bien  d'insister  sur  les  avantages  ou  les  incon- 
vénients de  ces  procédés  industriels,  très  prônés  par  les  in- 
venteurs brevetés.  Il  nous  suffît  d'indiquer  une  tendance 
et  des  efforts  qui  peuvent  aboutir'  à  un  progrès  au  point 
de  vue  de  l'emploi  hygiénique  de  ces  alcools.  Reste  à  sa- 
voir si  la  désinfection,  la  suppression  du  mauvais  goût  de 
ces  alcools,  serait  une  garantie  de  la  disparition  com- 
plète de  leur  toxicité  (3), 

(1)  Isidore  Pierre,  Sur  les  produils  qui  accompagnent  l'alcool  vinique, 
[Annales  de  physique  et  de  chimie,  seplembre  1878.  —  Revue  d'hijgiîne 
et  de  police  sanitaire,  1879,  p.  138). 

(2)  Alf.  Riche,  Désinfection  de  Valcool  du  commerce,  [Journ.  de  phar- 
macie et  de  chimie,  mai  1882,  T.  V.  pages  480  et  suiv.) 

(3)  bclilumberger,  Rectijîcatiun  et  désinfection  des  alcools  mauvais 
goût  {Journal  d'hygiène,  1882j  p.  69).  —  {Journal  des  débats,  4  dé- 
cembre 1881). 


DORTOIRS  OU  CHAMBRÉES.  GOo 


CHAPITRE  V. 

DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS  COLLECTIVES 
^ET  PRIVÉES. 

ART.  I.  —  LOCAUX  D'HABITATION. 

Bien  que  nous  ayons  déjà  traité  au  Chapitre  I  (désinfec- 
tion nosocomiale)  de  la  désinfection  des  locaux,  des  vête- 
ments, etc.,  nous  croyons  utile  de  réunir  dans  un  chapitre 
spécial  certaines  recommandations  applicables  aux  habita- 
tions collectives  et  privées.  Nous  renverrons  pour  plus 
amples  détails  aux  différents  articles  du  chapitre  I.  Nous 
avons  surtout  en  vue  ici  les  casernes,  les  prisons,  les  ou- 
vroirs  et  ateliers,  les  écoles  et  collèges,  les  habitations 
privées,  c'est-à-dire  les  établissements  où  sont  réunis  non 
plus  des  malades,  mais  des  individus  jusque  là  bien  por- 
tants. 

Prenons  par  exemple  une  caserne,  une  chambrée,  un 
dortoir  de  collège:  l'odeur  y  est  désagréable  et  persistante, 
l'état  sanitaire  laisse  à  désirer,  la  désinfection  est  jugée 
nécessaire;  comment  faut-il  y  procéder?  Avant  tout,  il 
faut  rechercher  les  causes  de  l'infection  ou  de  l'insalubrité, 
afin  de  les  faire  disparaître.  Il  y  a-t-il  encombrement, 
c'est-à-dire  moins  que  le  minimum  déjà  si  bas  de  12  à 
15  mètres  cubes  et  4  mètres  superficiels  par  personne 
dans  la  chambrée  ou  le  dortoir?  il  faut  commencer  par  ré- 
duire la  population  du  local. 

L'on  doit  ensuite  s'assurer  qu'il  existe  des  orifices  de 
ventilation,  que  ces  orifices  sont  ouverts,  qu'il  ne  sont  pas 
obstrués  par  des  corps  étrangers,  des  toiles  d'araignées,  des 


606  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

poussières,  etc.,  qu'il  ont  des  dimensions  suffisantes, 
c'est-à-dire  au  moins  1  centimètres  de  côté,  soit  50 
centimètres  de  surface  par  personne;  on  veillera  à  ce 
que  ces  ventouses  restent  ouvertes  pendant  les  heures  de 
séjour,  et  à  ce  que  la  ventilation  s'y  produise  sans  être 
une  cause  d'incommodité  pour  les  hommes. 

L'on  devra  tenir  toutes  les  fenêtres  complètement  ouver- 
tes, des  deux  côtés,  pendant  tout  le  temps  où  la  salle  reste 
inoccupée,  quelle  que  soit  la  saison.  Cette  observation  est 
particulièrement  nécessaire  pour  les  locaux  scolaires,  les 
salles  de  cours  publics,  etc.  :  un  exercice  ne  doit  jamais 
durer  plus  d'une  heure  de  suite;  la  même  salle  ne  doit  ja- 
mais servir  à  un  nouveau  travail  sans  que  les  élèves  ou 
les  auditeurs  évacuent  la  salle  et  que  les  fenêtres  de  celle-ci 
soient  tenues  largement  ouvertes  pendant  au  moins  10  mi- 
nutes. Dans  les  lycées  où  le  même  local  sert  à  la  fois  de  salle 
d'étude  et  de  salle  de  classe,  dans  les  cours  publics  de  nos 
Facultés,  cette  désinfection  élémentaire  est  trop  souvent 
négligée. 

Avant  de  commencer  l'usage  des  désinfectants  propre- 
ment dits,  il  faut  encore  s'assurer  que  les  personnes  appe- 
lées à  faire  un  séjour  prolongé  dans  le  local  sont  dans  un 
état  de  propreté  corporelle  suffisant  :  dans  les  ateliers,  les 
pénitenciers,  comme  aussi  dans  les  casernes,  les  bains  de 
pieds,  le  nettoyage  du  linge  de  corps,  des  vêtements  exté- 
rieurs, sont  les  préliminaires  de  toute  tentative  de  désinfec- 
tion. Les  objets  malodorants  ou  souillés  :  les  chaussures,  les 
selleries,  tapis  de  cheval,  harnachement,  les  vêtements 
humides,  doivent  d'abord  disparaître  des  salles  ou  de  leur 
voisinage  immédiat.  Les  literies,  en  particulier  les  mate- 
las, les  couvertures  de  laine,  les  paillasses,  sont  après  un 
long  service  un  réceptable  de  miasmes  infects  ;  il  faut  épu- 
rer, désinfecter  les  premiers;  il  faut  brûler  les  dernières. 

L'habitude  ou  la  nécessité  de  fumer  et  de  prendre  ses 
repas  dans  la  salle  où  l'on  dort  est   une  ^des  principales 


DORTOIRS  OU  CHAMBRÉES.  G07 

causes  de  l'infection  des  chami^rées.  On  comprend  à 
peine,  même  quand  on  est  fumeur,  qu'il  soit  permis  au 
soldat  d'empester  pendant  toute  la  soirée,  avec  l'odeur  de 
la  pipe,  le  local  étroit  et  dépourvu  d'orifices  de  ventilation 
où  un  errand  nombre  d'hommes  s'entassent  de  8  heures  du 
soir  à  3  heures  du  matin.  C'est  une  cause  de  souillure  des 
murs  par  les  vapeurs  qui  s'y  condensent,  de  souillure  des 
parquets  par  la  salive  qu'on  y  projette. 

La  nécessité  de  prendre  les  repas  dans  la  salle  où  l'on 
couche  est  encore  plus  déplorable  ;  la  désinfection  doit  être 
renouvelée  indéfiniment,  si  l'on  souille  indéfiniment  le 
sol,  les  couvertures  des  lits,  l'atmosphère,  par  les  liquides 
alimentaires  qui  se  répandent,  les  vapeurs  lourdes  et  épais- 
ses qui  se  dégagent  des  mets.  Déjà  les  réfectoires  communs 
et  servant  uniquement  à  cet  usage  s'imprègnent,  dans  les 
lycées,  les  asiles  de  pauvres  ou  d'ahénés,  d'une  odeur  nausé- 
abonde dont  il  est  difficile  de  les  débarrasser  ;  à  l'école  Monge 
on  n'a  réussi  à  éviter  cette  incommodité  qu'en  garnissant 
les  tables,  les  parois  et  le  sol  des  réfectoires,  de  plaques  de 
marbre,  de  stuc  et  de  mosaïques,  absolument  imperméables 
et  qu'on  lave  à  l'éponge  tous  les  jours.  Toute  tentative  de  dé- 
sinfection est  vaine,  si  l'on  ne  commence  par  supprimer  ces 
causes  d'imprégnation  permanente;  il  est  temps  que  dans 
les  hôpitaux,  les  casernes,  les  locaux  de  jour  soient  dis- 
tincts des  locaux  de  nuit  ;  poursuivre  la  désinfection  dans 
l'état  actuel,  c'est  rouler  le  rocher  de  Sysiphe. 

En  effet,  dans  une  salle  où  l'on  mange  et  où  l'on  dort 
tour  à  tour,  il  se  condense  sur  les  murailles  des  vapeurs 
respiratoires  et  des  buées,  chargées  de  matières  organiques 
putrescibles  qui  se  déposent  à  la  surface  des  enduits 
imperméables,  ou  imbibent  profondément  les  matériaux  po- 
reux. Pour  désinfecter,  il  faut  donc  commencer  par  enlever 
à  l'aide  de  lavages  la  couche  de  fumier  qui  s'est  formée  sur 
les  peintures  ;  si  l'enduit  est  mou  et  poreux,  il  faut  le  gratter 
avec  soin,  avant  de  faire  un  badigeonnage  à  l'eau  de  chaux 


603  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

et  rien  qu'à  l'eau  de  chaux,  sans  mélange  de  craie,  de 
colle  ou  de  gélatine.  11  serait  désirable  qu'on  pût  au  préa- 
lable détruire  la  matière  organique  des  couches  profon- 
des, soit  par  le  feu,  à  l'aide  du  flambage  d'après  la  mé- 
thode Lapparent,  soit  par  la  projection,  au  pinceau  ou 
avec  un  appareil  pulvérisateur,  d'un  liquide  antiseptique 
tel  que  les  solutions  d'acide  phénique  ou  de  chlorure  de 
zinc  au  centième  ;  toutefois  ce  dernier  sel  est  hygro- 
métrique et  pourrait  avoir  quelque  inconvénient.  Il  se- 
rait assurément  préférable  de  remplacer  le  badigeonnage 
à  la  chaux  qui  est  médiocre,  par  un  enduit  imperméable, 
le  silicate  de  zinc,  par  exemple,  très  usité  en  Angleterre 
dans  les  casernes  et  beaucoup  moins  coûteux  que  la  pein- 
ture. Les  architectes  et  les  ingénieurs  auront  rendu  un 
grand  service  à  l'hygiène,  quand  ils  auront  trouvé  un  en- 
duit imperméable,  solide  et  économique,  permettant  le 
lavage  hebdomadaire  des  murailles  dans  les  habitations 
collectives. 

Le  plancher  est  une  cause  fréquente  de  mauvaise  odeur 
et  d'insalubrité.  Il  est  sali  par  les  liquides  et  les  débris 
alimentaires,  les  produits  de  l'expectoration,  les  boues  et 
les  fumiers  que  les  chaussures  apportent  des  écuries  ou 
des  cours  en  temps  de  pluie. 

Toutes  ces  matières,  délayées  dans  les  eaux  de  lavage, 
pénètrent  profondément  les  pores  du  plancher,  y  déposent 
des  matières  organiques  qui  se  putréfient  lentement.  Les 
interstices  entre  les  feuilles  du  plancher  laissent  pénétrer 
dans  l'espace  laissé  libre  au-dessous  d'elles  des  amas  d'or- 
dures de  toutes  sortes,  dont  la  corruption  est  parfois  extrê- 
me: dans  un  assez  grand  nombre  de  cas,  une  odeur  in- 
fecte ayant  été  ressentie  dans  les  chambrées  de  caserne, 
on  a  levé  des  planches  du  parquet,  et  l'on  a  trouvé  une 
couche  épaisse  de  débris  putréfiés,  remplie  de  vers  ou  de 
cadavres  de  rongeurs  envahis  par  la  décomposition. 

Des  difficultés  nombreuses  (le  poids  qui  charge  les  char- 


DORTOIRS  OU  CILVMimÉES.  009 

(lentes,  la  facilité  des  fissures,  le  froid),  s'opposent,  parait-il, 
au  remplacement  des  planchers  en  bois  par  des  matériaux 
imperméables  (asphalte,  ciments,  mosaïques,  etc.),  dans 
les  dortoirs  des  pensions  et  dans  les  casernes.  En  attendant 
qu'on  trouve  le  moyen  de  constituer  un  sol  idéal,  il  faut 
prévenir  l'infection  des  planchers  en  bois  et  assurer  la  dé- 
sinfection de  ceux  qui  ont  été  souillés.  Les  enduits  de 
cire,  de  paraffine,  d'huile  de  lin  siccative,  de  silicates,  rem- 
plissent plus  ou  moins  bien  la  première  indication,  non 
sans  entraîner  une  dépense  assez  forte.  La  désinfection 
s'obtient  par  le  lessivage  à  l'eau  bouillante  à  l'aide  de 
la  potasse  ou  du  savon  noir  ;  mais  on  s'expose,  quand  les 
joints  sont  relâchés,  à  humecter  les'matières  putrescibles  et 
les  poussières  accumulées  dans  l'espace  libre  situé  sous 
les  planchers. 

Ces  lavages  en  grand  entraînent  en  outre  dans  la  chambre 
une  humidité  persistante,  et  rendent  l'habitation  du  local 
dangereuse  ou  désagréable  pendant  plusieurs  jours  ;  autant 
il  est  facile  d'entretenir  la  propreté  en  passant  plusieurs  fois 
par  semaine  un  linge  simplement  humide  à  la  surface  du 
plancher  pour  recueillir  les  poussières,  autant  le  lavage  à 
grande  eau  a  d'inconvénients  pour  un  parquet  profondé- 
ment souillé  et  couvert  d'une  couche  épaisse  de  boues  or- 
ganiques. 

Quand  le  plancher  est  en  sapin  ou  en  bois  très  poreux  et 
qu'il  est  souillé,  il  nous  semble  indispensable,  pour  procé- 
der à  la  désinfection,  de  le  laver  d'abord  cà  la  brosse  avec 
une  très  petite  quantité  d'eau  bouillante  alcaline  ou  conte- 
nant 1  p.  100  de  chlorure  de  zinc,  et. d'éponger  immédia- 
tement après  ;  l'opération  doit  être  recommencée  deux  fois 
de  suite,  particulièrement  à  l'eau  pure  si  on  a  fait  usage  du 
chlorure  de  zinc.  Il  faut  ensuite  passer  sur  le  bois  parfaite- 
ment sec  une  couche  d'huile  de  lin  bouillante,  afin  d'ob- 
struer les  pores  du  bois  et  d'empêcher  la  pénétration  indé- 
finie des  liquides;  si  l'on  se  contente  d'une  simple  couche, 
Vallin.  —  Désinfectants.  39 


610  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

la  dépense  est  très  modérée;  au  bout  de  quelques  jours^ 
l'huile  s'est  profondément  imprégnée;  par  la  suite,  elle 
devient  siccative  par  l'action  de  l'oxygène  de  l'air.  Cette 
opération  est  moins  nécessaire  pour  les  planchers  en  bois 
de  chêne.  Dès  lors,  la  désinfection  sera  facile,  soit  par  le 
passage  d'un  linge  simplement  humide,  soit  par  le  procédé 
recommandé  par  le  Ministre  de  la  guerre  (Circulaire  du 
11  avril  1877). 

Nous  reproduisons  ici  cette  instruction  qui  résume  en  les 
modifiant  celles  qui  l'ont  précédée. 

INSTRUCTION 

concernant  le  nettoyage  des  planchers  des  casernes. 

Il  résulte  de  renseigiienieuts  qui  m'ont  été  fournis,  que  le  cal- 
fatage des  planchers  des  casernes  prescrit  par  la  circulaire  du  11  dé- 
cem  jre  1876,  outre  les  difficultés  matérielles  que  présenterait  son 
exécution,  occasionnerait  une  dépense  considérable,  hors  de  propor- 
tion avec  le  résultat  qu'on  avait  espéré.  J'ai  donc  décidé  qu'on  renon- 
cerait à  effectuer  cette  opération  dispendieuse.  Mais  je  désire  expres- 
sément qu'il  soit  donné  une  suite  immédiate  aux  autres  prescriptions 
de  la  circulaire  précitée,  en  tenant  compte  toutefois  de  quelques  mo- 
difications qui  m'ont  para  nécessitées  par  la  suppression  du  calfatage. 

Dans  les  conditions  où  se  trouvent  la  plupart  des  planchers,  l'em- 
ploi de  la  sciure  de  bois, dont  une  partie  s'introduira  dans  les  joints, 
paraît  devoir  augmenter  les  chances  d'incendie,  notamment  quand 
les  bouts  d'allumettes  encore  en  ignition  seront  projetés  sur  le  sol. 
Il  est  à  craindre  également  qu'il  se  produise  dans  la  sciure  humide 
une  fermentation  nuisible  à  la  propreté  des  locaux  et  à  leur  salubrité. 
Le  sable  devra  donc  être  employé  de  préférence  à  la  sciure  de  bois, 
partout  où  cela  sera  possible. 

Les  planchers  seront  frottés  avec  ce  sable  simplement  humide, 
à  l'exclusion  des  lavages  à  grande  eau.  L'eau  destinée  à  êlre  mé- 
langée au  sable  pourra  -d'ailleurs,  sur  la  demande  du  corps,  être 
additionnée  d'une  petite  quantité  de  potasse,  ou  de  soude,  ou  encore 
d'acide  phénique,  si  le  médecin  du  corps  en  reconnaît  la  convenance. 
Ces  substances,  y  compris  les  sables,  seront  délivrées  par  le  service 
du  génie. 

Le  sable,  lorsqu'il  aura  servi  plusieurs  fois,  devra  être  régénéré  par 
des  lavages  à. grande  eau  et  une  dessiccation  à  l'air  libre,  dans  les 
localités  où  il  sera  difficile  ou  coîiteux  de  s'en  procurer. 

Les  prescriptions  de  la  circulaire  du  11  décembre  18G8  restent  en 


DORTOIRS  OU  CHAMBREES.  611 

vifiieur,  en  ce  qui  n'esl  pas  modifié  par  les  dispositions  qui  précè- 
dent. Les  unes  comme  les  autres  doivent  être  appliquées  lors  même 
que  les  sols  des  chambres  sont  formés  de  briques  ou  de  carreaux. 
Versailles,  le  II  avril  1877, 

Le   Ministre    de    la    guerre, 
Général  A.  Berth.vult. 

Ce  moyen  est  excellent...  quand  il  est  appliqué.  On  dit 
que  le  frottement  avec  le  sablon  use  les  planchers  ;  la  brosse 
aussi  use  le  drap  ;  faut-il  défendre  au  soldat  de  brosser  son 
uniforme?  Ce  nettoyage  du  plancher  peut  n'avoir  lieu  que 
toutes  les  semaines,  à  la  rigueur  tous  les  quinze  jours.  Il 
sera  d'autant  moins  nécessaire,  que  l'on  prendra  plus  de 
précautions  pour  éviter  la  souillure  par  les  chaussui^es  des 
hommes,  surtout  dans  les  régiments  de  cavalerie.  Serait-il 
impossible  d'exiger  que  les  cavaliers  laissassent  à  la  porte  de 
la  chambrée,  avant  d'y  entrer,  leurs  sabots  d'écurie  souillés 
par  le  fumier,  et  qu'ils  se  contentassent,  pour  circuler  dans 
les  salles,  de  chaussons  qu'ils  porteraient  dans  les  sabots? 
C'est  une  question  à  étudier,  et  qui  serait  peut-être  d'une 
application  plus  facile  dans  les  écoles  de  campagne,  les  ate- 
liers des  pénitenciers,  etc. 

Mais  tous  ces  moyens  nous  paraissent  encore  insuffisants 
pour  assurer  la  désinfection  des  habitations  cohectives. 
Quand  un  grand  nombre  d'hommes  sont  réunis  en  commun 
et  ont  vei^sé  pendant  plusieurs  mois  leurs  émanations  et  une 
partie  de  leurs  sécrétions  dans  un  même  local,  ce  local  est 
infecté,  il  est  insalubre.  Dans  toutes  les  casernes  de  l'Eu- 
rope et  peut-être  du  monde  entier,  la  phtisie  fait  des  ra- 
vages inouïs  ;  plus  nous  vivons  dans  notre  armée,  et  plus 
nous  sommes  étonné  de  cette  fréquence  extraordinaire  de 
la  tuberculose  chez  des  sujets  choisis  avec  soin,  et  quittées 
souvent  ne  commencent  à  présenter  l&s  signes  de  la  phti- 
sie qu'après  15  années  d'une  santé  iiTépi^ochable,  passées  au 
service,  dans  les  chambrées  des  casernes.  C'est  en  vain 
qu'on  cherche  à  expliquer  cette  fréquence  de  la  maladie  par 


612  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

des  causes  banales,  la  fatigue,  les  intempéries,  la  mauvaise 
nourriture,  etc.  Il  doit  y  avoir  une  autre  cause;  rien  ne 
prouve  que  la  contagion  ou  l'infection  ne  joue  pas  ici  un 
rôle  important;  quand  on  voit  avec  quelle  facilité  les  ani- 
maux en  expérience  contractent  la  tuberculose  lorsqu'ils 
ne  sont  pas  parfaitement  isolés  des  animaux  inoculés  et 
atteints  d'ulcères  ou  de  jetage  tuberculeux ,  il  est  impos- 
sible de  ne  pas  partager  les  craintes  exprimées  dès  1868 
par  notre  collègue  et  ami  M.  Villemin,  dans  son  beau  livre 
sur  la  tuberculose. 

Au  Congrès  d'hygiène  de  Turin  en  1880  {Revue  d' hy- 
giène, 1880,  p.  921),  nous  avons  constaté  à  la  fois  l'unani- 
mité des  médecins  des  armées  de  l'Europe  pour  déplorer  la 
fréquence  de  la  phtisie  chez  le  soldat,  et  l'inanité  de  leurs 
efforts  pour  en  donner  une  explication  plausible  ;  nous  avons 
exprimé  avec  de  grandes  réserves,  dans  une  des  séances  du 
Congrès,  l'idée  qu'il  fallait  montrer  moins  de  dédain  pour 
l'hypothèse  de  la  transmission  de  la  maladie,  des  phtisiques 
capables  encore  de  continuer  le  service  actif,  aux  individus 
sains  vivant  dans  la  même  chambrée.  Nous  nous  affermissons 
chaque  jour  davantage  dans  ces  craintes  et  dans  l'opinion 
qu'il  est  nécessaire  d'agir,  en  l'état  d'incertitude  où  est  encore 
la  science,  comme  si  le  danger  était  démontré.  Les  mêmes 
observations  s'appliquent  à  la  fièvre  typhoïde  qui  constitue, 
avec  la  tuberculose,  la  grande  endémie  des  casernes  dans 
toute  l'Europe. 

Nous  croyons  qu'il  serait  d'une  sage  précaution  de  faire 
chaque  année  dans  les  habitations  collectives,  dans  les 
lycées,  les  prisons,  les  hôpitaux,  et  en  particulier  dans  les 
chambrées  des  soldats,  une  désinfection  intime  et  sérieuse, 
en  brûlant  par  exemple  15  à  30  grammes  de  soufre  par 
mètre  cube.  Il  serait  facile  de  choisir  pour  cette  opération 
annuelle  soit  l'époque  des  vacances  pour  certains  locaux 
scolaires,  soit  l'époque  des  grandes  manœuvres  ou  des 
changements  de  garnison  pour  les  casernes.  La  dépense 


DESTRUCTION  DES  PARASITES.  613 

serait  minime;  du  même  coup  l'on  désinfecterait  le  mo- 
bilier, la  literie,  les  murailles,  les  planchers,  et  l'on  détrui 
rait  la  vermine,  cet  autre  fléau  des  casernes. 

L'éminent  Inspecteur  général  du  service  de  santé  de  l'ar- 
mée, M.  Legouest,  s'efforce  depuis  quelques  années  de  géné- 
raliser ce  mode  de  désinfection  dans  les  établissements  mi- 
litaires; nous  sommes  persuadé  que  c'est  un  grand  bien- 
fait pour  l'armée,  et  que  si  la  mesure  est  appliquée  régu- 
lièrement et  uniformément  dans  toutes  les  casernes  pendant 
10  ans,  l'expérience  en  démontrera  le  bénéfice  par  une 
diminution  croissante  de  la  fièvre  typhoïde  et  même  de  la 
tuberculose  dans  la  population  militaire. 

ART.  II.  DESTRUCTION  DES  PARASITES 

C'est  peut-être  étendre  un  peu  loin  la  désinfection,  que 
de  l'appliquer  à  la  destruction  des  parasites  qui  vivent  dans 
nos  demeures  ;  nous  nous  bornerons  à  dire  ici  quelques 
mots  des  moyens  capables  de  détruire  les  insectes  parasites, 
punaises,  poux,  etc.  Les  casernes,  que  nous  avons  prises 
comme  le  type  des  habitations  collectives,  sont  souvent 
rendues  inhabitables  pendant  la  nuit  par  la  cimex  lectu- 
laria;  le  Ministre  de  la  guerre  a  dû  s'occuper  sérieusement 
de  ce  fléau  qui  concourt  à  compromettre  l'hygiène  du  soldat, 
et  à  la  suite  d'expériences  nombreuses  faites  par  une  com- 
mission dont  nous  faisions  partie  en  1871,  voici  les  pro- 
cédés de  désinfection  qui  ont  paru  l'emporter  sur  tous  les 
autres. 

On  mélange  une  partie  de  pétrole  à  brûler  avec  une  ou 
deux  parties  d'eau  ;  le  pétrole  n'étant  pas  miscible  à  l'eau,  on 
agite  fortement  le  liquide  en  y  roulant  entre  les  mains  une 
grosse  brosse  de  peintre  ;  on  badigeonne  les  planches  des 
châlits,  les  boiseries,  les  interstices  suspects,  en  ayant 
soin  de  faire  pénétrer  le  liquide  dans  les  pertuis  profonds, 
les  fentes,   les  fissures,  où  se  logent  les  parasites.  La  pré- 


614  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

sence  de  bulles  d'air  empêche  parfois  la  pénétration  du 
liquide;  c'est  une  cause  fréquente  d'insuccès  quand  l'opé- 
ration est  faite  sans  précaution.  La  dépense  est  presque 
nulle,  la  main-d'œuvre  facile;  l'odeur  se  dissipe  en 
24 heures;  les  hommes  peuvent  sans  inconvénient  coucher 
le  soir  sur  des  lits  ou  dans  une  chambre  où  cette  opération 
a  été  faite  dans  la  matinée,  pourvu  que  les  fenêtres  soient 
restées  ouvertes  pendant  tout  l'intervalle.  Toute  crainte 
d'incendie  doit  être  écartée  ;  l'expérience,  renouvelée 
bien  des  fois,  a  montré  qu'une  planche  badigeonnée  avec 
un  mélange  à  parties  égales  d'eau  et  de  pétrole  peut  être 
maintenue  au-dessus  d'une  bougie  sans  qu'aucune  inflam- 
mation ait  lieu.  Deux  opérations  par  an  sont  à  la  rigueur 
nécessaires  pour  détruire  les  œufs,  qui  résistent  plus  que 
les  parasites  à  l'état  de  complet  développement. 

Les  solutions  de  sublimé  seraient  peut-être  dangereuses, 
la  térébenthine  laisse  une  odeur  plus  persistante  et  est  moins 
efficace  que  le  pétrole.  La  poudre  de  pyrèthre  est  presque 
toujours  falsifiée  avec  de  la  sciure  de  gayac  ou  d'autres 
bois;  il  est  inutile  d'insister. 

Les  lotions  de  sublimé  à  1  p.  500  détruisent  rapidement 
et  sans  inconvénient  les  pediculi  capitis  et  pubis.  Les  fu- 
migations de  soufre  non  seulement  font  disparaître  pour 
longtemps  toutes  les  punaises  cachées  dans  les  fissures  ou 
les  écailles  des  murs  ou  des  plafonds,  mais  elles  font  sou- 
vent périr  les  petits  rongeurs  ;  les  cadavres  des  animaux 
se  putréfient  dans  les  réduits  ou  sous  les  planchers,  et 
peuvent  devenir  une  cause  nouvelle  d'infection  qu'il  faut 
savoir  découvrir.  Sic  mala  de  botiis. 

ART.  III.  —  ÉVIERS,  TUYAUX  DE  CONDUITE  DES  EAUX 
MÉNAGÈRES. 

La  désinfection  des  éviers,  gargouilles, plombs,  etc.,  s'ob- 
tient assez  facilement  par  le  lavage  à  grande  eau  decessurfa- 


CONDUITES  DES  EAUX  MÉNAGÈRES.  615 

•ces  OU  réservoirs;  on  peut  ajouter  à  l'eau  un  à  deux  centièmes 
d'eau  de  javelle,  ainsi  que  le  recommande  V InstrucUoii  du 
Préfet  de  police  en  date  du  10  novembre  18  i8,  concernant 
les  moyens  d'assurer  la  salubrité  des  habitations,  ou  bien  du 
■chlorure  de  chaux,  du  chlorure  de  zinc,  de  l'acide  phénique. 
Mais  ce  lavage  est  le  plus  souvent  insuffisant  :  la  désin- 
fection n'est  obtenue  ici  encore  qu'en  faisant  cesser  les 
causes  ou  les  sources  de  l'infection.  La  perméabilité 
complète  des  conduits  doit  être  rigoureusement  surveillée  ; 
il  s'accumule  souvent  aux  parties  rétrécies  ou  infléchies 
des  débris  de  matières  organiques  tapissant  la  surface  in- 
terne des  tuyaux  et  qui,  se  putréfiant  chaque  jour  davantage, 
dégagent  des  odeurs  horribles.  Le  curage  mécanique, 
parfois  le  démontage  des  tuyaux,  sont  ici  le  prélude  néces- 
saire de  la  désinfection.  Même  quand  il  n'y  a  pas  d'obtruc- 
tion  relative,  la  formation  d'une  couche  de  matières  grasses 
ou  autres  à  la  surface  des  conduits  est  presque  inévitable; 
il  est  donc  indispensable  de  garnir  d'appare.ls  à  obturation 
hydraulique  les  orifices  qui  ouvrent  dans  l'intérieur  des 
habitations:  courbures  siphoïdes,  cuvettes  à  laDéparcieux, 
ou  autres  ;  il  est  plus  facile  d'établir  ces  appareils,  que  d'ob- 
tenir qu'on  les  tienne  fermés,  en  état  de  fonctionner. 

Les  tuyaux  verticaux  de  conduite  des  eaux  ménagères 
ne  doivent  pas  se  continuer  sans  interruption  jusque  dans 
l'égout  de  la  rue  :  autrement,  ces  tuyaux  se  transforment  en 
cheminées  d'évent  par  lesquelles  l'égout  se  ventile  dans 
•l'intérieur  des  maisons  chauffées  (1).  C'est  un  principe  sur 
lequel  tous  les  ingénieurs  sanitaires  sont  d'accord,  en 
Angleterre  en  particulier  :  une  discontinuité  est  nécessaire 
entre  le  tuyau  vertical  qui  longe  les  maisons,  et  le  tuyau 
horizontal  qui  pénètre  dans  l'égout;  quand  le  premier  se 
termine  brusquement  à  lo  ou  2o  centimètres  au-dessus  de 

(1)  Ziiber,  Des  gaz  d'égouls  et  de  leur  influence  sur  la  santé  publique, 
Revue  critique  {Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1881,  p.  633,  et 
1882,  p.  267). 


616  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

la  cuvette  en  entonnoir  qui  surmonte  le  second,  les  gaz 
fétides  qui  pourraient  refluer  de  l'égout  se  dégagent  dans 
la  rue  et  ne  peuvent  remonter  jusqu'à  l'appartement. 
Toutefois,  un  coupe-air  avec  diaphragme  vertical  plon- 
geant de  7  centimètres  au-dessous  de  la  nappe  du  trop- 
plein,  paraît  garantir  contre  toute  chance  de  reflux  des  gaz 
par  l'excès  de  pression  dans  l'égout  (voy.  Égouts). 

ART.  IV.  —  RÉSIDUS  DE  CUISINE. 

Les  débris  alimentaires,  les  résidus  de  cuisine,  sont 
souvent  une  cause  de  grande  infection.  On  ne  peut  son- 
ger à  employer  ici  les  substances  toxiques,  comme  le 
chlorure  de  zinc,  le  sulfate  de  zinc  ou  de  fer,  qui  pour- 
raient être  par  erreur  introduits  dans  les  aliments  :  il 
faut  également  répudier  les  désinfectants  qui  ont  une  odeur 
flagrante  ou  désagréable,  comme  les  préparations  de 
chlore,  l'acide  phénique.  Une  seule  substance  est  utilisa- 
ble, c'est  la  poussière  de  charbon  de  bois  ou  la  cendre 
du  foyer,  dont  une  couche  peu  épaisse  versée  à  la  sur- 
face des  débris  contenus  dans  les  seaux  aux  ordures  em- 
pêchera le  dégagement  des  gaz,  surtout  quand  ces  seaux 
sont  munis  d'un  couvercle.  Il  vaut  mieux  encore  ne  pas 
laisser  ces  résidus  séjourner  plus  de  12  heures  dans  l'inté- 
rieur des  appartements,  et  laver  fréquemment  les  récipients 
qui  les  contiennent  avec  un  des  liquides  que  nous  venons 
de  mentionner.  En  Angleterre,  on  a  inventé  en  ces  derniers 
temps  des  réceptacles.à  fond  mobile,  et  dont  la  partie  supé- 
rieure sert  de  tuyau  de  tirage  :  cet  appareil  est  porté  fermé 
au-dessus  d'un  des  trous  d'un  fourneau  très  bien  allumé 
et  à  fort  tirage;  en  ouvrant  le  fond  mobile,  ces  débris 
tombent  sur  les  charbons  enflammés  et  sont  détruits  par 
le  feu.  Dans  notre  pays,  où  les  fourneaux  ne  sont  pas 
constamment  allumés  comme  en  Angleterre,  ce  moyen 
nous  paraît  moins  facilement  praticable. 


LATRINES.  617 


ART.  V.  —  LATRINES 

Les  latrines  doivent  être  désinfectées  quand  elles  sont 
malpropres,  mal  tenues,  ou  mal  construites  ;  dans  le  pre- 
mier cas,  l'opération  est  assez  facile,  dans  le  second  elle 
est  presque  impossible.  Pour  assurer  une  désinfection 
durable,  quatre  conditions  sont  nécessaires  : 

i°  Intercepter  toute  communication  entre  la  fosse  et  le 
cabinet; 

2°  Empêcher  l'infiltration  des  matériaux  du  cabinet  par 
les  matières  solides,  liquides  et  gazeuses  ; 

3°  Empêcher  le  séjour  des  immondices  dans  le  cabinet  ; 

4"  Désinfecter  les  matières  de  vidange  ou  les  gaz  qui  s'en 
dégagent  et  qui  ont  pu  pénétrer  dans  les  latrines. 

A.  Cabinets.  —  Nous  ne  pouvons  admettre  qu'il  soit 
possible  de  désinfecter  les  latrines  de  nos  habitations, 
si  on  laisse  libre  la  communication  entre  le  siège  ou  l'ori- 
fice de  chute,  et  la  fosse  ou  le  réceptacle  inférieur.  C'est  là 
une  vérité  tellement  évidente,  qu'elle  semble  n'avoir  besoin 
d'aucune  démonstration.  Et  cependant,  combien  d'établis- 
sements publics,  combien  de  maisons  particulières,  même 
dans  les  grandes  villes,  où  rien,  absolument  rien,  n'em- 
pêche les  gaz  fétides  de  refluer  de  la  fosse,  parfois  de  l'égout, 
dans  le  cabinet  et  de  là  dans  toute  la  maison.  C'est  en  vain 
qu'on  répand  chaque  jour  dans  le  tuyau  de  chute  des 
substances  désinfectantes  (sulfate  de  fer  ou  de  zinc,  chlorure 
de  zinc,  huile  lourde  de  houille)  ;  l'inconvénient  est  di- 
minué ;  on  désinfecte  provisoirement  la  fosse,  on  ne  dé- 
sinfecte pas  les  latrines. 

Nous  connaissons  en  Algérie  un  hôpital  bâti  sur  un 
rocher  surplombant  un  ravin  très  profond,  au  fond  duquel 
serpente  un  fleuve,  encaissé  dans  un  lit  étroit.  Les  latrines 
ont  leurs  cabinets  exposés  en  plein  soleil,    et  le  tuyau  de 


618  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

chute  plonge  à  près  de  20O  mètres,  pour  aller  déboucher 
dans  le  torrent.  Non  seulement  les  ral'fales  de  vent  frais 
s'engouffrent  par  l'orifice  inférieur,  mais  encore  le  conduit, 
exposé  directement  au  soleil  et  se  terminant  dans  des 
cabinets  où  la  chaleur  est  élevée,  forme  une  véritable 
cheminée  d'appel  :  l'air  reflue  de  bas  en  haut  avec  une 
violence  extrême  dans  ce  long  tuyau,  se  charge  de  tous 
les  miasmes  et  des  gaz  fournis  par  une  surface  énorme, 
et  vient,  ou  du  moins  venait,  infecter  tout  l'hôpital.  Que 
peuvent  les  désinfectants  chimiques  en  pareils  cas,  et  la 
base  de  toute  tentative  de  désinfection  ne  doit-elle  pas 
être  l'occlusion  siphoïde  ou  hydraulique  du  tuyau  de  chute? 

Même  dans  les  cabinets  des  habitations  aisées,  les  appa- 
reils d'occlusion  usités  en  France  sont  tout  à  fait  insuffisants 
et  inefficaces.  On  se  contente  presque  constamment  d'une 
soupape  à  bascule,  légèrement  excavée  en  forme  de  cuvette, 
et  retenant  une  très  petite  quantité  d'eau  ou  plonge  l'extré- 
mité rétrécie  de  la  cuvette  en  porcelaine.  Le  moindre  obs- 
tacle, fabsence  d'eau,  l'excès  de  tension  dans  le  tuyau  de 
chute,  l'abaissement  de  la  valvule  à  chaque  fonctionnement, 
laissent  refluer  les  gaz  vers  l'appartement.  Les  appareils  à 
siphon  simple  ou  double  (Jenning,  etc.),  d'un  usage  cons- 
tant en  Angleterre,  sont  à  peine  connus  en  France  et  nous 
n'en  trouvons  signalés  que  deux,  d'ailleurs  tombés  en 
désuétude,  dans  le  Traité  très  complet  de  M.   Liger  (1). 

Nous  n'avons  pas  à  entrer  ici  dans  la  description  des 
appareils  les  plus  convenables  ;  il  suffit  de  dire  qu'ils  doi- 
vent présenter  une  faible  surface  exposée  à  être  souillée  par 
les  matières  solides,  et  constituer  un  siphon  ou  une  cuvette 
siphoïde  dont  l'inflexion  restant  toujours  pleine  de  liquide, 
empêche  tout  reflux  de  gaz  de  bas  en  haut.  Le  Traité  'de 
l'ingénieur  anglais  Baldwin  Latham  (2)  décrit,  figure  et 

(1)  Liger,  Fosses  d'aisances,  latrines,  urinoirs,  elc,  Paris,  1873,  p.  224. 
{^)  B.Éldwin  Lalham,  Sanitary  Engeneering,  a  guide  to  the  construction 
of  Works  of  sewerage  and  house  drainage;  Loudoii,  1878,  p.  380. 


LATRINKS.  619 

critique  toutes  les  combinaisons  qui  ont  été  imaginées  en 
Angleterre  et  qui  sont  d'un  emploi  journalier;  il  serait 
grand  temps  de  les  introduire  dans  notre  pays. 

Quand  on  poursuit  l'entreprise  d'une  désinfection  de 
latrines,  il  faut  donc  avant  tout  s'assurer  que  l'interception 
des  gaz  de  la  fosse  est  complète,  hydraulique,  et  que  rien 
ne  s'échappe,  soit  parla  valvule,  quand  elle  existe,  soit  par 
les  fissures  et  les  solutions  de  continuité  que  peuvent  pré- 
senter l'ajutage  de  la  cuvette,  le  tuyau  de  chute,  le  tuyau 
d'évent,  etc. 

Il  ne  suffit  pas  d'avoir  de  bons  appareils,  il  faut  qu'ils 
fonctionnent;  pour  cela  il  faut  beaucoup  d'eau.  Si  le  ser- 
vice public  ne  dessert  pas  la  maison  ou  l'établissement, 
s'il  faut  compter  sur  les  corvées  d'hommes  pour  remplir 
les  réservoirs,  les  réservoirs  seront  toujours  vides.  Les 
hygiénistes  anglais  (Parkes)  demandent  par  personne  et 
par  jour  27  litres  d'eau  pour  les  latrines  seulement,  sur 
un  total  de  136  litres  par  habitant,  y  compris  le  service 
municipal.  C'est  un  chiffre  libéral,  aussi  en  Angleterre  les 
appareils  marchent-ils  bien  ;  en  France,  l'année  dernière^ 
M,  Alphand  évaluait  la  dépense  par  jour  et  par  personne^ 
dans  les  maisons  privées,  à  3  litres  !  Nous  connaissons  un 
hôpital  011  l'on  a  installé  à  grands  frais  des  appareils  Jen- 
ning;  les  latrines  n'y  sont  pas  moins  infectes  qu'autre- 
fois; c'est  que  cet  appareil,  qui  est  excellent,  consomme 
5  à  8  litres  par  chaque  fonctionnement;  l'approvisionne- 
ment d'eau  étant  insuffisant,  le  siphon  s'obstrue,  l'infec- 
tion est  parfois  insupportable.  Si  l'on  veut  que  les  occlu- 
sions soient  hydrauliques  et  parfaites,  la  condition  sine 
qiiâ  non  est  donc  d'avoir  beaucoup  d'eau;  voilà  le  pre- 
mier élément  de  désinfection. 

Cela  ne  suffit  pas.  Dans  des  cabinets  mal  tenus,  tout  est 
imprégné  de  gaz,  de  miasmes  infects,  de  liquides  altérés  : 
le  bois  des  sièges,  des  portes,  les  murailles,  le  sol,  etc. 
C'est  surtout  dans  les  latrines  que  les  matériaux  imper- 


620  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

méables  sont  indispensables  ;  les  murailles  blanchies  à  la 
chaux  sont  rapidement  imprégnées  dans  toute  leur  épais- 
seur par  l'hydrogène  sulfuré,  le  sulfhydrate  d'ammonia- 
que, les  vapeurs  chargées  de  matières  organiques  qui  se 
dégagent  des  fosses.  Les  fissures  du  sol,  les  interstices  qui 
existent  à  la  jonction  des  murs  verticaux  et  des  plans  ho- 
rizontaux laissent  pénétrer  l'urine,  les  eaux  de  lavages  ; 
celles-ci  en  se  putréfiant  sont  une  des  causes  principales 
de  cette  odeur  persistante  contre  laquelle  les  désinfectants 
restent  inefficaces.  Le  sol,  surtout  quand  il  est  exposé  à 
être  fréquemment  mouillé,  doit  être  formé  de  matières  du- 
res, imperméables,  non  fragiles  (ciments,  asphaltes,  etc.). 

L'acide  chlorhydrique  dilué  au  dixième  ou  au  quin- 
zième réussit  assez  bien  à  faire  disparaître  les  inscrusta- 
tions  urinaires  ou  salpètrées  qui  se  forment  au  bas  des 
murs  des  latrines  mal  entretenues,  dans  les  encoignures, 
sur  les  dalles,  dans  certains  baquets.  La  Direction  des  tra- 
vaux de  la  ville  de  Paris  emploie  dans  ces  cas  des  solu- 
tions à  des  titres  variables  :  pour  les  dalles  ou  encoi- 
gnures très  encrassées,  1  litre  d'acide  pour  5  litres  d'eau  : 
pour  les  lavages  ordinaires,  la  solution  à  1  p.  40  ou 
pour  15;  ce  produit  laisse  après  son  emploi  une  odeur  suf- 
focante, m.ais  qui  s'évapore  vite.  La  nitro-benzine  ou  es- 
sence de  mirbane  peut  être  employée  de  la  même  façon  et 
aux  mêmes  doses  (1  p.  10);  elle  est  très  corrosive,  laisse 
une  odeur  désagréable  d'amandes  amères  et  une  couche 
blanchâtre  qui  disparaît  par  le  lavage. 

Si  l'on  veut  obtenir  un  assainissement  plus  sérieux,  il 
faut  souvent  repiquer  les  murs,  surtout  à  leur  partie  infé- 
rieure, c'est-à-dire  enlever  avec  la  pioche  une  certaine 
épaisseur  de  la  muraille  ou  du  sol,  et  remplacer  ces  maté- 
riaux saturés  par  des  matériaux  neufs  ou  mieux  par  une 
couche  de  ciment.  Au  badigeonnage  à  la  chaux,  il  faut 
substituer  les  peintures  à  l'huiie,  au  blanc  de  zinc  ou  aux 
silicates  ;  nulle  part  peut-être  ces  enduits  imperméables  ne 


LATRINES.  621 

sont  plus  nécessaires  que  dans  les  cabinets  d'aisances,  parce 
que  nulle  part  la  souillure  des  murs  poreux  n'est  plus  facile 
par  les  gaz  méphitiques.  De  temps  en  temps,  si  l'odeur  re- 
parait, on  peut  laver  les  parois  avec  des  solutions  désinfec- 
tantes d'acide  phéniquc,  de  chlorure  de  zinc,  etc. 

Le  bois  des  sièges  est  incessamment  exposé  à  l'impré- 
gnation par  les  liquides;  au  bout  d'un  certain  temps,  toute 
désinfection  est  devenue  impossible  ;  la  destruction  par  le 
feu  est  la  seule  ressource,  ressource  extrême  à  laquelle  on 
ne  se  résigne  pas  aisément.  Aussi,  est-il  indispensable  de 
ne  mettre  en  usage  les  sièges  en  bois,  qu'après  les  avoir 
imprégnés,  saturés  en  quelque  sorte  par  un  corps  gras,  un 
vernis  qui  en  obstrue  les  pores  et  n'y  laisse  plus  péné- 
trer les  liquides.  Quand  cette  précaution  initiale  a  été 
omise  et  que  la  désinfection  est  devenue  nécessaire,  on 
fait  des  lavages  à  la  brosse  avec  de  l'eau  bouillante  alca- 
line ou  contenant  1  à  5  pour  100  de  chlorure  de  zinc;  après 
un  second  lavage  à  l'eau  simple,  on  attend  trois  ou  quatre 
jours  pour  que  le  bois  soit  sec  dans  toute  son  épaisseur. 
L'on  fait  alors  une  application  d'huile  de  lin  bouillante,  ou 
on  répand  une  couche  de  paraffine  en  poudre,  qu'on  fait 
fondre  par  le  rayonnement  d'un  foyer  ou  d'une  plaque 
chauffée,  ou  l'on  a  recours  à  la  peinture  à  l'huile,  aux 
vernis. 

Quand  les  sièges  sont  très  propres,  luisants  et  bien 
cirés,  ils  inspirent  la  confiance,  on  les  respecte...  sur- 
tout si,  dans  les  établissements  publics,  un  gardien  ou 
un  factionnaire  est  préposé  à  la  surveillance  des  cabinets  ; 
l'éducation  des  personnes  les  plus  incultes  se  fait  peu  à 
peu,  et  la  surveillance  n'est  plus  nécessaire  qu'à  longs  in- 
tervalles. Nous  avons  vu  ce  moyen  réussir  à  produire  une 
désinfection  devant  laquelle  avaient  échoué  jusque-là  tous 
les  agents  chimiques.  Mais  l'application  en  est  souvent 
impossible.  11  faut  alors  réduire  au  minimum  la  surface 
susceptible  d'être  souillée,  éloigner  le  siège  de  la  muraille, 


622  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

l'isoler  de  toutes  parts,  et  en  rendre  la  fréquentation  im- 
possible autrement  que  dans  la  situation  assise.  Le  siège 
en  forme  de  borne,  adopté  à  l'école  Monge,  réalise  ces 
desiderata  :  la  cuvette  en  fonte  émaillée  semble  posée  par 
son  extrémité  inférieure  sur  le  sol;  son  bord  supérieur  est 
garni  d'un  rebord  arrondi  en  bois  verni,  n'ayant  pas  plus 
de  3  centimètres  de  diamètre,  qu'il  est  difficile  de  souiller 
et  sur  lequel  il  est  impossible  de  monter  ;  la  cuvette  a  un 
bec  antérieur  très  allongé  pour  recevoir  l'urine,  et  prend 
la  forme  d'un  bidet  de  toilette,  sur  lequel  on  est  plutôt 
dans  la  position  à  cheval  qu'assis.  On  circule  librement 
tout  autour  de  cette  borne,  il  n'existe  ni  anfractuosité  ni 
encoignure  qui  puisse  servir  de  réceptacle  aux  immondices, 
et  la  surveillance  de  la  propreté  est  facile.  Cet  appareil 
nous  paraît  offrir,  plus  que  la  lunette  ordinaire,  des  ga- 
ranties contre  la  projection  de  l'urine  sur  le  sol. 

C'est  en  effet  l'urine,  plus  encore  que  les  matières  so- 
lides, la  véritable  cause  de  l'infection  des  latrines  mal 
tenues.  Toute  installation  qui  permet  la  position  accrou- 
pie (1)  entraîne  le  dardement  de  l'urine  en  avant  de  l'opé- 
rateur et  la  souillure  du  sol.  Dans  une  commission  mi- 
litaire dont  nous  faisions  partie ,  nous  nous  sommes 
récemment  efforcé  de  faire  mettre  en  essai  une  disposition 
qui  permet  d'éviter  cet  inconvénient,  sans  imposer  la  po- 
sition assise,  laquelle  répugne  à  beaucoup  de  personnes 
dans  les  habitations  collectives.  Le  sol  du  cabinet  propre- 
ment dit  est  de  25  à  30  centimètres  en  contre-bas  du  niveau 
de  la  salle  servant  de  vestibule  ;  en  avant,  une  plaque  de 
marbre  inchnée  à  45"  en  haut  et  en  arrière  réunit  les  deux 


(1)  D""  E.-R.  Perrin,  Rapport  au  préfet  de  la  Seine,  au  nom  de  la  coin- 
mission  des  lurjernents  insalubres,  sur  les  amJliorations  à  apporter  dans 
la  leiuie  et  fusarje  des  c^ibinels  d'aisances  dans  les  écoles  primaires  et 
asiles  communaux  de  la  ville  de  Paris;  rapports  généraux  de  18.51  à  1869; 
Paris,  1877,  p.  203.  —  D''  E.-R.  Purrin,  De  la  réforme  des  latrines  scolaires. 
{Bulletin  de  la  Société  de  médecine  publique  et  d'hygiène  professionnelle, 
1878,  T.  1.  p. .445.)  .  . 


LATRINES.  023 

niveaux,  reçoit  le  jet  d'urine  et  fait  couler  celle-ci  vers 
l'orifice  de  chute.  Ce  dernier,  garni  d'une  cuvette  à  sou- 
pape hydraulique  du  modèle  ordinaire,  a  son  bord  supé- 
rieur au  niveau  du  sol  du  cabinet,  et  est  surmonté  latéra- 
ment  de  deux  pédales  ou  marches  élevées  de  15  centi- 
mètres pour  placer  les  pieds'.  Les  parois  postérieure  et 
latérales  du  cabinet  sont  garnies  de  briques  vernios,  et 
forment  des  surfaces  inclinées,  lisses,  imperméables,  qui 
rejoignent  roriiice.  Il  en  résulte  que  la  surface  très 
étroite  du  sol  du  cabinet  peut  seule  être  mouillée  ;  elle  est 
facilement  lavée,  et  le  vestibule  sur  lequel  ouvre  la  série 
de  cellules  peut  ne  jamais  recevoir  une  goutte  de  liquide. 

Il  va  de  soi  que  ce  vestibule  est  garni  d'urinoirs,  non 
pas  formés  de  plaques  verticales,  baignées  plus  ou  moins  ir- 
régulièrement par  un  mince  filet  d'eau,  mais  bien  en  forme 
de  cuvette,  en  porcelaine  ou  en  fonte  émaillée,  qu'on  peut, 
dans  certains  établissements,  surmonter  d'un  robinet  à 
pression,  ne  fonctionnant  que  pendant  le  temps  où  la  main 
presse  le  levier.  Le  principe,  on  le  voit,  est  de  n'exposer 
à  être  souillée  que  la  surface  la  plus  petite  possible,  de  la- 
ver immédiatement  les  réservoirs  qui  ont  reçu  les  déjec- 
tions, et  de  tenir  tout  le  reste  dans  un  état  de  propreté 
sèche  et  reluisante. 

Il  y  a,  en  effet,  deux  voies  différentes  par  lesquelles  on 
peut  arriver  à  la  désinfection  des  latrines  :  la  propreté 
sèche,  la  propreté  par  le  lavage.  La  première  nous  paraît 
préférable  ;  elle  est  d'une  application  plus  difficile,  elle  de- 
mande des  soins,  une  surveillance  attentive  ;  elle  implique 
la  bonne  volonté,  et  nous  dirions  la  bonne  éducation  des 
visiteurs,  à  qui  l'on  doit  apprendre  la  décence,  c'est-à-dire 
le  respect  de  soi-même  et  des  autres.  Une  désinfection  vé- 
ritable ne  sera  obtenue  qu'à  ce  prix.  A  ce  point  de  vue, 
les  mœurs  dans  notre  pays  sont  fort  en  retard  ;  c'est  chez 
l'enfant,  c'est  à  l'école  primaire,  c'est  dans  les  lycées  que 
ces  mœurs  doivent  être  changées.  Presque  tout  est  à  faire; 


624  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

nous  connaissons  de  grands  lycées  de  Paris,  où  les  latrines, 
fort  heureusement  isolées  dans  les  cours,  loin  des  bâti- 
ments, exhalent  dans  tout  le  voisinage  une  odeur  épou- 
vantable ;  le  vice  de  construction  est  tel,  que  toute  désin- 
fection est  presque  impossible  ;  comment  espérer  que  des 
enfants  se  comportent  d'une  façon  décente  dans  de  tel- 
les sentines?  Si,  au  contraire,  les  orifices  de  chute  sont 
hermétiques,  lavés  automatiquement  et  abondamment;  si 
les  sièges  sont  commodes,  d'une  propreté  irréprochable, 
si  la  surveillance  est  sévère,  pas  une  goutte  d'eau  ou  de 
liquide  ne  sera  répandue  sur  le  sol,  lequel  pourrait  être  à  la 
rigueur  ciré,  comme  dans  les  maisons  aisées  ;  c'est  la  pro- 
preté sèche;  à  peine  est-il  besoin  de  désinfecter,  puisqu'il 
n'y  a  plus  de  cause  d'infection. 

Cet  idéal  paraît  à  beaucoup  tout  à  fait  irréalisable  dans 
les  établissements  publics,  et  en  général  l'on  considère 
comme  plus  pratique  la  propreté  par  le  lavage.  Ce  qui  fait 
maintenir  dans  beaucoup  d'établissements  les  latrines  à  la 
turque,  c'est-à-dire  de  simples  entailles  linéaires  ou  ar- 
rondies dans  les  dalles  du  sol,  c'est  la  faciUté  avec  laquelle 
on  peut,  avec  quelques  seaux  d'eau,  balayer  les  immon- 
dices et  les  précipiter  dans  l'orifice  béant  au-dessus  de  la 
fosse.  On  fait  dissoudre  par  litre  d'eau  50  à  100  grammes 
de  sulfate  de  fer  ou  de  zinc,  10  grammes  d'acide  phénique, 
de  chlorure  de  zinc,  etc.  ;  on  y  ajoute  quelques  grammes 
d'une  huile  essentielle  ou  d'essence  de  mirbane  en  guise 
de  parfum;  on  choisit  souvent,  pour  faire  cette  opéra- 
tion, le  moment  qui  précède  immédiatement  le  passage 
du  directeur  ou  d'un  inspecteur  général  des  établisse- 
ments publics,  et  la  désinfection  est  obtenue...  pendant 
une  demi-heure,  une  heure  au  plus.  Les  hygiénistes  et 
les  médecins  ne  peuvent  se  contenter  de  ce  simulacre 
d'assainissement ,  c'est  la  source  de  l'infection  qu'il  faut 
détruire.  Cette  source  est  sans  doute  dans  la  fosse;  elle 
est  aussi  pour  une  part  dans  les  cabinets  eux-mêmes. 


LATRINES.  625 

Quand  le  sol,  quand  les  parois  des  latrines  sont  chaque 
jour  et  plusieurs  fuis  par  jour  inondés  ainsi  d'eau,  les 
matériaux  s'imb'.bent,  se  fendillent,  et  deviennent  bientôt 
imprégnés  de  liquides  chargés  de  matière  organique.  Les 
visiteurs  répandent  l'urine  indistinctement  sur  tous  les 
points  de  la  salle;  on  ne  prend  aucune  précaution  dans 
un  local  mouillé,  et  la  même  négligence  a  lieu  en  ce  qui 
concerne  les  matières  fécales.  Les  lavages  à  grande  eau  sont 
un  assez  bon  moyen  de  désinfection  dans  certaines  latrines 
qui  sont  éloignées  des  habitations,  en  plein  air,  au  bas  de 
nos  quais  par  exemple,  dans  celles  qui  sont  très  mal  cons- 
truites et  très  mal  tenues.  On  peut  ainsi  nettoyer  des 
écuries  d'Augias,  c'est  un  pis  aller  ;  on  doit  faire  mieux 
dans  la  plupart  des  établissements  publics,  c'est-à-dire 
réformer  le  mode  de  construction  des  latrines,  substituer 
les  fosses  mobiles,  tout  au  moins,  aux  fosses  fixes,  ré- 
clamer l'occlusion  hermétique  des  tuyaux  de  chute,  l'intro- 
duction de  l'eau  en  abondance,  etc. 

En  attendant,  si  l'on  veut  être  pratique,  il  faut  remé- 
dier au  mal  qui  existe  ;  la  désinfection  de  la  fosse  peut 
être  obtenue  de  deux  façons  :  ou  bien  en  désinfectant  les 
matières  déjà  décomposées,  ou  bien  en  empêchant  les 
matières  fraîches  de  s'altérer. 

B.  Fosses.  —  Pour  atteindre  ce  but,  l'on  peut  em- 
ployer les  solutions  de  sulfate  de  fer  ou  de  zinc,  de 
chlorure  de  zinc,  d'acide  phénique,  contenant  10  ou  20 
grammes  au  moins  de  sel  par  litre,  à  la  fois  pour  laver 
les  surfaces  des  cabinets  dallés,  et  pour  empêcher  les  gaz 
de  se  dégager  des  fosses.  Dans  ce  dernier  cas,  les  solu- 
tions peuvent  être  beaucoup  plus  concentrées,  à  peu  près 
saturées  ;  il  suffit  que  le  sel  soit  dissous;  il  y  a  toujours 
trop  d'eau  dans  la  fosse.  Nous  y  reviendrons  encore  en 
parlant  de  la  désinfection  des  fosses  pour  les  opérations 
de  vidanges.  Le  sulfate  de  fer,  précieux  par  son  bon  mar- 

Valun.  —  Désinfectants.  40 


626  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

ché,  a  le  grand  inconvénient  de  former  partout  des  taches 
noires  de  sulfure,  ainsi  que  des  taches  de  rouille.  Le  chlo- 
rure de  zinc,  bien  supérieur  par  son  action  antiseptique, 
coûte  près  de  vingt  fois  plus  cher  (5  fr.  50  le  kil.  au  lieu 
de  0  fr,  23).  Toutefois,  on  trouve  aujourd'hui  dans  le  com- 
merce des  solutions  très  riches  en  chlorure  de  zinc,  pro- 
venant de  résidus  de  fabrication,  marquant  45  degrés 
Baume,  et  contenant  50  à  6o  pour  cent  de  chlorure.  Le 
prix  de  ces  liquides  n'atteint  pas  1  fr.  50  le  litre.  Les  solu- 
tions de  chlorure  de  zinc  ont  l'inconvénient  de  maintenir 
longtemps  humides  les  surfaces  irriguées,  car  le  sel  est. 
très  hygroscopique.  C'est  néanmoins  un  désinfectant  fort, 
utile  et  qui,  malgré  sa  toxicité,  nous  paraît  préférable  aux: 
sulfates  de  fer  et  même  de  zinc. 

Nous  avons,  déjà  mentionné  les  expériences  faites  en 
1856-1858,  à  l'hôpital  de  la  Salpètrière,  par  M.  Fermoftd, 
au  nom  d'une  commission  composée  de  MM.  Bouchardat» 
Tardieu,  Moissenet,  Cazalis  et  Fermond.  On  a  soumis  à 
des  essais  comparatifs  plusieurs  liquides  que  leurs  inven- 
teurs ou  prétendus  tels  proposaient  à  l'Assistance  publi- 
que :  1°  le  liquide  désinfectant  de  Ledoyen  (10  kil.  d'azo- 
tate de  plomb  cristallisé  pour  100  litres  d'eau,  et  marquant 
12  degrés  à  l'aréomètre);  S'' l'eau  antiméphitique  de  Lar- 
naudès  (sulfate  de  zinc,  1  kil.  250  gr.  ;  sulfate  de  cui- 
vre, 36  grammes;  eau,  10  litres).  Comparativement,  on 
employait  une  solution  de  sels  de  fer  et  de  chlorure  de 
chaux.  Nous  renvoyons  à  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut 
de  ces  expériences.  (Voy.  p.  58  et  suiv.).  Nous  reprodui- 
sons seulement  l'une  des  conclusions  du  rapport  de  M,  Fer- 
mond. 

«  Il  résulte  de  ces  observations  que  500  grammes  de 
chlorure,  dont  le  prix  net  est  de  26  centimes,  désinfectent 
à  peu  près  aussi  bien,  quant  à  ce  qui  concerne  l'hydro- 
gène sulfuré,  qu'un  litre  de  liquide  Larnaudès  du  prix  de 
"27  centimes,  et  que  un  litre  et  demi  de  liquide  Ledoyen, 


LATRINES.  027 

du  prix  de  30  centimes,  mais  le  chlorure  de  chaux  absorjie 
mieux  que  ces  derniers  hquides  l'ammoniaque  libre  des 
matières  fécales,  quoique  pourtant  il  en  reijte  des  quan- 
tités fort  notables.  » 

M.  Fermond  a  obtenu  la  même  désinfection  avec 
2o0  grammes  de  perchlorure  de  fer  (12  centimes)  et 
230  grammes  (4  centimes)  d'acide  chlorhydrique,  au  total 
16  centimes.  Mais,  par  contre,  ce  mélange  de  perchlorure 
détériore  les  matériaux  de  construction,  les  vêtements,  le 
linge,  et  produit  une  effervescence  très  gênante  des  ma- 
tières de  la  fosse.  Au  point  de  vue  de  la  désinfection  obte- 
nue, M.  Fermond  donne  le  premier  rang  au  chlorure  de 
chaux  ;  il  place  ensuite  le  liquide  Ledoyen,  puis  le  liquide 
Larnaudès  ;  au  point  de  vue  du  bon  marché,  il  les  range  dans 
l'ordre  suivant  :  perchlorure  acide  de  fer,  hypochlorite 
de  chaux,  hqueur  Ledoyen,  hquide  Larnaudès. 

On  a  bien  des  fois  essayé  de  faire  ainsi  le  classement 
des  diverses  substances  employées  pour  désinfecter  les 
latrines.  Flisch,  dans  un  très  bon  mémoire  expérimental 
sur  les  désinfectants,  plaçait  le  sulfate  de  fer  à  un  rang 
assez  inférieur  dans  l'échelle  des  substances  qui  empê- 
chent la  fermentation  des  matières  fécales  fraîches,  sub- 
stances qu'il  classait  ainsi  :  1°  acides  nitrique  et  phéni- 
que;  2°  acide  sulfurique  ;  3°  acide  chlorhydrique;  4°  huiie 
essentielle  de  térébenthine  ;  S°  acide  pyroligneux  impur  ; 
6°  sulfate  de  cuivre;  7°  sulfate  de  zinc;  8°  sulfate  de  fer; 
■9°  alun;  10"  tannin;  11°  solution  presque  neutre  de  chlo- 
rure de  fer;  12"  charbon  de  bois.  Roth  et  Lex,  de  leur  côté, 
ont  vu  qu'en  mélangeant  des  matières  fécales  solides  avec 
un  volume  double  de  solution  de  sulfate  de  fer  à  2  0/0,  au 
bout  de  8  jours  il  y  avait  une  grande  quantité  de  moisis- 
sures, mais  pas  trace  de  vibrioniens.  Ces  auteurs  ont  cal- 
culé que  pour  désinfecter  les  matières  fraîches  rendues 
en  24  heures  par  une  personne,  il  fallait  environ  24  gram- 
mes de  sulfate  de  fer  ;  quand  les  matières  sont  anciennes 


628  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

et  ont  fermenté,  la  dose  de  24  grammes  par  personne  et 
par  jour  est  insuffisante;  il  faut  neutraliser  complètement 
l'alcalinité.  L'extrême  bon  marché  du  sulfate  de  fer  (25  cen- 
times le  kilogr.)  est  un  précieux  avantage,  et  il  est  facile 
de  jeter  chaque  jour  dans  une  fosse  autant  de  fois  24  gr. 
de  sulfate  fer,  qu'il  y  a  de  personnes  qui  la  fréquentent  ; 
malheureusement  le  sulfate  de  fer  n'a  qu'une  action  anti- 
septique très  faible. 

Bien  que  les  lavages  et  l'aspersion  avec  le  chlorure  de 
chaux  aient  beaucoup  perdu  de  leur  prestige,  leur  action 
palliative  n'est  pas  douteuse  ;  le  mélange  doit  se  faire  en 
proportion  forte  :  500  grammes  pour  10  litres,  ou  10  parties 
d'eau  de  javelle  pour  100  parties  d'eau.  Un  meilleur  mode 
d'emploi  consiste  à  laver  les  surfaces  avec  des  solutions 
métalliques  ou  phéniquées,  et  à  répandre  du  chlorure  de 
chaux  en  poudre  sur  le  sol  ;  le  chlore  qui  se  dégage  len- 
tement détruit  une  partie  des  émanations  fétides  à  me- 
sure qu'elles  recommencent  à  se  produire.  Le  chlorure  de 
chaux  est  hygroscopique  ;  il  forme  des  taches  blanches  et 
boueuses  désagréables,  qui  ne  favorisent  pas  cette  pro- 
preté contagieuse  qu'il  faut  provoquer.  L'eau  de  javelle 
et  la  liqueur  de  Labarraque,  plus  coûteuses,  n'ont  pas  cet 
inconvénient.  Toutefois,  dans  les  latrines  mieux  tenues 
où  les  mauvaises  odeurs  ne  sont  qu'accidentelles,  on  ob- 
tient facilement  la  désinfection  en  laissant  à  demeure  le 
chlorure  de  chaux  dans  des  vases  largement  ouverts.  Nous 
avons  vu  obtenir  d'excellents  effets,  en  tenant  allumées 
pendant  la  durée  du  fonciionnement  une  ou  deux  de  ces 
bougies  stéariques  soufrées  que  nous  avons  mentionnées 
plus  haut  (p.  143). 

Les  agents  dont  nous  venons  de  parler  ne  sont  que  des 
palliatifs;  après  avoir  absorbé  les  gaz  putrides,  il  faut  em- 
pêcher les  matières  fraîches  de  se  putréfier  à  leur  tour  dans 
la  fosse;  après  l'emploi  des  absorbants,  celui  des  antisep- 
tiques ou  préventifs  de  la  putréfaction  est  nécessaire. 


LATRINES.  fj29 

Nous  devons  placer  au  premier  rang  une  substance  dont 
le  mode  d'action  est  multiple,  qui  agit  sans  doute  par  ses 
propriétés  antiseptiques,  mais  dont  le  rôle  comme  agent 
physique  est  incontestable,  toutes  les  fois  que  l'occlusion 
hermétique  est  impossible  parce  que  l'eau  fait  défaut.  C'est 
Vliulle  lourde  de  lioiùlle  (voy.  p.  17^)  ou  hydrocarbure 
phéniqué.  Ce  résidu  d'un  grand  nombre  d'usines  où  l'on 
traite  la  houille(usines  à  gaz,  couleurs  d'aniline,  etc.)  a  été 
particulièrement  employé  sur  une  large  échelle  par  M.  le 
D"  Emery-Desbrousses(l),  médecin-major  de  l'armée,  quia 
réussi  à  désinfecter  pendant  plus  de  deux  ans  les  latrines 
jusque-là  infectes  d'une  caserne,  et  à  y  conjurer  une  épi- 
démie de  fièvre  typhoïde. 

L'huile  lourde  de  houille  ne  supprime  pas  seulement  la 
mauvaise  odeur,  elle  emprisonne  les  germes  morbides  et 
arrête  la  fermentation.  Ce  liquide  brunâtre,  à  reflets  ar- 
gentés, gluant  et  onctueux,  est  un  mélange  très  complexe 
où  l'acide  phéniqué  et  les  phénols  tiennent  une  place  im- 
portante; il  a  une  densité  de  1,030;  mais  quand  on  le  pro- 
jette dans  l'eau,  une  partie  tombe  au  fond  du  réservoir, 
l'autre  surnage  comme  de  l'huile.  La  couche  légère  et  in- 
soluble qui  se  répand  à  la  surface  des  matières,  quand  on 
verse  cette  huile  dans  une  fosse,  produit  donc  une  sorte 
d'interception  hermétique  qui  empêche  l'action  de  l'air  ex- 
térieur sur  les  matières  et  arrête  le  dégagement  des  éma- 
nations méphitiques  (2);  la  partie  soluble,  l'acide  phéni- 

fl)  D""  Emery-Deshrousjes,  De  la  désinfection  des  fosses  d'aisances  par 
l'huile  lourde  de  houille.  (Société  de  médecine  publique  et  Revue  d'hygiène 
et  de  police  .sanitaire,  18S0,  p.   oOj-oll.) 

(2)  Dans  son  rapport  général  en  1S"8  sur  les  travaux  i!e  la  commission 
des  logiMncnls  insalubres,  M.  le  D''  E.-R.  Perrin  rappelle  qu'il  y  a  une 
douzaine  d'années,  un  dos  anciens  présidents  de  celte  commission, 
M.  Robinet,  avait  proposé  l'introduction,  dans  chaque  fosse  d'aisances, 
d'une  quantité  convenable  d'iiuile  végétale  quelconque;  , celte  huile,  en 
raison  de  sa  moindre  densité,  devait,  en  formant  une  couche  au-dessus 
des  matières,  isoler  ces  dernières  du  contact  de  l'air  et  en  prévenir  la 
fermentation.  [Rapport  cilé,  p.  3i.) 


630  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

que  et  les  phénols  qui  constituent  des  antiseptiques  assez: 
puissants,  retardent  singulièrement  la  fermentation  de- 
toute  la  masse.  Il  ne  s'agit  donc  pas  ici  seulement  d'un 
agent  absorbant  ou  fixateur  comme  les  sels  métalliques, 
mais  bien  d'un  véritable  désinfectant. 

M:  Dussard  (Académie  des  sciences,  3  août  1874)  jetait 
3  litres  de  cette  huile  par  mètre  cube  de  matières,  ou 
de  préférence  introduisait  cette  huile  lourde  dans  la  fosse 
vide,  après  la  vidange.  M.  Emery-Desbrousses  croit  que 
ce  liquide  agit  surtout  à  la  surface  des  fosses  par  sa  couche 
surnageante,  en  formant  une  sorte  d'écran  qui  intercepte 
les  émanations  délétères  et  leur  substitue  une  odeur  de 
goudron  et  de  phénol  très  prononcée.  Un  litre  à  la  fois 
de  cet  hydrocarbure,  mélangé  d'eau,  lui  a  paru  suffisant 
pour  une  fosse  de  50  mètres  carrés  superficiels.  Yoici  d'ail- 
leurs quel  est  le  mode  d'emploi  proposé  par  M.  Emery- 
Desbrousses  : 

«  Je  suis  partisan  d'une  désinfection  quotidienne,  et 
même  bi-quotidienne  en  cas  d'épidémie.  L'huile  tend  à 
s'agglutiner  aux  parois  de  la  fosse,  et  les  matières  sans 
cesse  projetées  doivent  chasser  Fhuile  à  la  périphérie  et 
laisser  le  centre  du  liquide  non  recouvert.  Par  conséquent, 
en  ne  faisant  F  opération  que  chaque  semaine  ou  deux  fois 
par  semaine,  la  désinfection  ne  serait  complète  que  pen- 
dant les  premières  heures.  Voici  le  modiis  faciendi  que  j'ai 
toujours  fait  appliquer  à  la  caserne  de  Vaucelles,  à  Caen  : 

«  La  fosse  de  cette  caserne  a  environ  50  mètres  carrés. 
Chaque  matin,  à  huit  heures,  on  plaçait  près  des  latrines 
et  préalablement  vidés,  les  baquets  faisant  office  de  ti- 
nettes dans  les  locaux  disciplinaires,  les  postes  isolés,  etc. 
Deux  de  ces  baquets  étaient  remplis  d'eau  presque  com- 
plètement (chaque  baquet  a  une  contenance  de  35  à  40  li- 
tres) ;  on  versait  alors  1/2  litre  d'hydrocarbure  dans  cha- 
cun de  ces  baquets  et  on  agitait  le  mélange  avec  un  bâton. 
Le  contenu  d'un  de  ces  baquets  était  alors  successivement 


LATRINES.  631 

versé  dans  tous  les  baquets  vides,  lesquels  par  ce  fait  se 
trouvaient  désinfectés.  Cette  opération  terminée,  deux 
hommes  saisissaient  le  dernier  baquet  et  en  projetaient 
le  contenu  sur  les  urinoirs  ;  le  baquet  resté  plein  était 
également  lancé  sur  les  urinoirs  et  sur  l'autre  extrémité 
des  latrines.  Une  partie  de  l'huile  de  houille  s'attachait 
aux  parois  des  urinoirs,  mais  la  plus  grande  partie,  en  rai- 
son de  la  pente,  allait  tomber  dans  la  fosse  et  s'y  étalait 
en  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  suivant  la  quantité 
employée. 

«  L'huile  lourde  de  houille  coûte  environ  15  centimes 
le  litre  et  je  sais  que  plusieurs  établissements  péniten- 
tiaires, entre  autres  celui  de  Gaillon  (Boulogne-sur-Merj, 
en  font  usage  avec  succès  depuis  plusieurs  années. 
Pendant  fort  longtemps,  ce  désinfectant  a  été  employé  à 
la  maison  centrale  de  force  de  Melun.  Depuis  le  mois  de 
Sieptem]:ire  1818,  on  a  remplacé  l'huile  lourde  par  le  désin- 
fectant Saint-Luc  (chlorure  de  zinc).  Le  motif  de  cet  aban- 
don me  paraît  être  de  nature  économique  et  a  tenu  peut- 
être  avissi  à  l'exagération  des  doses  quotidiennes.  On  em- 
ployait en  effet  3^^,500  d'huile  lourde  par  jour;  il  résultait 
de  ces  doses  massives  une  odeur  un  peu  trop  forte  dans 
des  locaux  fermés  et  étroits,  tels  que  le  quartier  cellulaire 
et  l'infirmerie.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  directeur  de  la  prison 
de  Melun  n'a  jamais  constaté  d'épidémie  dans  son  établis- 
sement, pendant  toute  la  durée  de  son  emploi.  » 

Reste  à  savoir  si  dans  de  grandes  maisons  d'habitation 
privée,  à  Paris  par  exemple,  la  projection  d'un  hectolitre 
de  cette  huile  de  houille  dans  une  fosse  commune  ne 
dégagerait  pas,  par  les  orifices  si  incomplètement  obturés 
des  latrines  de  chaque  appartement  et  de  chaque  étage, 
des  odeurs  goudronneuses  et  empyreumatiques  dont  se 
plaindraient  les  locataires. 

Malheureusement,  l'huile  lourde  de  houille,  qui  est  un 
résidu  encombrant  des  usines,    ne  se  trouve  pour  ainsi 


632  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

dire  pas  dans  le  commerce  courant,  tout  au  moins  dans  le 
commerce  de  détail.  A  Paris,  nous  n'avons  pu  en  obtenir 
un  litre  dans  les  plus  grandes  maisons  de  vente  de  pro- 
duits chimiques;  il  faudrait  s'adresser  directement  aux 
usines  à  gaz  et  en  demander  plusieurs  tonneaux.  Il  est  à 
désirer  que  cette  substance  vraiment  désinfectante  et  jus- 
qu'ici à  vil  prix  se  répande  dans  la  pratique  journalière 
de  l'hj'giène  :  que  de  maisons  particulières,  de  garnis, 
de  cités  ouvrières,  d'écoles,  de  casernes,  voire  d'hôpitaux, 
profiteraient  de  son  emploi  !  Nous  savons  que,  dans  cer- 
taines garnisons,  le  service  du  génie  militaire  a  passé  des 
marchés  avec  les  usines  locales  et  mis  l'huile  lourde  de 
houille  à  la  disposition  des  casernes  pour  la  désinfection 
des  latrines  ;  c'est  une  excellente  mesure  qu'il  faut  géné- 
raliser en  attendant  des  réformes  plus  radicales. 

On  a  également  préconisé  la  projection  journalière 
d'acide  phénique  dans  les  fosses.  Théoriquement,  on  pou- 
vait espérer  prévenir  ainsi  la  putréfaction  des  matières,  à 
une  époque  où  l'acide  phénique  était  considéré  comme  un 
puissant  destructeur  de  la  vie  des  germes.  Depuis  .qu'on 
a  réduit  cette  action  à  une  i>lus  juste  valeur,  il  faut  aban- 
donner cette  illusion.  D'ailleurs,  au  point  de  vue  pratique, 
Parkes  a  montré  depuis  longtemps  que  la  dépense  occa- 
sionnée par  l'acide  phénique  serait,  dans  ce  cas,  énorme. 
Les  expériences  sont  si  précises  que  nous  croyons  utile 
d'en  donner  un  résumé  (1). 

A  la  température  de  +  10"  à  -f  36°  cent.,  dit-il,  l'acide 
phénique  et  ses  sels  empêchent  la  putréfaction  des  ma- 
tières d'égouts  et  de  vidange  (sewagé)  ;  à  égalité  de  poids, 
il  est  décidément  supérieur  à  toutes  les  autres  substan- 
ces connues.  Ainsi,  tandis  que  3  à  4  grammes  d'acide 
phénique  cristallisé  empêchent  toute  altération  ultérieure  de 

(l)  Parkes,  On  Ihe  relative  poiuer  of  certain  socalled  disinfectant  in 
preventing  the  putréfaction  of  humaii  sewage  [Army  médical  Report  for 
1866,  T.viii,  p.  318.) 


LATRINES.  633 

112  grammes  de  matières,  une  quantité  double  de  sulfate 
de  fer  (7,80)  n'a  pour  ainsi  dire  aucun  effet  préservatif 
sur  le  même  poids  de  matières.  Il  en  est  de  même  pour  la 
solution  de  permanganate  de  potasse  :  56  grammes  de  li- 
queur de  Condy  ne  suffisent  pas  pour  prévenir  l'altéra- 
tion de  112  grammes  de  matières;  le  mélange  de'  liqueur 
de  Condy  et  de  sulfate  de  fer  n'agit  pas  mieux.  Les  sels 
de  zinc  sont  inférieurs,  à  poids  égal,  à  l'acide  phénique; 
avec  le  chlorure  de  chaux,  quand  l'odeur  du  chlore  s'est 
dégagée,  l'odeur  reparaît  extrêmement  désagréable. 

Mais  pour  que  cet  elfet  soit  obtenu,  il  faut  des  doses 
d'acide  phénique  bien  supérieures  à  celles  qu'on  emploie 
d'habitude.  Avec  une  quantité  de  3gi',88  (60  grains)  d'acide 
phénique  cristallisé  du  commerce,  et  par  une  température 
de  +  14;°  C,  on  n'arrête  pas  absolument  le  développe- 
ment des  vibrions  à  mouvements  rapides  dans  112  gram- 
mes de  matière  et  l'odeur  fécale  est  encore  appréciable;  à 
mesure  que  la  température  ambiante  s'élève,  l'effet  pré- 
ventif n'est  obtenu  que  par  des  doses  croissantes. 

Les  chiffres  qui  précédent  équivalent  à  33  grammes 
d'acide  phénique  cristallisé  par  litre  de  matières  de  vi- 
dange, soit  33  kilogrammes  par  mètre  cube! 

Parkes  a  confirmé  ces  résultats  par  des  expériences  phy- 
siologiques faites  sur  lui-même.  Pendant  les  mois  d'octo- 
bre à  décembre  1867,  occupé  à  des  expériences  sur  l'ac- 
tion des  gaz  d'égouts,  il  inhalait  presque  chaque  jour  dans 
son  laboratoire  des  odeurs  de  vidanges.  Quand  les  ma- 
tières étaient  putrides  et  non  désinfectées,  il  éprouvait 
une  indisposition  et  un  malaise  qui  duraient  (le  6  à  24  heu- 
res :  constriction  particulière  de  tout  le  voile  du  palais, 
d'une  partie  de  la  voûte  palatine,  de  la  muqueuse  nasale; 
augmentation  de  la  sécrétion  salivaire,  état  nauséeux,  sen- 
sation de  frisson,  mal  de  tète  et  dépression.  Ces  effets 
étaient  constants.  En  mars  1868,  il  reprit  ses  expériences 
en  traitant  les  matières  fécales  avec  des  désinfectants.  Il 


634  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

laissa  de  la  matière  de  vidange  se  putréfier,  puis  il  y  ajouta 
6=%8  d'acide  phénique  pur  pour  1,000  grammes  de  li- 
quide; l'odeur  fécale  n'était  pas  entièrement  détruite.  Les 
émanations  eurent  encore  quelque  action  sur  lui,  mais 
à  un  moindre  degré  ;  les  symptômes  ne  durèrent  que  de 
2  à  3  heures,  et  le  soir  il  était  tout  à  fait  rétabli.  Il 
doubla  alors  la  dose  d'acide  phénique,  soit  13°'', 6  pour 
1,000  grammes  de  liquide  putride;  2  heures  après  l'addi- 
tion, les  émanations  étaient  perceptibles  et  produisirent 
encore  quelques  légers  symptômes;  mais  deux  jours  après, 
en  renouvelant  cette  expérience,  les  effets  éprouvés  ne  se 
reproduisirent  pas  ou  du  moins  furent  à  peine  apprécia- 
bles. En  résumé,  il  faudrait  d'après  Parkes  13  à  13  gram- 
mes d'acide  phénique  pur,  par  litre  de  liquide  de  vidanges 
pour  empêcher  toute  action  nuisible  des  émanations  sur 
l'organisme,  soit  13  à  15  kilogrammes  par  mètre  cube 
dans  une  fosse  ! 

Les  solutions  d'acide  phénique  sont  plus  actives  que  les 
acides  en  cristaux,  les  poudres,  etc.;  mais  les  produits  im- 
purs sont  plus  actifs  que  les  produits  chimiquement  purs. 
Dans  les  dernières  séries  d'expériences,  60  grains  (33"', 88) 
d'acide  cristallisé  furent  trouvés  beaucoup  moins  actifs 
qu'une  demi-once  d'acide  phénique  liquide  de  Calvert,  à 
bas  prix. 

Parkes  a  comparé  l'action  des  deux  poudres  désinfec- 
tantes de  Calvert  et  de  Mac-Dougall,  qui  sont  journelle- 
ment employées  en  Angleterre,  Celle  de  Calvert  contient 
20  à  30  0/0  d'acide  phénique,  mêlé  à  de  l'alumine  et  du 
silicate  d'alumine;  celle  de  Mac-Dougall  est  un  mélange 
de  phénates  et  de  sulfites  de  chaux  et  de  magnésie  ;  cette 
dernière  ajoutés  aux  matières  de  vidanges  leur  donne 
une  réaction  franchement  alcaline,  tandis  que  la  première 
ne  modifie  pas  la  réaction  des  matières  alvines  fraîches. 
Ces  deux  poudres  à  la  dose  de  15  grammes  préviennent 
l'une  et  l'autre  assez  bien  la  fermentation  de  112  grammes 


LATRINES.  035 

de  matières  fécales  solides  pendant  17  à  18  jours;  mais 
comment  peut-on  songer  à  introduire  dans  la  pratique  jour- 
nalière une  poudre  coûteuse,  dont  il  faut  125  grammes 
pour  désinfecter  1  litre  de  matières,  soit  123  kilogrammes 
par  mètre  cube  ? 

Erismann  (1),  dans  un  excellent  mémoire  publié  en  ces 
dernières  années,  a  ajouté  à  la  matière  des  fosses  fixes  des 
poids  égaux  de  substances  réputées  désinfectantes,  et  il 
a  cherché  quelles  quantités  d'acide  carbonique,  d'ammo- 
niaque, d'hydrogène  sulfuré  ou  hydrogène  carboné,  se  dé- 
gageaient ensuite  de  ces  matières.  Il  a  expérimenté  sur  le 
sublimé,  le  sulfate  de  fer,  l'acide  sulfurique,  la  terre  de 
jardin,  le  charbon  de  bois.  Il  a  constaté  l'efficacité  d'action 
antiseptique  du  sublimé  et  de  l'acide  sulfurique,  mais  il 
rejette  le  bichlorure  de  mercure  à  raison  de  sa  cherté?  Ces 
expériences  sont  à  reprendre  en  ce  qui  concerne  le  su- 
blimé ;  ce  que  nous  savons  de  la  puissance  antiseptique  de 
cet  agent  à  des  doses  extrêmement  faibles,  doit  faire  ou- 
blier ce  qu'il  y  a  d'étrange  au  premier  abord  à  employer 
un  tel  poison  à  des  usages  industriels  :  mais  n'est-ce  pas 
surtout  parce  que  c'est  un  poison  qu'il  est  antiseptique? 

L'acide  sulfurique  dilué  paraît  à  Erismann  l'un  des  meil- 
leurs désinfectants  des  fosses  d'aisance;  quand  on  projette 
une  solution  d'acide  sulfurique  au  centième  dans  une  fosse, 
l'acide  carbonique  continue  à  se  dégager;  nous  sommes 
même  étonné  qu'il  ne  s'en  dégage  pas  plus  que  de  la  fosse 
non  désinfectée;  mais  il  n'y  a  plus  de  gaz  ammoniac  ni 
d'hydrogène  sulfuré  libres,  et  la  quantité  d'oxygène  ab- 
sorbé par  une  fosse  de  18  mètres  cubes  se  réduit  en 
24  heures  de  13,860  litres  à  2,800  htres.  L'acide  sulfu- 
rique paraît  être  un  agent  très  utile  ;  non  seulement  il 
fixe  ou  absorbe  l'ammoniaque,  non  seulement  il  empêche 

(1)  Erismann,  Untersuchiinrien  ïiber  die  Verunreinigiinf/  der  Liift  diirch 
gewiihnl.che  Abstriilsgruben  iind  iiber  die  Wirksaml;dt  der  gebrauch- 
lislen  Desinfeclionsmittel  [Zeitschrift  f.  Biologie,  187o,  T.  XI,  2"  Hj. 


636  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

la  putréfaction  des  matières  fraîches,  mais  encore  il  détruit 
la  virulence  des  principes  morbides  que  les  matières  peu- 
vent contenir.  La  dépense  est  très  minime;  malheureuse- 
ment cet  acide  dégrade  un  peu  les  conduits  en  fer,  et 
même  désagrège  ou  corrode  les  matériaux  de  construction, 
les  ciments,  etc.  Il  ne  faut  pas  exagérer  ces  inconvénients  ; 
de  nouvelles  recherches  sont  nécessaires  pour  montrer  si 
en  le  diluant  assez  pour  ne  pas  dégrader  les  matériaux, 
il  conserverait  cependant  une  action  antiseptique  et  neu- 
tralisante. 

Nous  mentionnons  ici  un  certain  nombre  de  formules  ou 
de  procédés  très  fréquemment  employés  à  l'étranger,  mais 
dont  les  inconvénients  compensent  les  avantages  dans  la 
pratique  journahère. 

Le  désodorant  de  Siivern  a  joui  d'une  très  grande  vo- 
gue en  Allemagne  et  en  Hollande;  pour  l'obtenir,  on  place 
dans  un  tonneau  55  litres  de  chaux  vive  qu'on  éteint  ; 
on  remue  avec  soin,  en  y  mélangeant  4  kilogrammes 
500  grammes  de  coaltar,  de  manière  à  bien  diviser  celui-ci. 
On  y  ajoute  6  kilogrammes  750  grammes  de  chlorure 
de  magnésie  dissous  dans  de  l'eau  chaude,  on  mélange 
intimement  toute  la  masse,  et  on  continue  à  verser  de  l'eau 
chaude  de  manière  à  obtenir  une  consistance  sirupeuse. 
Le  chlorure  de  magnésie  forme  du  chlorure  de  calcium 
déliquescent,  la  magnésie  devient  libre;  ce  mélange  en- 
lève la  mauvaise  odeur  des  matières  de  vidanges  liquides 
et  diminue  leur  adhérence  aux  conduits. 

Avec  la  méthode  de  Siivern,  on  ne  peut  songer  à  écouler 
directement  les  matières  à  l'égout;  ces  matières  doivent 
être  reçues  dans  un  vaste  réservoir  en  briques,  de  la  di- 
mension de  nos  fosses  fixes  communes  et  plein  du  liquide 
désinfectant  au  fond  duquel  elles  se  déposent  lentement  ; 
le  liquide  qui  surnage  s'écoule  à  l'égout  par  un  trop  plein  '■> 
le  dépôt  est  de  temps  en  temps  enlevé,  mis  à  sécher  et 
transporté  au  loin  dans  des  charrettes.  La  masse  déso- 


LATRINES.  637 

dorante  de  Siivern,  analysée  par  le  professeur  Hoffmann 
de  Leipsig  a  donné  la  composition  suivante  pour  100  par- 
ties : 

Eau 61,5 

Chaux 30,y 

Chlorure  de  magnésie 1,5 

Goudron 1,2 

Malicres  étrangères 5,3 

100 

La  masse  a  la  consistance  d'une  pâte  épaisse,  ayant 
l'odeur  du  goudron,  un  reflet  argentin  et  une  couleur  que 
M.  B.-G.  Beyer  (1)  compare  à  celle  des  selles  décolorées 
des  ictériques.  La  proportion  notable  de  matières  étran- 
gères provient  de  l'état  d'impureté  de  la  chaux  et  de  la 
magnésie  employées. 

Le  mode  d'action  de  cet  agent  paraît  être  le  suivant  :  la 
chaux  se  combine  avec  l'acide  carbonique  qui  se  dégage 
des  matières  de  vidanges,  et  le  carbonate  de  chaux  ainsi 
produit  se  précipite  au  fond  du  réservoir  en  raison  de  son 
insolubilité.  Mais  en  même  temps,  il  entoure  chaque  par- 
celle de  matière  fécale  divisée  d'une  mince  couche  de 
carbonate  de  chaux;  le  développement  ultérieur  de  l'acide 
carbonique  du  centre  des  masses  fécales  divise  ceHes-ci 
indéfiniment,  et  multiplie  les  surfaces  de  contact  de  ces 
matières  avec  le  sel  de  chaux.  Le  précipité  se  compose 
donc  en  définitive  de  parcelles  extrêmement  fines  de  ma- 
tières fécales  enrobées  de  carbonate  de  chaux  ;  les  protor- 
ganismes  ne  peuvent  se  développer  ou  être  dangereux 
sous  cette  mince,  mais  solide  enveloppe.  Le  chlorure  de 
magnésie  transforme  l'ammoniaque  volatile  en  chlorhy- 
drate d'ammoniaque  non  volatil,  qui  reste  en  solution 
dans  le  liquide  surnageant  et  s'écoule  à  l'égout  avec  ce 
dernier.  Le  chlorure  de  magnésie  qui  est  très  hygrosco- 

(1)  H.-G.  Beyer,  Art  uceoiint  of  Silvern's  melhod  of  the  disposai  of  ex- 
créta, de,  {The  New-York  Sanitarian,  janvier  18S2,  n°  106,  p.  1). 


638  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

pique  a  encore  pour  effet  de  maintenir  la  masse  de  Sû- 
vern  dans  un  état  d'humidité  convenable.  Le  goudron 
de  houille,  outre  ses  propriétés  désinfectantes,  a  enfin 
l'avantage  de  former  à  la  surface  de  la  masse  un  enduit 
gras  qui  empêche  l'action  rapide  de  l'acide,  carbonique 
sur  la  chaux  du  mélange,  pendant  tout  le  temps  que  celui- 
ci  est  en  service. 

Dans  le  réservoir  placé  sous  les  lalrines,  le  liquide  qui 
surnage  est  presque  incolore,  a  une  od^ar  prononcée  de 
goudron  de  houille,  une  réaction  alcaline  et  ne  semble  pas 
se  décomposer,  même  au  bout  d'un  temps  assez  long.  Il 
contient  0,353  de  résidu  solide  par  htre,  constitué  surtout 
par  du  chlorhydrate  d'ammoniaque  et  du  chlorure  de 
chaux.  Chaque  jour,  on  dissout  une  quantité  variable  de  la 
masse  de  Sùvern  dans  de  l'eau,  et  on  verse  le  mélange 
dans  le  tuyau  de  chute  des  cabinets  ;  les  matières  fécales 
et  les  parties  insolubles  du  mélange  Siivern  se  précipitent 
lentement,  pendant  que  la  partie  du  liquide  clair  qui  sur- 
nage se  déverse  à  l'égout  par  un  trop  plein.  Très  fréquem- 
ment on  vide  la  fosse  ;  on  enlève  le  dépôt,  on  le  fait 
égoutter  sur  une  claie,  où  il  se  dessèche  lentement.  Ce  dé- 
pôt ne  dégage  pas  de  mauvaise  odeur,  peut  servir  comme 
engrais,  mais  nécessite  une  manutention  encombrante. 
Cette  méthode  est  très  appréciée  en  Hollande. 

Le  mélange  de  Midler-Schur  est  composé  de  100  par- 
ties de  chaux,  20  parties  de  charbon  de  bois  en  poudre, 
10  parties  de  poussière  de  tourbe  ou  de  sciure  de  bois,  et 
d'une  partie  d'acide  phénique  du  commerce,  représentant 
60  à  70  0/0  de  son  poids  d'acide  cristallisé.  Quand  le  mé- 
lange est  fait,  on  le  laisse  pendant  une  nuit  sous  un  han- 
gar couvert  pour  éviter  les  chances  de  combustion  spon- 
tanée, on  le  fait  sécher  et  on  le  met  en  barils  (Parkes). 

Nous  n'avons  pas  d'expérience  personnelle  de  ce  com- 
posé qui  nd  semble  pas  avoir  été  employé  en  France  ; 
mais  le  discrédit  dans  lequel  il  est  tombé  dans  son  pays 


LATRINES.  639 

d'origine  nous  encourage  peu  à  l'expérimenter  chez  nous. 

Dans  l'armée  allemande,  une  Instruction  du  21  février 
1868  avait  recommandé  l'emploi  du  désinfectant  Siivern 
pour  les  latrines  des  casernes.  Mais  l'expérience  a  montré 
•que  la  dépense  était  considérable  (10  à  12  silbergr.  par 
tète  et  par  an;  200  à  500  thalers,  soit  7o0  à  1,000  francs 
par  an,  pour  un  bataillon);  une  décision  ultérieure  du 
16  octobre  1871  a  recommandé  de  préférence  l'emploi 
■de  la  chaux  phéniquée,  qui  produit  un  aussi  bon  effet.  Ce 
■dernier  mélange  est  fait  de  la  façon  suivante  :  on  prend 
100  parties  de  chaux  récemment  cuite,  on  la  réduit  en 
poudre  et  on  la  mélange  avec  60  parties  en  poids  d'eau  ; 
•après  complet  refroidissement,  on  arrose  la  masse  avec 
5  parties  en  poids  d'acide  phénique  pur  en  paillettes,  on 
mêle  et  on  agite  la  poudre  à  l'aide  d'un  tamis.  On  l'em- 
ploie en  aspersion  ou  en  mélange  intime  avec  les  ma- 
tières, jusqu'à  ce  que  l'odeur  d'acide  phénique  devienne 
manifeste.  La  poudre  se  garde  dans  des  barils  en  un  lieu 
sec;  elle  se  conserve  sans  altération  pendant  2  à  3  mois 
(Roth,  T.  I,  p.  481).  (Voyez  en  outre  Vidanges). 

Il  est  inutile  de  dire  que  la  ventilation  la  plus  libérale 
par  des  fenêtres  constamment  ouvertes  est  une  condition 
indispensable  de  la  désinfection  des  latrines.  Lorsque  les 
cabinets  font  partie  d'un  appartement  bien  clos  et  bien 
chauffé,  l'air  tiède  des  corridors  voisins  détermine  un 
appel  d'air  des  parties  profondes  et  froides  vers  les  locaux 
habités,  et  l'odeur  devient  désagréable.  Il  est  donc  indis- 
pensable que  la  séparation  scit  complète,  et  que  l'air  as- 
piré vienne  des  fenêtres,  non  de  la  fosse. 

Pour  empêcher  le  reflux  des  gaz  de  la  fosse  par  des  ori- 
fices béants  ou  mal  fermés,  l'ordonnance  du  préfet  de  police 
du  24  septembre  1819  impose  l'établissement  de  tuyaux 
d'évent,  de  25  centimètres^au  moins  de  diamètre,  condui- 
sant les  gaz  méphitiques  à  la  -hauteur  de  la  bouche  des 


640  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

cheminées  de  la  maison  où  ils  se  trouvent,  ou  des  maisons 
contiguës,  si  celles-ci  sont  plus  élevées.  On  a  discuté  la 
question  de  savoir  si  cette  ventilation  des  fosses  n'avait 
pas  plus  d'inconvénients  que  d'avantages;  le  renouvelle- 
ment continuel  de  l'air  favoriserait  la  fermentation  putride, 
en  mettant  incessamment  de  nouvelles  quantités  d'oxy- 
gène en  contact  avec  les  matières  putrescibles;  les  gaz, 
rejetés  au  faîte  des  maisons,  en  souilleraient  l'air,  leur  re- 
flux en  sens  inverse  par  un  tuyau  serait  parfois  une  cause 
plus  grande  d'infection  de  la  maison  et  des  quartiers 
plus  élevés.  Nous  croyons  avec  M.  de  Hennezel  (1)  que 
les  dangers  d'asphyxie  et  d'explosion  seraient  singuhère- 
ment  augmentés  dans  des  fosses  complètement  closes,  et 
qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  rejeter,  dès  à  présent,  la  ventilation 
par  les  tuyaux  d'évent.  Mais  l'éminent  ingénieur  en  chef 
des  mines  a  montré  par  des  expériences  anémométriques 
très  rigoureuses  que  dans  ces  tuyaux  d'évent  le  courant 
était  presque  aussi  souvent  descendant  (10  fois)  qu'ascen- 
dant (1  fois),  nul  ou  presque  nul  (6  fois).  Il  est  donc  in- 
dispensable d'y  assurer  un  fort  tirage  en  plaçant  un  foyer, 
et  en  particuher  en  faisant  brûler  un  bec  de  ga-z,  dans  la 
partie  du  tuyau  qui  est  au-dessus  des  derniers  orifices  des 
cabinets.  On  ne  se  contente  pas  ainsi  de  produire  un  cou- 
rant qui  ferait  passer  les  gaz  méphitiques  dans  l'atmos- 
phère des  maisons  ou  des  quartiers  plus  élevés,  car  on 
peut  espérer  les  détruire  en  les  brûlant.  Toutefois,  quel- 
ques explosions  survenues  par  la  projection  d'allumettes 
enflammées  dans  les  fosses  des  latrines  ont  montré  que 
ces  feux  de  tirage  n'étaient  pas  sans  quelque  danger  (2); 


(1)  de  Hennezel,  Rapport  sur  la  ventilation  des  fosses  et  l'assainissement 
des  cabinets  d'aisnnces,  (Rapports  généraux  de  la  commission  des  logements 
insalubres  (1851-1869;  Paris,  18"7,  p.  22S  à  244). 

(-2)  Perrin,  Rapport  sur  l'inflammation  des  gaz  produits  dans  les  fosses 
d'aisances,  (Rapports  généraux  de  la  ëommission  des  logements  insalubres; 
Paris,  1877,  p.  245  et  1878,  p-  82.) 


LATRINES.  641 

les  becs  devraient  être  par  précaution  entourés  d'une  toile 
métallique.  La  dépense  en  outre  est  très  forte  et  rend  l'ap- 
plication du  moyen  difficile  dans  les  établissements  mal  te- 
nus qui  en  auraient  le  plus  besoin.  M.  de  Hennezel  indi- 
que le  résultat  d'expériences  qu'il  a  faites  à  ce  point  de 
vue;  il  pense  qu'on  peut  assainir  le  tuyau  de  chute  des- 
servant un  seul  cabinet  d'aisance  à  siège  béant  et  de  4  mè- 
tres cubes,  en  faisant  brûler  par  heure  26  litres  de  gaz 
dans  le  tuyau  d'évent  ;  on  évacue  de  la  sorte  41  mètres 
cubes  d'air  par  heure.  La  dépense  sera  donc  de  624  litres 
par  jour,  soit,  à  30  centimes  le  mètre  cube,  19  centimes 
par  jour  ou  10  francs  par  an.  Un  bon  appareil  d'occlusion 
hermétique  et  une  bonne  installation  coûteraient  moins 
cher. 

En  faisant  passer  le  tuyau  d'évent  au  contact  extérieur 
ou  dans  l'intérieur  des  cheminées,  et  surtout  en  le  faisant 
déboucher  directement  dans  la  cheminée  comme  en  Belgi- 
que, comme  à  Lille  (1),  on  augmente  singulièrement  la 
force  d'aspiration;  mais  il  faut  craindre  que  les  gaz  fétides 
qui  s'échappent  au  sommet  des  tuyaux  d'évent,  à  plus 
forte  raison  ceux  qui  se  dégagent  directement  dans  les 
cheminées,  ne  refluent  de  haut  en  bas  par  celles-ci  quand 
on  n'y  fait  pas  de  feu,  et  ne  viennent  infecter  l'appar- 
tement. 

Le  type  le  plus  complet  de  ce  mode  de  désinfection  des 
latrines  et  des  fosses  par  un  courant  aspirateur  est  fourni 
par  la  prison  de  la  Santé,  où  la  ventilation,  le  renouvelle- 
ment de  l'air  de  chaque  ceUule,  se  fait  par  la  cuvette  du 
siège  affecté  à  chaque  prisonnier.  Le  tuyau  de  chute  s'ar- 
rête à  quelques  centimètres  au-dessus  de  la  tinette  mo- 
bile, placée  dans  un  couloir  souterrain.  Ce  couloir  fermé 
de  toutes  parts  communique  par  une  large  ouverture  avec 
une  haute  cheminée  où  l'on  entretient  à  cet  effet  un  feu 

(1)  Lcltre  de  M.  le  professeur  Joire,  de  Lille,  {ibidem,  p.  93). 
Vallin.  —  Désinfectants.  41 


642  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

très  vif  :  l'air  chaud  qui  s'élève  est  remplacé  par  l'air 
de  la  cellule,  lequel  traverse  le  tuyau  de  chute  pour 
arriver  dans  le  couloir  souterrain.  Malheureusement, 
quand  les  portes  de  ce  couloir  restent  largement  ouvertes, 
soit  par  négligence,  soit  pendant  l'enlèvement  des  tinet- 
tes, l'appel  se  fait  non  plus  par  la  cellule,  mais  par  cette 
porte,  et  les  mauvaises  odeurs  provenant  de  la  vidange 
arrivent  alors  directement  jusqu'aux  prisonniers. 

Les  appareils  ventilateurs,  turbines,  girouettes  à  gueule 
de  loup,  etc.,  établis  sur  l'orifice  supérieur  des  tuyaux 
d'évent,  augmentent  généralement  le  tirage  et  rendent 
plus  difficiles  les  courants  renversés.  Dans  quelques  mai- 
sons mises  en  expériences,  M.  de  Hennezel  a  trouvé  par- 
fois des  vitesses  ascensionnelles  produisant  l'évacuation 
de  94  à  116  mètres  cubes  par  heure  dans  la  fosse;  mais 
quand  la  température  était  presque  la  même  à  l'intérieur 
du  tuyau  et  à  l'extérieur,  l'appel  était  très  faible  et  l'éva- 
cuation n'était  que  de  20  mètres  cubes  par  heure,  soit  une 
vitesse  de  10  centimètres  par  seconde  dans  le  tuyau.  11 
semble  donc  avantageux  de  garnir  l'orifice  supérieur  des 
tuyaux  d'évent  avec  les  ajutages  qui  réussissent  pour  les 
cheminées  ordinaires  (ventilateur  Noualhier,  appareil  Le- 
roy, système  Gilles,  bonnet  de  prêtre,  etc.);  ces  tuyaux 
doivent  en  outre  être  élevés  de  quelques  mètres  ou  de 
quelques  pieds  au-dessus  du  faîte  même  de  la  maison. 

Malgré  tout,  on  déplace  le  raéphitisme,  on  ne  le  détruit 
pas.  Cela  nous  semble  surtout  vrai  par  ces  appareils  ven- 
tilateurs à  force  centrifuge  ou  tarares,  qu'on  actionne  à 
l'aide  de  poids,  de  ressorts,  de  l'eau  ou  d'un  mouvement 
d'horlogerie  ;  on  prétend  ventiler  ainsi  les  fosses  d'aisance 
comme  on  ventile  un  puits  de  mine  ou  une  salle  de  spec- 
tacle. On  a  pu  avec  certains  de  ces  appareils  évacuer  40  à 
60  mètres  cubes  d'air  par  heure;  on  désinfectait  le  ca- 
binet, mais  c'était  aux  dépens  de  l'atmosphère.  Qu'on  sup- 
pose un  instant  que  les  86,075  fosses  fixes  de  Paris  soient 


LATHllNES.  G43 

ventilées  et  désinfectées  de  la  sorte;  Paris  ne  sera  plus 
qu'une  sentine. 

On  a  parfois  conseillé  de  maintenir  une  lanterne  ou  un 
bec  de  gaz  allumé  au-dessous  ou  au  devant  d'une  cheminée 
d'appel  s'ouvrant  au  sommet  ou  sur  une  des  parois  du  ca- 
binet. Lorsque  ie  tuyau  de  chute  n'est  pas  herméti.quement 
fermé,  cette  disposition  ne  peut  avoir  qu'un  effet  :  rem- 
placer par  l'air  de  la  fosse,  l'air  du  cabinet  transformé  en 
cheminée  d'appel.  Au  contraire  ce  moyen  peut  rendre  de 
grands  services  quand  toute  communication  est  interrom- 
pue avec  la  fosse  ;  l'air  aspiré  ne  peut  dès  lors  se  renou- 
veler que  par  les  portes  ou  les  fenêtres.  Cette  ventilation 
supplémentaire  a  d'ordinaire  pour  but  d'entraîner  toute 
odeur  fétide  qui  pourrait  être  produite  par  la  cuvette  mal 
tenue,  par  les  matières  dont  elle  n'est  pas  débarassée  ou 
par  l'extrémité  supérieure  du  tuyau  de  chute.  Ce  système 
fonctionne  au  Palais  de  Justice  pour  les  cellules  des  dé- 
tenus, aux  bâtiments  d'administration  du  chemin  de  fer  du 
Nord  ;  il  est  dispendieux,  mais  très  efficace. 

Un  espace  libre  ménagé  entre  la  tablette  du  siège  et  le 
bord  supérieur  de  la  cuvette  communique  avec  un  petit 
conduit  ventilateur,  et  celui-ci  débouche  dans  une  chemi- 
née principale  de  ventilation  où  se  rendent  les  conduits 
correspondants  à  tous  les  sièges.  Un  bec  de  gaz  brûle  dans 
chacun  de  ces  conduits,  à  1"\50  au-dessus  du  siège,  et 
détermine  un  courant  d'air  aspirateur  qui  assainit  le  cabi- 
net, la  cuvette  et  l'extrémité  supérieure  du  tuyau  de  chute 
(de  Hennezel).  Pareille  ventilation  peut  être  établie  à  la 
partie  supérieure  de  chaque  dalle  verticale  servant  d'uri- 
noir. L'on  peut  utiUser  ce  bec  de  gaz,  à  l'aide  d'une  glace 
dormante  fixée  dans  la  muraille,  pour  éclairer  le  cabinet  ; 
le  grand  jour  ou  la  grande  lumière  fait  fuir  la  malpropreté, 
prévient  l'accumulation  des  immondices,  les  accidents  et 
les  maladresses. 

Nous  avons  vu  fonctionner   récemment  ce   système  à 


644  DESINFECTION  DES  HABITATIONS. 

l'école  Monge,  et  l'on  ne  perçoit  aucune  odeur  dans  le 
vaste  local  fermé  où  sont  réunies  toutes  les  latrines.  Mal- 
heureusement la  dépense  est  forte  ;  chaque  bec  allumé  ou 
chaque  siège  coûte  65  francs  par  an;  c'est  une  désinfection 
de  luxe,  qui  n'est  praticable  que  dans  le  cas  oii  chaque  ca- 
binet est  fréquenté  par  un  grand  nombre  de  personnes. 
Il  ne  nous  est  pas  démontré  qu'un  lavage  supplémentaire 
représentant  une  dépense  égale  en  eau  simple  n'assurerait 
pas  une  désinfection  plus  complète.  Car  la  moindre  inter- 
ruption dans  l'occlusion  du  tuyau  de  chute  transforme  ce 
moyen  de  désinfection  en  une  cause  active  d'infection  par 
l'appel  des  gaz  de  la  fosse. 

Même  en  laissant  constamment  brûler  un  bec  de  gaz 
dans  le  tuyau  d'évent  qui  dessert  chaque  fosse,  on  n'a 
aucune  garantie  que  les  gaz  seront  détruits  et  n'iront  pas 
contaminer  l'atmosphère  au  voisinage  de  la  maison  ;  les 
gaz  qui  se  dégagent  des  matières  fécales  ne  sont  qu'excep- 
tionnellement inflammables,  et  fort  heureusement,  sans 
cela  le  danger  des  explosions  ferait  rejeter  le  procédé. 

Dans  les  hôpitaux  de  la  Suède  et  du  Danemarck,  on 
emploie  journellement  un  siège  ou  tonneau  mobile  où  l'as- 
piration des  gaz  odorants  se  fait  de  la  même  manière.  Cet 
appareil,  d'origine  suédoise  (fîg.  16),  dit  Closet  Marino, 
est  basé  sur  la  séparation  de  l'urine  et  des  matières  soli- 
des ;  un  urinoir  fixe,  disposé  à  la  partie  antérieure  du  siège, 
recueille  automatiquement  l'urine  et  la  conduit  à  l'exté- 
rieur ;  toutefois  cette  disposition  doit  être  inefficace  pour 
les  latrines  fréquentées  par  les  femmes.  M.  le  D""  Schleis- 
ner  (1)  dit  cependant  qu'une  longue  expérience  montre 
que  cet  appareil  répond  aux  exigences  hygiéniques. 

On  peut  placer  sur  le  trajet  des  gaz  qui  traversent  le 
tuyau  d'évent  des  substances  capables  de  détruire  chi- 
miquement les  émanations  pestilentielles.  MM.  C.  Girard 

(1)  Schleisner.  Exposé  statistique  de  l'organisation  des  hôpitaux  civils 
en  Danemarck,  avec  IX  planches  ;  Copenhague,  1876,  p.  27, 


LATRINES  645 

et  Pabst  (1)  ont  trouvé  qu'en  mettant  les  gaz  des  fosses,  et 
tous  les  gaz  odorants  produits  par  les  fermentations,  en  con- 
tact avec  l'acide  sulfurique  contenant  une  certaine  propor- 
tion de  cristaux  des  chambres  de  plomb  (sulfate  de  nitro- 


£^ 


FiG,  16.  —  Closet  de  Marino. 


syle),  tous  ces  gaz  sont  décomposés  par  les  oxydes  nitreux 
mis  en  liberté  sous  l'action  de  la  vapeur  d'eau  qu'ils  con- 
tiennent. Non  seulement,  d'après  eux,  les  odeurs  seraient 
ainsi  détruites,  mais  encore  les  germes  morbides  seraient 
chimiquement  anéantis.  Les  appareils  disposés  par  MM.  C. 
Girard,  Pabst  et  Sulliot,  ont  été  mis  en  expérience  à  Thô- 
pital  do  la  Pitié  et  au  laboratoire  municipal  de  la  Préfec- 
ture de  police;  nous  en  empruntons  la  description  et  les 
figures  suivantes  au  journal  La  Nature,  et  à  une  note  ma- 
nuscrite que  les  auteurs  ont  bien  voulu  rédiger  sur  notre 
demande. 

(1)  La  désinfection  par  les  acides  nitreux  [La  Nature,  9°  année  1881 
p.  38o).  —Girard  et  Pabst,  Désinfection  des  vidanges  par  les  produits  ni 
ireux  {Comptes-rendus  de  V Académie  des  Sciences,  séance  du  10  octobre 
1880,  et  Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire;  1881,  p.  166). 


646  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

«  Les  gaz  de  la  fosse  sont  appelés  par  le  tuyau  d'évent 
dans  une  colonne  en  grès,  d'environ   1"',20  de  hauteur, 


FiG.  17.  —  Appareil  de  dcsintcclion  de  fosses  d'aisancei,  inslallc  à  l'hô- 
pital de  la  Pilio  à  Paris. 


remplie  de  morceaux   de   coke  arrosé  d'acide  sulfurique 
nitreux;  celui-ci  vient  s'amasser  dans  la  partie  inférieure 


LVTRINES.  647 

de  l'appareil,  au-dessous  de  la  prise  des  gaz.  La  vapeur 
d'eau  contenue  dans  l'air  et  le  gaz  de  ces  fosses,  en  ve- 
nant se  condenser  sur  le  coke  de  l'appareil,  dégagent 
constamment  les  oxydes  nitreux  contenus  dans  l'acide  sul- 
furique  nitreux,  et  ceux-ci  détruisent  alors  les  corps  odo- 
rants et  délétères,  tels  que  l'hydrogène  sulfuré.  Le  tirage 
du  tuyau  d'évent  est  aidé  par  un  appel  développé  au  moyen 
d'une  flamme  de  gaz. 

La  figure  17  représente  l'appareil  ouvert,  de  façon  à  mon- 
trer la  disposition  de  la  colonne  de  coke  et  du  petit  vase 
poreux  où  l'on  verse  de  temps  en  temps  l'acide  sulfurique 
nitreux,  par  l'intermédiaire  d'un  entonnoir  extérieur.  Le 
bec  de  gaz  destiné  au  tirage  est  visible  en  partie. 

«  Le  système  a  été  essayé  à  l'hôpital  de  la  Pitié,  oii  se 
trouve  une  fosse  de  40  mètres  cubes  desservant  le  pavil- 
lon des  femmes  en  couches.  Les  cabinets  recevant  toutes 
les  déjections,  les  placentas  et  autres  détritus  du  service, 
,se  trouvaient  à  côté  de  la  cuisine  et  communiquaient  avec 
la  salle  des  malades  par  une  entrée  de  quelques  mètres 
carrés  non  ventilée.  Bien  que  l'on  eût  disposé  des  sièges 
à  soupapes,  l'odeur  était  épouvantable.  La  fosse  possédait 
un  tuyau  d'évent  encastré  dans  le  mur  et  par  conséquent 
.  fonctionnant  mal,  et  en  outre  deux  orifices  de  vidange. 
Le  tuyau  d'évent  a  été  bouché  ;  sur  l'un  des  orifices  on  a 
disposé  une  prise  d'air  avec  un  tuyau  de  grès  de  20  cen- 
timètres aboutissant  à  une  colonne  en  grès  de  50  cen- 
timètres de  diamètre  et  1  mètre  de  haut,  remplie  de  coke, 
sur  laquelle  on  a  disposé  un  couvercle  avec  un  tuyau  de 
tôle  de  3  mètres;  un  bec  de  gaz  déterminait  le  tirage  .'Des 
trous  percés  dans  le  couvercle  et  fermés  par  des  bouchons 
permettaient  de  verser  l'acide  neuf;  l'acide  épuisé  était 
soutiré  par  un  robinet  en  porcelaine  au  bas  de  la  colonne 
en  grès.  Au  bout  de  quelques  jours,  le  tirage  était  établi  et 
les  cabinets  désinfectés;  les  gaz  sortant  de  l'appareil  étaient 
complètement  inodores.  Enfin,  à  la  première  vidange,  on 


648  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

constata  que  la  fosse  était  aérée  et  que  les  liquides  étaient 
moins  odorants  que  d'habitude.  Ce  résultat  s'est  maintenu 
pendant  près  d'une  année;  après  quoi,  divers  accidents 
étant  survenus  aux  appareils  et  le  nouveau  directeur  ayant 
demandé  quelques  modifications  aux  expériences  entre- 
prises, on  a  cessé  d'enlretenir  les  appareils  de  la  Pitié.  Un 
autre  avait  été  disposé  sur  une  fosse  de  120  mètres  cubes, 
et  les  résultats,  quoique  moins  nets  à  cause  des  condi- 
tions défectueuses  où  l'on  se  trouvait  placé,  étaient  satis- 
faisants. Le  système  a  été  appliqué  depuis  à  la  Préfec- 
.ture  de  police,  à  l'hôpital  des  Enfants  assistés,  chez  divers 
grands  industriels,  enfin  sur  le  quai  du  Louvre,  où  l'ap- 
pareil, ingénieusement  caché  dans  une  colonne-affiches, 
désinfecte  les  latrines  publiques.  »  (Note  manuscrite  de 
MM.  Girard  et  Pabst.) 

Une  part  du  mérite  de  ces  ingénieuses  dispositions 
revient  à  M.  Sulliot  (1),  qui  a  combiné  l'emploi  du  sulfate 
de  nitrosyle  ou  cristaux  de  chambres  de  plomb,  imaginé 
par  MM.  Pabst  et  Girard,  avec  l'emploi  de  l'éther  azoteux 
préconisé  par  M.  Peyrusson  (voir  p.  207).  Dans  sa  com- 
munication à  l'Institut,  il  a  montré  de  quelle  façon  on 
pouvait  modérer  l'action  irritante  de  l'acide  azoteux,  rem- 
placer à  volonté  ce  produit  par  l'éther  nitreux,  etc.  L'ap- 
pareil qu'il  a  proposé  a  beaucoup  d'analogie  avec  celui 
que  MM.  Girard  et  Pabst  ont  adopté. 

Ces  appareils  peuvent  en  outre,  à  l'aide  de  modifica- 
tions très  légères,  servir  à  désinfecter  les  gaz  qui  pro- 
viennent du  traitement  des  vidanges  par  la  distillation. 
Le  problème  si  difficile  d'établir  des  fabriques  de  sels  am- 
moniacaux, sans  inconvénient  pour  la  salubrité  et  la  com- 
modité publique,  pourra  peut-être  être  résolu  à  l'aide  de 
l'acide  sulfurique  nitreux.  Cet  acide  en  effet  se  produit 
journellement  en   grande   quantité    dans   les  colonnes   à 

(1)  Sullioi,  Sur  l'action  des  cristaux  des  chambres  de  plomb.  {Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  sciences,  séance  du  4  avril  1881,  p.   881.) 


LATRINES.  649 

coke  placées  à  l'issue  des  chambres  de  plomb  ;  la  fabrica- 
tion du  fulmicoton  et  celle  de  la  nitrobenzine  laissent 
d'abondants  résidus  d'acide  sulfurique  nitreux,  jusqu'ici 
sans  emploi.  Enfin,  avec  l'emploi  de  ce  désinfectant,  la 
combustion  des  sulfures  organiques,  tout  en  amenant  la 
destruction  de  l'acide  nitreux,  laisse  intact  l'acide  sulfuri- 
que, lequel  peut  dès  lors,  après  avoir  fonctionné  dans  les 
colonnes  désinfectantes,  rentrer  dans  la  fabrication  du  sul- 
fate d'ammoniaque  ou  des  superphosphates  (P.  Dehérain). 

Il  nous  reste  à  dire  quelques  mots  d'un  mode  spécial  de 
désinfection  des  déjections  humaines  et  à  la  rigueur  des 
latrines.  Nous  avons  déjà  parlé  (p.  44)  du  pouvoir  absor- 
bant et  désinfectant  de  la  terre  sèche  et  des  poussières  ; 
nous  devons  donner  ici  la  description  des  appareils  qui 
peuvent  servir  à  cet  usage. 

Le  plus  simple  consiste  en  un  baquet  en  zinc  ou  même 
en  bois,  recouvert  d'une  planche  percée  d'une  lunette,  ou 
placé  au-dessous  d'un  châssis  fixe  représentant  la  tablette 
d'un  siège  ordinaire.  A  côté  se  trouve  un  seau  rempli  de 
terre  desséchée  au  four  ou  au  soleil  et  réduite  en  poudre 
grossière  ;  on  peut  se  servir  encore  de  poussières  sèches 
provenant  des  balayures  des  magasins  de  fourrages,  de 
déchets  de  graines,  de  fannes  sèches,  de  poussier  de 
tourbe,  de  tan  épuisé,  de  résidus  des  filatures  et  fabri- 
ques de  tissus,  de  tontisses  de  laine;  tous  ces  produits  or- 
ganiques sont  bons,  pourvu  qu'ils  soient  parfaitement 
secs.  Chaque  visiteur  jette  dans  le  tonneau,  à  l'aide  d'une 
pelle,  1  kilogramme  au  moins  de  cette  poussière  avant  de 
se  retirer  ;  1  kilogramme  suffit  s'il  n'y  a  que  des  matières 
solides  ;  il  faut  doubler  la  dose  s'il  y  a  eu  en  même  temps 
émission  de  200  grammes  d'urine.  Si  l'on  doute  de  l'exac- 
titude des  visiteurs,  et  l'on  fera  bien  d'en  douter,  on 
pourra  se  contenter  de  faire  passer  dans  les  cabinets, 
3  fois  ou  4  fois  par  jour,  un  agent  qui  recouvrira  chaque 


650  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

fois  les  matières  d'une  couche  suffisante  de  poudre;  la 
quantité  de  terre  versée  dans  le  tonneau  en  24  heures 
doit  égaler  5  ou  6  fois  la  quantité  totale  des  matières 
rendues.  Dans  ces  conditions,  la  désodorisation  est  absolue  ; 
c'est  à  peine  si  dans  le  cabinet  même  on  soupçonnerait 
l'existence  des  matières  contenues  dans  le  tonneau.  Au 
bout  de  quelques  jours,  quand  ce  dernier  est  rempli,  on  le 
transporte  dans  une  cour  ou  un  jardin,  on  vide  le  compost 
qui  est  solide,  n'adhère  nullement  aux  parois  et  ne  dégage 
pas  d'odeur  quand  on  le  remue.  Cet  amas  est  laissé  sous 
un  hangar  couvert,  à  l'abri  de  la  pluie,  pendant  plusieurs 
semaines  ou  plusieurs  mois  ;  il  reste  indéfiniment  inodore, 
à  moins  qu'il  ne  soit  délayé  par  la  pluie.  Si  on  veut  faire 
servir  le  mélange  plusieurs  fois  de  suite  à  de  nouvelles 
désinfections,  il  faut  l'étaler  afin  qu'il  se  dessèche  com- 
plètement; c'est  à  cette  condition  expresse  qu'il  conserve 
toutes  ses  propriétés.  Quand  toute  la  masse  s'est  trans- 
formée en  terreau  par  une  humification  lente  et  insensible 
on  s'en  sert  comme  engrais;  même  à  l'état  frais,  au  sortir 
des  cabinets,  ce  compost  peut  être  immédiatement  enfoui 
pour  fumer  la  terre;  dans  ce  dernier  cas,  les  champs  ainsi 
engraissés  dégagent  par  les  temps  de  pluie  une  odeur  de 
vase  un  peu  fécaloïde. 

La  main-d'œuvre  est  difficile  :  il  faut  des  bras  pour 
faire  le  transport,  il  faut  avoir  à  proximité  de  la  terre  en 
abondance,  de  la  chaleur  perdue  pour  la  dessécher,  des 
champs  à  engraisser.  Ces  conditions  se  réalisent  facilement 
dans  les  fermes,  les  exploitations  agricoles,  dans  les  usines, 
les  manufactures  établies  à  la  campagne,  à  la  rigueur 
dans  les  écoles,  les  pénitenciers,  les  camps,  les  casernes. 
Dans  presque  tous  ces  établissements,  au  moins  à  la  cam- 
pagne, les  latrines  sont  dans  un  état  déplorable  et  sont 
une  cause  incessante  de  maladies  typhoïdes  ou  autres; 
toute  tentative  de  désinfection  sérieuse  au  moyen  des  agents 
chimiques  est  d'ordinaire  impossible.  Le  mieux  est  sou- 


LATRINES.  651 

vent  de  combler  la  fosse  et  d'installer  dans  une  au(re  place 
un  système  moins  insalubre.  Nous  trouvons  décrit  et  figuré 
dans  les  mémoires  de  MM.  Buchanan  et  Netten  Radcliffe 
une  disposition  fort  simple  qui  paraît  très  usitée  en  Angle- 
terre. Un  cabinet  en  planches  ou  en  briques,  avec  double 
toit,  est  dressé  dans  une  cour  ou  un  jardin.  Derrière  la 
paroi  postérieure,  et  abritée  par  le  bord  saillant  du  toit,  se 
trouve  accrochée  une  hotte  de  bois,  en  forme  de  boîte 
aux  lettres,  où  chaque  matin  l'on  jette  les  cendres  des 
foyers,  les  balayures,  de  la  terre  sèche.  Le  fond  de  la 
boîte  est  garni  d'un  crible  ou  tamis  en  toile  métallique  ; 
une  poignée  mobile  passant  à  l'intérieur  permet  de  secouer 
la  boîte  ou  d'ouvrir  un  opercule  inférieur  qui  laisse  échap- 
per une  certaine  quantité  de  poussière;  celle-ci  suit  une 
plaque  inclinée  qui  traverse  la  cloison  et  vient  tomber  dans 
le  tonneau  ou  le  baquet  placé  sous  le  siège.  Ces  appareils 
n'ont  pas  un  jeu  très  régulier;  ils  paraissent  cependant 
moins  fragiles,  moins  prompts  à  se  déranger  que  ceux  qui 
fonctionnent  automatiquement  par  le  poids  du  visiteur.  Au 
bout  de  quelques  jours,  quand  le  baquet  est  rempli,  on  le 
porte  directement  dans  le  champ  où  on  enfouit  le  contenu. 
C'est  en  somme  une  fosse  mobile  parfaitement  inodore. 
Malheureusement,  si  par  négligence  ou  par  oubli  on  vide 
les  vases  d'urine  ou  les  eaux  de  lavage  dans  ces  sortes  de 
latrines,  on  perd  tout  le  bénéfice  de  cette  désinfection  par 
la  méthode  sèche. 

Un  industriel  français  a  imaginé  une  disposition  fort 
ingénieuse  pour  assurer  plus  complètement  le  mélange  des 
déjections  avec  la  terre  ou  les  poussières  sèches.  Dans  le 
procédé  Goux-Thulasne,  le  fond  d'une  barrique  est  garni 
d'une  couche  de  matières  absorbantes.  L'on  introduit  en- 
suite un  moule  tronc-conique  en  tôle,  d'un  calibre  un  peu 
plus  petit  que  la  cavité  du  tonneau,  et  l'on  remplit  Tin- 
tervalle  qui  sépare  ce  dernier  du  moule,  avec  des  matières 
pulvérulentes  qu'on  tasso  avec  soin.  Quand  l'opération  est 


652 


DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 


terminée,  on  enlève  le  moule,  et  il  reste  à  sa  place  une  ca- 
vité centrale  en  forme  de  cuvette  destinée  à  recevoir  les  dé- 
jections. Ces  tonneaux  ainsi  garnis  sont  portés  sous  un 
châssis  servant  de  siège;  au  bout  de  quelques  jours,  on  les 
ferme  avec  un  couvercle  avant  de  les  enlever,  et  en  les 
faisant  rouler  on  mélange  plus  complètement  les  matières 
absorbantes  avec  les  déjections  qui  ne  souillent  jamais  les 
parois.  La  manutention  de  ces  tonneaux  se  faitsans  aucune 
odeur;  on  les  transporte  au  loin  soit  dans  les  champs, 
soit  dans  des  entrepôts,  à  Tabri  de  la  pluie,  où  ils  se 
transforment  lentement  en  un  riche  engrais.  Quand  au 
contraire  on  abandonne  le  compost  à  la  pluie,  les  amas 
de  boue  et  d'eau  ne  forment  plus  qu'un  dépotoir  infect, 
comme  nous  l'avons  constaté  au  voisinage  du  camp  de 
Saint-Maur,  comme  M.  le  D'"  Grandjux  l'a  observé  en  1872 
au  camp  de  Villeneuve-l'Étang  (1). 


FiG.  18.  —  Appareil  Goux-Thulasnc. 

Ce  système,  qui  fonctionne  depuis  près  de  20  ans  dans 
plusieurs  villes   d'Angleterre,  depuis  plusieurs  années  au 


(1)  D"-  Grandjux,  De   la   désinfection   dans    les    quartiers  '  militaires, 
{Revue  militaire  de  médecine  et  de  chirurgie,  janvier  1882,  p.  74S). 


LATRINES.  G33 

camp  de  Vincennes,  à  l'hôpital  militaire  de  Bourges,  est 
un  excellent  moyen  de  désinfection  des  matières  fécales. 
Il  est  évident  qu'on  doit  disposer,  au  voisinage,  des  urinoirs 
spéciaux,  parce  que  le  mélange  de  l'urine  aux  matières 
fécales  sature  trop  rapidement  d'humidité  les  poussiè- 
res absorbantes.  11  serait  facile  d'ajuster  à  la  partie  anté- 
rieure du  tonneau  un  réservoir  infundibuliforme,  destiné 
à  recueillir  séparément  l'urine,  comme  on  le  voit  repré- 
senté dans  la  figure  16.  La  quantité  de  poussière  sèche 
nécessaire  pour  la  désinfection  serait  ainsi  réduite  des  trois 
quarts.  Mais  que  fera-t-on  de  l'urine? 

En  Angleterre  on  a  voulu  généraliser  cette  sorte  de 
latrines  à  la  terre  dans  les  maisons  particulières  ;  on  a  dit 
que  l'on  faisait  ainsi  disparaître  toutes  les  causes  d'insa- 
lubrité et  d'incommodité  qui  proviennent  des  fosses  fixes 
ou  mobiles,  des  opérations  de  vidanges,  et  même  de  la 
communication  directe  des  latrines  avec  l'égoût.  Nous 
croyons  que  ce  système  n'est  vraiment  pas  praticable  dans 
les  grandes  villes,  au  moins  d'une  manière  générale  ;  mais 
il  peut  rendre  des  services  dans  des  cas  particuliers,  par 
exemple  pour  garde-robes  destinées  à  la  chambre  d'un 
malade.  Nous  avons  déjà  dit  que  c'était  un  bon  moyen  de 
désodoriser  les  selles  extrêmement  fétides  de  certains  mala- 
des (diarrhée  de  Cochinchine,  dysenterie,  cancer  du  rec- 
tum), surtout  quand  les  matières  sont  exposées  à  séjourner 
toute  la  nuit  ou  une  partie  de  la  journée  dans  la  chambre 
du  malade. 

Le  dessin  ci-après  (fîg.  19)  permet  aisément  de  com- 
prendre le  mécanisme  de  ces  sortes  d'appareils. 

Il  faut  éviter  que  les  serviteurs  ne  vident  les  bassins 
ainsi  remplis  de  terre  dans  les  fosses  fixes  ou  mobiles  ou 
dans  les  cabinets  communiquant  directement  avec  l'égoût. 
La  terre  en  produisant  des  amas,  des  bancs  sohdes, 
obstruerait  les  égoùts  et  deviendrait  un  obstacle  au  bon 
fonctionnement  de  ces  canaux.  Ce  n'est  pas  un  des  moin- 


654 


DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 


dres  inconvénients  de  l'usage  de  ces  appareils  dans  les 
villes,  où  l'on  trouve  malaisément  un  lieu  de  dépôt  pour 


FiG.  19.  —    Chaise  percée   à  la  terre,   fonctionnant    automatiqucmeul 
[Self-acting  earlh-closet.) 

A.  Réservoir  rempli  de  terre  sèche.  —  B  C.  Plans  en  bois  destinés  à  di- 
viser la  terre  et  à  en  modérer  l'écoulement.  —  D.  Plaque  en  tôle  con- 
duisant la  terre  sur  les  matières,  et  ouvrant  la  caisse  A  par  le  jeu  des 
leviers  J  H  G  E,  actionnncs  par  le  poids  du  visiteur. 


LATRINES.  655 

porter  chaque  jour  ces  matières  encombrantes.  La  difficulté 
est  bien  diminuée  quand  il  s'agit  d'un  hôpital,  d'un  éta- 
bhssement  public,  oii  il  existe  de  vastes  cours  ou  jardins. 
Nous  devons  mentionner  ici  l'excellent  effet  désinfec- 
tant qu'on  obtient  avec  la  suie  des  cheminées  et  en  général 
avec  les  poussières  de  charbon,  pour  enlever  la  mauvaise 
odeur  des  baquets,   urinoirs,  tinettes  mobiles  de   toutes 
sortes  qu'on  est  souvent  forcé  de  placer  dans  des  locaux 
où  il  n'existe  pas  de  latrines;  dans  les  locaux  pénitentiaires 
des  casernes,  dans  les  corps  de  garde,  dans  les  cours,  ces 
récipients  dégagent  souvent  des  odeurs  intolérables.  Une 
petite  quantité  de  suie  provenant  du  ramonage  des  chemi- 
nées et  projetée  à  la  surface  du    liquide  ou  sur  les  ma- 
tières, fait  presque  instantanément  disparaître  toute  odeur. 
Ce  moyen  est  très  anciennement  connu,  il  est  trop  négligé 
et  mérite  d'être  plus  souvent  employé  (1);  la  difficulté  de 
conserver  la  suie,  la  malpropreté  qu'elle  entraîne,  sont  les 
véritables  causes  du  discrédit  relatif  dans  lequel   il    est 
tombé;  c'est  une  ressource  précieuse  qu'il  ne  faut  jamais 
oublier. 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  sur  les  avantages 
qu'on  retirera  de  l'emploi  de  l'huile  lourde  de  houille  pour 
la  désinfection  préventive  et  ultérieure  de  ces  tinettes  mo- 
biles. L'huile  lourde  non  seulement  adhère  aux  parois  qu'elle 
désinfecte,  mais  encore  en  surnageant  les  liquides  des 
déjections  prévient  ici  surtout  le  dégagement  des  mau- 
vaises odeurs.  Le  badigeonnage  des  parois  internes  des 
tinettes  avec  du  goudron  produit  également  un  excellent 
résultat  :  l'opération  peut  être  renouvelée  toutes  les  se- 

(1)  Salinier  et  Brault,  Note  sur  l'emploi  de  la  suie  de  houille  comme 
moyen  de  désinfection  des  baquets  à  urine  [Recueil  des  mémoires  de  mé- 
decine militaire,  1842,  T.  54%  p.  339).  —  R.  Elliot,  On  soot  as  a  déso- 
doriser of  privies  (Tiie  Lancet,  1833,  T.  II,  p,  323).  —  Chevallier,  Du, 
charbon  sous  le  rapport  hygiénique  [Annales  d'hygiène,  juillet  1856,  p.  68). 
Moridc,  De  l'application  du  coke  de  Boghead  en  poudre  à  la  conser- 
vation et  à  la  désinfection  des  matières  animales  et  végétales  [Journal 
de  chimie  médicale,  1859,  T.  V,  p.  569). 


636  DÉSINFECTION  DES  HABITATIONS. 

maines  :  le  goudron  empêche  la  fermentation  et  la  décom- 
position de  l'urine. 

La  désinfection  de  tous  les  récipients  ayant  contenu 
des  matières  infectes  sera  obtenue  par  l'un  des- liquides 
que  nous  avons  déjà  plusieurs  fois  énumérés  :  solution  de 
sulfate  de  fer,  de  sulfate  de  zinc,  de  chlorure  de  zinc, 
d'acide  phénique,  à  2  pour  cent,  eau  bouillante.  En  cas 
d'imprégnation  profonde,  il  est  facile  de  retourner  le  réci- 
pient sur  le  sol,  de  faire  brûler  au-dessous  quelques 
grammes  de  fleurs  de  soufre,  ou  de  carboniser  très  légè- 
rement les  parois  internes  en  les  flambant  avec  de  la  paille 
ou  des  copeaux. 

Pour  les  ustensiles  destinés  à  recevoir  les  déjections 
dans   les    appartements,    nous    renvoyons    au    chapitre 

DÉSINFECTION    NOSOCOMIALE. 


ÉMANATIONS  ET  DÉGAGEMENTS.  «,n 

/ 

CHAPITRE  VI. 
DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE 

La  désinfection  industrielle  peut  se  résumer  sous  trois 
chefs  principaux,  désinfection  :    1°  des  dégagements  (gaz 
ou  vapeurs);  2''  des  liquides;  3°  des  résidus  solides.  Nous 
passons  très  rapidement  en  revue  ces  diverses  questions," 
qui  fourniraient  aisément  la  matière  d'un  traité  spécial  (1). 

ART  I.  —ÉMANATIONS  INDUSTRIELLES,  DÉGAGEMENTS. 

La  plupart  des  usines  dégagent  des  vapeurs,  des  gaz, 
des  odeurs,  qui  en  rendent  le  voisinage  incommode  et 
insalubre;  c'est  ce  qui  a  déterminé  leur  groupement  en 
trois  classes,  et  leur  éloignement  plus  ou  moins  grand 
des  habitations  humaines.  Les  vapeurs  d'acide  chlorhy- 
driqiie  caractérisent  les  fabriques  de  soude  et  de  chlorures  ; 
Vacide  sulfureux  est  produit  par  la  combustion  de  la 
houille,  la  fabrication  de  l'acide  sulfurique,  le  raffinage 
du  soufre,  le  grillage  des  sulfures  métalliques  ;  les  va- 
peurs nitreuses  (acides  nitreux  et  hypoazotique)  sont 
communes  dans  les  fabriques  d'acides  nitrique,  sul- 
furique, oxalique,  arsénieux,  picrique,  de  nitrobenzine  ; 
Vhydrogène  sulfuré,  l'ammoniaque,  se  dégagent  surtout 
des  usines  à  gaz,  et  accidentellement  d'un  grand  nombre 
d'industries  ;  les  émanations  putrides  ou  cadavéreuses 
sont  propres  aux  usines  où  l'on  traite  les  matières  orga- 
ganiques  par  la  chaleur,  fonderies  de  suif,  fabriques  de 
colle  forte,  traitement  des  -vidanges,  etc. 

(1)  Voir  à  ce  poial  de  vue  l'excellent  Manuel  d'hygiène  industrielle,  de 
M.  le  Dr  A.  Napias;  Paris,  Masson,  1882,  Ghap.  iv  el  v,  p.  130  à  240. 
Vallin.  —  Désinfectants.  42 


658  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

Nous  passerons  très  rapidement  en  revue  les  moyens 
généraux  de  préservation  ou  de  désinfection. 

1°  Condensation  des  vapeurs  et  des  gaz  par  l'eau.  — 
Les  gaz  et  les  vapeurs  peuvent  être  condensés  de  plusieurs 
façons  : 

a.  Dans  des  vases  de  saturation  remplis  d'eau ,  on 
conduit  les  gaz,  qui  viennent  barbotter  à  travers  le  liquide  ; 
c'est  ainsi  qu'on  obtient  des  solutions  saturées  utilisées 
dans  l'industrie:  les  inégalités  ou  les  excès  de  la  pression, 
les  fuites,  rendent  souvent  l'application  de  ce  procédé  dif- 
ficile. 

h.  Les  gaz  ou  vapeurs,  au  lieu  de  traverser  une  couche 
épaisse  de  liquide,  sont  mis  en  présence  de  larges  surfaces 
simplemement  humides,  qui  sont  rapidement  saturées. 
Tantôt  on  fait  passer  ces  gaz  à  travers  des  batteries  de 
50  à  300  bonbonnes,  dans  lesquelles  un  mince  filet  d'eau, 
arrivant  en  sens  inverse,  humecte  constamment  les  pa- 
rois ;  c'est  le  système  français.  Tantôt,  on  construit  en 
maçonnerie  des  iours  à  cascade,  des  colonnes,  remplies 
de  coke  ou  de  briques  qui  multiplient  les  surfaces,  et 
qu'on  arrose  d'une  pluie  fine  ;  les  gaz  ou  les  vapeurs  tra- 
versent ces  colonnes,  saturent  les  minces  nappes  d'eau 
qui  tapissent  les  vacuoles  des  corps  spongieux,  qu'on 
lave  ensuite  dans  de  l'eau  pure;  c'est  le  système  anglais. 

c.  On  lance  des  jets  de  vapeur  ou  d'eau  froide  pulvéri- 
sée dans  les  conduits  parcourus  par  les  dégagements;, 
chaque  gouttelette  retient  mécaniquement,  ou  par  dissolu- 
tion, les  principes  volatils  qui  tendent  à  s'échapper  au 
dehors;  c'est  ainsi  qu'on  désinfecte  les  gaz  qui  se  déga- 
gent des  fonderies  de  suif,  etc.  ;  depuis  quelques  années, 
en  Angleterre,  ce  moyen  est  employé  pour  retenir  non 
seulement  les  principes  volatils,  mais  encore  les  fumées. 
C'est  une  imitation  de  la  purification  de  l'atmosphère  par 
la  pluie.  • 


ÉMANATIONS  ET  DÉGAGEMENTS.  659- 

Nous  croyons  inutile  de  parler  ici  des  hottes,  qui  na 
sont  qu'un  moyen  plus  actif  et  plus  direct  de  ventilatioû. 
Il  en  est  de  même  des  opérations  en  vase  clos  ;  dans  beau- 
coup de  cas,  c'est  en  quelque  sorte  la  hotte  descendue  jus- 
qu'aux bords  de  la  cuve  ;  les  guérites  ou  cages  vitrées  sont 
intermédiaires  aux  hottes  et  aux  vases  clos  ;  elles  rendent 
de  grands  services  pour  protéger  les  travailleurs  contre 
les  poussières.  Mais,  dans  tous  ces  cas,  on  déplace  la 
source  d'insalubrité,  on  ne  la  détruit  pas;  on  dissémine 
les  principes  nuisibles  dans  l'atmosphère,  on  les  envoie 
chez  les  voisins,  on  ne  les  fait  pas  disparaître  ;  ce  n'est  pas 
de  la  désinfection  véritable. 

2°  Passage  a  travers  les  foyers.  —  Lorsque  les  gaz 
malodorants  ou  dangereux  sont  inflammables,  on  les 
détruit  en  les  dirigeant  à  travers  les  foyers,  auxquels  ils 
fournissent  un  aliment  de  chauffage  économique  ;  mais 
les  dégagements  ne  sont  souvent  qu'incomplètement 
combustibles,  et  ils  se  décomposent  difficilement  au  con- 
tact des  foyers  (produits  de  la  fabrication  du  suif,  du 
savon,  de  la  colle  forte,  des  vernis,  traitement  des  matières 
de  vidanges,  hydrogène  sulfuré).  Les  buées  ou  gaz  odorants 
sont  d'ordinaire  amenés  des  générateurs  ou  des  chaudières 
sous  le  foyer  de  la  façon  la  plus  simple.  Nous  donnons  ici, 
d'après  le  D""  Ballard  (1),  le  schéma  de  l'appareil  le  plus 
ordinairement  employé  (fig.  20). 

Les  soins  les  plus  minutieux  ne  réussissent  pas  toujours 
à  empêcher  une  partie  de  ces  principes  volatils  de  tra- 
verser les  foyers  sans  être  complètement  détruits  par  le 
feu.  Les  mauvaises  odeurs  dégagées  par  les  fabriques 
d'engrais  qui  entourent  Paris  prouvent  la  difficulté  qu'on 
éprouve  à  brûler  ainsi  ces  émanations  infectes.  Le  plus  sou- 

(1)  D"'  Ballard,  Report  in  respect  of  the  inquiry  as  to  effluvium  nui-- 
sances  (vi'=  Annual  report  of  the  local  Government  Board;  Report  ofthe 
médical  offlcer  for  1876   London.  1878,  p.  203.) 


660  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

vent  on  se  contente  de  faire  appel  par  la  cheminée  des  généra- 
teurs sur  les  gaz  ou  vapeurs  qui  se  dégagent  des  appareils  ; 


Nord 


FiG*  20.  —  Schéma  de  Ballard  pour  la  combustion  des  buées  et  fumées. 

A.  Chaudière.  —  B.  Foyer.  —  D.  E.  Portes.  —  F.  Couvercle.  — 
G.  Conduit  faisant  passer  les  gaz  de  la  chaudière  au-dessous  du  foyer. 
H.  Tuyau  de  fumée  se  rendant  dans  la  cheminée. 


mais  la  rapidité  du  tirage  par  des  cheminées  de  50  mètres 
de  haut  est  si  grande  dans  la  plupart  des  cas,  qu'une 
grande  partie  de  ces  gaz  n'a  pas  le  temps  d'être  décompo- 
sée, ou  qu'ils  refluent  au  moment  où  l'on  ouvre  les  foyers 
pour  les  charger  de  combustible.  Il  va  sans  dire,  que  les 
portes  figurées  par  exemple  en  D  et  en  E,  dans  la  figure 
20,  doivent  être  hermétiquement  fermées. 


ÉMANATIONS  ET  DÉGAGEMENTS.  G31 

M.  Aimé  Girard  a  montré  (1)  que  les  buées  et  les  gaz 
devaient  être  directement  conduits  sur  des  appareils  de 
combustion  spéciaux,  entièrement  indépendants  de  la  che- 
minée de  l'usine.  Quant  à  la  construction  de  cet  appareil 
spécial  «  les  uns  le  veulent  constitué  par  un  véritable 
foyer  chargé  de  coke,  et  de  disposition  particulière;  les 
autres  préfèrent  le  composer  de  chambres  de  briques 
chauffées  au  rouge  et  analogues  au  four  Siemens  ;  d'autres 
encore  lui  préfèrent  les  foyers  à  dalles,  etc.  C'est  à  l'expé- 
rience de  décider  entre  les  uns  et  les  autres.  »  M.  Aimé 
Girard  croit  qu'avec  les  usines  ainsi  construites,  le  traite- 
ment à  chaud  des  matières  de  vidanges  par  l'acide  sul- 
furique  peut  se  faire  sans  aucune  infection  de  l'air  du  voi- 
sinage. 

Les  opérations  les  plus  infectes,  telles  que  la  transfor- 
mation des  débris  d'équarrissage  en  gélatine  ou  en  engrais, 
doivent  se  faire  à  une  pression  de  plusieurs  atmosphères, 
dans  des  chaudières  autoclaves^  munies  d'appareils  spé- 
ciaux, dans  lesquels  les  vapeurs  odorantes  viennent  se 
condenser  ;  il  est  souvent  nécessaire  de  mettre  les  chau- 
dières en  communication,  non  seulement  avec  des  con- 
denseurs, mais  aussi  avec  des  foyers. 

Les  salles  de  séchage  des  toiles  vernies  et  goudron- 
nées, etc.,  doivent  être  mises  en  communication,  par 
un  appel  puissant  à  travers  des  canaux,  avec  des  foyers 
capables  de  détruire  tous  les  principes  volatils,  ordinaire- 
ment très  infects. 

Les  grandes  cheminées,  malgré  des  hauteurs  qui  attei- 
gnent parfois  100  mètres,  n'agissent  guère  qu'en  dispersant 
dans  l'atmosphère  et  en  diluant  dans  l'air  les  gaz  causti- 


(1)  Commission  clo  l'assainissement  de  Paris.  Rapport  de  M.  Aime  Gi- 
rard, sur  l'infection  provenant  des  établissements  qui  reçoivent  ou  mani- 
pulent les  matières  de  î;irfan^es.  Paris,  Imprimerie  nationale,  1831,  p.  173 
—  Vallin,  Les  projets  d'assainissement  de  Paris,  Revue  d'hygiène  et  de 
police  sanitaire,  octobre  1881  p.  809. 


662  DESINFECTION  INDUSTRIELLE. 

ques  comme  l'acide  chlorhydrique,  ouïes  principes  odorants; 
elles  n'empêchent  souvent  ni  la  destruction  des  arbres  ni 
rinfection  dans  un  immense  périmètre;  c'est  un  moyen 
infidèle,  sur  lequel  il  faut  moins  compter  que  sur  une 
tonne  installation  intérieure  des  foyers  et  des  conduits  de 
dégagements.  Ces  hautes  cheminées  permettent  parfois  de 
mélanger  les  produits  d'opérations  différentes,  de  neutra- 
liser, par  exemple,  l'acide  chlorhydrique  et  l'ammoniaque 
qui  se  dégagent  chacun  de  leur  côté  dans  ce  conduit  termi- 
nal commun.  Les  fumées  sont  une  cause  de  gène  consi- 
dérable, et  la  fumivorité  est  un  problème  si  difficile  à  ré- 
soudre, qu'on  n'a  pu  encore  imposer  aux  usines,  non  plus 
qu'aux  chemins  de  fer,  l'obligation  de  brûler  leurs  fumées, 
inscrite  dans  les  règlements  sanitaires  ou  dans  les  cahiers 
des  charges  des  compagnies.  Cette  question  capitale,  à  la- 
quelle des  travaux  récents  paraissent  avoir  fait  faire  de 
grands  progrès,  sort  trop  du  cadre  général  de  ce  livre 
pour  être  traitée  incidemment  ici  (1). 

Dans  les  ateliers  où  l'on  travaille  le  phosphore,  le  D''  Le- 
theby,  de  Londres,  a  singulièrement  diminué  la  fréquence 
des  accidents  de  nécrose,  en  faisant  placer  des  vases  rem- 
plis d'essence  de  térébenthine  (2);  il  propose,  en  outre,  de 
faire  porter  aux  ouvriers,  suspendue  au  cou  et  appuyée 
sur  la  poitrine,  une  petite  boite  de  fer  blanc,  remphe  de 
térébenthine,  et  à  orifice  ouvert.  Le  D''  Letheby  a  constaté 
qu'une  proportion  de  moins  de  1  sur  4,000  d'essence  de 
térébenthine  dans  l'air,  suffisait  à  empêcher  la  diffusion 
des  vapeurs  phosphorées.   On  pourrait  trouver  une  autre 

(1)  Voyez:  Instruction  du  Conseil  d'hygiène  delà  Seine  (27  avril  185S), 
Sur  les  7Uoyens  d'empêcher  la  production  de  la  fumée  ;  rapport  de 
M.  Combes  (8  juillet  1859),  Sur  la  suppression  de  la  fumée  [Traité  d'hy- 
giène industrielle  de  Vernois,  T.  I,  '  p.  74,  et  Dictionnaire  d'hygiène,  de 
Tardicu,  Fumée.  FijMivorité.  —  De  Frcycinet,  Traité  d'assainissement 
induslriel,  1870,  p.  307  à  328.  —  E.  Vallin,  Les  brouillards  de  Londres 
et  la  fumivorité  (Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1882,  p.  201). 

(2)  L'essence  de  térébenthine  antidote  du  phosphore  [Gazette  hebdo- 
madaire, 1869,  p.  154;  1872,  p.  833  et  1873,  p.  1). 


ÉMANATIONS  ET  DÉGAGEMENTS.  G63 

explication  de  l'action  avantageuse  de  la  térébenthine, 
dans  le  fait  découvert  et  signalé  par  Personne.  Eu  fai- 
sant avaler  de  l'essence  de  térébenthine  à  un  sujet  empoi- 
sonné par  le  phosphore,  ce  poison  se  combine  avec  la  té- 
rébenthine qui  est  éliminée  par  les  poumons  ;  la  térében- 
thine peut  donc  être  considérée  comme  un  véritable  anti- 
dote du  phosphore. 

Dans  les  usines  où  l'on  fabrique  le  chlore,  le  chlore  en 
excès  est  neutralisé  par  un  lait  de  chaux,  oii  l'on  fait  bar- 
boter le  gaz.  Dans  les  usines  de  gaz  à  éclairage,  tous  les 
hydro-carbures  produits  doivent  être  absorbés  ;  on  se  sert 
avantageusement  dans  ce  but  du  résidu  de  la  propre 
combustion  du  boghead;  quand  ce  boghead  est  entière- 
ment brûlé,  il  est  blanc,  et  peut,  en  outre,  servir  aux  mou- 
leurs en  bronze ,  à  l'égal  du  poussier  de  charbon  ou  de  la 
fécule;  il  est  formé  en  grande  partie  de  poudre  alumi- 
neuse. 

Il  nous  est  impossible  de  passer  ici  en  revue  tous  les 
moyens  d'assainir  l'air  des  ateliers  et  des  locaux  industriels  ; 
le  sujet  comporte  un  traité  spécial  (1),  et  il  ne  faut  pas 
confondre  assainissement  avec  désinfection.  Il  est  évident 
qu'il  ne  peut  être  ici  question  des  masques  et  appareils 
respirateurs  qui  empêchent  les  poussières  ou  les  gaz  nui- 
sibles d'atteindre  les  voies  respiratoires  des  ouvriers  (2). 
Les  hottes,  les  cheminées  d'appel  ne  sont,  en  somme,  que 
des  moyens  spéciaux  de  ventilation.  L'humectation  préa- 
lable des   substances   capables  de   former  les    poussières 

(1)  Au  moment  où  fo  termine  l'impression  de  co  volume,  nous  rece- 
vous  le  Manuel,  d'hygiène  industrielle,  par  le  D^  H.  Napias;  Paris, 
Ma?son,  1882,  1  vol.  in- 8°  de  VllI-580.  On  trouvera  dans  l'excelleiu  ou- 
vrage de  notre  collègue  et  ami  les  indications  les  plus  précieuses  po^r 
il'assainissemenl  des  établissements  industriels  en  général,  el  pour  chaque 

industrie  en  particulier. 

(2)  Congrès  d'hygiôno  de  Pans  (1878),  Des  moyens  de  diminuer  les  dan- 
gers qui  résultent,  pour  les  travailleurs  des  différentes  industries,  de 
remploi  des  substances  minérales  toxiques.  Rapport  par  MM.  Gubler  et 
JNapias  {Compte  rendu  officiel,  T,  I,  p.  599). 


664  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

dangereuses  (préparation  des  sels  de  plomb  par  la  voie 
humide)  est  un  moyen  préventif,  bien  plus  qu'un  moyen 
de  désinfection,  etc. 

Certaines  substances  chimiques  agissent  vraiment  en 
désinfectant  l'air  chargé  de  principes  toxiques.  On  a  con- 
seillé de  dégager  l'ammoniaque  dans  les  ateliers  où  se 
produisent  des  vapeurs  mercurielles  ;  c'est  ainsi  qu'à 
Saint-Gobain,  dans  les  ateliers  où  se  fait  l'étamage  des 
glaces,  on  répand  chaque  soir  sur  le  sol,  après  la  sortie 
des  ouvriers,  un  demi-litre  d'ammoniaque  hquide  pour 
saturer  les  vapeurs  de  mercure. 

On  a  parfois  employé  les  fumigations  d'acide  sulfureux 
dans  le  même  but,  les  particules  de  sulfure  insoluble 
étant  moins  dangereuses  que  les  vapeurs  mercurielles. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  applications  que  MM.  Girard 
et  Pabst  ont  su  faire  des  propriétés  désinfectantes  des  cris- 
taux des  chambres  de  plomb,  et  indiqué  l'appareil  qu'ils 
ont  disposé  pour  assainir  les  latrines. 

«  Le  même  appareil,  agrandi  et  avec  quelques  modifi- 
cations de  détail,  s'emploie  dans  les  usines  d'engrais,  de 
colle-forte,  de  poudrette,  etc.  On  peut  utiliser  les  pro- 
priétés désinfectantes  du  sulfate  de  nitrosyle  dans  les  la- 
boratoires de  chimie  ou  dans  les  usines,  pour  se  débar- 
rasser des  gaz  odorants  qui  se  dégagent  d'un  appareil  ou 
d'un  récipient  quelconque,  d'une  fosse  ou  d'une  cuve  con- 
tenant des  matières  soumises  à  la  fermentation  butyri- 
que, putride,  etc.,  en  faisant  passer  ces  gaz  à  travers  une 
colonne  remplie  de  coke  que  l'on  imbibe  d'acide  sulfuri- 
que  nitreux;  si  les  gaz  sont  humides,  on  condense  l'excès 
d'humidité  par  le  refroidissement  ou  par  des  moyens  mé- 
caniques. L'air,  en  passant  sur  ce  coke,  se  trouve  en  con- 
tact avec  l'acide,  lui  cède  son  eau,  reprend  une  très  petite 
quantité  d'acide  nitreux  et  sort  désinfecté. 

«  Dans  les  laboratoires,  on^emploie  dans  ce  but  les  éprou- 
vettes  dites  à  dessécher  les  gaz,  remplies  de  coke  en  mor- 


EAUX  INDUSTRIELLES.  665 

ccaux  gros  comme  des  noix  ;  le  gaz  arrive  par  la  tubu- 
lure du  bas,  et  s'échappe  par  le  goulot  qui  porte  aussi  un 
entonnoir  à  robinet,  destiné  à  faire  couler  goutte  à  goutte 
l'acide  sur  le  coke.  La  concentration  de  cet  acide  peut  va- 
rier suivant  la  vitesse  et  le  degré  d'infection  des  gaz  ;  on 
peut  aussi  disposer  plusieurs  éprouvettes  à  la  suite  l'une 
de  l'autre.  .Dans  ces  conditions,  l'acide  iodhydrique  est 
transformé  en  iode,  l'acide  sulfhydrique  en  soufre,  les  hy- 
drogènes arsénié,  phosphore,  antimonié,  en  arsenic,  phos- 
phore, antimoine;  le  gaz  des  marais,  l'éthylène  sont  oxydés 
en  tout  ou  en  partie,  suivant  la  concentration  de  l'acide 
et  la  durée  de  son  action.  »  (Note  manuscrite  de  MM.  Gi- 
rard et  Pabst.) 


ART.  II.  —  DÉSINFECTION  ET  ÉPURATION  DES  EAUX 
INDUSTRIELLES. 

Trop  souvent  les  industriels  et  le  public  considèrent 
les  cours  d'eau  comme  une  propriété  commune  dont  tout 
le  monde  a  le  droit  d'user  et  d'abuser  ;  les  immondices 
qu'on  n'oserait  pas  déposer  dans  les  rues,  on  n'hésite  pas  à 
les  jeter  dans  la  rivière  dont  on  est  exposé  à  boire  l'eau 
plus  ou  moins  bien  filtrée.  Une  usine  regarde  volontiers 
un  cours  d'eau  comme  un  émonctoire,  comme  un  égout, 
etc.,  et  y  laisse  couler  ses  eaux  résiduelles. 

Les  lois,  les  arrêtés  et  les  circulaires  défendent  d'in- 
fecter les  rivières  par  la  projection  des  eaux  et  résidus 
industriels  ;  ces  produits  doivent  être  préalablement  puri- 
fiés ou  dénaturés.  Bien  qu'il  ne  s'agisse  pas  ici  de  désin- 
fection proprement  dite,  mais  plutôt  des  mesures  à  pren- 
dre pour  prévenir  l'infection,  nous  croyons  devoir  indi- 
quer  sommairement   les  moyens   capables    d'assurer   la 


666  DÉSINFECTION   INDUSTRIELLE. 

purification  des  eaux  résiduelles,  aussi  bien  de  celles  qui 
sont  déjà  mal  odorantes,  putrides,  pestilentielles,  toxiques, 
que  de  celles  qui  le  deviendront  quelques  jours  plus  tard, 
d'une  façon  directe  ou  indirecte.  N'est-ce  pas  faire  en  quel- 
que sorte  de  la  désinfection,  que  de  précipiter  parla  chaux, 
dans  des  bassins  de  dépôt,  l'acide  sulfurique  des  vinasses 
avant  de  rejeter  celles-ci  dans  un  cours  d'eau,  pour  em- 
pêcher la  matière  organique  de  réduire  plus  tard  ces  sul- 
fates en  sulfures  et  en  hydrogène  sulfuré  ?  Au  point  de  vue 
du  but  à  atteindre,  au  point  de  vue  de  l'hygiène  publique, 
c' est-là  une  véritable  opération  de  désinfection?  On  pourra 
sans  doute  appeler  cela  de  la  désinfection  préventive, 
mais  c'est  dans  un  livre  sur  la  désinfection  qu'on  cherchera 
tout  d'abord  les  notions  les  plus  sommaires  sur  la  conduite 
à  tenir  en  pareil  cas;  c'est  dans  les  traités  d'hygiène 
industrielle  ou  de  technologie ,  qu'on  trouvera  pour 
chaque  cas  particulier  les  développements  nécessaires. 
En  France,  un  certain  nombre  de  lois  et  d'arrêtés  or- 
donnent de  désinfecter  les  eaux  industrielles  avant  de  les 
déverser  dans  les  rivières,  ou  tout  au  moins  interdisent 
de  troubler  les  eaux  courantes.  Tels  sont  l'ordonnance 
des  eaux  et  forêts  d'août  1669,  les  ordonnances  royales 
du  16  décembre  1672,  du  20  février  1773,  les  arrêtés  du 
Conseil  du  24  juin  1777,  du  17  et  23  juillet  1783.  Les 
lois  des  22  décembre  1789  et  16-24  août  1790  permettent 
aux  autorités  départementales  et  municipales  d'assurer  par 
des  arrêtés  l'intégrité  des  cours  d'eau.  C'est  en  vertu  de 
ces  lois  qu'ont  été  rendus  les  décrets  ministériels  du  9  jan- 
vier 1858  et  du  25  janvier  1858,  le  règlement  d'eau  des  23 
et  25  novembre  1867 ,  qui  prohibent  l'évacuation  des 
eaux  résiduelles  dans  les  rivières.  Une  décision  ministé- 
rielle en  date  du  24  juillet  1875,  visant  l'avis  du  conseil 
général  des  ponts  et  chaussées,  a  rappelé  que  l'ordonnance 
du  20  février  1773  et  l'arrêté  du  conseil  du  24  juin  1777 
«  interdisent  de  jeter  dans  la  Seine  des  liquides  ou  des  im- 


EAUX  INDUSTRIELLES.  667 

mondices  ou  déjections  quelconques  susceptibles  de  ren- 
dre ses  eaux  insalubres  et  impropres  aux  usages  domes- 
tiques. » 

Il  serait  désirable,  en  attendant,  qu'il  existât  en  France 
une  loi  récapitulative  et  bien  précise,  analogue  à  celle,  qui 
est  intervenue  récemment  en  Angleterre,  sous  ce  titre  : 
The  rivers  pollution  prévention,  (15  août  1876).  De 
l'autre  côté  de  la  Manche,  les  autorités  sanitaires  con- 
naissent des  contraventions  commises,  prescrivent  après 
expertises  les  mesures  à  prendre  pour  assurer  la  désinfec" 
tion  des  eaux  polluées  avant  leur  écoulement  dans  les  cours 
d'eaux,  et  condamnent  à  une  amende  qui  peut  s'élever 
à  1,260  francs  par  jour,  en  cas  de  retard  dans  l'exécu- 
tion des  travaux  prescrits.  En  Prusse,  les  lois  des  28  fé- 
vrier 1843  et  28  octobre  1846  portent  des  prescriptions 
qui  défendent,  dans  certaines  limites,  la  pollution  des 
rivières.  En  Belgique,  une  série  de  règlements  provin- 
ciaux portent  défense  de  jeter  aux  cours  d'eau  des  matières 
solides  ou  des  liquides  impurs  (1). 

Dans  presque  tous  les  pays  civilisés,  il  se  fait  depuis  plu- 
sieurs années  de  grands  efforts  pour  garantir,  à  l'aide  de 
lois,  la  pureté  des  eaux  courantes,  et  pour  concilier  les 
droits  de  la  santé  publique  avec  les  justes  exigences  de  l'in- 
dustrie. En  France,  comme  chez  beaucoup  de  nations  voisi- 
nes, à  part  les  lois  anciennes  et  générales  que  nous  venons 
d'énumérer,  la  protection  des  cours  d'eau  n'est  guère  assurée 
que  par  des  règlements  émanés  des  autorités  locales,  par 
des  arrêtés  préfectoraux,  des  décisions  du  préfet  de  police 
à  Paris.  Ces  arrêtés  sont  modifiés  d'année  en  année  dans 
un  même  département,  et  il  est  presque  impossible,  à 
moins  d'être  un  légiste  consommé,  de  connaître  cette  ju- 
risprudence sanitaire;  il  n'existe  d'ailleurs   aucun  recueil 

(1)  Sclilœsing,  A.  Durand-Claye  et  Proust,  De  Valtéralion  des  cours  d'eau. 
[Comptes  rendus  du  Congrès  international  d'hygiène  de  Paris,  en  1878 
1880,  T.  II  p.  317.) 


668  DESINFECTION  INDUSTRIELLE. 

imprimé  où  l'on  puisse  trouver  réunies  toutes    les  circu- 
laires et  décisions  ministérielles  sur  ces  matières. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  tenter  une  classification  mé- 
thodique des  eaux  industrielles  et  de  leurs  moyens  de  pu- 
rification. Maison  peut  dire  que  toute  eau  industrielle  doit 
être  soumise  à  l'une  des  opérations  suivantes  :  1°  clarifi- 
cation, par  séparation  des  matières  en  suspension,  soit  di- 
rectement, soit  après  l'emploi  de  réactifs  qui  font  passer 
les  matières  dissoutes  à  l'état  insoluble;  2°  épuration  par  le 
sol,  des  substances  dissoutes;  3°  neutralisation  de  l'acidité 
ou  de  l'alcalinité  ;  4°  évaporation  et  destruction  des  rési- 
dus ;  ^"puisards. 

l  I.  —   CLARIFICATION,  FILTRATION,  PRÉCIPITATION. 

Les  eaux  ont  déjà  subi  un  premier  degré  de  purifica- 
tion et  même  de  désinfection,  lorsqu'elles  ont  abandonné, 
par  le  repos  ou  par  la  filtration,  une  partie  des  matières 
qui  y  étaient  suspendues.  On  comprend  la  difficulté  d'une 
filtration  qui  doit  porter  sur  des  centaines  ou  des  milliers 
de  mètres  cubes  dans  la  même  journée  ;  et  cependant,  cette 
filtration  à  travers  des  couches  de  graviers  a  été  tentée 
pendant  plusieurs  années  sur  les  eaux  résiduelles  d'une 
ville  de  300,000  habitants  comme  Birmingham,  et  sur  les 
eaux  provenant  du  lavage  des  laines  de  la  viUe  industrielle 
de  Blakburn,  etc.  Les  résultats  ont  été  aussi  peu  satisfai- 
sants que  coûteux  ;  il  était  facile  de  le  prévoir.  Cepen- 
dant l'on  a  établi  avec  succès  dans  certaines  usines  le  fil- 
trage mécanique  par  de  très  larges  surfaces  :  les  presses 
filtrantes  de  Needham  font  passer  en  quelques  minutes  à 
travers  des  toiles  qui  n'ont  pas  moins  de  20  mètres  carrés 
de  surface,  les  eaux  troubles  de  brasseries,  papeteries, 
poteries,  etc.,  et  la  clarification  est  presque  complète  en 
un  temps  assez  court. 

Précipitation  spontanée.  —  La  précipitation  spontanée 


EAUX  INDUSTRIELLES.  669 

nécessite  la  retenue  et  l'immobilité,  pendant  un  certain 
temps,  des  eaux  chargées  de  débris  organiques  ou  miné- 
raux. Cette  opération  se  fait  à  l'aide  de  bassins  de  dépôt.  Il 
en  existe  de  deux  systèmes  :  ceux  où  l'écoulement  est  inter- 
mittent, ou  bassins  fermés  ;  ceux  où  l'écoulement  est  con- 
tinu, ou  bassins  ouverts.  Dans  les  premiers,  on  ne  décante 
le  liquide,  on  ne  le  laisse  couler  hors  du  bassin,  que  lors- 
que la  précipitation  des  matières  solides  est  achevée.  Dans 
les  derniers,  le  liquide  clarifié  s'échappe  lentement  à  une 
extrémité,  pendant  que  l'eau  trouble  y  arrive  par  l'extré- 
mité opposée,  avec  une  lenteur  exactement  calculée.  L'art 
de  l'ingénieur  consiste  à  savoir  dans  quel  cas  l'un  des  sys- 
tèmes doit  être  préféré  à  l'autre,  et  comment  l'installation 
doit  être  agencée;  disons  seulement  que  l'expérience,  par- 
ticulièrement celle  que  M.  Lechatelier  a  faite  à  Gennevil- 
liers  en  1868,  a  sanctionné  l'avantage,  pour  les  bassins 
continus,  des  digues  fdtrantes  ou  perméables  de  M.  Par- 
rot  (1),  soit  à  l'aide  de  gazons,  de  fascines,  de  couches 
de  sable,  etc.,  soit  à  l'aide  de  planches  de  barrage  percées 
d'un  grand  nombre  de  petits  trous. 

Précipitation  par  les  réactifs  chimiques.  —  La  forma- 
tion des  précipités  a  toujours  lieu  avec  une  grande  lenteur, 
et  c'est  une  source  de  difficultés  sérieuses,  quand  la  masse 
d'eau  à  clarifier  journellement  est  considérable.  Aussi, 
s'est-on  ingénié  à  trouver  des  substances  qui  activent  cette 
opération,  en  même  temps  qu'elles  exercent  une  certaine 
action  antiseptique  sur  les  matières  organiques  en  disso- 
lution ou  en  suspension.  M.  Schlœsing  a  montré  que  le 
chlorure  de  calcium,  qui  est  en  même  temps  un  désinfec- 
tant, accélère  notablement  la  précipitation  de  l'argile  et  des 
troubles  en  suspension  dans  feau.  L'on  sait  depuis  long- 
temps que  la  chaux  produit  ce  même  effet  d'une  façon  très 
marquée  et  l'usage  de  cette  matière  est  général  dans  la 

(1)  Pairot,  Annales  des  mines,  2°  série,  1830,  t.  Vlli,  p.  33. 


670  DESINFECTION  INDUSTRIELLE. 

plupart  des  industries,  M.  A.  Gérardin  (1)  a  cherché  à 
donner  une  exphcation  de  cette  facuhé  qu'ont  certaines  sub- 
stances d'accélérer  la  précipitation  des  matières  en  sus- 
pension. En  général,  les  eaux  potables  les  meilleures  et 
les  plus  pures,  les  eaux  bleues,  restent  très  longtemps 
troubles,  quand  leur  limpidité  a  été  troublée  par  un  corps 
en  suspension  tel  que  de  l'argile,  de  l'amidon;  même 
après  plusieurs  jours  de  repos,  le  liquide  sort  trouble  et 
chargé  de  la  matière  en  suspension.  Au  contraire,  les 
eaux  industrielles  ou  eaux  vertes  jouissent  de  cette  pro- 
priété très  recherchée  de  se  clarifier  complètement  par 
l'abandon  rapide  des  précipités.  L'examen  microscopique 
a  montré  à  M.  Gérardin  que  dans  les  eaux  les  plus  pu- 
res en  tant  qu'eaux  de  table,  on  découvre,  quand  on  les 
a  rendues  troubles,  tous  les  corpuscules  en  suspension 
agités  du  mouvement  brownien  le  plus  vif.  D'après  lui, 
c'est  ce  mouvement  brownien  dont  la  cause  lui  est  restée 
inconnue,  qui  empêche  la  précipitation  des  matières 
en  suspension  ;  ces  eaux  justifient  donc  parfaitement  le 
nom  d'eaux  vives  qu'on  leur  donne.  Les  eaux  indus- 
trielles, au  contraire,  qui  sont  si  précieuses  parce  que  les 
matières  organiques  n'y  font  pas  de  mousses  et  parce  que 
la  clarification  des  liquides  troubles  est  rapide  et  complète, 
ces  eaux  ne  laissent  apercevoir  aucun  mouvement  brow- 
nien proprement  dit  ;  on  y  voit  les  mouvements  tout  diffé- 
rents d'un  grand  nombre  dinfusoires,  etc.  M.  Gérardin 
croit  que  les  substances  qui  détruisent  dans  une  eau  le 
mouvement  brownien  sont  les  meilleurs  agents  de  la  cla- 
rification. 

C'est  ainsi  qu'il  explique  ce  fait  observé  en  1872  dans 
une   cartonnerie.    Il   s'agissait    d'épurer  les    eaux    rési- 

(1)  A.  Gérardin,  Traitement  des  eaux  industrielles;  mouvement 
Brownien,  Paris,  Jules  Lecuir,  1876,  in-4°,  p.  20,  et  Mémoire  sur  l'al- 
tération, la  corruption  et  V assainissement  des  rivières,  1873,  Imprimerie 
nationale. 


EAUX  IiNDUSTRIELLES.  671 

duaires  d'une   grande    fabrique   de  carton,   qui  corrom- 
paient les  cours  d'eau  voisins.  Ces  eaux,  répandues  sur  un 
terrain  drainé,  ne  déposaient  que  des  quantités  insigni- 
fiantes de  débris  de  pâte  sur  le  terrain,  et  encrassaient 
les    drains    d'une    couche    de  carton  assez  épaisse  pour 
les  obstruer  complètement.  «  Alors,  dit-il,  j'ai  traité  ces 
eaux  préablement  par  la  chaux  ;   le  dépôt  de  la  pâte  fine 
s'est  fait  en  grande  partie  dans  le  bassin  de  décantation, 
et  a  cessé  de  se  produire  dans  les  drains.  A  cette  époque, 
je  n'ai  pas  compris  la  théorie  de  ces  faits  ;  aujourd'hui,  ils 
s'expliquent   avec  la    plus  grande    facilité.    La   pâte   de 
carton  diluée  dans  l'eau  de  ce  puits  artésien  y  prend  le 
mouvement  brownien,  et  ne  peut  se  déposer  même  au 
contact  de  la  terre  ;  mais,  dans  le  drain,  l'oxydation  mo- 
difie l'eau,  le  mouvement  brownien  s'arrête,  et  aussitôt  la 
pâte  de  carton  se  dépose  au  point  de  mettre  les  drains  hors 
d'usage.  » 

M.  Gérardin  s'est  efforcé  de  reconnaître  les  substances 
qui  arrêtent  ce  qu'il  appelle  le  mouvement  brownien,  et 
qui  facilitent  ainsi  à  un  haut  degré  la  clarification  des 
eaux  industriehes.  Une  solution  acide  de  phosphate  na- 
turel de  chaux  traité  par  l'acide  chlorhydrique  lui  a  paru 
remplir  ces  conditions.  L'expérience,  bien  des  fois  répétée 
par  le  savant  inspecteur  des  étabhssements  insalubres  du 
département  de  la  Seine,  lui  a  montré  qu'il  y  avait  tou- 
jours avantage  à  ajouter  une  faible  quantité  de  l'un  de 
ces  agents  aux  eaux  troubles,  avant  de  les  soumettre  au 
moyen  de  désinfection  et  d'épuration  par  excellence,  l'oxy- 
dation par  l'oxygène  de  l'air,  à  l'aide  de  l'irrigation  inter- 
mittente sur  un  sol  parfaitement  drainé.  La  chaux,  même 
à  faible  dose,  favorise  la  précipitation  mécanique  de  toutes 
les  matières  suspendues  en  dehors  de  toute  réaction  chi- 
mique :  c'est  l'agent  le  plus  usuel  de  l'épuration  des  eaux 
industrielles. 
Nous  avons  déjà  vu  (p.  71)  quel  excellent  résultat  Pet- 


672  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

tenkofer  a  obtenu  de  la  chaux  pour  la  désinfection  des 
eaux  de  la  cale.  Dans  les  expériences  faites  sur  plusieurs 
vaisseaux  de  la  flotte  allemande,  la  désinfection  était  assez 
complète  en  ajoutant  1  kilogramme  de  chaux  par  mètre 
cube  d'eau  de  cale;  mais  un  dépôt  boueux  encrassait  les 
pompes  et  les  mettait  rapidement  hors  de  service.  La 
chaux  servait  ici  par  ses  propriétés  absorbantes,  elle  gê- 
nait par  ses  propriétés  clarifiantes. 

L'application  de  la  chaux  vive  ou  du  lait  de  chaux  à  la 
désinfection  des  eaux  industrielles  des  vinasses,  des  vi- 
danges, des  eaux  d'égout,  est  très  ancienne  et  d'un  usage 
journalier.  La  chaux  agit  de  plusieurs  façons  :  en  préci- 
pitant et  en  entraînant  les  matières  en  suspension,  en 
neutralisant  les  acides,  et  en  faisant  subir  des  transfor- 
mations encore  mal  connues  aux  matières  dissoutes.  Des 
expériences  faites  sur  la  plus  large  échelle  sur  les  eaux 
d'égout  de  Londres,  par  MM.  Hoffmann  et  Witt,  ;  à  Lei- 
cester,  par  MM.  Wicksted,  Aikin,  Taylor;  en  France,  par 
un  grand  nombre  d'industriels  (système  Leplanque),  ont 
montré  que  l'eau  de  chaux  précipite  la  plus  grande  partie 
des  matières  en  suspension,  et  environ  le  cinquième , 
parfois  le  tiers  des  matières  dissoutes.  Le  liquide  de  dé- 
cantation conserve  pendant  plusieurs  jours  une  certaine 
résistance  à  la  fermentation.  Il  est  donc  difficile  de  bien 
déterminer  le  mode  d'action  de  la  chaux  et  la  place  qu'il 
faut  donner  à  cet  utile  agent  de  désinfection  ;  il  agit  à  la 
fois  comme  absorbant,  comme  coagulant  et  comme  agent 
physique,  accélérant  le  mouvement  de  précipitation  des 
matières  en  suspension  (1). 

La  chaux  sert  presque  toujours  à  la  fois  à  clarifier  et 
épurer  partiellement  les  liquides,  et  aussi  à  neutraliser  les 
résidus   acides.  Quand  la  réaction  acide  est  forte,  on  em- 

(1)  Boudet,  Rapport  au  Conseil  d'hygiène  de  la  Seine  sur  les  latrines 
publiques  établies  à  Paris;  19  mars  1833  [Traité  d' hygiène  de  Vernois, 
T.  2%  p.  577. 


KAUX  IIN'DUSTRIKLLES.  67S 

ploie  de  préférence  le  calcaire  en  morceaux,  qui  est  moint; 
coûteux  et  encrasse  moins  les  canaux  d'écoulement.  Quand 
l'acidité  est  faible,  on  fait  arriver  les  eaux  à  épurer  dans 
un  bassin  spécial,  ou  simplement  dans  un  tonneau,  où  l'on 
fait  tomber  un  jet  de  lait  de  chaux  plus  ou  moins  fort  sui- 
^■ant  la  quantité  des  résidus.  Le  mélange  doit  être  brassé 
longuement  et  intimement,  à  l'aide  d'un  agitateur  à  ai- 
lettes ou  à  roues,  mû  à  la  main  ou  par  la  vapeur.  La 
chaux  s'empare  des  acides  gras  pour  former  des  savons 
calcaires,  qui  entraînent  dans  leur  précipitation  la  plupar 
des  matières  en  suspension.  Les  bassins  successifs  de  dé- 
cantation et  de  brassage,  d'ordinaire  au  nombre  de  cinq, 
retiennent  le  mélange  avant  de  laisser  l'eau  clarifiée 
couler  à  la  rivière.  La  quantité  de  chaux  nécessaire  est 
très  variable  ;  elle  varie  de  2  kilogrammes  par  hectolitre  à 
oOO  grammes  par  mètre  cube  ;  elle  est  indiquée  par  la 
réaction  du  papier  de  tournesol  ;  le  liquide  ne  doit  s'écou- 
ler que  neutre  ou  légèrement  alcalin. 

M.  Chevreul  et  3L  Wurtz  ont  insisté  depuis  longtemps 
sur  la  nécessité  de  traiter  par  le  lait  de  chaux  les  vinasses 
et,  les  résidus  de  distillerie  ;  M.  Kuhlmann  a  montré  que 
la  chaux  pouvait  séparer  d'une  vinasse  le  tiers  des  ma- 
tières organiques  qu'elle  tenait  en  dissolution.  Nous  ve- 
nons de  dire  que  la  quantité  de  chaux  à  employer  doit 
être  suffisante  pour  rendre  le  liquide  neutre  ou  alcalin. 
Il  faut  éviter  que  l'alcalinité  ne  devienne  trop  marquée, 
car  un  excès  considérable  de  chaux  ajouté  aux  vinasses 
peut  sursaturer  le  liquide,  mettre  en  liberté  de  la  potasse 
et  de  f  ammoniaque  ;  f  excès  d'alcali  favorise  la  fermen- 
tation acide,  et  particulièrement  la  fermentation  butyri- 
que. C'est  ce  que  M.  Chevreul  et  M.  Wurtz  ont  pu  con- 
stater à  l'usine  de  Boyelles,  où  les  vinasses  clarifiées  et 
fortement  alcalines  au  sortir  des  bassins  ne  tardaient  pas, 
en  coulant  lentement  dans  le  lit  du  Cojeul,  à  perdre  cette 

YaIJ.IN.    —  DKSINFrCTAMS.  43 


674  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

alcalinité,  à  devenir  acides,  et  à  dégager  une  odeur  re- 
poussante d'acide  butyrique  (1). 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'épuration  par  la  chaux  est 
toujours  incomplète;  ainsi  que  l'ont  montré  Way,  Le- 
theby,  Hoffmann  et  Frankland.  Les  eaux  clarifiées  se  pu- 
tréfient au  bout  de  quelques  jours  si  on  les  conserve  im- 
mobiles dans  les  réservoirs,  surtout  si  ces  derniers  ne 
sont  pas  fréquemment  curés.  Elles  peuvent  infecter  les 
édlirs  d'eau  quand  le  débit  journalier  de  ceux-ci  est  trop 
faible;  aussi  le  déversement  des  vinasses  clarifiées  dans 
les  cours  d'eau  a-t-il  été  ainsi  réglé  par  un  arrêté  préfec- 
toral, dont  nous  n'avons  pu  retrouver  la  date  et  l'origine. 

«  Les  vinasses  seront  déversées  directement  dans  un  cours  d'eau  peu 
éloigné,  pourvu  que  leur  volume  n'excède  pas  1  pour  200  de  la  quanlilé 
d'eau  à  l'étiage. 

Dans  ce  cas,  l'emploi  d'un  acide  quelconque  pour  la  préparation  des 
jus  sera  faculiatif  ;  mais  l'industriel  devra  traiter  chaque  hectolitre  de 
vinasse  bouillante  par  un  kilogramme  de  chaux  vive,  à  l'état  de  lait  ; 
construire  les  bassins  do  dépôt  et  n'en  laisser  sortir  les  vinasses  que 
franchement  alcalines  et  parfaitement  limpides  (i). 

Le  Conseil  d'hygiène  du  département  du  Nord  propo- 
sait en  1858  de  ne  laisser  s'écouler  ces  vinasses  clarifiées 
que  dans  les  cours  d'eau  ayant  un  débit  journalier  égalant 
de  300  à  500  fois  le  volume  des  vinasses,  suivant  la  rapi- 
dité des  courants,  le  voisinage  d'un  grand  fleuve  ou  de 
la  mer,  etc.  Une  réserve  était  faite  pour  les  vinasses  cla- 
rifiées provenant  du  traitement  du  jus  de  betterave  par 
l'acide  chlorhydriqué'  au  lieu  de  l'acide  sulfurique:  elles 
pouvaient  être  évacuées  dans  des  cours  d'eau  offrant  un 
débit  journalier  égal  au  minimum  à  100  fois  le  volume  des 
vinasses.  Nous  allons  voir  que  l'épuration  n'est  complète 
qu'après  irrigation  sur  le  sol. 

(1)  Wurtz,  Rapport  sur  V insalubrité  des  résidus  provenant  des  dis- 
tilleries. [Recueil  des  travaux  du  Comité  consultatif  d'hygiène,  1872, 
T.  I,  p.  217.) 

(2)  Cet  arrêté   est   sans   doute  du   préfet   du   Nord.  —   Max  Vernois, 
raité  d'hygiène  industrielle,  T.  2°  p.  478. 


EAUX  INDUSTRIELLES.  675 

En  Angleterre,  on  emploie  depuis  quelques  années  avec 
un  certain  succès  un  procédé  d'épuration  des  eaux  par 
précipitation,  connu  sous  le  nom  de  procédé  ABC;  ces 
initiales  sont  les  premières  lettres  des  mots  Alum  (alun), 
Blood  (sang),  Clay-Charcoal  (argile  et  charbon),  c'est-à- 
dire  des  substances  qui  entrent  dans  la  composition  du 
réactif.  Les  proportions  sont  les  suivantes  pour  purifier 
648  grammes  d'eau. 

Alun Ogr,388 

Sang Ogr.OOS 

Argile lgr,296 

Charbon  de  bois .  Ogr,388 

On  y  ajoute  quelquefois  un  peu  de  chaux  (1). 

La  précipitation  des  résidus  organiques  contenus  dans 
les  eaux  industrielles  peut  encore  être  obtenue  par  le  per- 
chlorure  de  fer,  le  phosphate  double  de  magnésie  et  de 
fer,  etc.  A  Bruxelles,  M.  le  D""  Kœhné  a  réussi  à  désin- 
fecter et  à  décolorer  les  eaux  de  l'abattoir  par  une  faible 
quantité  de  perchlorure  de  fer,  et  le  dépôt  obtenu  pro- 
duisait un  engrais  qui  a  été  reconnu  excellent.  Ce  moyen 
a  complètement  échoué  entre  les  mains  de  M.  Way,  pour 
la  désinfection  et  l'épuration  des  eaux  d'égouts  de  Croy- 
don. 

M.  Rabot,  de  Versailles,  a  tiré  un  grand  profit  de  l'as- 
sociation à  la  chaux  des  sels  de  fer  ou  de  manganèse.  Dans 
une  ferme  près  d'Orsay,  une  mare  contenant  un  millier 
de  mètres  cubes  recevait  les  eaux  d'une  grande  distillerie 
ainsi  que  les  excédents  de  purin;  elle  était  tellement  in- 
fecte que  le  voisinage  en  devenait  dangereux.  La  chaux 
n'avait  donné  aucun  résultat  satisfaisant.  M.  Rabot  (2) 

(1)  The  ABC  process  [Médical  Times  and  Gazette,  10  décembre  1881, 
p.  693).  —  Eulenborg,  Handbuch  der  uffenilichen  Gesundheitswesens ; 
Berlin,  A.  Hirschwald,  1881,  T.  l,  p.  41. 

(2)  Rabot,  De  l'application  des  eaux  vannes,  des  eaux  de  distilleries  et 
de  féculeries  à  la  grande  culture,  et  des  procédés  d'épuration  chimique 
et  industrielle  de  ces  eaux.{Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1882, 
p.  1.) 


6"6  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

Qmploya  pour  1,000  mètres  cubes  d'eau  de  distillerio  les 
proportions  suivantes  : 

Sulfate  de  fer 200  kilogrammes. 

Cliaux 1  métro  cube. 

Par  ce  procédé,  on  enlevait  75  p.  0/0  des  matières  or- 
ganiques dissoutes.  L'eau  de  la  mare,  après  ce  traitement, 
fut  envoyée  dans  une  autre  mare  contenant  de  l'eau  de 
pluie  ;  les  bestiaux  continuèrent  à  boire  l'eau  ainsi  mélan- 
gée sans  aucune  répugnance. 

M.  Rabot  rappelle  que  «  les  oxydes  de  potassium,  de 
sodium,  et  tous  ceux  des  métaux  de  la  première  section 
(lithium,  calcium,  baryum,  strontium),  ainsi  que  l'ammo- 
niaque, décomposent  la  solution"  des  sels  des  métaux  ap- 
partenant aux  autres  sections.  En  ajoutant  de  la  chaux,  le 
seul  oxyde  non  nuisible  et  le  moins  coûteux,  dans  une 
solution  de  sulfate  de  fer,  on  précipite  le  fer  à  l'état  d'hy- 
drate insoluble,  tandis  que  l'acide  sulfurique  se  porte 
sur  la  chaux  pour  faire  un  composé  insoluble.  En  se  pré- 
cipitant, ces  deux  composés  entraînent  mécaniquement 
toute  matière  en  suspension.  L'eau  ne  retient  que  des 
traces  de  chaux  qui  se  carbonate  rapidement  à  l'air  et  de- 
vient insoluble;  au  bout  de  quelques  jours,  l'analyse  n'y 
trouve  que  des  traces  de  carbonate  et  de  sulfat-î  de  chaux. 
Lorsqu'on  agit  sur  des  eaux  infectées,  les  produits  de  fer- 
mentation sont  entraînés  de  même;  le  sulfate  de  fer,  en 
effet,  fixe  les  gaz  odorants  et  insalubres,  ammoniaque, 
acide  suif  hydrique,  etc.  Lorsque  ce  premier  effet  est  pro- 
duit et  qu'on  ajoute  le  lait  de  chaux,  on  obtient  une  sorte 
de  collage  laissant  au  bout  de  quelques  heures  une  eau 
parfaitement  limpide,  inodore  et  sans  saveur  désagréable. 
La  chaux  décompose  les  dernières  traces  de  sulfate  de  fer 
restées  en  solution  et  les  précipite  à  l'état  d'oxyde  hy- 
draté; le  double  précipité  se  dépose  régulièrement.  » 

Dans  le  département  du  Nord,  on  a  obtenu  un  bon  ré- 


EAUX  INDUSTRIELLES.  776 

sultat  par  l'association  à  la  chaux  du  chlorure  de  fer  ob- 
tenu en  traitant  les  }Dyrites  par  l'acide  chlorhydrique  ;  on 
pourrait  également  combiner  la  chaux  avec  le  chlorure  de 
manganèse.  M.  Rabot  trouve  plusieurs  inconvénients  à 
l'emploi  de  ces  deux  sels  métalliques.  Le  chlorure  de  fer 
provenant  des  résidus  industriels  est  d'ordinaire  une  li- 
queur très  acide  contenant  trop  peu  de  fer  pour  avoir  son 
maximum  d'action.  Pour  neutraliser  cette  liqueur,  il  faut 
employer  un  excès  de  chaux  en  pure  perte;  les  liquides 
retiennent  en  solution  une  forle  proportion  de  chlorure 
de  calcium  qui  peut  n'être  pas  sans  inconvénient  quand 
il  s'agit  de  les  écouler  dans  des  cours  d'eau  peu  considé- 
rables, et  qui  ne  permettrait  probablement  plus  d'employer 
ces  eaux  en  irrigations.  Il  faudrait  donc  n'employer  que 
du  chlorure  de  fer  où  l'acide  est  saturé.  M.  Rabot  signale 
un  autre  inconvénient  du  chlorure  de  manganèse,  qui  a 
une  importance  assez  sérieuse  au  point  de  vue  écono- 
mique et  industriel  :  quand  l'action  de  la  chaux  n'a  pas 
été  suffisante  pour  enlever  les  dernières  traces  de  manga- 
nèse, les  eaux  rejetées  dans  les  cours  d'eau  où  se  trou- 
veront des  lavoirs  iront  tacher  le  linge  de  points  noirs 
indélébiles  ou  de  marques  brunes  dues  à  un  dépôt  d'oxyde 
de  manganèse,  ce  qui  amènerait  nécessairement  l'inter- 
diction du  déversement  des  eaux  traitées  de  la  sorte. 

Dans  les  usines  de  gaz  à  éclairage,  l'eau  des  gazomètres 
peut  être  désinfectée  avec  les  résidus  de  la  fabrication  de 
l'eau  de  Javelle,  ou  la  solution  de  sulfate  de  fer  :  trois 
litres  de  résidu  d'eau  de  Javelle  pour  un  hectolitre  d'eau 
de  lavage  des  gazomètres,  ou  30  grammes  de  sulfate  de 
fer  par  hectolitre  de  cette  eau  infecte.  Cette  dernière  dose 
de  30  grammes  recommandée  par  Vernois  (1)  nous  paraît 
beaucoup  trop  faible. 

La  brasserie  du  Liesing,  près  de  Vienne,  en  Autriche, 

(l)  Vernois,  Traité  pratique  de  Vhijgiène  industrielle  et  adminisLralive  , 
ISCO,  T.  ">,  p.  48. 


678  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

OÙ  se  fabrique  la  bière  dite  Fanta,  désinfecte  chaque  jour 
1,000  mètres  cubes  d'eau  fermentée  et  fétide  qui  corrom- 
pait les  cours  d'eau  du  voisinage.  MM.  Béranger  et  Sting 
emploient  à  cet  effet  de  très  petites  quantités  de  sesqui- 
chlorure  de  fer  provenant  de  la  réaction  de  l'acide  chlo- 
rhydrique  sur  un  minéral  de  ferliydraté(l).  Il  nous  semble 
préférable  d'associer  le  chlorure  de  fer  à  la  chaux,  comme 
le  conseille  M.  Rabot  et  comme  on  le  pratique  dans  le 
Nord. 

Un  ingénieur  civil,  M.  A.  Huet,  a  récemment  préconisé 
une  liqueur  désinfectante  qui  a  été  employée  pour  com- 
battre la  décomposition  putride  dans  les  abattoirs  de  Paris 
et  au  dépotoir  de  Bondy.  Ce  produit  minéral  s'obtient  en 
traitant  par  l'acide  chlorhydrique  des  laves  calciques,  très 
riches  en  sihcates.  Le  magma  gélatineux,  d'un  jaune  ver- 
dâtre,  analysé  par  M.  Millot,  professeur  de  chimie  à  l'Ecole 
de  Grignon,  a  donné  la  composition  suivante  : 

Chlorure  d'aluminium. 61,73 

»         de  potassium 19,01 

de  fer 1S,09 

»        de  calcium 2,13 

Silice  gélatineuse 1,22 

Ce  mélange,  dont  le  degré  de  dilution  varie  suivant 
le  degré  d'infection  des  eaux  ou  des  surfaces  souillées,  a 
des  propriétés  antiseptiques  énergiques,  et  on  le  dit  rela- 
tivement peu  coûteux  (5  fr.  le  litre).  Deux  grammes  du 
liquide  sirupeux  empêchent  la  fermentation  de  100  gram- 
mes d'urine.  Cependant,  les  expériences  faites  au  nom 
de  la  préfecture  de  la  Seine,  par  une  commission  dont 
M.  Marié-Davy  était  le  rapporteur  (30  mars  1881),  n'ont 
pas  donné  un  résultat  satisfaisant  au  point  de  vue  de  l'épu- 
ration des  eaux  d'égouts,  puisque  1  litre   d'eau  d'égout 


(1)  Analyse  in  Annales  d'hijgiène  et  de  médecine  légale,   1876,  T.  XLV, 
P.  384. 


EAUX  INDUSTRIELLES.  679 

vieillie,  traitée  par  deux  grammes  de  magma  laviquc  de 
Huet,  contenait  encore  après  cette  opération  25  grammes 
d'azote  ammoniacal,  sur  31  gramrnes  que  cette  eau  pré- 
sentait avant  le  traitement. 

On  sait  que  l'alun  est,  depuis  un  temps  immémorial, 
employé  par  les  Chinois  pour  purifier  l'eau  généralement 
trouble  et  légèrement  boueuse  de  leurs  fleuves.  L'alun  pré- 
cipite les  matières  albuminoïdes  ;  il  produit  un  phéno- 
mène comparable  à  celui  qu'on  observe  quand  on  colle 
du  vin  ou  une  liqueur,  en  l'agitant  avec  du  blanc  d'œuf 
ou  de  la  colle  de  poisson.  Il  forme  avec  la  matière  orga- 
nique un  composé  insoluble  qui,  en  se  précipitant,  en- 
traîne et  englobe  avec  lui  la  plus  grande  partie  des  ma- 
tières en  suspension.  Le  sulfate  d'alumine  impur  a  été 
employé  dans  l'industrie  pour  purifier  de  la  même  façon 
les  eaux  industrielles  les  plus  souillées. 

M,  Lechâtelier,  ingénieur  en  chef  des  mines,  a  institué 
sur  une  grande  échelle  des  expériences  de  ce  genre  à 
Gennevilliers,  de  1866  à  1868.  Il  se  proposait  de  préci- 
piter des  matières  organiques  et  autres  contenues  dans  les 
eaux  d'égouts  de  la  ville  de  Paris,  en  y  ajoutant  une  faible 
quantité  de  sulfate  d'alumine.  Il  faisait  usage  de  sulfate 
d'alumine  ferrugineux,  à  la  tenem^  de  10  pour  10.0  .d'alu- 
mine, et  de  2  à  3  pour  100  d'oxyde  de  fer,  fourni  soit 
par  la  dissolution  de  la  bauxite  dans  l'acide  sulfurique, 
soit  p^iî^  les  magmas  rouges  de  Picardie.  Pour  clarifier  un 
mètre  cube  d'eau  d'égoût,  il  employait  1  à  2  litres  d'une 
dissolution  au  cinquième  du  sel,  à  la  teneur  de  20  gram- 
mes d'alumine  par  litre;  la  dépense  par  mètre  cube  était 
de  2  à  3  centimes.  Plus  tard,  en  se  servant  de  dissolu- 
tions titrées  à  10°  Baume,  de  l'usine  Pommier,  le  même 
résultat  était  obtenu  avec  500  grammes  d'eaux -mères, 
coûtant  0  fr.  0125.  Le  dépôt  se  faisait  dans  des  bassins 
successifs  de  décantation,  et  contenait  la  moitié  de  l'azote 
existant  dans  l'eau  impure;  l'eau  était  clarifiée  et  désin- 


680  DESINFECTION  I^DlISTRIELLE. 

fectée,  et  ne  se  troublait  qu'au  bout  de  plusieurs  jours; 
de  même  le  dépôt  ne  s'infectait  pas  par  l'exposition  à  l'air. 
Ce  dépôt,  formé  d'abord  d'une  boue  liquide,  était  aban- 
donné à  l'évaporation  en  plein  air;  au  bout  de  15  jours  on 
pouvait  le  reprendre  à  la  pelle,  le  porter  sur  les  séchoirs, 
où  il  se  transformait  en  engrais  riche  en  azote  et  sans 
odeur.  Chaque  mètre  cube  d'eau  d'égout  donnait  un  dépôt 
de  1  à  2  kilogrammes.  Mais  l'eau  clarifiée  contenait  en- 
core près  des  2/3  de  la  matière  corruptrice  ou  fertilisante  ; 
la  quantité  d'eau  d'égouts  pour  une  ville  comme  Paris 
étant  immense,  l'opération  demandait  un  ternps  trop  long, 
il  était  presque  impossible  de  se  débarrasser  des  dépôts, 
la  dépense  était  considérable. 

On  a  dû  renoncer  à  ce  système  pour  Paris,  mais  les 
résultats  obtenus  ne  doivent  pas  être  oubliés,  et  le  moyen 
de  désinfection  peut  rester  une  ressource  précieuse  pour 
la  désinfection  des  eaux  industrielles  au  voisinage  des 
usines.  C'est  ainsi  que,  au  Congrès  d'hygiène  de  Paris, 
en  1878,  M.  Vivien  disait  avoir  obtenu  les  meilleurs  effets 
du  procédé  Lechâtelier,  pour  assurer  la  désinfection  des 
eaux  résiduelles  d'une  sucrerie  à  Saint-Quentin.  Il  est  vrai 
qu'il  ajoutait  de  la  chaux  pour  compléter  la  précipitation 
des  laques  et  de  la  matière  organique,  et  qu'il  rendait 
l'épuration  et  l'aération  de  l'eau  plus  parfaites,  en  la  fai- 
sant couler  sur  une  prairie  artificielle  avant  de  l'envoyer 
dans  la  rivière  de  l'Aisne,  dans  une  partie  qui  est  la  plus 
peuplée  de  poissons. 

C'est  de  la  même  façon  que,  dans  le  département  du 
Nord,  on  réussit  pendant  d'assez  longues  années  à  faire 
cesser  l'altération  des  eaux  de  l'Helpe  mineure,  dans  la 
traversée  du  territoire  de  Fourmies,  où  un  grand  nombre 
d'ateliers  de  peignage  et  de  dégraissage  des  laines  sont 
établis.  M.  Meurein  (1)  a  fait  voir   dans  un  travail  des 

(J)  Meurein,  Épuration  des  eaux  de  désuintage  des  laines  (Rapport 
sur  les  travanx  du  Conseil  d'hygiène  et  de  saiubriié  du  département  du 


EAUX  1NDUST1\IRLLES.  G81 

plus  intéressants,  les  vicissitudes  qu'a  présentées  cette 
désinfection  ;  c'est  un  excellent  exposé  des  difficultés 
qu'on  rencontre  dans  la  pratique,  il  nous  a  semblé  utile 
d'en  donner  ici  un  résumé. 

Les  eaux  de  lessivage,  chargées  de  savon,  de  suint  et 
de  matières  organiques  putrescibles,    se  rendent  dans  un 
cours  d'eau  unique,  l'Helpe  mineure,  qui   n'est  alimentée 
que  par  l'eau  d'étangs  situés  en  amont,  et  qui  va  se  jeter 
dans  la  Sambre,  à  Landrecies,  avec  une  extrême  lenteur. 
Peu  à  peu,   avec   l'accroissement  de   cette  industrie,    la 
rivière  s'altéra  à  tel  point  que  les  poissons  y  mouraient 
jusqu'à  la  hauteur  de  Maroilles,  et  que  les  bestiaux  refu- 
saient de  la  boire.  En  1849,   un  arrêté  préfectoral   près-, 
crivit  de  retenir  les  eaux  de  lessivage  dans  des  réservoirs 
ou  puisards  de  décantation,  qu'on  devait  vider  une  fois 
par  semaine,  le  dimanche.  L'orifice  du  conduit  qui  ame- 
nait ces  eaux  à  la  rivière,  devait  êfre  placé  à  30  centi- 
mètres du  fond  des  réservoirs,  au-dessus  de  la  couche  de 
dépôt;  le  curage  devait  avoir  lieu  également  toutes  les  se- 
maines et  le  dépôt  servir  comme  engrais.  Ce  procédé  ru- 
dimentaire  ne  fit  qu'assurer  la  décomposition  de  ces  eaux 
grasses,  séjournant  pendant  huit  jours  dans  les  réservoirs, 
et  par  conséquent  augmenter  la  corruption   de  la  rivière. 
On  décida  bientôt  que  les  réservoirs   de  toutes  les  fabri- 
ques seraient  vidés  chaque  jour  à  la  même  heure,  de  8  à 
40  heures  du  soir.  L'infection  ne  diminua  pas;  les  lessives, 
conservées  chaudes  pendant  la  journée  dans   des  réser- 
voirs mal  tenus,  y  étaient  dans  un  état  permanent  de  fer- 
mentation ;  elles  y  entraient  inodores,   elles  en  sortaient 
infectes.  La  rivière  devint  un  réceptacle   d'eaux  savon- 
neuses et  de  mousses  en  fermentation  putride  ;  au  voisina- 
ge des  barrages,  l'eau  se  couvrait  d'une  croûte  écumeuse, 


^ord  pendant  l'année  1877,  Lille,  1878.  —  Revue  d  hygiène  et  de  police 
sanitaire,  1879,  T.  1,  p.  383. 


682  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

noire,  infecte,  sur  laquelle  les  oiseaux  marchaient  facile- 
ment. 

Sur  les  réclamations  des  riverains  devant  les  tribu- 
naux, un  nouvel  arrêté  préfectoral  imposa  aux  industriels 
la  clarification  de  leurs  lessives,  au  moins  du  V  avril 
la  fin  d'octobre,  avant  de  les  laisser  couler  à  la  rivière. 
L'arrêté  recommandait  divers  procédés  de  clarification; 
d'abord  la  neutralisation  par  l'acide  chlorhydrique  ou  sul- 
furique,  le  chlorure  de  manganèse,  dans  la  proportion  de 
1  pour  100.  Pour  hâter  la  précipitation  du  dépôt,  il  con- 
seillait de  mélanger  avec  la  dissolution  acide  employée 
une  certaine  quantité  d'argile  commune,  dont  l'action  mé- 
canique fournit  un  noyau  aux  globules  provenant  de  l'ac- 
tion des  réactifs.  L'administration  recommandait  encore  : 
le  sulfate  d'alumine  et  de  fer,  très  abondant  dans  l'arron- 
dissement d'Avesne  et  dans  le  département  de  l'Aisne; 
4es  sels  d'alumine,  mélangés  à  une  certaine  quantité  d'ar- 
gile non  crayeuse  qu'on  maintient  en  suspension  par  l'agi- 
tation. L'épuration  par  la  chaux  était  signalés  comme  don- 
nant ici  des  résultats  moins  satisfaisants,  parce  qu'elle  met 
en  liberté  de  la  soude  ou  de  la  potasse  caustique,  qui  favo- 
risent la  dissolution  des  matières  grasses  ou  azotées.  Les 
dépôts  pouvaient  servir  comme  engrais  ou  pour  la  fabri- 
cation du  gaz  à  éclairage. 

Le  mode  de  purification  qui  prévalut  consistait  à  traiter 
la  lessive  par  une  dissolution  de  magma  de  sulfate  double 
d'alumine  et  de  fer;  on  y  mélangeait  ensuite  une  certaine 
quantité  de  lait  de  chaux  ;  le  précipité  floconneux  se  for- 
mait très  bien,  le  liquide  surnageant  était  décanté  et  on  le 
laissait  s'écouler  dans  la  rivière.  Pendant  plusieurs  années 
le  résultat  fut  assez  bon,  mais  bientôt  l'excès  de  sulfates 
dans  un  cours  d'eau  presque  dormant  produisit  un  fort 
dégagement  d'hydrogène  sulfuré;  puis  les  prescriptions 
furent  négligées  et  l'infection  redevint  intolérable. 

C'est  alors  qu'on  essaya,  puis  qu'on  adopta  le  procédé 


EAUX  INDUSTRIELLES.  G83 

fie  MM.  Walocque  et  C'®;  au  moyen  d'un  désuintagc  préa- 
lable et  complet,  on  élimine  les  composés  organiques  ré- 
fractaires  à  la  saponification;  on  ne  traite  plus  par  le  savon 
que  des  laines  déjà  purifiées  ;  les  eaux  de  désuintage  sont 
concentrées,  et  les  résidus  calcinés  servent  à  la  fabrication 
du  savon.  On  décante  les  lessives  dans  des  bassins  de 
dépôt  et  on  les  traite  par  l'acide  chlorhydrique;  les  ma- 
tières insolubles  sont  filtrées,  et  le  liquide  clair  légère- 
ment acide,  après  avoir  été  neutralisé  par  la  chaux,  peut 
s'écouler  sans  inconvénient  dans  la  rivière.  Non  seule- 
ment on  a  fait  de  la  sorte  cesser  l'infection  des  cours 
d'eau,  mais  le  procédé,  qui  a  beaucoup  d'analogie  avec 
celui  de  M.  Holden  de  Roubaix,  peut  être  une  source  de 
bénéfices  industriels.  Ce  moyen  paraît  avoir  produit  de 
bons  effets  dans  le  Nord  ;  il  ne  reste  plus  qu'à  le  compléter 
par  l'irrigation  des  eaux  épurées,  sur  des  prairies  qui  les 
conduiraient  à  la  rivière. 

La  plupart  des  procédés  d'épuration  par  précipitation 
exigent  l'établissement  de  vastes  réservoirs,  pour  laisser 
le  dépôt  se  former  lentement  et  n'écouler  que  des  eaux 
clarifiées  ;  de  là  une  perte  de  temps  et  un  encombrement 
considérable.  MM.  Gaillet  et  Huet,  ingénieurs  à  Lille,  ont 
construit  en  ces  dernières  années  un  appareil  consistant 
en  un  système  de  colonnes  de  décantation  terminées 
par  un  filtre-presse.  La  décantation  est  ainsi ,  dit-on, 
plus  rapide  et  plus  complète;  les  eaux  résiduaires,  au 
sortir  de  l'appareil,  ont  perdu  60  à  70  pour  100  de  la  ma- 
tière organique  qu'elles  contenaient,  et  elles  peuvent  le 
plus  souvent  être  déversées  dans  les  cours  d'eau.  Les  dé- 
pôts comprimés,  au  sortir  du  filtre-presse,  ont  l'apparence 
de  terre  humide  et  peuvent  être  transformés  en  briquettes. 

g  2.  —  ÉPURATION  PAR  LE  SOL. 

Quelle  que  soit  la  méthode  adoptée  pour  la  clarification 
des  eaux,  il  reste  presque  toujours  dans  l'eau  redevenue 


684  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

limpide  une  quantité  notable  de  matières  dissoutes  ;  il  n'y 
a  guère  d'exception  que  pour  les  eaux  troublées  par  des 
matières  inorganiques  insolubles,  par  exemple  l'argile  ou 
le  kaolin  des  fabriques  de  porcelaine.  L'eau  clarifiée  qui 
retient  des  substances  organiques  est  souvent  une  cause 
d'infection  des  rivières,  soit  par  la  fermentation  putride 
ultérieure,  soit  par  la  réduction  des  sulfates  contenus 
dans  l'eau,  le  dégagement  d'hydrogène  sulfuré,  la  priva- 
tion d'oxygène,  et  la  mort  des  poissons. 

Tous  ces  dangers  sont  évités  par  l'irrigation  et  la  filtra- 
tion  à  travers  le  sol  (1).  Le  sol  doit  être  très  perméable 
ou  drainé,  l'écoulement  doit  être  intermittent,  afin  que 
les  couches  souterraines  soient  bien  ventilées,  que  l'air 
soit  aspiré  dans  les  interstices  du  sol  par  les  dernières 
gouttes  qui  s'écoulent;  c'est  à  cette  condition  que  la  ma- 
tière organique  est  oxydée,  que  la  matière  azotée  se  trans- 
forme en  acide  azotique,  que  la  nitrification  a  lieu.  Les 
brins  d'herbe  ou  de  gazon  qui  recouvrent  le  sol  brisent 
incessamment  les  innombrables  filets  de  la  nappe  d'eau 
qui  s'écoule,  et  rendent  encore  son  aération  plus  com- 
plète. 

M.  Wurtz  (2),  dans  un  de  ces  mémoires  précurseurs  qui 
hâtent  la  solution  d'une  question,  considérait  dès  1859 
«  la  fillration  des  vinasses  à  travers  une  surface  limitée 
d'un  terrain  drainé  »  comme  le  complément  presque  in- 
dispensable du  traitement  par  la  chaux  de  ces  liquides 
sucrés  et  fermentes,  dépouillés  de  leur  alcool  par  la  distil- 
lation. Un  grand  nombre  de  sucreries  ont  adopté  ce  moyen 

(1)  D<3  Froycinet,  Principes  de  V assainissement  des  villes,  1870,  p.  16t 
à  300.  —  Schlœsing,  A,  Du  ranci -CI  ayo  et  Proust,  Congrès  d'hygiène  de 
Piiris  en  1878.  —  Falk,  Experimentelle  ziir  Frage  der  Canalisation  mit 
Uerieseinng  {Vierteljahischrift  f.  gerichliche  Medicin  und  offentliches 
Savitatswesen,  d'Euleriberg,  1878,  T.  XXIX,  p  273,  et  Revue  d'hygiène 
et  de  police  sanitaire,  1879,  p.  il8). 

(2j  A.  Wurtz,  Rapport  sur  V Insalubrité  des  résidus  provenant  des 
distilleries,  {Recueil  des  travaux  du  Comité  consultatif  d'hygiène,  1872, 
T.  T.  p.  213-231.) 


EAUX  INDUSTRIELLES.  G85 

rigoureux  d'épuration  de  leurs  résidus  liquides,  et  l'on 
peut  dire  qu'il  s'impose  dans  tous  les  cas  où  les  conditions 
topographiques  ne  le  rendent  pas  impraticable. 

Actuellement  beaucoup  de  papeteries,  de  féculeries,  de 
tanneries,  en  France,  en  Angleterre,  on  Belgique,  ont  gé- 
néralisé ce  moyen  d'épuration  de  leurs  eaux  industrielles, 
avec  lequel  M.  A.  Gérardin  a  obtenu  des  succès  exception- 
nels dans  certains  établissements  oij  jusqu'alors  la  désin- 
fection des  eaux  vannes  avait  été  vainement  tentée  (1). 

L'épuration  par  le  sol  est  un  des  rares  procédés  qui 
réussissent  à  empêcher  l'infection  produite  par  les  eaux  de 
désuintage  et  de  rinçage  des  laines.  Il  est  peu  d'industries 
qui  polluent  à  ce  point  les  cours  d'eau  sur  lesquels  elles 
sont  placées.  M.  Durand-Claye  (2)  a  fait  connaître  le  ré- 
sultat excellent  obtenu  par  l'irrigation  agricole  à  l'usine 
de  Balan,  sur  le  bord  de  l'Indre,  près  de  Châteauroux,  qui 
fabrique  par  jour  2,000  mètres  de  drap  en  laissant  absolu- 
ment pure  la  rivière  de  l'Indre  qui  coule  au  pied  de  l'usine. 
Les  prés  sur  lesquels  ou  conduit  toutes  les  eaux  de  désuin- 
tage ont  une  fertilité  extraordinaire  et  la  salubrité  est  par- 
faite. Il  serait  facile  de  citer,  soit  en  France,  soit  à  l'étran- 
ger, un  grand  nombre  de  filatures  ou  de  fabriques  de  drap 
où  le  même  moyen  d'épuration  est  employé  avec  succès. 

La  désinfection  par  l'irrigation  intermittente  et  la  filtra- 
tion  à  travers  le  sol  soulève  une  question  parfois  délicate 
dans  la  pratique.  D'après  les  lois  en  vigueur,  les  proprié- 
taires d'usines  qui  détournent  une  partie  d'un  cours  d'eau 
sont  tenus  de  déverser  de  nouveau  dans  ce  dernier  les  eaux 
qu'ils  lui  avaient  empruntées;  ainsi,  une  usine  placée  sur 
la  rive  escarpée  et  rocheuse  d'une  rivière  qui  l'alimente,  ne 

Gérardin,  Annales  d'hygiène  et  de  médecine  légale,  1873,  T.  XLIIi. 

(2)  Durand-Claye,  Epuration  des  eaux  de  désuintage  des  laines  à  l'usine 
Balan,  de  Chàleauroux,  {Revue  dliygiène  et  de  police  sanitaire,  1877> 
p.  331.)  —  Rabot,  De  rapplication  des  eaux-vannes,  etc.,  à  la  grande 
culture,  etc.  {Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  Janvier  1882,  p.  1). 


686  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

peut  ni  perdre  dans  des  puisards  ses  eaux  résiduelles, 
même  après  les  avoir  épurées,  ni  les  répandre  en  irriga- 
tions sur  des  champs  descendant  vers  un  autre  thalweg. 
Si  l'onahmente  l'usine  à  l'aide  d'un  puits,  on  peut  donner 
aux  eaux  résiduelles  telle  direction  qu'on  veut,  pourvu 
qu'elles  ne  souillent  ni  les  eaux  ni  les  terres  publiques  et 
privées. 

Les  eaux  fétides  conduites  à  une  grande  distance,  soit 
sur  des  terrains  à  irriguer,  soit  dans  un  très  large  cours 
d'eau,  doivent  toujours  être  retenues  dans  une  canalisation 
fermée,  sans  communication  avec  l'atmosphère  des  centres 
habités  qu'elles  traversent.  La  canalisation  couverte  de  la 
Bièvre  et  du  canal  Saint-Martin,  dans  une  partie  au  moins 
de  ces  deux  cours  d'eau  souillés  parles  déchets  industriels,  a 
diminué  d'une  façon  notable  leur  insalubrité,  leur  incommo- 
dité et  leurs  dangers  de  toutes  sortes. 

Parfois  les  conditions  topographiques  ne  permettent 
pas  d'épurer  l'eau  des  usines  par  Firrigation  sur  le  sol, 
et  l'on  se  trouve  en  face  de  nécessités  qui  peuvent  rui- 
ner une  industrie  prospère.  Il  faut  s'efforcer  de  concilier 
les  exigences  de  la  santé  publique  avec  les  justes  réclama- 
tions du  commerce  :  une  étude  minutieuse  sur  place  per- 
met souvent  de  résoudre  la  difficulté.  Qu'on  suppose  une 
sucrerie  placée  dans  ces  conditions  défavorables,  comme 
la  sucrerie  d'Etrépagny  dans  l'Eure,  qui  a  nécessité  plu- 
sieurs rapports  de  M.  Wurtz  (1)  au  Comité  consultatif  d'hy- 
giène. On  peut  élever  les  eaux  résiduelles  à  l'aide  de  ma- 
chines, pour  les  répandre  en  irrigation  sur  des  champs 
éloignés,  situés  en  contre-haut  de  l'usine.  Toutes  les  eaux 
provenant  de  l'usine  ne  sont  pas  également  infectes  et 
nuisibles;  on  peut  clarifier  par  le  plus  simple  dépôt  les 
eaux  les  moins  impures,  celles  qui,  dans  une  sucrerie  par 

(1)  Wurtz  et  Proust,  Rapports  sur  les  eaux  provenant  de  la  sucrerie 
d'Etrépagny,  {Recueil  des  travaux  du  Comité  consultatif  d'hijyiène,  1877, 
T.  VI,  p.  416-21.':);   1879,  T.  VHI,  p.  334;  et  T.  X,  p.  287.) 


EAUX  INDUSTRIELLES.  687 

exemple,  résultent  simplement  du  lavage  des  betteraves, 
et  les  envoyer  sans  danger  à  la  rivière  ;  elles  ne  doivent 
jamais  être  mêlées  avec  les  eaux  profondément  souillées 
provenant  du  lavage  des  sacs  à  pulpe  ou  des  filtres  à 
défécation.  Ces  dernières  eaux,  chargées  de  détritus  or- 
ganiques facilement  putrescibles,  peuvent  être  seules  sou- 
mises à  un  traitement  désinfectant,  dans  des  bassins  à 
épuration  par  la  chaux.  De  la  sorte,  la  dépense  et  la 
difficulté  sont  réduites  de  moitié.  Une  industrie  produit 
souvent  une  très  petite  quantité  d'eaux  oj.  de  résidus  li- 
quides infects,  dont  l'épuration  résiste  à  presque  tous  les 
moyens  ordinaire  ;  parfois,  moins  d'un  mètre  cube  de  ces 
produits  est  versé  dans  les  rigoles  communes  et  va  trans- 
mettre sa  puanteur  ou  son  insalubrité  à  plusieurs  centaines 
de  mètres  cubes  d'eaux  vannes  à  peine  altérées.  Dans  ces 
cas,  il  faut  réserver  ces  produits  impurs  pour  un  traite- 
ment spécial,  au  premier  abord  coûteux,  mais  dont  la  dé- 
pense est  fort  atténuée  par  la  petite  quantité  de  liquide  à 
traiter;  à  la  rigueur,  ces  eaux  pourraient  être  concentrées 
par  la  chaleur  perdue  des  fourneaux,  et  le  dépôt  serait 
brûlé  dans  les  foyers. 

§  3.  —  NEUTRALISATION. 

L'épuration,  même  en  l'absence  des  matières  organi- 
ques en  suspension  ou  dissoutes,  n'est  réelle  qu'à  la  con- 
dition d'avoir  neutralisé  la  réaction  acide  ou  fortement  al- 
caline des  eaux  industrielles.  Ces  eaux  ont,  dans  un  grand 
nombre  de  cas,  une  acidité  très  marquée  :  liquides  de 
décapage  des  métaux,  eaux  sûres  des  féculeries,  eaux  des 
fonderies  de  suif  où  le  tissu  adipeux  est  détruit  par  l'acide 
sulfurique;  eaux  résiduaires  des  fabriques  où  se  fait  l'épail- 
lage  chimique  ou  nopage  des  laines,  des  fabriques  d'ani- 
line, de  stéarine,  de  produits  chimiques  et  en  particulier 
de  chlorures  où  l'acide  chlorhydrique  forme  un  résidu  en- 


GS8  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

combrant  de  la  fabrique  du  chlore.  Ces  eaux  acidulés  dé- 
tériorent rapidement  les  matériaux  de  construction  des 
égoutset  les  ciments  dont  ils  sont  revêtus. 

M.  Baldwin  Latham  (1)  a  montré  par  des  expériences 
la  perte  en  poids  que  supportait  une  même  quantité  de 
ciment  moulé  en  cylindres  de  mêmes  dimensions,  quand 
on  la  plongeait  pen.lant  10  jours  dans  de  l'eau  distillée 
contenant  10  pour  100  d'acide  nitrique.  La  perte  de  poids 
pour  100  parties  variait  ainsi  avec  les  divers  ciments. 

Perte  pour  lOJ  pnrties. 

Cliaiix  de  Dorkiiig  et  sable  (parties  égales)., 40,3 

Ciment  de  Keene  et  sable .53,0 

Ciii:eiil  de  Keeue  pur '  1,1 

Ciment  de  Portland  et  sable 11,3 

Ciment  de  Portland  pur 4,5 

Ciment  romain  et  sable 8,0 

Ciment  romain  pur 3,6 

On  comprend  donc  que  pour  empêcher  la  détérioration 
des  égouts,  les  ordonnances  de  police  à  Paris  et  en  parti- 
culier celle  du  Conseil  d'hygiène  de  la  Seine  en  date  du 
16  septembre  1859,  exigent  que  les  eaux  envoyées  aux 
égouts  ne  marquent  pas  plus  de  1  degré  à  1  degré  et  demi 
à  l'aréomètre  de  Baume. 

Le  déversement  de  ces  eaux  acides  dans  les  égouts  dé- 
veloppe parfois  des  réactions  tumultueuses  et  le  déga- 
gement subit  de  grandes  quantités  de  gaz  qui  peuvent 
entraîner  l'asphyxie.  A  Londres,  en  1862,  plusieurs  ou- 
vriers occupés  à  travailler  dans  l'égout  de  Fleet  Lane 
furent  trouvés  asphyxiés  ;  la  mort  eut  lieu  en  quelques 
instants,  sans  cause  appréciable.  Une  enquête  permit  de 
croire  qu'il  s'était  fait  un  dégagement  rapide  d'hydrogène 
sulfuré  par  l'action  sur  les  dépôts  vaseux  d'eaux  acidulés 
qu'on  avait  déchargées  dans  cet  égoût  (2).  Cette  dernière 

(1)  Baldwin  Latham,  Sanitarij  engineeriiig,  a  guide  fo  tlie  comlruc- 
Ihn  of  toorks  of  seivage  and  hoiisc  drainage,  London,  1873,  p.  137. 

(2)  De  FreyrincI,  Principes  de  l'assainissement  des  villes  1870  p.  G7  . 


EAUX  INDUSTRIELLES.  689 

réaction  toutefois  est  moins  à  craindre  avec  l'acide  nitri- 
que qu'avec  l'acide  sulfurique.  En  outre,  l'acide  sulfurique 
ou  les  sulfates  sont  réduits  par  les  matières  organiques 
contenues  dans  les  cours  d'eau  et  les  égouts,  et  donnent 
progressivement  naissance  à  des  sulfures  et  à  de  l'hydro- 
gène sulfuré.  Nous  venons  de  voir  que  M.  Wurtz  avait 
conseillé  de  remplacer  l'acide  sulfurique  par  l'acide  chlo- 
hydrique  dans  le  traitement  des  jus  de  betteraves,  pour 
éviter  cette  source  d'infection  des  cours  d'eau  par  la  dé- 
composition des  sulfates. 

Dans  la  fabrication  des  bougies  stéariques,  les  acides 
gras  sont  soumis  à  l'action  de  l'acide  sulfurique  concentré 
à  une  température  de  -[-  120°  et  les  eaux  de  lavage  con- 
tiennent parfois  près  de  un  cinquième  de  leur  poids  d'a- 
cide sulfurique  libre  ;  le  débit  en  est  de  60  hectolitres  par 
jour  dans  certaines  usines  du  Pas-de-Calais  (Pagnoul).  On 
comprend  aisément  le  danger  de  l'écoulement  libre  de 
pareilles  eaux. 

Les  Conseils  d'hygiène  prohibent  sévèrement  cet  écou- 
lement des  eaux  acides  dans  les  rivières  ou  les  égoûts, 
La  neutralisation  s'obtient  soit  à  l'aide  du  traitement  par 
la  chaux  dans  les  bassins  de  dépôt,  soit,  en  raison  de  l'éco- 
nomie quand  l'acidité  est  très  forte,  par  le  passage  à  tra- 
vers des  amas  de  pierre  calcaire  grossière.  Depuis  quel- 
ques années  on  la  réalise  en  faisant  séjourner  les  eaux  for- 
tement acides  sur  des  rognures  de  zinc,  de  fer,  de  cuivre, 
etc;  c'est  ainsi  qu'on  obtient  dans  le  commerce,  à  des  prix 
extrêmement  réduits,  de  grandes  quantités  de  sulfate  et  de 
chlorure  de  fer  et  de  zinc,  (liquide  de  Larnaudès,  eau  de 
Saint-Luc),  dont  l'action  désinfectante  est  très  puissante. 
Ailleurs  ces  acides  servent  à  saturer  les  eaux  savonneuses, 
alcalines,  ou  ammoniacales,  provenant  du  lavage  des  laines 
brutes,  du  foulonage  et  du  dégraissage  des  draps,  des  les- 
sives alcalines  qui  ont  servi,  à  préparer  la  pâte  du  papier 
de  paille,  des  eaux  ammoniacales  des  usines  à  gaz,  etc. 

Vallin.  —  Désinfectant?,  44 


693  DÉSINFECTION  INDUSTRIELLE. 

Cette  double  neutralisation  se  fait  non  seulement  au  grand 
bénéfice  de  l'hygiène,  mais  encore  au  bénéfice  des  usi- 
niers :  «  le  problème  de  l'assainissement,  dit  M.  de  Frey- 
cinet,  se  résout  très  souvent  par  un  progrès  industriel.  » 

g  4.  —  ÉVAPORATION  ET  DESTRUCTION  DES  RÉSIDUS  PAR  LE  FEU 

pans  quelques  -cas,  l'évaporation  rapide  de  l'eau  et 
la  destruction  par  le  feu  des  résidus  dessécîiés  est  le  seul 
moyen  de  faire  disparaître  le  danger  d'infection  par  certai- 
nes eaux  résiduelles.  C'est  ainsi  qu'en  Angleterre  on  a  im- 
posé cette  concentration  par  le  feu  aux  distilleries  de  pé- 
trole, qui  déversaient  dans  les  rivières  des  eaux  dont  rien 
ne  pouvait  détruire  l'infection. 

Les  eaux  de  désuintage  des  laines  sont,  dans  quelques 
usines  du  département  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  éva- 
porées et  calcinées  pour  en  retirer  le  carbonate  de  soude. 
On  a  proposé  de  soumettre  au  même  traitement  les  vinas- 
ses de  distilleries,  soit  par  l'action  directe  du  feu  sur  les 
chaudières,  soit  à  l'aide  d'appareils  de  graduation,  par 
l'évaporation  sur  des  fascines,  comme  pour  la  concentra- 
tion des  sources  salées.  Dans  ce  dernier  cas,  l'hygiène 
pourrait  être  gravement  compromise,  et  nous  ne  croyons 
pas  que  l'on  ait  jamais  réalisé  ce  projet.  Au  contraire  nous 
lisons  dans  une  excellente  brochure  de  M.  Pagnoul(l), 
d'Arras,  que  dans  le  département  du  Pas-de-Calais,  la  con- 
centration des  vinasses,  des  eaux  de  papeterie  de  paille, 
de  celles  provenant  du  dégraissage  des  laines,  est  devenu 
un  moyen  industriel  très  répandu  permettant  de  se  débar- 
rasser de  ces  eaux  et  d'en  retirer  les  sels  de  potasse  ou  de 
soude.  A  l'usine  de  Courrières,  pour  une  production  jour- 
nalière de  250  hectolitres  d'alcool  à  90"  provenant  de 
90,000  kilogrammes  de  mélasse,  on  obtient  400  mètres 


1)  A.  Pagqoul,   Eiude   sur  les    eaux  du  Pas-de-Calais,   Paris,    1881, 
Masson,  in-8°  de  104  p.  avec  carte  et  tableaux,  p.  77,  86  et  95. 


EAUX  INDUSTRIELLES.  691 

cubes  de  vinasses  d'où  l'on  retire  10,000  kilogrammes  de 
salins  et  de  matières  condensables,  lesquelles,  recueillies  et 
traitées  par  le  procédé  Vincent,  donnent  encore  1,500  ki- 
logrammes de  sulfate  d'ammoniaque,  100  kilogrammes 
d'alcool  méthylique,  5,000  kilogrammes  de  goudron  et  des 
sels  de  triméthylamine.  L'emploi  des  fours  Porion,  où  l'on 
utilise  les  chaleurs  perdues  des  usines,  semblent  avoir 
grandement  facilité  ces  opérations  de  concentration,  au 
grand  bénéfice  de  l'hygiène  publique  et  de  l'assainissement 
des  cours  d'eau  dans  la  région. 

Il  est  en  effet  certains  liquides  dont  il  est  extrêmement 
difficile  de  se  débarrasser  autrement,  par  exemple  les  eaux 
arsenicales  des  fabriques  de  fuchsine.  M.  Rollet  cite  le  fait 
de  l'usine  de  fuchsine  de  Pierre-Bénite  qui  évacuait  ses 
eaux  arsenicales  dans  un  bras  perdu  du  Rhône  dont  Feau 
était  stagnante  :  à  plusieurs  reprises,  des  accidents  graves 
et  parfois  mortels  d'empoisonnement  arsenical  furent  ob- 
servés chez  des  personnes  qui  avaient  bu  l'eau  du  cours 
d'eau  (1).  Dans  des  cas  semblables,  l'extraction  et  l'utilisa- 
tion industrielle  des  composés  chimiques  est  presque  le 
seul  moyen  de  se  débarrasser  de  ces  eaux.  L'irrigation  sur 
un  sol  drainé  qui  est  en  général  une  ressource  suprême, 
peut  même  ici  avoir  des  inconvénients  et  des  dangers. 

§  5.  —  PUISARDS. 

Trop  souvent,  dans  ces  cas  difficiles,  on  a  recours  aux 
puisards  ou  hoit-tout,  c'est-à-dire  à  des  excavations  creu- 
sées dans  un  sol  perméable,  à  parois  non  maçonnées  ou 
maçonnées  sans  ciment,  de  manière  à  laisser  filtrer  les  eaux 
vannes  dans  les  profondeurs  du  sol.  Rien  n'est  plus  dan" 
gereux  qu'une  telle  pratique;  les  puits  sont  souillés  à  une 

(1)  J.  Rollet,  Des  résidus  solides  et  liquides  des  industries  au  point 
de  vue  de  la  salubrité  [Lyon  médical,  1879,  p.  327)  et  Bévue  d'hygiène 
et  de  police  sanitaire,  1880,  p.  71). 


692  DESINFECTION  INDUSTRIELLE. 

distance  souvent  considérable,  parce  que  les  nappes  d'eau 
souterraines  sont  elles-mêmes  corrompues  sur  une  vaste 
étendue,  comme  pourrait  l'être  un  cours  d'eau  à  fleur  du 
sol.  Parfois  même,  on  a  vu  des  incendies  souterrains,  des 
explosions  graves  se  produire  par  la  chute  d'un  charbon 
enflammé  de  la  machine  dans  le  puisard  (1).  Dans  le  dépar- 
tement du  Rhône,  le  Conseil  d'hygiène  a  interdit  ces  puits 
perdus  :  il  en  est  de  même  dans  un  grand  nombre  de  dé- 
partements ;  sur  l'avis  du  Conseil  d'hygiène  de  la  Seine 
et  du  Comité  consultatif  d'hygiène,  le  Ministre  du  com- 
merce vient  de  les  prohiber  sur  presque  toute  l'étendue 
du  terntoir&.  {Arrêté  du  31  juillet  1882.)  Ces  puisards  con- 
stituent en  effet  une  ressource  dangereuse  et  égoïste  qui 
compromet  l'intégrité  de  nos  sources;  on  peut  toujours 
les  remplacer  par  des  citernes  étanches  et  des  bassins  de 
dépôt,  où  les  eaux  encombrantes  sont  purifiées  par  la  chaux 
avant  d'être  déversées  dans  les  rivières  ou  sur  des  prairies 
bien  drainées. 

ART.  m.  —  DÉSINFECTION  DES  RÉSIDUS  SOLIDES. 

Les  déchets  et  les  résidus  solides  que  chaque  industrie 
accumule  dans  les  usines,  les  manufactures  ou  les  chan- 
tiers, sont  une  cause  commune  et  puissante  d'infection.  La 
première  condition  d'une  désinfection  véritable,  c'est  1  e- 
loignement  fréquent,  sinon  journalier,  de  toutes  ces  ma- 
tières, avant  qu'elles  aient  été  envahies  par  la  putréfac- 
tion. La  négligence  et  les  difficultés  de  la  main-d'œuvre 
laissent  parfois  s'accumuler  au  milieu  ou  au  voisinage  des 
habitations  des  masses  énormes  de  ces  résidus,  et  la  per- 
sistance de  ces  foyers  d'émanations  fétides  rend  illusoire 
l'emploi  de  tous  les  agents  de  désinfection.  L'enfouisse- 
ment dans  le  sol  à  une  grande  profondeur,  la  destruction 

Cl)  Rollet,  loco  citato,  p.  337. 


RÉSIDUS  SOLIDES.  693 

par  le  feu  des  chaudières,  sont  les  meilleurs  moyens  de  se 
débarrasser  de  ces  résidus  ;  ces  moyens  sont  malheureu- 
sement d'une  application  souvent  difficile. 

La  fabrication  des  engrais  à  l'aide  de  composts  est  une 
source  d'émanations  insupportables.  Naguère  encore,  au 
grand  dépotoir  municipal  de  Clichy,  les  matières  fécales 
étaient  étalées  en  plein  air  au  bord  des  bassins,  et  sou- 
mises à  l'évaporation  et  à  l'action  du  soleil  pour  être  ame- 
nées à  l'état  solide!  En  1881,  certaines  usines  autour  de 
Paris  ont  encore  des  dépotoirs  à  l'air  libre;  toutes  les  me- 
sures de  désinfection  sont  vaines,  tant  que  les  opérations 
n'ont  pas  lieu  en  vases  clos.  L'addition  des  subtances 
antiseptiques  ou  désinfectantes  se  fait  toujours  en  quan- 
tité insuffisante.  Il  faut  au  moins  2  kilogrammes  de  sul- 
fate de  fer  par  hectolitre  de  matières  demi  solides. 

Au  voisinage  des  ateliers  d'équarrissage,  les  matières 
extraites  de  l'estomac  et  des  intestins,  les  viscères  eux- 
mêmes,  les  débris  de  toutes  sortes,  sont  parfois  transformés 
en  engrais  par  la  décomposition  lente,  presque  à  l'air 
libre.  L'on  peut  obtenir  une  désinfection  partielle  en  recou- 
vrant ces  amas  de  couches  épaisses  de  charbon  animal, 
de  tan  épuisé,  de  terre  sèche,  de  sciure  de  bois,  de  tourbe, 
de  plâtre  ;  on  y  mêle  5  0/0  de  sulfate  de  fer  en  poudre  ou 
en  solution  concentrée,  ou  bien  on  arrose  les  couches  avec 
du  chlorure  acide  de  manganèse  provenant  de  la  fabrica- 
tion du  chlore.  C'est  ainsi  qu'à  l'abattoir  d'Aubervilliers  on 
arrivait  à  supprimer  presque  complètement  l'odeur  des 
tas,  hauts  de  3  mètres  50,  et  cubant  200  à  300  mètres,  où 
les  intestins  de  chevaux,  les  résidus  divers,  se  transfor- 
maient en  une  sorte  de  guano  au  bout  de  8  mois  à  un 
an  (1). 

Le  sang  provenant  des  abattoirs,  avant  d'être  transformé 
en  engrais,  est  souvent  mélangé  avec   de   l'acide  sulfu- 

(1)  De  Freycinet,  Traité  d'assainissement  industriel,  1870,  p.  302. 


694  DESINFECTION  INDUSTRIELLE. 

ri  que,  du  chlorure  de  zinc,  ou  des  matières  goudronneuses 
provenant  de  l'épuration  des  huiles  de  schiste,  pour  être 
transformé  en  un  magma  presque  imputrescible  ;  ce  magma 
peut  être  dès  lors,  sans  trop  d'inconvénient,  abandonné 
à  l'évaporation,  avant  d'être  pulvérisé  et  mêlé  à  des  phos- 
phates minéraux. 

Le  sang  provenant  des  abattoirs  est  aussi  utilisé  par  les 
industriels  pour  en  extraire  l'albumine.  Les  manipulations 
que  nécessite  ce  traitement  durent  assez  longtemps,  et 
le  sang  coagulé  dégage,  en  se  putréfiant,  des  odeurs  in- 
salubres et  incommodes.  A  l'occasion  de  la  demande  en 
autorisation  d'un  établissement  de  ce  genre  à  Pantin,  en 
1814,  MM.  Boussingault  et  Boudet,  délégués  du  Conseil 
d'hygiène  de  la  Seine,  constatèrent  que  les  industriels 
obtenaient  un  excellent  effet  du  liquide  suivant  : 

Sulfite  de  soude  crislallisé 0'' 600  \ 

Acide  phénique  brut G,  160  I 

Vinaigre  ordinaire 0,150  \  3,423 

Acide  sulfuriquc 0,025  i 

Eau 2,500  ) 

Disssoudre  et  mêler  pour  ajouter  à  100  kilogrammes  de  sang. 

Mélangé  avec  cette  liqueur  antiseptique,  le  sang  se  con- 
serve très  bien  pendant  15  jours  au  moins.  Si,  au  bout  de 
ce  temps,  il  s'y  manifestait  une  légère  odeur  urineuse,  il 
suffirait  d'y  ajouter  150  centimètres  cubes  de  bisulfite  de 
soude  acidifié  par  l'acide  acétique,  pour  arrêter  de  nouveau 
la  fermentation. 

La  dessiccation  rapide,  soit  par  la  chaleur  ou  le  vide  sec, 
soit  par  la  compression,  est  souvent  un  moyen  utile  d'as- 
surer la  désinfection.  C'est  ainsi  que  dans  certaines  fécu- 
leries  ou  amidonneries,  les  gras  ou  boues  résiduaires  qui 
se  putréfient  si  rapidement,  sont  ensachés,  exprimés  à  la 
presse  hydraulique,  et  réduits  en  une  matière  pulvérulente 
inodore,  qui  sert  à  fabriquer  de  la  colle  pour  les  carton- 
niers,  tapissiers,  etc.  Un  grand  nombre  de  résidus  facile- 


RÉSIDUS  SOUDES.  69S 

ment  putrescibles  ou  déjà  altérés  peuvent  ainsi  être  trans- 
formés en  tourteaux  où  l'absence  d'eau  arrête  tout  travail 
de  fermentation . 

Dans  nos  départements  du  Nord,  les  cultivateurs  désin- 
fectent les  fumiers  entassés  au  voisinage  des  fermes  en  y 
mêlant  du  plâtre  qui  arrête  le  dégagement  du  carbonate 
d'ammoniaque  en  le  fixant  à  l'état  de  sulfate  et  en  formant 
du  carbonate  de  chaux.  On  augmente  ainsi  la  valeur  fer- 
tilisante du  fumier  de  toute  celle  du  plâtre,  et  la  dépense 
est  minime,  car  le  plâtre  ne  coûte  que  3  à  4  francs  les  100 
kilog.  Le  phosphate  acide  de  chaux,  (12  à  14  francs  les 
100  kilog.)  peut  être  employé  de  la  même  façon.  M.Fis- 
cher (1)  recommande  aussi  le  sulfate,  de  fer  qu'on  répand 
à  la  dose  de  1  kilog.  par  semaine  sur  les  fumiers,  après 
la  vidange  des  étables  ;  il  conseille  de  recueillir  le  puriti 
ainsi  désinfecté  dans  un  puisard  en  contrebas  de  la  fossé  à 
fumier,  et  de  le  verser  sur  celui-ci  une  ou  deux  fois  par 
semaine.  Reste  à  savoir  ce  qu'il  y  a  de  fondé  dans  lé 
reproche  adressé  au  sulfate  de  fer  de  nuire  à  là  fertilité 
du  sol. 

En  résumé,  la  destruction  par  le  feu,  l'enfouissement, 
l'emploi  des  poussières  absorbantes,  la  dessiccation,  les 
chlorures  et  sulfates  de  zinc,  de  fer,  de  manganèse,  et 
l'acide  phénique,  les  huiles  lourdes  de  houille,  la  chàùx 
vive,  et  dans  une  mesure  moindre  le  chlorure  de  chaux, 
tels  sont  les  moyens  d'obtenir  la  désinfection  dés  rêsidus 
solides.  Les  emplacements  occupés  par  ces  résidus  sont 
d'ordinaire  imprégnés  dans  une  grande  profondeur  par 
les  liquides  putrides  qui  s'en  écoulaient;  il  est  souvent 
nécessaire  de  les  désinfecter,  soit  en  faisant  piériêtrét'  dans 
le  sol  les  solutions  ci-dessus  indiquées,  soit  en  allumant 
des  feux  à  la  surface,  soit  en  retournant  la  terre  par  .le 
labourage  et  en  y  faisant  des  ensemencements. 

(1)  E.  Fischer,    Congrès  d'hygiène   de    Paris    en    1878    {Compte-rendu 
sténôgraphifjiie,  T.  l,  p.  581). 


696  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

CHAPITRE  VII 
DÉSINFECTION  MUNICIPALE 


M.  le  D^  de  Chaumont  (de  Netley),  dans  un  discours 
remarquable  et  plein  d'humour  qu'il  prononçait  à  la  Réu- 
nion annuelle  du  Sanitary  Institute  de  la  Grande-Bretagne, 
le  14  juillet  1881,  définissait  la  science  sanitaire  moderne  : 
«  l'art  de  mettre  chaque  chose  à  sa  vraie  place  »  . 

En  effet,  la  matière  organique  qui  se  décompose  et  se  pu- 
tréfie est  très  utile  quand  ce  travail  a  lieu  dans  le  sol  d'un 
champ  qui  a  besoin  d'engrais  ;  elle  est  dangereuse  et  très  nui- 
sible quand  ce  travail  se  fait  en  plein  air,  au  milieu  des  villes 
et  des  habitations  humaines.  Rien  ne  se  perd  dans  la  nature, 
mais  l'homme  doit  veiller  incessamment  à  ce  que  la  matière 
dépense  son  énergie  potentielle  en  travail  productif  utile, 
et  non  pas  en  effets  nuisibles,  capables  de  détruire  rapi- 
dement ou  graduellement  là  race  humaine. 

Il  nous  a  semblé  qu'on  pouvait  donner  cette  ingénieuse 
pensée  pour  épigraphe  à  un  chapitre  consacré  à  la  désin- 
fection et  à  l'assainissement  municipal.  Employer  les  ma- 
tières de  vidanges  et  les  immondices  d'une  ville  à  ferti- 
liser les  campagnes,  au  lieu  de  les  projeter  dans  un  fleuve 
et  de  souiller  l'eau  destinée  à  l'alimentation  des  riverains, 
c'est  mettre  les  choses  à  leur  place,  c'est  prévenir  l'infec- 
tion, ce  qui  vaut  mieux  que  désinfecter  ;  c'est  faire  de 
bonne  hygiène,  et  surtout  de  bonne  hygiène  municipale. 

ART  r^  —  DÉSINFECTION  DE  LA  VOIE  PUBLIQUE 

Désinfection  des  immondices  et  des  boues.  —  Les 
immondices  ménagères,  les  résidus  domestiques  que  l'on 


VOIE  PUBLIQUE.  697 

dépose  chaque  matin  sur  la  voie  publique,  en  attendant 
qu'ils  soient  enlevés  par  les  tombereaux  du  service  de 
la  voirie,  sont  fréquemment  une  source  d'émanations  fétides. 
De  1853  à  1870,  à  Paris,  les  ordures  ménagères  jetées 
chaque  soir  sur  la  voie  publique,  étaient  fouillées  chaque 
nuit  par  10,000  chiffonniers  et  par  les  chiens  errants, 
et  souillaient  au  plus  haut  point  de  leurs  émanations  l'air 
de  nos  rues.  Depuis  cette  époque  et  par  un  arrêté  du  11  sep- 
tembre 1870,  toutdépôt  d'immondices  sur  la  voie  publique 
est  interdit  ;  les  ordures  ménagères  sont  portées  de  o  à  7 
heures  du  matin,  dans  des  boîtes  individuelles,  sur  le  bord 
du  trottoir  par  chaque  locataire  ou  chaque  concierge,  et 
vidées  dans  les  tombereaux  par  les  boueurs  au  cours  de 
leur  tournée.  Les  ordures  ménagères,  auxquelles  se  joignent 
les  balayures  de  la  voie  publique,  formaient  en  1881  à  Paris 
un  cube  journalier  de  2,000  mètres  environ,  transportés  par 
600  tombereaux.  (1)  Des  entrepreneurs,  au  nombre  de  16 
actuellement,  prennent  en  adjudication  cet  enlèvement  des 
boues  etdébris,  moyennant  une  indemnité  de  500,000  francs 
payée  par  la  ville  ;  ils  transportent  ces  gadoues  dans  la 
banlieue  de  Paris,  où  on  les  transforme  en  engrais, 
mais  où  elles  sont  une  cause  insupportable  d'infection  pour 
les  habitants  du  voisinage.  La  désinfection  directe  de  ces 
amas  est  difficile  ;  on  ne  peut  en  effet  rattacher  à  la  désin- 
fection des  mesures  telles  que  la  plantation  de  rideaux 
d'arbres  pour  arrêter  les  transports  des  mauvaises  odeurs 
par  le  vent  ;  l'établissement  des  routes  ou  d'aires  pavées 
pour  permettre  le  déchargement  de  voitures  dans  un  lieu  bien 
défini  ;  l'éloignement  de  ces  dépôts  à  une  distance  suffi- 
sante de  toute  habitation  ou  de  tout  cours  d'eau.  On  a 
proposé  de  dresser  ces  amas  en  tas  réguliers  et  aplanis, 
comme  pour  les  détritus  des  abattoirs,  et  de  les   recoa- 

(1;  Du  Mesnil,  Les  dépôts  de  voiries  dans  Paris.  Discussion  à  la  Société  de 
médeciae  publique.  [Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  janvier  1882, 
p.  50.; 


698  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

vrir  de  terre  glaise  ou  d'une  couche  de  terre  végétale  qui 
serait  ensemencée  ;  au  bout  d'un  an  et  plus,  les  matières 
seraient  mûres  et  pourraient  être  portées  sur  les  champs 
comme  engrais.  La  désinfection  par  ce  procédé  n'est  pas 
toujours  suffisante  et  entraîne  des  difficultés  pratiques  à 
peu  près  insurmontables. 

En  Angleterre,  cette  question  de  la  désinfection  des 
amas  d'immondices  a  pris  une  importance  singulière,  et 
l'on  a  essayé  de  la  résoudre  en  détruisant  ces  débris  de 
balayage  et  ordures  ménagères  par  le  feu.  Le  D""  W.  Sed- 
wick  Saunders  a  présenté  au  Comité  sanitaire  de  la  Cité 
en  1881,  un  rapport  sur  les  moyens  de  se  débarrasser 
des  rebuts  et  résidus  des  maisons,  sans  créer  de  foyers 
d'infection.  L'enfouissement  dans  des  fosses  à  peine  re- 
couvertes est  un  système  insuffisant  même  à  la  campagne, 
dangereux  et  incommode  au  voisinage  d'une  ville  aussi 
populeuse  que  Londres. 

M.  Saunders  propose  un  système  basé:  1°  sur  la  destruc- 
tion par  le  feu,  de  tout  ce  qui  est  combustible  dans  ces 
détritus  ;  2°  sur  la  séparation  des  diverses  matières  et  leur 
conversion  en  charbon,  M.  Saunders  décrit  et  figure 
divers  appareils  construits  à  cet  effet  à  Armley  Road,  à 
Manchester,  à  Bradfort,  à  Birmingham,  et  depuis  à  Kra- 
lingen,  près  Rotterdam,  en  Hollande,  Ce  sont  de  vastes 
fournaises  où  les  résidus  sont  consumés  par  le  feu  et  trans- 
formés en  charbon.  A  Armley  Road,  on  consume  1  tonnes 
de  rebut  en  24  heures,  et  80  p.  100  de  la  masse  totale 
sont  anéantis  par  le  feu  au  moyen  d'appareils  dits  l'un 
Destructor,  l'aulre  Carboniser  ;  l'un  et  l'autre  coûtent 
ensemble  112,000  francs.  Un  système  analogue  (Fryer's 
method)  fonctionne  depuis  quelques  années  à  Leeds  et  à 
Birmingham  (1). 

(1)  De  l'incinération  des  rebuts,  résidus  el  immondices  des  maisons  d'ha- 
bitation. [Journal  d'hygiène,  188i,  p.  22,  avec  figures,  sans  indication 
d'origine.)  —  Parkes.  A  manual  of  hygiène,  1878,  p.  393. 


VOIE  PUBLIQUE.  699 

M.  Haussmann  avait  émis  jadis  l'idée  «  d'ouvrir  dans 
les  cours  des  maisons,  des  trémies  par  lesquelles  toutes 
ces  saletés  seraient  descendues  dans  les  galeries  des 
égouts,  oi^i  l'on  recueillerait  pour  le  transporter  au  loin, 
sans  offenser  la  vue  et  l'odorat  du  public,  ce  que  les 
chasses  d'eau  ne  suffiraient  pas  à  enlever,  »  Il  faut  espérer, 
avec  M.  de  Freycinet,  qu'un  jour  viendra  où  les  peuples 
policés  éprouveront  le  besoin  de  reléguer  dans  les  profon- 
deurs des  sous-sols,  à  l'abri  des  regards,  les  opérations  qui 
sont  en  quelque  sorte  les  besoins  secrets  de  la  vie  des 
cités  (1). 

M.  Chevreul  (2)  a  depuis  longtemps  montré  que  la  cou- 
leur noire  du  sol  de  nos  rues  tient  à  la  sulfuration,  par 
le  gaz  à  éclairage,  des  particules  métalliques  abandonnées 
par  les  fers  des  chevaux  et  les  roues  des  voitures.  Il  se 
produit  là  un  rudiment  de  désinfection  spontanée,  comme 
dans  le  traitement  des  matières  fécales  par  le  sulfate  de  fer 
ou  les  solutions  métalliques.  Sainte-Claire-Deville  (3)  a 
montré  récemment  que  le  gaz  qui  se  dégage  par  les  fuites 
souterraines  égale  la  dixième  partie  du  gaz  total  qui  cir- 
cule à  travers  ces  tuyaux  ;  mais  ce  gaz  contient  des  cristaux 
de  naphtaline  et  du  goudron  en  vésicules  très  ténues, 
substances  éminemment  antiseptiques  qui  embaument, 
pourrait-on  dire,  les  matières  organiques  contenues  dans 
le  sol,  et  en  préviennent  la  putréfaction.  Les  fuites  de 
gaz,  d'après  l'illustre  chimiste,  seraientdonc  une  cause  d'a- 
sainissement  du  sol.  Il  ne  faut  pas  pousser  trop  loin  ce 
raisonnement,  et  ne  pas  oublier  que  le  gaz  d'éclairage 
verse  dans  l'air   non  seulement  de  l'hydrogène   carboné, 

(1)  De  Freycinet,  loc.  cit.  p.  89. 

(2)  Chevreul,  Principes  de  l'assainissement  des  villes.  {Journal  des  sa- 
vants, 1871,  p.  484  et  S40,  187^,  p.  313,  449  et  597.)  On  ne  saurait  assez 
louer  cette  étude  magistrale  souvent  citée  et  trop  peu  lue. 

(.3)  Sainte-Claire-Deville,  Côinptes-rendus  de  V Académie  des  nciences, 
T.  91%  séance  du  :20  septembre  1880. 


700  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

qui  est  peu  nuisible,  mais  de  l'oxyde  de  carbone  qui  est 
toxique  au  plus  haut  degré. 

La  surface  des  rues,  des  chaussées,  des  trottoirs,  doit 
être  promptement  débarrassée  des  immondices  qui  la 
recouvrent,  afin  d'empêcher  l'infiltration  dans  le  sol  des 
liquides  altérables  ou  altérés  que  les  pieds  de  l'homme  et 
des  animaux  y  font  pénétrer  ;  les  enduits  imperméables, 
comme  le  bitume,  ont  à  cet  égard  une  grande  supé- 
riorité sur  le  macadam  et  surtout  sur  le  pavage  en  bois. 
Aux  points  d'arrêt  temporaire  ou  de  station  habituelle 
des  voitures  publiques,  des  omnibus,  des  tramways,  les 
déjections  solides  ou  liquides  des  chevaux  accumulent  des 
quantités  considérables  de  matières  organiques,  et  pendant 
les  chaleurs  de  l'été,  la  décomposition  de  ces  immondices 
est  si  rapide  que  l'on  est  suffoqué  par  les  vapeurs  am- 
moniacales qui  s'en  dégagent.  Non  seulement  l'enlèvement 
mécanique,  le  balayage  de  ces  places  devrait  avoir  Ueu 
plus  fréquemment  , c'est-à-dire  3  fois  au  moins  par  jour, 
mais  encore  il  serait  nécessaire  de  désinfecter  les  couches 
du  sol  imprégnées  de  ces  produits  en  fermentation.  Le 
lavage  à  grande  eau,  l'aspersion  avec  une  solution  de  chlo- 
rure de  zinc,  de  chlorure  de  chaux  et  d'acide  phénique, 
rendraient  ici  de  véritables  services.  Il  en  est  de  même 
du  lavage  fréquent  des  ruisseaux,  des  orifices  d'égouts,  des 
trottoirs,  des  chaussées;  l'eau  doit  couler  pendant  plusieurs 
heures  spontanément  dans  les  ruisseaux,  et  en  même  temps 
ces  derniers  doivent  être  balayés  à  plusieurs  reprises 
pour  empêcher  toute  stagnation.  L'abondance  de  l'eau  et 
les  lavages  fréquents  sont  la  condition  indispensable  de  la 
désinfection  des  ruisseaux,  des  conduits  des  eaux  ména- 
gères, etc.  Au  voisinage  des  halles,  des  marchés,  des  la- 
trines publiques,  la  prodigalité  dans  l'arrosage  et  les 
lavages  est  encore  plus  nécessaire. 

A  Paris,  la  direction  des  travaux  a  adopté  pour  le  net- 
toyage et  la  désinfection  de  la    voie  publique  un  certain 


VOIE  PUBLIQUE.  701 

nombre  de  désinfectants  (1)  d'après  les  indications  suivantes 
approuvées  par  l'Inspecteur  général,  M.  Alphand. 

Le  chlorure'  de  chaux,  marquant  de  100  à  105  degrés,  provient  des 
usines  de  Saint-Gobain.  On  l'emploie  avec  succès  partout  où  sont  dépo- 
sées des  urines,  des  matières  fécales  ou  putréfiées.  Il  sert  aussi  à  la 
désinfection  des  cabinets  d'aisances,  des  gargouilles  et  des  ruisseaux 
recevant  des  eaux  corrompues.  Pour  le  lavage  des  ruisseaux,  le 
mélange  est  au  20",  soit  1  kilogramme  pour  20  litres  d'eau.  (Prix 
du  kilogramme  :  0  fr.  31). 

Le  sulfate  de  fer  et  le  sulfate  de  zinc  s'emploient  i'ua  et  l'autre 
dans  les  mêmes  conditions;  on  emploie  la  dissolution  del  kilogramme 
de  sel  dans  10  litres  d'eau.  Ils  servent  à  la  désinfection  des  baquets 
des  postes  de  police  et  des  récipients  pour  le  transport  des  boyaux, 
du  sang,  des  viandes  et  poissons  corrompus,  provenant  des  halles  et 
marchés.  Le  sulfate  de  fer  laisse  une  couche  de  rouille  sur  les  objets 
avec  lesquels  il  est  en  contact.  Le  sulfate  de  zinc  est  plus  énergique, 
mais  coûte  un  peu  plus  cher  que  le  précédent.  Il  ne  dégage  aucune 
odeur,  ne  laisse  aucune  trace  :  il  est  très  employé  en  été  pour 
les  lavages  et  arrosages,  aux  Halles  centrales,  des  sous-sols  des 
pavillons  pour  les  poissons,  la  volaille  et  les  triperies.  Coupé  à  1 :  8 
et  mélangé  à  3  p.  100  de  sulfate  de  cuivre,  le  sulfate  de  zinc  consti- 
tue une  très  bonne  liqueur  désinfectante  (eau  Larnaudès)  (1),  qui  se 
conserve  très  longtemps  et  peut  rendre  de  très  grands  services  dans 
es  habitations  privées  (prix  par  kilogramme  sulfate  de  fer,  0  fr.  09  c.; 
sulfate  de  zinc,  0  fr.  23  ;  eau  Larnaudès,  0  fr.25c.). 

L'acide  phênique  n'est  pas  un  désinfectant  proprement  dit;  il 
n'agit  pas  sur  les  corps  odorants,  comme  le  chlore  ;il  ne  fait  pas  dis- 
paraître, ainsi  que  ce  corps,  la  mauvaise  odeur,  mais  il  arrête  et 
prévient  la  fermentation,  sans  doute  en  tuant  les  germes,  lessporules 
et  les  ferments.  Il  possède  des  propriétés  antiseptiques  considérables, 
et  doit  être  considéré  comme  un  agent  préventif  de  premier  ordre. 
L'acide  phênique  doit  donc  être  employé  toutes  les  fois  qu'on  veut 
détruire  les  germes  delà  fermentation  putride.  Le  coupage  en  est 
fait  à  1 :  40,  soit  1  litre  d'acide  dans  40  litres  d'eau.  Les  coupages 
à  1  :  100  et  à  1 :  20  donnent  de  bons  résultats  pour  les  arrosages, 
une  ou  deux  fois  la  semaine  en  été,  dans  les  endroits  infectés  (la- 
trines, boyauderies,  triperies,  tueries,  pavillons  aux  poissons  et  aux 
fromages)  des  Halles  centrales.  On  l'emploie  encore  à  1  :  1000,  soit 
1  litre  dans  un  tonneau  d'arrosement,  pour  l'arrosement  en  été  des 

(1)  Vaissière,  Notice  sur  le  nettoiement  delà  voie  publique  (Ville  de  Paris 
Direction  des  travaux)  ;  Paris,  Chaix,  1876,  in-i",  p.  11.  La  Notice  dit 
ailleurs,  p.  78  que  l'eau  Larnaudès  «  est  composée  d'eau  ordinaire  dans 
laquelle  on  a  fait  dissoudre  23  0/0  de  sulfate  de  zinc  et  2  0/0  de  sul- 
fate de  cuivre  » . 


70-2  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

abords  des  Halles  centrales,  ou  dans  certaines  rues  dont  les  ruis- 
seaux  contiennent  des   eaux   corrompues,  (Prix  1  fr.  75  le   litre). 

On  a  usé  aussi  de  poudres  pliéniquées  (naphtaline),  de  sulfate 
d'alumine,  d'huiles  lourdes  de  houille,  et  de  vingt  autres  produits  prô- 
nés par  des  industriels  ;  mais  on  a  dû  y  renoncer,  soit  à  cause  de 
leur  odeur  ou  couleur  désagréables,  soit  en  raison  des  difficultés 
de  leur  emploi. 

V acide  chlor hydrique  sQvi  au  lavage  des  urinoirs  ou  des  encoignures 
encrassés  de  tartre,  ainsi  qu'au  lavage  des  murs  et  baquets  dans  les 
latrines  et  violons  des  postes  de  police.  Son  usage  est  indispensable 
pour  le  lavage  des  tueries,  boyauderies,  etc.,  des  halles  et  marchés. 
Pour  les  parties  très  encrassées,  l'acide  chlorhydrique  est  employé  à 
1  :  6,  soit  1  litre  pour  5  litres  d'eau.  Coupé  à  1  pour  10,  il  nettoie 
très  bien  les  murs  et  dalles  à  surfaces  lisses  ;  pour  les  lavages  ordi- 
naires, le  coupage  à  1  :  l.'j  suffit.  Ce  produit  laisse  après  son  emploi 
une  odeur  désagréable,  mais  qui  s'évapore  très  vite  (prix:  0,055  le 
kilogr.) 

L acide  de  mirbane  (nitro -benzine  impure)  est  plus  énergique 
mais  il  laisse  sur  les  parties  nettoyées  une  odeur  désagréable 
d'amandes  amères,  et  une  couche  blanchâtre  qui  disparaît  par  un  la- 
vage à  l'eau  ordinaire.  Les  coupages  pour  cet  acide  sont  les  mêmes 
que  pour  l'acide  chlorhydrique(prix:  12fr.  la  tonne  de  75  kilogrammes. 
Ces  acides  oxydent  les  métaux  et  brûlent  les  étoffes  ;  ils  exigent  par 
suite  certaines  précautions  dans  leur  emploi  ;  les  coupages  doivent 
être  faits  d'avance  et  par  un  ouvrier  intelligent.  Coupés  à  1  pour 
10,  ils  sont  inoffensifs. 


Il  nous  a  semblé  utile  de  reproduire  presque  intégra- 
lement ce  chapitre  des  instructions  officielles  qui  sont  très 
peu  connues  du  public  médical  ou  hygiéniste. 

Désinfection  de  Veau  des  bains  sulfureux. —  A  Paris,  les 
ordonnances  de  police  défendent  de  déverser  sur  la  voie 
publique  ou  dans  les  ruisseaux  l'eau  des  bains  sulfureux, 
sans  que  cette  eau  ait  été  au  préalable  désinfectée.  Le  pro- 
cédé le  plus  pratique  consiste  à  dissoudre  dans  l'eau  sul- 
fureuse d'une  baignoire,  avant  le  déversement  sur  la  voie 
pubhque,  100  grammes  de  sulfate  de  zinc  en  poudre  gros- 
sière ;  la  désinfection  est  alors  complète  et  ne  coûte  que  3 
centimes  pour  l'eau  d'un  bain.  Le  sulfate  de  fer  aurait  l'in- 
convénient de  donner  une  teinte  noire  insupportable  de  sul- 


PORTS  DE  MKR.  703 

fure  de  for.  On  peut  aussi  se  servir  d'acétate  de  plomb,  à 
la  dose  de  50  grammes  pour  un  bain  ;  mais  outre  l'incon- 
vénient de  l'emploi  d'un  agent  toxique,  ce  procédé  est 
coûteux  et  noircit  le  pavage  des  ruisseaux  ;  il  a  toutefois 
l'avantage  de  fixer  plus  complètement  l'hydrogène  sulfuré 
libre.  Le  chlorure  de  chaux  produit  également  un  bon  ré- 
sultat, mais  il  se  dégage  une  notable  quantité  de  chlore  qui 
peut  être  fort  gênante. 

ART.  II.  —  DÉSINFECTION  DES  PORTS  DE  MER. 

Les  ports  de  mer,  au  centre  ou  au  voisinage  immédiat 
des  grandes  villes,  deviennent  facilement  les  foyers  d'une 
infection  extrême,  surtout  sur  les  mers  qui  n'ont  pas  de 
marée  :  le  Vieux  port  de  Marseille,  dont  le  goulet  est  si 
étroit  et  où  l'afflux  des  navires  de  commerce  est  considé- 
rable, peut  être  regardé  comme  le  type  de  cette  insalubrité 
sur  la  Méditerranée;  la  Tamise  à  Londres  est  un  autre  type, 
sur  une  mer  oij  les  marées  sont  cependant  de  plusieurs 
mètres . 

M.  le  D'"  S.  Maurin  (1)  a  fort  judicieusement  étudié  les 
moyens  d'obtenir  la  désinfection  du  Vieux  port  de  Mar- 
seille, et  ses  conseils  sont  applicables  à  tous  les  ports  placés 
dans  les  mêmes  conditions. 

Il  propose:  1"  de  supprimer  le  déversement  direct  des 
égouts  dans  le  port,  mais  de  conduire  ces  eaux  vannes  à 
travers  un  tuyau  de  1"'  50  de  diamètre,  dont  l'extré- 
mité libre  s'ouvrirait  au-delà  des  goulets.  Cette  disposi- 
tion a  été  adoptée  au  nouveau  port  de  la  Joliette  à  Mar- 
seille, et  produit  un  excellent  effet, 

2°  Les  immondices  accumulées  sur  les  quais,  au  lieu 
d'être  jetées  dans  le  port,  devraient  être  portées  au  large 
par  des  chalands  spéciaux. 

(1)  s.  Maurin,  Marseille  au  point  de  vue  de  l'hygiène,  1864,  ^^  Edition. 


704  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

3°  Les  jetées  qui  protègent  le  port  devraient  être  per- 
cées d'ouvertures  ou  fenêtres  de  plusieurs  mètres  de  largeur, 
à  des  hauteurs  différentes,  de  manière  à  établir  des  cou- 
rants sous-marins  qui  empêchepaient  la  stagnation  de  dé- 
pôts en  arrière  de  l'obstacle  formé  par  ces  murailles.  Cette 
disposition  a  également  été  adoptée  à  la  jetée  de  la  Joliette. 

4»  Enfin,  des  dragages,  des  curages  doivent  être  faits 
fréquemment,  mais  exclusivement  pendant  la  saison  froide 
pour  éviter  l'aggravation  qui  pourrait  momentanément 
en  résulter. 

A  Londres,  pendant  cette  année  où  l'infection  de  la  Ta- 
mise a  failli  rendre  impossible  les  séances  du  Parlement 
anglais,  on  a  versé  dans  le  fleuve  une  quantité  extraordi- 
naire de  chlorure  de  chaux  !  mais  que  peuvent  des  tonnes 
de  désinfectant  contre  l'infection  d'un  fleuve,  alors  que 
le  flux  et  le  reflux  de  l'Océan  sont  impuissants  à  déplacer 
l'énorme  masse  de  détritus  qui  en  couvre  le  lit,  et  le  meil- 
leur moyen  de  désinfection  ne  serait-il  pas  de  n'y  plus 
déverser  les  eaux  vannes  et  les  vidanges  d'une  ville  de 
trois  millions  d'habitants? 

ART.    III.    —    DÉSINFECTION    DES    HALLES    ET    MARCHÉS. 

L'ordonnance  du  31  octobre  1831  concernant  les  me- 
sures de  salubrité  à  observer  dans  les  halles  et  marchés 
contient  les  prescriptions  suivantes  : 

Il  est  enjoint  aux  marchands  de  changer  l'eau  de  leurs  baquets 
assez  fréquemment  pour  qu'elle  n'ait  aucune  odeur,  sans  jamais 
laisser  la  même  eau  plus  de  six  heures  ;  —  de  rincer  les  baquets  et 
de  laver  à  l'eau  pure  les  ruisseaux  où  ils  ont  vidé  leurs  eaux  cor- 
rompues ;  —  les  tables  à  étalages,  les  ustensiles,  seront  lavés  et 
grattés  chaque  soir  au  moins  ;  une  fois  par  semaine  au  moins,  ils 
seront  lavés  sur  tous  les  points  avec  une  solution  de  chlorure  de 
chaux  (une  livre  de  chlorure  de  chaux  sec  pour  une  voie  d'eau). 

Les  lavages  des  ustensiles  et  baquets  avec  des  liquide 


HALLES  ET  MARCHÉS.  705 

désinfectants  ont  ici  un  danger  qu'il  ne  faut  pas  oublier  ; 
le  chlorure  et  le  sulfate  de  zinc,  en  particulier,  sont 
dans  une  certaine  mesure  toxiques  et  doivent  être  évités ', 
le  chlorure  de  chaux  et  l'acide  phonique  ont  une  odeur  si 
forte  que  les  négligences  ne  sont  pas  à  craindre.  L'eau 
pure,  surtout  l'eau  bouillante  ou  la  vapeur,  convient  le 
mieux  pour  les  ustensiles  ;  l'eau  additionnée  d'agents  dé- 
sinfectants, pour  le  lavage  des  murailles,  du  sol,  des 
tuyaux  d'égout. 

Les  paniers  à  poissons'imprègnent  d'ordinaire  d'uneodeur 
fétide  d'une  ténacité  extrême.  Chevalher  raconte  qu'en  1874, 
l'administration  municipale  de  Paris  dût  intervenir  pour 
faire  cesser  cette  cause  d'insalubrité  et  de  gène.  Les  man- 
nettes  en  osier  furent  trempées  dans  une  solution  de  chlo- 
rure de  chaux  à  1  pour  100,  et  après  le  lavage  à  grande 
eau  toute  odeur  avait  disparu.  Chevallier  proposait,  en 
1860  (1),  d'établir  dans  tous  les  marchés  deux  bassins  : 
l'un  recevant  l'eau  commune,  servirait  à  faire  tremper  les 
ustensiles  employés  à  la  vente  du  poisson  ;  le  second  se- 
rait destiné  à  recevoir  de  l'eau  additionnée  de  chlorure 
d'oxyde  de  sodium  ou  de  calcium  hquide.  Cette  eau, 
après  avoir  désinfecté  les  paniers,  pourrait  être  ensuite 
employée  au  lavage  des  lieux  qui  auraient  acquis  une 
odeur  infecte  par  la  décomposition  des  matières  organi- 
ques. Les  tinettes  destinées  à  recevoir  les  débris  organi- 
ques doivent  être  désinfectées,  enlevées  et  vidées  deux  ou 
trois  fois  par  jour,  comme  on  le  fait  dans  certains  marchés 
de  Paris. 

Les  niches  ou  cages  à  volailles,  qui  sont  d'ordinaire  la 
source  d'odeurs  pénétrantes,  doivent  être  badigeonnées  à 
la  chaux  une  ou  deux  fois  par  an.  Les  cheminées  d'appel 
dans  lesquelles  on  maintient  allumé  en  permanence  un 
bec  de  gaz,  sont  un  bon  moyen  de  ventiler  les  sous-sols 

(1)  Chevallier,  Journal  de  chimie  médicale,  décembre  1830. 

Vallin.  —  Désinfectants.  45 


706  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

OÙ  s'entassent  les  provisions  et  parfois  des  détritus.  Le 
sol  doit  être  partout  imperméable,  à  dalles  jointoyées 
au  ciment,  à  pente  suffisante,  de  manière  à  éviter  toute 
stagnation,  lavé  et  brossé  plusieurs  fois  par  jour,  etc. 
L'excellent  résultat  obtenu  récemment  à  la  Morgue  de 
Paris,  par  l'établissement  d'appareils  frigorifiques,  permet 
d'espérer  qu'il  deviendra  possible  d'installer,  dans  les  sous- 
sols  des  marchés  des  grandes  villes,  des  chambres  à  réfri- 
gération à  0  degré,  où  l'on  pourrait  conserver  pendant 
l'été  les  viandes,  le  poisson,  le  beurre,  à  l'abri  de  la  dé- 
composition par  la  chaleur.  On  supprimerait  de  la  sorte  la 
cause  principale  de  l'insalubrité  de  ces  édifices. 

Par  un  arrêté  récent  (Avril  1881)  le  Préfet  de  la  Seine 
a  rendu  obligatoires  le  lavage  et  la  désinfection  du  marché 
aux  bestiaux  de  la  Villette. 


Après  chaque  tenae  du  marché,  le  sol  des  halles,  des  étables,  des 
parcs  de  comptage  du  marché  aux  bestiaux,  ainsi  que  tous  autres 
emplacements  où  les  bestiaux  auront  séjourné  et  les  parties  en  élé- 
vation qu'ils  auraient  pu  souiller,  seront  lavés  à  grande  eau,  et  après 
chaque  lavage,  arrosés  avec  une  solution  désinfectante.  Ces  lavages 
et  arrosages  ne  pourront  être  suspendus  en  raison  du  refroidissement 
de  la  température,  qu'avec  l'assentiment  des  agents  des  deux  préfec- 
tures. Ces  opérations  de  désinfection  seront  exécutées  sans  préjudice 
de  l'accomplissement  de  celles  prescrites  par  l'arrêté  du  23  juillet 
1874,  qui  reste  en  vigueur. 


ART.    IV.   —    MORGUES,   AMPHITHÉÂTRES   DE    DISSECTION 
ET   ABATTOIRS. 

Morgues.  —  L'état  souvent  très  avancé  de  putréfaction 
dans  lequel  sont  apportés  les  cadavres  à  la  morgue,  la 
nécessité  de  prolonger  le  plus  possible  la  durée  de  l'ex- 
position des  cadavres  non  reconnus,  sont  des  causes  iné- 
vitables d'infection  de  ces  établissements.  Les  moyens  de 
désinfection  ont  été  très  variés  et  souvent  infructueux. 


MORGUES,  AMPHITHÉÂTRES,  ABATTOIRS.  "îOl 

D'Arcet  (1)  avait  proposé  en  1831  l'emploi  de  tables 
spéciales  d'autopsies  et  de  dissection  ;  la  table  sur  laquelle 
reposait  le  cadavre  était  percée  de  trous,  et  l'air,  aspiré 
par  un  conduit  souterrain  aboutissant  d'un  côté  sous  la 
table,  de  l'autre  à  la  clieminée  d'un  foyer,  descendait  des 
parties  élevées  de  la  salle  vers  ces  perforations,  et  à  tra- 
vers le  pied  creux  de  la  table  arrivait  au  foyer.  Dans  une 
autre  disposition  faite  en  vue  des  autopsies  judiciaires  à  la 
morgue,  l'expert  opérait  sous  une  hotte  pouvant  se  fer- 
mer avec  des  rideaux  du  côté  opposé  à  la  glace  sans  tain 
derrière  laquelle  se  tenaient  les  témoins. 

M.  Devergie  (2)  fit  installer  en  1866  une  de  ces  tables 
à  la  morgue;  il  en  a  reconnu  l'efficacité;  mais  en  hiver,  les 
mains  de  l'opérateur  étaient  refroidies  d'une  façon  insup- 
portable par  le  courant  d'air  qui  balayait  la  table  ;  l'ap- 
pareil est  d'ailleurs  coûteux  et  nécessite  un  foyer  allumé 
en  été. 

Lors  de  la  construction  de  la  nouvelle  morgue  de  Paris, 
en  1864,  l'architecte  avait  assuré  la  désinfection  des  corps 
au  moyen  de  deux  cheminées  cylindriques  placées  aux 
angles  du  local  où  les  charrettes  déposent  les  corps  ;  un 
poêle  calorifère  placé  au  bas  de  chaque  cheminée  détermi- 
nait un  appel  considérable  dans  la  salle  des  morts,  d'au- 
topsie et  d'exposition  des  corps  ;  des  ouvertures  très 
larges  ménagées  au  niveau  de  la  toiture  assuraient  la 
libre  circulation  de  l'air.  En  réalité,  les  locaux  restaient 
infects,  sans  doute  parce  que  la  diffusion  et  le  mélange 
de  l'air  sont   toujours   très   difficiles    dans  une  enceinte 

(1)  D'Arcet  et  Parent  Duchâtelet,  De  Vinfluence  et  de  V assainissement 
■des  salles  de  dissection  (Annales  dlujglène  et  de  médecine  légale,  1831, 
T.  V,  p.  244.  Description  de  la  figure,  p.  314).  —  D'Arcet,  Projet  pour  la 
construction  d'une  salle  d'exhumation  et  d'autopsie  [Annales  d'hugiène, 
1830,  T.  m,  p.  21  av.  planche). 

(2)  Devergie,  Expériences  pour  la  désinfection  des  cadavres  déposés  à 
la  morgue  {Rapport  général  sur  les  travaux  du  Conseil  d'hygiène  de  la 
Seine,  1870,  p.  140  et  1878,  p.  122  ;  et  Annales  d'hygiène,  1878, 
T.  XXXIV,  p.  324). 


708  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

fermée:   l'on  dépensait  par  an  jusqu'à  1,200  francs  de 
charbon,  sans  obtenir  la  désinfection,  par  ce  mode  de  ven 
tilation  fort  gênant  pendant  l'été,  où  il  élevait  encore  la 
température  de  l'enceinte. 

C'est  alors  que  Devergie  proposa  l'irrigation  permanente 
des  cadavres  à  l'aide  de  très  minces  filets  d'eau  conte- 
nant une  faible  quantité  d'acide  phénique  impur  (1  litre 
d'acide  pour  2,000  litres  d'eau).  Cette  quantité  était  suffi- 
sante pour  assurer  l'irrigation  permanente  de  4  corps  pen- 
dant 12  heures.  Devergie  déclare  dans  son  rapport  que  ce 
procédé  a  fait  disparaître  toute  odeur  putride  de  la  mor- 
gue, même  pendant  les  fortes  chaleurs  ;  l'odeur  de  l'acide 
phénique  avait  tout  envahi  ;  la  salle  des  morts  était  habi- 
tuellement pleine  de   mouches ,   on  trouvait  dorénavant 
celles-ci  mortes  sur  le  sol  ou  dans  les  fissures.  Déjà,  dès 
les  années  1827  et  1829,  Devergie  avait  établi  à  l'an- 
cienne morgue  des  robinets  irrigateurs  d'eau  pure  sur  les 
corps,  ses  études  lui  ayant  appris  que  la  putréfaction  dans 
l'eau  se  faisait  moins  vite  que  dans  la  terre  et  dans  l'air. 
L'addition  de  l'acide  phénique  à  l'eau  lui  avait  paru  réali- 
ser le  problème  difficile  de  la  désinfection  des  morgues. 

Une  expérience  plus  prolongée  a  montré  que  le  résultat 
obtenu  était  encore  très  incomplet,  et  M.  Brouardel  (1)  a 
proposé,  par  analogie  avec  ce  qui  existe  dans  plusieurs 
Universités  allemandes,  l'établissement  de  glacières  oîi  les 
corps  pourraient  être  conservés  très  longtemps  pour  les 
recherches  médico-légales  et  pour  les  constatations  d'iden- 
tité (voy.  p.  83). 

Ces  appareils,  qui  sont  très  supérieurs  à  ceux  que  nous 
trouvons  décrits  en  Allemagne,  fonctionnent  depuis  peu 
de  temps  à  la  Morgue  de  Paris  ;  nous  les  avons  examinés 

(1)  Brouardel,  Rapport  pour  l'examen  des  divers  systèmes  relatifs  à 
l'installation  d'appareils  frigorifiques  à  la  Morgue  [Annales  d'hygiène  et 
de  médecine  légale,  janvier  1880,  p.  63.  —  Rapport  de  M.  Luiiyt,  au  nom 
d'une  commission  nommée  par  le  conseil  municipal,  en  1881. 


MORGUES,  AMPHITHÉÂTRES,  ABATTOIRS.  709 

à  plusieurs  reprises  et  ils  nous  semblent  nécessiter  ime 
description  spéciale  (1). 

Le  principe  est  celui  de  l'appareil  Carré  :  dans  un  réser- 
voir hermétique  en  fer,  capable  de  supporter  une  énorme 
pression,  on  fait  bouillir  de  l'ammoniaque  ;  le  gaz  dissous 
dans  l'eau  se  dégage  dans  un  autre  réservoir  identique, 
relié  au  premier  par  un  tube  de  fer,  et  s'y  comprime  à  tel 
point  qu'il  se  liquéfie  ;  quand  on  cesse  de  chauffer  le  pre- 
mier récipient,  le  gaz  ammoniac  liquéfié  dans  le  second 
sous  sa  propre  pression  tend  à  passer  de  nouveau  à  fétat 
gazeux,  et  pour  ce  changement  d'état  absorbe  du  calorique 
à  l'eau  dans  laquelle  plonge  le  récipient  ;  cette  eau  se  con- 
gèle. Dans  l'appareil  de  MM.  Carré— Mignon-Rouart  établi 
à  la  Morgue,  le  cylindre  où  se  trouve  le  gaz  comprimé 
plonge  dans  un  liquide  à  peu  près  incongelable,  une  solu- 
tion saturée   de  chlorure  de    calcium,  qu'on   refroidit  à 

—  20°.  Ce  liquide  glacial  circule  dans  des  tuyaux  métalli- 
ques qui  serpentent  à  la  paroi  interne  de  cellules  en  bri- 
ques, où  l'on  introduit  un  cadavre  ;  le  degré  d'écartement 
des  tubes,  en  faisant  varier  la  surface  refroidissante,  fait 
aussi  varier  le  refroidissement  de  l'air  dans  la  logette;  on 
peut  ainsi  obtenir  —  4  à  —  20°  centigrades.  L'expérience 
a  prouvé  qu'en  refroidissant  les  cadavres  brusquement  à 

—  10  ou  —  20°,  ceux-ci  restent  intacts  au  dégel,  et  l'on 
peut  ensuite  les  conserver  à  l'air  libre  aussi  longtemps  que 
des  cadavres  frais.  Au  contraire,  quand  la  congélation  s'est 
faite  lentement,  à  —  4°,  les  cadavres  se  putréfient  très  ra- 
pidement au  dégel,  et  prennent  une  coloration  rouge  vif, 
par  la  décomposition  de  l'hémoglobine  et  la  dissolution  de 
l'hématine  dans  le  sérum.  Les  cadavres  congelés,  à  demi- 
autopsiés,  peuvent  se  conserver  presque  indéfiniment  dans 
ces  cellules;  on  peut  faire  de  nouvelles  recherches  mé- 
dico-légales, au  cours  d'un  procès,  sans  avoir  besoin  d'.une 

(l)  E.  Vallin,  Le  froid  à  la  Moi'fjue  (Revue  iVhyçjiène  et  de  police  sani- 
taire, 20  juillet  1882,  p.  54o). 


710  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

seconde  exhumation,  qui  ne  livre  d'ordinaire  que  des- 
restes décomposés. 

À  la  Morgue  de  Paris,  dans  la  salle  d'exposition  où  l'on 
conserve  les  cadavres  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  reconnus,, 
on  a  employé  un  procédé  un  peu  différent.  La  solution 
glaciale  de  chlorure  de  calcium  est  élevée  par  un  tuyau 
jusqu'au  sommet  delà  salle  qui  a  500  mètres  cubes  ;  à  la 
partie  supérieure  de  cette  salle  de  5  mètres  de  haut,  sont 
disposées  des  lamelles  parallèles,  imbriquées  et  inclinées, 
sur  lesquelles  la  solution  tombe  en  cascade;  une  rigole 
placée  à  la  partie  la  plus  déclive  de  cette  espèce  de  toit 
double,  formé  de  persiennes,  recueille  le  liquide  dont  pas 
une  goutte  ne  tombe  dans  la  salle.  L'air  chaud  s'élève,  il 
se  refroidit  extrêmement  au  contact  de  cette  cascade  de 
liquide  à  —  20°  qui  s'étend  sur  une  large  surface,  et  sur 
une  pente  de  plus  de  1  mètre  ;  en  se  refroidissant,  sa  den- 
sité augmente,  il  retombe  dans  les  couches  basses  de  l'at- 
mosphère de  la  salle,  et  la  température  générale  de  celle- 
ci  atteint  bientôt  0°  et  s'y  maintient  indéfiniment.  Il  serait 
facile  d'obtenir  un  froid  plus  grand,  mais  cette  tempéra- 
ture suffit  pendant  l'été  pour  conserver  longtemps  les  ca- 
davres à  l'abri  de  la  putréfaction. 

Un  autre  effet  très  curieux  est  obtenu  par  ce  procédé  ; 
le  chlorure  de  calcium  étant  très  avide  d'eau,  l'air  de  la 
salle  devient  extrêmement  sec,  et  l'on  évite  complètement 
cette  humidité  et  ce  suintement  des  murailles  qui  sont  le 
fléau  des  locaux  artificiellement  refroidis.  Cette  sécheresse- 
de  l'air  contribue  beaucoup  à  la  conservation  des  cada- 
vres. 

Depuis  que  ces  appareils  fonctionnent  à  la  Morgue  de 
Paris,  toute  odeur  putride  a  disparu,  ce  qu'on  n'avait  ja- 
mais pu  obtenir  jusque-là.  Malheureusement,  la  dépense 
de  première  installation  est  considérable  ;  la  dépense  d'en- 
tretien est  très  faible  ;  la  provision  d'ammoniaque  et  de 
chlorure  de  calcium  sert  indéfiniment  ;  il  faut  une  assez. 


MORGUES,  AMPHITHÉÂTRES,  ARATTOIRS.  711 

grande  quantité  de  combustible  pour  dégager  le  gaz  de  la 
solution  ammoniacale.  Néanmoins,  des  appareils  de  ce 
genre,  d'un  petit  modèle,  nous  paraissent  capables  de 
rendre  d'immenses  services  dans  les  amphithéâtres  de  dis- 
section, et  surtout  pour  les  recherches  médico-légales. 
Aucun  autre  moyen  de  désinfection  des  corps  déjà  putré- 
fiés ne  peut  être  comparé  à  celui-là,  et  il  a  l'avantage  de 
n'introduire  dans  le  cadavre  ni  dans  l'enceinte  de  la  Mor- 
gue, aucune  substance  toxique  qui  pourrait  troubler  les  re- 
cherches de  la  justice. 

Les  cadavres  et  leurs  débris  doivent  toujours  être,  lors 
de  l'inhumation,  enfermés  dans  des  cercueils  garnis  de 
couches  épaisses  d'un  des  mélanges  désinfectants  dont 
nous  donnons  la  formule  plus  loin  (p.  725).  Des  réclama- 
tions ont  été  adressées,  il  y  a  quelques  années,  au  Préfet 
de  police  et  au  Conseil  d'hygiène  de  la  Seine  par  les  rive- 
rains du  cimetière  où  l'on  inhumait  les  corps  provenant 
des  hôpitaux  et  de  la  morgue.  L'enquête  montra  que  les 
cadavres  provenant  de  la  morgue  étaient  simplement  en- 
veloppés de  serpillières  et  déposés  directement  dans  une 
tranchée.  Le  Conseil  d'hygiène  réclama  et  obtint  l'em- 
ploi pour  chaque  corps  d'une  bière,  avec  addition  d'une 
grande  quantité  de  poudre  de  tan  et  de  sulfate  de  fer;  les 
réclamations  depuis  ce  temps  ont  cessé. 

Amphithéâtres  de  dissection.  —  Les  amphithéâtres  de 
dissection  sont  presque  toujours  placés  dans  l'enceinte 
même  des  hôpitaux,  parfois  même  beaucoup  trop  près  des 
salles  de  malades  ;  ils  sont  une  cause  réelle  de  dangers 
pour  les  grands  blessés,  les  accouchées,  etc.  ;  leur  désin- 
fection doit  être  rigoureusement  assurée.  Il  faut  savoir 
reconnaître  que  les  médecins  n'échappent  pas  toujours,  à 
ce  point  de  vue,  au  reproche  de  contribuer  eux-mêmes  à 
l'insalubrité  d'un  hôpital  ;  c'est  eux,  et  pour  ainsi  dire  eux 
seuls,  qui  doivent  être  responsables  de  la  propreté  et  de 


712  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

la  nocuité  des  locaux  qui  servent  aux  autopsies  et  aux 
travaux  anatomiques. 

Nous  avons  déjà  décrit  les  comburateurs  à  couronnes 
de  gaz  proposés  par  M.  Wœstyn,  pour  détruire  par  le  feu  l'air 
expulsé  des  salles  de  malades.  C'est  un  appareil  de  ce  genre 
que  semble  avoir  projeté  un  des  ingénieurs  de  l'Assistance 
publique,  pour  désinfecter  l'amphithéâtre  de  l'hôpital  Té- 
non;  on  sait  que  dans  cet  hôpital,  l'amphithéâtre  est  très 
voisin  du  pavillon  de  la  Maternité  et  est  une  menace  con- 
tinuelle pour  ce  service.  L'architecte  a  proposé  de  con- 
struire au-dessus  de  la  salle  d'autopsie  une  large  chemi- 
née béante  dans  laquelle  brûleraient  des  couronnes  de 
gaz  ;  on  obtiendrait  ainsi  un  appel  très  puissant  qui  puri- 
fierait par  le  feu  et  incessamment  tout  l'air  qui  aurait  pé- 
nétré dans  la  salle  par  les  ouvertures  inférieures.  L'appa- 
reil coûterait,  dit-on,  3,000  francs  de  première  installa- 
tion, et  nécessiterait  une  consommation  annuelle  de  gaz 
coûtant  10,000  francs  environ.  Le  chiffre  nous  paraît  ex- 
cessif ;  il  serait  sans  doute  facile  d'établir  dans  cette  che- 
minée un  écran  en  toile  métallique  chauffée  à  -j-  150°  par 
des  becs  de  gaz,  et  qui  flamberait  l'air  traversant  cette 
cheminée;  au  premier  abord,  10  becs  de  gaz  pourraient 
suffire,  ils  coûteraient  3,000  francs  par  an,  et  la  chaleur 
ou  la  lumière  produites  pourraient  être  utilisées.  Quoi 
qu'il  en  soit,  c'est  une  ressource  extrême,  à  laquelle  on  ne 
pourra  recourir  que  dans  des  conditions  tout  à  fait  ex- 
ceptionnelles. 

La  désinfection  peut  être  obtenue  par  d'autres  moyens, 
et  surtout  par  un  ensemble  de  précautions  et  de  soins 
journaliers.  Ici  encore,  il  faut  prévenir  l'infection  non 
moins  que  la  détruire. 

1°  Le  sol  des  salles  de  dissection,  des  locaux  de  macéra- 
tion, etc.,  doit  être  absolument  imperméable;  les  pavés 
ou  les  dalles  en  pierre  dure  exactement  jointoyés  en  ci- 
ment, ou  encore  les  couches  continues  de  ciment,  sont  pré- 


3I0RGUES,  AMPHITHÉATRi:S,  ABATTOIRS.  713 

férables  à  tout  autre  enduit;  l'asphalte  se  fendille,  se  dé- 
prime, s'imprègne.  Les  pentes  doivent  être  ménagées  de 
telle  sorte  que  des  lavages  à  grande  eau  puissent  se  faire 
fréquemment,  rapidement,  sans  occasionner  de  stagnation. 
Ces  lavages  peuvent  être  faits  avec  la  solution  de  chlorure 
de  zinc  à  o  p.  100  qui  n'altère  que  très  peu  les  métaux. 

A  l'Institut  anatomique  de  Leipzig,  M.  Wurtz  (1)  a 
trouvé  dans  la  salle  de  dissection  des  planchers  en  chêne 
verni,  et  M.  le  professeur  His,  directeur  de  l'Institut,  se 
louait  beaucoup  de  cette  disposition  qui  donne  à  la  salle  un 
air  de  propreté  et  aux  élèves  l'habitude  de  travailler  avec 
soin.  On  ne  tolère  ni  liquides  répandus,  ni  débris  aban- 
donnés sur  le  sol  ;  c'est  la  propreté  sèche,  et  nous  avons 
dit  plus  haut  à  quel  point  nous  y  avons  confiance.  Il  va 
de  soi  qu'on  doit  chaque  jour  passer  un  linge  humide  sur 
le  plancher  pour  en  enlever  les  taches  et  les  poussières. 

2°  Les  tables  doivent  être  en  matière  complètement  im- 
perméable ;  celles  en  marbre,  en  verre,  en  porcelaine, 
sont  excellentes  ;  elles  seront  légèrement  déprimées  vers 
les  parties  centrales,  et  mobiles  sur  un  support  métallique 
creux,  contenant  un  tuyau  en  communication  avec  l'égout; 
ce  tuyau  doit  être  muni  d'un  ob.turateur  hydraulique,  si- 
phoïde,  hermétique.  L'eau  sera  fournie  en  abondance;  au- 
dessus  de  chaque  table  doivent  être  disposés  plusieurs 
tuyaux  fixes,  à  ajutage  mobile  permettant  d'entraîner  im- 
médiatement au  moyen  d'un  jet  les  liquides  infects  rete- 
nus dans  les  cavités  splanchniques  ou  sur  la  table  d'au- 
topsie ; 

3°  Les  canaux  d'écoulement  de  l'eau  au  dehors  ne  doi- 
vent jamais  être  ouverts  à  l'air  libre  ;  ils  seront  à  parois 
circulaires,  complètes,  de  large  dimension,  pour  ne  pas 
être  obstrués  par  les  débris  ;  il  est  nécessaire  qu'ils  soient 
munis    comme  les  bouches  d'égout,  d'une  large  cuvette 

(1)  Wurtz,  Deuxième  rapport  sur  les  hautes  études  pratiques  des  Uni- 
versités d'Allemagne  et  d'Autriche-Hongrie.  Paris,  Masson,  1882,   p.  IH. 


714  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

siphoïde  (Égouts),  pour  éviter  leur  obstruction  et  pour 
empêcher  le  reflux  des  gaz  de  l'intérieur  de  l'égout  cen- 
tral. Les  eaux  venant  de  l'amphithéâtre  ou  des  cuves  de 
macération  ne  doivent  dans  aucun  cas  s'écouler  sur  la  voie 
publique  ou  dans  un  faible  cours  d'eau. 

A  l'Institut  anatomique  de  Leipzig,  les  eaux  de  lavage 
des  tables  et  des  salles  de  dissection  aboutissent,  à  l'aide 
de  tuyaux  fermés,  dans  une  série  de  cuves  ou  récipients 
disposés  dans  le  sous-sol  et  remplis  par  avance  de  mélan- 
ges désinfectants  ;  tous  ces  liquides  se  réunissent  dans  un 
grand  bassin  collecteur  situé  à  l'embouchure  de  ces  con- 
duits dans  les  égouts  de  la  ville,  de  sorte  que  ces  égouts 
ne  reçoivent  de  l'amphithéâtre  que  des  liquides  déjà  dé- 
sinfectés (1). 

4°  Les  baquets  à  macération  sont  d'ordinaire  une  puis- 
sante cause  d'infection  ;  il  y  a  là  des  habitudes  déplora- 
bles à  réformer  :  on  accumule  et  on  oublie  des  pièces  inu- 
tiles, on  abandonne  à  la  putréfaction  des  membres  volu- 
mineux recouverts  de  tous  leurs  tissus  mous  ;  l'anatomiste 
oublie  trop  souvent  que  tout  médecin  a  des  devoirs  à  rem- 
plir envers  l'hygiène  publique,  sinon  envers  l'hygiène  in- 
dividuelle. Les  macérations  en  bloc  devraient  être  sus- 
pendues pendant  les  chaleurs  de  l'été,  surtout  dans  un 
hôpital.  L'eau  doit  être  courante  dans  les  bassins  de  ma- 
cération, et  ce  renouvellement  continu  peut  se  faire  avec 
assez  de  lenteur  pour  ne  pas  entraîner  une  consommation 
d'eau  excessive  ;  les  pièces  doivent  être  maintenues  sub- 
mergées dans  toutes  leurs  parties  par  des  poids  ou  des 
pièces  de  bois  ;  les  parties  molles  seront  préalablement  en- 
levées ;  des  perforations  dans  le  tissu  spongieux  permet- 
tront les  lavages  hydrotomiques  à  forte  pression  dans  l'in- 
térieur des  os.  En  pareil  cas,  le  meilleur  désinfectant  est 
l'eau  en  excès  et  constamment  renouvelée.  Dans  les  cours 

(l)  Wurlz,  loco  citato,  p.  109,  planche  XIII. 


MORGUES,  AMPHITHÉÂTRES,  ABATTOIRS.  715 

à  macération,  la  propreté  doit  être  extrême  ;  les  débris  de 
lissiis  y  sont  trop  souvent  abandonnés  et  oublies  ;  des 
grilles  à  barreaux  très  serrés  doivent  empêcher  leur  en- 
traînement à  l'égout. 

A  l'Institut  anatomique  de  Gratz  (1),  on  a  construit  des 
appareils  spéciaux  servant  d'une  part  à  la  macération  des 
os,  d'autre  part  à  leur  dégraissement.  Les  premiers  con- 
sistent en  une  série  de  cuves,  hermétiquement  closes, 
dans  lesquelles  les  parties  de  cadavre  sont  constamment 
lavées  par  un  courant  d'eau  chaude  provenant  d'une  chau- 
dière à  vapeur;  cette  eau  se  dirige  immédiatement  dans 
l'égout;  des  tuyaux  partant  du  sommet  de  la  cuve  dirigent 
les  gaz  putrides  sous  les  foyers  des  chaudières  ;  sous  l'in- 
fluence de  ce  courant  d'eau  chaude  incessamment  renou- 
velé, la  macération  est  achevée  en  trois  jours. 

Pour  obtenir  le  dégraissement  des  os,  ceux-ci  sont  in- 
troduits dans  un  réservoir  hermétiquement  clos,  dans  le- 
quel on  dirige  des  vapeurs  de  benzine  qui  s'y  condensent. 
La  benzine  condensée  et  chargée  de  graisse  reflue  dans 
l'appareil  distillatoire  où  elle  reprend  la  forme  de  vapeur 
et  où  elle  abandonne  la  matière  grasse.  Ces  opérations  se 
font  absolument  sans  odeur. 

5°  Les  cadavres  ne  sont  presque  jamais  une  source  d'in- 
fection dans  les  vingt-quatre  heures  qui  suivent  le  décès. 
Mais  l'autopsie  est  parfois  retardée  d'un  ou  de  deux  jours 
dans  certains  hôpitaux,  et  les  cadavres  commencent  à  se 
putréfier,  dans  la  saison  chaude,  avant  d'avoir  servi  en 
quoi  que  ce  soit  à  l'instruction.  Après  toute  autopsie,  les 
parois  des  cavités  ouvertes,  les  parties  dénudées  pourraient 
être  badigeonnées  avec  une  solution  concentrée  (à  S 
pour  100)  de  chlorure  de  zinc  ;  un  simple  lavage  à  l'eau 
froide  suffirait  ensuite  à  laver  les  parties  servant  ultérieu- 
rement aux  dissections.  Les  cadavres  destinés  aux  travaux 

(1)  Wurtz,  loco  citato,  p.  109. 


716  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

anatomiques  proprement  dits  devraient  toujours  être  in- 
jectés, par  une  grosse  artère,  avec  une  solution  de  chlo- 
rure de  zinc  à  40°  Baume  (procédé  Sucquet),  de  sulfite 
neutre  de  soude  à  20°,  de  biborate  d'ammoniaque.,  ou  par  un 
mélange  d'alcool,  de  glycérine  et  de  phénol,  etc(l).  Mais 
cette  injection  devrait  avoir  lieu  dans  les  vingt-quatre  heu- 
res qui  suivent  l'arrivée  du  corps  à  l'amphithéâtre,  et  non 
pas  lorsque  la  putréfaction  est  déjà  commencée,  comme  il 
arrive  trop  souvent.  A  l'Institut  anatomique  de  Leipzig,  la 
ressource  principale  pour  les  dissections  est  fournie  par  les 
cadavres  des  suicidés  qui  y  sont  envoyés  par  les  chemins 
de  fer,  de  toutes  les  parties  da  royaume  de  Saxe.  Pour  ne 
pas  perdre  ceux  qui  arrivent  pendant  les  vacances  et  en 
général  pendant  Tété  où  les  travaux  anatomiques  chôment, 
on  les  conserve  dans  de  grandes  caisses  remplies  d'alcool 
et  placées  dans  le  sous-sol.  Mais  le  dégagement  de  l'alcool 
n'est  pas  sans  inconvénient  pour  les  étudiants  qui  restent 
une  partie  de  la  journée  penchés  sur  leurs  dissections. 
Dans  beaucoup  d'universités  allemandes,  il  existe  des 
glacières  où  l'on  porte  les  cadavres,  ou  plutôt  au-dessus  des- 
quelles se  trouvent  des  chambres  à  air  froid  dans  les- 
quelles les  corps  sont  conservés  à  une  température  voi- 
sine de  0.  A  l'Institut  de  Gratz,  on  avait  naguère  ménagé 
dans  le  sous-sol  des  logettes  assez  analogues  aux  cases 
des  cimetières  de  Pise,  de  Milan,  de  Gènes  ;  les  parois 
doubles  de  ces  cases  étaient  remplies  de  glace,  et  les 
cadavres  étaient  introduits  par  une  des  petites  extrémités 
dans  ces  cercueils  glacés  :  on  y  portait  même  pendant  la 
nuit  les  corps  à  demi-disséqués  qui  devaient  servir  aux 
travaux  du  lendemain.  Mais  ces  espaces  froids,  où  l'air  ne 
circule  pas,  étaient  dévorés  par  la  rouille  et  les  moisis- 

(1)  L'ordonnance  du  31  octobre  1846  dcSfend  l'emploi  de  l'arsenic  pour 
l'embaumeuaent  et  la  conservation  des  corps.  Cette  prescription  n'est  pas 
appliquée  dans  les  amphithéâtres  de  dissection,  à  la  Faculté  de  Paris,  où 
l'on  emploie  depuis  plusieurs  années  avec  succès  une  injection  conser- 
yatrice  contenant  une  énorme  quantité  d'acide  arscnieux. 


MORGUES,  AMPHITHEATRES,  ABATTOIRS.  717 

sures  ;  on  y  a  renoncé,  et  l'on  s'en  tient  à  l'injection 
préalable  des  cadavres  avec  des  liquides  antiseptiques.  Il 
serait  bien  préférable  d'y  faire  le  froid  au  moyen  de  ser- 
pentins où  circulerait  une  solution  incongelable  de  chlorure 
de  calcium,  refroidie  à  —  20°  par  le  gaz  ammoniac  liquéfié 
sous  sa  propre  pression,  comme  dans  l'appareil  Carré, 
Mignon-Rouart  qui  fonctionne  à  la  morgue  de  Paris.  En 
tout  cas,  nous  pensons  qu'il  serait  facile  de  faire  dispa- 
raître cette  humidité,  le  fléau  des  locaux  artificiellement 
refroidis,  en  suspendant  dans  la  cellule  des  linges  imbi- 
bés d'une  solution  saturée  de  chlorure  de  calcium,  et  en  pla- 
çant au-dessous  une  rigole  ou  des  vases  destinés  à  recueillir 
l'eau  d'écoulement.  La  sécheresse  extrême  de  l'air  contri- 
buerait beaucoup  pour  sa  part  à  retarder  la  putréfaction 
des  corps. 

Les  cadavres  soumis  aux  dissections  sur  les  tables  pour- 
raient, dans  l'intervalle  des  heures  de  travail,  être  toujours 
recouverts  d'une  sorte  de  couvercle  métallique  ou  en  bois, 
en  forme  de  cercueil  renversé  ;  ce  serait  une  défense  con- 
tre les  mouches  et  les  odieux  rongeurs,  et  un  moyen  d'em- 
pêcher la  dissémination  des  miasmes  ;  il  serait  aisé  de 
répandre  sur  la  table  ou  sur  les  parties  non  dénudées  du 
cadavre  quelques  poignées  de  sciure  de  bois  imprégnée 
de  chlorure  de  zinc,  d'acide  phénique  ou  de  chlorure  de 
chaux.  Il  n'en  résulterait  aucun  dégât  pour  les  prépara- 
tions commencées  ou  achevées,  et  l'hygiène  de  l'amphi- 
théâtre y  gagnerait  certainement. 

6°  La  désinfection  ne  peut  être  obtenue  qu'à  la  condition 
de  réunir  incessamment  les  débris  les  plus  fins  venant 
des  dissections,  dans  des  baquets  remphs  d'une  solution 
forte  de  chlorure  de  zinc  ou  de  chaux  (1  à  10  pour  100). 
11  faut  empêcher,  à  l'aide  de  grilles  à  barreaux  rapprochés, 
ces  débris  d'être  entraînés  par  les  eaux  de  lavage  ;  ils  doi- 
vent être  inhumés  avec  le  cadavre  ;  c'est  à  ce  prix  qu'on 
évite  l'obstruction  des  canaux,  l'infection  des  locaux  et 


718  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

plus  tard  celle  des  égouts  de  la  ville.  A  Leipzig,  le  profes- 
seur Fr.  Hoffmann  a  constaté  qu'à  Tlnstitut  pathologique, 
on  consomme  pour  chaque  cadavre  30  à  40  litres  d'eau 
qui  entraînent  74  grammes  de  matériaux  solides,  soit 
23  kilogrammes  par  an  pour  300  cadavres.  En  un  an,  un 
seul  homme  évacue  un  poids  3  fois  plus  grand  de  matières 
fécales  solides  (1).  Nous  ne  comprenons  pas  comment  il 
est  possible  de  n'emprunter  à  un  cadavre  qu'on  dissèque 
ou  qu'on  autopsie  que  14  grammes  de  matière  organique  : 
le  sang,  le  pus,  la  matière  intestinale  dépassent  de  beau- 
coup et  inévitablement  ce  chiffre  ;  il  doit  y  avoir  là  une 
erreur  matérielle.  En  tout  cas,  le  précepte  est  bon  ;  les  dé- 
bris solides  doivent  être  retenus,  désinfectés,  et  placés 
dans  le  cercueil. 

M.  le  professeur  Tréîat  a  récemment  proposé  de  dé- 
truire par  le  feu  tous  les  débris  informes,  et  trop  souvent 
putréfiés,  provenant  des  salles  de  dissection.  Un  petit 
appareil  crématoire  aurait  été  installé  à  cet  effet  dans  une 
des  dépendances  de  l'Ecole  pratique,  et  l'on  eût  fait  de  la 
sorte  une  opération  de  crémation  qui  eût  concilié,  beau- 
coup plus  que  les  procédés  actuels,  le  respect  qu'on  doit 
aux  débris  humains  et  les  exigences  de  l'hygiène  publi- 
que. L'une  des  causes  principales  d'infection  dans  l'am- 
phithéâtre de  dissection  est  l'accumulation  de  ces  restes 
innomés  et  impersonnels;  leur  transport  n'a  lieu  que  tar- 
divement, à  intervalles  éloignés,  alors  souvent  que  la  pu- 
tréfaction est  avancée.  L'on  ne  comprend  guère  qu'on 
n'applique  pas  à  ces  débris,  avec  plus  de  rigueur  encore 
qu'aux  cadavres  complets,  les  prescriptions  de  pohce  con- 
cernant les  inhumations  ;  le  cercueil  devrait  toujours  con- 
tenir une  quantité  suffisante  de  tan  ou  de  sciure  de  bois 
rendue  absorbante  et  désinfectante  par  des  sels  métalli- 
ques ou  de  l'acide  phénique. 

(1)  Wurtz,  Deuxième  rapport  sur  les   Universités  d'Allemagne,  1882, 
p.  109. 


MORGUES,  AMPHITHÉÂTRES,  ABATTOIRS.  719 

T  Dès  que  rôdeur  devient,  fétide  dans  une  salle  de  dis- 
section, il  faut,  quand  le  travail  est  terminé  et  que  la  salle 
est  devenue  libre,  projeter  dans  l'air,  contre  les  murailles 
et  toutes  les  surfaces  exposées,  un  nuage  de  poussière  à 
l'aide  d'un  liquide  désinfectant  ;  il  existe  aujourd'hui  dans 
le  commerce  de  volumineux  et  solides  appareils  pulvéri- 
sateurs, semblables  à  des  pompes  de  jardin,  et  servant 
journellement  à  laver  les  feuilles  des  arbustes  dans  les 
serres.  Ils  conviennent  parfaitement  pour  cet  usage, 

La  solution  d'acide  pliénique,  de  chlorure  de  zinc  à  5 
pour  100,  celle  de  permanganate  de  potasse  àl  pour  500, 
le  vinaigre  antiseptique  de  Pennés  étendu  d'eau,  peuvent 
être  employés  avec  avantage  sous  cette  forme.  L'on  ob- 
tiendra aussi  un  bon  effet  des  vapeurs  d'éther  azoteux, 
d'après  le  procédé  indiqué  par  M.  Peyrusson  (p.  207), 
en  laissant  dans  la  salle  pendant  la  nuit  un  certain  nombre 
d'assiettes  remphes  du  mélange  d'alcool  et  d'acide  azotique. 
Les  murs  doivent  être  imperméables,  dans  toute  leur 
hauteur  ;  il  est  désirable  qu'ils  soient  garnis  de  marbre  ou 
de  faïence  jusqu'à  la  hauteur  d'un  mètre  cinquante  au- 
dessus  du  sol,  comme  dans  les  salles  de  dissection  de  l'école 
du  Val-de-Grâce  ;  la  partie  supérieure  peut  étrestuquée  ou 
simplement  peinte  à  l'huile  au  sulfure  de  zinc  ;  les  lavages 
à  l'éponge  de  ces  murailles  auront  lieu  au  moins  chaque 
semaine  et  contribueront  beaucoup  à  faire  disparaître  l'o- 
deur fade  que  dégagent  les  amphithéâtres,  même  en  l'ab- 
sence de  cadavres.  Il  serait  même  nécessaire  de  temps  en 
temps,  une  fois  par  mois,  surtout  pendant  la  saison  chaude, 
de  faire  des  fumigations  de  soufre  dans  les  salles  closes,  au 
commencement  de  la  nuit  ;  en  faisant  brûler  15  à  30 
grammes  de  fleur  de  soufre  par  mètre  cube,  la  dépense 
serait  minime  ;  la  main  d'œuvre  est  nulle,  la  détérioration 
des  objets  métahiques  peut  être  bien  réduite. 

Mais  on  peut  obtenir  une  désinfection  plus  sérieuse  en- 
core à  l'aide  de  l'acide  sulfonitreux,   ou   des  cristaux  de 


720  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

sulfate  de  nitrosyle,  suivant  la  méthode    préconisée  par 
MM.Ch.  Girard  etPabst. 

Au  fond  d'une  grande  terrine  en  terre  vernissée  ou 
mieux  en  porcelaine,  on  place  le  soir  un  bocal  en  verre, 
à  très  large  ouverture,  contenant  500  grammes  d'acide 
nitro-sulfurique  liquide.  Cet  acide  coûte  20  francs  les 
100  kilogrammes,  et  contient  en  dissolution  5  à  10  0/0 
de  sulfate  de  nitrosyle  (cristaux  des  chambres  de  plomb)  ; 
on  pourrait  également  employer  ces  cristaux  qui  coû- 
tent de  2  à  12  fr.  le  kilogramme,  et  dont  il  faudrait  une 
dose  beaucoup  moindre  (100  à  loO  grammes  pour  une  salle 
de  oOO  mètres  cubes).  L'on  place  la  cuve  au-dessous  d'un 
robinet  qui  laisse  l'eau  couler  dans  le  bocal  goutte  à  goutte 
ou  par  un  très  mince  filet,  de  manière  à  remplir  par  dé- 
bordement la  terrine  en  18  heures  environ;  l'afflux  brus- 
que d'une  grande  quantité  d'eau  pourrait  causer  des  acci- 
dents. A  mesure  que  l'eau  se  mêle  à  l'acide  sulfo-nitreux 
ou  au  sulfate  de  nitrosyle,  il  se  dégage  des  vapeurs  ruti- 
lantes d'acide  azoteux  et  d'acide  hypoazotique(2o0  litres  de 
gaz  environ  par  100  grammes  de  cristaux)  et  le  liquide  prend 
une  couleur  verte,  indice  de  la  présence  de  l'acide  nitreux. 
Ces  vapeurs  sont  beaucoup  moins  suffocantes  que  celles 
de  l'acide  hypoazotique,  et  leur  présence  en  petite  quantité 
dans  une  chambre  est  bien  loin  de  causer  la  gène  et  l'irri- 
tation que  produisent  les  vapeurs  rutilantes  de  l'hypoazo- 
tide.  L'année  dernière,  au  laboratoire  municipal  d'hygiène^ 
MM.  Girard  et  Pabst  ont  décomposé  par  l'eau  2o0  gram- 
mes de  sulfate  de  nitrosyle  ;  ils  ont  désinfecté  de  la  sorte,  en 
48  heures,  les  laboratoires  du  sous-sol  qui  avaient  été 
infectés  par  des  opérations  de  vidange;  des  lapins,  conser- 
vés dans  ces  salles  cubant  environ  1,000  mètres,  n'ont 
nullement  souffert  de  ce  dégagement  de  gaz.  A  l'amphi- 
théâtre du  Yal-de-Grâce,  des  cobayes  et  des  lapins  furent 
trouvés  bien  portants  le  matin,  dans  une  salle  de  250 
mètres  cubes,  bien  fermée,  où  la  veille  au  soir  nous  avions 


MORGUES,  AMPHITHEATRES,  ARATTOIRS.  Ti'l 

placé  sous  un  filet  d'eau  un  vase  contenant  100  grammes 
de  cristaux  d'acide  sulfo-nitreux. 

Toutefois,  il  est  indispensable  que  l'opération  se  fasse 
alors  que  la  salle  a  éié  complètement  évacuée;  il  n'y  faut 
entrer  que  le  lendemain  matin.  Les  vapeurs  se  sont  alors 
dissipées  par  les  fissures  des  portes  ou  en  se  dissolvant 
dans  la  vapeur  d'eau  condensée  sur  les  murailles.  La  mince 
couche  de  matières  organiques  qui  recouvre  celles-ci  a  été 
détruite  par  l'action  puissante  de  l'acide  azoteux,  toute 
odeur  a  disparu,  tous  les  germes  ont  péri.  Les  métaux 
sont  assez  fortement  altérés,  sans  doute  par  la  formation 
d'une  petite  quantité  d'acide  nitrique  ;  mais  on  prévient 
presque  complètement  cette  altération  en  frottant  légè- 
rement les  surfaces  métalliques  avec  du  pétrole. 

Avant  d'ouvrir  les  fenêtres  et  les  portes,  on  jette  sur  le 
sol,  sur  les  dalles  souillées,  le  contenu  de  la  terrine  qui 
tient  encore  en  dissolution  une  petite  quantité  d'acide  ni- 
treux,  et  l'on  ne  ventile  définitivement  qu'au  bout  d'une 
heure.  La  désinfection  est  radicale;  aucune  mauvaise  odeur 
ne  résiste  à  cette  opération,  qui  ne  doit  être  renouvelée 
qu'à  de  rares  intervalles,  tous  les  huit  jours  par  exemple. 

8.  Les  voitures  qui  servent  au  transport  des  cadavres 
sont  le  plus  souvent  une  cause  insupportable  d'infection, 
non  seulement  dans  les  lieux  de  remisage,  mais  dans  les 
rues  qu'elles  traversent  :  elles  laissent  derrière  elles 
en  été  des  odeurs  révélatrices,  des  miasmes  dangereux. 
On  y  entasse  des  cadavres  déjà  putréfiés  que  l'on  a 
conservés  trop  longtemps  dans  les  hôpitaux,  et  qu'on 
transporte  aux  amphithéâtres  de  dissection,  à  Paris,  alors 
que  leur  degré  avancé  de  décomposition  devrait  les  faire 
conduire  directement  au  cimetière.  M.  Landrieux  (1)  a  in- 
sisté sur  le  danger  que  causent  de  la  sorte  les  cadavres  des 
varioleux  dont  l'inhumation  retardée   compromet  la  salu- 

(1)  Landrieux,  Du  transport  des  corps  des  varioleux,  décédés  dans  les 
hjpitaux  [Progrès  médical,  11  juin  1S81,  p.  478). 

Vallin.  —  Désinfectants.  4j 


7i2  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

brité  de  l'hôpital  et  des  quartiers  populeux  qu'ils  traversent 
dans  des  voitures  mal  fermées.  Il  demande  l'inhumation 
immédiate  (au  bout  de  48  heures),  dans  le  cimetière  le  plus 
rapproché  du  lieu  du  décès. 

Sans  doute  il  vaut  mieux  prévenir  l'infection  que  de  la 
combattre  quand  elle  existe  ;  mais  certains  moyens  nous 
paraissent  capables  de  désinfecter  ces  voitures  et  de  faire 
disparaître  les  odeurs  qui  s'en  dégagent  pendant  qu'on  les 
décharge.  Chaque  corps  pourrait  être  enveloppé  dans  une 
serpillière  humectée  avec  une  solution  forte  de  chlorure  de 
zinc,  de  sulfate  de  fer  ou  mieux  de  zinc  (5  à  10  pour  100) 
additionnée  ou  non  d'acide  phénique  ;  les  parois  du  véhi- 
cule, garnies  de  lames  métalliques,  seraient  chaque  jour 
lavées  avec  le  même  liquide.  Il  serait  facile  d'y  installer 
à  demeure  l'un  de  ces  appareils  à  dégagement  d'acide  azo- 
teux dont  la  Préfecture  de  police  se  sert  aujourd'hui  pour 
désinfecter  les  voitures  destinées  au  transport  des  malades 
contagieux  dansles  hôpitaux  (voy.  p.  523).  La  pulvérisation 
d'une  solution  d'acide  sulfureux  ou  d'acide  sulfureux  an- 
hydre, recommandée  par  M.  Fatio  de  Genève  (voy.  p.  524), 
pourrait  encore  être  faite  quelques  instants  avant  le  déchar- 
gement. Nous  nous  sommes  assuré  que  la  pulvérisation, 
à  l'aide  d'un  gros  soufflet  ad  hoc.  de  la  solution  concen- 
trée (à  5  p.  100)  de  chlorure  de  zinc  (eau  de  Saint- 
Luc)  faisait  en  quelques  minutes  disparaître  l'odeur  de  ces 
voitures  pendant  l'été.  L'appareil  pulvérisateur  peut  être 
fixé  dans  l'intérieur  du  véhicule  et  actionné  à  l'extérieur 
sans  ouvrir  celui-ci. 

Abattoirs.  —  La  désinfection  des  abattoirs  s'obtient 
par  les  méthodes  et  les  procédés  généraux  que  nous  avons 
indiqués  pour  les  voiries  :  elle  résulte  aussi  de  l'applica- 
tion rigoureuse  des  prescriptions  imposées  par  les  règle- 
ments de  police,  et  qui  sont  trop  souvent  négligées.  Nous 
nous  bornerons  à  résumer  ici  les  obligations  contenues 


MORGUES,  AMPHITHÉATIIES,  ABATTOIRS.  723 

dans  l'ordonnance  royale  du  19  mai  1839,  dans  celles 
du  Préfet  de  police  du  12  avril  1841,  du  29  avril  182o, 
etc. 

Le  s:iug  des  aiiiaiaiix  abaltus  ne  doit  pas  être  répandu  dans  la  cour  de 
travail,  ni  couler  aux  cgoiUs;  il  doit  être  rerueilli  dans  des  baquets  ou 
emporlé  dans  desfutaillei  fermées.  —  Les  abals,  panses,  résidus  de  tri- 
perie seront  enlevés  tous  les  jours  ou  désinfectés  avec  de  la  poudre  dé- 
sinfeclanle  et  ne  doivent  jam.iis  séjourner  dans  les  cours.  —  Il  est  défen- 
du de  laisser  séjourner  dans  les  échaudoirs  des  suifs,  graisses,  iniîslins, 
cuirs  et  peaux  en  vert,  etc.  —  Les  fumiers  doivent  être  enlevés  au  moins 
toutes  les  semaines.  —  Les  bouchers  et  charcutiers,  quand  ils  en  sont 
requis  par  le  maire  ou  par  les  agents  de  l'autorité,  devront  faire  gratter 
les  mûri  iatériears  ou  extérieu"  des  échaudoirs,  ainsi  que  les  portes. 

Pour  prévenir  la  putréfaction  du  sang  provenant  des 
abattoirs,  on  recueille  souvent  le  sang  dans  des  vases  plats 
où  il  se  coagule  :  les  caillots  subissent  l'égouttage  sur 
des  toiles  métalliques,  puis  sont  soumis  à  la  presse  et 
transformés  en  tourteaux  secs  qui  se  putréfient  très  len- 
tement. On  hâte  très  souvent  la  coagulation  par  l'action 
d'acide  sulfurique  ;  Boussingault  et  Boudet  (1),  au  Conseil 
d'hygiène  de  Paris  en  1874,  ont  constaté  l'efficacité  de 
l'addition  à  100  kilogrammes  de  sang,  du  mélange  sui- 
vant : 

Sulfite  de  soude  cristallisé    ....  0\,  600 

Acide  phénique  brut loO 

Vinaigre  ordinaire 150 

Acide  sulfurique 025 

Eau 2k,  500 

3k,  425 

Le  sang  se  conserve  pendant  quinze  jours  au  moins.  Si 
au  bout  de  ce  temps  il  prend  une  légère  odeur  urineuse, 
on  y  ajoute  loO  centimètres  cubes  de  bisulfite  de  soude 
acidifié  par  l'acide  acétique. 

On  peut  encore  recourir  au  procédé  suivant,  qui  permet 

(1)  Rapport  sur  les  travaux  du  Conseil  d'hi/giène  de  la  Seine,  de  1872 
à  1877,  p.  473. 


724  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

un  dessèchement  plus  complet  et  plus  rapide.  A  100  kilo- 
grammes de  sang  coagulé  par  l'acide  sulfurique,  on  ajoute  : 

Eau  250  litres,  sulfate  de  fer  350  grammes,  hypochlorite  de  soude  à 
1-47°  5S0  grammes;  on  ajoute  au  mélange  500  grammes  de  chaux  éteinte; 
on  égoulte,  on  soumet  le  dépôt  à  l'essorage  et   on  le  sèche  à  l'air  libre. 

Le  sang  desséché  ne  retient  que  15  à  20  p.  100  d'eau; 
il  peut  être  transporté  au  loin  sans  cesser  d'être  imputres- 
cible. 

Sans  doute  les  arrosages  avec  la  solution  de  sulfate  ou 
de  pyrolignite  de  fer  (100  grammes  à  500  grammes  par 
10  litres)  la  projection  de  la  vapeur  des  chaudières  (1)  sur  les 
parois  des  murailles,  des  tables,  des  bassins  imprégnés  de 
liquides  en  fermentation,  sont  des  moyens  sérieux  de  dé- 
sinfection ;  mais  ici  encore  rien  ne  vaut  la  propreté,  la 
bonne  disposition  des  constructions,  du  sol,  des  égouts, 
l'abondance  de  l'eau,  la  fréquence  des  lavages  et  l'exécution 
des  mesures  préventives  d'hygiène  imposées  par  les 
rèsrlements. 


ART.    V.  —  INHUMATIONS,    EXHUMATIONS,    CIMETIÈRES. 

Lors  du  projet  du  cimetière  de  Méry-sur-Oise,  l'admi- 
nistration de  la  Seine  dut  se  préoccuper  des  inconvénients 
que  pourrait  avoir  le  transport  à  25  kilomètres  de  Paris, 
de  cercueils  exposés  à  des  chocs  violents  en  chemin  de 
fer,  pendant  les  chaleurs  de  l'été.  Le  Conseil  d'hygiène  de 
la  Seine  fut  consulté  sur  les  mesures  à  prendre  pour  pré- 
venir l'infection  provenant  des  cercueils,  et  sur  les  mix- 
tures désinfectantes  qu'on   pouvait  employer.   Le  rapport 


(I)  Voir  l'excellent  Rapport  de  M.  Dominé,  Sur  l'abattoir  de  Laoïi, 
lïupport  général  sur  les  travaux  des  Conseils  d'hygiène  du  département 
de  l'Aisne  pour  l'année  1879;  Paris,  1881,  p.  21. 


CIMETIÈRES.  723 

de  Devcrgie  (10  juillet  1868  et  3  janvier  1869)  contient 
des  renseignements  et  des  conseils  très  utiles. 

On  a  proposé  d'envelopper  les  corps  de  suaires  carboni- 
fères, dans  lesquels  le  charbon  est  associé  intimement  à 
de  la  carde  de  coton  ;  ce  suaire,  destiné  à  absorber  les  gaz 
et  les  liquides  putrides,  est  coûteux  et  ne  donne  pas  une  sé- 
curité complète,  mais  peut  rendre  de  grands  services  pour 
l'ensevelissement  des  corps  que  l'on  conserve  dans  le  lit 
pendant  1  ou  2  jours,  en  été. 

C'est  ici  le  lieu  de  rappeler  le  procédé  d'inhumation  pro- 
posé au  congrès  de  Bruxelles,  de  1876,  par  le  D""  Horne- 
mann  (1)  de  Copenhague,  lequel  ensevelissait  le  corps  au 
milieu  d'une  couche  épaisse  de  poudre  de  charbon  pilé, 
disposée  d'une  façon  ingénieuse.  Le  procédé  doit  être  très  effi- 
cace, au  moins  pendant  un  certain  nombre  de  jours;  c'est 
assurément  le  meilleur  moyen  de  désinfecter  un  corps  dont 
l'inhumation  est  retardée  (voy.  p.  38). 

En  1866,  au  Comité  consultatif  d'hygiène,  M.  Dumas 
avait  proposé  de  placer  dans  la  bière,  autour  du  corps  de 
tous  les  cholériques,  du  chlorure  de  chaux  et  de  la  sciure  de 
bois  imprégnée  d'acide  phénique  impur  du  commerce.  Le 
mélange  se  composait  ainsi  :  sciure  de  bois,  1  hectolitre  pe- 
sant 16  kilogrammes,  arrosée  et  mêlée  pendant  10  minutes 
avec  1  à  4  kilogrammes,  suivant  la  saison,  d'acide  impur 
fourni  par  la  Compagnie  du  gaz  au  prix  de  1  fr.  50  c.  le  ki- 
logramme. On  peut  remplacer  cette  mixture  par  25  kilo- 
grammes desciure,  et  20  pour  100  de  son  poids  de  goudron 
desséché  provenant  de  la  distillation  du  bois  et  extrait  de 
résidus  sans  emploi  et  de  peu  de  valeur  vénale. 

On  a  proposé  une  mixture  où  la  sciure  de  bois  était  mé- 
langée à  un  tiers  de  son  poids  de  sulfate  de  zinc  ;  la  désin- 
fection se  fait  bien,  mais  le  sulfate  de  zinc  du  commerce 
provient  d'ordinaire  du  grillage  de  la  blende,  qui  est  souvent 

(1)  Du  Mcsiii],  ^exposition  et  le  congrès  d'hygiène  de  Bruxelles  en    1876 
[Annales  d'hygiène  et  de  médecine  légale,  1877,  t.  47,  p.  51). 


726  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

arsenicale,  et  l'on  s'expose  à  contrevenir  à  l'Ordonnance  du. 
29  octobre  1846  qui  interdit  l'emploi  de  l'arsenic  pour 
l'embaumement  des  corps.  Le  mélange  de  poudre  de  char- 
bon, de  sciure  de  bois  et  de  plâtre  peut  aussi  rendre  des 
services  et  est  économique.  Dans  tous  les  cas,  le  corps 
doit  reposer  sur  une  couche  de  poudre  ayant  au  moins 
6  centimètres  d'épaisseur. 

L'on  a  préconisé  un  grand  nombre  de  modèles  de  cercueils 
désinfectants  ou  imperméables,  fabriqués  les  uns  avecdu  bois 
imprégné  d'acide  phénique,  les  autres  garnis  à  l'intérieur 
de  carton  goudronné,  d'un  enduit  pâteux  formé  de  résine 
colophane,  de  craie,  de  gutta-percha,  de  caoutchouc,  d'huile 
de  colza.  Ces  cercueils  peuvent  donner  une  sécurité  trom- 
peuse :  dans  les  cas  ordinaires,  la  couche  épaisse  de  sciure 
de  boisphéniquée  retient  suffisamment  lesgazetles  liquides 
qui  pourraient  s'échapper  ;  dans  le  cas  de  transport  au 
loin,  de  putréfaction  avancée,  le  doublement  intérieur  du 
cercueil  par  une  caisse  herm.étique  en  plomb  ou  en  fer- 
blanc  exactement  soudée,  donne  seul  une  garantie  cerlaine 
contre  le  danger  des  gaz  putrides  ;  dans  certains  cas 
même,  on  a  vu  la  bière  se  rompre  et  le  cercueil  métal- 
lique prendre  une  forme  cylindrique  sous  l'effort  des  gaz. 

Nous  avons  déjà  di:  qu'en  cas  de  décès  par  suite  d'une 
maladie  contagieuse,  il  était  nécessaire  d'ensevelir  le  corps 
dans  un  drap  imbibé  d'une  solution  de  chlorure  de  zinc 
à  10  pour  100  (soit  200  grammes  pour  2  litres);  17  kilo- 
grammes de  sciure  de  bois  et  4  kilogrammes  d'acide  phé- 
nique impur  doivent  être  en  même  temps  placés  dans  le 
cercueil,  au-dessous  et  autour  du  corps. 

Le  transport  des  corps  hors  du  ressort  de  la  Préfecture  de  la 
Seine  ne  peut  avoir  lieu  que  dans  un  cercueil  de  chêne  de 
27  millimètres  d'épaisseur,  et  si  la  distance  excède  200  kilo- 
mètres, dans  un  cercueil  de  plomb  en  feuilles  laminées 
de  2  miUimètres  au  moins  et  solidement  soudées.  Le  fond 
du  cercueil  contenant  le  corps  doit  être  rempli  par  une 


CIMETIÈRES.  7i7 

couche  deO  centimètres  d'un  mélange  pulvérulent  composé 
de  1  partie  de  poudre  de  tan  et  de  2  parties  de  charbon  pulvé- 
rise. Cette  mixture  peut  être  remplacée  par  de  la  sciure  de  bois 
et  du  sulfate  de  fer  ou  de  zinc. 

Les  cimetières  laissent  parfois  dégager  des  odeurs  infec- 
tes qui  provoquent  les  protestations  des  habitants  du  voisi- 
nage. Le  plus  souvent  l'enquête  montre  que  les  inhumations 
dans  la  fosse  commune  ont  été  mal  faites,  que  les  corps  n'é- 
taient pas  recouverts  d'une  couche  de  terre  d'au  moins  un 
mètre,  etc.  En  pareil  cas,  le  déplacement  des  corps  décompo- 
sés ne  ferait  qu'augmenter  le  mal  ;  il  faut  asperger  le  sol 
avec  des  solutions  fortes  de  chlorure  de  chaux,  de  sulfate 
de  zinc  ou  de  fer  (au  dixième),  et  élever  un  tumulus  au- 
dessus  de  la  tranchée,  de  manière  à  porter  à  1  mètre  au 
moins  la  couche  de  terre  poreuse  destinée  à  absorber  les 
miasmes. 

L'on  a  proposé  le  drainage  pour  assainir  et  désinfecter 
les  cimetières  humides  ;  c'est  en  effet  un  moyen  d'activer 
la  circulation  de  l'air  et  de  l'eau  dans  un  sol  chargé  de 
matières  organiques.  On  a  drainé  de  la  sorte  un  grand 
nombre  de  cimetières  en  Angleterre  et  dans  notre  pays  : 
au  cimetière  de  Versailles,  les  drains  ont  été  placés  à 
2"\20  de  profondeur  sur  un  fond  d'argile  imperméable,  et 
à  14  mètres  les  uns  des  autres.  En  1862,  on  draina  égale- 
ment le  cimetière  de  la  Chartreuse,  à  Bordeaux,  à  4  mètres 
de  profondeur. 

Quand  le  sol  est  humide,  le  bénéfice  est  grand,  mais  il 
faut  se  débarrasser  des  eaux  d'infiltration,  qui  ont  souvent 
au  sortir  des  drains,  dans  ces  conditions,  une  odeur  into- 
lérable. A  Bordeaux,  ces  eaux  traversent  une  chambre 
épuratrice  ou  filtrante;  c'est  une  galerie  en  maçonnerie 
étanche,  remplie  de  gravier,  à  laquelle  aboutissent  les 
collecteurs  percés  de  trous  ;  l'eau  se  filtre  de  bas  en  haut, 
et  après  s'être  ainsi  décantée  remonte  pour  s'écouler  défi- 
nitivement par  un   orifice  ménagé  à  la  partie  supérieure 


7i8  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

de  Fépuraleur  (1).  Il  n'est  pas  douteux  qu'une  tulle  épura- 
tion des  eaux  de  drainage  est  bien  incomplète  ;  il  faut  la 
compléter  par  le  traitement  chimique  et  le  déversement  à 
la  surface  des  prairies  gazonnées.  Les  inconvénients  et 
les  difficultés  sont  tels,  qu'il  semblera  presque  toujours 
préférable  de  renoncer  à  un  emplacement  si  mal  choisi. 

Le  gazonnement,  le  drainage,  le  creusement  de  puits 
absorbants  à  travers  les  couches  superficielles  de  glaise,  la 
suppression  temporaire  ou  définitive  des  inhumations,  sont 
autant  de  mesures  qui  concourent  activement  à  la  désinfec- 
tion des  cimetières  et  qu'il  suffit  d'énumérer. 

Exhumatmis.  — '■  Lorsqu'on  doit  ouvrir  un  caveau  afin 
d'en  retirer  un  corps  en  voie  de  décomposition,  l'opération 
dudescellement  de  la  pierre  qui  ferme  la  loge  peut  être  déjà 
une  opération  dangereuse,  surtout  quand  le  caveau  est  très 
profond.  Il  est  nécessaire  de  lever  plusieurs  heures  d'avance 
le  marbre  ou  la  dalle  extérieure  qui  couvre  la  tombe  ou  le 
monument  ;  on  peut  projeter  sur  toute  la  hauteur  des  pa- 
rois et  sur  la  dalle  inférieure  une  pluie  très  abondante  de 
lait  de  chaux  ou  de  chlorure  de  chaux  ;  il  est  désirable 
que  ce  liquide  épais,  en  suivant  les  parois  verticales,  des- 
cende jusqu'à  l'intérieur  de  la  cellule  d'où  le  corps  doit 
être  extrait.  Quand  la  pierre  est  descellée,  on  établit  une 
ventilation  plus  large  encore  avant  que  les  hommes  conti- 
nuent le  travail  d'extraction  du  cercueil  ou  des  débris. 
Guérard  a  conseillé  de  faire  jouer  avide  une  pompe  à  incendie 
pour  expulser  les  gaz  délétères  ;  on  y  peut  installer  une 
manche  à  air  dont  l'entonnoir  laisse  s'engouffrer  le  vent. 
Il  nous  semble  que  tous  les  cimetières  devraient  être 
munis  à  cet  effet  d'un  fourneau  à  main,  surmonté  d'un 
court  tuyau  de  tirage,  et  dont  la  partie  inférieure  s'ajus- 
terait exactement  à  l'extrémité  supérieure  d'un  tuyau  en 

(1)  De  Freycinet,  Traité  de  l' assainissement  des  villes,  p.  394. 


CIMETIÈRES.  729 

tôle,  forma  de  rallonges  emboîtées  les  unes  dans  les  autres 
comme  les  tuyaux  de  nos  poêles  :  ce  tube  serait  descendu 
au  fond  du  caveau,  et  en  très  peu  de  temps  le  tirage 
exercé  par  un  feu  de  braise  aurait  renouvelé  et  brûlé  les  gaz 
stagnant  dans  les  parties  profondes.  En  tout  cas,  les  tra- 
vailleurs ne  descendront  dans  le  caveau  qu'après  s'être 
assurés  qu'une  bougie  allumée  y  brûle  comme  à  l'air  libre  ; 
ils  seront  toujours  attachés  à  l'aide  de  bricoles. 

Si  le  caveau  contient  des  eaux  très  corrompues,  on 
pourra  les  désinfecter  par  la  projection  d'une  certaine 
quantité  de  chlorure  de  zinc  (500  grammes  de  sel  par  mètre 
cube  d'eau)  ;  l'épuisement  par  les  pompes  pourra  se  faire 
2  ou  3  heures  après  cette  projection. 

Si  l'exhumation  a  lieu  dans  une  fosse  creusée  à  la  sur- 
face du  sol,  il  est  nécessaire  d'arroser  les  couches  de  terre 
voisines  de  la  fosse  d'une  solution  concentrée  de  sulfate  de 
fer,  de  chlorure  de  zinc,  de  chlorure  de  chaux,  ou  d'acide 
phéniqae,  à  moins  que  les  exigences  d'une  analyse  médico- 
légale  ne  permettent  pas  de  mêler  des  substances  chi- 
miques à  la  terre  qui  entoure  le  cercueil. 

Dans  certains  cas,  on  assainit  le  sol  en  faisant  brûler 
de  la  paille  à  la  surface  de  la  tranchée  ;  on  détermine  de 
la  sorte  un  courant  d'air  qui  entraîne  les  gaz  retenus  dans 
les  couches  profondes. 

Au  moment  de  l'ouverture  du  cercueil,  l'odeur  cause 
parfois  des  accidents  ou  un  malaise  extrême.  En  pulvé- 
risant avec  un  fort  soufflet  muni  d'un  réservoir  ad  hoc 
une  solution  très  concentrée  de  chlorure  de  zinc  (à  50  ou 
10  pour  100),  on  la  fait  presque  instantanément  disparaître. 

La  poudre  de  charbon  rend  dans  ces  cas  les  plus  grands 
services  ;  on  en  répand  une  couche  de  plusieurs  centi- 
mètres dans  la  bière  ouverte,  et  les  gaz  sont  rapidement 
absorbés  ;  malheureusement  elle  est  très  salissante  et 
gène  beaucoup  dans  les  autopsies  judiciaires.  C'est  pro- 
bablement à  sa  qualité   de  poudre   sèche,   absorbante,  à 


-30  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

demi-carbonisée,  que  le  café  torréfié  en  poudre  doit  l'ac- 
tion désinfectante  très  efficace  qu'on  lui  a  attribuée  ré- 
cemment dans  ces  conditions  (1).  Letheby  dit  que  dans 
beaucoup  de  cimetières  de  Londres  on  verse  une  couche 
de  charbon  de  4  à  5  centimètres  sur  les  fosses  à  demi 
comblées,  afin  d'arrêter  au  passage  les  gaz  putrides  qui 
pourraient  se  dégager.  Lors  de  l'exhumation  des  vic- 
times de  la  guerre  allemande  près  de  Nancy,  Tourdes  {^) 
a  conseillé  de  placer  au  fond  des  caisses  ou  des  cer- 
cueils destinés  à  emporter  les  débris,  une  poudre  absor- 
bante préparée  avec  un  hectolitre  de  sciure  de  bois  et 
25  litres  de  braise  de  boulanger  broyée.  Il  recom- 
mande de  brûler  sur  place,  après  l'exhumation,  les  plan- 
ches, débris  de  cercueils,  de  vêtements  et  autres  objets 
qui  accompagnent  le  corps  et  sont  parfois  une  cause  per- 
sistante d'infection.  On  versera  de  la  poussière  de  coke 
dans  les  fosses  avant  de  les  refermer,  on  pratiquera  l'éco- 
buage  au  niveau  des  fosses  remuées,  et  l'on  fera  sur  ces 
terrains  des  semis  d'herbages  à  croissance'rapide,  luzerne, 
ray-grass,  etc. 

En  1861,  lors  du  déplacement  du  cimetière  de  Borger- 
hout,  motivé  par  les  travaux  des  nouvelles  fortifications 
d'Anvers,  le  Conseil  supérieur  d'hygiène  publique  de  Bel- 
gique a  rédigé,  le  17  juin  1861,  des  instructions  très 
sages  qui  ont  permis  de  terminer  cette  opération  sans 
accidents  sérieux.  Chaque  soir  les  habits  laissés  par  les 
travailleurs  étaient  désinfectés  par  le  chlore  dans  une 
baraque  en  planche,  construite  à  cet  effet.  A  mesure  qu'on 
déblayait  le  sol  et  qu'on  arrivait  au  voisinage  des  corps,  on 
répandait  une  solution  de   chlorure  de   chaux    à  2  ou  4 


(1)  Barbier,  Action  désinfectante  de  la  poudre  de  café  torréfié  [France 
médicale,  18  février  1882,  p.  250). 

(2)  Tourdes,  Exhumation  des  victimes  de  la  guerre  franco-allemande . 
Travaux  des  conseils  d'hygiène  de  Meurthe-et-Moselle  pendant  les  années 
1873-1877). 


CIMIÎTII^HKS.  -Hl 

p.  100,  OU,  quand  le  sol  était  d/Jà  Imniide,  du  chlorure  de 
chaux  sec  en  poudre.  Pour  transpoi-ter  les  bières  encore 
entières  dans  le  cimetière  voisin,  on  les  entourait  d'une 
serpillière  imbibée  de  désinfectant.  Les  terres  de  déblaie- 
ment étaient  portées  dans  un  point  éloigné,  au  voisinage 
des  fortifications,  et  exposées  au  grand  air  et  à  la  pluie 
qui  devaient  les  désinfecter. 

Gratiolet  et  Lemaire avaient  proposéau  Préfet  de  la  Seine, 
en  1869,  d'injecter  par  les  artères  tous  les  cadavres,  avant 
l'inhumation,  avec  un  mélange  contenant  une  partie  de  coaltar 
et  trois  parties  d'huile  lourde  de  houille  ;  l'intérieur  de  la 
bière  était  enduit  de  coaltar. 

Pendant  cinq  ans,  la  putréfaction  eût  été  retardée;  puis 
au  bout  de  ce  temps  on  eût  soumis  les  cadavres  à  la  créma- 
tion, rendue  plus  facile  par  ces  substances  antiputrides 
qui  sont  en  même  temps  très  combustibles.  Un  homme 
attaché  à  chaque  mairie  aurait  été  chargé  de  faire  toutes  ces 
injections,  les  matières  premières  pour  chaque  embaume- 
ment ne  coûtant  que  4o  centimes.  La  répugnance  qu'ins- 
pirera toujours  cette  injection  obligatoire,  la  nécessité 
d'une  exhumation  au  bout  de  Sans  précédant  la  crémation, 
ne  pouvaient  manquer  de  faire  rejeter  ce  moyen  singulier 
de  désinfection  préventive  des  cimetières.  La  crémation 
immédiate  serait  mieux  acceptée  que  cette  crémation 
qu'on  peut  justement  appeler  posthume. 

Nous  craindrions  de  dépasser  les  limites  de  notre  su- 
jet en  parlant  ici  de  la  crémation  des  corps  :  nous  nous 
contenterons  de  signaler  ce  moyen  de  prévenir  l'infection, 
et  nous  renvoyons  aux  travaux  spéciaux  sur  cette  question 
d'actualité  (1). 

(1)  De  Freycinet,  loco  cit.  p.  -iOO.  —  E.  Vallin,  Une  séance  de  crt'mc- 
tion  à  Milan  {Revue  d'hygiène  el'de  police  sa  titaire,  18S0,  p.  834,  avec 
figures). 


732  DESINFECTION  MUNICIPALE. 


ART.  VI.   -  DÉSINFECTION  DES  EGOUTS. 

Les  Anglais,  et  en  particulier  le  General  Boardof  Health 
de  Londres,  sous  l'inspiration  de  son  président,  M.  E.  Chad- 
wick,  se  sont  efforcés  depuis  plus  de  30  ans  de  faire  pré- 
valoir le  principe  de  la  circulation  continue,  comme  base 
de  la  désinfection  des  égouts.  Les  égouts  doivent  recevoir 
tout  ce  que  l'eau  peut  entraîner  ;  l'eau  doit  y  être  en  assez 
grande  abondance  pour  que  les  matières  n'y  séjournent 
jamais  et  soient  emportées  loin  des  villes  ;  les  eaux  vannes 
doivent,  avant  de  s'écouler  dans  les  rivières,  se  purifier  à 
travers  le  sol  en  lui  abandonnant  les  matières  fertiles 
qu'elles  charrient.  Pour  que  ces  conditions  soient  remplies, 
il  faut  que  les  égouts  soient  imperméables,  qu'ils  aient 
une  pente  suffisante,  que  l'eau  soit  très  abondante. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'étudier  tous  ces  points  qui 
constituent  l'une  des  questions  les  plus  -  importantes  et 
les  plus  discutées  de  l'hygiène  ;  une  pareille  étude  exigerait 
un  volume  (1).  Nous  devons  nous  borner  à  énumérer  les 
mesures  à  prendre  pour  obtenir  la  désinfection  d'égouts 
qui  laissent  dégager  des  gaz  malodorants  ou  dangereux. 

1°  Lavage  à  grande  eau.  —  La  première  condition  de  la 
désinfection  est  F  introduction  d'une  grande  quantité  d'eau 
courante  dans  l'égout.  A  Paris,  on  a  reconnu  la  néces- 
sité d'un  service  d'eau  assurant  500  litres  par  jour  et  par 
habitant,  tant  pour  les  besoins  alimentaires,  que  pour  l'ar- 
rosement  des  eues,  le  lavage  des  ruisseaux,  des  égouts,  etc. 
Dans  certaines  villes,  à  Lyon  par  exemple,  M.  J.  Teissier  (2) 
a  examiné  des  égouts    ne  contenant   que    des    matières 

(1)  Trélat,  Rapport  sur  révacuation  des  vidanges,  et  discussion  à  la  So- 
ciélé  de  médecine  publique  [Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1882, 
p.  112  et  suivantes). 

(2)  J.  Tessier,  Des  égouts  et  des  fosses  d'aisances  de  la  ville  de  Lyon, 
(Lyon  médical,  19  scptcmhre  188J,  p.  181). 


ÉGOUTS.  733 

pâteuses,  presque  sèches,  en  pleine  putréfaction,  à  travers 
lesquelles  de  minces  filets  d'eau  avaient  creusé  des  rigoles. 
Dans  de  pareilles  conditions,  toute  désinfection  est  im- 
possible tant  qu'on  n'a  pas  au  moins  inondé  ces  amas 
stagnants,  et  qu'on  ne  les  a  pas  transformés  en  marais 
couverts. 

Au  lieu  de  laisser  couler  continuellement,  pendant 
24  heures,  un  mince  filet  d'eau  incapable  de  balayer 
vigoureusement  les  radiers,  il  est  bien  préférable  de  faire 
passer  en  une  minute  et  en  un  seul  coup,  la  même  quantité 
d'eau.  Il  suffît  d'établir,  à  certaines  places,  de  larges 
réservoirs  munis  d'un  siphon  disposé  de  telle  sorte,  que 
ce  dernier  ne  s'amorce  qu'au  moment  où  l'eau  atteint  le 
niveau  supérieur  du  réservoir  ;  toute  la  masse  d'eau 
accumulée  s'écoule  alors  en  quelques  minutes,  et  la  force 
du  courant  est  assez  grande  pour  chasser  les  matières 
lourdes  qui  se  sont  déposées  dans  l'égout. 


FiG.  21.  —  Lavage  intermittent  des  égouts  (Siphon  de  Rogers-Field). 


Depuis  que  M.  Rogers-Field  a  imaginé  les  disposi- 
tions très  simples  et  très  ingénieuses  que  nous  représen- 
tons ici,  beaucoup  de  grandes  villes  ont  adopté  ce  lavage 


734 


DESINFECTION  MUNICIPALE. 

intermittent,  à  l'aide  d'appareils  qui  ne  sont  qu'une  imi- 
tation plus  ou  moins  étroite  de  celui  de  l'ingénieur  anglais^ 


FiG.  22.   —   Ciivetle  d'égout  à  écoulement  intermittent,  ,di  Rogsrs-Field 


Ces  chasses  rapides  entraînent  les  matières  en  suspension 
et  les  dépôts  qui  ne  sont  pas  très  denses  ;  elles  déterminent 
des  courants  d'air  violents,  qui  déplacent  et  diluent  les  gaz 
méphitiques.  Elles  favorisent  l'oxydation  de  l'hydrogène 
sulfuré  ;  quant  aux  gaz  ammoniacaux,  leur  solubilité  dans 
l'eau  est  telle,  qu'ils  se  dissolvent  immédiatement  dans 
l'eau  courante  ;  c'est  d'ailleurs  en  raison  de  cette  solubilité 
extrême  du  gaz  ammoniac,  qu'on  ne  perçoit  pour  ainsi  dire 
jamais  d'odeur  ammoniacale  dans  les  égouts. 

2°  Curage  des  égouts.  —  Même  quand  l'eau  est  assez 
abondante,  si  les  matières  organiques  restent  stagnantes 
sur  les  radiers,  elles  s'y  décomposent,  et  les  gaz  putrides  se 
dégagent  à  travers  la  couche  d'eau  qui  les  recouvre.  La 
désinfection  implique  donc  le  curage  à  fond  vif  des  égouts; 
les  boues  de  macadam,  les  déjections  des    animaux,  les 


ÉGOUTS.  735 

immondices  projetées  dans  les  éçouts  avec  les  neiges, 
forment  souvent  d'énormes  amas,  de  véritables  bancs, 
qui  constituent  des  barrages.  Le  curage  à  l'aide  de  bateaux 
vannes  onde  sphères  de  bois  obstruant,  incomplètement  les 
tnyanv  qu'elles  parcourent,  n'esL  possible  que  dans  les 
cgouts  larges,  réguliers,  recevant  une  grande  quantité 
d'eau,  comme  ceux  de  Paris  et  des  grandes  villes. 

Parfois  il  est  nécessaire  de  faire  ce  curage  directement, 
à  l'aide  de  pelles,  de  seaux  et  de  tombereaux,  opération 
dangereuse  pour  les  ouvriers  et  pour  les  habitants  de  la 
surface.  Cette  opération  doit  avoir  lieu  dans  les  saisons 
froides  ;  pendant  sa  durée,  les  égouts  seront  largement 
ventilés,  à  l'aide  de  cheminées  d'appel  s'il  est  nécessaire  ; 
on  versera  au  préalable  dans  l'égoutdes  solutions  concen- 
trées de  sulfate  de  fer,  d'acide  phéniqiie,  de  chlorure  de 
chaux,  etc  ;  on  interrompra  le  travail  plusieurs  fois  par  jour, 
des  chasses  d'eau  entraîneront  les  matières  remuées  et 
activeront  les  courants  d'air. 

3°  Établissement  de  pentes  suffisantes.  —  Pour  que  la 
désinfection  soit  durable,  il  faut  faire  cesser  les  causes  de 
stagnation  des  eaux  vannes  et  la  précipitation  sur  place 
des  matières  solides,  qui  en  est  la  conséquence.  L'in- 
suffisance des  pentes  est  la  cause  la  plus  fréquente  de  la 
lenteur  d'écoulement  ou  de  la  stagnation  habituelle  des 
liquides  ;  la  difficulté  est  souvent  presque  insurmontable. 
Cependant,  la  rapidité  de  l'écoulement  dépend  moins  delà 
pente  du  radier,  que  de  la  différence  du  niveau  de  la 
couche  supérieure  des  liquides  :  en  disposant  des  barrages 
temporaires,  on  peut  déterminer  presque  partout  des 
pressions  puissantes,  des  chasses,  qui  réussissent  à 
balayer  le  fond  des  réseaux  oi^i  l'inclinaison  n'est  que  de 
quelques  décimètres  par  kilomètre.  M.  Durand-Claye  a 
proposé  dans  les  cas  extrêmes,  pour  les  rues  ou  groupes  de 
-maisons  où  le  sol  est  en  cuvette,  d'aller   chercher  plus 


736  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

haut  une  pente  suffisante,   à  l'aide   de  tuyaux  de  fonte 
passant  en  quelque  sorte  au-dessus  de  la  région  déprimée. 

4°  Imperméabilité  des  conduits.  — L'infection  tient  sou- 
vent à  l'infiltration  des  liquides  à  travers  les  fissures,  les 
ruptures  des  conduits  ;  dans  ces  cas  le  meilleur  moyen 
d'obtenir  la  désinfection  est  d'assurer  l'étanchéité  des 
égouts,  par  la  reconstruction  des  voûtes  et  par  l'emploi  de 
matériaux  imperméables. 

Quand  on  a  ainsi  lavé,  curé,  rendu  étanches  les  égouts, 
la  désinfection  peut  n'être  pas  complète  ;  elle  peut  surtout 
n'être  pas  durable.  Il  faut  la  circulation  continue  non  seu- 
lement des  matières  et  de  l'eau,  mais  encore  de  l'air.  Une 
cinquième  condition  est  donc  nécessaire:  la  ventilation  des 
égouts. 

5°  Ventilation  des  égouts.  —  L'accord  n'est  pas  encore 
unanime  sur  la  nécessité  de  cette  ventilation  ;  les  uns 
réclament  l'occlusion  hermétique  et  constante  des  bou- 
ches ouvrant  sur  la  rue  ;  d'autres  pensent  que  le 
meilleur  moyen  de  détruire  l'infection  des  égouts  est  de 
les  mettre  librement  en  communication  avec  l'atmosphère 
de  la  rue.  On  a  dit  que,  dans  ce  cas,  l'égout  se  ventilait  au 
détriment  de  la  voie  publique  ;  nous  croyons,  au  contraire, 
que  la  ventilation  ne  dissémine  pas  les  gaz  odorants,  elle 
les  décompose  et  les  détruit  chimiquement,  et  nous  ne 
craignons  pas  de  redire  :  «  l'égout  ne  verse  des  gaz  méphi- 
tiques dans  la  rue,  que  lorsque  l'air  de  la  rue  n'a  pu  péné- 
trer librement  dans  l'égout  (1).  » 

En  effet,  M.  Brouardelet  la  Commission  mixte  de  1881  (2) 

(1)  Vallin,  Des  proje.ts  d'assainissement  de  Paris  [Revue  d'hygiène  et 
de  police  sanitaire,  20  octobre  1881,  p.  822). 

(2)  Brouardel,  Rapport  de  la  commission  d'assainissement  de  Paris  sur 
l'infection  produite  dans  l'intérieur  même  de  1%  ville,  Paris,  1881,  p.  43. 
—  Etudes  chimiques  sur  les  eaux  et  les  houes  d'égout,  par  MM.  Wurtz  et 
Ch.  Girard,  p.  109  et  152. 


EGOUTS.  737 

ont  constaté  que  partout  où  les  égouts  étaient  bien  ventilés, 
ils  n'avaient  aucune  odeur  ;  même  au  bout  d'une  visite  de 
trois  heures,  le  papier  de  plomb  ne  présentait  pas  de  colo- 
ration; dès  qu'on  interceptait  toute  communication  avec 
l'air  extérieur,  surtout  quand  l'eau  restait  immobile,  l'odeur 
devenait  infecte,  des  bulles  se  dégageaient  et  formaient 
une  écume  épaisse  à  la  surface  du  liquide. 

MM.  Wurtz  et  Ch.  Girard  ont  donné  une  excellente  ex- 
plication de  ce  phénomène.  Tant  que  les  mouvements  de 
l'eau  renouvellent  les  surfaces  de  contact  avec  l'oxygène, 
tant  que  l'air  circule  librement  dans  les  égouts,  l'hydro- 
gène sulfuré  s'oxyde  rapidement,  l'hydrogène  se  combine 
avec  l'oxygène  pour  former  de  l'eau,  le  soufre  se  dépose 
ou  bien  il  s'oxyde,  et  il  se  forme  des  sulfates  d'ammonia- 
que inodores  et  non  volatils.  Cette  réaction  est  rendue 
plus  active  par  l'humidité;  l'atmosphère  de  l'égout  étant 
chargée  de  vapeur  d'eau,  cette  vapeur  se  condense  sur  les 
murailles,  sur  les  parois  des  conduits  d'eau,  des  tubes 
pneumatiques,  etc.,  qui  obstruent  en  partie  les  égouts; 
ces  larges  surfaces  métalliques  retiennent  à  l'état  de  dis- 
solution les  parties  de  ces  gaz  très  solubles  qui  n'ont  pas 
encore  été  transformés  et  empêchent  leur  expansion  au 
dehors.  Au  contraire,  dès  qu'on  empêche  l'accès  de  l'air 
dans  l'égout,  ou  quand  l'eau,  devenue  stagnante,  cesse  de 
multiplier  la  surface  du  contact  avec  l'oxygène,  non  seu- 
lement l'hydrogène  sulfuré  cesse  de  s'oxyder  et  de  se 
transformer  en  sulfate,  mais  encore  les  sulfates  précédem- 
ment formés  sont  réduits  par  les  matières  organiques  en 
voie  de  décomposition  ;  celles-ci,  en  leur  enlevant  de 
l'oxygène,  les  ramènent  à  Fétat  de  sulfures  ou  d'hydro- 
gène sulfuré. 

Nulle  part  on  ne  voit  mieux  ce  que  nous  avons  essayé 
de  démontrer  plus  haut,  à  savoir  :  que  la  ventilation  n'as- 
sainit pas  seulement  en  dispersant  les  miasmes,  mais  en 
les  détruisant  chimiquement,  en  les  brûlant;  la  ventilation 

Vallin.  —  Désinfectants.  47 


738  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

est  donc  réellement  l'un  des  désinfectants  les  plus  actifs. 
Ce  qui  est  vrai  pour  l'air  et  les  gaz  libres  l'est  également 
pour  l'eau  et  les  dépôts  vaseux.  MM.  Wûrtz  et  Ch.  Girard, 
dans  des  eaux  noires  recueillies  dans  l'égout  infect  et  non 
ventilé  du  boulevard  Henri  IV,  ont  trouvé,  immédiatement 
après  la  prise,  4  milligrammes  d'hydrogène  sulfuré  par 
litre  ;  le  lendemain,  après  avoir  été  exposées  à  l'air,  ces 
eaux  n'en  contenaient  plus  que  1  milligramme.  Malheu- 
reusement, il  n'est  pas  prouvé  que  cette  action  comburante 
de  l'air  soit  aussi  énergique  sur  les  miasmes  que  sur  le 
gaz  acide  suif  hydrique. 

Nous  croyons  donc  que  le  meilleur  moyen  de  désinfecter 
un  égout  malodorant  c'est  de  le  ventiler  largement.  A 
Paris,  les  égouts  sont  en  communication  directe  avec  l'at- 
mosphère de  la  rue,  par  les  bouches  des  trottoirs  et  par 
les  larges  galeries,  munies  d'escaliers,  qui  donnent  accès 
aux  ouvriers.  Il  est  rare  qu'on  sente  une  odeur  désagréable 
quand  on  stationne  à  l'entrée  de  ces  bouches;  le  méphi- 
tisme  se  produit  d'ailleurs  accidentellement  par  des  causes 
diverses  dans  des  égouts  très  ventilés  ;  la  production  des 
gaz  peut  être  plus  rapide  que  leur  destruction. 

Les  égouts  doivent  être  désinfectés  :  1°  au  point  de  vue 
de  la  salubrité  extérieure,  dans  l'intérêt  des  habitants  de 
la  surface;  2°  au  point  de  vue  de  la  salubrité  intérieure, 
dans  r intérêt  des  ouvriers  qui  pénètrent  dans  les  galeries. 
Cette  distinction,  formulée  par  M.  de  Freycinet  (1),  est  pra- 
tique et  mérite  d'être  conservée  :  il  ne  suffit  pas,  en  effet,  de 
placer  des  filtres  au  charbon,  fussent-ils  efficaces,  au-des- 
sous des  bouches  d'égout  ouvrant  sur  la  rue  ;  il  faut  encore 
que  les  égouts  soient  assez  parfaitement  désinfectés  pour 
que  les  ouvriers  qui  les  traversent  n'y  trouvent  pas  la 
mort. 

En  Angleterre,  on   s'est  efforcé  d'assurer  cette  désin- 

(1)  De  Freycinet,  Prv'oipes  de  V assainissement  des  villes,  1870,  p.  GO, 


ÉGOUTS.  731) 

fection  permanente  par  une  ventilation  libérale,  tantôt 
par  des  bouches  grillées  ouvertes  au  milieu  de  la  chaussée, 
loin  des  trottoirs,  tantôt  par  des  tuyaux  d'évent  partant 
de  l'égout  et  s'élevant  au-dessus  du  toit  des  maisons. 
Comme  ceux  des  fosses  d'aisances,  cos  tuyaux  rabattent 
parfois  les  gaz  méphitiques  dans  les  cheminées  voisines 
ou  dans  les  mansardes  dont  les  fenêtres  sont  restées  ou- 
vertes. Pour  èlre  vraiment  efficaces,  leur  extrémité  supé- 
rieure devrait  dépasser  de  plusieurs  mètres  le  toit  des 
plus  hautes  maisons  ;  même  dans  ce  cas  on  souillerait 
l'atmosphère  des  quartiers  plus  élevés. 

Plusieurs  villes  d'Angleterre  et  de  Belgique  ont  tenté 
la  ventilation  permanente  artificielle  des  égouts  à  l'aide  de 
cheminées  où  l'on  entretenait  un  puissant  foyer  de  com- 
bustion (Carlisle,  Liverpool,  Londres,  Bruxelles)  ;  ailleurs 
onaut  lise  le  foyer  de  grandes  usines  (Woohvich,Deptford), 
ce  qui  offrait  l'avantage  de  brûler  les  gaz  fétides  aspirés 
des  égouts.  Une  expérience  prolongée  a  montré  que  le 
bénéfice  obtenu  n'était  pas  en  proportion  avec  la  dépense, 
parce  que  l'aire  de  la  cheminée  est  extrêmement  inférieure 
à  celle  du  réseau  des  égouts.  M.  Bazalgette  (1),  ingénieur 
des  égouts  de  Londres,  a  montré  en  1869  l'inefficacité 
d'une  cheminée  semblable  établie  dans  la  tour  de  l'Hor- 
loge à  Londres,  pour  ventiler  les  égouts  du  quartier  de 
Westminster.  La  section  totale  des  embranchements  à 
aérer  était  de  6o  mètres  carrés,  tandis  que  la  galerie  sou- 
terraine alimentant  le  foyer  n'avait  que  0"\73,  et  était 
par  conséquent  90  fois  plus  petite.  Aussi,  avec  une  vitesse 
de  courant  d'air  de  2  mètres  70  par  seconde  à  l'orifice  su- 
périeur de  la  cheminée,  le  déplacement  de  l'air  dans  les 
embranchements  n'était  que  de  3  centimètres  par  seconde; 
fair  était  donc  presque  immobile,  et  cependant  un  si 
mince  résultat  aurait  nécessité  250  cheminées  semblables 

(1)  Baldwin  Lalham,  Sanilanj  engineering,  1873,  pages  218  et  225 


110  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

et  une  dépense  annuelle  de  20  millions  pour  la  ville  de 
Londres.  Enfin,  cette  ventilation  artificielle  par  des  foyers 
fait  courir  le  danger  d'explosions  formidables  par  le  déga- 
gement brusque  d'hydrogène  carboné,  et  des  accidents  de 
ce  genre  ont  été  observés  en  Angleterre.  C'est  donc  un 
moyen  sur  lequel  on  ne  peut  compter  que  dans  des  circon- 
stances exceptionnelles. 

Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à  d'autres  moyens  de 
ventilation  artificielle,  tels  que  la  mise  en  communication 
des  égouts  avec  les  cheminées  des  habitations  privées  ou 
avec  les  supports  des  becs  de  gaz  des  rues  et  des  places 
publiques  ;  les  ventilateurs  mécaniques  à  vis  d'Archimède 
employés  à  Liverpool  ;  la  projection  de  jets  de  vapeur  dans 
les  [cheminées  d'appel,  la  ventilation  des  égouts  par  les 
tuyaux  de  chute  des  eaux  pluviales  provenant  des  maisons 
particulières  ;  ce  dernier  moyen,  très  usité  en  Angleterre, 
n'est  pas  exempt  de  dangers,  et  l'on  a  constaté  des  explo- 
sions épidémiques,  à  Croydon,  etc.  Insister  serait  fah'C 
invasion  sur  le  domaine  de  l'ingénieur,  et  nous  renvoyons 
aux  livres  spéciaux,  en  particulier  à  celui  de  M.  Baldwin 
Latham,  où  toute  cette  question  est  traitée  d'une  façon 
remarquable. 

La  ventilation  artificielle  désinfecte  réellement  l'égout  et 
y  rend  le  travail  des  ouvriers  moins  insalubre.  Le  D""  Sten- 
house  a  cherché,  au  contraire,  à  désinfecter  l'air  qui  est  déjà 
sorti  de  l'égout,  et  ne  s'est  préoccupé  que  d'épargner  une 
incommodité  ou  un  danger  aux  habitants  de  la  rue.  Il  a  in_ 
t-roduit  l'usage  de  filtres  formés  de  cadres  en  toiles  métalli 
ques,  dont  l'intervalle  est  rempli  de  charbon  de  bois  con- 
cassé (environ  oOO  grammes)  (1)  ;  un  certain  nombre  de  ces 
tiroirs  superposés  forment  un  filtre  qu'on  dispose  sur  le 
passage  de  l'air  qui  doit  sortir  de  l'égout.  Des  expériences 

(1)  M.  Spencer  a  proposé  de  remplacer  le  charbon,  dans  ces  filtres  à 
air,  par  du  carbure  de  fer  (carbide  of  iron)  qui  a  les  mêmes  propriétés 
absorbantes. 


ÉGOUTS.  741 

nombreuses  ont  montré  que  ces  filtres  empêchaient  pen- 
dant plusieurs  mois  toute  odeur  d'être  appréciable  au-des- 
sus des  égouts  ainsi  disposés.  D'après  Stenhouse,  un 
demi-gramme  de  charbon  de  bois  absorbe  98  centimètres 
cubesde  gaz  ammoniacet  30 centimètres  cubes  d'hydrogène 
sulfuré.  Le  charbon  est  un  lieu  de  conflit  entre  l'oxygène 
de  l'air  et  les  matières  organiques  contenues  dans  les  mias- 
mes. Létheby  a  montré  par  l'analyse  de  filtres  ayant  ainsi 
servi  pendant  neuf  à  vingt  mois,  que  presque  toutes  les 
matières  organiques  retenues  par  le  charbon  avaient  passé 
à  l'état  de  nitrates  alcalins.  Malheureusement  le  charbon 
perd  son  action  désinfectante  quand  ses  pores  ont  été 
obstrués  par  la  poussière,  ou  quand  il  a  été  mouillé  soit  par 
la  condensation  de  la  vapeur  d'eâu,  soit  par  l'eau  qui  tombe 
dans  l'égout.  MM.  Baldwin  Latham  (l),  et  Bailey  Denton 


FiG.  23.  —  Venlilaleur  de  Brooke,  à  filtre  de  charbon. 

ont  inventé  et  figuré  dans  leurs  ouvrages  des  dispositions 
très  ingénieuses  dont  nous  croyons  devoir  ici  donner  ,quel- 


(IJ  Baldwin  Latliam,  Sanitary  engineering,  London,  1873,  pages   238, 
219  et  270. 


742  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

ques  spécimens. La  dépense  est  d'ailleurs  minime  :  à  Croy- 
don,  où  il  existe  562  filtres  au  charbon  pour  la  désinfec- 
tion des  bouches  d'égouts,  chaque  filtre,  contenant  de  3  à 
6  litres  de  charbon,  coûte  6  francs  d'entretien  annuel. 

Nous  donnons  ici  (fig.  23)  la  figure  d'une  bouche  d'égout 
munie  du  ventilateur  de  Brooke.  Ce  modèle  n'est  peut-être  pas 
le  meilleur  de  tous,  mais  il  fait  parfaitement  comprendre  le 
mécanisme  de  ces  filtres  au  charbon,  et  figure  en  même  temps 
le  type  de  ces  cuvettes  siphokles  à  lame  plongeante  empê- 
chant tout  reflux  des  gaz  de'  l'égout  vers  la  bouche  exté- 
rieure. L'air  ne  peut  s'échapper  au  dehors  qu'en  traversant 
le  filtre  de  charbon  mis  à  l'abri,  par  une  disposition  ingé- 
nieuse, de  l'eau  qui  pénètre  dans  l'égout. 

La  figure  24  représente  le  ventilateur  de  Latham,  le 
plus  généralement  adopté  à  Londres  et  ailleurs.  Il  ne 
s'agit  plus  ici  d'une  bouche  d'égout  destinée  à  laisser 
couler  l'eau  des  ruisseaux,  mais  simplement  d'un  orifice 
ventilateur  faisant  communiquer  la  voûte  de  l'égout  avec 
une  grille  placée  au  milieu  de  la  chaussée.  Ce  n'est  qu'ac- 
cidentellement, par  les  temps  de  pluie,  pendant  l'arrosage, 
qu'une  petite  quantité  d'eau  peut  s'introduire  par  là  dans 
l'égout.  La  courte  cheminée  qui  traverse  verticalement 
l'épaisseur  delà  chaussée  est  fermée  par  un  opercule  épais, 
en  fonte,  au  centre  duquel  sont  incrustés  des  paves  en  bois,, 
c,  pour  donner  prise  aux  pieds  des  chevaux  ;  à  la  péri- 
phérie sont  ménagées  deux  fentes  ou  rainures  circulaires 
g,  par  lesquelles  l'air  de  l'égout  peut  s'échapper  au  dehors 
après  avoir  traversé  le  filtre  au  charbon  p.  Mais  par  ces 
fentes  tombent  aussi  la  poussière,  la  boue,  l'eau  pluviale 
et  d'arrosement  ;  tout  cela  tombe  dans  une  boite  à  ordures 
circulaire,  d,  placée  au-dessous  des  fentes  de' la  grille,  A 
intervalles  fréquents,  on  soulève  la  plaque  de  fonte  hc,  et 
on  retire  la  boue  ou  la  poussière  contenue  en  d.  Mais 
l'eau  ne  peut  s'écouler  dans  l'égout  qu'après  avoir  atteint 
le  trop  plein  o,  ménagé  dans  une  sorte  d'auge  ou  cuvette 


ÉGOUTS.  U 


circulaire  disposée  en  spirale,  et  dontl'exlrémité  inférieure 
est  libre  dans  la  cheminée  de  l'égout.  Entre  les  spires  de 
cette   étroite    cuvette,   on  introduit  facilement  le  fdtre  jp 


FiG.  24.  —  Ycntilalcur  dos  cgouts  de  Londres  (Type  Latham). 

formé  d'une  plaque  verticale  sur  laquelle  sont  soudés 
plusieurs  plateaux  destinés  à  retenir  des  morceaux  de  char- 
bon de  bois,  de  la  grosseur  d'une  amande.  L'air  de  l'égout 
ne  peut  s'échapper  en  ^  sur  la  rue  qu'après  avoir  traversé 
les  divers  étages  de  ce  fdtre. 

Actuellement,  à  Londres  la  ventilation  des  égouts  se  fait 
de  deux  façons:  l^par  ces  grilles  ouvertes  au  milieu  même 
de  la  chaussée,  munies  du  ventilateur  de  Latham  ;  mais 
des  visiteurs  nous  ont  dit  que  parfois  le  filtre  au  charbon 
faisait  défaut  ou  n'était  pas  renouvelé  ;  l'on  pense  qu'avant 
d'arriver  au  miheu  de  la  chaussée,  au  pied  delà  maison  ou 
au  trottoir,  les  gaz  de  l'égout  sont  trop  dilués  pour  être 
nuisibles;  2°  par  des  tuyaux  ventilateurs,  plus  ou  moins 


744  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

élevés  au-dessus  du   sol,  surmontés  d'une  cage  ou  boîte 
contenant  également  un  filtre  au  charbon,  et  dont  l'ex- 


FiG.  23.  —  Ventilateur  des  éffouls  de  Londres. 


trémité  supérieure  est  protégée  contre  la  pluie  par  une 
plaque  horizontale  maintenue  à  quelques  centimètres  au- 
dessus  du  bord  du  tuyau  pour  laisser  passer  l'air  de  l'é- 
gout,  comme  on  le  voit  dans  la  figure  25. 

Nous  avons  déjà  dit  que  des  égouts  bien  ventilés  cessent 
d'être  infects.  Toutefois,  dans  certaines  circonstances,  quand 
il  y  a  accumulation  et  stagnation  de  détritus  en  décompo- 
sition, lors  des  opérations  de  curage  ou  de  vidange  à  l'égout 
de  grandes  accumulations  de  matières,  il  peut  èlre  utile 
d'empêcher  les  émanations  infectes  de  se  déverser  par  les 
bouches  ouvrant  sur  la  rue.  Trois  moyens  peuvent  alors 
être  employés  :    les  trappes  mobiles,  à  contre-poids,   qui 


CGOUTS.  745 

basculent  SOUS  la  charge  des  résidus  et  se  referment  après 
l'écoulement,  système  infidèle,  sujet  aux  dérangements  ; 
les  siphons,  où  une  masse  d'eau  accumulée  dans  une  partie 
déclive  du  tuyau  d'émission  forme  piston  et  empêche 
tout  reflux  vers  l'orifice  extérieur  ;  les  cuvettes  hydrauli- 
ques, coupe-air,  où  un  diaphragme  plongeant  de  quelques 
centimètres  au-dessous  de  la  surface  du  liquide  transforme 
une  cuvette  pleine  d'eau  en  un  véritable  appareil  siphoïde 
(fig.  23,  26  et  27).  Quand  l'écoulement  est  abondant,  sinon 
continu,  l'inflexion  siphoïde  de  tous  les  tuyaux  réunit  les 
avantages  de  la  simplicité  et  delà  sécurité,  pourvu  que  des 
différences  rapides  de  pression  par  les  gaz  n'amènent  pas 
le  reflux  de  la  couche  d'eau  protectrice. 


Fig.   26.  —  Cuvctlc  siphoïde  pour  cgouts. 

C'est  pour  obvier  à  ce  dernier  inconvénient  que,  en 
Angleterre,  on  établit  toujours  une  discontinuité  entre 
l'extrémité  inférieure  du  conduit  adducteur  et  la  cavité  de 
l'égout.  Ainsi,  le  tuyau  d'émission  des  eaux  ménagères, 
terminé  par  une  flexuosité  siphoïde  ou  par  un  déversoir 
Guinier,  s'ouvre  à  l'air  libre,  au  pied  de  la  maison,  au- 
dessus  d'un  caniveau  légèrement  obhque,  passant  sous  le 
trottoir,  et  se  terminant  lui-même  par  un  tuyau  en  siphon 
dans  la  cavité  de  l'égout.  Au  cas  où,  malgré  cette  première 
interception  siphoïde,  les  gaz  de  l'égout  reflueraient  dans 
le  caniveau,  ils  se  disperseraient  dans  l'atmosphère  de  la 
rue,  et  ne  pourraient  remonter  par  le  tuyau  de  chute 
dans  la  cuisine  ou  l'appartement.  Nous  figurons  ici  l'une 


746 


DESINFECTION  MUNICIPALE. 


des  dispositions  les  plus  simples  et  les  meilleures  (fig.  27)  (4). 


Fig.  27.  —  Dôverscment  des  eaux  ménagères  vers  l'cgout. 

Désinfection  chimique  des  égouts.  M.  J.-W.  Bazalgette 
a  fait  en  1871  des  essais  très  sérieux  de  désinfection  des 
égouts  de  Londres,  à  l'aide  de  l'acide  sulfureux.  Les  expé- 
riences furent  faites  dans  Northumberland  Street,  à  la 
jonction  de  Euston  Road  et  de  Tottenham  Court  Road. 
Dans  l'égout,  il  disposa  horizontalement  des  tuyaux  en 
terre  poreuse  de  deux  pouces  de  diamètre  intérieur,  et 
mesurant  un  développement  de  7  pieds  et  demi  ;  ces  tuyaux 
ajustés   à  angles  droits  sur  quatre  côtés,  formaient  une 

(1)  Baldwin  Latham,  Sanilary  engineering,  London,  2»  édition,  1880. 
—  Mans,  Vau  Mierlo,  etc.,  Assainissement  de  la  ville  de  Bruxelles 
{Annales  cVhygiène  et  de  médecine  légale,  1876,  T.  43%  p.  97  et  âi7).  — 
Aruould,  Nouveaux  éléments  d'hygiène,  Paris,  1881,  p.  599.  —  De  Frey- 
ciiiet,  Principes  de  l'assainissement  des  villes,  1870,  atlas,  planche  III, 
iig.  5  et  10. —  Ligcr,  Fosses  d'aisance,  latrines,  Paris,  1873,  p.  273  et  281. 


ÉGOLTS.  ■  m 

cavité  fermée.  La  paroi  d'iiii  des  tubes  était  traversée  par 
l'extrémité  inférieure  d'un  tube  de  plomb,  de  1  pouce  de 
diamètre,  long  de  5  pieds  et  demi,  placé  verticalement, 
et  à  l'extrémité  supérieure  duquel  était  ajusté  un  bocal  en 
grès  verni  d'une  capacité  de  quatre  à  cinq  litres.  En  versant 
dans  ce  bocal  de  l'acide  sulfureux  liquide,  la  pression 
laissait  constamment  suinter  l'acide  à  la  surface  externe 
des  tuyaux  ;  cette  surface  d'évaporation  et  d'émanation 
de  l'acide  sulfureux,  en  contact  avec  le  courant  d'air  fétide 
de  l'égout,  n'avait  pas  moins  de  224  pouces  carrés.  En 
24  heures,  on  consomma  900  à  1,300  grammes  d'acide 
d'une  densité  de  1,040  ;  les  mauvaises  odeurs  étaient  bien 
détruites.  MM.  Mac  Dougall  ont  disposé  un  autre  appareil, 
dans  lequel  un  vase  laissait  tomber  goutte  à  goutte  de  l'a- 
cide sulfurique  sur   du    sulfure  de  chaux. 

M.  B.  Lathani,  qui  relate  ces  essais,  dit  qu'il  y  a  à 
craindre  de  souiller  l'air  des  villes  par  un  excès  de  ce  gaz 
sulfureux  dont  la  combustion  de  la  houihe  charge  déjà 
l'atmosphère  de  Londres  ;  à  son  avis,  la  désinfection  des 
égouts  par  ce  gaz  est  bien  moins  sûre  et  bien  plus  coûteuse 
que  par  les  filtres  au  charbon,  pour  lesquels  il  a  naturel- 
lement une  paternelle  bienveillance. 

Dans  un  rapport  autographié  présenté  par  M.  Marié-Davy 
le  30  mars  1881  à  la  Préfecture  de  la  Seine,  au  nom  d'une 
commission,  Sur  les  égouts  et  les  mauvaises  odeurs  de 
Paris,  nous  trouvons  le  tableau  suivant  où  MM.  A.  Lévy 
et  AUaire,  chimistes  de  l'Observatoire  de  Montsouris,  ont 
consigné  le  résultat  d'expériences  sur  la  valeur  désinfec- 
tante des  divers  agents  de  désinfection  présentés  à  la 
commission  et  dont  la  composition  n'est  pas  toujours  indi- 
quée. Dans  une  première  série,  on  opéra  sur  de  l'eau  d'égout 
vieille  ;  on  y  ajoutait  2  grammes  de  désinfectant  par  litre  ; 
dans  une  seconde  série,  on  opéra  sur  de  l'eau  d'égout 
beaucoup  moins  chargée  de  matière  organique,  et  à  laquelle 
on  ajoutait  une  plus  forte  proportion  de  désinfectant. 


74S  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

RÉSULTAT   PAU   MÈTRE    CUBE    d'eAU    d'ÉgOUT   FILTRÉE. 

Ammoniaque    Azote  organique 

grammes  grammes 

1°  Eau  d'égout  sans  désinfectant 31,60  21,50 

Chlorure  de  zinc 28,40  12,50 

Sulfate  de  fer  pliéniqué.    .    ,     23,86  4,60 

Désinfectant  ferrugineux  do  Madot  de  Nancy    26.32  4,80 

Lave  chlorhydrique 23,78  4,88 

Poudre  Rafel 14,16  2,48 

2°  Eau  d'égout  sans  dcsinfoclant 4,84  0,68 

100  grammes  par  litre,  de  dé- 
sinfectant de  Nancy 4,88  0,38 

100    grammes    par    litre,  de 

magma  lavique  acide  de  Huet.      4,82  0,32 

200    grauimes    par  litre,    du 

charbon    anglais 4,42  0,20 

Eaux  potables 0,24  0,04 

Les  microbes  contenus  dans  les  eaux  d'égout  n'étaient 
pas  détruits  par  les  désinfectants  essayés  par  la  commis- 
sion. Un  fil  de  platine  parfaitement  flambé  fut  plongé  dans 
un  litre  d'eau  d'égout,  qu'on  supposait  désinfectée  par  1  ou 
2  grammes  de  chaque  substance  en  expérimentation,  et 
on  transportait  ainsi  à  l'aide  de  ce  fil  un  SO*"  de  goutte 
du  liquide  suspect  dans  autant  de  vases  contenant  du 
bouillon  parfaitement  stérilisé.  Chaque  vase  a  été  scellé  et 
porté  à  l'étuve  à  30°  environ.  Le  résultat  a  été  le  suivant; 

Date  du  début  de  la  corruption 

Eau  d'égout  simple • 36  heures. 

Eau  avec  magma  lavique 38  heures. 

Poudre   Rafel,  1  gramme.    ...  3  jours. 

Désinfectant  de  Nancy 4  jours. 

Chlorure  de    zinc   (Egasse),  d"  .  4  jours. 

Sulfate  de    fer  pliéniqué  ....  5  jours. 

Poudre  Rafel,  2  grammes 6  jours. 

A  dose  égale,  c'est  donc  le  sulfate  de  fer  phéniqué  qui 
a  le  plus  retardé  l'apparition  de  la  corruption  dans  les 
liquides  ensemencés  avec  l'eau  désinfectée,  La  poudre 
Rafel  n'agit  qu'à  la  dose  de  2  grammes  par  litre,  ce  qui, 


EGOUTS.  149 

au  prix  où  l'on  peut  actuellement  délivrer  cette  poudre  à 
l'administration,  entraînerait  une  dépense  annuelle  de  11 
millions  de  francs  pour  désinfecter  les  80  millions  de  mètres 
cubes  d'eau  d'égout  déversée  dans  la  Seine.  Encore  n'aurait- 
on  aucune  garantie  contre  le  développement  et  la  pullula- 
tion  ultérieure  des  germes.  Les  désinfectants  ont  paru  à 
la  commission  n'avoir  qu'une  utilité  locale  dans  des  cas 
particuliers  ;  l'opération  par  le  sol  lui  a  semblé  le  moyen 
le  plus  efficace  et  le  moins  coûteux. 

31.  Lauth,  membre  du  conseil  municipal  de  la  Seine,  a 
proposé,  en  1879,  de  désinfecter  l'eau  des  égouts  de  Paris 
par  le  barbottage  prolongé  d'une  grande  quantité  d'air  à 
travers  le  liquide  ;  dans  ses  expériences,  les  eaux-vannes 
devenaient  ainsi  presque  imputrescibles  et  peu  nuisibles, 
bien  que  renfermant  encore  21  grammes  d'azote  par  mètre 
cube.  Mais,  en  application  pratique,  l'emploi  d'un  tel 
moyen  d'épuration  pour  les  260,000  mètres  cubes  d'eaux 
vannes  qui  traversent  chaque  jour  le  grand  collecteur  eût 
été  d'une  difficulté  extrême  ;  on  aurait  dû  construire  d'im- 
menses bâtiments  de  graduation,  comparables  à  ceux 
qu'on  employait  jadis  pour  extraire  le  sel  des  eaux  salines  ; 
ces  bâtiments  de  graduation  eussent  été  une  cause  puis- 
sante de  souillure  de  l'air.  Le  projet  proposé  a  donc  été 
rejeté. 

En  1838,  M.John  Cliisholm  proposa  d'employer  les  cou- 
rants électriques  ou  galvaniques  pour  détruire  les  pro- 
priétés nuisibles  de  l'air  des  égouts.  Il  prétendait  que  le 
dégagement  continu  d'électricité  dans  un  espace  contenant 
des  gaz  méphitiques  devait  produire  des  effets  analogues  à 
ceux  de  l'ozôae,  sinon  un  dégagement  abondant  de  cet 
agent  lui-même.  Le  raisonnement  peut  être  juste  en  théo- 
rie, mais  le  système  a  paru  complètement  inapplicable. 

Nous  renvoyons,  pour  tout  ce  qui  concerne  la  désinfec- 
tion des  égouts,  aux  chapitres  concernant  les  Eaux  indus- 
trielles et  les  Vidanges. 


150  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 


ART.  VIL  —  VIDANGES. 


Nous  avons  précédemment  passé  en  revue  (p.  617)  les 
procédés  de  désinfection  des  latrines.  Quel  que  soit  le 
système  adopté,  les  matières  excrémentitielles  s'accumu- 
lent dans  des  fosses  fixes  ou  mobiles,  ou  bien  s'écoulent 
incessamment  à  l'égout.  Nous  devons  étudier  d'abord  les 
mesures  de  désinfection  applicables  lors  des  opérations  de 
vidanges. 

Au  moment  où  on  enlève  la  pierre  qui  ferme  l'ouverture 
d'une  fosse  fixe  de  vidanges,  il  se  dégage  souvent  des  gaz 
qui  peuvent  asphyxier  les  hommes  ou  s'enflammer  avec 
détonation.  Ce  n'est  donc  pas  sans  quelque  réserve  qu'on 
doit  recommander  la  précaution  que  Lavoisier  conseillait 
aux  vidangeurs  de  son  temps,  à  savoir  de  ne  descendre 
dans  la  fosse  cju'après  y  avoir  jeté  une  boite  de  paille 
enflammée,  de  manière  à  détruire  les  gaz  -  méphitiques  et 
à  produire  un  renouvellement  de  l'air.  Fort  heureusement, 
les  vidangeurs  ne  descendent  plus  dans  les  fosses  que 
lorsque  les  opérations  sont  terminées,  el  le  moyen  recom- 
mandé par  Lavoisier,  désormais  moins  souvent  utile, 
n'exposerait  plus  aux  explosions. 

Pour  éviter  le  dégagement  d'odeurs  désagréables  ou  de 
gaz  dangereux  au  moment  de  l'ouverture  de  la  fosse,  il  est 
nécessaire  d'y  répandre  immédiatBment  des  désinfectants 
solides  ou  liquides  et  en  attendant  l'action  de  ceux-ci,  de 
recouvrir  l'ouverture  avec  une  toile  ou  un  tampon  im- 
prégné d'une  solution  concentrée  de  chlorure  de  chaux, 
de  sulfate  de  fer,  etc. 

Les  agents  chimiques  ou  physiques  qui  peuvent  être  em- 
ployés pour  désinfecter  les  matières  des  fosses  sont  très  nom- 
breux. Les  cendres,  la  terre  sèche,  les  résidus  ou  déchets  in- 
dustriels de  toutes  sortes,  bien  desséchés,  placés  pas  avance 
au  fond  de  la  fosse  ou  jetés  de  temps  en  temps  dans  celle-ci, 


VIDANGES.  nr,i 

empêchent  ou  retardent  leur  décomposition  putride  ;  au 
moment  de  la  vidange,  les  matières  volumineuses  qu'on 
relire  de  la  fosse  sont  à  peu  près  inodores  et  en  grande 
partie  transformées  en  humus  très  riche  et  très  fertile.  Le 
charbon,  les  matières  poreuses  et  absorbantes,  le  plâtre 
même,  produisent  également  une  désinfection  qui  peut 
être  utilisée  dans  beaucoup  de  circonstances  (p.  41).  En 
183o,  une  commission  de  l'Institut  décerna  le  prix  Mon- 
thyon  à  Payen  père  et  Salmon,  qui  désinfectaient  les 
matières  de  vidanges  en  y  mêlant  une  quantité  égale  de 
terre  carbonisée,  obtenue  en  calcinant  le  vieux  terreau, 
la  vase  provenant  du  curage  des  étangs  ou  rivières,  addi- 
tionnés de  débris  animaux,  de  sciure  de  bois,  de  résidus 
de  goudron.  Mais  la  préparation  était  coûteuse,  le  compost 
ainsi  obtenu  encombrant,  volumineux,  le  charroi  en  était 
difficile.  Ce  procédé  de  désinfection  est  d'une  efficacité 
réelle;  c'est  parfois  une  ressource  utile,  et  il  fonctionne 
dans  un  grand  nombre  de  villes  anglaises  (1)  ;  mais  déjà 
l'on  touche  ici  à  la  fabrication  des  engrais  (noir  animalisé). 
En  mélangeant  de  la  chaux  (43  kil.  parmètrecube)  aux  ma- 
tières contenues  dans  la  fosse  (Deplanque  et  Mosselmann)  (2)^. 
on  obtient  une  désinfection  partielle  :  l'hydrogène  sulfuré 
forme  du  sulfure  de  calcium  qui  reste  dissous  dans  le  liquide , 
mais  qui  est  peu  stable;  il  se  forme,  en  outre,  des  carbonates 
et  des  phosphates  de  chaux  insolubles,  qui  en  se  précipitant 
entraînent-  les  matières  organiques  en  suspension  dans  le  li- 
quide (chaux  animahséeou  supersaturée).  Mais  le  carbonate 
d'ammoniaque,  en  se  transformant  en  carbonate  de  chaux, 
abandonne  l'ammoniaque  dont  une  partie  se  dissout  dans 
les  liquides,  l'autre  se  dégage  au  dehors    et  infecte  l'air. 

(1)  NeUen  Radcliffe  et  Buchanan,  Reports  Iho  the  Privy  Council  1870  et 
1814.  —  E.  Vallin.  Be  la  désinfection  par  les  poussières  sèches  [Revue 
d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1879,  p.  43  et  106). 

(:2)Liger,  Fosses  d'aisances,  latrines,  urinoirs  et  vidanges;  Paris,  1875, 
p.  loO,  leO  et  321.  —  Voyez  aussi  l'excellent  article  Fosses  d'aisa>'CEs, 
de  Layet  ^Dictionnaire  encycl.  des  se.  méd.). 


7S2  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

Dans  le  système  Deplanque,  la  fosse  transformée  en 
appareil  siphoïde  est  remplie  d'eau  de  chaux  destinée  à 
produire  la  désinfection  automatique  dans  la  fosse  elle- 
même  ;  ici  encore  les  résultats  obtenus  dans  les  latrines 
publiques  du  quai  delà  Mégisserie  à  Paris,  de  1858  à  1860, 
ont  été  assez  médiocres,  et  ont  fait  abandonner  l'emploi 
de  la    chaux  pour  la    désinfection  des  fosses. 

M.  Boussingault  a  jadis  proposé  de  recueillir  les  phos- 
phates et  l'ammoniaque  des  matières  de  vidanges  et  en 
particulier  de  l'urine,  en  y  versant  une  solution  de  sels  de 
magnésie;  au  bout  de  quelques  jours,  si  l'on  remue  le 
mélange,  les  liquides  prennent  une  teinte  laiteuse  due  à  la 
présence  du  phosphate  ammoniaco-magnésien,  qui  peut 
s'élever  à  7  p.  1000  du  poids  de  l'urine  traitée  (système 
Dugléré).  L'emploi  du  phosphate  double  de  magnésie  et 
de  fer  serait  encore  préférables.  Ce  procédé  est  aujour- 
d'hui à  peu  près  abandonné  ;  toutefois  le  principe  est 
excellent,  et  nous  verrons  plus  loin  l'importance  des  nou- 
velles découvertes  de  M.  Schloesing  (production  écono- 
mique de  la  magnésie),  pour  le  traitement  des  matières 
de  vidanges  et  la  fabrication  des  sels  ammoniacaux. 

Dans  les  grandes  villes,  les  prescriptions  de  police  exi- 
gent l'emploi  d'agents  désinfectants  plus  sûrs  que  ceux 
dont  rénumération  précède .  Depuis  l'ordonnance  du 
Préfet   de  police,   en   date  du  12  décembre  1849, 

Tout  entrepreneur  do  curage  de  fosses  d'aisances,  avant  de  procéder 
à  l'extraction  et  au  transport  des  matières,  sera  tenu  d'en  opérer  la  désin- 
fection. 

V ordonnance  concernant  la  désinfection  des  matières 
contenues  dans  les  fosses  d'aisances,  en  date  du  28 
décembre  1850,  rappelle  d'une  façon  plus  explicite  et  con- 
firme cette  obligation  : 

g  1.  Il  e3t  expressément  défendu  de  procédera  l'extraction  et  au  trans- 
port des  matières  conte. .ues  dans  lus  fosses  d'aisances,  iîxes  ou  mobiles, 
avant  d'en  avoir  opéré  complètement  la  désinfection. 


VIDANGES.  753 

g  5.  Les  entrepreneurs  de  vidanges  pourront  transporter  les  matières 
solides  dans  des  locaux  autorisés,  où  elles  seront  de  nouveau  désinfectées 
s'il  es^t  nécessaire,  de  manière  que  la  désinfection  soit  permanente. 

L'ordonnance  du  8  novembre  1851  ajoutait  à  l'article 
ci-dessus  l'obligation  suivante  : 

Il  devra  être  procédé  à  cette  désinfection  dans  la  nuit  qui  précédera 
l'extraction  ties  matières  et  aux  mêmes  heures  que  celles  qui  sont  tixces 
pour  la  vidange  des  fosses. 

g  2.  Aussitôt  après  la  promulgation  de  la  précédente  ordonnance,  tout 
entrepreneur  de  vidanges  devra  nous  faire  connaître  son  procédé  de  désin- 
fection, et  no  l'employer  qu'après  que  ce  procédé  aura  été  approuvé  par 
nous,  sur  l'avis  du  Conseil   de  salubrité.    . 

Ces  prescriptions  sont  renouvelées,  avec  une  rédaction  à 
peine  différente,  dans  Y  Ordonnance  du  29  novembre  1854, 
qui  règle  également  l'écoulement  des  eaux  vannes  désin- 
fectées, aux  égouts  voisins  (1). 

Depuis  le  Décret  des  10-24  octobre  1859  relatif  aux 
attributions  du  Préfet  de  la  Seine  et  du  Préfet  de  police, 
le  curage  des  égouts  et  des  fosses  d'aisances  est  compris 
dans  les  attributions  du  préfet  de  la  Seine. 

Les  prescriptions  qui  précèdent  sont  encoi^e  en  vigueur, 
sauf  quelques  modifications  temporaires  ou  de  détail  con- 
tenues dans  l'arrêté  du  4  octobi^e  1817,  sur  lesquelles  nous 
reviendi^ons  tout  à  l'heure. 

La  liste  des  désinfectants  autorisés  par  le  conseil  d'hygiène 
et  l'administration  préfectorale  delà  Seine  reste  toujours 
ouverte  et  illimitée:  les  désinfectants  adoptés  et  employés 
sont  presque  exclusivement  les  sulfates  et  les  chlorures  de 
fer  et  de  zinc,  de  cuivre,  et  quelques  sels  (nitrate)  de 
plomb  ;  ils  sont  économiques,  assez  rapidement  actifs  et 
ne  sont  pas  eux-mêmes  odorants. 

Lorsque  les  eaux  vannes  provenant  des  vidanges  étaient 

]l)L'on  trouvera  cotte  collection  d'ordonnances  reproduites  in  extenso -à 
l'article  Vidanges  du  Traité  pratique  dliijgiène  industrielle  et  adminis- 
trative de  Vernois,  18'30,  t.  JI,  p.  6-21,  et  dans  l'ouvrage  de  M.  Ligor: 
Fosses  d'aisances,  latrines,  etc.,  1875,  p.  447. 

Vallin.  —  Dési.nfectants.  48 


7o4  •    DESINFECTION  MUNICIPALE. 

écoulées  directement  à  l'égout,  l'administration  avait  pro- 
hibé- l'emploi  des  sels  de  fer  qui  donnaient  une  coloration 
noire  ou  ocreuse  aux  pavés  des  ruisseaux  ;•  on  employait 
alors  les  sels  de  zinc.  Mais  quand  les  matières  liquides 
sont  emportées  au  loin,  comme  les  matières  solides,  dans 
des  tonnes  de  vidanges,  l'emploi  du  sulfate  de  fer  est 
facultatif  et  est  aujourd'hui  presque  exclusif. 

Cependant  Maxime  Vernois  (1)  préconise  le  mélange  sui- 
vant qui  serait  suffisant  pour  quatre-vingts  hectolitres  de 
matières  : 

Sulfate  de  fer 23  kilogrammes. 

Terre  argileuse 50  — 

Sulfate  de  chaux 10  — 

Charbon  animal 2       ,     — 

On  introduit  le  sulfate  de  fer  en  dissolution  dans  son  poids  d'eau,  par 
quantités  de  cent  kilogrammes  en  laissant  un  jour  d'intervalle.  On  devra 
un  peu  calciner  la  terre  argileuse;  les  autres  corps  sont  mis  eu  pou- 
dre. 

Il  ne  semble  pas  que  ce  mélange  désinfectant  continue 
à  être  utilisé  dans  la  pratique. 

La  solution  de  sulfate  de  fer  habituellement  employée 
pèse  ^8  degrés  Baume,  soit  la  densité  de  1,240,  qui  cor- 
respond à  250  grammes  de  sel  pour  un  litre;  suivant 
d'autres,  la  densité  ne  serait  que  de  20°  B,  ou  1,160, 
correspondant  à  180  grammes  de  sel  par  litre.  Les 
règlements  ne  déterminent  pas  d'une  façon  précise  la  pro- 
portion de  substance  désinfectante  que  l'on  doit  ajouter 
aux  matières.  Dans  la  pratique  courante,  on  emploie  (2) 
1  partie  de  sel  pour  400  parties  du  contenu  de  la  fosse, 
soit  2  kilog.  500  de  sulfate  de  fer,  ou  10  litres  de  la  solu- 
tion à  28°,  par  mètre  cube  de  matières  ;  d'après  d'autres 

(1)  Max.  Vernois,  Traité  pratique  d'hygiène  industrielle  et  adminis- 
trative, 1860,  T.  2°,  p.  601. 

(2)  D''  Lasgoutte,  Sur  la  désinfection  des  vidanges  ;  Thèse  de  Paris, 
1880. 


VIDANGES.  7S5 

renseignements  de  source  officielle,  l'on  emploierait  15  à 
25  litres  de  la  solution  à  20°  et  coûtant  5  centimes  le  litre, 
par  mètre  cube  du  contenu  de  la  fosse.  Bien  souvent  même 
ces  proportions  ne  sont  pas  atteintes,  et  l'air  empesté  en- 
vahit toutes  les  parties  de  la  maison. 

Au  mois  de  décembre  1879,  un  procès  fut  intenté  à  l'une 
des  sociétés  de  vidange  de  Paris  par  un  brodeur  de  la 
rue  Rambuteau,  parce  que,  à  la  suite  d'opérations  de  vi- 
danges faites  dans  sa  maison,  les  galons  et  broderies  con- 
tenus dans  ses  ateliers  avaient  pris  une  teinte  noire,  par 
l'action  de  l'hydrogène  sulfuré.  La  Compagnie,  par  arrêt 
de  la  cour  d'appel  de  Paris  en  date  du  24  mai  1882,  con- 
firmant le  jugement  rendu  par  le  tribunal  le  17  mai  1881, 
fut  condamnée  à  des  dommages-intérêts  pour  avoir  porté 
préjudice  à  autrui  et  contrevenu  aux  règlements  de  po- 
lice (1).  Il  semble  en  effet  prouvé  jusqu'à  l'évidence  que 
la  désinfection  n'avait  pas  été  suffisante,  quelle  qu'eût  été 
la    quantité  de  sulfate  de  fer  employée. 

On  comprend  d'ailleurs  que  les  ordonnances  et  les  arrê- 
tés n'aient  pas  fixé  rigoureusement  la  dose  ou  la  propor- 
tion du  désinfectant,  car  celle-ci  peut  varier  singulière- 
ment suivant  l'ancienneté  et  le  degré  de  fermentation  des 
matières  ;  les  règlements  se  bornent  à  exiger  que  la  désin- 
fection ait  lieu  :  il  va  de  soi  qu'elle  doit  être  complète. 

D'après  Maxime  Vernois,  «  la  quantité  de  sulfate  de  fer 
varie  de  1  à  2  kilogrammes  par  hectolitre  de  matières 
fécales,  ou  de  40  à  80  kilogrammes  par  voiture  d'une  con- 
tenance de  80  baquets  »  (2).  Ces  quantités,  désirables  sans 
doute,  ne  sont  jamais  atteintes. 

M.  Liger  (3)  dit  que  pour  désinfecter  une  fosse  mobile  ou 
tinette  de  1  hectolitre,  il  suffit  de  mettre  au  fond   de  la 

(1)  Gazette  des  tribunaux  du  30  juin  1882. 

(2)  M.   Veraois,    Traité    pratique   d'hijgiène  inius!riclle,    ISCO  ;    art. 
Vidanges,  t.  II,  p.  601, 

(3)  Liger,  loc.  cit..,  p.  350. 


75t)  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

tinette  200  ou  300  grammes  de  sulfate  de  fer  en  poudre, 
et  d'en  ajouter  encore  autant  quand  elle  est  aux  trois  quarts 
pleine,  ce  qui  ferait  500  grammes  pour  1  hectolitre,  soit 
1  pour  200. 

Nous  avons  fait  récemment  quelques  expériences  sur 
ce  sujet.  A  500  grammes  de  matière  solide,  en  pleine  fer- 
mentation, recueillie  au  moment  où  l'on  changeait  une 
tinette  mobile  à  diviseur,  nous  avons  mêlé  10  grammes  de 
sulfate  de  fer  dissous  dans  une  petite  quantité  d'eau  ;  au  bout 
de  plusieurs  heures,  et  le  lendemain,  l'odeur  d'hydrogène 
sulfuré  avait  disparu,  mais  non  une  odeur  fétide,  caracté- 
ristique, très  désagréable. De  même,  en  mêlant  20  grammes 
de  sulfate  de  fer  dissous  à  1  litre  de  matières  de  vi- 
danges (tout  venant)  provenant  d'une  tinette  mobile 
renouvelée  depuis  15  jours,  l'odeur  fécaloïde  et  ammonia- 
cale n'avaient  pas  complètement  disparu  le  lendemain. 
Dans  les  deux  cas,  le  papier  plombifère  suspendu  à  l'entrée 
des  flacons  fermés  ne  prenait  pas  de  teinte  noire. 

Nous  venons  de  dire  que,  d'après  M.  Lasgoutte,  on 
emploie  d'ordinaire  pour  désinfecter  les  fosses  fixes 
2k, 500  de  sulfate  de  fer  par  mètre  cube,  soit  1  pour  400. 

Récemment,  deux  de  nos  savants  collègues  de  la 
Société  de  médecine  publique  et  dlnjgiène 'professionnelle, 
MM.  les  D""  Boutmy  et  Descoust  (1),  donnaient  le  résultat 
d'expériences  qu'ils  firent  au  moment  de  la  vidange  d'une 
fosse,  alors  que,  sous  les  yeux  d'un  inspecteur,  on  venait 
de  verser  dans  cette  fosse  de  44  mètres  cubes,  100  kilo- 
grammes de  la  solution  de  sulfate  de  fer  à  28  degrés,  soit 
1%T80  par  1000  litres.  Quoique  la  dose  eût  été  d'après 
eux  beaucoup  plus  forte  qu'elle  n'est  dans  la  pratique  habi- 
tuelle en  l'absence  d'une  surveillance  rigoureuse,  l'eau 
vanne  soi  disant  désinfectée  contenait  encore  une  quan- 

(1)  Boutmy  et  Descouts,  De  l'action  asphyxiante  des  eaux  vannes  des  fosses 
d'aisances,  Société  de  médecine  publique,  séance  du  23  février  1881  (Revue 
d'hijfjiène  et  de  police  sanitaire,  1881,  p.  2^1). 


VIDANGES.  7o7 

tité  considérable  d'hydrogène  sulfuré  ;  avant  la  désinfection , 
l'eau  dégageait  140  centimètres  cubes  de  ce  gaz  par  litre  : 
après  cette  désinfection,  elle  en  pouvait  encore  dégager 
par  la  simple  agitation  47  centimètres  cubes. 

MM.  Boutmy  et  Descoust  ont  vu  que  des  cobayes  et  des 
chiens,  placés  sur  une  claire-voie  dans  une  cage  de  verre 
de  lo  litres  de  capacité,  au  fond  de  laquelle  on  avait  versé 
2  litres  d'eau  vanne  soi  disant  désinfectée,  mouraient 
asphyxiés  au  bout  de  3  minutes,  sans  même  qu'on  eût  eu 
le  temps  d'agiter  le  liquide  pour  faciliter  le  dégagement  du 
gaz. 

Sans  doute,  il  est  malaisé  de  déterminer,  d'après  les  ex- 
périences sur  les  différentes  espèces  animales,  la  propor- 
tions d'hydrogène  sulfuré  capable  de  rendre  une  atmos- 
phère toxique  pour  l'homme  ;  la  susceptibilité  pour  ce  gaz 
est  peut-être  aussi  variable  suivant  les  animaux  que  pour 
l'oxyde  de  carbone.  Toutefois,  on  sait  qu'an  cheval  meurt 
dans  une  atmosphère  contenant  1/1000  d'hydrogène  sul- 
furé; en  supposant  que  l'homme  ne  résiste  pas  plus  qu'un 
cheval,  M.  Boutmy  a  calculé  qu'un  mètre  cube  d'eau  vanne 
non  désinfectée  rendrait  mortels  28  mètres  cubes  100  litres 
d'air,  et  qu'un  mètre  cube  d'eau,  soi-disant  désinfectée 
d'après  les  règlements  de  police  actuels,  rendrait  mortelle  au 
bout  de  quelques  minutes  une  capacité  de  8  mètres  cubes 
140  litres,  dans  laquelle  on  agiterait  légèrement  l'eau 
étendue  en  couche  assez  épaisse  sur  le  sol. 

L'accident  survenu  en  1881,  dans  un  égout  de  la  rue 
Rochechouart,  où  plusieurs  vidangeurs  furent  brusque- 
ment asphyxiés,  sans  doute  parce  que  dans  un  branche- 
ment situé  en  amont  on  avait  vidé  des  tonnes  de  vi- 
dange, cet  accident  prouve  que  dans  la  pratique  habituelle 
les  matières  de  vidange  sont  très  incomplètement  désin- 
fectées et  que  les  ordonnances  de  police  sont  mal  exécu- 
tées. 

Des  expériences  déjà  anciennes  et  renouvelées  par  un 


758  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

grand  nombre  d'auteurs,  ont  montré  qu'il  fallait  enmoyenne 
employer  23  grammes  de  sulfate  de  fer  par  personne  et 
par  jour  pour  maintenir  inodore  une  fosse  fixe  de  vidange. 
En  partant  de  cette  donnée,  on  peut  calculer  que  chaque 
personne  contribue  au  remplissement  de  la  fosse  en  y  in- 
troduisant par  jour  : 

Matières  solides 200  grammes. 

Urine 1,200        — 

Eau  de  lavage 3,600        — 

^  3,000  grammes. 

On  pourrait  donc  admettre  que  pour  désinfecter  5  litres  de 
matières  de  vidange  fraîche,  il  faut  employer  25  grammes  de 
sulfate  de  fer,  ce  qui  équivaut  à  5  kilogrammes  par  mètre 
cube.  C'est  précisément  cette  dose  que  l'arrêté  du  14  juin 
1864  exige  pour  la  désinfection  préventive  des  fosses  mobi- 
les ;  il  devrait  en  être  de  même  pour  les  fosses  fixes  ;  nous 
avons   vu  que  dans  la  pratique  journalière,   à  Paris,  la 
proportion  employée  ne  dépasse  pas   2'*^,5'00   par  mètre 
cube.  Notre  odorat  nous  prouve  trop  souvent  que  cette 
dernière   dose ,    qui   est    rarement   atteinte ,    est  tout   à 
fait  insuffisante.  Le  kilogramme  de  sulfate  de  fer  brut  ne 
coûte  pourtant  pas  beaucoup  plus  de  15  centimes  (la  ville 
de  Paris  le  paie  9  centimes),  dépense  insignifiante,  les  en- 
trepreneurs faisant  payer  aux  propriétaires  la  vidange  soi- 
disant  désinfectée  au  prix  moyen  de  8  francs  par  mètre  cube, 
d'après  M.  Alphand  (1),  de  5  francs  d'après  M.  Liger  (2). 
L'administration  pourrait  donc  exiger  avec  plus   de   ri- 
gueur que  la  désinfection  des  matières,  avant  l'extraction 
des  fosses,  soit  sérieuse  et  complète.  Mais  les  fabricants  de 
sels  ammoniacaux  se  plaignent  que  la  présence  du  sulfate 
de  fer  dans  les  matières  rende  les  opérations  chimiques 
plus  difficiles  et  nuise  à  l'extraction  de  l'ammoniaque.  Cer- 

(1)  Note  du  directeur  des  travaux  de  Paris  sur  le  service  des  eaux  et 
égouts  de  Paris,  1879,  p.  64. 

(2)  Liger,  loc.  cit.,  p.  354. 


VIDANGES.  759 

tains  agronomes  et  chimistes,  Lassaigne,  Boussingault, 
Erismann,  prétendent  que  le  sulfate  de  fer  diminue  la 
qualité  de  l'engrais  et  la  fertilité  du  sol;  d'autres, MM.  P. 
Thénard,  Isidore  Pierre,  contestent  la  valeur  de  cette  der- 
nière assertion,  et  croient  que  le  fer  améliore  les  engrais 
tant  que  la  proportion  dans  ceux-ci  ne  dépasse  pas  15  pour 
iOOO;  la  question  reste  donc  indécise. 

L'administration  pourrait  faire  contrôler  par  ses  agents 
la  réalité  de  la  désinfection  ;  en  1850,  quand  parut  l'or- 
donnance concernant  la  désinfection  obligatoire  et  préala- 
ble des  vidanges,  il  avait  été  dit  qu'après  la  projection  de 
la  substance  désinfectante  et  avant  de  procéder  à  l'extrac- 
tion, un  contrôleur  devait  tremper  dans  le  liquide  de  la 
fosse  un  papier  imbibé  d'acétate  de  plomb  ;  c'est  seule- 
ment quand  ce  papier  restait  incolore,  qu'on  laissait  com- 
mencer le  travail  des  pompes.  La  mesure  était  rigou- 
reuse, elle  n'a  guère  été  appliquée  ;  on  pourrait  toutefois 
s'assurer  qu'un  papier  plombifère  suspendu  dans  le  voisi- 
nage de  la  fosse,  dans  la  cage  de  l'escalier,  dans  la  cour, 
ne  prend  pas  la  teinte  noire  des  sulfures  métalliques. 

Cette  désinfection  préalable  des  matières  est  à  vrai  dire 
l'opération  la  plus  importante  des  vidanges  ;  quand  elle 
est  bien  faite  ,  elle  met  en  partie  à  l'abri  des  odeurs 
que  la  manœuvre  des  instruments  et  des  récipients  pour- 
rait verser  dans  l'atmosphère  des  rues  ;  eUe  empêche  ou 
diminue  singulièrement  l'odeur  des  matières  portées  aux 
dépotoirs  ;  on  ne  saurait  donc  trop  la  surveiller,  et  il  est 
incontestable  qu'elle  est  très  souvent  mal  faite.  Bien  }>lus, 
sur  la  réclamation  de  certains  fabricants  alléguant  que  l'in- 
troduction du  sulfate  de  fer  rendait  plus  difficiles  les  opé- 
rations d'extraction  des  sels  ammoniacaux,  un  arrêté  du 
n  octobre  1811  avait  autorisé  la  suppression  de  la  désin- 
fection préalable  des  matières  de  la  fosse,  à  la  condition 
que  celles-ci  seraient  refoulées  dans  des  tonnes  herméti- 
ques, vides,  et  que  les  gaz  seraient  désinfectés  par  un  ap~ 


•760  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

pareil  laveur,  puis  brûlés  au  sortir  des  tonnes.  Pendant  deux 
ans,  ce  nouveau  système  a  fonctionné  ;  non  seulement 
pendant  le  brassage  et  l'extraction,  toutes  les  parties  des 
maisons  où  l'on  opérait  étaient  envahies  par  des  odeurs 
intolérables,  mais  l'atmosphère  des  rues  était  empoi- 
sonnée, les  appareils  laveurs  et  les  fourneaux  ne  réussis- 
sant pas  à  détruire  la  quantité  énorme  de  gaz  libres  dé- 
gagés par  ces  matières. 

L'arrêté  du  Préfet  de  la  Seine  du  11  octobre  1817  n'au- 
torisait d'ailleurs  qu'aux  conditions  suivantes  et  sur  sa  de- 
mande, la  Compagnie  Lesage  à  substituer  au  mode  actuel 
de  désinfection  des  matières  dans  la  fosse,  celui  de  la  dé- 
sinfection des  gaz  dans  les  tonnes  de  transport  : 

La  Compagnie  sera  tenue  :  1°  de  rendre  suffisante  et  complètement 
hermétique  la  fermeture  mobile,  servant  à  clore  l'ouverture  de  la  fosse 
pendant  le  travail  de  la  pompe  ;  2°  d'adapter  au  tuyau  de  refoulement 
un  tuyau  de  retour  des  matières  à  la  fosse  ;  3°  d'établir  en  métal  et  non 
en  bois  les  récipients  à  placer  sur  trottoirs,  à  moins  d'impossibilité  re- 
connue par  l'administration  ;  4°  enfin,  de  désinfecter  les  matières  restant 
dans  les  fosses  après  le  travail  de  la  pompe,  et  de  a'opcrer  le  travail 
dit  de  rachèvement  qu'après  désinfection. 

L'arrêté  qui  précède  était  exclusivement  applicable  au 
mode  de  vidange  par  aspiration  de  la  Compagnie  Lesage. 
Une  circulaire  du  Préfet  de  la  Seine,  du  5  juin  1878,  gé- 
néralisa la  désinfection  des  gaz  au  sortir  des  tonnes  : 

Considérant  que  la  désinfection  préventive  des  matières  dans  les  fosses 
n'empêche  pas  complètement  le  dégagement  de  gaz  insalubres  pendant 
le  remplissage  des  tonnes,  et  qu'il  existe  aujourd'hui  plusieurs  procédés 
procurant  l'absorption  absolue  de  ces  gaz  soit  en  les  brûlant,  soit  en  les 
mettant  en  contact  avec  des  désinfectants, 

Arrête  :  A  l'avenir,  et  indépendamment  de  la  désinfection  préalable 
des  matières,  les  entrepreneurs  seront  tenus  de  ne  laisser  dégager  aucun 
gaz  infect  pendant  remplissage  des  tonnes. 

Les  entrepreneurs  susdits  devront  faire  connaître  à  l'ingénieur  en  chef 
des  eaux  et  égouts  le  procédé  qu'ils  se  proposent  d'employer  pour  satisfaire 
à  la  prescription  qui  précède. 

Mais  l'administration  reprocha  bientôt  à  la  Compagnie 
Lesage  de  ne  pas  remplir  les  conditions  imposés  en  1877, 


VIDANGES.  -01 

en  particulier  de  ne  fermer  qu'avec  une  toile  tendue  sur 
un  cadre  en  bois  l'orifice  des  fosses  pendant  l'aspiration  ; 
des  plaintes  furent  adressées  par  des  propriétaires  (le 
sieur  V..,  rue  deBagneux)  parce  que  les  parties  intérieures 
de  leurs  maisons  étaient  infectées  lors  des  opérations  de 
vidange.  Un  arrêté  du  21  septembre  1880  rapporta  l'arrêté 
du  11  octobre  1817,  revint  à  l'application  pure  et  simple 
des  prescriptions  de  l'Ordonnance  du  29  novembre  1854 
et  ajouta  la  désinfection  des  gaz  à  celle  des  matières  de  la 
fosse  : 

Art.  2...  Tous  les  entrepreneurs  seront  tenus  de  procéder  à  la  désin- 
fection complète  des  matières  dans  les  fosses,  préalablement  à  toute 
opération  de  vidange,  et  ce,  sans  préjudice  des  dispositions  de  l'arrêté 
du  o  juin  1878,  qui  sont  maintenues  dans  toute  leur  étendue  à  l'égard 
de  ces  entrepreneurs. 

Voici  comment  on  procède  à  la  désinfection  des  matiè- 
res dans  les  fosses  fixes  soumises  à  la  vidange.  On  lève  la 
pierre  qui  couvre  l'ouverture  de  la  fosse  ;  il  se  dégage 
d'ordinaire  à  ce  moment  une  grande  quantité  de  gaz  in- 
fects ;  on  verse  immédiatement  dans  la  fosse  la  quantité 
déterminée  de  solution  de  sulfate  de  fer  à  20°  Baume,  sui- 
vant le  cube  de  la  fosse.  A  l'aide  de  longues  perches,  des 
ouvriers  brisent  le  chapeau  ou  croûte  dure  qui  recouvre 
les  matières,  et  procèdent  au  brassage,  afin  de  mélanger 
les  liquides  avec  les  matières  solides  plus  lourdes  qui  se 
sont  déposées  et  de  mêler  le  désinfectant  avec  toute  la 
masse.  C'est  à  ce  moment  que  se  fait  le  plus  fort  dégage- 
ment de  gaz  et  qu'ont  lieu  les  accidents  dit  du  plomb. 
M.  Lasgoutte  propose  de  pratiquer  ce  brassage  en  faisant 
passer  les  perches  à  travers  l'orifice  étroit  d'une  feuille  de 
caoutchouc  recouvrant  hermétiquement  l'orifice  de  la  fosse. 
On  pourrait  également  le  recouvrir  d'une  grosse  toile  fixée 
sur  un  cadre  trempé  dans  une  bouillie  épaisse  de  chlorure 
de  chaux  ou  une  solution  concentrée  de  chlorure  de  zinc. 
On  calcule  que  l'incorporation  du  sulfate  de  fer  ne  réduit 


762  DESINFECTION  MUNiCiPALE. 

que  de  moitié  la  quantité  de  gaz  que  peuvent  dégager  les 
matières. 

Lorsque  le  contenu  de  la  fosse  est  désinfecté  ou  réputé 
tel,  un  tuyau  qui  ne  doit  jamais  être  en  tissu  perméable, 
partant  de  l'extrémité  inférieure  de  la  tonne,  est  introduit 
dans  la  fosse,  et  les  matières  brassées  plus  ou  moins 
liquides  sont  envoyées  par  des  pompes  à  double  effet  dites 
à  soufflet,  ou  aspirées  par  le  vide  produit  dans  la  tonne. 
Ce  vide  dans  les  tonnes  en  fer  peut  être  fait  soit  par  une 
pompe  aspirante  à  vapeur  (vidange  atmosphérique  de  Do- 
mange),  soit  en  remplissant  la  tonne  de  vapeur  d'eau  qui 
se  condense,  soit  en  la  remplissant  d'eau  et  en  la  vidant 
par  un  tube  noyé  dans  un  puits  de  11  mètres  (vide  de  To- 
ricelli),  soit  par  une  pompe  aspiratrice  adaptée  sur  l'es- 
sieu de  derrière  de  la  voiture,  et  manœuvrant  par  le  jeu 
des  roues  pendant  la  marche  du  véhicule  (système  Datichy). 

Nous  avons  vu  que  l'arrêté  prescrit  non  seulement  la  dé- 
sinfection préalable  du  contenu  de  la  fosse,'  mais  encore 
de  désinfecter  ou  de  brûler  les  gaz  et  l'air  qui  se  dégagent 
de  la  tonne  à  mesure  qu'elle  s'emplit.  Voici  comment  se 
font  ces  deux  opérations. 

Désinfection  chimique  des  gaz  des  tonnes.  De  l'extrémi- 
té la  plus  élevée  de  la  tonne  part  un  tuyau  hermétique  en 
cuir  épais,  qui  conduit  les  gaz  dans  un  appareil  épurateur 
placé  sur  la  chaussée.  Cet  appareil  se  compose  de  deux 
boîtes  superposées  :  dans  l'inférieure  se  trouve  une  solu- 
tion tenue  secrète,  qui  est  du  sulfate  de  cuivre  et  où  les 
gaz  se  lavent  en  barbotant;  le  sulfhydrate  d'ammoniaque 
est  décomposé,  l'hydrogène  sulfuré  est  fixé,  il  se  forme 
du  sulfure  métallique  et  du  soufre  libre  qui  se  dépose.  Le 
compartiment  supérieur  où  les  gaz  passent  ensuite  con- 
tient du  chlorure  de  chaux  étalé  sur  des  claies  superposées 
en  spirale,  afin  de  multiplier  la  surface  du  contact  ;  là,  le 
chlore  se  combine   avec   l'ammoniaque,  il  se  forme  de 


VIDANGES.  703 

l'azote,  de  l'acide  chlorhydriqiie  et  du  chlorhydrate  d'am- 
moniaque. Le  coQtcnu  des  boîtes  sert  pour  cinq  ou  six 
opérations  successives  de  vidange,  ce  qui  est  trop,  les 
agents  chimiques  ayant  souvent  épuisé  leur  action.  Au 
contraire,  au  début  les  appareils  sont  d'ordinaire  mal  ré- 
glés, de  sorte  qu'ils  laissent  dégager  au  dehors  de  l'hy- 
drogène sulfuré,  de  l'ammoniaque,  ou  du  chlore. 

Lorsque  la  désinfection  préalable  des  matières  n'a  pas 
eu  lieu  dans  la  fosse,  l'abondance  des  gaz  méphitiques  dans 
la  tonne  est  telle,  que  les  caisses  à  épuration  restent  inef- 
ficaces, ïl  en  serait  autrement  si  elles  ne  servaient  qu'à  com- 
pléter la  destruction  des  gaz  qui  ont  échappé  à  la  désin- 
fection de  la  fosse. 

Leur  inefficacité  tient  encore  à  une  autre  cause  :  elles 
retardent  le  passage  des  gaz  qui  sortent  de  la  tonne 
et  rendent  le  travail  de  la  pompe  plus  difficile  en  raison  de 
l'augmentation  de  pression;  de  sorte  que  les  ouvriers,  qui 
ne  comprennent  guère  à  quoi  servent  ces  appareils  laveurs, 
ont  la  plus  grande  tendance  à  disjoindre  les  tubulures 
entre  ceux-ci  et  la  tonne  et  par  conséquent  à  les  rendre 
inutiles.  Ils  sont  aujourd'hui  à  peu  près  abandonnés. 

Brûlage  des  ga%  de  la  tonne.  C'est  Guérard  qui,  l'un 
des  premiers,  en  1847,  a  conseillé  de  brûler  dans  un  four- 
neau allumé  les  gaz  qu'une  pompe  à  air  retirait  des  tonnes. 
Ce  moyen  de  désinfection  est  excellent,  mais  ne  détruit  pas 
toutes  les  odeurs. 

Pendant  la  manœuvre  des  pompes,  les  gaz  sortent  de  la 
tonne  par  un  tuyau  qui,  du  sommet  de  celle-ci,  aboutit  au- 
dessous  d'un  fourneau  rempli  de  braise  incandescente  ;  une 
cheminée  de  tirage  active  la  combustion  ;  il  faut  réserver 
au-dessous  du  fourneau  un  passage  suffisant  à  de  l'air  pur. 
L'hydrogène  sulfuré  libre  quia  échappé  à  l'action  du  sul- 
fate de  fer  se  transforme  en  acide  sulfureux  ;  il  s'en  dégage 

(1)  D'-  Lasgoutte,  loco  citalo,  p.  28. 


-e4  DESINFECTION  MUNICIPALE. 

du  fourneau  une  grande  quantité,  mais  sans  aucun  in- 
convénient, puisque  ce  gaz  est  un  désinfectant  et  qu'il  se 
dilue  immédiatement  dans  l'atmosphère.  L'ammoniaque 
est  transformé  par  le  feu  en  sulfocyanate  d'ammoniaque 
et  en  hydrogène  (1).  Il  reste  un  certain  nombre  de  pro- 
duits odorants  qui,  en  se  brûlant,  dégagent  une  odeur 
empyreumatique  désagréable. 

Malgré  ces  inconvénients  légers,  le  brûlage  est  le  moyen 
de  désinfection  le  plus  énergique  ;  tous  les  germes  sans 
exception  sont  détruits;  ils  sont  littéralement  flambés, 
comme  dans  les  appareils  de  culture  de  M.  Pasteur.  Il  suf- 
fit de  s'assurer  que  les  ouvriers,  par  négligence  ou  par  une 
économie  coupable,  ne  laissent  pas  éteindre  le  fourneau, 
ce  qui  arrive  fort  souvent. 

Cet  accident  est  surtout  à  craindre  quand  la  désinfection 
préalable  de  la  fosse  n'a  pas  eu  lieu;  l'hydrogène  sulfuré 
se  dégage  alors  sous  le  fourneau  en  extrême  abondance, 
et  l'acide  sulfureux,  produit  de  sa  décomposition,  étant  un 
corps  qui  arrête  la  combustion,  le  feu  est  éteint  par  l'excès 
de  cet  acide  ;  on  voit  combien  il  est  nécessaire  de  ménager 
sous  le  fourneau  un  large  accès  à  l'air  pur  pour  assurer  le 
maintien  de  la  combustion. 

Pour  éviter  cet  inconvénient,  les  appareils  nouveaux  et 
très  perfectionnés  qu'une  compagnie  emploie  aujourd'hui 
font  le  vide  dans  la  tonne  à  l'aide  d'une  pompe  à  vapeur, 
et  les  gaz  aspirés  sont  lancés  automatiquement  sous  le 
foyer  de  la  chaudière  où  ils  sont  brûlés;  l'on  peut  cir- 
culer autour  des  tonnes  en  fonctionnement  sans  percevoir 
aucune  odeur  désagréable. 

Lorsque  le  travail  des  pompes  est  terminé,  quand  toutes 
les  parties  liquides  ou  claires  ont  été  poussées  ou  aspirées 
dans  la  tonne,  il  reste  souvent  au  fond  de  la  fosse  un  amas 
de  parties  lourdes  et  épaisses  qui  ont  échappé  au  brassage 

(1)  Lasgoiitte,  thèse  ciléc,   p.   49. 


VIDANGES.  -îGa 

OU  qui  se  sont  déposées  depuis  {rachèv ement) .  Ces  ma- 
tières, les  plus  anciennes  d'ordinaire,   les  plus  putrides, 
doivent  être  recouvertes  d'une  nouvelle  quantité  de  désin- 
fectant, car  leur  extraction  est  toujours  dangereuse.    Un 
ouvrier,  muni  de  bottes  à  hautes  tiges  et  retenu  par  un 
bridage  que  des  hommes  manœuvrent  du  dehors,  descend 
dans  la  fosse  et,  à  l'aide  de  seaux,  de  hottes,  de  trémies  ou 
d'entonnoirs,  enlève  ces    résidus   solides  qu'on   emporte 
dans  des  tinettes  bien  fermées.  Des  accidents  graves  d'as- 
phyxie et  d'intoxication  ont  souvent  lieu  à  ce  moment,  par 
la  négligence  des  hommes  qui  descendent  sans  bridages, 
et  surtout  quand  on  n'a  pas  le  soin  de  verser  auparavant 
dans  la  fosse  presque  vide  une  nouvelle  quantité  de  dé- 
sinfectant avant  d'y  descendre. 

C'est  pour  empêcher  cette  fermentation  des  matières 
solides  les  plus  anciennes  déposées  au  fond  de  la  fosse  et 
qui  échappent  souvent  à  l'action  du  sulfate  de  fer  projeté 
au  moment  de  la  vidange,  que  la  Commission  ministérielle 
de  l'assainissement,  en  1880,  a  proposé  «  de  mettre  la 
substance  désinfectante  dans  la  fosse,  non  pas  seulement 
au  momentdela  vidange,  mais  immédiatement  après  qu'elle 
est  terminée,  et  dans  le  but  d'agir  sur  la  vidange  sui- 
vante (1)  ».  La  même  commission  demande  aussi  que  la 
vérification  de  l'état  de  la  fosse,  que  la  recherche  des  fuites 
aient  lieu  immédiatement  après  l'opération  de  la  vidange,  et 
non  le  lendemain,  ce  qui  oblige  à  laisser  ouverte,  pendant 
214  heures  au  moins,  une  fosse  dont  les  parois  souillées 
laissent  dégager  des  gaz  et  des  miasmes  infects  dans  toute 
la  maison.  La  projection  immédiate,  dès  la  vidange  ter- 
minée, d'une  solution  de  sulfate  de  fer,  ou,  ce  qui  vau- 
drait peut-être  mieux  encore,  d'un  hectolitre  d'huile  lourde 
de  houille,  assurerait  cette  désinfection  actuelle  et  pré- 
ventive. 

(1)  Rapports  et  avis  de  la  commission  d'nssainissement  de  Paris,  ins- 
tituée le  28  septembre  1880;  Paris,  Imprimerie  nationale,  1881.  {Rapport 
de  M.  Broiiarclel,  p.  37.) 


7G6  DÉSiNFECTiON  MUNICIPALE. 

V An'été  d\i  préfet  de  la  Seine,  en  date  du  14  juin  1864, 
prescrivant  la  désinfection  préventive  des  tonneaux  de 
fosses  mobiles,  est  ainsi  conçu  : 

Article  1.  A  l'avenir,  les  entrepreneurs  de  vidanges  seront  tenus  d'o- 
pérer la  désiiifeclion  des  fosses  mobiles,  avant  de  les  meLtre  en  service. 
Ils  emploieront  à  cet  effet  le  sulfate  de  fer  ordinaire  en  cristaux,  dans 
la  proportion  de  5  kilogrammes  par  mètre  cube  de  capacité  du  récipient 
à  désinfecter. 

Art.  2.  Cette  opéralion  sera  faite  soit  au  dépotoir  d-  la  VilleLte,  soit 
à  la  voirie  de  Boiidy,  après  le  dépotage  et  le  lavage  des  appareils,  et 
avant  leur  sortie,  sous  la  surveillance  des  agents  de  la  Ville.  Les  tonnes 
et  leur  contenu  seront  en  outre  contrôlés  par  les  agents  de  vidanges,  au 
moment  de  l'installation  des  appareils  dans  la  maison. 

La  quantité  de  sulfate  de  fer  coïncide  exactement  avec 
celle  que  nous  indiquions  théoriquement  (p.  758),  en  nous 
basant  sur  la  dose  de  25  grammes  par  personne  et  par 
jour.  Il  est  probable  que  l'administration  a  fait  le  même 
calcul;  c'est  une  raison  de  plus  pour  justifier  le  chiffre  de 
5  kilogrammes  de  sulfate  de  fer  que  nous  réclamions  pour 
la  désinfection  d'un  mètre  cube  de  matières  dans  les  fosses 
fixes. 

Il  est  à  craindre  que  cette  désinfection  préventive  ne  se 
fasse  pas  régulièrement  et  aux  doses  indiquées;  sans  cela, 
on  ne  constaterait  pas  les  mauvaises  odeurs  qui  se  déga- 
gent lorsque,  trop  souvent  (1),  ces  tinettes  mobiles  débor- 
dent dans  les  caves  ou  les  cours. 

Il  en  est  de  même  des  tinettes  filtrantes  ;  dans  les  mai- 
sons nouvelles  de  Paris,  les  opérations  d'enlèvement  se 
font  d'ordinaire  dans  l'égout  lui-même,  ce  qui  duninue 
beaucoup  leurs  désagréments.  Les  tinettes  filtrantes  ont 
d'ailleurs  été  établies  sur  ce  principe,  que  les  matières 
sohdes  étaient  seules  dangereuses  et  que  les  urines  pou- 
vaient sans  inconvénient  couler  directement  à  Fégoutsans 


(1)  Brouardel,  rapport  cité,  p.  42.  —  Henry  Guéneau  do  Mussy,  Rap- 
port sur  l'évacualion  des  vidanges  hors  des  habitations,  Société  de  méde- 
cine publique.  [Revue  d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1880,  p.  1085.) 


VIDANGES.  767 

être  désinfectées.  En  ce  qui  concerne  l'odeur,  l'arine  fer- 
mentée  dégage  des  émanations  non  moins  désagréables 
que  celles  provenant  des  matières  solides.  Qnant  à  l'in- 
fection spécifiquo,  quand  aux  germes  morbides,  l'urine 
n'est  peut  être  pas  moins  susceptible  d'en  charrier  que 
les  matières  intestinales. 

En  ces  dernières  années,  M.  le  professeur  Bouchard  a 
attiré  l'attention  en  France  sur  les  néphrites  infectieuses 
survenant  au  cours  des  maladies  infectieuses  (diphtérie, 
scarlatine,  fièvre  typhoïde,  pyémie).  Dans  ces  cas,  la  né- 
phrite et  Talbuminarie  seraient  la  conséquence  de  l'accu- 
mulation, dans  les  vaisseaux  du  rein,  des  microbes  éliminés 
par  le  sang;  la  rétractilité  du  caillot  albamineux  obtenu 
par  l'addition  d'acide  picrique  à  l'urine  serait,  outre  la  pré- 
sence des  bactéries  bacillaires,  la  caractéristique  de  cette 
sorte  de  néphrites.  M.  Bouchard  a  pu  produire  des  mala- 
dies infectieuses  par  injection  sous-cutanée  d'urine  émise 
dans  ces  cas  de  néphrites.  «  On  devra  donc  désormais  compter 
avec  les  urines  comme  moyen  de  contamination,  et  l'on 
devra  songer  que  parmi  les  déjections,  les  fèces  ne  doi- 
vent pas  être  regardées  seules  comme  moyen  de  diffusion  des 
germes  morbides...  Nous  n'avons  pas  à  insister  sur  l'im- 
portance de  ces  faits  dans  leurs  rapports  avec  l'hygiène 
publique.  » 

Dans  les  cas  de  maladies  infectieuses  graves,  il  est  donc 
nécessaire  de  désinfecter,  de  neutraliser,  toutes  les  déjec- 
tions et  sécrétions  des  malades,  sans  attendre  d'ailleurs  que 
les  faits  qui  précèdent  soient  plus  complètement  démontrés. 

Et  si  quelque  adversaire  du  système  du  tout  à  Végout 
voulait  en  faire  un  argument  pour  démontrer  que  les  dé- 
jections ne  doivent  jamais  être  projetées  dans  les  égouts 

(1)  Ch.  Bouchard,  Des  néphrites  infectieuses.  [Revue  de  Médecine,  n"  âa 
10  août  1881.) 

(2)  Kannenberg,  Ueber  Nephrilis  bei  acuten  Infect ionskrankeUen. 
[Zeitschrift  fiir  klinische  Medi.iiiu     .  1,  H.  3,1880.) 


-68  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

servant  aux  eaux  de  pluies,  aux  eaux  ménagères  et  à  celles 
provenant  du  lavage  des  rues,  nous  répondrions:  Comment 
ferez-vous  pour  empêcher  l'urine  d'être  mêlée  à  ces  eaux 
ménagères,  à  l'eau  qui  s'écoule  de  nos  chaussées  bordées 
de  vespasiennes  et  d'urinoirs,  et  dans  cette  voie,  où  s'arrê- 
tera-t-on  ?  Nous  allons  retrouver  cette  question  en  parlant 
des  moyens  de  désinfection  définitive  des  matières  de 
vidanges  (épuration  par  le  sol,  irrigation). 

Lorsque  les  tonnes  de  vidange  ont  été  remplies  par  l'un 
des  procédés  que  nous  venons  d'énumérer,  on  les  vide 
dans  les  bateaux,  cubant  2,o00  mètres,  qui  transportent 
les  matières  hors  de  Pans,  au  voisinage  des  usines  où  l'on 
en  extrait  les  sels  ammoniacaux.  Quand  ces  matières  n'ont 
pas  été  désinfectées  dans  la  fosse,  comme  on  le  tolérait  de 
18"7  à  1880,  l'odeur  dégagée  par  ces  bateaux  est  horrible, 
et  toute  tentative  de  désinfection  est  impraticable.  On  exige 
que  ces  bateaux  soient  exactement  fermés  ;  mais  que  peut 
faire  dans  ce  cas  une  occlusion  toujours  imparfaite  ! 

Désinfection  dans  les  fabriques  de  sels  ammoniacaux. 
Il  en  est  de  même  des  vidanges  transportées  aux  voiries  et 
dans  les  usines  ;  il  est  très  difficile  de  désinfecter  dans 
les  dépotoirs  les  matières  qui  ne  l'ont  pas  été  dans  les 
fosses  particulières  au  moment  de  l'extraction.  Les  dépo- 
toirs à  l'air  libre,  où  les  matières  étalées  se  transforment 
en  poudrette  par  la  dessiccation  au  soleil  et  par  Tévapora- 
tion,  échappent  à  toute  désinfection  ;  ils  sont  encore  nom- 
breux autour  de  Paris  ;  on  ne  doit  plus  les  tolérer  (1). 
Les  matières  vidées  dans  des  bassins  de  décantation  en 
maçonnerie  et  couverts,  doivent  au  moins  être  additionnées 
de  sels  métalliques  ou  de  cendres  de  Picardie  ;  les  matières 
pâteuses  acidifiées  à  l'acide  sulfurique  devraient  toujours 

(1;  Rapport  de  M.  Aimé  Girard  Infection  provenant  des  établissements 
qui  reçoivent  ou  manipulent  les  matières  de  vidange),  Commission  de 
rassainissement  de  Paris,  Paris,  Imprimerie  nationale,  1881,  p.  l67. 


VIDAlXGES.  769 

être  portées  dans  des  séchoirs  clos  dont  les  gaz  et  l'air 
seraient  envoyés  et  brûlés  sous  les  grilles  des  chaudières. 
Dans  les  usines,  les  gaz  qui  se  dégagent  sous  la  toiture 
des  bassins  de  décantation  doivent  pouvoir  être  mis  en 
communication  avec  les  foyers  des  générateurs  ;  dans  le 
département  de  la  Seine,  certaines  autorisations  d'ouver- 
ture d'usines  n'ont  été  délivrées  qu'à  cette  condition. 

M.  Aimé-Girard  pense  qu'il  est  bien  préférable  de  diriger 
par  propulsion  ces  buées  et  ces  vapeurs  vers  un  appareil 
de  combustion  spécial,  ne  servant  qu'à  cela  (foyer  de 
coke  incandescent,  four  Siemens,  gazogène,  etc.)^  plutôt 
que  de  les  amener  sous  les  foyers  des  générateurs 
surmontés  de  cheminées  gigantesques ,  la  hauteur  de 
ces  cheminées,  l'intensité  du  tirage,  déplacent  trop  rapi- 
dement les  gaz  pour  qu'ils  aient  le  temps  de  se  détruire 
par  le  feu.  «  Les  produits  volatils  qui  se  dégagent  de  ces 
cheminées  sont  lancés  dans  l'atmosphère  à  l'état  de  vapeur 
globulaire,  analogue  à  la  vapeur  d'eau  qui  compose  des 
brouillards,  incapable  comme  ces  brouillards  mêmes  de  se 
diffuser  rapidement  dans  l'air  ambiant,  et  pouvant,  par 
conséquent,  être  transportés  à  de  grandes  distances.  » 

MM.  Pabst  et  Girard  pensent  que  dans  ces  usines  on 
pourrait  tirer  un  grand  profit  de  colonnes  à  cascades  d'acide 
sulfurique  nitreux,  à  travers  lesquelles  on  ferait  passer 
tous  les  produits  gazeux  des  vidanges  après  le  traitement 
par  l'acide  sulfurique,  au  moyen  d'une  cheminée  d'appel, 
comme  dans  l'installation  de  latrines  que  nous  avons 
décrite  (p.  646). 

«  Pour  désinfecter  les  produits  gazeux  des  vidanges, 
«  dit  M.  A.  Pabst  (1),  on  les  fera  passer  dans  une  colonne 
«  de  coke  arrosée  d'eau  froide,  afin  de  condenser  autant 
«  que  possible  la  vapeur  d'eau  en  excès  et  les  produits 
«  ammoniacaux  ;  puis  on  dirigera  les    gaz   restants  dans 

(1)  A.  Pabst,  Désinfection  des  vidanges  par  les  produits  nitreux  (Revue 
d'hygiène  et  de  police  sanitaire,  1881,  p.  IBTJ. 

Vallin.  —  Dé3infecta:^ts.  49 


770  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

«  une  colonne  à  cascades  d'acide  sulfurique  nitreux,  ana- 
«  logue  à  la  colonne  de  Gay-Lussac,  de  l'appareil  employé 
«  dans  la  fabrication  de  l'acide  sulfurique,  enfin,  sur  une 
«  petite  colonne  d'acide    sulfurique  et  de  sulfate  de  fer, 
«  afin  de  retenir  les   quelques  vapeurs  nitreuses  entrai- 
«  nées.  »  On  détruirait  de  la  sorte  non  seulement  l'indol,  le 
scatol,  les  mercaptans  ou  alcools  sulfurés,  les  cyanures  et 
isocyanures  de  la  série  grasse  et  aromatique,  dont  l'odeur 
est  bien  plus  insupportable  que  celle  de  l'hydrogène  sul- 
furé; on  détruirait  du  même  coup  les  miasmes  spécifiques 
et  les  germes  morbides  que  les  matières  pourraient  con- 
tenir. Dans  certaines  usines,  on  introduit  dans  les  cheminées 
d'appel  des  plateaux  garnis   de  charbon  pur  ou  imprégné 
d'une  solution  de  sulfate  de  fer  ou  d'acide  sulfurique,  pour 
décomposer  et  condenser  les  gaz    qui   se  dégagent  ;  il  ne 
faut  pas  trop  compter  sur  une  telle  ressource,   et   le  pro- 
cédé que  nous  venons  de  décrire  nous  paraît  bien  préfé- 
rable. 

M.  Aimé-Girard  et  Sainte-ClairefDeville  demandaient  que, 
dans  les  fabriques  de  sels  ammoniacaux,  toutes  les  opéra- 
tions sans  exception  aient  lieu  dans  des  récipients  métal- 
liques hermétiquement  clos  :  réservoirs,  appareils  à 
distillation,  à  évaporation,  etc.  Les  bassins  de  décantation 
en  maçonnerie,  en  particulier,  seraient  toujours  remplacés 
par  des  bacs  en  tôle  bien  fermés  ;  l'on  pourrait  même 
d'après  eux  supprimer  cette  décantation  préalable,  et  sou- 
mettre d'emblée  à  la  distillation  les  matières  tout  venant  ; 
on  éviterait  ainsi  cette  accumulation  et  cette  stagnation 
prolongée  des  vidanges,  qui  constituent  l'une  des  causes 
principales  d'infection  autour  des  usines.  La  distillation 
immédiate  des  matières  tout  venant  assure,  mieux  qu'aucun 
autre  moyen  de  désinfection,  la  destruction  de  tqtis  ces 
germes  morbides  suspects  que  les  vidanges  poutraient 
contenir  et  qui  ne  résistent  pas  à  une  température  de 
-f-  lOOo  G.  En  mélangeant  les  matières  avec  de   la  chaux 


VIDANGES.  -71 

à  la  fin  des  opérations  de  distillation,  on  les  rend,  en  outre, 
sensiblement  inodores. 

C'est  par  des  tuyaux  métalliques  hermétiques  que  les 
liquides  décantés  doivent  être  amenés  dans  les  colonnes  de 
distillation  ou  déversés  au  dehors.  Les  eaux  résiduaires 
particulièrement  infectes  qui  sortent  de  ces  colonnes 
doivent  toujours  être  traitées  par  la  chaux  et  refroidies 
dans  des  citernes  couvertes  avant  d'être  versées  aux  égouts: 
il  serait  même  désirable  qu'au  lieu  de  souiller  ainsi  les 
égouts,  elles  fussent  répandues,  loin  de  toute  habitation,  à 
la  surface  d'un  sol  perméable  ou  bien  drainé. 

Nous  ne  voulons  dire  qu'un  mot  d'un  mode  de  traite- 
ment des  vidanges  qui  permettrait  d'éviter  les  odeurs 
infectes  produites  par  la  distillation  des  matières.  Boussin- 
gault  a  signalé  depuis  longtemps  les  avantages  du  traite- 
ment des  matières  fécales,  et  particulièrement  de  l'urine, 
par  les  sels  de  magnésie  (p.  752).  Jusqu'à  présent  la  cherté 
de  cette  base  ne  permettait  pas  de  recourir  à  ce  moyen 
d'extraction  des  sels  ammoniacaux.  En  1881,  M.  Schlœsing 
a  découvert  une  méthode  nouvelle  pour  obtenir  à  peu  de 
frais  des  quantités  indéfinies  de  magnésie  :  il  précipite 
de  l'eau  de  mer  par  la  chaux  ;  un  mètre  cube  d'eau  de  mer 
donne  80  litres  d'hydrate  de  magnésie  gélatineux  ;  en  y 
ajoutant  une  dissolution  étendue  d'acide  phosphorique,  il 
se  forme  un  précipité  de  phosphate  tribasique.  Ce  dernier 
sel,  mêlé  aux  matières  de  vidanges,  précipite  immé- 
diatement l'ammoniaque  sous  forme  de  phosphate 
ammoniaco-magnésien  ;  toutes  ces  opérations  peuvent, 
dit-on,  se  faire  à  froid  et  sans  odeur.  Reste  à  savoir 
ce  que  deviendront  tous  les  alcools  sulfurés  fétides 
que  nous  énumérions  plus  haut,  et  si  l'on  obtiendra  de  la 
sorte  une  désinfection  véritable. 

Désinfection  et  épuration  par  le  sol.  —  Les  matières 
excrémentitielles,  au  lieu  d'être  jetées  dans  des  fosses  fixes 


772  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

OU  mobiles,  peuvent  être  déversées  directement  à  l'égout. 
Les  avantages  et  les  inconvénients  de  cette  méthode  sont 
actuellement  très  discutés,  et  ce  serait  nous  éloigner  de 
notre  sujet  que  d'entrer  dans  ce- débat;  nous  ne  pouvons 
rappeler  et  exposer  que  des  principes. 

Déjà  nous  avons  montré  l'action  désinfectante  et  épura- 
trice  de  la  terre  et  des  poussières  sèches  (p.  41  et  649), 
du  sol  bien  drainé  (p.  684).  La  disparition  dss  odeurs  par 
l'irrigation  sur  le  sol  est  évidente  ;  une  promenade  à 
Gennevilliers,  au  milieu  des  terrains  maraîchers  arrosés 
avec  l'eau  d'égouts  et  de  vidanges  de  Paris,  en  donne 
la  preuve.  Les  expériences  de  Falk  ne  sont  pas  moins 
concluantes  ;  Il  a  montré  qu'une  solution  concentrée  de 
thymol  reste  odorante  après  avoir  passé  sur  de  la  terre 
calcinée  et  dont  les  protorganismes  ont  été  détruits  ;  au 
contraire  le  thymol  perd  son  odeur  quand  le  sol  traversé 
n'a  pas  été  débarrassé  de  ses  organismes.  C'est  la  confir- 
mation des  expériences  antérieures  de  MM.  Muntz  et 
Schlœslng,  qui  volent  les  matières  organiques  dissoutes 
dans  l'eau  versée  à  la  surface  d'une  tranche  épaisse  de 
terre,  reparaître  au-dessous  du  fdtre  et  ne  plus  arriver 
comme  auparavant  à  l'état  de  nitrates,  dès  qu'on  Imprègne 
la  terre  du  filtre  de  vapeurs  de  chloroforme  qui  détruisent 
ou  engourdissent  les  bactéries,  agents  de  la  nltrlfica- 
tion. 

L'action  directe  de  l'oxygène  paraît,  d'ailleurs,  contribuer 
pour  une  part  aux  oxydations  et  à  la  destruction  de  la 
matière  organique  ;  d'après  Ealk,  une  solution  septlque  est 
toujours  détruite  et  n'a  plus  aucune  virulence  quand  elle 
a  fdtré  à  travers  de  la  terre  calcinée  ou  non  calcinée.  Nous 
avons  cette  fols  la  confirmation  des  faits  découverts  par 
Pasteur,  à  savoir  que  le  vibrion  septlque,  anaéroble, 
meurt  et  perd  toute  sa  virulence  au  contact  de  l'air.  Par 
contre,  les  expériences  de  Pasteur  ont  prouvé  que  les  spores 
charbonneuses  oe  sont  nullement  détruites  par  le  séjour 


VIDANGES.  773 

prolongé  dans  le  sol,  et  que  le  simple  pacage  de  moutons 
au-dessus  d'une  fosse  où  l'on  a  enfoui  deux  ans  auparavant 
des  animaux  morts  de  sang  de  rate,  peut  donner  aux 
premiers  cette  terrible  maladie.  Rien  ne  prouve  que  les 
matières  fécales  ne  contiennent  pas  des  germes  ou  des 
corpuscules-germes  aussi  résistants  que  les  spores  charbon- 
neuses ;  rien  non  plus  ne  prouve  que  ce  danger  est  réel,  et 
l'on  peut  disserter  indéfiniment  sur  la  possibilité  d'un  dan- 
ger imaginaire.  M.  Marié-Davy  a  montré,  d'autre  part,  que 
l'eau  d'égout  et  de  vidanges  versée  à  la  surface  d'un  sol  drainé 
en  sort  extrêmement  pure  et  ne  contient  plus,  au-dessous 
du  filtre,  aucune  trace  de  microbes,  tandis  que  l'eau  cou- 
rante d'une  rivière  non  souillée  en  contient  toujours  un 
petit  nombre. 

Pourvu  que  la  couche  perméable  soit  suffisamment 
épaisse  (2  mètres),  que  le  sol  soit  très  poreux,  bien  drainé, 
que  l'irrigation  soit  intermittente,  et  que  le  renouvellement 
de  l'air  dans  le  sol  ainsi  ventilé  soit  rapide,  la  destruction 
de  la  matière  organique  est  indéfinie,  et  les  matières  de 
vidanges  dissoutes  ou  en  suspension  peuvent  être  versées 
sur  le  sol  en  grande  quantité,  5  à  6  mètres  de  hauteur  par 
an  sur  une  surface  de  un  mètre,  sans  que  la  désinfection 
cesse  d'être  obtenue.  Les  analyses  de  Frankland,  de 
Schlœsing,  de  Durand-Claye,  prouvent  que  la  saturation  du 
sol  est  impossible,  pourvu  que  le  renouvellement  de  l'eau 
et  de  l'air  soit  continu  ou  alterne  :  l'air  brûle  les  matières 
organiques  qui  passent  à  l'état  de  nitrates,  et  ceux-ci  étant 
solubles,  l'eau  les  entraîne  en  lavant  le  sol  perméable.  La 
culture  augmente  l'action  destructive  du  sol,  et  utilise  une 
partie  de  la  matière  organique  à  l'état  d'engrais. 

Nous  sommes  parmi  ceux  qui  ont  le  plus  de  confiance 
dans  l'action  épuratrice  et  désinfectante  du  sol,  et  nous 
pensons  que  dans  un  avenir  prochain,  le  déversement 
direct  des  vidanges  à  l'égout,  l'irrigation,  avec  le  contenu 
de  ces  égouts,  de  terrains  bien  choisis,    rendront  inutiles 


77-4  DÉSINFECTION  MUNICIPALE. 

les  opérations  actuellement  infectes  et  insalubres  du  trai- 
tement des  vidanges.  Il  sera  toutefois  indispensable,  dans 
les  cas  de"  maladies  contagieuses  ou  transmissibles,  de 
désinfecter  les  selles  suspectes  au  moment  même  de  leur 
émission,  avant  de  les  livrer  à  Tégout. 

Pour  les  modes  d'application  de  cette  méthode  d'épu- 
ration des  vidanges,  nous  renvoyons  aux  ouvrages  et  aux 
mémoires  spéciaux  oii  cette  question  est  actuellement  dis- 
cutée (1),  et  particulièrement  au  Traité  cV assainissement 
des  villes  de  M.  de  Freycinet,  dont  les  chapitres  sur  la 
circulation  continue  ont  servi  de  base  à  la  plupart  des 
travaux  sur  ce  sujet. 

(1)  De  Freycinet,  Principes  de  l'assainissement  des  villes,  1870,  p.  202, 
avec  atlas.  —  Assainisseoient  de  la  Seine,  Epuration  et  utilisation  des 
eaux  d'e'goiit  ;  Rapports  et  documents,  1877.  —  Schlœsing,  Durand-Claye 
et  Proust,  Congrès  d'hygiène  de  Paris  en  1878,  Comptes-rendus,  T.  I,  p. 
303.  —  Note  du  Directeur  des  travaux  de  Paris,  M.  Alphand,  Sur  le 
service  des  eaux  et  égouts,  Paris,  Chaix,  1879,  p.  71.  —  Rapports  de  MM. 
Brouardel,  Schlœsing,  Bùrard,  à  la  Commission  de  V assainissement  de 
Paris,  Paris, Imprimerie  nationale,  1881.  —  Durand-Claye,  Observations  des 
Ingénieurs  sur  les  rapports  précédents,  Paris,  Chaix,  1881.  —  Vallin, 
Les  projets  d'assainissement  de  Paris  [Revue  d'hygiène  et  de  police  sani- 
taire, 1881,  p.  812). —  Van  Overbeck  de  Weijer,  Les  systèmes  d'évacuation 
des  eaux  et  immondices  d'une  ville  [Revue  d'hygiène,  1879,  p.  967  et 
1880,  p.  6,176,  et  163.  —  Du  même,  2"  brochure,  sous  le,  mémo  titre, 
Paris,  Baillicre,  1880,  1-98. —  Arnould,  Zes  controverses  récentes  au  sujet 
de  l'assainissement  des  villes.  {Annales  d'hygiène  et  de  médecine  légale, 
juillet  1882,  p.  5).  —  Trélat,  BcTlier,  Vidal,  Brouardel,  Marié-Davy,  etc. 
Discussion  à  la  Société  de  médecine  publique  en  18S2.  [Revue  d'hygiène 
et  de  police  sanitaire,  1882.) 


DÉSINFECTION  DU  SOL.  775 


CHAPITRE  VIII. 


DÉSINFECTION  DU  SOL. 

ART.  1.  —  ASSAINISSEMENT  DES  MARAIS. 

Qu'il  s'agisse  de  marais,  ou  de  parties  du  sol  acciden- 
tellement souillées  par  l'accumulation  de  matières  organi- 
ques, le  moyen  de  désinfection  le  plus  actif,  le  plus  rapide, 
le  plus  sûr,  est  le  drainage  associé  à  la  culture. 

Des  canaux,  des  fossés  bien  entretenus  et  utilisant  des 
pentes  heureuses,  dans  certains  cas  munis  d'écluses  et 
d'appareils  élévatoires  (moulins  à  vent,  machines  à  va- 
peur, etc.),  ont  assaini  des  contrées  jusque-là  très  mal- 
saines (mer  de  Harlem,  Zuid-Plass,  Lincolnshire,  etc.). 
Le  drainage,  obtenu  soit  en  plaçant  des  fascines,  des 
fagots,  des  cailloux  au  fond  des  tranchées  ayant  une 
inclinaison  convenable,  soit  en  y  disposant  méthodique- 
ment des  tuyaux  en  terre  cuite,  augmente  la  porosité  du 
sol,  l'assèche,  le  ventile,  y  active  à  la  fois  le  renouvelle- 
ment de  l'eau  et  des  gaz  et  la  destruction  de  la  matière. 
Quand  on  a  fait  disparaître  l'eau  de  la  surface  et  l'eau 
d'infiltration  profonde,  quand  on  a  égouté  et  aéré  le  sol 
d'une  façon  permanente,  il  faut  utiliser  la  force  productive  ; 
c'est  l'œuvre  de  la  culture.  Mais  le  défrichement,  l'expo- 
sition brusque  à  l'air  et  à  la  lumière  des  couches  jusque 
là  cachées  et  confinées,  est  une  des  difficultés,  un  des  dan- 
gers les  plus  réels  de  l'assainissement  des  marais.  On 
active  pour  un  temps  à  un  "degré  extrême  les  propriétés 
nuisibles  du  sol  exploité.  Il  faut  travailler  vite  et  défricher 
complètement;  en  pareil  cas,  le  marais  est  comme  la  pre- 
mière tranchée  qu'on  va  ouvrir  sous  le  feu  de  l'ennemi  ; 


776  DÉSINFECTION  DU  SOL. 

plus  rapidement  on  la  creuse  et  plus  tôt  on   est  à  l'abri 
d'une  mort  presque  certaine  (1). 

Les  grandes  plantations  d'arbres  n'exigent  pas  une  cul- 
ture journalière  ;  l'homme  n'est  pas  obligé  de  rester  penché 
sur  le  sol,  respirant  incessamment  les  émanations  que  cha- 
que coup  de  pioche  fait  sortir.  L'évaporation  rapide  par 
les  feuilles  soustrait  l'humidité  du  sol.  Certaines  espèces 
végétales  ont  à  ce  dernier  point  de  vue  une  puissance 
d'absorption  extraordinaire  ;  Chevreul,  dans  une  expé^ 
rience  faite  au  commencement  du  siècle  au  Muséum,  plaça 
une  tige  de  soleil  Qielianthus  anniius),  de  l'^jSO  de  hau- 
teur, dans  un  pot  vernissé,  bien  fermé,  rempli  de  terre 
saturée  d'eau;  au  bout  de  12  heures,  la  transpiration  avait 
enlevé  au  vase  15  kilogrammes  d'eau;  on  remplaçait  celle- 
ci  à  mesure  que  la  terre  cessait  d'être  saturée.  Le  D""  Van 
Alstein  a  obtenu,  en  ces  dernières  années,  des  résultats  ex- 
cellents et  un  assainissement  remarquable  des  localités 
marécageuses,  dans  les  colonies  hollandaises,  par  les  plan- 
tations d'hélianthus. 

V eucalyptus  vient  au  premier  rang  parmi  les  plantes 
qui  pompent  ainsi  l'humidité  du  sol;  en  Algérie,  à  la  Mai- 
son-Carrée, à  Mokta-el-Hadid  près  du  lac  Fezzara ,  en 
Corse,  etc.,  cet  arbre  a  rendu  les  plus  grands  services  au 
point  de  vue  de  l'assainissement,  comme  au  point  de  vue 
de  la  production  agricole. 

Un  grand  nombre  de  plantes  dites  épuisantes,  à  végé- 
tation rapide,  le  topinambour,  e  ray-grass,  le  gallega 
offîcinalis,  la  moutarde,  enlèvent  en  peu  de  temps  une 
partie  de  l'azote  des  matières  enfouies  dans  le  sol  ;  ce  qui 
dans  les  conditions  ordinaires  constitue  leur  inconvénient, 
c'est-à-dire  l'épuisement  rapide  de  l'assolement,  devient 
ici  une  ressource  utile. 

Falk,  dans  l'important  mémoire  que  nous  avons  déjà 

(1)  Valliu,  article  Marais,  Li'-thnnaïre  encyclopédique  des  sciences  mé- 
dicalec,  T.  iV,  p.  747. 


TERRAINS  MARÉCAGEUX.  777 

cité  (p.  772)  aétudié  expérimentalement  l'action  de  la  végéta- 
tion sur  le  sol  imprégné  de  matières  organiques.  Il  a  fait  des 
plantations  (ïivrmc  {Lolium  perenne),  de  cresson  alènois, 
et  il  a  constaté  que  l'iadol,  ce  composé  si  stable,  est  dé- 
truit par  [ces  végétaux  d'une  manière  bien  plus  complète 
que  par  le  simple  drainage  ;  au  bout  de  peu  de  temps  les 
couches  supérieures  du  sol  n'en  conservaient  plus  l'odeur 
caractéristique,  ce  qui  prouve  que  la  végétation  avait  ra- 
pidement décomposé  ce  corps.  Les  matières  putrides, 
dont  la  stabilité  chimique  est  beaucoup  moindre,  se  décom- 
posaient beaucoup  plus  vite  encore  par  l'action  des  vé- 
gétaux. 

L'exposition  prolongée  au  soleil,  à  l'air  libre,  à  la  pluie, 
contribue  pour  une  certaine  part  à  l'épuration  du  sol;  le  dé- 
laiementparla  pluie,  les  irrigations  ou  les  inondations,  des 
terrains  imprégnés  de  résidus  de  fabriques,  est  un  moyen 
de  désinfection  d'une  utilité  évidente,  mais  dont  l'action  est 
lente  quand  le  sol  n'est  pas  naturellement  perméable  ou 
drainé. 

Vécohuage  consiste  à  enlever  de  la  surface  d'un  terrain 
couvert  d'herbes,  des  couches  de  terre  de  dix  centimètres 
d'épaisseur,  à  laisser  ces  pièces  sécher  au  soleil,  à  les  dis- 
poser en  une  sorte  de  hutte  ou  de  four  qu'on  remplit  d'her- 
bes sèches  ou  de  paille  qu'on  enflamme;  on  brûle  ainsi  la 
terre,  comme  on  fait  cuire  les  briques  ou  comme  on  fabrique 
le  charbon.  Les  cendres  des  parties  végétales  brûlées  enri- 
chissent le  sol,  le  feu  détruit  en  même  temps  les  sources 
d'insalubrité,  les  miasmes  et  les  germes  que  la  terre  pou- 
vait contenir;  c'est  une  ressource  précieuse,  à  laquelle  il 
est  facile  de  recourir  quand  une  surface  peu  étendue  du 
sol  a  été  souillée  par  des  dépôts  de  fumiers,  d'immondices, 
des  débris  d'animaux  putréfiés.  La  destruction  des  fumiers 
par  le  feu  est  au  contraire  une  opération  lente,  insupportable 
par  les  fumées  infectes  qu'elle  jette  dans  l'atmosphère,  et 
ne  saurait  se  confondre  avec  l'écobuage. 


778  DÉSINFECTION  DU  SOL. 

L'allumage  de  grands  feux  à  la  surface  du  sol,  l'incendie 
de  prairies,  de  taillis,  l'inflammation  d'une  couche  de 
paille  ou  de  feuilles  sèches  intentionnellement  répandues, 
sont  des  moyens  qu'on  pourrait  appeler  classiques  d'ob- 
tenir le  même  résultat,  et  dont  la  mention  se  retrouve 
dans  l'histoire  de  la  plupart  des  épidémies  anciennes. 

Lorsque  l'on  doit  remuer,  dans  l'enceinte  des  villes,  de 
grandes  quantités  de  terres  qu'on  suppose  chargées  de 
matières  organiques  en  décomposition,  on  peut  craindre, 
par  la  mise  au  jour  des  produits  d'une  fermentation  in- 
complète, le  développement  ou  l'aggravation  de  maladies 
épidémiques  ;  fièvres  typhoïdes,  dysenteries,  érysipéles, 
peut-être  même  suivant  quelques-uns  diphtérie  et  angines 
couenneuses.  Des  mesures  de  désinfection  sont  nécessaires 
pour  prévenir  ce  danger.  En  1877,  au  cours  d'une  épidé- 
mie de  fièvre  typhoïde  qui  régnait  dans  la  garnison  de 
Clermont-Ferrand,  le  colonel  directeur  de  l'école  d'artil- 
lerie de  cette  ville  eut  à  déplacer  4,000  mètres  cubes  de 
terre,  occupant  la  place  de  l'Étoile,  et  formés  à  la  fois 
d'immondices  anciennes  et  de  vieux  matériaux  de  démo- 
lition. Le  Comité  consultatif  d'hygiène  fat  consulté  sur 
les  mesures  hygiéniques  à  prendre  pour  faire  ces  travaux 
sans  dangers. 

M.  Rochard  (1),  dans  un  rapport  approuvé  par  le  Co- 
mité, proposa  :  1°  de  pratiquer  des  sondages  à  la  profon- 
deur que  devaient  atteindre  les  fouilles,  afin  de  constater 
la  nature  de  ce  terrain  de  rapport  ;  2"  d'y  creuser  de  pro- 
fondes tranchées  et,  au  besoin,  des  conduits  souterrains 
venant  s'ouvrir  à  la  surface  du  sol,  et  sur  les  orifices  des- 
quels on  allumerait  des  feux  pour  détruire  les  gaz  qui  vien- 
draient à  s'en  dégager;  3°  dans  le  cas  où  ces  terres  seraient 
chargées  de  détritus  organiques  et  d'immondices,  il  y  au- 

(1)  Rochard,  Mesurer  dliygiène  qu'il  conviendra  de  prendre  à  Cler- 
mont-Ferrand au  moment  des  fouilles,  etc.  {Recueil  des  travaux  du  Co- 
mité consultatif  d'hygiène,  1878,  T.  VU,  p.  310.) 


CHAMPS  DE  BA.TA1LLE.  779 

rait  lieu  de  les  désinfecter,  au  moment  de  leur  déplace- 
ment, avec  une  solution  do  sulfate  de  fer  au  100°,  à 
laquelle  on  mélangerait  une  certaine  quantité  de  poussière 
de  charbon.  Il  suffirait  d'employer  2  litres  de  ce  mélange 
par  mètre  cube  de  terrain;  4°  enfin  d'ensemencer  après 
leur  transport  les  terres  ainsi  remuées,  avec' des  graines 
de  légumineuses  telles  que  la  luzerne  ou  le  trèfle.  » 

L'on  trouvera  également  dans  deux  rapports  très  étudiés 
de  M,  Léon  Colin,  demandés  à  la  Société  de  médecine  pu- 
blique  et  à  l'Académie  de  médecine,  en  1881,  par  la  ville 
du  Havre,  à  l'occasion  des  travaux  projetés  du  canal  de 
Tancarville,  l'énumération  des  mesures  à  prendre  pour 
éviter  les  accidents  résultant  des  émanations  provenant 
de  grandes  masses  de  terres  récemment  remuées:  allu- 
mage matin  et  soir  de  grands  feux  au  voisinage  du  chan- 
tier; nivellement  des  dépressions  et  des  caisses  d'emprunt, 
drainage,  assèchement,  puis  ensemencement  des  bas-fonds 
marécageux  desséchés  ;  culture  intensive  des  terrains  char- 
gés de  terre- végétale,  etc. 

Toutefois,  il  faut  avoir  soin  de  ne  défoncer  le  sol  par  la 
charrue  et  par  un  labour  profond  que  pendant  la  saison 
froide,  au  commencement  ou  à  la  fin  de  l'hiver,  dès  que 
la  terre  n'est  plus  durcie  par  la  gelée,  afin  d'éviter  les 
émanations  qu'un  sol  fraîchement  défriché  ne  manquerait 
pas  de  dégager  pendant  la  saison  estivo-automnale. 

ART.  IL —DÉSINFECTION  DES  CHAMPS  DE  BATAILLE. 

A  la  suite  d'une  campagne,  les  champs  de  bataille,  le 
voisinage  des  villes  assiégées,  les  terrains  qui  ont  été  le 

(i)  Léon  Colin,  Rapport  sur  les  mesures  hygiéniques  à  conseiller  au 
sujet  de  l'exécution  du  canal  de  Tancarville,  Sociéto  de  médecine  publique 
et  d'hygiène  professionnelle,  séance  du  23  mars  1881.  {Revue  dliijQiène  et  de 
police  sanitaire;  avril  1881,  p.  300).  —  Instructions,  elc.  [Bulletin  de 
l'Académie  de  médecine,  15  nov.  1881,  p.  1377-1407).  —  Drouineau, 
Conditions  sanitaires  des  ouvriers  des  grands  chantiers.  (1881,  broch.  in-8', 
et  Revue  d'hygiène,  1881,  p.  498.).  —  Consulter  aussi  l'excellent  chapitre 
Sol  des  Nouveaux  éléments  d'hygiène,  de  Jules  Ainould,  1881,  p.  14  à  191). 


780  DÉSINFECTION  DU  SOL. 

théâtre  de  combats  partiels  et  meurtriers  sont  parfois 
rendus  pestilentiels  par  l'inhumation  incomplète  ou  même 
l'abandon  des  victimes  de  la  guerre.  Des  épidémies  ont  été 
favorisées,  sinon  engendrées,  par  le  sol  infecté  dans  de 
telles  conditions.  Bien  qu'il  s'agisse  ici  plutôt  de  l'hygiène 
en  général,  que  la  désinfection  proprement  dite  des  champs 
de  bataille,  il  ne  nous  est  pas  permis  de  passer  près  de 
ce  sujet  sans  nous  y  arrêter. 

Avant  tout,  il  faut  prévenir  l'infection;  pour  cela,  choisir, 
aussi  bien  que  les  conditions  de  la  guerre  le  permettent, 
l'emplacement  des  tranchées  destinées  aux  inhumations  : 
sol  poreux,  perméable,  sec,  déclive,  éloigné  du  voisinage 
immédiat  d'un  cours  d'eau  servant  à  l'alimentation;  éviter 
le  sable,  l'argile,  les  terres  fortes,  marécageuses.  Les 
terrains  humides,  où  l'eau  est  stagnante,  retardent  la 
décomposition  des  corps.  Les  fosses  ou  tranchées  doivent 
avoir  2  mètres  de  largeur  et  une  profondeur  de  deux 
mètres  au  moins.  Les  cadavres  seront  dépouillés  de  leurs 
vêtements,  car  les  parties  couvertes  de  pièces  d'habil- 
lement résistent  beaucoup  plus  longtemps  à  la  destruction. 
On  dispose,  si  cela  estpossible,  quelques  branchages  au  fond 
des  tranchées  pour  faciliter  l'écoulement  de  l'eau  et  le 
drainage  du  sol  ;  les  corps  sont  superposés  en  couches  et 
de  préférence  en  séries  perpendiculaires  entre  elles. 

Les  fosses  doivent  être  très  incomplètement  remplies, 
de  telle  sorte  qu'au-dessus  du  dernier  cadavre  il  reste 
un  espace  libre  de  10  centimètres  au  moins  pour  re- 
joindre la  surface  plane  du  sol.  On  achève  de  com- 
bler la  fosse  avec  de  la  terre  et  on  dispose  en  talus  toute 
la  terre  enlevée  dont  les  cadavres  inhumés  ont  pris  la  place. 
On  forme  ainsi  une  sorte  de  tumulus  qui  dépasse  d'ordi- 
naire d'un  mètre  le  niveau  de  la  plaine,  et  dont  les  dimen 
sions  et  l'étendue  mesurent  exactement  celles  de  la  fosse  ; 
ces  reliefs  du  sol,  qui,  sur  certains  champs  de  bataille 
atteignent    une  longueur    d'un    kilomètre,  signalent  plus 


CHAMPS  DE  BATAILI^E.  181 

tard  à  l'attention  du  laboureur  la  présence  de  ces  cime- 
tières ;  ils  protègent  ces  tristes  dépouilles  des  insultes  des 
animaux  immondes  ;  ils  les  protègent  aussi  contre  le  soc 
de  la  charrue  qui  a  parfois  mis  au  jour  des  corps  à  demi 
consumés  et  donné  issue,  en  déchirant  la  terre,  à  des  flots  de 
gaz  pestilentiels.  Les  cadavres  d'animaux  sont  d'ordinaire 
enfouis  dans  le  sol  avec  plus  de  négligence  encore,  et 
souvent  c'est  à  peine  si  une  couche  de  terr§  de  quelques 
centimètres  en  recouvre  les  parties  saillantes. 

Lorsqu'un  champ  de  bataille  a  ainsi  servi  de  sépulture 
à  plusieurs  milliers  d'hommes  et  à  un  nombre  considérable 
d'animaux  de  grande  taille,  il  devient  nécessaire  de 
prendre  des  mesures  pour  désinfecter  le  sol  et  empêcher  la 
souillure  de  l'air  et  des  cours  d'eau  du  voisinage.  Le 
meilleur  exemple  des  tentatives  de  désinfection  faites  dans 
des  conditions  semblables,  est  celui  des  champs  de  bataille 
de  Sedan  et  de  Balan  où  plus  de  20,000  cadavres  de  soldats 
français  et  allemands  avaient  été  rapidement  ensevelis.  Le 
danger  était  évident,  menaçant.  Un  Comité  pour  Vassai- 
nissement  des  champs  de  bataille  se  forma  en  Belgique, 
sous  la  présidence  du  prince  Orloff,  et  une  commission 
dont  faisaient  partie  MM.  Guillery  et  Créteur  se  rendit 
vers  le  milieu  du  mois  de  mars  1871  à  Sedan  et  à  Balan, 
pour  procéder  aux  premières  tentatives  de  désinfection. 

M.  L.  Créteur  (1)  nous  a  donné  le  récit  intéressant 
des  opérations  auxquelles  il  a  présidé. 

On  enlevait  la  couche  superficielle  de  terre  et  l'on 
s'arrêtait  quand  on  apercevait  la  teinte  noirâtre  et  sulfu- 
reuse qui  annonce  le  voisinage  des  cadavres  ;  on  arrosait 
la  surface  avec  une  solution  d'acide  phénique  impur,  et 
l'on  découvrait  le  cadavre.  Celui-ci  était  saupoudré  d'une 
couche  mince   de   chlorure    de   chaux,    aspergé   d'acide 


(1)  L.  Créteur,  L'hyijiène  sur  les  champs  de  bataille,  Bruxelles,  1871,  et 
Congrès  d'hygièae  de  Bruxelles,  1876,  ï.  H,  p.  323. 


-m  DÉSINFECTION  DU  SOL. 

nitrique,  et  l'on  versait  sur  la  fosse  une  grande  quantité  de 
goudron  de  houille  ;  2  tonneaux  suffisaient  pour  les  fosses 
contenant  30  à  40  cadavres  ;  on  en  répandait  5  à  6  dans 
les  tranchées  oîi  250  à  300  corps  avaient  pu  trouver  place. 
Le  mélange  de  chlorure  de  chaux  et  d'acide  phénique 
dégageait  dans  l'atmosphère  de  grandes  quantités  de  chlore. 
On  répandait  à  la  surface  des  corps  ainsi  mis  à  nu  des 
branchages,  de  la  paille,  qu'on  imbibait  de  pétrole  ;  il 
était  alors  très  facile  d'enflammer  le  contenu  de  la  fosse 
qui  se  transformait  bientôt  en  brasier.  Il  se  dégageait  une 
fumée  épaisse,  tellement  acre  que  les  mains  et  la  figure 
des  travailleurs  se  couvrirent  de  vésicules  et  que  les 
insectes  tombaient  morts  sur  le  sol.  La  chaleur  était  telle 
que  la  terre  déplacée  était  crevassée  à  une  assez  grande 
distance  des  fosses. 

Au  bout  de  deux  heures,  le  contenu  de  celles-ci 
s'était  considérablement  affaissé  et  réduit  aux  3/4  du 
volume  primitif  ;  on  ne  voyait  plus  que  des  ossements  cal- 
cinés recouverts  de  résine  concrète  et  noire.  Les  terres 
enlevées  furent  rejetées  dans  la  fosse,  et  le  talus  désormais 
bien  réduit  qui  s'élevait  au-dessus  d'elle,  fut  plus  tard  ense- 
mencé avec  du  chanvre  et  du  lin.  Le  travail  dura  du  20  mars 
au  20  mai,  il  fut  arrêté  sur  les  réclamations  de  familles 
allemandes  qui  s'opposèrent  à  ces  pratiques  de  crémation., 
M.  Créteur  dit  avoir  désinfecté  3,213  fosses  contenant 
45,855  cadavres  ;  mais  ces  chiffres  ont  été  cortestés  par 
l'un  des  membres  de  la  commission,  le  D  Lante,  et  sem- 
blent devoir  être  réduits  à  15,000. 

De  même,  après  la  reddition  de  Metz,  les  autorités 
allemandes  s'émurent  des  dangers  que  faisait  courir  à  tout 
le  pays  le  nombre  extraordinaire  de  cadavres  ensevelis 
dans  le  sol.  A  l'instigation  du  commissariat  civil,  le  mi- 
nistre de  la  guerre  désigna  à  Berlin  une  commission  dont 
faisaiert  partie  deux  médecins  de  l'armée  prussienne, 
MM.  d'Arrest  et  Bode,  et  qui  fut  chargée  d'organiser  la  désin- 


CHAMPS  DE  BATAILLE.  78;) 

fection  des  champs  de  bataille  de  cette  région.  Une  petite 
armée  de  soldats  du  génie  et  d'ouvriers  fut  mise  à  la  dis- 
position de  la  commission,  et  au  mois  de  mai  1811,  le 
nombre  des  travailleurs  ne  s'élevait  pas  à  moins  de  1,200 
à  l,oOO  par  jour.  Tous  les  débris  trouvés  dans  les  lieux  de 
campement  furent  brûlés  ou  enfouis  ;  les  fosses  contenant 
des  débris  ou  résidus  organiques  furent  comblées  avec  de 
la  chaux  éteinte,  surmontées  de  50  centimètres  de  terre 
et  plus  tard  ensemencées  avec  du  chanvre. 

Les  tertres  dressés  au-dessus  des  tranchées  qui  avaient 
servi  à  la  sépulture  des  hommes  ou  à  l'enfouissement  des 
animaux  ,  furent  généralement  exhaussés  de  plusieurs 
pieds  à  l'aide  de  terre  empruntée  au  voisinage,  et  semés 
de  gazon.  Dans  certains  cas,  on  creusait  une  fosse  profonde 
immédiatement  au  voisinage  de  la  tranchée  primitive  ; 
pendant  le  travail,  la  terre  souillée  par  les  infiltrations 
était  désinfectée  à  l'aide  de  chaux  vive,  de  chlorure  de 
chaux,  d'acide  phénique,  d'huile  lourde  de  houille  et  de 
goudron  ;  l'on  enlevait  ensuite  les  couches  les  plus  super- 
ficielles des  cadavres  inhumés,  et  on  les  portait  dan^  la 
fosse  ainsi  creusée,  au  fond  de  laquelle  on  avait  répandu 
une  couche  de  chaux  et  d'acide  phénique  (1). 

C'est  à  peu  près  la  même  méthode  que  le  Comité  con- 
sultatif d'hygiène  publique  de  France  (2)  conseilla  au 
ministre  de  l'agriculture  et  du  commerce,  dans  un  rapport 
rédigé  par  A.  Latour  et  adopté  par  le  Comité  le  20  mars 
1811.  Le  ministre  avait  demandé  son  avis  sur  les  mesures 
à  prendre,  en  vue  de  préserver  la  santé  publique  des 
dangers  qui   pourraient  résulter   de  l'inhumation,  à  une 

(1)  Bericht  iiber  die  Desinfections  Arbeitiing  in  der  Uingebung  von  Metz, 
erslattet  von  D--  D'Arrest  imd  D"'  Bode,  (Rapport  manuscrit  communiqué 
à  W.  Woih,  Handbuch  der  militar-Gesundheitspflege,  1812,  T.  1,  p.  548.) 

(2j  Assainissement  des  champs  de  bataille,  Rapport  au  nom  d'une 
commission  composée  de  MM.  Bussy,  Fauvel,  Michel  Lévy,  Bouloy, 
Reynaud,  et  Amôdce  Latour,  rapporteur.  {Galette  hebdomadaire,  1871, 
p.  lo8.) 


784  DESINFECTION  DU  SOL.'. 

profondeur  insuffisante,  des  cadavres  des  combattants 
dans  la  dernière  guerre  sur  plusieurs  champs  de  bataille 
autour  de  Paris  et  dans  les  départements. 

Le  Comité  pensa  qu'il  fallait  rejeter  absolument  l'idée 
de  l'exhumation  immédiate  d'un  aussi  grand  nombre  de 
cadavres  en  partie  déjà  décomposés.  Il  conseilla  d'élever, 
à  l'aide  de  terre  rapportée,  des  tumulus  de  40  à  50  centi- 
mètres seulement  au-dessus  de  la  fosse,  et  de  les  ense- 
mencer avec  des  graines  de  plantes  à  végétation  rapide 
et  épuisantes.  Ce  moyen  permettrait  d'attendre  l'hiver 
prochain,  pour  procéder  aux  exhumations  qui  pourraient 
alors  paraître  indispensables. 

Il  était  arrivé  fréquemment  autour  de  Paris,  à  cette 
époque  malheureuse,  que  des  corps  isolés  eussent  été  in- 
humés rapidement,  à  une  profondeur  insuffisante,  dans  les 
jardins,  les  enclos  particuliers,  où  étaient  tombés  les 
combattants.  Il  devenait diflicile  d'exiger  des  propriétaires 
la  servitude  de  plusieurs  tumuli  analogues  à  ceux  dont  il 
vient  d'être  question.  Le  Comité  pensa  qu'il  y  avait  lieu 
alors  de  prendre  les  mesures  suivantes  : 

«  Creuser  parallèlement  à  la  fosse  qui  renferme  le  cadavre,  et  aussi 
près  que  possible  d'elle,  une  fosse  i(ie  Im,  30  à  2  mètivs  de  profondeur, 
dimension  prescrite  par  le  décret  du  23  prairial  ou  Xil  enlever  la  couche 
de  terre  recouvrant  le  cadavre,  répandre  sur  celui-ci  une  quantité  sufli- 
sante  de  chlorure  de  chaux  pour  le  désinfecter,  puis  le  faire  glisser  dans 
la  fosse  nouvellement  creusée,  et  placer  le  cadavre  sur  un  lit  de  chaux 
vivo  dont  il   sera  recouvert  avant  de  le  couvrir  de  terre.  » 

Le  ministre  avait  demandé  s'il  ne  conviendrait  pas  de 
chercher  d'autres  garanties  dans  l'emploi  sur  place  de 
certains  agents  chimiques  et  dans  la  mise  en  culture,  sur 
une  zone  déterminée,  des  terrains  les  plus  rapprochés  des 
points  d'enfouissement.  Le  Comité  répondit  que  l'emploi 
des  moyens  chimiques  exigerait  le  déterrement,  sinon 
l'exhumation  des  cadavres,  si  l'on  voulait  être  sur  d'at- 
teindre les  corps  placés  à  une  assez  grande  profondeur, 
que  cette  opération  était  inutile  et  dangereuse,  et  serait 


CHAMPS  DE  BATAILLE.  788 

très  dispendieuse.  Les  agents  chimiques  pourraient  d'ail- 
leurs s'opposer  à  la  culture  et  faire  perdre  le  bénéfice  de 
celle-ci  : 

(i  Le  Comilé  ne  croit  devoir  conseiller  l'emploi  d'aucun  agent  chimique 
ou  désinfectant,  préalablement  à  l'élévation  du  tumulus,  car  ces  agents 
s'opposeraient  à  la  germination  et  au  développement  des  graines  ense- 
mencées, alors  que  le  Comité  place,  au  contraire,  toute  sa  confiance 
dans  les  phénomènes  de  la  végétation  comme  moyen  d'absorption  rapide 
des  produits  de  la  décomposition  putride.  11  conseille  même  de  diminuer 
considérablement  l'élévation  du  tumulus,  afin  que  cette  absorption  par 
les  plantes  soit  prompte  et  sûre  ;  ces  plantes  doivent  d'ailleurs  être 
choisies  parmi  celles  dont  l'affinité  pour  les  matières  azotées  est  le 
mieux  démontrée.  » 

Sans  méconnaître  que  l'élévation  trop  grande  des  tertres 
qui  recouvrent  les  fosses  empêche  les  végétaux  qu'on  y 
cultive  de  faire  sentir  leur  action  épuisante  sur  les  corps 
placés  profondément,  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  trans- 
formation d'une  aussi  énorme  quantité  de  matières  azotées 
exige  un  temps  très  long,  et  qu'une  couche  épaisse  de 
terre  constitue  la  meilleure  protection  contre  les  émana- 
tions méphitiques.  On  pourrait,  d'ailleurs,  semer  sur  le 
tumulus  des  plantes  ou  des  arbustes  dont  les  racines  pé- 
nètrent assez  loin  dans  le  sol;  l'hélianthus  annuus,  par 
exemple,  le  houblon,  pourraient  être  associés  au  ray-grass 
ou  à  la  luzerne. 

Pour  prévenir  l'infection  des  champs  de  bataille  par  les 
cadavres,  on  a  proposé  de  détruire  ceux-ci  par  le  feu,  non 
seulement  pour  remédier  aux  conséquences  d'une  inhuma- 
tion mal  faite,  mais  pour  la  remplacer.  Ici,  il  faut  se 
méfier  de  tout  entraînement  et  de  toute  exagération. 
En  principe,  il  nous  paraît  désirable  que  la  crémation  des 
cadavres  s'introduise  dans  nos  moeurs,  et  les  opérations 
auxquelles  nous  avons  assisté  à  Milan  (1)  nous  font  penser 
qu'il  n'est  pas  impossible  d'arriver  à  surmonter  des  pré- 

(1)  E.  Vallin,  Une  séance  de  crémation  à  Milan  {Revue  d'hygiène  et  de 
police  sanitaire,  1880,  p.  834.) 

Vallin.  —  Désinfectants.  .50 


786  DÉSINFECTION  DU  SOL. 

ventions  ou  des  répugnances  légitimes.  Mais,  ce  qu'on  peut 
faire  dans  un  appareil  à  demeure,  ingénieusement  ma- 
chiné, dans  le  Crématorium  d'une  grande  ville,  sur  un 
seul  cadavre,  n'est  en  rien  comparable  avec  les  difficultés 
qu'on  rencontre  lorsqu'il  s'agit  de  détruire  par  le  feu,  en 
quelques  jours,  plusieurs  milliers  de  corps.  Comment 
installera-t-on  le  nombre  considérable  d'appareils  qui  de- 
vraient fonctionner  en  même  temps,  nuit  et  jour?  où  trou- 
vera-t-on  le  combustible  nécessaire? 

Il  n'est  pas  soutenable  qu'on  songe  à  dresser  des  bûchers 
en  plein  vent;  il  ne  faut  pas  se  laisser  séduire  par  le  sou- 
venir des  héros  d'Homère  et  des  bûchers  magnifiques 
qu'on  réservait  pour  les  rois  et  les  pasteurs  des  peuples  : 
de  même  les  initiateurs  de  la  crémation  en  Italie  ont  bien 
vu,  en  1869,  qu'il  était  plus  difficile  de  brûler  le  corps 
du  rajah  de  Kelapore  à  la  promenade  des  Cascine,  à  Flo- 
rence, que  sur  les  grands  escaliers  de  marbre  qui  descen- 
dent au  Gange. 

MM.  Kuborn  et  Jacques  (1)  ont  bien  proposé,  en  1876,  de 
faire  suivre  les  armées  de  fourgons  crématoires  où  deux  soles 
inclinées,  enfonte,  sur  lesquelles  on  placerait  deux  cadavres, 
conduiraient  sous  le  foyer  disposé  au-dessous  les  graisses 
qui  contribueraient  ainsi  à  entretenir  la  combustion  ;  l'idée 
d'injecter  chaque  cadavre  avec  du  pétrole  pour  le  rendre 
plus  combustible  ne  serait  pas  venue  à  des  personnes 
ayant  la  pratique  des  choses  de  la  guerre  et  des  champs 
de  bataille.  Chaque  fourgon  ne  peut  brûler  en  24  heures 
que  20  cadavres  au  maximum  ;  l'opération  doit  être  ter- 
minée au  bout  de  S  à  6  jours;  faudra-t-il  donc  faire  suivre 
toute  l'armée  d'une  longue  file  de  ces  lourds  fourgons,  et 
songera-t-on  à  faire  passer  sous  les  yeux  de  ceux  qui  vont 
combattre  un  appareil  funéraire  et  lugubre  qui  sera  tou- 
jours insuffisant? 

(l)  Compte  rendu  du  Congrès  d'hygiène  de  Bruxelles  en  1876,  par 
0.  Du  ^èsnil  [Annales  d'hygiène  et  de  médecine  légale,  1877.  T,  47",  p.  48. 


CHAMPS  DE  DATAILLE.  787 

Il  faut  réserver  la  crémation  pour  les  villes  assiégées, 
pour  les  armées  de  siège  campées  devant  une  forteresse. 
Quand  des  épidémies  meurtrières  multiplient  les  décès  par 
maladies  infectieuses  ettransmissibles,  les  cimetières  qu'on 
improvise  dans  l'enceinte  d'une  ville  fortifiée  deviennent 
insuffisants  et  dangereux  ;  il  n'est  pas  bon  que  les  morts 
disputent  la  place  aux  vivants,  ni  que  les  vivants  foulent 
la  tombe  des  morts.  Les  appareils  ou  fours  crématoires 
pourraient  alors  rendre  des  services  ;  il  est  facile  de  les 
improviser  sur  place.  Voilà  dans  quelle  mesure  la  créma- 
tion nous  paraît  utilisable  pour  le  champ  de  bataille  ou 
une  armée  en  campagne. 

Les  animaux  tués  par  l'ennemi  ne  sont  pas  une  cause 
moindre  de  dangers  et  d'infection  de  l'air  et  du  sol.  En 
1814,  on  détruisit  par  le  feu,  sur  de  longues  barres  de  fer, 
4,000  chevaux  tués  pendant  les  batailles  autour  de  Paris, 
et  qui  jonchaient  la  plaine.  L'opération  fut  longue,  difficile, 
dura  15  jours,  nécessita  d'énormes  quantités  de  combus- 
tible, et  recouvrit  pendant  plusieurs  semaines  tout  le  voi- 
sinage d'une  fumée  épaisse,  salissante  et  infecte.  Aujour- 
d'hui, une  telle  opération  se  ferait  sans  doute  plus  facile- 
ment, à  l'aide  des  appareils  à  incinération  que  la  pra- 
tique de  la  crémation  a  fait  naître.  Il  nous  semble,  en  effet, 
que  c'est  sur  les  animaux  que  l'on  devrait  faire  l'expé- 
rience des  procédés  crématoires  ;  on  est  sûr  de  la  sorte  de 
ne  froisser  ni  sentiments  ni  préjugés,  et  l'on  diminuera 
d'autant  les  sources  d'infection  du  sol.  Il  faut  espérer, 
d'ailleurs,  qu'il  ne  s'écoulera  pas  un  trop  long  temps  avant 
que  la  viande  de  cheval  n'entre  dans  la  ration  ahmentaire 
du  soldat,  en  temps  de  paix  aussi  bien  qu'en  campagne. 
«  Alors  que  le  soldat  épuisé  par  des  marches  rapides  et  un 
travail  excessif,  disions-nous  au  Congrès  international 
d'hygiène  de  Turin  (1),  a  tant  besoin  de  réparer  ses  forces 

(1)  E  Vallin,  Quels  soins  faut-il  prendre  des  cadavres  sur  le  champ  de 
bataille,  Compte  rendu  du  Congrès  d'hygièue  de  Turin.  [Revue  dliygiènê 
et  de  police  sanitaire,  1880,  p.  928.) 


788  DESINFECTION  DU  SOL. 

par  une  alimentation  richement  animalisée,  et  qu'il  est  si 
difficile  de  se  procurer  des  vivres,  on  ne  comprend  pas 
qu'il  abandonne  à  la  putréfaction  une  masse  énorme  de 
viande  fraîche,  de  la  viande  qui  marche,  provenant  de 
chevaux  bien  nourris,  en  excellent  état  d'entretien  et  qui, 
quelques  heures  avant,  ont  été  abattus  en  pleine  santé  par 
un  projectile,  de  la  même  manière  pour  ainsi  dire  qu'un 
animal  de  boucherie  à  l'abattoir.  Ce  n'est  pas  sur  des  bû- 
chers, c'est  sur  des  grils  qu'il  faut  porter  la  chair  des  che- 
vaux tués  par  l'ennemi.  » 

Nous  venons  de  passer  en  revue  les  principales  circons- 
tances où  la  désinfection  est  nécessaire  ;  le  nombre  est 
grand  des  cas  particuliers  où  l'on  doit  encore  recourir  à 
de  telles  opérations.  Les  principes  et  les  exemples  qui  pré- 
cèdent traceront  par  analogie  la  marche  à  suivre  et  les 
moyens  à  employer. 


PRIX  APPROXIMATIF 


DES     SUBSTANCES     DESINFECTANTES. 


Prix  du  kilog. 
fr.     c. 

Acide  acétique  ordinaire  à  8° 3,25 

Acétate  d'alumine  ordinaire,  par  100  kilog 0,50 

Acide  arsénieux  en  poudre 0,75 

Acide  azotique  à  36°,  par  100  kilog 0,70 

Acide  benzoïque  du  benjoin 50  » 

—  des  herbivores 28   » 

Acide  borique  cristallisé,  par  100  kilog 2,50 

Acide  chlorhydrique  ordinaire,  par  100  kilog.   .   .    .  0,20  à  0,10 

Acide  chromique  cristallisé lo   » 

Acide  phénique  cristallisé,  par  100  kilog 2.50 

—  brut,  par  100  kilog 0,80  à  1   » 

Acide  picrique  cristallisé 6,50 

Acide  pyrogallique 45  » 

Acide  salicylique  ordinaire,  par  100  kilog 22  » 

Acide  sulfureux  dissous,  par  100  kilog 0,10 

—  anhydre,  le  kilog 5  » 

Acide  sulfo-nitreux  en  cristaux .    .    .    2,30  à  12  » 

Acide  sulfurique  à  66°,  par  100  kilog 0,20 

Acide  tannique  à  l'alcool 7  » 

Acide  thymique  liquide 20  ^ 

Acide  thymique  cristallisé  (thymol) 75  à  100  » 

Alun  d'ammoniaque  ordinaire 0,50 

Azotate  (sous-)  de  bismuth  médicinal 25  >■ 

Azotate  de  plomb 1   » 

Beuzoate  de  soude 38  » 

Bichlorure  de  mercure  (sublimé) 6  à  8  » 

Borate  de  soude 2  ;> 

Brome  pur 8   >> 

Camphre 3  >j 

Charbon  animal  en  grains 0,70 

Chaux  vive 0,20 


-90     PRIX  APPROXIMATIF  DES  SUBSTANCES  DÉSINFECTANTES. 

Chloral  hydraté,  par  100  kilog 10,50 

Chlorure  de  chaux  sec,  de  110  à  1210°,  par  100  kilog  .    .  0,40 

Chlorure  de  zinc  liquide  à  45",  par  100  kilog 0,75 

Créosote  de  goudron ...  0,75 

Eau  oxygénée  (bi-oxyde  d'hydrogène)  à  121  volumes,  par 

100  kilog 4  » 

Essence  de  térébenthine  ordinaire 1,50 

Essence  de  mirbane,  suivant  la  pureté,  par  100  kilog.    5  à  20  » 

Essence  de  Wintergreen  (gaulthéria) 80  » 

Eucalyptol 70  » 

Huile  lourde  de  houille,  par  100  kilog 0,15 

Hyposulfite  de  soude 0,60 

lodoforme  cristaUisé 80  d 

Iode  métaUique 30  » 

Naphtaline  impure,  par  100  kilog 0,40 

Naphtaline  pure  sublimée 6  « 

Nitrobenzine  par  100  kilog.,  suivant  la  pureté.    .    .    .  5  à  20  » 

Orpiment >       1,50 

Perchlorure  de  fer  solide,  par  100  kilog.   .    , 3,50 

Permanganate  de  potasse  crista.lisé 10  » 

Potasse  caustique  à  la  chaux 3  » 

Résorcine  ordinaire 35  » 

—      pure 80  » 

Soufre  en  canons  ou  en  fleurs,  par  100  kilog 0,30 

Sublimé 6  à  8  » 

Sulfate  de  cuivre  ordinaire,  par  100  kilog 0,90 

Sulfate  de  fer  ordinaire  cristallisé,  par  100  kilog.    .    .    .  0,15 

Sulfate  de  nitrosyle  brut,  par  100  kilog 2,50 

Sulfate  de  zinc  ordinaire,  par  100  kilog 0,30 

Sulfite  (bi-)  de  chaux  liquide  à  11°,  par  100  kilog  .    .    .  0,16 

Sulfite  de  magnésie 5,75 

Sulfite  de  soude 0,60 

Thymol  cristallisé 75  à  100  » 


79i 


TABLE  DES  FIGURES  COiNTENUES  DANS  LE  VOLUME 


Fig.    1.  Appareil  pour  la  productiou  des  vapeurs  nitrouses.    .    ,   .  394 

Fig.    2.  Thermo-régulateur  de  Bunsen,  modifié  par  Raulin 436 

Fig.    3.  Thermo-régulateur  de  Schlœsing 437 

Fig.     4.  Thermo-régulateur  à  air,  de  MM.   d'Arsonval   et  Wiesnegg.  439 
Fig.    5.  Coupe  du  four  de  la  station  de  désinfection   de  Nottingham, 

(appareil  de  Ransom,  perfectionné) 441 

Fig.    6.  Vue  d'ensemble  de  l'étuve  de   Ransom 444 

Fig.    7.  Appareil  à  désinfection  par  l'air  chauffé  au  gaz,  du  D""  Scott, 

(Maguire  and  Son) 447 

Fig.    8.  Chambre  désinfectante  fixe  de  Fraser 449 

Fig.    9.  Eluve  à  désinfection  de  l'hôpital  Saint-Louis.    ......  4SI 

Fig.  10.  Ëtuve  adoptée  par  la  Société  de  médecine  publique  de  Paris.  455 

Fig.  M.  Intérieur  de  cette    étuve. 456 

Fig.  12.  Etuve  à  désinfection  de  l'hôpital  Moabit  (Berlin) 464 

Fig.  13.  Etuve  ambulante  de    Fraser 473 

Fig.  14.  Vue  à  vol  d'oiseau  de  la  station  de  désinfection  de  la  com- 
mune de  Nottingham 478 

Fig.  15.  Lazaret  de  désinfection   du   D''  Pelruschky,  à  Stettin.   .    .   .  481 

Fig.  16.  Closet  de   Marino 645 

Fig.  17.  Appareil  de   désinfection   des  fosses   d'aisances,  à  l'aide  de 

l'acide  sulfo-nitreux  (sulfate  de  nitrosyle) 646 

Fig.  18.  Appareil   Goux 652 

Fig.  19.  Chaise  percée  à  la  terre,  fonctionnant  automatiquement  (Self- 

acting-earth-Closet) 654 

Fig.  20.  Schéma  de  Ballard,pour  la  combustion  des  buées  et  fumées.  660 

Fig.  21.  Lavage  intermittent  des  égouts  (Siphon  de  Rogers-Field).    .  733 

Fig.  22.  Cuvette  d'égoût  à  écoulement  intermittent  (Rogers-Field).   .  734 

Fig.  23.  Ventilateur  de   Brooke,  à  filtre  de  charbon 741 

Fig.  24.  Ventilateur  des  égouts  de  Londres    (modèle   B.   Latham).   .  743 

Fig.  25.  Ventilateur  des  égouts  de  Londres  (modèle  ancien) 744 

Fig.  26.  Cuvette  siphoïde  pour  égouts 745 

Fig.  27.>  Déversement  des  eaux  ménagères  vers  l'égout 746 


793 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 


AbaUoii-s 673,     706 

Absorbants  en  général,  31.  — 
Physiques,  33.  —  Chimi- 
ques.           56 

Acétate  d'alumine 133 

Acides  en  général,  i238.  — Acé- 
tique, 133.— Arsénieux,  138. 

—  Azotiqne,  2iio.  —  Ben- 
zoïque,  199.  —  Borique,  13y. 

—  Carboazotique,  136.  — 
Chlorhydrique,  273,  492.  — 
Chromique,  243.  —  Hypo- 
azotique,  269.  .392.  —  Phé- 
nique,  138,  .328.  —  Picrique, 
136.    —   Pyrogallique,  133. 

—  Pyroligneux,  174.  —  Sali- 
cylique,  181.  —  Sulfo-ni- 
treux,  .394,  646,  fig.  45,  720. 

—  Sulfureux  136,  243,  482. 
--  Sulfurique,  238,  633.  — 

Tannique,  202.  —  Thymique     178 

Accouchées oll 

Alcool,   203.  —  De    mauvais 

goût 603 

Aliments 599 

Alun 131,     679 

Amphithéâtres  de  dissection.  711 
Antiseptiques  en  général,  75, 
91.  —  Leur  valeur  com- 
parée, 93.  —  Tableau  de  Ja- 
lan  de  la  Croix,  110.  —  An- 
tiseptiques en  particulier.   .     113 

Antivirulents 216 

Atténuation  des  virus  par  les 

désinfectants 222 

Azotate  de  plomb 67 

Azotite  d'éthyle  ....  206,    410 


B 


Bateaux  de  vidange 768 

Benzoates I9,i,  383 

Bières 601 

Bisulfite  de  chaux 601 

Blanchiment  à  la  chaux  .  .    .  389 

Bougies  soufrées 413 

Borax 140,  367 

Brome 296,  597 

Brûlage   des   gaz   industriels, 

658.  —  Des  gaz  de  vidange.  763 

Bamett's  fliiid 123 


Cabinets  d'aisances 617 

Cadavres 707,  713,     780 

Cadavres  d'animaux  cliarbon- 

neux 392 

Cages  à  volailles 705 

Cargaison 371 

Casernes 605 

Caveaux  des  cimetières  .  .  .  729 
Chaleur,     22ti,     425.    —    Son 

action   sur   les  virus,   227. 

—  Sur  les  vibrions  et  les 
spores,  232,  423.  —  Sur  les 
matières  textiles 428 

Chambrées  des  casernes  .    .    .     605 

Champs  de  bataille 779 

Charbon  ....   35,  635,  665     729 

Chaux  vive 69 

Chaux  éteinte   70;   appliquée 
aux  eaux  de  cale,  72,   582  ; 

—  aux  eaux  industrielles, 
671.  —  Aux  vidanges.   .  .    "751 


794 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Chiffons 

559 

Chloral 

129 

Chloralum 

13-2 

Chlore    comme    antiseplique, 

119.  —  Comme  neulralisanl. 

279 

Chloroforme 

S02 

Chlorure  d'aluminium.    .    .    . 

132 

Chlorure  de  chaux 

279 

Chlorure  de  sodium 

123 

Chlorure  d'oxyde  de  sodium. 

279 

Chlorure  de  zinc  ....  66, 

123 

Cimetières 

7^,i 

Closet  Marina 

643 

Crémation 131.  781, 

786 

Créosote 

17i 

Crésol 

17t 

Cuvettes  siphoïdespourégouts. 

743 

Cornes,  cuirs  et  crins.   .   .   . 

567 

Cuisson  des  viandes 

600 

Curage  des  égouts 

733 

D 


Déchargement  sanitaire  .    .    .     573 

Déiinition 1 

Dégagements  ........     657 

Désinfection  nosocomiale , 
338.  —  Quarantenaire,  536. 
—  Vétérinaire,  587.  —  des 
aliments,  599.  —  des  habi- 
tations collectives  et  privées, 
603;  —  industrielle,  657  ;  — 
municipale,  696  —  du  sol, 
796.  —  Désinfection  interne 
dans  les  maladies,  339.  — 
Désinfection  obligatoire  des 
malades  contagieux ....     525 

Désodorants 31 

Désodorant  Suvern 636 

Dessiccation 76 

Destruction  des  résidus  indus- 
triels par  le  feu 690 

Dissections 707,     711 

Dortoirs 603 

Drainage .     772 

Dry-system 42 


E 


Earth-Closet 654 

Earth-Sijstem 45,    649 


Eaux  acides 687 

Eau  des  boissons,  602;  —  des 
bains  sulfureux  versés  sur 
la  voie  publique,  707;  — 
de  chaux,  71;  —  des  cales 
de  navire,  73,  582;  —  in- 
dustrielles, 605;  —  de  Ja- 
velle, 279;  —  de  Saint-Luc, 
126;  —   oxygénée,   309;   — 

savonneuses 681 

Écuries 593 

Égouts,  732.  —  Lavage  inter- 
mittent, 733.  —  Ventilation.  736 
Emanations  industrielles  .  .  657 
Épuration  chimique  des  eaux 
industrielles,  679.  —  Des 
eaux  d'égout  747.  —  Épu- 
ration par  le  sol 683 

Essence  de  Wintergreen  .    .    .     194 

Eth(?r  azoteux 206,     410 

Etuves  à  désinfection,  433;  — 
de  Ransom,  441;  —  Four 
Léoni,  445;  —  de  Scott,  416; 
.  —  de  Nelson  et  Somer,  448; 
de  Fraser,  449;, —  d'Amers- 
foort,  450;  —  de  l'hôpital 
Saint-Louis,  450;  —  de  la 
Société  de  médecine  publi- 
que, 434;  ■-    de   Esse,   460; 

—  de  l'hôpital  Moahit,  462; 

—  de   Christiansand ,    467; 

—  de  W.  Lyon,  468;  —  de 
Bâte,  469;  —  mobiles  de 
Fraser,  473;  —  de  Stobbs 
and  Seagrave,  474:  —  de 
Scott  et  Maguire,  474;  — 
d'Albenois 475 

Eucalyptol 193 

Eviers 614 

Exhumations 784,    728 


F 


Fabriques  de  sels   ammonia- 
caux  768 

Fétidité  de  l'haleine  ....  247 
Filtres  comburateurs  de  l'air.  419 
Flambage  par  la  méthode  de 

Lapparent 577,    656 

Fosses   de    vidange,    750,    — 
fosses  mobiles 766 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


79S 


Froid 81,  708,     716 

Fumiers 695,    100 

Fumigation  au  clilore,  219, 
279,  399,  489.  —  Leur  aciion 
sur  la  couleur  et  la  résis- 
tance   des  tissus 490 

Fumigations  guy  Ioniennes, 275,    415 
Fumigations  nitreuses,269,392,     719 
Fumigations  de  Smith.    .  265,     414 
Fumigations   sulfuceuses  243, 
396.    —  Leur  action  sur  la 
couleur  et  la  résistance  des 

tissus 482 

Fumivorité 660 


G 


Gangrène  pulmonaire  ....     377 
Gaz    méphitiques    (Condensa- 
tion  des),   —     637  ;     satu- 
ration,  658,   —  brûlage.   .     638 
Glacières    pour    conservation 
des   cadavres,  709,  —  pour 

halles  et  marchés 706 

Goudron 169,    653 

Goux-Thulasne    (système    dé 
vidanges) 652 


H 


Halles  et  marchés 704 

Historique 7 

Huiles     lourdes     de    houille, 

172,   629,  653 

Huile  essentielle  de  gaulthé- 

ria 1"4 


Instruments    de    chirurgie  et 

objets  de  pansements  .   .    ,  509 

Immondices 698 

Inhumations 724 

Iode 296,  597 

lodoforme 379 

Irrigation  agricole  par  les  eaux 

vannes 684 


Laines 568 

Latrines 617 

Lettres- 570 

Lavage  des  murailles,  des  par- 
quets  24,    406 

Lavage  des  cavités  patholo- 
giques, 347;  —  de  l'estomac 
380  ;  —  de   la   vessie,  376; 

—  des  égouts 733 

Lazarets    de  désinfection   des 

connûunes    anglaises,    477; 

—  de  Nottingham,  478.  — 
de  Herscher,  479,  —  de 
Pétruschky 480 

Linge  sale  et  à  pansements    .     495 
Liqueur  de  Labarraque    .    .    .     279 
Liquides  de   Burnett,   123;    — 
Larnaudès,  57,  626,  701;  — 
Ledoyen,  67,  626;  —  Egasse.     126 

Literie 497 

Locaux  non  habités,  387;  — 
non  incessamment  occupés, 
402;  —  incessamment  oc- 
cupés     409 

Lochies 349 

Loi  sur  la  police  sanitaire  des 
animaux 587 


M 

Macérations  anatomiques.  .    .  714 

Marais 775 

Marchés 704 

Matelas 497 

Médical   (Désinfection  du  per- 
sonnel)    510 

Menthol 179 

Morgues 705 

Murailles 390,  607,  613 


N 


Naphtaline 176 

Navires 575 

Neutralisants  des  virus,  216.  — 


796 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Expériences  sur  leur  valeur 
comparée,  217.  —  Neutrali- 
sants en  particulier  ....     226 

Neutralisation  des  eaux  in- 
dustrielles acides 687 

Noyer  (Suc  de  feuilles  de)  .   .     334 


0 


Ozène 346 

Ozone,  313.  —  Appareils  pour 

sa  production  artificielle.    .  319 

Oxygène    .   ,    .  302,  409,  737,  749 


Paniers  à  poisson 

Pansement  à  l'alcool,  205.  — 
Antiseptique  de  Lister.    .    . 

Parquets 24, 

Passagers  des  navires  .... 

Perchlorure  de  fer 

Permanganate  de  potasse.    .    . 

Peroxyde  d'hydrogène.    .    .    . 

Personnel  médical 

Phosphates  amraoniacQ-ma- 
gnésiens 

Plaies  infectes,  340.  —  Ve- 
nimeuses, 349.  —  Virulen- 
tes, 353.  —  Charbonneuses. 

Plan 

Planchers  (Nettoyage  des).  24, 

Plâtre  au  coaltar 

Ports  de  mer 

Poudres  de  Calvert,  634.  —  De 
Corne  et  Demeaux,  170.  — 
De  Mac  Dougall,  634  ..    . 

Poulailliers 

Poussières  sèches  ....  41, 

Puerpérale  (Désinfection).    .    . 

Puisards 

Punaises 

Purification  de  l'air  par  la 
pulvérisation 

Pyrolignite  de  for 


705 

339 
608 
571 
04 
323 
309 
510 

752 


354 
12 

608 

703 


695 
595 
649 
511 
691 
613 

407 
62 


Q 


Quarantenaire  (Désinfection)  ,     556 


R 


Bachôvements 765 

Résidus  in''ustriels,  690,  692. 

—  De  cuisine   ....  616,  699 

Résorflne 197 

Ru'^s 697 


Sabordement 575 

Salicylage  des  aliments  ...  181 

Sang  des  abattoirs 723 

Selles  morbides 381 

Sels  métalliques  (n  général,  56,  626 

Sereinage. 304 

Silicate  de  soude 151 

Siphons 733,  747 

Sol.   , 775 

Soufre,  voyez  acide  sulfureux, 

fumigations  sulfureuses,  245,  396 
Spores,    leur    résistance    aux 

agents  désinfectants  ....  105 

Sublimé 115,  515,  ^97 

Sueurs  fétides 357 

Suie 655 

Sulfate  do  fer,  62,  755.  —  Sul- 
fate d'alumine  gélatineux, 
679.  —  De  nitrosyle,  394, 
410,  645,  719.  —  De  zinc, 
64.  —  Sulfate  de  soude,  234. 

—  de   magnésie 336 

Silvern  {Désodorant  de]  .   .   .  636 


Tannin 202 

Térébône 176 

Térébenthine,     375,    595.    — 

Antidote  du  phosphore.    .    .  661 


TABLE  ALPHABI^.TIQUE. 


797 


Terre  sèche 43,    649 

Theimo-régulaleurs  automati- 
ques   436 

Thymol 178 

Tinettes  mobiles 766 

Tuyaux  d'égout  732;  —  de 
conduite  des  eaux  ména- 
gènes,  615;  —  d'éveiit„  .   .     640 


u 


Urines  infectieuses 767 


Vaccin,  neutralisation  par  la 
chaleur,  228.  —  Par  l'acide 
sulfureux 247 

Vapeur  d'eau,  son  action  neu- 
tralisante, 427.—  Surchauffée 
des  solutions  salines.  .   .    .     471 

Vapeurs  méphitiques  ;  conden- 
sation, 657;  —  saturation  .     638 


Varioleux;  croûtes.    .    .   .  2f),     363 

Vases  de  nuit 385 

Végétation,  son  action  sur    le 

sol 776,     784 

Ventilation,  27,    302,    403.   — 

Des  cgouts 736 

Vêtements 421,     493 

Vétérinaire  (Désinfection).   .    .     587 
Viandes  suspectes,  599.  —  Tri- 
chinées,   600.  —  Tempéra- 
ture   centrale    des    viandes 

cuites 600 

Vidanges 730 

Vinaigre  des  quatre  voleurs  .     155 

Vinasses 673 

Virus.  — Destruction  des  virus 
par  la  dessiccation ,  78  , 
303.  —  Leur  atténuation  par 

les  désinfectants 223 

Voie  publique  et  voiries  .    .    .     698 
Voitures 523,    721 


w 

Wagons  ayant  servi  au  trans- 
port des  bestiaux  ...       .     589 


ERRATA 


P.  126,  ligne  23,  au  lieu  de  1,613,  ou  16o,7  lisez  1,613  à  +  le-,?. 
P.  258  et  suivanles,  en  tilre,  au  heu.  de  Désinfectants  en  particulier, 
lisez,  Neutralisants  en  particulier. 
P.  478,  au  lieu  de  fig.  74,  lisez  fig.  14. 
P.  508,  au  lieu  de  Art.  V,  lisez  Art.  VI. 
P.  510,  au  lieu  de  Art.  VI,  lisez  Art.  VIL 
P.  522,  au  lieu  de  Art.  VI,  lisez  Art.  VIII. 
P.  525,  au  lieu  de  Art.  VII,  lisez  Art.  IX. 
P.  609,  première  ligne,  au  lieu  de  dentés,  lisez  pentes. 


Soe,  d'imp.  P.  Dupont,  Paris  (Cl.)    194.8.82. 


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